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The Design Talk

#017 - Matali Crasset - "penser pour réinventer l’habitabilité"

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1h33 |19/09/2025
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#017 - Matali Crasset - "penser pour réinventer l’habitabilité"

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1h33 |19/09/2025
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Description

Le design n’est pas une question de style, mais une manière de penser le monde

Dans ce nouvel épisode de The Design Talk, Franck Mallez reçoit Matali Crasset, figure majeure du design français contemporain, mais surtout exploratrice d’usages, d’espaces et de liens.


Formée à l’ENSCI, passée par Starck, Matali a toujours refusé les codes du design de surface pour défendre un design de fond : un design de transformation, de questionnement, de réparation. Elle se dit “designer de l’anthropologie appliquée”. Et tout est là.


Dans cette conversation généreuse, elle revient sur ses débuts dans une famille d’agriculteurs, ses premières créations comme Quand Jim monte à Paris, ses années de collaboration avec Philippe Starck, mais surtout sur sa méthode singulière : partir d’un territoire, d’un usage, d’un collectif, pour inventer une réponse sensible, contextuelle, souvent radicale.


On parle de couleur comme énergie vitale, de scénarios de vie au cœur de ses objets, de ses projets hôteliers hybrides (comme Dar Hi en Tunisie), de son travail dans des lieux inattendus (églises, villages, écoles), de ses engagements pour un design qui libère, qui soigne, qui relie.


Elle évoque aussi ses expositions récentes (La Communauté des cratères, Nos pieds d’argile), qui prolongent sa recherche d’un monde habitable – plus lent, plus doux, plus vivant.


Un épisode profondément inspirant, qui nous invite à repenser ce que peut (et doit) être le design aujourd’hui : un outil de transition, de poésie, d’avenir.




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The Design Talk est produit par Franck Mallez. Fondateur de Yourse.co et de tcrewagency.com , ancien journaliste, et entrepreneur des industries créatives.
https://www.linkedin.com/in/franckmallez/
https://www.instagram.com/franckmallez/
https://www.instagram.com/thedesigntalk.podcast



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    designers, architectes, entrepreneurs, artisans, tous ont en commun une vision, un parcours, une approche du design qui résonne avec notre époque. Alors ici, on parle d'inspiration, de matière, d'innovation, de process, mais aussi de défis, d'échecs et de réussites, tout ce qui façonne finalement chaque projet. The Design Talks est une plongée dans l'univers de ceux qui imaginent, transforment et réinventent notre quotidien. Alors installez-vous, ouvrez grand les oreilles, l'épisode du jour commence maintenant. Allez, on va y aller. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce Design Talk. Aujourd'hui, je reçois une figure majeure du design, même si elle aime décrire son design comme un design mineur par rapport au design majeur, on pourra en parler. En tout cas, c'est une des figures les plus singulières à mes yeux et aux yeux de beaucoup du design. Son œuvre ne se limite pas aux objets, elle travaille à partir de scénarios de vie. Elle interroge nos façons d'habiter, de nous relier et de construire, reconstruire du lien, du commun. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Matalie Crasset. bonjour Matali

  • Speaker #1

    Bonjour, moi aussi je suis heureuse. Je suis designer-euse.

  • Speaker #0

    Design-heureuse, c'est vrai d'ailleurs. J'ai lu ça, designer-euse, j'adore cette façon de te décrire. Alors depuis toujours, tu signes Matali Crasset avec un M à la place du N, et tout en minuscule. Je n'ai jamais lu d'explication. C'est une première question que je vais te poser. Est-ce que c'est un geste symbolique ? D'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Non, ça vient de... J'ai fait des colonies maternelles en fait. Et les enfants, avant de dire le N, disent le M. Et donc, ils m'appelaient Mata Li. Ils ajoutaient même un deuxième, mais je ne l'ai pas gardé. Et petit à petit, dans ma sphère intime, on m'a appelé Matali. Maintenant, je me reconnais beaucoup plus comme ça. Donc, c'est venu petit à petit.

  • Speaker #0

    Ok, aujourd'hui, c'est totalement… ça fait partie de ton… c'est presque un choix créatif aussi.

  • Speaker #1

    Oui, aussi. Puis, le « m » est aussi plus invitant. Ça me représente plus, je crois.

  • Speaker #0

    Ah oui, ok. Alors tu as grandi dans la Marne, dans un village, dans un environnement agricole. Tout à fait. Dans une maison peut-être sans culture design forte.

  • Speaker #1

    Non, c'est une autre culture, ça s'appelle l'agriculture. Oui,

  • Speaker #0

    essentielle évidemment et ça fait partie de plus en plus de tes projets je crois. C'était une maison aussi pleine d'inventivité. Alors, est-ce que cet environnement t'a donné le goût toi aussi d'inventer, de reconstruire, de construire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est plutôt l'extérieur, puisque quand on est enfant et qu'on vit à la campagne, on sort de la maison. Le village est une plateforme de développement, on va de plus en plus loin, on découvre des choses. Et puis quelque part, un bâton un jour peut devenir un piquet de tente, le lendemain ça devient une rame. Donc en fait on invente des histoires, des récits et on joue à échelle 1 en fait c'est à l'échelle du territoire donc c'est un véritable cadeau de pouvoir faire ça quand on est enfant. Oui,

  • Speaker #0

    et c'était parce que j'imagine que toutes les familles n'ont pas la même liberté, ne laissent pas la même liberté aux enfants. Oui,

  • Speaker #1

    il n'y avait pas du tout d'enjeu de sécurité. Non, non, c'était voilà, il y avait peu d'enfants parce que c'est un village de 80 habitants. Donc, en fait, on était deux, trois. Mais j'avais une soeur jumelle et ça change tout.

  • Speaker #0

    et oui et oui tu avais ton binôme Et oui, ça t'a obligé en plus à être très imaginative, d'avoir peu d'enfants autour de toi. Très bien. Oui, d'ailleurs, tu dis qu'enfin, tu avais bien été obligé d'innover, d'expérimenter. C'est le cœur de ta démarche aujourd'hui. Et donc, tu crois que ça a été cette créativité contrainte qui t'a poussé à faire ce que tu fais aujourd'hui, d'une certaine manière ?

  • Speaker #1

    Forcément, il n'y a rien entre ce qu'on a vécu quand on est enfant et ce qu'on fait après en étant adulte. En fait, c'est évident. Après, moi, je ne l'ai pas trop réfléchi. C'est plutôt aussi la relation à la terre que j'essaie de comprendre aujourd'hui. Et d'ailleurs, je viens d'écrire un petit texte qui s'appelle « Je suis née dans la craie » . Qu'est-ce que ça veut dire d'être née dans la craie ? Parce que je suis née dans un village qui est essentiellement dans la terre. Il y a un petit substrat de terre, mais il y a beaucoup de couches calcaires qui sont importantes. Voilà, donc j'essaie de comprendre qu'est-ce que ça veut dire d'être né dans la craie, d'avoir habité une maison de craie au départ. Voilà, toute cette notion-là qui est intéressante pour moi. pour comprendre aussi d'où je viens et sur quoi je peux m'appuyer pour avancer.

  • Speaker #0

    Et notamment, j'ai lu que la craie, évidemment, la couleur, très monochrome, qui se confondait avec le ciel d'hiver parfois.

  • Speaker #1

    Ce n'est même pas moi qui l'ai découvert. C'est en faisant une discussion avec une personne qui connaissait bien mon pays et qui l'avait traversé, en essayant de vendre en plus des objets culturels. Merci. Donc le double challenge qui m'a dit en fait voilà pourquoi tu utilises la couleur. C'est évident en fait. Tu es né dans un pays où c'est blanc la plupart du temps. Voilà où il y a cette espèce de... Voilà donc je pense que c'est pour contrebalancer ça.

  • Speaker #0

    Oui, on reviendra sur évidemment la couleur qui est centrale dans ton travail. Si tu t'étais appelé Stéphane ou si tu avais été un garçon, tu crois que tu aurais fait du design ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'aurais fait du design aussi. Alors peut-être qu'il y a un peu plus de pression sur les garçons dans les villages parce qu'il faut reprendre la ferme en fait. Avec ma sœur Véronique, on n'a pas eu cette pression-là du tout. On a fait… Mais mes parents étaient très, très ouverts, en fait. Sinon, je n'aurais pas pu faire d'école de design de toute façon. Mais voilà. Donc, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    bien évidemment.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. En tout cas, c'est le petit frère qui a repris la ferme. OK. Voilà, on est quatre en tout. Et voilà, les trois autres ont pu choisir leur métier. Mais lui aussi a choisi, en fait, en quelque sorte. Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, tu démarres par un IUT de commerce. Et puis, je crois que c'est lors d'un exercice, d'un TD ou je ne sais pas, où vous devez travailler sur un car, qui était une marque de parfum.

  • Speaker #1

    Oui, alors je ne vais pas directement dans une école de design parce que je ne me sens pas légitime. Je ne suis pas de cette culture-là. Merci. je sais déjà que ça existe. Je me renseigne petit à petit et je ne me sens pas légitime. Je n'ose pas aller faire un concours dans cette direction-là. Donc, je fais un petit peu comme tout le monde. Je suis le chemin. Mais j'avais beaucoup aimé... J'avais au lycée un prof d'économie qui était formidable. Et ils faisaient... Ils étaient en trinôme avec le prof d'histoire et le prof de géographie. Et donc, les cours étaient coordonnés. Et c'était formidable, en fait. Donc, j'ai un peu suivi cette logique en continuant. C'est intéressant aussi parce qu'on essaye de réfléchir aux mécanismes. Oui. Aux mécanismes et quelque part aussi à comment fonctionne la société. Donc, il y a la partie aussi un petit peu sociologique, même si, donc après ces études... Je me suis fortement dégagée de ce... Parce qu'en fait, c'était aussi quelque part devenir, on apprenait à devenir, les gens se transformaient au fur et à mesure autour de moi, en s'habillant différemment, en prenant une posture. Donc je ne me suis pas du tout sentie à l'aise avec ça. Et après, je me suis sentie... J'ai osé essayer de rentrer dans le monde du design.

  • Speaker #0

    Mais tu disais, je ne me sentais pas légitime, mais tu savais déjà que c'était quelque chose qui te touchait ou dans la direction vers laquelle tu avais envie d'aller. Et tu mettais le mot design derrière.

  • Speaker #1

    Non, en fait, je me suis aperçue parce que j'ai des enfants qui sont grands maintenant et qu'ils ont fait un petit stage d'observation en troisième. Et je me suis posé la question, est-ce que ça existait en fait quand j'étais en troisième ? Et oui, ça existait. Et j'ai fait un stage chez un architecte. J'avais complètement oublié. Donc, ça date déjà de la troisième, en fait, mon intérêt. Et je ne sais même pas comment j'avais réussi à trouver un architecte dans ma région, etc. Et en fait, c'est en remémorant le... Pourquoi j'avais oublié, tout simplement, parce que ça avait été une mauvaise expérience. Cet architecte était plutôt issu d'une... Comment dire un milieu social qui n'était pas le mien et donc je me suis dit bah c'est pas c'est pas pour moi

  • Speaker #0

    J'ai remis le désir de devenir créatif créateur avec l'architecture sous la sous la pile et voilà j'ai continué donc ensuite donc ce cet exercice lors de ton de ta première formation supérieure iut de dessiner un flacon de parfum je crois oui c'était un révélateur c'est

  • Speaker #1

    Oui, mais en même temps, c'est juste de comprendre que la matérialisation de la forme, elle est complexe, elle est très complexe et qu'on embarque toute une symbolique. En fait, ça va bien au-delà de l'aspect fonctionnel, surtout pour le flacon. Et voilà. Mais il y a eu plusieurs déclics. Il y a eu ce déclic-là. Et puis, il y a eu surtout la rencontre avec Francis, qui lui aussi voulait faire une école de design. Donc,

  • Speaker #0

    vous étiez étudiants ensemble.

  • Speaker #1

    Et on est parti faire un stage à Berlin. Et là, vraiment, ça a été le passage. Je me suis dit... Et on est allé rencontrer à l'époque des designers dans une ville berlin qui était... pas du tout industrielles, donc c'était plutôt des artistes designers et qui nous ont ouvert vraiment leurs portes. C'était une belle période, c'était très facile de les rencontrer et c'était aussi des artistes entiers, c'est-à-dire que ce n'était pas simplement des designers, souvent ils faisaient partie d'un groupe de musique. Donc il y avait une ambiance à Berlin à cette époque-là, je dois préciser, c'était avant la chute du Mule. et une effervescence créative, qui a en fait, la métamorphose elle s'est fait là puisqu'en fait on a fini par faire un... Un rapport, en fait, un petit rapport ensemble. Et ça s'appelait Blitzkrieg Tech Design. Donc, en fait, on n'a pas du tout parlé. Donc, ça a été aimé, on l'a affirmé. Et voilà, ça a été le passage.

  • Speaker #0

    Ça a été le passage. Et derrière, vous faites tous les deux une école de design ?

  • Speaker #1

    Non, Francis, pas une école de design. Parce qu'en fait, il n'est pas manuel. D'accord. En visitant les ateliers, l'Annecy, les ateliers, s'aperçoit que là... En bas, ce sont que des ateliers, des workshops pour transformer la matière. Et là, il se dit, il y a un truc que je n'avais pas perçu. Donc, en fait, il va continuer un petit bout de chemin plutôt autour de l'art contemporain.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est ton mari et vous travaillez ensemble sur beaucoup de projets, j'imagine. pour en parler. Derrière, tu fais un stage important, je crois, à Milan. Oui. Pour toi, chez Denis Santacara.

  • Speaker #1

    Oui. Alors voilà, j'ai fait d'abord, il faut parler un peu de cette école. Oui. C'est important. On a des bonnes formations en France. Et l'ENSI en fait partie, l'ENSI Les Ateliers. Je me suis vraiment épanouie dans cette école. Il faut comprendre qu'il y a une bienveillance et une générosité pour arriver à trouver son approche. Oui. Donc c'était le paradis. Et j'ai aussi compris que les écoles, ça pouvait être ça. Pas simplement les écoles de création, mais une école pour apprendre, la façon d'apprendre, la façon de nous rendre autonomes, puisque c'est quand même un système pédagogique, un parcours pédagogique qui rend vraiment autonome et très singulier. Et voilà, donc en fait, je suis aussi redevable de cette formation. et qui m'a permis de devenir designer.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    en fait, à la sortie de l'école, je devais couper le cordon parce que c'est une école où on se sent bien. D'ailleurs, on avait du mal à partir à l'étranger. Il n'y avait pas d'Erasmus à l'époque.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    On est quoi dans les années 80 ? Je suis sortie en 89.

  • Speaker #0

    En 99, c'est ça ?

  • Speaker #1

    En 99, 92. Oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, donc pas d'échange.

  • Speaker #1

    comme ça pourrait donc je vois là je me suis dit il faut que je quitte paris parce que je vais rester sur l'école à l'époque valencien l'école on partait un peu quand on était prêt donc des gens restaient sept ans voilà il n'y avait pas de voilà il n'y avait pas de parcours avec c'était de voilà d'avoir trouvé son approche et de voilà donc moi je suis parti au bout de quatre ans et demi et j'ai décidé d'aller voir Milan étant plus dédié bien sûr au mobilier, mais au moins c'est une place où le design compte. J'avais besoin de comprendre ça. En France, c'est un peu plus flou. Il y a des endroits où ça compte et puis il y a des endroits où ça ne compte pas du tout. Donc j'avais besoin de me sentir entourée par des pairs, par une profession, quand on va bien sûr à la foire de design à l'époque. Voilà, on sentait qu'il y avait une discipline qui était là en train de se construire. Voilà, c'était important pour moi.

  • Speaker #0

    Tu as compris pourquoi ? Moi, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi c'était aussi présent à Milan, enfin en Italie en général et à Milan.

  • Speaker #1

    Les Italiens sont assez... Ils ont compris que le design pouvait être une force pour exporter. Ils ont 80% de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Donc, ils ont compris ça. Ce qu'on n'a pas compris en France.

  • Speaker #0

    Et les nordiques, c'est un peu pareil pour toi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Eux, ils l'ont toujours été de toute façon. Ils ont un tout petit pays. Donc en fait, ils sont très dans l'échange.

  • Speaker #0

    Et il y a d'autres pays comme le Japon, où là, il y a peut-être... Alors, c'est peut-être aussi les mêmes ressorts, mais j'ai l'impression que c'est plus lié à l'artisanat et à la culture. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Alors, peut-être aussi, j'ai une explication de Gaetano Pecce. J'ai fait un voyage d'études en... dans un pays du nord, je ne me souviens plus, c'était la Finlande, je crois, avec lui. Et il disait que dans ces pays nordiques, en fait, il y avait une continuité entre ce que faisaient les paysans, c'est-à-dire leurs outils. Et après, petit à petit, ça a été transformé pour faire aussi les outils, on va dire, du quotidien, qui sont les mobilets, etc. Et qu'il n'y avait pas eu de rupture, en fait. C'est une espèce de continuité qu'on n'a pas eu en France. de notions, de statuts qui t'a fait... Oui c'est ça. Voilà, tout à fait, avec...

  • Speaker #0

    Ah c'est de statuts...

  • Speaker #1

    Voilà, qui fait qu'en France on a cette fameuse culture de la distinction. C'est moi qui le dis, hein. Et donc il fallait... Il fallait rompre. Il fallait rompre et il fallait proposer des objets d'exception. Donc ça, bourgeois, voilà, pour statutaire. Et voilà, et donc c'est pourquoi on a eu cette espèce de cassure. Et c'est assez simple en fait à imaginer comme ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant, ok. Donc tu vas à Milan, tu fais ce stage.

  • Speaker #1

    Alors chez Santa Chiara c'est important parce que c'est quelqu'un de très humain, c'est une petite structure. Je ne vois même pas la différence entre être à l'école et être chez lui, donc ça c'est un super cadeau. s'apercevoir que... Parce que quand on sort de l'école, on se dit,

  • Speaker #0

    mais qu'est-ce que je vais arriver à faire et à l'apporter, à composer.

  • Speaker #1

    Dans la vraie vie. C'est quelqu'un dont je lui dois beaucoup aussi. Et il me fait confiance. Pendant un an, c'est une belle aventure.

  • Speaker #0

    Et alors ensuite, c'est Stark. Oui,

  • Speaker #1

    je viens à Paris, je crie trois lettres. Chez Stark, dans une agence, parce qu'en fait, il y a une petite agence quand même. J'essaie à trois, parce que je ne sais pas où le vent me porte. Et chez Stark, j'avais envie de voir comment il arrivait justement à passer d'un projet à l'autre. C'était plus ça que vraiment sa démarche. C'était cette idée de... d'ouverture d'esprit parce que c'est vrai, il a ouvert plein plein de portes pour notre génération, il faut le dire, ce qui n'a pas été le cas des maîtres italiens, qui sont plutôt restés sur le billet,

  • Speaker #0

    sur le luminaire.

  • Speaker #1

    Mais je veux dire, en termes de, voilà, ils ont été très présents. Stark, il a ouvert et surtout, il a utilisé la communication pour montrer que le design existait. Et donc, ça, on ne peut pas lui reprocher, je veux dire, et montrer aussi que ça a une valeur. commerciale. C'est une valeur ajoutée complètement. Donc, je suis arrivée chez Stark et très rapidement, au bout de six mois, il y a un projet qui est arrivé, qui est le projet avec Thomson Multimedia, une grande entreprise faisant ce qu'on appelle les produits bruns, c'est-à-dire à la fois qui gère l'image et le son, qui diffuse plutôt l'image et le son. Et je deviens responsable de ce projet et en même temps du team Tom, donc de 25 designers. Voilà, donc je suis chez Stark, mais en même temps en train de majoritairement m'intéresser à ce projet-là. Donc c'est une belle aventure humaine déjà, oui, de voir aussi une grande entreprise fonctionner de l'intérieur. Donc là, les technolectes que j'avais m'ont quand même un peu servi pour comprendre. de quoi il s'agissait. Et c'est compliqué au départ, parce que le design n'était pas identifié comme une force de proposition.

  • Speaker #0

    Oui, parce que là on est sur la technologie, sur un appareil qui doit être très fort.

  • Speaker #1

    Les Réunions retiennent le lead, mais Stark a cette force de créer des ruptures, on va le dire, et petit à petit, on fonctionne bien ensemble. Et ça a été une très belle aventure, à la fois... de création, mais à la fois une aventure humaine.

  • Speaker #0

    Moi, ça m'avait frappé. Alors, je vais te raconter une petite histoire. Ma maman travaillait chez Thomson. Mais pas du tout dans cette division-là. Elle était ingénieure chez Thomson. Et je pense qu'elle avait dû avoir accès peut-être à certains produits. Oui, on parlait avec la R&D.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et elle avait ramené cette télévision tube cathodique à l'époque. je crois, fait en... avec du bois. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Il s'appelle Jim Nature.

  • Speaker #0

    Voilà, je ne me souviens pas. Mais moi, ce qui m'avait frappé, alors je ne sais pas quel âge j'avais, j'étais un ado tardif, c'était, il y avait une poignée. Et ce truc-là, pour moi, c'était incroyable. Et je trouve que ça résonne très bien avec ce que tu racontes, la manière dont tu travailles sur des scénarios de vie, sur des cas d'usage. Et pour moi, cette télé, alors on n'est pas, on était dans les années 90, mais où on se disait, on peut partir dans notre chambre avec la télé. C'est incroyable. Et ce truc-là m'avait... Frapper, vraiment, c'est pour moi un objet vraiment majeur dans la dizaine récent.

  • Speaker #1

    C'était beau parce qu'en fait, on replaçait quelque part la technologie où elle devait rester. C'était déjà, alors à l'époque, on parlait de domestiquer la technologie. Aujourd'hui, c'est un groupe étonnant. On va peut-être en parler avec Pierre. Mais voilà, on y croyait. Et en fait, on a fait des propositions avec l'équipe. par exemple de Maitoscope où il y avait huit touches mais énormes mais pas plus. C'est à dire on arrête de créer ce qu'on appelait à l'époque des features, c'est à dire pour légitimer un produit en plus, au contraire on va simplifier. Et c'était complètement révolutionnaire à l'époque. On a travaillé aussi sur des plastiques translucides bien avant Apple etc. Donc voilà l'idée c'était vraiment un champ d'expérimentation énorme. Et un cadeau aussi qu'a fait Stark de pouvoir exercer ce métier-là dans ce contexte et avec cette possibilité de bouger les marges.

  • Speaker #0

    Donc ça, ça dure combien de temps ? Quelques années ?

  • Speaker #1

    4 ans chez Samson et 5 ans chez Stark. Donc après le... Je reviens chez Stark et je m'occupe essentiellement pendant six mois de ses expositions. Puis après, je décide de créer mon studio tout simplement.

  • Speaker #0

    Parce que tu te dis, OK, c'est le moment.

  • Speaker #1

    Déjà, j'ai eu un peu de mal. J'ai quitté la famille de Thompson. On était vraiment un team. Et c'était compliqué. Donc, je me suis dit, c'est le moment. C'est le moment ou jamais.

  • Speaker #0

    Génial, on va évidemment creuser tout ça. Mais une question que je pose souvent, comment tu décrirais ton métier d'aujourd'hui à un enfant de 6 ans, 7 ans ? Oui,

  • Speaker #1

    alors moi je m'occupe d'habitabilité. Alors aujourd'hui l'habitabilité, ce n'est pas simplement le bâti, c'est l'habitabilité générale. et il y a beaucoup d'enjeux avec la crise écologique qui est là. Donc, ça touche plein de choses. C'est très général, mais après, on peut prendre des exemples plus particuliers.

  • Speaker #0

    Oui, on va le faire. Génial. Alors, le design comme pensée, c'est vraiment ta manière de travailler. Je trouve ça très logique. Oui,

  • Speaker #1

    je peux te dire comment j'ai petit à petit pensé ça. Mais dès le diplôme, en fait. Parce que le diplôme, je voyais que certains étudiants avaient une espèce de continuité stylistique quand ils faisaient des projets, en passant d'un projet à l'autre, etc. Et moi, je n'étais pas du tout dans ce registre-là. J'ai joué à... on va dire, au maximum l'expérimentation à l'école. Et donc, quand je regardais mon portfolio, je me disais, je ne sais pas ce qu'on va y comprendre. La cohérence. Puisqu'il n'y a pas de cohérence stylistique. Et c'est peut-être le premier regard, c'est la forme qu'on regarde. Donc, ce n'est pas évident. Et ça, on pourra en parler après, quand on travaille. Donc, je me suis dit, moi, ce n'est pas là-dessus que je vais... Je me méfie de la forme, mais aussi parce que, peut-être, Je n'étais pas issue. d'une culture bourgeoise donc voilà donc je n'avais pas de mal à m'en détacher je n'étais pas ici donc ça m'a permis de d'imaginer que ce qui était plus important c'était les rituels et ce qui est commun c'est la façon dont on mange c'est la façon dont voilà on est ensemble plutôt voilà non interagit et c'est ça qui me qui m'intéresse et c'est ça qui va faire en sorte que dès le délai diplôme j'ai fait en fait un projet qui s'appelle la trilogie domestique où Oups. Ce sont certes des objets, mais qui ont, comment dire, qui établissent un petit scénario d'usage. Alors, le scénario d'usage est développé au niveau de l'objet et après, le scénario de vie est développé au niveau de l'espace. Mais déjà, certains objets sont aussi de l'espace. Je peux donner un exemple. Comme Jim Montavari, la première pièce de mobilier que j'ai faite. Puisque j'avais fait ça au niveau de l'objet, je me suis dit que le mobilier, on ne le faisait pas à l'école, parce que ce n'était pas considéré comme de l'objet industriel. Et donc j'ai fait une colonne d'hospitalité qui s'appelle « Quand j'ai monté à Paris » . C'est une colonne qui fait 35 par 35 sur 2 mètres de haut. Et on la bascule. Elle n'a pas trop de forme. Elle est juste une colonne. Enfin,

  • Speaker #0

    plutôt...

  • Speaker #1

    Et après, on l'ouvre et dedans, on découvre... Maintenant que la colonne devient... Le pourtour devient le sommier. Et on découvre un matelas qui se déroule et qui devient une façon de créer un espace d'hospitalité pour un copain que j'ai appelé Jim, quand Jim monte à Paris. Et voilà, avec une petite lampe, un petit réveil matin. On crée un espace. Mais moi, ce qui m'importait, c'était de faire ce geste d'hospitalité. C'était ça. Et ça, je dois dire que c'était complètement extraterrestre. Le mobilier en France ne fonctionnait pas du tout comme ça. On voit bien qu'il n'y a pas de notion de statut. à quoi ressemble l'hospitalité ? Vous voyez ce que je veux dire ? C'est compliqué.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Le fait de lui donner ce nom, c'est-à-dire on raconte l'histoire,

  • Speaker #1

    on est dans une narration. Quand tu racontes, expliques ton métier à un enfant, je dis, quand j'y monte à Paris, c'est le début de l'histoire. Et après, on peut inciter les gens à aller un peu plus loin pour comprendre de quoi il en retourne. Donc, j'ai toujours eu ce... Ce souci, en fait, de tendre la perche, de la compréhension de scénarios, mais c'est récurrent dans mon travail parce qu'aussi, on ne peut pas comprendre l'objet avec une seule image. La plupart du temps, il faut voir la vie qui se déploie avec l'objet. Donc, c'est compliqué, en fait.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu te souviens de ta démarche à l'époque pour créer ce premier objet ? Ce n'était pas une commande ? Ce n'était pas un industriel qui t'a dit ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était en fait le VIA à l'époque qui avait donné des cartes blanches. Mais ce n'est pas cette carte blanche que j'ai fait là, puisque j'ai refait un projet qui était plus en rapport avec la technologie, justement, puisque comme j'étais dans le milieu, ils m'ont proposé de travailler avec la technologie. Mais à l'époque, j'avais pensé pour ça.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, il y a eu une suite à Jim Monta Paris. Oui. Dont j'ai oublié le nom.

  • Speaker #1

    Il y a eu plusieurs suites. Il y a eu quand ? quand...

  • Speaker #0

    Jim se relaxe, non ?

  • Speaker #1

    Ouais, Jim se relaxe et puis il y a quand Jim rencontre Julie. On fait un oreiller où il y a une petite capote intégrée derrière.

  • Speaker #0

    J'adore. C'est génial. Franchement, bravo, c'est top. Alors, toi, tu dis que... Quand tu as un projet, une idée, une envie, d'abord tu consacres 80% de ton énergie et de ton temps à réfléchir, à penser. C'est une forme d'anthropologie.

  • Speaker #1

    Oui, je pense vraiment que le métier c'est le métier. de l'anthropologie appliquée. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Marc Auger. J'ai eu la chance d'échanger avec lui à ce propos et c'est lui qui m'a expliqué qu'il voyait le design comme ça. Et de ce fait, j'étais très, très contente, en fait, puisque l'anthropologie, ça veut dire aussi faire un terrain et de plus en plus se laisser affecter par ce terrain. Donc, on va en reparler peut-être plus sur ce que je fais aujourd'hui, mais c'était déjà là. Et je... Oui, donc je ne vais pas passer du temps à regarder ce que font les autres designers. C'est plutôt du temps à aller au plus profond de moi-même et au plus profond... Et convoquer des sentiments, convoquer... Pour faire ce pas de côté que j'ai toujours fait et proposer quelque chose qui fait sens, bien sûr, avec le contexte, mais qui fait sens aussi avec l'humain. Oui. Qui fait sens... Avec l'idée aussi, quelque part, de réaffirmer certaines valeurs à travers les structures qui sont autour de nous. Et c'est de plus en plus nécessaire, je dois dire.

  • Speaker #0

    Alors prenons peut-être un exemple, si tu veux bien, d'un projet récent. Peut-être Missaigle ? Je ne sais pas si c'est le bon exemple, si tu en as d'autres.

  • Speaker #1

    Peut-être que je vais donner d'où je suis partie. Parce qu'en fait, aujourd'hui, avec la crise écologique, on doit tous se remettre un peu en question dans son propre métier. Je pense que peut-être que je suis naïve et que certains ne le font pas. Il y a une tranche de la population qui ne le fait pas, bien sûr. Et donc, je me suis vraiment questionnée en me disant, est-ce que ce que j'ai fait jusqu'alors tient la route ? Et en fait, je me suis aperçue que ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, qui s'appelait la Trilégie domestique, répondait quelque part assez bizarrement à des explications données par un écologue par un philosophe qui s'appelle arne nice et norvégien et qui est théorise l'écologie profonde alors il dit quoi il dit que l'objet en fait doit avoir trois niveaux de qualité différent parce que c'est comme ça que notre vécu il est plus riche et qu'aujourd'hui on a un peu tendance pas Ça veut dire que ça suppose qu'aujourd'hui, on a plus tendance à travailler avec une espèce de couche qui est superficielle, mais qui ne nourrit pas en termes de vécu. Donc, ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, ça s'appelait donc des diffuseurs. Enfin, il y avait trois diffuseurs et à chaque fois, il y avait ces trois niveaux. Donc, il y avait un diffuseur de lumière, d'image et de mémoire, par exemple. Donc, c'était par exemple, pour citer cet objet, c'était un cube. Il y avait un petit mécanisme qui réagissait, une petite lumière comme une bougie qui réagissait, non pas avec l'air, parce que la bougie réagit avec l'air, mais avec l'ambiance, le sonore de la maison. Et quand on voulait la lumière, c'était une lampe sur pied, comme ça, on mettait une diapositive. La diapositive se projetait sur une des faces, et donc lumière, image et mémoire. En l'occurrence, pour le mémoire, j'avais mis une image de mon grand-père qui venait de disparaître. Donc voilà, c'est ça en fait. Et je me suis dit mais si en fait ce qui est important c'est ça, c'est de comprendre que nous sommes en charge d'apporter cette complexité dans l'objet qui donne la richesse à notre vie. En fait c'est ça, qu'on soit architecte ou qu'on soit designer, c'est la même chose en fait. Et donc je me suis dit que cette richesse elle fait partie d'une une recherche écologique. Vous voyez ce que je veux dire ? à partir de cette sensibilité-là, qu'on va pouvoir, et il faut l'avoir, qu'on va pouvoir aujourd'hui inscrire d'autres projets qui font sens. Mais en déployant aussi d'autres savoir-faire, on va dire. Oui,

  • Speaker #0

    très clair. Oui, mais alors c'est très impressionnant parce que, bon, je n'en ai pas reçu tant que ça des designers. Mais alors là, vraiment, tu es totalement à part. Tu te sens très à part ou pas dans ta petite consoeur ?

  • Speaker #1

    Je ne me réflec pas comme ça. Non, bien sûr. Je fais un peu, je veux dire, moi, je fais mon petit bonhomme de chemin. L'important, c'est de... Je ne sais pas comment dire, je pense que le design français a cette chance de pouvoir porter plein de personnalités différentes. On n'arrive pas à donner une caractéristique principale et moi je pense que plutôt que d'essayer de regrouper sous un label ou une définition commune, ça serait plutôt l'idée d'expliquer les différences entre chacun d'entre nous. Puisque le design, contrairement à ce qu'on a, comment on l'a utilisé au siècle dernier, qui a eu tendance à uniformiser, voilà, aujourd'hui, il doit ramener de la diversité dans le monde d'aujourd'hui. Donc, en fait, c'est ça. Donc, en fait, on a énormément d'atouts en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Le seul bémol, c'est qu'on n'utilise pas le design comme une force politique aujourd'hui. On pourrait l'utiliser comme une force politique.

  • Speaker #0

    Alors justement, on va y venir un petit peu. C'est vrai que le design au siècle dernier s'était standardisé. C'était aussi marquer les différences sociales. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait.

  • Speaker #0

    L'exemple des accoudoirs, l'interessance,

  • Speaker #1

    quand tu en parles. Oui, mais en fait, j'ai eu cette intuition. alors c'est aussi Comment je fonctionne en fait ? Quelque part, j'avais refusé de faire des canapés parce que je me disais que ça prend énormément de place. En fait, je voyais déjà le fait que c'était un objet statutaire, donc ne voulant pas m'inscrire dans cette notion de statut. Donc le premier canapé que j'ai fait, c'est un canapé en morceaux, en fait, qu'on peut désolidariser pour pouvoir utiliser. Il y en a un autre qui s'est appelé Permit Bay. permis de construire. C'était vraiment là l'idée de faire avec des modules pour que les enfants puissent l'utiliser pour faire des cabanes. Ça marche très bien. Donc, remettre en question ces structures qu'on a héritées et qui, aujourd'hui, ne nous servent pas. On n'a pas mérité ça. Et pourtant, chez 90% des gens, je sais, la canapé, là, ça devient des canapés énormes. Donc, j'ai recueilli A l'époque, j'ai complètement refusé de dessiner cet objet. Je pense que ce n'était pas la bonne structure pour vivre. Et à un moment donné, on me demande quand même de dessiner un fauteuil. Donc, je réfléchis et je fais un fauteuil qui, au lieu de porter le bras, au contraire, sans accoudoir, mais plus que ça, va proposer d'aller à l'intérieur du confort pour avoir une position De lâcher prise, puisqu'en fait, si on veut se peser, voilà, voilà. Et je m'aperçois qu'en fait, la coudoir, ce n'est pas du tout un bon ingrédient. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il n'est pas ergonomique.

  • Speaker #1

    Il n'est pas ergonomique, c'est-à-dire que quand on a mal au dos, on nous dit de baisser les épaules, pour le fameux triangle. Et voilà. Et donc, intuitivement, j'avais remis en cause cet accoudoir. Et puis, en relisant un petit peu l'histoire du mobilier, je me suis aperçue que l'accoudoir est arrivé comment ? Il est arrivé pour faire la différence entre ceux qui avaient une chaise et ceux qui n'avaient une chaise normale et une espèce de chaise avec des accoudoirs. Et qui avait la chaise avec l'accoudoir ? C'était le maître qui avait au bout de la table, il avait les accoudoirs pour montrer son statut. Et je me suis dit, les choses se tiennent en fait, c'est assez simple. Donc, intuitivement, j'avais ressenti que ce n'était pas la bonne structure.

  • Speaker #0

    Et donc, dans l'objet que tu as créé, tu avais un repose ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les mains venaient se poser dans un creux, dans la ciselle, un peu plus large.

  • Speaker #0

    Intéressant. C'était pour quelle exposition ?

  • Speaker #1

    C'était pour une exposition à Milan et ça a été à l'époque. produit par une entreprise, édité par Félix Chéreux. D'accord,

  • Speaker #0

    d'accord, d'accord. Ok. Je voudrais bien qu'on revienne sur les rituels. et aussi sur les symboles. Tu dis finalement, on a oublié ces symboles. Et sans les symboles, on conceptualise moins bien sa pensée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est surtout qu'en fait, l'humain, quand il a évolué, il s'est toujours équilibré avec deux choses. Un, il a créé les outils. Et deux, il a créé en parallèle les symboles. Et en fait, aujourd'hui, on s'aperçoit... Et c'est cet équilibre qui fait qu'on a avancé, qu'on s'est Et c'est pourquoi l'IA est un peu inquiétante aujourd'hui, inquiétante comme technologie, parce que si à un moment donné, on vient fragiliser cet équilibre, et donc on avance plus du côté des outils, parce qu'on pourrait dire que c'est l'outil d'aujourd'hui, ça met en péril cette espèce d'équilibre et de stabilité au niveau de notre façon de fonctionner.

  • Speaker #0

    Et même de penser, de conceptualiser.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'avoir une capacité d'analyse, de conceptualiser,

  • Speaker #1

    d'être très abstrait,

  • Speaker #0

    etc. Alors l'IA justement, parlons-en, vous avez prévu d'en parler un petit peu plus tard, mais c'est intéressant. Bon, l'IA est un outil. ultra puissant en apparence, mais qui simplifie beaucoup. Comment tu le vis, toi ? Tu l'utilises ? Non,

  • Speaker #1

    moi, je ne l'utilise pas parce que je n'ai pas fait l'effort de savoir comment m'approprier cet outil pour l'instant. Il faut du temps, il faut y réfléchir. Et puis, ce que je vois arriver, alors j'ai eu deux cas où les gens sont venus en me disant, j'ai posé la question, voilà, deux personnes qui sont venues me trouver, ça donne ça. Et c'était beau, en fait, stylistiquement, on va dire, mais c'était complètement aberrant au niveau de ce que ça proposait. Donc, puisque l'IA ne prend que des solutions existantes, il y a eu une espèce de boulega avec ça. Donc, ça m'a rassurée en même temps en me disant qu'il y avait quand même encore la possibilité de bien réfléchir. Et voilà, j'en suis là. Je pense que c'est comme la technologie, ça dépend comment on l'utilise en fait. Mais comme c'est tellement puissant, il faut qu'on soit doublement vigile.

  • Speaker #0

    Parlons un peu de l'ancrage. Tu dis pour faire un projet, il faut être ancré. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on a... Justement un peu comme l'anthropologue, il fait son terrain, il analyse, il faut être en connaissance de cause. Et on a un peu tendance à être hors sol en fait, c'est-à-dire ne pas prendre en considération toutes les données et surtout les données du vivant tout simplement. L'ancrage ça permet ça, ça permet de retrouver notre aspect sensible avant tout ça. puisqu'en fait, on s'aperçoit que si on a un lien et si on a un attachement... avec ce qui nous entoure, on va peut-être réfléchir un peu différemment. C'est-à-dire, on va se battre, par exemple, pour défendre ce qui est autour de nous. Mais cette sensibilité pour ce qui est autour devrait être développée au niveau général. Mais il faut déjà être ancré quelque part. Ça ne veut pas dire être ancré soi-même aussi, parce qu'on ne peut pas tous le faire. C'est compliqué. On est très citadins. Donc c'est compliqué de s'ancrer Mais on peut se Je dois dire s'ancrer par procuration Tout simplement Prendre le temps D'aller sur place De rencontrer les gens De voir des communautés agissantes Des communautés en action Et de se dire là il se passe quelque chose Il y a un équilibre Si je parle de communauté c'est très important pour moi Parce qu'en fait quand on ... Quand on est passé de la communauté à la société, on a perdu des choses en chemin. Donc cette façon de revenir à l'échelle de la communauté est importante parce qu'elle nous permet de comprendre ce qui s'y joue, de comprendre les interrelations, de faire confiance aussi, parce qu'il y a cette notion-là qui est très importante dans la communauté. On va déléguer à l'autre puisqu'on lui fait confiance tout simplement et qu'on ne peut pas tout faire. Voilà, donc cette confiance, elle est aussi majeure aujourd'hui. Et donc, on peut s'ancrer comme ça par procuration et ça nous répare en fait, parce qu'on a besoin d'être réparé. Je pense que le souci, c'est ça aujourd'hui. C'est comment arriver à se lever le matin et se dire, voilà, par quoi je commence ? Comment j'évolue ? Et ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est que ça demande énormément. Ça demande énormément de pensée pour bifurquer. Il n'y a pas de côté. Il y a des métiers qui sont très faciles. Pour lesquels ? Pour lesquels c'est très facile. Moi, j'ai un métier, à chaque fois que je change de projet, je peux influer sur la réponse que je vais donner. Convoquer les choses que je veux, convoquer.

  • Speaker #0

    Oui, mais parce que tu as cette démarche-là,

  • Speaker #1

    toujours. Les designers ne le font pas, mais en tout cas, moi, je le vois comme ça. Et je vois bien que pour d'autres métiers, ce n'est pas possible. Donc, c'est pourquoi il y a aussi des gens qui ont bifurqué. Il y a beaucoup de gens qui bifurquent et qui essayent de trouver des endroits. Voilà, pour être, pour n'être plus en dissonance en fait. On ne peut pas vivre longtemps en dissonance avec à la fois son milieu, avec son métier. Ça fait mal et enfin... Bien sûr,

  • Speaker #0

    je voudrais prendre un exemple concret. d'une manière dont tu t'es ancrée pour un projet de procuration. Un projet dont on a parlé ici dans un autre épisode, où j'ai reçu Patrick Elouargui, associé à Philippe Chapelet. On crée un certain nombre de lieux d'hospitalité, très expérimentaux à l'époque, en commençant par le E-Hotel à Nice. Mais je voudrais parler de Dar-Y, en Tunisie. Parce que c'est très loin de ta culture, c'est très loin de la France. c'est un environnement, on est dans le sud tunisien assez aride, désertique le désert donc c'est à Nefta qui est une oasis et où là Philippe Chaplet et Patrick ont décidé de créer un lieu d'hospitalité,

  • Speaker #1

    je n'ai même pas envie de dire un hôtel c'est une retraite comment, alors vous vous connaissez depuis longtemps on peut peut-être parler de cette rencontre avec Patrick et Philippe parce que c'est aussi des faits dans mon parcours. J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui croyaient aussi au fait de générer des lieux qui n'existent pas, expérimenter, se donner les moyens de faire des choses contemporaines. C'est important parce que ce n'est pas si diffus. Ils n'étaient pas hôteliers, ils avaient eu une expérience, ils étaient plutôt tombés amoureux d'un château, ils l'avaient transformé en hôtel et puis... à un moment donné se sont dit on va faire quelque chose voilà qui nous ressemble qui soit contemporain ils ont regardé un petit peu les démarches de chacun et j'ai vu arriver chez moi ces deux ces deux jeunes gens on avait à peu près le même âge moi j'avais pas fait grand chose j'avais plutôt fait de l'objet d'ailleurs j'avais pas fait d'espace mais j'avais une expo à l'époque et mais mais qui était complètement... complètement expérimental alors je me suis dit ressort de l'expo c'était aussi un peu en ayant compris quelque chose voilà mais je voilà je me suis dit c'est le meilleur moyen de savoir si on va faire un petit bout de chemin ensemble et voilà donc ils ont regardé l'expo et ils y ont vu justement ces scénarii voilà et un hôtel c'est ça aussi quelque part l'hospitalité là voilà c'est essentiellement des scénarii. cette collaboration qui dure depuis maintenant un certain nombre d'années, on va pas dire. Et de partage, d'émerveillement, de découverte. Et donc pour la Tunisie c'est d'autant plus beau que Patrick est originaire en fait, enfin son papa était tunisien, sa maman espagnole et lui est français. Donc il se dit à un moment donné je vais construire quelque chose de contemporain en Tunisie. Et montrer qu'on peut faire un autre type de lieu pour accueillir, qui n'est pas ces hôtels où on a 200 chambres. Et donc le principe, et c'est leur choix, c'était de se dire on ne va pas se mettre en bord de mer, puisque ça appelle déjà nous, non le désert, c'est plus introspectif. On va se mettre à l'échelle d'une petite ville pour voir comment on vit dans cette ville, pour voir descendre, regarder, etc. Et surtout la palme. qui est quand même un écosystème très intéressant et c'est là que je découvre aussi un peu comment ça fonctionne le fait que comment l'homme a besoin de la palmerie la palmerie a besoin de l'homme en quelque sorte cette espèce de voilà d'interdépendance qui est très belle et aussi le fait que là bas il n'y a rien il ya presque rien Et donc, on va savoir utiliser tous les éléments. Je prends l'exemple du palmier. Le palmier, on va utiliser les racines pour faire des décoctions. On va utiliser la peau, pardon, l'écorce. On va utiliser le tronc, on va utiliser les branches, on va utiliser les feuilles. Tout est utilisé. Et ça, c'est quelque part, comment dire, un exemple très important par rapport à ce qu'on doit faire aujourd'hui. c'est-à-dire ne pas prendre des éléments de la nature, d'en prendre simplement un petit morceau. qui nous intéresse et puis on va jeter le reste on sait pas trop quoi faire et donc c'est quelque part une espèce de société frugale que qu'on ferait bien de regarder un peu plus déjà prendre que ce qui est sur place. Et c'est aussi un peu comme ça qu'on a construit le lieu. On a travaillé bien sûr avec des Tunisiens. C'est important parce qu'en travaillant, on a en plus une connaissance plus fine de la culture. Et voilà, donc de rien importer, de faire tout avec les savoir-faire et les produits. Les matières disponibles, voilà. Et essayer de proposer de venir se poser là pour à la fois découvrir une culture, découvrir l'oasis. L'oasis qui aussi est un peu fragilisé puisque c'est la corbeille d'origine et qu'après, bien sûr, ils ont construit des palmeries intensives. Voilà, et donc cette partie... première en fait, elle est plus trop productive. Donc voilà, il y a une... Donc aussi avec cette idée de dire, il faut absolument faire en sorte qu'elle soit... prendre soin aussi de la... Voilà, avec un projet qui s'appelle le PAMLAB, qui avait cet enjeu de regarder comment on peut la protéger et pourquoi pas la faire revivre.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un exemple très... Très représentatif de l'approche que j'ai compris de ton travail, de l'ancrage. Oui, tout à fait. On prend le temps de compte de ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est grâce à Patrick, parce qu'en fait, il nous a complètement ouverts. Alors, on a fait des... On a découvert tout le sud tunisien, parce qu'on a recherché l'endroit. Ils ont recherché l'endroit. Ça a été un peu long. Ah oui,

  • Speaker #0

    ils n'avaient pas encore trouvé l'endroit ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on a fait plusieurs voyages, en fait. C'était en famille, d'ailleurs. C'était beau et on s'est immergés. Je me suis immergée parce que je ne connaissais pas cette culture. À Nefla, il y a du soufisme aussi. Donc, il y a une culture qui est restée assez forte, contrairement à d'autres endroits. Voilà, donc c'est un endroit qu'ils ont bien choisi justement, puisque c'est eux qui ont choisi, c'est Patrick et Philippe qui ont choisi le lieu. Ils ont bien choisi le lieu pour arriver à comprendre justement la culture tunisienne. Voilà. Et ça a été une belle aventure. C'était compliqué, on ne va pas le dire.

  • Speaker #0

    En plus, avec la révolution tunisienne,

  • Speaker #1

    le Covid.

  • Speaker #0

    C'était juste avant le Covid, je crois. Juste avant le Covid qu'ils ont ouvert.

  • Speaker #1

    On l'a ouvert et ça a été la révolution. Donc, en fait, on était en train de se demander, mais comment on va mettre le portrait ? Parce qu'on est obligé en tant que...

  • Speaker #0

    L'établissement tunisien.

  • Speaker #1

    De mettre le portrait de Ben Ali. Et en fait, on n'a pas eu à le mettre. Pas eu à le mettre.

  • Speaker #0

    2011, boum, plus de bien-amis.

  • Speaker #1

    On voulait plus ou moins faire une interprétation, etc. Parce qu'on n'était pas tout à fait en accord avec ce qu'ils proposaient. Et voilà. Mais ce qui a été assez intéressant, c'est qu'ils ont laissé faire parce qu'ils ne comprenaient pas du tout. Ils avaient comme schéma les hôtels à 300. Alors là, comme c'est tout petit. Voilà, alors à l'époque on n'avait pas le droit d'avoir une chambre d'hôte, c'est-à-dire que les Tunisiens ne pouvaient pas recevoir des étrangers chez eux, donc on n'était pas chambre d'hôte, on ne l'est pas. Donc c'était de toute façon, comme Patrick et Philippe l'ont toujours fait, des projets hybrides, parce qu'ils ne prennent que le meilleur et ils repoussent en fait ceux qu'ils n'ont pas envie de faire.

  • Speaker #0

    extra et alors ça vraiment aussi un exemple de design global parce que donc de Tu as travaillé sur l'espace, tu as travaillé sur les objets, mais aussi sur l'impact sur la communauté locale, donc les gens qui travaillent, etc. La gastronomie, l'alimentation.

  • Speaker #1

    Après, on s'entoure d'un écosystème, je ne sais pas comment l'appeler, parce que c'est plus d'une communauté, on va appeler ça une communauté. Puisque depuis le e-hotel, il y a une véritable communauté autour de Patrick et Philippe. qui sont des curieux en fait. On essaie de comprendre ce qu'on se disait. En fait, on a commencé le Yotel en se disant ce qu'on ne veut pas. C'était plus simple. On ne veut pas ça. Et puis après, il n'y a pas tellement d'idées de faire des espèces de plans. C'est plutôt du ressenti, des sensations. Et à un moment donné, on s'est dit, quand on regarde un petit peu le Yotel avec du recul, on s'est dit, le plus intéressant, c'est de parler aux curieux. Les curieux, ils vont être curieux de l'autre. Ils vont être curieux au niveau culinaire, ils vont être curieux de la ville de Nice. Ils vont aller voir, parce que ce n'est pas l'idée de faire des hôtels et de garder les gens dans les chambres. Même si la chambre, il y avait neuf expériences différentes, il y avait quand même quelque chose à comprendre à l'intérieur de la chambre et à expérimenter. Mais ce n'est pas du tout ça. C'est la vie, c'est l'activité, c'est l'idée d'aller voir des expos. Et donc, voilà, cet ingrédient, comment on capte les curieux, c'est essentiel. Parce qu'après, la vie de l'hôtel, la vie du lieu que tu fais, elle va être formidable. Parce qu'en fait, c'est...

  • Speaker #0

    Oui, donc, oui, tu vas forcément favoriser une chambre.

  • Speaker #1

    Voilà, ou en tout cas, dès le départ, faire en sorte que tu ne joues pas un rôle. Et c'est pour ça que... Tout a de l'importance. Ne pas aller chercher la valise de la personne en lui disant d'un côté il y a ceux qui servent, de l'autre côté il y a ceux qui sont reçus. Non, ce n'est pas ça l'idée. L'idée c'est de passer un bon moment d'égal à égal et de pouvoir accueillir. et de désamorcer ce qu'on peut être ailleurs pour pouvoir être ouvert à connaître quelque chose d'autre. C'est un long mécanisme et c'est ça qui est assez compliqué à établir, mais c'est très beau parce qu'en fait ça se traduit dans tout. Dès l'entrée de la porte, même à l'extérieur, la façon dont tu vas là, comment tu reçois les gens, qu'est-ce que tu leur donnes à voir, qu'est-ce que tu leur donnes à expérimenter, jusqu'où aller dans l'expérimentation pour ne pas les perdre complètement, mais en même temps, et faire en sorte que quelque part en ressortant du lieu, il y ait eu un peu une espèce de révélation. quelquefois micro-révélations.

  • Speaker #0

    Il y a un impact.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, après, il y avait aussi neuf concepts de chambres avec un certain nombre d'expérimentations un peu différentes. Il y avait aussi l'idée de pouvoir choisir. Jusqu'où on voulait aller dans l'expérimentation. Et ça, ça a été formidable de pouvoir faire ça. Et c'est vrai que tous les hôteliers sont venus voir l'hôtel, en cachette, la plupart. C'est une influence forte.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ça a fait... Alors, je ne sais pas si c'est ce projet-là, mais en tout cas, c'était clairement inscrit. Alors, ça ne va pas assez loin encore, mais je trouve qu'aujourd'hui, on trouve des lieux d'expérience peut-être pas aussi radicaux que celui-là, mais de plus en plus, heureusement, où on vient quand même de loin d'une standardisation.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, on disait, tu peux dormir là ou dormir là, c'est la même chose. Alors, c'était complètement... Nier le vécu, vous voyez ? Tu vois, pardon. Voilà, voilà. Donc, voilà. C'était hallucinant. On était rendu au niveau de l'hospitalité.

  • Speaker #0

    Les hôtels de chaîne où on standardisait tout. Et soi-disant, ça rassurait le client. En réalité, ça gommait toute envie de...

  • Speaker #1

    Donc en fait, c'est dire, tu restes dans cette chambre, tu ne vis pas. Tu passes une petite nuit sans vivre. Et puis après, tu n'auras aucun souvenir. Tu n'auras... Regarde la télé, en plus, ça va te permettre de...

  • Speaker #0

    De rester comme chez toi. alors d'ailleurs tiens ça me permet de parler de la notion de cocon trop oui puisque finalement si on est dans un cocon on reste dans son cocon et puis on se replie sur sa certitude et c'est ce qui arrive aujourd'hui et donc c'est vrai que l'intérieur des maisons a beaucoup été décrit comme

  • Speaker #1

    des cocons donc c'est un peu mon deuxième deuxième combat après les canapés c'est les cocons c'est la façon d'identifier la maison comme alors bien sûr on a besoin d'un toit ça c'est une je ne lis pas parce qu'on peut pas se projeter si on n'a pas de toi on peut pas parler de projet de vie ou quoi que ce soit si on n'a pas de toit donc ça c'est essentiel mais ça veut pas dire qu' il faut se surprotéger et on est allé quelque part trop loin dans le confort si aujourd'hui on n'arrive pas à le aller un petit peu en arrière en termes de confort parce que c'est ce c'est le sujet actuel c'est à dire au niveau d'électricité au niveau de tout voilà c'est que Donc voilà, on a été en fait embrigaillés dans cette idée que le confort c'est... c'est la chose optimum de notre développement, alors que ce n'est pas du tout ça. Donc, il faut remettre en question cette notion de confort. Et donc, je le fais dans les objets que je dessine, mais aussi dans les expositions. J'avais fait une exposition à Toulouse, puisque j'avais été invitée à être l'artiste. invitée justement pour la session du nouveau printemps. Et j'ai fait un projet qui s'appelle les polypores mangeurs de confort. Donc, c'est en fait une petite maquette avec des maisons. Et dessus est accroché un champignon. Et les polypores, vous savez, c'est les champignons un peu larges qu'on trouve sur les...

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et donc, ils ont la capacité... polypores de manger l'intérieur de l'arbre en fait et ils ressortent la matière à l'extérieur et donc j'ai imaginé un polypore mangeur de confort qui est là et qui crée des structures d'abri à l'extérieur pour faire en sorte que les gens se retrouvent à l'extérieur sortent de leur petit intérieur confortable et venir débattre des questions actuelles puisque c'est un peu l'enjeu tous ensemble, plutôt que de rester entre soi et autour de ses certitudes. Ça va de pair. Si on est surprotégé, on va de plus en plus chercher à ne rien bouger. J'ai toujours compris que cette idée d'activité dans l'espace intérieur, et c'est pour ça que j'ai fait chaque fois des espaces évolutifs, si on n'est pas actif à la maison. On ne va pas être extérieur pour son quartier, pour l'évolution du commun, etc. C'est assez sûr.

  • Speaker #0

    Donc, c'est en fait, oui, tu dis, on vit, on est à l'extérieur comme on est chez soi. Donc, si on est replié sur soi. Chez soi, parce qu'on est dans un ultra confort et qu'on sera pareil à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    On ne va pas échanger.

  • Speaker #1

    Et ça, depuis 30 ans, je travaille sur ces notions-là. Alors là, ça devient...

  • Speaker #0

    Prégnant et essentiel, vital. Depuis la crise sanitaire encore plus, où on a... Pour certains, oublier le lien social. Ça me permet de parler de la couleur, qui est centrale dans ton travail. Mais c'est aussi assez marquant de voir que, et moi le premier... parfois je me dis je vais pas oser dans les couleurs que je vais mettre sur mes murs je vais rester dans des camaïeux dans des tons qui vont me donner l'impression d'être dans le bon goût dans la tendance raconte-nous un peu.

  • Speaker #1

    Oui alors la couleur c'est un plaisir en fait donc on l'a on l'utilise quand on est petit assez librement puis d'un seul coup on vient nous dire maintenant c'est une question d'experts en fait donc On va vous donner des tendances. Et donc, comme ça, ça a été pour moi un gros problème. Parce qu'en fait, on doit continuer à avoir une relation à la couleur. C'est un plaisir, en fait. Et donc, pourquoi ? Parce que la couleur, c'est la vie, tout simplement. Et donc, si on s'interdit la couleur, ça veut dire qu'on s'interdit de vivre. C'est aussi simple que ça. Et moi, je l'ai vraiment compris en voyageant. J'ai beaucoup voyagé, ce que je ne fais plus maintenant. Et par exemple, je suis allée au Mexique, je suis allée dans un endroit très pauvre. Et comme par hasard, il y avait énormément de couleurs et il y avait les yeux qui scintillaient. C'est-à-dire qu'ils avaient beau être les plus pauvres, ils s'entouraient de couleurs. Parce que ça aide, ça répare, je peux dire encore une fois. Et ça soutient la couleur et ça soutient la vie tout simplement. Donc voilà, c'est un support pour la vie. Je ne l'ai jamais évoqué comme ça, mais voilà, c'est important. Et c'est pour ça que je me bats en fait. Et dans notre culture, justement, et c'est aussi lié très fortement au statut, on s'interdit la couleur à un moment donné pour faire des différences, je ne sais pas, pour se positionner. Mais pour moi,

  • Speaker #0

    c'est... Pour niveler un petit peu ?

  • Speaker #1

    On s'interdit de vivre. Moi, c'est aussi simple que ça. Je pense qu'on s'interdit par la même de vivre. de s'épanouir, etc.

  • Speaker #0

    Et le système marchand contribue à nous pousser dans cette direction-là, qui est de t'expliquer que c'est l'année du

  • Speaker #1

    BF. Oui, ça c'est notre système capitaliste qui trouve des moyens de faire marcher la machine, tout simplement.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on parle un petit peu de ton actualité et de tes moyens d'expression, ils sont multiples on l'a vu. Il y a la création de l'objet, il y a le travail sur l'espace, les expos et même maintenant l'écriture. Parle-nous un peu de la communauté des cratères qui est à la fois une expo et une fantaisie.

  • Speaker #1

    Justement, toujours dans cette remise en cause, les choses s'aggravent quand même et on voit qu'il y a un certain immobilisme. et donc je me suis dit je vais poser le crayon je ne dessine plus je pense plus même aux objets et aux espaces un petit peu pour pour faire le point est bizarrement est venue l'écriture alors je suis pas du tout de l'écriture enfin je fais des textes bien sûr autour de mes projets mais voilà et presse je mettais à terme énormément je lis beaucoup de philosophes d'écologie je pense que c'est à ce niveau là qu'il faut être pour arriver à justement créer un corps qui fait qu'à un moment donné quand je vais avoir une demande je vais pouvoir aller chez au ché convoquer des choses donc ça c'est essentiel donc et on a la chance d'avoir beaucoup en france de philosophes écologues qui peuvent vraiment nous aider donc il faut en profiter et ça demande mais il faut le faire et voilà on n'est pas tout seul on est voilà il ya une système de pensée qui a reconfiguré donc voilà Il faut s'y attaquer tout simplement, personnellement, mais aussi en groupe. Il y a plein de choses qui se passent en groupe aussi, on peut réfléchir ensemble. Et donc est venue une première fantaisie. Alors pourquoi je n'étais pas légitime ? Parce que déjà, je ne me sentais pas légitime parce que je n'avais pas trouvé la forme. Or la fantaisie, c'est un peu permettre de mettre tout ce que j'ai dans la tête, c'est-à-dire à la fois des réflexions. sur ce que pourrait être le futur et se projeter tout simplement. C'est à la fois des petits constats sur la société et c'est à la fois des choses intimes, d'où je viens, pourquoi je pense ça, etc. Tout mélangé autour d'un récit. Et donc la première fantaisie que j'ai faite s'appelle La communauté des cratères, où j'imagine une communauté qui pourrait exister. Ce n'est pas tellement prospectif, de gens qui vont s'installer dans les carrières puisqu'on a plein de carrières désaffectées en France et que bien sûr on entend beaucoup parler d'extractivisme, du renouveau de l'extractivisme voilà c'était bien avant que Trump we gonna drill baby drill c'était bien avant c'était avant en tout cas et ça redevient d'actualité et en pensant que Ces gens, ils vont transformer la carrière en cratère, c'est-à-dire retrouver la terre, retrouver le contact avec la terre, mais aussi réparer ces lieux. En fait, contrairement à certaines communautés qui sont allées déjà quand est arrivé les usines et les travaux un petit peu compliqués, répétitifs, ils ont décidé de faire des communautés dans les forêts. Ils étaient presque dans une forêt primaire, on va dire, ou pas primaire, mais en tout cas, il n'y avait pas de forêt primaire. Mais en tout cas, il restait de la nature. Alors aujourd'hui, notre environnement, il est abîmé. Donc en fait, la carrière, elle représente ça, puisqu'on a des déchets à l'intérieur. Et donc, voilà.

  • Speaker #0

    Oui, parce que traditionnellement, la carrière, c'est un lieu où on...

  • Speaker #1

    Voilà, le BTP a venu poser... ces déchets sans que personne ne s'y intéresse, etc. Donc, voilà. Et donc, là, l'enjeu, c'est aussi de faire redonner la place à la nature, mais aussi, qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? Qu'est-ce que... Voilà. Et donc, ça me paraissait une bonne analogie par rapport... Enfin, en tout cas, une bonne situation pour parler de ce monde abîmé et de comment faire, par quoi le prendre, en fait. Et les carrières, il y en a partout. Voilà, ça permet de s'ancrer, on en a parlé avant. Et voilà, donc j'ai créé cette petite fantaisie. Et en convoquant aussi, parce que je me suis dit, oui, tu proposes que ces gens redeviennent plus proches de la Terre, mais toi, quel est ton rapport à la Terre ? Donc c'est là que j'ai commencé à réfléchir sur l'idée d'être né dans la craie, qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, et de proposer aussi ce chemin de réflexion autour d'où je viens.

  • Speaker #0

    Donc, c'est à la fois un texte, une fantaisie, une expo qui a eu lieu.

  • Speaker #1

    C'est une expo après. Voilà. Je me disais que c'était une nouvelle forme et que j'ai été invitée dans ce merveilleux lieu qui s'appelle le Transpo, qui est le lieu culturel d'Emmaüs Solidarité.

  • Speaker #0

    Oui. Dans le dixième à Paris.

  • Speaker #1

    Voilà. C'est très beau parce qu'en fait, c'est un lieu de résidence. Donc, voilà, c'est des résidences d'à peu près un an, deux ans. Ce n'est pas des résidences où c'est au jour le jour. mais Et donc, c'est vraiment un outil de médiation aussi. Ce sont les résidents qui font visiter l'expo. C'est aussi avec certains résidents qu'on va construire l'expo. Donc, c'est complètement différent de faire une expo là ou dans une galerie d'art. Et je dois dire que j'ai trouvé le rôle de l'art, en fait, dans ce lieu, complètement à sa place. Et vraiment, peut-être, voilà, ça m'a ouvert les yeux sur ça aussi. c'est à dire que ça Ça permet d'agir, en fait. Ça a une force de proposition. Et voilà, donc, ça a été très, très beau de proposer une mise en forme, en fait, de cette communauté, la communauté Emmaüs, invitant la communauté des cratères à s'installer chez eux. L'idée c'est aussi d'aller investir les lieux, donc la façade. J'ai dessiné le cratère qui se voit un peu subtilement, parce que la façade est très belle, c'est une sous-station métallique. Je me suis mis juste dans les interstices pour la première lecture, la présentation de cette communauté dans un premier temps. Après, une espèce de petit feu symbolique où on peut s'asseoir, puisque c'est l'endroit de l'accueil où les résidents s'assoient, etc. Donc, j'ai juste rajouté un petit feu avec une couverture. Et puis, un cratère qui vient démontrer qu'il y a l'humain au centre. Le cratère est contenant de l'humain et quelque part, le cratère, en devenant... Le cratère, c'est un peu le nombril. Oui, c'est vrai. C'est une façon aussi de se rapprocher de la terre-mer qu'on a oubliée et de remontrer que c'est l'humain qui va nous permettre, c'est notre interaction qui va permettre de dépasser tout ça.

  • Speaker #0

    Et seconde fantaisie, les terriblements.

  • Speaker #1

    Donc c'est les tremblements, c'est pas les soulèvements, c'est les tremblements de la terre. Et c'est une petite fantaisie qui part du principe de dire que... les maisons commencent à se fendiller, à se craqueler. Ça crée une angoisse énorme, puisque là encore, la maison protège. Et c'est un peu comme si, quelque part, la terre venait se rappeler à nous, dans ce qu'on a le plus cher, notre maison.

  • Speaker #0

    Le lieu le plus sécurisant.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un peu l'idée de départ. Mais après, comment on arrive à faire en sorte d'accepter ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    que cette manifestation, plutôt que de devenir anxogène, comment quelque part ça pourrait... donner une occasion là encore de se rapprocher de la Terre et de changer d'attitude par rapport à elle.

  • Speaker #0

    Très intéressant. Est-ce que d'une manière générale, j'imagine que c'est ton quotidien, c'est ce que tu fais tout le temps, mais tu mesures ou réfléchis à l'impact ? que tu peux avoir de ton travail sur nous ?

  • Speaker #1

    En fait, là, c'est des petites fantaisies. C'est aussi cette idée de dire qu'après avoir passé du temps où tu es un peu consterné, il faut qu'on trouve des récits, des nouveaux récits. Tout le monde en parle, mais il faut qu'on arrive, chacun, à trouver des récits porteurs, des récits réparateurs qui nous permettent d'avancer et surtout de... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Tim Ingold, de retomber amoureux de ce monde. Parce que si on n'est plus amoureux, on le délaisse et on se laisse. Et donc c'est un peu ça le propos. C'est aussi pourquoi j'oriente mes expositions beaucoup autour de ça aujourd'hui. Parce que je sais qu'on a besoin de trouver ces récits, on a besoin de réfléchir aussi sur l'après. On est tellement omnibulé par ce qui se passe au présent et les manifestations. Voilà, c'est cette sidération dans laquelle on veut nous tenir, qu'il faut dépasser. Et quelque part, voilà, donc l'exposition en ce moment à Firmini, à l'église Saint-Pierre. Et autour de ça, ça s'appelle nos pieds d'argile. Donc, on est bien conscient qu'on est fragile. De toute façon, on le sait. Mais après, que faire ? Donc, il y a trois sections. La première action, c'est nous réparons le terrain. Donc là, j'ai vraiment pris l'idée de terrain, parce que le terrain, c'est ce que fait l'anthropologue. Et c'est aussi l'idée de dire, il fait son terrain. Et c'est aussi de dire qu'on va se laisser affecter justement par le terrain. Donc, nous réparons le terrain et entre guillemets, du commun. Donc, la première idée, c'est de dire, il faut se fédérer, il faut réfléchir. Et donc, je fais une structure qui s'appelle un dôme, en fait, qui est en fait une structure qui... Imaginez un dôme qui porte des tabourets. D'accord. Et en fait, on a des surfaces pour poser les questions au fur et à mesure sur ce qu'on doit débattre. Et quand a lieu la discussion, les tabourets sont retirés du dôme. Ils deviennent en fait les assises tout autour du dôme. Ok. Et on prend les décisions ensemble. Il y a une petite table au milieu pour noter, pour se souvenir des décisions communes. Et garder bien clair ce qui a été décidé. Et après, on referme, on remet les tabourets qui sont avec les pieds à l'extérieur, qui viennent en quelque sorte protéger aussi ce qui a été développé. Maintenant, on n'est même plus dans l'idée de... Il faut aussi protéger les décisions communes. Donc, c'est un peu symbolique, mais en même temps, un, déjà, parler de cette notion de commun qui est essentielle. Il n'y a pas que moi, il y a plein de gens qui travaillent là-dessus, plein de philosophes théorisent là-dessus. Parce que c'est à travers cette première étape qu'on va arriver aussi à se projeter. Donc nous réparons le terrain, nous réhabitons le terrain. Donc ça c'est une notion des années 70 de Peter Berg qui avait défini qu'est-ce que ça veut dire réhabiter. C'est quelque part devenir originaire d'un lieu, même si on n'est pas né là. C'est-à-dire avoir le même système d'attachement. Et donc là, je montre une structure, justement, qui est un peu une structure en bois, avec comme des écailles dessus, qui est une cabane, en fait, symbolique, un peu la cabane de Soro et de Walden. Il y a plusieurs philosophes qui ont fait ça. Arnenas aussi a fait ça. Il est allé, à un moment donné, s'isoler dans une petite cabane, avec très peu de confort, pour faire le point. Et là, je propose en fait une structure pour faire le point avec ces attachements à un endroit précis. C'est-à-dire, quand une personne native est à un point, elle est capable de donner 400, 500 références d'espèces végétales, animales autour de lui. Faites l'expérience vous-même. On a 3, 4... Ça veut dire qu'on a perdu ces attachements. On est dans ces attachements qu'on appelle superficiels. Donc, il faut les redensifier, revenir sur un attachement dense.

  • Speaker #0

    Oui, réinvestir.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, je fais l'expérience de montrer les attachements que j'avais dans le lieu où j'ai fait le confinement. Et là, j'ai un peu triché puisqu'en fait, on avait fait l'effort de justement s'intéresser à toute la faune et la flore. Mais j'invite aussi les visiteurs à faire la même chose sur le lieu où ils habitent. Parce qu'on sait très bien que... Si on a des attachements, on va aussi le protéger.

  • Speaker #0

    Le protéger, le partager.

  • Speaker #1

    Et donc, ça va nous permettre de lutter pour arrêter cette espèce de course effrénée à la fois de l'extractivisme, de la pollution. Donc, il faut en passer par là. Donc, il faut réhabiter. réhabiter et la troisième étape donc il ya plusieurs expos mais là je donne juste dans chaque thématique et notamment j'ai invité les étudiants de la haide avec qui je travaille à genève notamment faire une intervention à l'extérieur dans un séchoir collectif voilà Donc il y a plusieurs, dans la partie justement de... réhabiter. Et la troisième section, c'est nous préparons le terrain. Et là, je propose la maison de la restitution, qui est un projet sur lequel je travaille depuis une année, qui en fait, est l'idée de dire qu'on ne peut pas en tant qu'humain prendre, reprendre et puis ne rien restituer à la terre. La terre, en fait, elle... prend la mort et elle la retransforme en vie, tout simplement. Donc on fait partie de ce cycle énergétique, c'est un cycle énergétique. Et si on retire, si on coupe, si on affaiblit ce cycle énergétique, et bien tout s'écroule. Et c'est ce qu'on est en train de faire vraiment. Et donc il y a beaucoup d'écrits philosophiques qui nous expliquent que plutôt que de regarder au ciel, il faut regarder et retourner à la Terre. Et cette maison, en fait, je suis partie de la maison, je me suis intéressée aux maisons du néolithique, puisque c'est un peu là qu'on s'est sédentarisées, c'est un peu là que commencent les problèmes. En faisant pousser du blé d'un seul coup, on s'aperçoit qu'on peut le stocker. Ça, c'est bien pour survivre, mais c'est aussi... Un premier dérèglement. Voilà, quelque chose qu'on peut aller... On peut monter les enchères, etc. Donc, c'est notre système précapitaliste, je ne sais pas comment on pourrait dire, qui s'installe. Et la première maison néolithique, elle est en fait une maison qui est creusée dans le sol, à peu près un demi-étage. On descend avec une petite rampe. Il y a des poteaux tout autour du trou qui est rond. Et juste un poteau central et le toit. C'est assez simple. Je suis partie de cette structure-là. Sauf qu'au lieu de creuser, je la surélève d'un mètre. Et ce qui nous donne en fait une interface en dessous de la maison pour faire cette interrelation avec la nature. Ça veut dire qu'on va aussi... Avoir un endroit où je prends les choses. Donc si j'ai mon potager, parce que bien sûr on imagine avoir un potager, je vais prendre les légumes, les fruits, je les mets dans des cajots en dessous. Là c'est mon garde-manger tout simplement. J'ai des trappes à l'intérieur de la maison, donc je peux avoir accès. Donc je peux avoir le bois, puisque je me chauffe le bois. On imagine une petite maison en fait, puisque c'est un démonstrateur presque autonome. Et j'ai quelques panneaux photovoltaïques aussi devant qui viennent faire brise-soleil en même temps, puisque maintenant le soleil, il faut le gérer, l'utiliser et le gérer aussi. Et donc je retrouve une construction bioclimatique assez simple. Et de l'autre côté, et c'est ça qui est le plus intéressant, je vais avoir les contenants pour récupérer à la fois les eaux grises. Les ovans, le pipi, le caca, ça c'est pas malin, mais je mets ça en scène. Et en fait, ces déchets deviennent des ressources. Comment on arrive à comprendre ça ? C'est quand même assez simple. Donc c'est plus, là encore, un scénario de vie qui montre que c'est possible. En tout cas, cette notion-là, d'ailleurs,

  • Speaker #0

    c'est pas...

  • Speaker #1

    On n'a rien inventé, tout ça existait en fait. Donc c'est juste revenir à des choses qui font sens et trouver... une façon de combiner tout ça mais qui fasse envie aussi voilà qui nous assure qu'ils soient qu'ils soient pas ni punitif ni ni de la science fiction qui nous apporte qui nous apporte qui nous qui soit du côté du désir qui soit pas du côté du manque mais du désir d'habiter voilà

  • Speaker #0

    c'est là qu'il que se joue en fait tout à fait oui je vais en jouer là alors ça c'est visible donc à firmini dans la haute loire, c'est ça ? La Loire. La Loire, pardon. Sur le site du Corbusier, on est là. Jusqu'à quand ? Jusqu'à l'automne ? Jusque janvier.

  • Speaker #1

    J'ai eu des retours lors de la présentation parce que je vais y venir régulièrement. C'était un peu particulier parce que ça fait partie de la Bénal de Saint-Etienne du design. Donc en fait, il y avait essentiellement des... Voilà, donc je vais y venir. Dans un deuxième temps, mais là, ça sera plus des visiteurs.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant, moi, je trouve, de comprendre. Enfin, c'est tout l'enjeu aussi de ce que tu fais, de ce genre d'expo. Mais c'est de se dire, OK, comment j'impacte vraiment sur le regard des visiteurs non avertis ? Oui. Et qu'est-ce que ça va changer chez eux ? Moi, je suis très curieux de savoir ça. Mais la notion de démonstrateur, tu en as parlé. Ça, c'est un bon exemple. Dans la plupart de tes projets, tu dis que ce sont des démonstrateurs. C'est une manière...

  • Speaker #1

    C'est un peu nouveau, en fait. Parce qu'en fait, le statut de l'objet tel qu'il est là, ce n'est pas une maquette, c'est échelon. Et en fait, c'est Claude Parent qui avait fait un démonstrateur de son oblique. Et j'ai trouvé ça très juste, en fait, parce qu'il n'arrivait pas à convaincre, du fait que l'oblique était la solution pour ne pas construire en vertical. et... et non plus s'étaler en horizontal. Et il avait imaginé faire un démonstrateur. Et donc, je me suis dit, tiens, ça, c'est une bonne façon d'expliquer les choses, parce que pour l'instant, ce n'est qu'un démonstrateur. Donc, il n'y a pas tout. C'est juste esquissé. Et ça permet d'ailleurs à chacun d'imaginer, d'ajouter des choses en fonction de ses intérêts. Mais c'est juste un fonctionnement, un démonstrateur. Et c'est surtout un démonstrateur pour changer de système de pensée. C'est ça aussi.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors d'ailleurs, ta démarche, je ne sais pas comment on peut la dire, elle est engagée à minima, elle est politique, elle est presque parfois militante, je ne sais pas comment tu le définirais toi. Tu travailles aussi parfois avec des grands groupes. Comment tu fais pour... D'abord, est-ce que tu as déjà refusé des projets pour des raisons, on va dire,

  • Speaker #1

    d'engagement ? Oui, oui, oui, je refuse des projets parce que la création, c'est quelque chose de fragile, en fait. C'est quelque chose qu'on... qu'on acquiert à force d'années. C'est ce que j'explique aux élèves aussi, aux étudiants, c'est-à-dire c'est fragile. Il faut se protéger. Et c'est les convictions aussi qu'on a d'exercer ce métier. Et si on n'est pas avec les bons partenaires, on va toucher ça, qui est en fait le cœur de notre façon de travailler. Et donc il faut se protéger. Donc moi je me protège, je m'assure. que les gens avec qui je travaille ont les mêmes valeurs comme moi. Sinon, de toute façon, ça ne va pas donner un bon projet. Donc, ça ne sert à rien d'aller se martyriser et de travailler avec les personnes qui ne pensent pas de la même façon ou qui ne sont pas prêts à d'ailleurs faire ce pas de côté. Puisque maintenant, j'ai fait suffisamment de projets. Donc, c'est aussi ça. C'est-à-dire qu'en rentrant dans mon studio, j'ai fait suffisamment de choses. Si les gens... passe la porte, c'est déjà qu'ils ont compris plus ou moins où il s'agit. Donc c'est une espèce de sélection naturelle qui fait que je vais collaborer avec des gens qui sont un peu autour des mêmes notions et qui ont envie d'avancer dans le même sens. Je ne sais pas si on peut dire bon, mais voilà.

  • Speaker #0

    Tu as collaboré avec Ikea notamment. Spontanément, on imagine Ikea comme étant...

  • Speaker #1

    Il y a déjà une dizaine d'années, je ne sais pas si je le referai aujourd'hui. C'était une belle expérience, parce qu'en fait, Ikea a un design intégré, bien sûr, on le sait. Et puis, il collabore avec beaucoup de designers qui sont plutôt des Scandinaves, en fait. Mais il collabore très peu avec... À l'époque, avec les designers... on va dire européens voilà et donc là ils avaient décidé de donner la parole aussi à d'autres designers s'ils sont aperçus que ils étaient très centré au niveau de leur culture en fait les mots enfin voilà donc comment ce voilà c'était c'était ça et que ça commençait à poser problème en fait un avance avait ça devenait en fait quelque chose d'assez porteur voilà d'une singularité et puis que petit à petit ça pouvait aussi poser problème et donc Donc, ils ont invité un certain nombre de designers pour un projet qui s'appelle le projet PS. Donc, c'est toujours une petite gamme à côté. Et c'était très beau parce qu'en fait, je suis allée en Chine choisir le fabricant avec qui je voulais collaborer. Donc déjà, c'est fabriqué en Chine. Mais déjà, je pouvais choisir et en fonction du fabricant, proposer le projet. aussi, dans ce sens-là. Donc, il y avait une grande liberté. Donc, c'est comme ça que j'ai décidé de faire cette petite lampe, qui est une lampe autonome, avec une certaine autonomie, qui représente aussi... Je me suis dit, mais c'est quoi dans l'imaginaire commun la lampe qu'on porte ? C'était la lampe du cheminot. Donc, je lui ai donné une forme extérieure. Voilà. une espèce de lanterne avec le tout petit composant lumineux au milieu, puisqu'en fait, on se retrouve comme ça aujourd'hui. La lampe, elle peut faire... Elle est tellement petite qu'elle est plus appréhendable, en fait. Ou en tout cas, on est dans un système intermédiaire où, en fait, on a encore envie de l'objet. On n'a pas envie complètement que ça se dématérialise. Donc, en fait, c'est un peu un stade intermédiaire où le corps lumineux est tout petit au centre, mais il est dans une présence, en fait, d'un objet qu'un objet en fait de cette lampe de cheminot qui me paraissait intéressant de faire faire référence voilà et j'ai passé pas changé un millimètre de l'objet il a été voilà ok produit comme je l'ai dessiné voilà donc ça a été une très bonne expérience en fait voilà après je vois là après c'est ce sont des groupes qui bien sûr des volumes énorme à produire mais ils sont aussi capables de prendre des décisions et par exemple je me souviens à l'époque quand je collaborais avec kia il avait décidé de sortir une ampoule à moins d'un euro une ampoule à l'aide bien sûr pour faire en sorte parce qu'il y avait des grandes réticences à l'adoption. Et on sait qu'une lampe incandescente, il y a 40% de l'énergie qui sert juste à chauffer l'air et pas à éclairer. Donc, c'est des aberrations qu'on puisse avoir utilisées toutes ces lampes,

  • Speaker #0

    toutes ces années.

  • Speaker #1

    Donc, ils lancent aussi des programmes comme ça. Mais ils sont des leviers de changement qui sont énormes. Donc, ce n'est pas blanc et noir.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le voir comme un levier énorme de changement. Tu as raison. Oui, évidemment. OK. Si je te dis scalabilité,

  • Speaker #1

    tu réponds quoi ? Oui, c'est vrai que je parle beaucoup de communauté. Mais aujourd'hui, on n'a plus envie d'imaginer des utopies. transversale en fait parce que voilà c'est on sait que ça ça mène à des choses assez effrayant donc on se retrouve à faire son chemin dans des communautés qui sont ancrés là où on peut discerner ce qui est bien ce qui est mal où on peut se faire confiance où on peut se réparer et la question est de se dire mais comment on va changer d'échelle mais en fait ces luttes elles sont partout. en fait et elle défend plus ou moins la même chose donc c'est peut-être c'est peut-être ça l'idée c'est de se dire que peut-être multiplié c'est la somme des voies c'est la somme des luttes qui peut faire la différence et c'est aussi se sentir proche voilà comment dire dans le dans ce qu'on défend tout simplement je veux dire on le voit il ya quand même une convergence des luttes, qui nous permet de comprendre que c'est un phénomène global et que ça ne se joue pas aux petites échelles.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Je voulais parler de circularité. Il y a une chose qui m'a marqué. Je suis allé, on parlait de Patrick et Philippe et de Darhi et de Yotel. Leur nouveau projet, c'est la ferme hybride, qui est dans le Luberon, qui est un lieu sur lequel...

  • Speaker #1

    Une ferme. Oui, une ferme.

  • Speaker #0

    et en me faisant visiter le lieu Patrick me disait tu vois ça sont des lits qui étaient à Nice ça c'est des tables de Matali qui étaient là etc. Donc naturellement énormément d'objets ont retrouvé leur place comme s'ils avaient été imaginés pour... pour ce lieu. C'est pour toi une évidence que tes objets soient circulaires, c'est-à-dire qu'ils trouvent une seconde vie, une troisième vie. Tu les imagines comme ça, naturellement. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est important d'imaginer dans le long terme, ça c'est évident, de faire des objets qui puissent transmettre, c'est important. Là, c'est un cas un peu particulier puisque comme c'est une collaboration qu'on a depuis 20 ans, on ne peut pas toujours agir comme ça dans tous les projets. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre que... Alors, on a plein de façons de faire du design. En fait, on peut faire de l'éco-construit. On peut faire cette idée de travailler sur des objets qui sont... Comment dire ? pérenne, mais voilà, et travailler sur une qualité qui fasse qu'il le reste. Et chacun peut choisir, on peut travailler sur la matière. Il y a beaucoup de jeunes créateurs qui se penchent sur l'idée de créer des nouvelles matières qui ont moins d'impact, etc. Donc, c'est ça qui est beau, en fait. Bizarrement, ça paraît compliqué d'être designer aujourd'hui, mais en même temps, ce que je dis aux étudiants, c'est que vous avez une grande palette de possibles. puisque tout est à repenser. Et vous n'avez pas besoin de vous déconstruire, parce que vous pouvez prendre déjà une direction. Donc c'est quelque part une espèce de champ des possibles qui est énorme. Et c'est ce qui me réconforte dans cette idée, puisqu'on est quand même une profession qui est assez agile. On n'a pas de corporation très forte. Donc, il fait qu'on peut naviguer, trouver son mode de faire. Il y a beaucoup de designers qui vont s'installer aussi dans les régions. Ça, c'est très important. La créativité est aussi en train de merger. Et ça, c'est très beau à voir. parce qu'il y a eu cette fracture entre le rural et l'urbain qui a fait beaucoup de mal. Et donc là, c'est aussi un signe très encourageant que les jeunes générations veulent aussi s'ancrer et faire en adéquation avec le territoire. Et le voir comme ça, c'est plutôt intéressant parce que ça va faire, on voit bien, une espèce de plurivers qui s'installe et la diversité, elle est au rendez-vous tout simplement.

  • Speaker #0

    Alors, tu as parlé de transmission, c'est hyper important, la circularité des objets, mais aussi la transmission des pensées. Tu interviens dans des écoles, tu animes des workshops. Tes expositions et tes fantaisies sont aussi une manière de transmettre. Justement, est-ce que tu sens que leur regard sur le monde, les étudiants, est de plus en plus radical ?

  • Speaker #1

    Les étudiants sont à l'image de la société, en fait. Naïvement, j'ai pensé que les designers étaient tous en train de se remettre en cause. Et en fait, pas du tout, puisqu'il n'y a pas... Je suis spécial. C'est pour ça que j'ai lu, mais ce n'est pas moi qui ai expliqué cette histoire de design mineur et design majeur. C'est que je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce... Et en fait, c'est assez clair. Il y a un design mineur qui est dans les marges, qui fait ce travail de défrichage. Et puis, il y a le design majeur qui continue à servir ce système capitaliste qui est là.

  • Speaker #0

    Oui, qui détruit. Est-ce que tu fais beaucoup de choses pour... Tout ton travail est dirigé vers les autres, vers le commun. Est-ce que tu fais encore des choses totalement égoïstes pour toi ? Je ne sais pas, c'est une question un peu...

  • Speaker #1

    Non, mais j'ai du mal justement à travailler, à faire des projets pour moi. Je m'en aperçois. Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Il y a certains designers qui expliquaient qu'ils essaient de faire le mieux pour eux et si ça leur plaît, ça va aux autres. Moi, je n'ai jamais fonctionné comme ça. J'ai toujours besoin de me projeter. Je ne sais pas si c'est ma gémellité. Je vais dire un peu ça. Parce que c'est vrai qu'être jumeau, c'est une autre présence au monde. On a déjà une partie de soi qui est à l'extérieur. Ce n'est pas moi qui ai théorisé ça. C'est Emmanuel et Kotscha qui en fait sont jumeaux aussi. Et j'avais trouvé ça assez juste parce que je... Je suis dans un rapport assez fusionnel en fait, aux gens, aux choses, et ça vient de ma gémellité, je sais, mais c'est le prochain chantier en fait, j'ai pas le temps.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, ta sœur travaille avec toi ou pas du tout ? Non,

  • Speaker #1

    non, elle travaille dans le cinéma.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. On arrive déjà à la fin de notre conversation, vraiment génial. J'ai une petite question ou deux, rituel, si tu devais transmettre un seul objet ? ce serait quoi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un objet. Non. Ce n'est définitivement pas un objet. C'est plus des écrits philosophiques. C'est une liste de livres.

  • Speaker #0

    Je veux bien que tu nous en partages quelques-uns, qu'on mettra en note d'épisode. Franchement, c'est intéressant. Merci, Nathalie, de cette conversation vraiment passionnante, stimulante, questionnante aussi, vraiment. Elle interroge beaucoup. Et c'est le sens de ce travail. Tu nous rappelles que le design, c'est évidemment bien plus que des formes. C'est une manière d'habiter le monde, de s'ouvrir aux autres, de préparer l'avenir avec courage. C'est vraiment ce qui nous manque peut-être le plus. Merci beaucoup, Nathalie.

  • Speaker #1

    Mais de rien. Merci, c'était un plaisir.

Description

Le design n’est pas une question de style, mais une manière de penser le monde

Dans ce nouvel épisode de The Design Talk, Franck Mallez reçoit Matali Crasset, figure majeure du design français contemporain, mais surtout exploratrice d’usages, d’espaces et de liens.


Formée à l’ENSCI, passée par Starck, Matali a toujours refusé les codes du design de surface pour défendre un design de fond : un design de transformation, de questionnement, de réparation. Elle se dit “designer de l’anthropologie appliquée”. Et tout est là.


Dans cette conversation généreuse, elle revient sur ses débuts dans une famille d’agriculteurs, ses premières créations comme Quand Jim monte à Paris, ses années de collaboration avec Philippe Starck, mais surtout sur sa méthode singulière : partir d’un territoire, d’un usage, d’un collectif, pour inventer une réponse sensible, contextuelle, souvent radicale.


On parle de couleur comme énergie vitale, de scénarios de vie au cœur de ses objets, de ses projets hôteliers hybrides (comme Dar Hi en Tunisie), de son travail dans des lieux inattendus (églises, villages, écoles), de ses engagements pour un design qui libère, qui soigne, qui relie.


Elle évoque aussi ses expositions récentes (La Communauté des cratères, Nos pieds d’argile), qui prolongent sa recherche d’un monde habitable – plus lent, plus doux, plus vivant.


Un épisode profondément inspirant, qui nous invite à repenser ce que peut (et doit) être le design aujourd’hui : un outil de transition, de poésie, d’avenir.




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The Design Talk est produit par Franck Mallez. Fondateur de Yourse.co et de tcrewagency.com , ancien journaliste, et entrepreneur des industries créatives.
https://www.linkedin.com/in/franckmallez/
https://www.instagram.com/franckmallez/
https://www.instagram.com/thedesigntalk.podcast



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    designers, architectes, entrepreneurs, artisans, tous ont en commun une vision, un parcours, une approche du design qui résonne avec notre époque. Alors ici, on parle d'inspiration, de matière, d'innovation, de process, mais aussi de défis, d'échecs et de réussites, tout ce qui façonne finalement chaque projet. The Design Talks est une plongée dans l'univers de ceux qui imaginent, transforment et réinventent notre quotidien. Alors installez-vous, ouvrez grand les oreilles, l'épisode du jour commence maintenant. Allez, on va y aller. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce Design Talk. Aujourd'hui, je reçois une figure majeure du design, même si elle aime décrire son design comme un design mineur par rapport au design majeur, on pourra en parler. En tout cas, c'est une des figures les plus singulières à mes yeux et aux yeux de beaucoup du design. Son œuvre ne se limite pas aux objets, elle travaille à partir de scénarios de vie. Elle interroge nos façons d'habiter, de nous relier et de construire, reconstruire du lien, du commun. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Matalie Crasset. bonjour Matali

  • Speaker #1

    Bonjour, moi aussi je suis heureuse. Je suis designer-euse.

  • Speaker #0

    Design-heureuse, c'est vrai d'ailleurs. J'ai lu ça, designer-euse, j'adore cette façon de te décrire. Alors depuis toujours, tu signes Matali Crasset avec un M à la place du N, et tout en minuscule. Je n'ai jamais lu d'explication. C'est une première question que je vais te poser. Est-ce que c'est un geste symbolique ? D'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Non, ça vient de... J'ai fait des colonies maternelles en fait. Et les enfants, avant de dire le N, disent le M. Et donc, ils m'appelaient Mata Li. Ils ajoutaient même un deuxième, mais je ne l'ai pas gardé. Et petit à petit, dans ma sphère intime, on m'a appelé Matali. Maintenant, je me reconnais beaucoup plus comme ça. Donc, c'est venu petit à petit.

  • Speaker #0

    Ok, aujourd'hui, c'est totalement… ça fait partie de ton… c'est presque un choix créatif aussi.

  • Speaker #1

    Oui, aussi. Puis, le « m » est aussi plus invitant. Ça me représente plus, je crois.

  • Speaker #0

    Ah oui, ok. Alors tu as grandi dans la Marne, dans un village, dans un environnement agricole. Tout à fait. Dans une maison peut-être sans culture design forte.

  • Speaker #1

    Non, c'est une autre culture, ça s'appelle l'agriculture. Oui,

  • Speaker #0

    essentielle évidemment et ça fait partie de plus en plus de tes projets je crois. C'était une maison aussi pleine d'inventivité. Alors, est-ce que cet environnement t'a donné le goût toi aussi d'inventer, de reconstruire, de construire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est plutôt l'extérieur, puisque quand on est enfant et qu'on vit à la campagne, on sort de la maison. Le village est une plateforme de développement, on va de plus en plus loin, on découvre des choses. Et puis quelque part, un bâton un jour peut devenir un piquet de tente, le lendemain ça devient une rame. Donc en fait on invente des histoires, des récits et on joue à échelle 1 en fait c'est à l'échelle du territoire donc c'est un véritable cadeau de pouvoir faire ça quand on est enfant. Oui,

  • Speaker #0

    et c'était parce que j'imagine que toutes les familles n'ont pas la même liberté, ne laissent pas la même liberté aux enfants. Oui,

  • Speaker #1

    il n'y avait pas du tout d'enjeu de sécurité. Non, non, c'était voilà, il y avait peu d'enfants parce que c'est un village de 80 habitants. Donc, en fait, on était deux, trois. Mais j'avais une soeur jumelle et ça change tout.

  • Speaker #0

    et oui et oui tu avais ton binôme Et oui, ça t'a obligé en plus à être très imaginative, d'avoir peu d'enfants autour de toi. Très bien. Oui, d'ailleurs, tu dis qu'enfin, tu avais bien été obligé d'innover, d'expérimenter. C'est le cœur de ta démarche aujourd'hui. Et donc, tu crois que ça a été cette créativité contrainte qui t'a poussé à faire ce que tu fais aujourd'hui, d'une certaine manière ?

  • Speaker #1

    Forcément, il n'y a rien entre ce qu'on a vécu quand on est enfant et ce qu'on fait après en étant adulte. En fait, c'est évident. Après, moi, je ne l'ai pas trop réfléchi. C'est plutôt aussi la relation à la terre que j'essaie de comprendre aujourd'hui. Et d'ailleurs, je viens d'écrire un petit texte qui s'appelle « Je suis née dans la craie » . Qu'est-ce que ça veut dire d'être née dans la craie ? Parce que je suis née dans un village qui est essentiellement dans la terre. Il y a un petit substrat de terre, mais il y a beaucoup de couches calcaires qui sont importantes. Voilà, donc j'essaie de comprendre qu'est-ce que ça veut dire d'être né dans la craie, d'avoir habité une maison de craie au départ. Voilà, toute cette notion-là qui est intéressante pour moi. pour comprendre aussi d'où je viens et sur quoi je peux m'appuyer pour avancer.

  • Speaker #0

    Et notamment, j'ai lu que la craie, évidemment, la couleur, très monochrome, qui se confondait avec le ciel d'hiver parfois.

  • Speaker #1

    Ce n'est même pas moi qui l'ai découvert. C'est en faisant une discussion avec une personne qui connaissait bien mon pays et qui l'avait traversé, en essayant de vendre en plus des objets culturels. Merci. Donc le double challenge qui m'a dit en fait voilà pourquoi tu utilises la couleur. C'est évident en fait. Tu es né dans un pays où c'est blanc la plupart du temps. Voilà où il y a cette espèce de... Voilà donc je pense que c'est pour contrebalancer ça.

  • Speaker #0

    Oui, on reviendra sur évidemment la couleur qui est centrale dans ton travail. Si tu t'étais appelé Stéphane ou si tu avais été un garçon, tu crois que tu aurais fait du design ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'aurais fait du design aussi. Alors peut-être qu'il y a un peu plus de pression sur les garçons dans les villages parce qu'il faut reprendre la ferme en fait. Avec ma sœur Véronique, on n'a pas eu cette pression-là du tout. On a fait… Mais mes parents étaient très, très ouverts, en fait. Sinon, je n'aurais pas pu faire d'école de design de toute façon. Mais voilà. Donc, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    bien évidemment.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. En tout cas, c'est le petit frère qui a repris la ferme. OK. Voilà, on est quatre en tout. Et voilà, les trois autres ont pu choisir leur métier. Mais lui aussi a choisi, en fait, en quelque sorte. Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, tu démarres par un IUT de commerce. Et puis, je crois que c'est lors d'un exercice, d'un TD ou je ne sais pas, où vous devez travailler sur un car, qui était une marque de parfum.

  • Speaker #1

    Oui, alors je ne vais pas directement dans une école de design parce que je ne me sens pas légitime. Je ne suis pas de cette culture-là. Merci. je sais déjà que ça existe. Je me renseigne petit à petit et je ne me sens pas légitime. Je n'ose pas aller faire un concours dans cette direction-là. Donc, je fais un petit peu comme tout le monde. Je suis le chemin. Mais j'avais beaucoup aimé... J'avais au lycée un prof d'économie qui était formidable. Et ils faisaient... Ils étaient en trinôme avec le prof d'histoire et le prof de géographie. Et donc, les cours étaient coordonnés. Et c'était formidable, en fait. Donc, j'ai un peu suivi cette logique en continuant. C'est intéressant aussi parce qu'on essaye de réfléchir aux mécanismes. Oui. Aux mécanismes et quelque part aussi à comment fonctionne la société. Donc, il y a la partie aussi un petit peu sociologique, même si, donc après ces études... Je me suis fortement dégagée de ce... Parce qu'en fait, c'était aussi quelque part devenir, on apprenait à devenir, les gens se transformaient au fur et à mesure autour de moi, en s'habillant différemment, en prenant une posture. Donc je ne me suis pas du tout sentie à l'aise avec ça. Et après, je me suis sentie... J'ai osé essayer de rentrer dans le monde du design.

  • Speaker #0

    Mais tu disais, je ne me sentais pas légitime, mais tu savais déjà que c'était quelque chose qui te touchait ou dans la direction vers laquelle tu avais envie d'aller. Et tu mettais le mot design derrière.

  • Speaker #1

    Non, en fait, je me suis aperçue parce que j'ai des enfants qui sont grands maintenant et qu'ils ont fait un petit stage d'observation en troisième. Et je me suis posé la question, est-ce que ça existait en fait quand j'étais en troisième ? Et oui, ça existait. Et j'ai fait un stage chez un architecte. J'avais complètement oublié. Donc, ça date déjà de la troisième, en fait, mon intérêt. Et je ne sais même pas comment j'avais réussi à trouver un architecte dans ma région, etc. Et en fait, c'est en remémorant le... Pourquoi j'avais oublié, tout simplement, parce que ça avait été une mauvaise expérience. Cet architecte était plutôt issu d'une... Comment dire un milieu social qui n'était pas le mien et donc je me suis dit bah c'est pas c'est pas pour moi

  • Speaker #0

    J'ai remis le désir de devenir créatif créateur avec l'architecture sous la sous la pile et voilà j'ai continué donc ensuite donc ce cet exercice lors de ton de ta première formation supérieure iut de dessiner un flacon de parfum je crois oui c'était un révélateur c'est

  • Speaker #1

    Oui, mais en même temps, c'est juste de comprendre que la matérialisation de la forme, elle est complexe, elle est très complexe et qu'on embarque toute une symbolique. En fait, ça va bien au-delà de l'aspect fonctionnel, surtout pour le flacon. Et voilà. Mais il y a eu plusieurs déclics. Il y a eu ce déclic-là. Et puis, il y a eu surtout la rencontre avec Francis, qui lui aussi voulait faire une école de design. Donc,

  • Speaker #0

    vous étiez étudiants ensemble.

  • Speaker #1

    Et on est parti faire un stage à Berlin. Et là, vraiment, ça a été le passage. Je me suis dit... Et on est allé rencontrer à l'époque des designers dans une ville berlin qui était... pas du tout industrielles, donc c'était plutôt des artistes designers et qui nous ont ouvert vraiment leurs portes. C'était une belle période, c'était très facile de les rencontrer et c'était aussi des artistes entiers, c'est-à-dire que ce n'était pas simplement des designers, souvent ils faisaient partie d'un groupe de musique. Donc il y avait une ambiance à Berlin à cette époque-là, je dois préciser, c'était avant la chute du Mule. et une effervescence créative, qui a en fait, la métamorphose elle s'est fait là puisqu'en fait on a fini par faire un... Un rapport, en fait, un petit rapport ensemble. Et ça s'appelait Blitzkrieg Tech Design. Donc, en fait, on n'a pas du tout parlé. Donc, ça a été aimé, on l'a affirmé. Et voilà, ça a été le passage.

  • Speaker #0

    Ça a été le passage. Et derrière, vous faites tous les deux une école de design ?

  • Speaker #1

    Non, Francis, pas une école de design. Parce qu'en fait, il n'est pas manuel. D'accord. En visitant les ateliers, l'Annecy, les ateliers, s'aperçoit que là... En bas, ce sont que des ateliers, des workshops pour transformer la matière. Et là, il se dit, il y a un truc que je n'avais pas perçu. Donc, en fait, il va continuer un petit bout de chemin plutôt autour de l'art contemporain.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est ton mari et vous travaillez ensemble sur beaucoup de projets, j'imagine. pour en parler. Derrière, tu fais un stage important, je crois, à Milan. Oui. Pour toi, chez Denis Santacara.

  • Speaker #1

    Oui. Alors voilà, j'ai fait d'abord, il faut parler un peu de cette école. Oui. C'est important. On a des bonnes formations en France. Et l'ENSI en fait partie, l'ENSI Les Ateliers. Je me suis vraiment épanouie dans cette école. Il faut comprendre qu'il y a une bienveillance et une générosité pour arriver à trouver son approche. Oui. Donc c'était le paradis. Et j'ai aussi compris que les écoles, ça pouvait être ça. Pas simplement les écoles de création, mais une école pour apprendre, la façon d'apprendre, la façon de nous rendre autonomes, puisque c'est quand même un système pédagogique, un parcours pédagogique qui rend vraiment autonome et très singulier. Et voilà, donc en fait, je suis aussi redevable de cette formation. et qui m'a permis de devenir designer.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    en fait, à la sortie de l'école, je devais couper le cordon parce que c'est une école où on se sent bien. D'ailleurs, on avait du mal à partir à l'étranger. Il n'y avait pas d'Erasmus à l'époque.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    On est quoi dans les années 80 ? Je suis sortie en 89.

  • Speaker #0

    En 99, c'est ça ?

  • Speaker #1

    En 99, 92. Oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, donc pas d'échange.

  • Speaker #1

    comme ça pourrait donc je vois là je me suis dit il faut que je quitte paris parce que je vais rester sur l'école à l'époque valencien l'école on partait un peu quand on était prêt donc des gens restaient sept ans voilà il n'y avait pas de voilà il n'y avait pas de parcours avec c'était de voilà d'avoir trouvé son approche et de voilà donc moi je suis parti au bout de quatre ans et demi et j'ai décidé d'aller voir Milan étant plus dédié bien sûr au mobilier, mais au moins c'est une place où le design compte. J'avais besoin de comprendre ça. En France, c'est un peu plus flou. Il y a des endroits où ça compte et puis il y a des endroits où ça ne compte pas du tout. Donc j'avais besoin de me sentir entourée par des pairs, par une profession, quand on va bien sûr à la foire de design à l'époque. Voilà, on sentait qu'il y avait une discipline qui était là en train de se construire. Voilà, c'était important pour moi.

  • Speaker #0

    Tu as compris pourquoi ? Moi, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi c'était aussi présent à Milan, enfin en Italie en général et à Milan.

  • Speaker #1

    Les Italiens sont assez... Ils ont compris que le design pouvait être une force pour exporter. Ils ont 80% de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Donc, ils ont compris ça. Ce qu'on n'a pas compris en France.

  • Speaker #0

    Et les nordiques, c'est un peu pareil pour toi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Eux, ils l'ont toujours été de toute façon. Ils ont un tout petit pays. Donc en fait, ils sont très dans l'échange.

  • Speaker #0

    Et il y a d'autres pays comme le Japon, où là, il y a peut-être... Alors, c'est peut-être aussi les mêmes ressorts, mais j'ai l'impression que c'est plus lié à l'artisanat et à la culture. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Alors, peut-être aussi, j'ai une explication de Gaetano Pecce. J'ai fait un voyage d'études en... dans un pays du nord, je ne me souviens plus, c'était la Finlande, je crois, avec lui. Et il disait que dans ces pays nordiques, en fait, il y avait une continuité entre ce que faisaient les paysans, c'est-à-dire leurs outils. Et après, petit à petit, ça a été transformé pour faire aussi les outils, on va dire, du quotidien, qui sont les mobilets, etc. Et qu'il n'y avait pas eu de rupture, en fait. C'est une espèce de continuité qu'on n'a pas eu en France. de notions, de statuts qui t'a fait... Oui c'est ça. Voilà, tout à fait, avec...

  • Speaker #0

    Ah c'est de statuts...

  • Speaker #1

    Voilà, qui fait qu'en France on a cette fameuse culture de la distinction. C'est moi qui le dis, hein. Et donc il fallait... Il fallait rompre. Il fallait rompre et il fallait proposer des objets d'exception. Donc ça, bourgeois, voilà, pour statutaire. Et voilà, et donc c'est pourquoi on a eu cette espèce de cassure. Et c'est assez simple en fait à imaginer comme ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant, ok. Donc tu vas à Milan, tu fais ce stage.

  • Speaker #1

    Alors chez Santa Chiara c'est important parce que c'est quelqu'un de très humain, c'est une petite structure. Je ne vois même pas la différence entre être à l'école et être chez lui, donc ça c'est un super cadeau. s'apercevoir que... Parce que quand on sort de l'école, on se dit,

  • Speaker #0

    mais qu'est-ce que je vais arriver à faire et à l'apporter, à composer.

  • Speaker #1

    Dans la vraie vie. C'est quelqu'un dont je lui dois beaucoup aussi. Et il me fait confiance. Pendant un an, c'est une belle aventure.

  • Speaker #0

    Et alors ensuite, c'est Stark. Oui,

  • Speaker #1

    je viens à Paris, je crie trois lettres. Chez Stark, dans une agence, parce qu'en fait, il y a une petite agence quand même. J'essaie à trois, parce que je ne sais pas où le vent me porte. Et chez Stark, j'avais envie de voir comment il arrivait justement à passer d'un projet à l'autre. C'était plus ça que vraiment sa démarche. C'était cette idée de... d'ouverture d'esprit parce que c'est vrai, il a ouvert plein plein de portes pour notre génération, il faut le dire, ce qui n'a pas été le cas des maîtres italiens, qui sont plutôt restés sur le billet,

  • Speaker #0

    sur le luminaire.

  • Speaker #1

    Mais je veux dire, en termes de, voilà, ils ont été très présents. Stark, il a ouvert et surtout, il a utilisé la communication pour montrer que le design existait. Et donc, ça, on ne peut pas lui reprocher, je veux dire, et montrer aussi que ça a une valeur. commerciale. C'est une valeur ajoutée complètement. Donc, je suis arrivée chez Stark et très rapidement, au bout de six mois, il y a un projet qui est arrivé, qui est le projet avec Thomson Multimedia, une grande entreprise faisant ce qu'on appelle les produits bruns, c'est-à-dire à la fois qui gère l'image et le son, qui diffuse plutôt l'image et le son. Et je deviens responsable de ce projet et en même temps du team Tom, donc de 25 designers. Voilà, donc je suis chez Stark, mais en même temps en train de majoritairement m'intéresser à ce projet-là. Donc c'est une belle aventure humaine déjà, oui, de voir aussi une grande entreprise fonctionner de l'intérieur. Donc là, les technolectes que j'avais m'ont quand même un peu servi pour comprendre. de quoi il s'agissait. Et c'est compliqué au départ, parce que le design n'était pas identifié comme une force de proposition.

  • Speaker #0

    Oui, parce que là on est sur la technologie, sur un appareil qui doit être très fort.

  • Speaker #1

    Les Réunions retiennent le lead, mais Stark a cette force de créer des ruptures, on va le dire, et petit à petit, on fonctionne bien ensemble. Et ça a été une très belle aventure, à la fois... de création, mais à la fois une aventure humaine.

  • Speaker #0

    Moi, ça m'avait frappé. Alors, je vais te raconter une petite histoire. Ma maman travaillait chez Thomson. Mais pas du tout dans cette division-là. Elle était ingénieure chez Thomson. Et je pense qu'elle avait dû avoir accès peut-être à certains produits. Oui, on parlait avec la R&D.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et elle avait ramené cette télévision tube cathodique à l'époque. je crois, fait en... avec du bois. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Il s'appelle Jim Nature.

  • Speaker #0

    Voilà, je ne me souviens pas. Mais moi, ce qui m'avait frappé, alors je ne sais pas quel âge j'avais, j'étais un ado tardif, c'était, il y avait une poignée. Et ce truc-là, pour moi, c'était incroyable. Et je trouve que ça résonne très bien avec ce que tu racontes, la manière dont tu travailles sur des scénarios de vie, sur des cas d'usage. Et pour moi, cette télé, alors on n'est pas, on était dans les années 90, mais où on se disait, on peut partir dans notre chambre avec la télé. C'est incroyable. Et ce truc-là m'avait... Frapper, vraiment, c'est pour moi un objet vraiment majeur dans la dizaine récent.

  • Speaker #1

    C'était beau parce qu'en fait, on replaçait quelque part la technologie où elle devait rester. C'était déjà, alors à l'époque, on parlait de domestiquer la technologie. Aujourd'hui, c'est un groupe étonnant. On va peut-être en parler avec Pierre. Mais voilà, on y croyait. Et en fait, on a fait des propositions avec l'équipe. par exemple de Maitoscope où il y avait huit touches mais énormes mais pas plus. C'est à dire on arrête de créer ce qu'on appelait à l'époque des features, c'est à dire pour légitimer un produit en plus, au contraire on va simplifier. Et c'était complètement révolutionnaire à l'époque. On a travaillé aussi sur des plastiques translucides bien avant Apple etc. Donc voilà l'idée c'était vraiment un champ d'expérimentation énorme. Et un cadeau aussi qu'a fait Stark de pouvoir exercer ce métier-là dans ce contexte et avec cette possibilité de bouger les marges.

  • Speaker #0

    Donc ça, ça dure combien de temps ? Quelques années ?

  • Speaker #1

    4 ans chez Samson et 5 ans chez Stark. Donc après le... Je reviens chez Stark et je m'occupe essentiellement pendant six mois de ses expositions. Puis après, je décide de créer mon studio tout simplement.

  • Speaker #0

    Parce que tu te dis, OK, c'est le moment.

  • Speaker #1

    Déjà, j'ai eu un peu de mal. J'ai quitté la famille de Thompson. On était vraiment un team. Et c'était compliqué. Donc, je me suis dit, c'est le moment. C'est le moment ou jamais.

  • Speaker #0

    Génial, on va évidemment creuser tout ça. Mais une question que je pose souvent, comment tu décrirais ton métier d'aujourd'hui à un enfant de 6 ans, 7 ans ? Oui,

  • Speaker #1

    alors moi je m'occupe d'habitabilité. Alors aujourd'hui l'habitabilité, ce n'est pas simplement le bâti, c'est l'habitabilité générale. et il y a beaucoup d'enjeux avec la crise écologique qui est là. Donc, ça touche plein de choses. C'est très général, mais après, on peut prendre des exemples plus particuliers.

  • Speaker #0

    Oui, on va le faire. Génial. Alors, le design comme pensée, c'est vraiment ta manière de travailler. Je trouve ça très logique. Oui,

  • Speaker #1

    je peux te dire comment j'ai petit à petit pensé ça. Mais dès le diplôme, en fait. Parce que le diplôme, je voyais que certains étudiants avaient une espèce de continuité stylistique quand ils faisaient des projets, en passant d'un projet à l'autre, etc. Et moi, je n'étais pas du tout dans ce registre-là. J'ai joué à... on va dire, au maximum l'expérimentation à l'école. Et donc, quand je regardais mon portfolio, je me disais, je ne sais pas ce qu'on va y comprendre. La cohérence. Puisqu'il n'y a pas de cohérence stylistique. Et c'est peut-être le premier regard, c'est la forme qu'on regarde. Donc, ce n'est pas évident. Et ça, on pourra en parler après, quand on travaille. Donc, je me suis dit, moi, ce n'est pas là-dessus que je vais... Je me méfie de la forme, mais aussi parce que, peut-être, Je n'étais pas issue. d'une culture bourgeoise donc voilà donc je n'avais pas de mal à m'en détacher je n'étais pas ici donc ça m'a permis de d'imaginer que ce qui était plus important c'était les rituels et ce qui est commun c'est la façon dont on mange c'est la façon dont voilà on est ensemble plutôt voilà non interagit et c'est ça qui me qui m'intéresse et c'est ça qui va faire en sorte que dès le délai diplôme j'ai fait en fait un projet qui s'appelle la trilogie domestique où Oups. Ce sont certes des objets, mais qui ont, comment dire, qui établissent un petit scénario d'usage. Alors, le scénario d'usage est développé au niveau de l'objet et après, le scénario de vie est développé au niveau de l'espace. Mais déjà, certains objets sont aussi de l'espace. Je peux donner un exemple. Comme Jim Montavari, la première pièce de mobilier que j'ai faite. Puisque j'avais fait ça au niveau de l'objet, je me suis dit que le mobilier, on ne le faisait pas à l'école, parce que ce n'était pas considéré comme de l'objet industriel. Et donc j'ai fait une colonne d'hospitalité qui s'appelle « Quand j'ai monté à Paris » . C'est une colonne qui fait 35 par 35 sur 2 mètres de haut. Et on la bascule. Elle n'a pas trop de forme. Elle est juste une colonne. Enfin,

  • Speaker #0

    plutôt...

  • Speaker #1

    Et après, on l'ouvre et dedans, on découvre... Maintenant que la colonne devient... Le pourtour devient le sommier. Et on découvre un matelas qui se déroule et qui devient une façon de créer un espace d'hospitalité pour un copain que j'ai appelé Jim, quand Jim monte à Paris. Et voilà, avec une petite lampe, un petit réveil matin. On crée un espace. Mais moi, ce qui m'importait, c'était de faire ce geste d'hospitalité. C'était ça. Et ça, je dois dire que c'était complètement extraterrestre. Le mobilier en France ne fonctionnait pas du tout comme ça. On voit bien qu'il n'y a pas de notion de statut. à quoi ressemble l'hospitalité ? Vous voyez ce que je veux dire ? C'est compliqué.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Le fait de lui donner ce nom, c'est-à-dire on raconte l'histoire,

  • Speaker #1

    on est dans une narration. Quand tu racontes, expliques ton métier à un enfant, je dis, quand j'y monte à Paris, c'est le début de l'histoire. Et après, on peut inciter les gens à aller un peu plus loin pour comprendre de quoi il en retourne. Donc, j'ai toujours eu ce... Ce souci, en fait, de tendre la perche, de la compréhension de scénarios, mais c'est récurrent dans mon travail parce qu'aussi, on ne peut pas comprendre l'objet avec une seule image. La plupart du temps, il faut voir la vie qui se déploie avec l'objet. Donc, c'est compliqué, en fait.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu te souviens de ta démarche à l'époque pour créer ce premier objet ? Ce n'était pas une commande ? Ce n'était pas un industriel qui t'a dit ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était en fait le VIA à l'époque qui avait donné des cartes blanches. Mais ce n'est pas cette carte blanche que j'ai fait là, puisque j'ai refait un projet qui était plus en rapport avec la technologie, justement, puisque comme j'étais dans le milieu, ils m'ont proposé de travailler avec la technologie. Mais à l'époque, j'avais pensé pour ça.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, il y a eu une suite à Jim Monta Paris. Oui. Dont j'ai oublié le nom.

  • Speaker #1

    Il y a eu plusieurs suites. Il y a eu quand ? quand...

  • Speaker #0

    Jim se relaxe, non ?

  • Speaker #1

    Ouais, Jim se relaxe et puis il y a quand Jim rencontre Julie. On fait un oreiller où il y a une petite capote intégrée derrière.

  • Speaker #0

    J'adore. C'est génial. Franchement, bravo, c'est top. Alors, toi, tu dis que... Quand tu as un projet, une idée, une envie, d'abord tu consacres 80% de ton énergie et de ton temps à réfléchir, à penser. C'est une forme d'anthropologie.

  • Speaker #1

    Oui, je pense vraiment que le métier c'est le métier. de l'anthropologie appliquée. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Marc Auger. J'ai eu la chance d'échanger avec lui à ce propos et c'est lui qui m'a expliqué qu'il voyait le design comme ça. Et de ce fait, j'étais très, très contente, en fait, puisque l'anthropologie, ça veut dire aussi faire un terrain et de plus en plus se laisser affecter par ce terrain. Donc, on va en reparler peut-être plus sur ce que je fais aujourd'hui, mais c'était déjà là. Et je... Oui, donc je ne vais pas passer du temps à regarder ce que font les autres designers. C'est plutôt du temps à aller au plus profond de moi-même et au plus profond... Et convoquer des sentiments, convoquer... Pour faire ce pas de côté que j'ai toujours fait et proposer quelque chose qui fait sens, bien sûr, avec le contexte, mais qui fait sens aussi avec l'humain. Oui. Qui fait sens... Avec l'idée aussi, quelque part, de réaffirmer certaines valeurs à travers les structures qui sont autour de nous. Et c'est de plus en plus nécessaire, je dois dire.

  • Speaker #0

    Alors prenons peut-être un exemple, si tu veux bien, d'un projet récent. Peut-être Missaigle ? Je ne sais pas si c'est le bon exemple, si tu en as d'autres.

  • Speaker #1

    Peut-être que je vais donner d'où je suis partie. Parce qu'en fait, aujourd'hui, avec la crise écologique, on doit tous se remettre un peu en question dans son propre métier. Je pense que peut-être que je suis naïve et que certains ne le font pas. Il y a une tranche de la population qui ne le fait pas, bien sûr. Et donc, je me suis vraiment questionnée en me disant, est-ce que ce que j'ai fait jusqu'alors tient la route ? Et en fait, je me suis aperçue que ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, qui s'appelait la Trilégie domestique, répondait quelque part assez bizarrement à des explications données par un écologue par un philosophe qui s'appelle arne nice et norvégien et qui est théorise l'écologie profonde alors il dit quoi il dit que l'objet en fait doit avoir trois niveaux de qualité différent parce que c'est comme ça que notre vécu il est plus riche et qu'aujourd'hui on a un peu tendance pas Ça veut dire que ça suppose qu'aujourd'hui, on a plus tendance à travailler avec une espèce de couche qui est superficielle, mais qui ne nourrit pas en termes de vécu. Donc, ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, ça s'appelait donc des diffuseurs. Enfin, il y avait trois diffuseurs et à chaque fois, il y avait ces trois niveaux. Donc, il y avait un diffuseur de lumière, d'image et de mémoire, par exemple. Donc, c'était par exemple, pour citer cet objet, c'était un cube. Il y avait un petit mécanisme qui réagissait, une petite lumière comme une bougie qui réagissait, non pas avec l'air, parce que la bougie réagit avec l'air, mais avec l'ambiance, le sonore de la maison. Et quand on voulait la lumière, c'était une lampe sur pied, comme ça, on mettait une diapositive. La diapositive se projetait sur une des faces, et donc lumière, image et mémoire. En l'occurrence, pour le mémoire, j'avais mis une image de mon grand-père qui venait de disparaître. Donc voilà, c'est ça en fait. Et je me suis dit mais si en fait ce qui est important c'est ça, c'est de comprendre que nous sommes en charge d'apporter cette complexité dans l'objet qui donne la richesse à notre vie. En fait c'est ça, qu'on soit architecte ou qu'on soit designer, c'est la même chose en fait. Et donc je me suis dit que cette richesse elle fait partie d'une une recherche écologique. Vous voyez ce que je veux dire ? à partir de cette sensibilité-là, qu'on va pouvoir, et il faut l'avoir, qu'on va pouvoir aujourd'hui inscrire d'autres projets qui font sens. Mais en déployant aussi d'autres savoir-faire, on va dire. Oui,

  • Speaker #0

    très clair. Oui, mais alors c'est très impressionnant parce que, bon, je n'en ai pas reçu tant que ça des designers. Mais alors là, vraiment, tu es totalement à part. Tu te sens très à part ou pas dans ta petite consoeur ?

  • Speaker #1

    Je ne me réflec pas comme ça. Non, bien sûr. Je fais un peu, je veux dire, moi, je fais mon petit bonhomme de chemin. L'important, c'est de... Je ne sais pas comment dire, je pense que le design français a cette chance de pouvoir porter plein de personnalités différentes. On n'arrive pas à donner une caractéristique principale et moi je pense que plutôt que d'essayer de regrouper sous un label ou une définition commune, ça serait plutôt l'idée d'expliquer les différences entre chacun d'entre nous. Puisque le design, contrairement à ce qu'on a, comment on l'a utilisé au siècle dernier, qui a eu tendance à uniformiser, voilà, aujourd'hui, il doit ramener de la diversité dans le monde d'aujourd'hui. Donc, en fait, c'est ça. Donc, en fait, on a énormément d'atouts en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Le seul bémol, c'est qu'on n'utilise pas le design comme une force politique aujourd'hui. On pourrait l'utiliser comme une force politique.

  • Speaker #0

    Alors justement, on va y venir un petit peu. C'est vrai que le design au siècle dernier s'était standardisé. C'était aussi marquer les différences sociales. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait.

  • Speaker #0

    L'exemple des accoudoirs, l'interessance,

  • Speaker #1

    quand tu en parles. Oui, mais en fait, j'ai eu cette intuition. alors c'est aussi Comment je fonctionne en fait ? Quelque part, j'avais refusé de faire des canapés parce que je me disais que ça prend énormément de place. En fait, je voyais déjà le fait que c'était un objet statutaire, donc ne voulant pas m'inscrire dans cette notion de statut. Donc le premier canapé que j'ai fait, c'est un canapé en morceaux, en fait, qu'on peut désolidariser pour pouvoir utiliser. Il y en a un autre qui s'est appelé Permit Bay. permis de construire. C'était vraiment là l'idée de faire avec des modules pour que les enfants puissent l'utiliser pour faire des cabanes. Ça marche très bien. Donc, remettre en question ces structures qu'on a héritées et qui, aujourd'hui, ne nous servent pas. On n'a pas mérité ça. Et pourtant, chez 90% des gens, je sais, la canapé, là, ça devient des canapés énormes. Donc, j'ai recueilli A l'époque, j'ai complètement refusé de dessiner cet objet. Je pense que ce n'était pas la bonne structure pour vivre. Et à un moment donné, on me demande quand même de dessiner un fauteuil. Donc, je réfléchis et je fais un fauteuil qui, au lieu de porter le bras, au contraire, sans accoudoir, mais plus que ça, va proposer d'aller à l'intérieur du confort pour avoir une position De lâcher prise, puisqu'en fait, si on veut se peser, voilà, voilà. Et je m'aperçois qu'en fait, la coudoir, ce n'est pas du tout un bon ingrédient. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il n'est pas ergonomique.

  • Speaker #1

    Il n'est pas ergonomique, c'est-à-dire que quand on a mal au dos, on nous dit de baisser les épaules, pour le fameux triangle. Et voilà. Et donc, intuitivement, j'avais remis en cause cet accoudoir. Et puis, en relisant un petit peu l'histoire du mobilier, je me suis aperçue que l'accoudoir est arrivé comment ? Il est arrivé pour faire la différence entre ceux qui avaient une chaise et ceux qui n'avaient une chaise normale et une espèce de chaise avec des accoudoirs. Et qui avait la chaise avec l'accoudoir ? C'était le maître qui avait au bout de la table, il avait les accoudoirs pour montrer son statut. Et je me suis dit, les choses se tiennent en fait, c'est assez simple. Donc, intuitivement, j'avais ressenti que ce n'était pas la bonne structure.

  • Speaker #0

    Et donc, dans l'objet que tu as créé, tu avais un repose ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les mains venaient se poser dans un creux, dans la ciselle, un peu plus large.

  • Speaker #0

    Intéressant. C'était pour quelle exposition ?

  • Speaker #1

    C'était pour une exposition à Milan et ça a été à l'époque. produit par une entreprise, édité par Félix Chéreux. D'accord,

  • Speaker #0

    d'accord, d'accord. Ok. Je voudrais bien qu'on revienne sur les rituels. et aussi sur les symboles. Tu dis finalement, on a oublié ces symboles. Et sans les symboles, on conceptualise moins bien sa pensée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est surtout qu'en fait, l'humain, quand il a évolué, il s'est toujours équilibré avec deux choses. Un, il a créé les outils. Et deux, il a créé en parallèle les symboles. Et en fait, aujourd'hui, on s'aperçoit... Et c'est cet équilibre qui fait qu'on a avancé, qu'on s'est Et c'est pourquoi l'IA est un peu inquiétante aujourd'hui, inquiétante comme technologie, parce que si à un moment donné, on vient fragiliser cet équilibre, et donc on avance plus du côté des outils, parce qu'on pourrait dire que c'est l'outil d'aujourd'hui, ça met en péril cette espèce d'équilibre et de stabilité au niveau de notre façon de fonctionner.

  • Speaker #0

    Et même de penser, de conceptualiser.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'avoir une capacité d'analyse, de conceptualiser,

  • Speaker #1

    d'être très abstrait,

  • Speaker #0

    etc. Alors l'IA justement, parlons-en, vous avez prévu d'en parler un petit peu plus tard, mais c'est intéressant. Bon, l'IA est un outil. ultra puissant en apparence, mais qui simplifie beaucoup. Comment tu le vis, toi ? Tu l'utilises ? Non,

  • Speaker #1

    moi, je ne l'utilise pas parce que je n'ai pas fait l'effort de savoir comment m'approprier cet outil pour l'instant. Il faut du temps, il faut y réfléchir. Et puis, ce que je vois arriver, alors j'ai eu deux cas où les gens sont venus en me disant, j'ai posé la question, voilà, deux personnes qui sont venues me trouver, ça donne ça. Et c'était beau, en fait, stylistiquement, on va dire, mais c'était complètement aberrant au niveau de ce que ça proposait. Donc, puisque l'IA ne prend que des solutions existantes, il y a eu une espèce de boulega avec ça. Donc, ça m'a rassurée en même temps en me disant qu'il y avait quand même encore la possibilité de bien réfléchir. Et voilà, j'en suis là. Je pense que c'est comme la technologie, ça dépend comment on l'utilise en fait. Mais comme c'est tellement puissant, il faut qu'on soit doublement vigile.

  • Speaker #0

    Parlons un peu de l'ancrage. Tu dis pour faire un projet, il faut être ancré. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on a... Justement un peu comme l'anthropologue, il fait son terrain, il analyse, il faut être en connaissance de cause. Et on a un peu tendance à être hors sol en fait, c'est-à-dire ne pas prendre en considération toutes les données et surtout les données du vivant tout simplement. L'ancrage ça permet ça, ça permet de retrouver notre aspect sensible avant tout ça. puisqu'en fait, on s'aperçoit que si on a un lien et si on a un attachement... avec ce qui nous entoure, on va peut-être réfléchir un peu différemment. C'est-à-dire, on va se battre, par exemple, pour défendre ce qui est autour de nous. Mais cette sensibilité pour ce qui est autour devrait être développée au niveau général. Mais il faut déjà être ancré quelque part. Ça ne veut pas dire être ancré soi-même aussi, parce qu'on ne peut pas tous le faire. C'est compliqué. On est très citadins. Donc c'est compliqué de s'ancrer Mais on peut se Je dois dire s'ancrer par procuration Tout simplement Prendre le temps D'aller sur place De rencontrer les gens De voir des communautés agissantes Des communautés en action Et de se dire là il se passe quelque chose Il y a un équilibre Si je parle de communauté c'est très important pour moi Parce qu'en fait quand on ... Quand on est passé de la communauté à la société, on a perdu des choses en chemin. Donc cette façon de revenir à l'échelle de la communauté est importante parce qu'elle nous permet de comprendre ce qui s'y joue, de comprendre les interrelations, de faire confiance aussi, parce qu'il y a cette notion-là qui est très importante dans la communauté. On va déléguer à l'autre puisqu'on lui fait confiance tout simplement et qu'on ne peut pas tout faire. Voilà, donc cette confiance, elle est aussi majeure aujourd'hui. Et donc, on peut s'ancrer comme ça par procuration et ça nous répare en fait, parce qu'on a besoin d'être réparé. Je pense que le souci, c'est ça aujourd'hui. C'est comment arriver à se lever le matin et se dire, voilà, par quoi je commence ? Comment j'évolue ? Et ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est que ça demande énormément. Ça demande énormément de pensée pour bifurquer. Il n'y a pas de côté. Il y a des métiers qui sont très faciles. Pour lesquels ? Pour lesquels c'est très facile. Moi, j'ai un métier, à chaque fois que je change de projet, je peux influer sur la réponse que je vais donner. Convoquer les choses que je veux, convoquer.

  • Speaker #0

    Oui, mais parce que tu as cette démarche-là,

  • Speaker #1

    toujours. Les designers ne le font pas, mais en tout cas, moi, je le vois comme ça. Et je vois bien que pour d'autres métiers, ce n'est pas possible. Donc, c'est pourquoi il y a aussi des gens qui ont bifurqué. Il y a beaucoup de gens qui bifurquent et qui essayent de trouver des endroits. Voilà, pour être, pour n'être plus en dissonance en fait. On ne peut pas vivre longtemps en dissonance avec à la fois son milieu, avec son métier. Ça fait mal et enfin... Bien sûr,

  • Speaker #0

    je voudrais prendre un exemple concret. d'une manière dont tu t'es ancrée pour un projet de procuration. Un projet dont on a parlé ici dans un autre épisode, où j'ai reçu Patrick Elouargui, associé à Philippe Chapelet. On crée un certain nombre de lieux d'hospitalité, très expérimentaux à l'époque, en commençant par le E-Hotel à Nice. Mais je voudrais parler de Dar-Y, en Tunisie. Parce que c'est très loin de ta culture, c'est très loin de la France. c'est un environnement, on est dans le sud tunisien assez aride, désertique le désert donc c'est à Nefta qui est une oasis et où là Philippe Chaplet et Patrick ont décidé de créer un lieu d'hospitalité,

  • Speaker #1

    je n'ai même pas envie de dire un hôtel c'est une retraite comment, alors vous vous connaissez depuis longtemps on peut peut-être parler de cette rencontre avec Patrick et Philippe parce que c'est aussi des faits dans mon parcours. J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui croyaient aussi au fait de générer des lieux qui n'existent pas, expérimenter, se donner les moyens de faire des choses contemporaines. C'est important parce que ce n'est pas si diffus. Ils n'étaient pas hôteliers, ils avaient eu une expérience, ils étaient plutôt tombés amoureux d'un château, ils l'avaient transformé en hôtel et puis... à un moment donné se sont dit on va faire quelque chose voilà qui nous ressemble qui soit contemporain ils ont regardé un petit peu les démarches de chacun et j'ai vu arriver chez moi ces deux ces deux jeunes gens on avait à peu près le même âge moi j'avais pas fait grand chose j'avais plutôt fait de l'objet d'ailleurs j'avais pas fait d'espace mais j'avais une expo à l'époque et mais mais qui était complètement... complètement expérimental alors je me suis dit ressort de l'expo c'était aussi un peu en ayant compris quelque chose voilà mais je voilà je me suis dit c'est le meilleur moyen de savoir si on va faire un petit bout de chemin ensemble et voilà donc ils ont regardé l'expo et ils y ont vu justement ces scénarii voilà et un hôtel c'est ça aussi quelque part l'hospitalité là voilà c'est essentiellement des scénarii. cette collaboration qui dure depuis maintenant un certain nombre d'années, on va pas dire. Et de partage, d'émerveillement, de découverte. Et donc pour la Tunisie c'est d'autant plus beau que Patrick est originaire en fait, enfin son papa était tunisien, sa maman espagnole et lui est français. Donc il se dit à un moment donné je vais construire quelque chose de contemporain en Tunisie. Et montrer qu'on peut faire un autre type de lieu pour accueillir, qui n'est pas ces hôtels où on a 200 chambres. Et donc le principe, et c'est leur choix, c'était de se dire on ne va pas se mettre en bord de mer, puisque ça appelle déjà nous, non le désert, c'est plus introspectif. On va se mettre à l'échelle d'une petite ville pour voir comment on vit dans cette ville, pour voir descendre, regarder, etc. Et surtout la palme. qui est quand même un écosystème très intéressant et c'est là que je découvre aussi un peu comment ça fonctionne le fait que comment l'homme a besoin de la palmerie la palmerie a besoin de l'homme en quelque sorte cette espèce de voilà d'interdépendance qui est très belle et aussi le fait que là bas il n'y a rien il ya presque rien Et donc, on va savoir utiliser tous les éléments. Je prends l'exemple du palmier. Le palmier, on va utiliser les racines pour faire des décoctions. On va utiliser la peau, pardon, l'écorce. On va utiliser le tronc, on va utiliser les branches, on va utiliser les feuilles. Tout est utilisé. Et ça, c'est quelque part, comment dire, un exemple très important par rapport à ce qu'on doit faire aujourd'hui. c'est-à-dire ne pas prendre des éléments de la nature, d'en prendre simplement un petit morceau. qui nous intéresse et puis on va jeter le reste on sait pas trop quoi faire et donc c'est quelque part une espèce de société frugale que qu'on ferait bien de regarder un peu plus déjà prendre que ce qui est sur place. Et c'est aussi un peu comme ça qu'on a construit le lieu. On a travaillé bien sûr avec des Tunisiens. C'est important parce qu'en travaillant, on a en plus une connaissance plus fine de la culture. Et voilà, donc de rien importer, de faire tout avec les savoir-faire et les produits. Les matières disponibles, voilà. Et essayer de proposer de venir se poser là pour à la fois découvrir une culture, découvrir l'oasis. L'oasis qui aussi est un peu fragilisé puisque c'est la corbeille d'origine et qu'après, bien sûr, ils ont construit des palmeries intensives. Voilà, et donc cette partie... première en fait, elle est plus trop productive. Donc voilà, il y a une... Donc aussi avec cette idée de dire, il faut absolument faire en sorte qu'elle soit... prendre soin aussi de la... Voilà, avec un projet qui s'appelle le PAMLAB, qui avait cet enjeu de regarder comment on peut la protéger et pourquoi pas la faire revivre.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un exemple très... Très représentatif de l'approche que j'ai compris de ton travail, de l'ancrage. Oui, tout à fait. On prend le temps de compte de ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est grâce à Patrick, parce qu'en fait, il nous a complètement ouverts. Alors, on a fait des... On a découvert tout le sud tunisien, parce qu'on a recherché l'endroit. Ils ont recherché l'endroit. Ça a été un peu long. Ah oui,

  • Speaker #0

    ils n'avaient pas encore trouvé l'endroit ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on a fait plusieurs voyages, en fait. C'était en famille, d'ailleurs. C'était beau et on s'est immergés. Je me suis immergée parce que je ne connaissais pas cette culture. À Nefla, il y a du soufisme aussi. Donc, il y a une culture qui est restée assez forte, contrairement à d'autres endroits. Voilà, donc c'est un endroit qu'ils ont bien choisi justement, puisque c'est eux qui ont choisi, c'est Patrick et Philippe qui ont choisi le lieu. Ils ont bien choisi le lieu pour arriver à comprendre justement la culture tunisienne. Voilà. Et ça a été une belle aventure. C'était compliqué, on ne va pas le dire.

  • Speaker #0

    En plus, avec la révolution tunisienne,

  • Speaker #1

    le Covid.

  • Speaker #0

    C'était juste avant le Covid, je crois. Juste avant le Covid qu'ils ont ouvert.

  • Speaker #1

    On l'a ouvert et ça a été la révolution. Donc, en fait, on était en train de se demander, mais comment on va mettre le portrait ? Parce qu'on est obligé en tant que...

  • Speaker #0

    L'établissement tunisien.

  • Speaker #1

    De mettre le portrait de Ben Ali. Et en fait, on n'a pas eu à le mettre. Pas eu à le mettre.

  • Speaker #0

    2011, boum, plus de bien-amis.

  • Speaker #1

    On voulait plus ou moins faire une interprétation, etc. Parce qu'on n'était pas tout à fait en accord avec ce qu'ils proposaient. Et voilà. Mais ce qui a été assez intéressant, c'est qu'ils ont laissé faire parce qu'ils ne comprenaient pas du tout. Ils avaient comme schéma les hôtels à 300. Alors là, comme c'est tout petit. Voilà, alors à l'époque on n'avait pas le droit d'avoir une chambre d'hôte, c'est-à-dire que les Tunisiens ne pouvaient pas recevoir des étrangers chez eux, donc on n'était pas chambre d'hôte, on ne l'est pas. Donc c'était de toute façon, comme Patrick et Philippe l'ont toujours fait, des projets hybrides, parce qu'ils ne prennent que le meilleur et ils repoussent en fait ceux qu'ils n'ont pas envie de faire.

  • Speaker #0

    extra et alors ça vraiment aussi un exemple de design global parce que donc de Tu as travaillé sur l'espace, tu as travaillé sur les objets, mais aussi sur l'impact sur la communauté locale, donc les gens qui travaillent, etc. La gastronomie, l'alimentation.

  • Speaker #1

    Après, on s'entoure d'un écosystème, je ne sais pas comment l'appeler, parce que c'est plus d'une communauté, on va appeler ça une communauté. Puisque depuis le e-hotel, il y a une véritable communauté autour de Patrick et Philippe. qui sont des curieux en fait. On essaie de comprendre ce qu'on se disait. En fait, on a commencé le Yotel en se disant ce qu'on ne veut pas. C'était plus simple. On ne veut pas ça. Et puis après, il n'y a pas tellement d'idées de faire des espèces de plans. C'est plutôt du ressenti, des sensations. Et à un moment donné, on s'est dit, quand on regarde un petit peu le Yotel avec du recul, on s'est dit, le plus intéressant, c'est de parler aux curieux. Les curieux, ils vont être curieux de l'autre. Ils vont être curieux au niveau culinaire, ils vont être curieux de la ville de Nice. Ils vont aller voir, parce que ce n'est pas l'idée de faire des hôtels et de garder les gens dans les chambres. Même si la chambre, il y avait neuf expériences différentes, il y avait quand même quelque chose à comprendre à l'intérieur de la chambre et à expérimenter. Mais ce n'est pas du tout ça. C'est la vie, c'est l'activité, c'est l'idée d'aller voir des expos. Et donc, voilà, cet ingrédient, comment on capte les curieux, c'est essentiel. Parce qu'après, la vie de l'hôtel, la vie du lieu que tu fais, elle va être formidable. Parce qu'en fait, c'est...

  • Speaker #0

    Oui, donc, oui, tu vas forcément favoriser une chambre.

  • Speaker #1

    Voilà, ou en tout cas, dès le départ, faire en sorte que tu ne joues pas un rôle. Et c'est pour ça que... Tout a de l'importance. Ne pas aller chercher la valise de la personne en lui disant d'un côté il y a ceux qui servent, de l'autre côté il y a ceux qui sont reçus. Non, ce n'est pas ça l'idée. L'idée c'est de passer un bon moment d'égal à égal et de pouvoir accueillir. et de désamorcer ce qu'on peut être ailleurs pour pouvoir être ouvert à connaître quelque chose d'autre. C'est un long mécanisme et c'est ça qui est assez compliqué à établir, mais c'est très beau parce qu'en fait ça se traduit dans tout. Dès l'entrée de la porte, même à l'extérieur, la façon dont tu vas là, comment tu reçois les gens, qu'est-ce que tu leur donnes à voir, qu'est-ce que tu leur donnes à expérimenter, jusqu'où aller dans l'expérimentation pour ne pas les perdre complètement, mais en même temps, et faire en sorte que quelque part en ressortant du lieu, il y ait eu un peu une espèce de révélation. quelquefois micro-révélations.

  • Speaker #0

    Il y a un impact.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, après, il y avait aussi neuf concepts de chambres avec un certain nombre d'expérimentations un peu différentes. Il y avait aussi l'idée de pouvoir choisir. Jusqu'où on voulait aller dans l'expérimentation. Et ça, ça a été formidable de pouvoir faire ça. Et c'est vrai que tous les hôteliers sont venus voir l'hôtel, en cachette, la plupart. C'est une influence forte.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ça a fait... Alors, je ne sais pas si c'est ce projet-là, mais en tout cas, c'était clairement inscrit. Alors, ça ne va pas assez loin encore, mais je trouve qu'aujourd'hui, on trouve des lieux d'expérience peut-être pas aussi radicaux que celui-là, mais de plus en plus, heureusement, où on vient quand même de loin d'une standardisation.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, on disait, tu peux dormir là ou dormir là, c'est la même chose. Alors, c'était complètement... Nier le vécu, vous voyez ? Tu vois, pardon. Voilà, voilà. Donc, voilà. C'était hallucinant. On était rendu au niveau de l'hospitalité.

  • Speaker #0

    Les hôtels de chaîne où on standardisait tout. Et soi-disant, ça rassurait le client. En réalité, ça gommait toute envie de...

  • Speaker #1

    Donc en fait, c'est dire, tu restes dans cette chambre, tu ne vis pas. Tu passes une petite nuit sans vivre. Et puis après, tu n'auras aucun souvenir. Tu n'auras... Regarde la télé, en plus, ça va te permettre de...

  • Speaker #0

    De rester comme chez toi. alors d'ailleurs tiens ça me permet de parler de la notion de cocon trop oui puisque finalement si on est dans un cocon on reste dans son cocon et puis on se replie sur sa certitude et c'est ce qui arrive aujourd'hui et donc c'est vrai que l'intérieur des maisons a beaucoup été décrit comme

  • Speaker #1

    des cocons donc c'est un peu mon deuxième deuxième combat après les canapés c'est les cocons c'est la façon d'identifier la maison comme alors bien sûr on a besoin d'un toit ça c'est une je ne lis pas parce qu'on peut pas se projeter si on n'a pas de toi on peut pas parler de projet de vie ou quoi que ce soit si on n'a pas de toit donc ça c'est essentiel mais ça veut pas dire qu' il faut se surprotéger et on est allé quelque part trop loin dans le confort si aujourd'hui on n'arrive pas à le aller un petit peu en arrière en termes de confort parce que c'est ce c'est le sujet actuel c'est à dire au niveau d'électricité au niveau de tout voilà c'est que Donc voilà, on a été en fait embrigaillés dans cette idée que le confort c'est... c'est la chose optimum de notre développement, alors que ce n'est pas du tout ça. Donc, il faut remettre en question cette notion de confort. Et donc, je le fais dans les objets que je dessine, mais aussi dans les expositions. J'avais fait une exposition à Toulouse, puisque j'avais été invitée à être l'artiste. invitée justement pour la session du nouveau printemps. Et j'ai fait un projet qui s'appelle les polypores mangeurs de confort. Donc, c'est en fait une petite maquette avec des maisons. Et dessus est accroché un champignon. Et les polypores, vous savez, c'est les champignons un peu larges qu'on trouve sur les...

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et donc, ils ont la capacité... polypores de manger l'intérieur de l'arbre en fait et ils ressortent la matière à l'extérieur et donc j'ai imaginé un polypore mangeur de confort qui est là et qui crée des structures d'abri à l'extérieur pour faire en sorte que les gens se retrouvent à l'extérieur sortent de leur petit intérieur confortable et venir débattre des questions actuelles puisque c'est un peu l'enjeu tous ensemble, plutôt que de rester entre soi et autour de ses certitudes. Ça va de pair. Si on est surprotégé, on va de plus en plus chercher à ne rien bouger. J'ai toujours compris que cette idée d'activité dans l'espace intérieur, et c'est pour ça que j'ai fait chaque fois des espaces évolutifs, si on n'est pas actif à la maison. On ne va pas être extérieur pour son quartier, pour l'évolution du commun, etc. C'est assez sûr.

  • Speaker #0

    Donc, c'est en fait, oui, tu dis, on vit, on est à l'extérieur comme on est chez soi. Donc, si on est replié sur soi. Chez soi, parce qu'on est dans un ultra confort et qu'on sera pareil à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    On ne va pas échanger.

  • Speaker #1

    Et ça, depuis 30 ans, je travaille sur ces notions-là. Alors là, ça devient...

  • Speaker #0

    Prégnant et essentiel, vital. Depuis la crise sanitaire encore plus, où on a... Pour certains, oublier le lien social. Ça me permet de parler de la couleur, qui est centrale dans ton travail. Mais c'est aussi assez marquant de voir que, et moi le premier... parfois je me dis je vais pas oser dans les couleurs que je vais mettre sur mes murs je vais rester dans des camaïeux dans des tons qui vont me donner l'impression d'être dans le bon goût dans la tendance raconte-nous un peu.

  • Speaker #1

    Oui alors la couleur c'est un plaisir en fait donc on l'a on l'utilise quand on est petit assez librement puis d'un seul coup on vient nous dire maintenant c'est une question d'experts en fait donc On va vous donner des tendances. Et donc, comme ça, ça a été pour moi un gros problème. Parce qu'en fait, on doit continuer à avoir une relation à la couleur. C'est un plaisir, en fait. Et donc, pourquoi ? Parce que la couleur, c'est la vie, tout simplement. Et donc, si on s'interdit la couleur, ça veut dire qu'on s'interdit de vivre. C'est aussi simple que ça. Et moi, je l'ai vraiment compris en voyageant. J'ai beaucoup voyagé, ce que je ne fais plus maintenant. Et par exemple, je suis allée au Mexique, je suis allée dans un endroit très pauvre. Et comme par hasard, il y avait énormément de couleurs et il y avait les yeux qui scintillaient. C'est-à-dire qu'ils avaient beau être les plus pauvres, ils s'entouraient de couleurs. Parce que ça aide, ça répare, je peux dire encore une fois. Et ça soutient la couleur et ça soutient la vie tout simplement. Donc voilà, c'est un support pour la vie. Je ne l'ai jamais évoqué comme ça, mais voilà, c'est important. Et c'est pour ça que je me bats en fait. Et dans notre culture, justement, et c'est aussi lié très fortement au statut, on s'interdit la couleur à un moment donné pour faire des différences, je ne sais pas, pour se positionner. Mais pour moi,

  • Speaker #0

    c'est... Pour niveler un petit peu ?

  • Speaker #1

    On s'interdit de vivre. Moi, c'est aussi simple que ça. Je pense qu'on s'interdit par la même de vivre. de s'épanouir, etc.

  • Speaker #0

    Et le système marchand contribue à nous pousser dans cette direction-là, qui est de t'expliquer que c'est l'année du

  • Speaker #1

    BF. Oui, ça c'est notre système capitaliste qui trouve des moyens de faire marcher la machine, tout simplement.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on parle un petit peu de ton actualité et de tes moyens d'expression, ils sont multiples on l'a vu. Il y a la création de l'objet, il y a le travail sur l'espace, les expos et même maintenant l'écriture. Parle-nous un peu de la communauté des cratères qui est à la fois une expo et une fantaisie.

  • Speaker #1

    Justement, toujours dans cette remise en cause, les choses s'aggravent quand même et on voit qu'il y a un certain immobilisme. et donc je me suis dit je vais poser le crayon je ne dessine plus je pense plus même aux objets et aux espaces un petit peu pour pour faire le point est bizarrement est venue l'écriture alors je suis pas du tout de l'écriture enfin je fais des textes bien sûr autour de mes projets mais voilà et presse je mettais à terme énormément je lis beaucoup de philosophes d'écologie je pense que c'est à ce niveau là qu'il faut être pour arriver à justement créer un corps qui fait qu'à un moment donné quand je vais avoir une demande je vais pouvoir aller chez au ché convoquer des choses donc ça c'est essentiel donc et on a la chance d'avoir beaucoup en france de philosophes écologues qui peuvent vraiment nous aider donc il faut en profiter et ça demande mais il faut le faire et voilà on n'est pas tout seul on est voilà il ya une système de pensée qui a reconfiguré donc voilà Il faut s'y attaquer tout simplement, personnellement, mais aussi en groupe. Il y a plein de choses qui se passent en groupe aussi, on peut réfléchir ensemble. Et donc est venue une première fantaisie. Alors pourquoi je n'étais pas légitime ? Parce que déjà, je ne me sentais pas légitime parce que je n'avais pas trouvé la forme. Or la fantaisie, c'est un peu permettre de mettre tout ce que j'ai dans la tête, c'est-à-dire à la fois des réflexions. sur ce que pourrait être le futur et se projeter tout simplement. C'est à la fois des petits constats sur la société et c'est à la fois des choses intimes, d'où je viens, pourquoi je pense ça, etc. Tout mélangé autour d'un récit. Et donc la première fantaisie que j'ai faite s'appelle La communauté des cratères, où j'imagine une communauté qui pourrait exister. Ce n'est pas tellement prospectif, de gens qui vont s'installer dans les carrières puisqu'on a plein de carrières désaffectées en France et que bien sûr on entend beaucoup parler d'extractivisme, du renouveau de l'extractivisme voilà c'était bien avant que Trump we gonna drill baby drill c'était bien avant c'était avant en tout cas et ça redevient d'actualité et en pensant que Ces gens, ils vont transformer la carrière en cratère, c'est-à-dire retrouver la terre, retrouver le contact avec la terre, mais aussi réparer ces lieux. En fait, contrairement à certaines communautés qui sont allées déjà quand est arrivé les usines et les travaux un petit peu compliqués, répétitifs, ils ont décidé de faire des communautés dans les forêts. Ils étaient presque dans une forêt primaire, on va dire, ou pas primaire, mais en tout cas, il n'y avait pas de forêt primaire. Mais en tout cas, il restait de la nature. Alors aujourd'hui, notre environnement, il est abîmé. Donc en fait, la carrière, elle représente ça, puisqu'on a des déchets à l'intérieur. Et donc, voilà.

  • Speaker #0

    Oui, parce que traditionnellement, la carrière, c'est un lieu où on...

  • Speaker #1

    Voilà, le BTP a venu poser... ces déchets sans que personne ne s'y intéresse, etc. Donc, voilà. Et donc, là, l'enjeu, c'est aussi de faire redonner la place à la nature, mais aussi, qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? Qu'est-ce que... Voilà. Et donc, ça me paraissait une bonne analogie par rapport... Enfin, en tout cas, une bonne situation pour parler de ce monde abîmé et de comment faire, par quoi le prendre, en fait. Et les carrières, il y en a partout. Voilà, ça permet de s'ancrer, on en a parlé avant. Et voilà, donc j'ai créé cette petite fantaisie. Et en convoquant aussi, parce que je me suis dit, oui, tu proposes que ces gens redeviennent plus proches de la Terre, mais toi, quel est ton rapport à la Terre ? Donc c'est là que j'ai commencé à réfléchir sur l'idée d'être né dans la craie, qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, et de proposer aussi ce chemin de réflexion autour d'où je viens.

  • Speaker #0

    Donc, c'est à la fois un texte, une fantaisie, une expo qui a eu lieu.

  • Speaker #1

    C'est une expo après. Voilà. Je me disais que c'était une nouvelle forme et que j'ai été invitée dans ce merveilleux lieu qui s'appelle le Transpo, qui est le lieu culturel d'Emmaüs Solidarité.

  • Speaker #0

    Oui. Dans le dixième à Paris.

  • Speaker #1

    Voilà. C'est très beau parce qu'en fait, c'est un lieu de résidence. Donc, voilà, c'est des résidences d'à peu près un an, deux ans. Ce n'est pas des résidences où c'est au jour le jour. mais Et donc, c'est vraiment un outil de médiation aussi. Ce sont les résidents qui font visiter l'expo. C'est aussi avec certains résidents qu'on va construire l'expo. Donc, c'est complètement différent de faire une expo là ou dans une galerie d'art. Et je dois dire que j'ai trouvé le rôle de l'art, en fait, dans ce lieu, complètement à sa place. Et vraiment, peut-être, voilà, ça m'a ouvert les yeux sur ça aussi. c'est à dire que ça Ça permet d'agir, en fait. Ça a une force de proposition. Et voilà, donc, ça a été très, très beau de proposer une mise en forme, en fait, de cette communauté, la communauté Emmaüs, invitant la communauté des cratères à s'installer chez eux. L'idée c'est aussi d'aller investir les lieux, donc la façade. J'ai dessiné le cratère qui se voit un peu subtilement, parce que la façade est très belle, c'est une sous-station métallique. Je me suis mis juste dans les interstices pour la première lecture, la présentation de cette communauté dans un premier temps. Après, une espèce de petit feu symbolique où on peut s'asseoir, puisque c'est l'endroit de l'accueil où les résidents s'assoient, etc. Donc, j'ai juste rajouté un petit feu avec une couverture. Et puis, un cratère qui vient démontrer qu'il y a l'humain au centre. Le cratère est contenant de l'humain et quelque part, le cratère, en devenant... Le cratère, c'est un peu le nombril. Oui, c'est vrai. C'est une façon aussi de se rapprocher de la terre-mer qu'on a oubliée et de remontrer que c'est l'humain qui va nous permettre, c'est notre interaction qui va permettre de dépasser tout ça.

  • Speaker #0

    Et seconde fantaisie, les terriblements.

  • Speaker #1

    Donc c'est les tremblements, c'est pas les soulèvements, c'est les tremblements de la terre. Et c'est une petite fantaisie qui part du principe de dire que... les maisons commencent à se fendiller, à se craqueler. Ça crée une angoisse énorme, puisque là encore, la maison protège. Et c'est un peu comme si, quelque part, la terre venait se rappeler à nous, dans ce qu'on a le plus cher, notre maison.

  • Speaker #0

    Le lieu le plus sécurisant.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un peu l'idée de départ. Mais après, comment on arrive à faire en sorte d'accepter ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    que cette manifestation, plutôt que de devenir anxogène, comment quelque part ça pourrait... donner une occasion là encore de se rapprocher de la Terre et de changer d'attitude par rapport à elle.

  • Speaker #0

    Très intéressant. Est-ce que d'une manière générale, j'imagine que c'est ton quotidien, c'est ce que tu fais tout le temps, mais tu mesures ou réfléchis à l'impact ? que tu peux avoir de ton travail sur nous ?

  • Speaker #1

    En fait, là, c'est des petites fantaisies. C'est aussi cette idée de dire qu'après avoir passé du temps où tu es un peu consterné, il faut qu'on trouve des récits, des nouveaux récits. Tout le monde en parle, mais il faut qu'on arrive, chacun, à trouver des récits porteurs, des récits réparateurs qui nous permettent d'avancer et surtout de... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Tim Ingold, de retomber amoureux de ce monde. Parce que si on n'est plus amoureux, on le délaisse et on se laisse. Et donc c'est un peu ça le propos. C'est aussi pourquoi j'oriente mes expositions beaucoup autour de ça aujourd'hui. Parce que je sais qu'on a besoin de trouver ces récits, on a besoin de réfléchir aussi sur l'après. On est tellement omnibulé par ce qui se passe au présent et les manifestations. Voilà, c'est cette sidération dans laquelle on veut nous tenir, qu'il faut dépasser. Et quelque part, voilà, donc l'exposition en ce moment à Firmini, à l'église Saint-Pierre. Et autour de ça, ça s'appelle nos pieds d'argile. Donc, on est bien conscient qu'on est fragile. De toute façon, on le sait. Mais après, que faire ? Donc, il y a trois sections. La première action, c'est nous réparons le terrain. Donc là, j'ai vraiment pris l'idée de terrain, parce que le terrain, c'est ce que fait l'anthropologue. Et c'est aussi l'idée de dire, il fait son terrain. Et c'est aussi de dire qu'on va se laisser affecter justement par le terrain. Donc, nous réparons le terrain et entre guillemets, du commun. Donc, la première idée, c'est de dire, il faut se fédérer, il faut réfléchir. Et donc, je fais une structure qui s'appelle un dôme, en fait, qui est en fait une structure qui... Imaginez un dôme qui porte des tabourets. D'accord. Et en fait, on a des surfaces pour poser les questions au fur et à mesure sur ce qu'on doit débattre. Et quand a lieu la discussion, les tabourets sont retirés du dôme. Ils deviennent en fait les assises tout autour du dôme. Ok. Et on prend les décisions ensemble. Il y a une petite table au milieu pour noter, pour se souvenir des décisions communes. Et garder bien clair ce qui a été décidé. Et après, on referme, on remet les tabourets qui sont avec les pieds à l'extérieur, qui viennent en quelque sorte protéger aussi ce qui a été développé. Maintenant, on n'est même plus dans l'idée de... Il faut aussi protéger les décisions communes. Donc, c'est un peu symbolique, mais en même temps, un, déjà, parler de cette notion de commun qui est essentielle. Il n'y a pas que moi, il y a plein de gens qui travaillent là-dessus, plein de philosophes théorisent là-dessus. Parce que c'est à travers cette première étape qu'on va arriver aussi à se projeter. Donc nous réparons le terrain, nous réhabitons le terrain. Donc ça c'est une notion des années 70 de Peter Berg qui avait défini qu'est-ce que ça veut dire réhabiter. C'est quelque part devenir originaire d'un lieu, même si on n'est pas né là. C'est-à-dire avoir le même système d'attachement. Et donc là, je montre une structure, justement, qui est un peu une structure en bois, avec comme des écailles dessus, qui est une cabane, en fait, symbolique, un peu la cabane de Soro et de Walden. Il y a plusieurs philosophes qui ont fait ça. Arnenas aussi a fait ça. Il est allé, à un moment donné, s'isoler dans une petite cabane, avec très peu de confort, pour faire le point. Et là, je propose en fait une structure pour faire le point avec ces attachements à un endroit précis. C'est-à-dire, quand une personne native est à un point, elle est capable de donner 400, 500 références d'espèces végétales, animales autour de lui. Faites l'expérience vous-même. On a 3, 4... Ça veut dire qu'on a perdu ces attachements. On est dans ces attachements qu'on appelle superficiels. Donc, il faut les redensifier, revenir sur un attachement dense.

  • Speaker #0

    Oui, réinvestir.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, je fais l'expérience de montrer les attachements que j'avais dans le lieu où j'ai fait le confinement. Et là, j'ai un peu triché puisqu'en fait, on avait fait l'effort de justement s'intéresser à toute la faune et la flore. Mais j'invite aussi les visiteurs à faire la même chose sur le lieu où ils habitent. Parce qu'on sait très bien que... Si on a des attachements, on va aussi le protéger.

  • Speaker #0

    Le protéger, le partager.

  • Speaker #1

    Et donc, ça va nous permettre de lutter pour arrêter cette espèce de course effrénée à la fois de l'extractivisme, de la pollution. Donc, il faut en passer par là. Donc, il faut réhabiter. réhabiter et la troisième étape donc il ya plusieurs expos mais là je donne juste dans chaque thématique et notamment j'ai invité les étudiants de la haide avec qui je travaille à genève notamment faire une intervention à l'extérieur dans un séchoir collectif voilà Donc il y a plusieurs, dans la partie justement de... réhabiter. Et la troisième section, c'est nous préparons le terrain. Et là, je propose la maison de la restitution, qui est un projet sur lequel je travaille depuis une année, qui en fait, est l'idée de dire qu'on ne peut pas en tant qu'humain prendre, reprendre et puis ne rien restituer à la terre. La terre, en fait, elle... prend la mort et elle la retransforme en vie, tout simplement. Donc on fait partie de ce cycle énergétique, c'est un cycle énergétique. Et si on retire, si on coupe, si on affaiblit ce cycle énergétique, et bien tout s'écroule. Et c'est ce qu'on est en train de faire vraiment. Et donc il y a beaucoup d'écrits philosophiques qui nous expliquent que plutôt que de regarder au ciel, il faut regarder et retourner à la Terre. Et cette maison, en fait, je suis partie de la maison, je me suis intéressée aux maisons du néolithique, puisque c'est un peu là qu'on s'est sédentarisées, c'est un peu là que commencent les problèmes. En faisant pousser du blé d'un seul coup, on s'aperçoit qu'on peut le stocker. Ça, c'est bien pour survivre, mais c'est aussi... Un premier dérèglement. Voilà, quelque chose qu'on peut aller... On peut monter les enchères, etc. Donc, c'est notre système précapitaliste, je ne sais pas comment on pourrait dire, qui s'installe. Et la première maison néolithique, elle est en fait une maison qui est creusée dans le sol, à peu près un demi-étage. On descend avec une petite rampe. Il y a des poteaux tout autour du trou qui est rond. Et juste un poteau central et le toit. C'est assez simple. Je suis partie de cette structure-là. Sauf qu'au lieu de creuser, je la surélève d'un mètre. Et ce qui nous donne en fait une interface en dessous de la maison pour faire cette interrelation avec la nature. Ça veut dire qu'on va aussi... Avoir un endroit où je prends les choses. Donc si j'ai mon potager, parce que bien sûr on imagine avoir un potager, je vais prendre les légumes, les fruits, je les mets dans des cajots en dessous. Là c'est mon garde-manger tout simplement. J'ai des trappes à l'intérieur de la maison, donc je peux avoir accès. Donc je peux avoir le bois, puisque je me chauffe le bois. On imagine une petite maison en fait, puisque c'est un démonstrateur presque autonome. Et j'ai quelques panneaux photovoltaïques aussi devant qui viennent faire brise-soleil en même temps, puisque maintenant le soleil, il faut le gérer, l'utiliser et le gérer aussi. Et donc je retrouve une construction bioclimatique assez simple. Et de l'autre côté, et c'est ça qui est le plus intéressant, je vais avoir les contenants pour récupérer à la fois les eaux grises. Les ovans, le pipi, le caca, ça c'est pas malin, mais je mets ça en scène. Et en fait, ces déchets deviennent des ressources. Comment on arrive à comprendre ça ? C'est quand même assez simple. Donc c'est plus, là encore, un scénario de vie qui montre que c'est possible. En tout cas, cette notion-là, d'ailleurs,

  • Speaker #0

    c'est pas...

  • Speaker #1

    On n'a rien inventé, tout ça existait en fait. Donc c'est juste revenir à des choses qui font sens et trouver... une façon de combiner tout ça mais qui fasse envie aussi voilà qui nous assure qu'ils soient qu'ils soient pas ni punitif ni ni de la science fiction qui nous apporte qui nous apporte qui nous qui soit du côté du désir qui soit pas du côté du manque mais du désir d'habiter voilà

  • Speaker #0

    c'est là qu'il que se joue en fait tout à fait oui je vais en jouer là alors ça c'est visible donc à firmini dans la haute loire, c'est ça ? La Loire. La Loire, pardon. Sur le site du Corbusier, on est là. Jusqu'à quand ? Jusqu'à l'automne ? Jusque janvier.

  • Speaker #1

    J'ai eu des retours lors de la présentation parce que je vais y venir régulièrement. C'était un peu particulier parce que ça fait partie de la Bénal de Saint-Etienne du design. Donc en fait, il y avait essentiellement des... Voilà, donc je vais y venir. Dans un deuxième temps, mais là, ça sera plus des visiteurs.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant, moi, je trouve, de comprendre. Enfin, c'est tout l'enjeu aussi de ce que tu fais, de ce genre d'expo. Mais c'est de se dire, OK, comment j'impacte vraiment sur le regard des visiteurs non avertis ? Oui. Et qu'est-ce que ça va changer chez eux ? Moi, je suis très curieux de savoir ça. Mais la notion de démonstrateur, tu en as parlé. Ça, c'est un bon exemple. Dans la plupart de tes projets, tu dis que ce sont des démonstrateurs. C'est une manière...

  • Speaker #1

    C'est un peu nouveau, en fait. Parce qu'en fait, le statut de l'objet tel qu'il est là, ce n'est pas une maquette, c'est échelon. Et en fait, c'est Claude Parent qui avait fait un démonstrateur de son oblique. Et j'ai trouvé ça très juste, en fait, parce qu'il n'arrivait pas à convaincre, du fait que l'oblique était la solution pour ne pas construire en vertical. et... et non plus s'étaler en horizontal. Et il avait imaginé faire un démonstrateur. Et donc, je me suis dit, tiens, ça, c'est une bonne façon d'expliquer les choses, parce que pour l'instant, ce n'est qu'un démonstrateur. Donc, il n'y a pas tout. C'est juste esquissé. Et ça permet d'ailleurs à chacun d'imaginer, d'ajouter des choses en fonction de ses intérêts. Mais c'est juste un fonctionnement, un démonstrateur. Et c'est surtout un démonstrateur pour changer de système de pensée. C'est ça aussi.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors d'ailleurs, ta démarche, je ne sais pas comment on peut la dire, elle est engagée à minima, elle est politique, elle est presque parfois militante, je ne sais pas comment tu le définirais toi. Tu travailles aussi parfois avec des grands groupes. Comment tu fais pour... D'abord, est-ce que tu as déjà refusé des projets pour des raisons, on va dire,

  • Speaker #1

    d'engagement ? Oui, oui, oui, je refuse des projets parce que la création, c'est quelque chose de fragile, en fait. C'est quelque chose qu'on... qu'on acquiert à force d'années. C'est ce que j'explique aux élèves aussi, aux étudiants, c'est-à-dire c'est fragile. Il faut se protéger. Et c'est les convictions aussi qu'on a d'exercer ce métier. Et si on n'est pas avec les bons partenaires, on va toucher ça, qui est en fait le cœur de notre façon de travailler. Et donc il faut se protéger. Donc moi je me protège, je m'assure. que les gens avec qui je travaille ont les mêmes valeurs comme moi. Sinon, de toute façon, ça ne va pas donner un bon projet. Donc, ça ne sert à rien d'aller se martyriser et de travailler avec les personnes qui ne pensent pas de la même façon ou qui ne sont pas prêts à d'ailleurs faire ce pas de côté. Puisque maintenant, j'ai fait suffisamment de projets. Donc, c'est aussi ça. C'est-à-dire qu'en rentrant dans mon studio, j'ai fait suffisamment de choses. Si les gens... passe la porte, c'est déjà qu'ils ont compris plus ou moins où il s'agit. Donc c'est une espèce de sélection naturelle qui fait que je vais collaborer avec des gens qui sont un peu autour des mêmes notions et qui ont envie d'avancer dans le même sens. Je ne sais pas si on peut dire bon, mais voilà.

  • Speaker #0

    Tu as collaboré avec Ikea notamment. Spontanément, on imagine Ikea comme étant...

  • Speaker #1

    Il y a déjà une dizaine d'années, je ne sais pas si je le referai aujourd'hui. C'était une belle expérience, parce qu'en fait, Ikea a un design intégré, bien sûr, on le sait. Et puis, il collabore avec beaucoup de designers qui sont plutôt des Scandinaves, en fait. Mais il collabore très peu avec... À l'époque, avec les designers... on va dire européens voilà et donc là ils avaient décidé de donner la parole aussi à d'autres designers s'ils sont aperçus que ils étaient très centré au niveau de leur culture en fait les mots enfin voilà donc comment ce voilà c'était c'était ça et que ça commençait à poser problème en fait un avance avait ça devenait en fait quelque chose d'assez porteur voilà d'une singularité et puis que petit à petit ça pouvait aussi poser problème et donc Donc, ils ont invité un certain nombre de designers pour un projet qui s'appelle le projet PS. Donc, c'est toujours une petite gamme à côté. Et c'était très beau parce qu'en fait, je suis allée en Chine choisir le fabricant avec qui je voulais collaborer. Donc déjà, c'est fabriqué en Chine. Mais déjà, je pouvais choisir et en fonction du fabricant, proposer le projet. aussi, dans ce sens-là. Donc, il y avait une grande liberté. Donc, c'est comme ça que j'ai décidé de faire cette petite lampe, qui est une lampe autonome, avec une certaine autonomie, qui représente aussi... Je me suis dit, mais c'est quoi dans l'imaginaire commun la lampe qu'on porte ? C'était la lampe du cheminot. Donc, je lui ai donné une forme extérieure. Voilà. une espèce de lanterne avec le tout petit composant lumineux au milieu, puisqu'en fait, on se retrouve comme ça aujourd'hui. La lampe, elle peut faire... Elle est tellement petite qu'elle est plus appréhendable, en fait. Ou en tout cas, on est dans un système intermédiaire où, en fait, on a encore envie de l'objet. On n'a pas envie complètement que ça se dématérialise. Donc, en fait, c'est un peu un stade intermédiaire où le corps lumineux est tout petit au centre, mais il est dans une présence, en fait, d'un objet qu'un objet en fait de cette lampe de cheminot qui me paraissait intéressant de faire faire référence voilà et j'ai passé pas changé un millimètre de l'objet il a été voilà ok produit comme je l'ai dessiné voilà donc ça a été une très bonne expérience en fait voilà après je vois là après c'est ce sont des groupes qui bien sûr des volumes énorme à produire mais ils sont aussi capables de prendre des décisions et par exemple je me souviens à l'époque quand je collaborais avec kia il avait décidé de sortir une ampoule à moins d'un euro une ampoule à l'aide bien sûr pour faire en sorte parce qu'il y avait des grandes réticences à l'adoption. Et on sait qu'une lampe incandescente, il y a 40% de l'énergie qui sert juste à chauffer l'air et pas à éclairer. Donc, c'est des aberrations qu'on puisse avoir utilisées toutes ces lampes,

  • Speaker #0

    toutes ces années.

  • Speaker #1

    Donc, ils lancent aussi des programmes comme ça. Mais ils sont des leviers de changement qui sont énormes. Donc, ce n'est pas blanc et noir.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le voir comme un levier énorme de changement. Tu as raison. Oui, évidemment. OK. Si je te dis scalabilité,

  • Speaker #1

    tu réponds quoi ? Oui, c'est vrai que je parle beaucoup de communauté. Mais aujourd'hui, on n'a plus envie d'imaginer des utopies. transversale en fait parce que voilà c'est on sait que ça ça mène à des choses assez effrayant donc on se retrouve à faire son chemin dans des communautés qui sont ancrés là où on peut discerner ce qui est bien ce qui est mal où on peut se faire confiance où on peut se réparer et la question est de se dire mais comment on va changer d'échelle mais en fait ces luttes elles sont partout. en fait et elle défend plus ou moins la même chose donc c'est peut-être c'est peut-être ça l'idée c'est de se dire que peut-être multiplié c'est la somme des voies c'est la somme des luttes qui peut faire la différence et c'est aussi se sentir proche voilà comment dire dans le dans ce qu'on défend tout simplement je veux dire on le voit il ya quand même une convergence des luttes, qui nous permet de comprendre que c'est un phénomène global et que ça ne se joue pas aux petites échelles.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Je voulais parler de circularité. Il y a une chose qui m'a marqué. Je suis allé, on parlait de Patrick et Philippe et de Darhi et de Yotel. Leur nouveau projet, c'est la ferme hybride, qui est dans le Luberon, qui est un lieu sur lequel...

  • Speaker #1

    Une ferme. Oui, une ferme.

  • Speaker #0

    et en me faisant visiter le lieu Patrick me disait tu vois ça sont des lits qui étaient à Nice ça c'est des tables de Matali qui étaient là etc. Donc naturellement énormément d'objets ont retrouvé leur place comme s'ils avaient été imaginés pour... pour ce lieu. C'est pour toi une évidence que tes objets soient circulaires, c'est-à-dire qu'ils trouvent une seconde vie, une troisième vie. Tu les imagines comme ça, naturellement. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est important d'imaginer dans le long terme, ça c'est évident, de faire des objets qui puissent transmettre, c'est important. Là, c'est un cas un peu particulier puisque comme c'est une collaboration qu'on a depuis 20 ans, on ne peut pas toujours agir comme ça dans tous les projets. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre que... Alors, on a plein de façons de faire du design. En fait, on peut faire de l'éco-construit. On peut faire cette idée de travailler sur des objets qui sont... Comment dire ? pérenne, mais voilà, et travailler sur une qualité qui fasse qu'il le reste. Et chacun peut choisir, on peut travailler sur la matière. Il y a beaucoup de jeunes créateurs qui se penchent sur l'idée de créer des nouvelles matières qui ont moins d'impact, etc. Donc, c'est ça qui est beau, en fait. Bizarrement, ça paraît compliqué d'être designer aujourd'hui, mais en même temps, ce que je dis aux étudiants, c'est que vous avez une grande palette de possibles. puisque tout est à repenser. Et vous n'avez pas besoin de vous déconstruire, parce que vous pouvez prendre déjà une direction. Donc c'est quelque part une espèce de champ des possibles qui est énorme. Et c'est ce qui me réconforte dans cette idée, puisqu'on est quand même une profession qui est assez agile. On n'a pas de corporation très forte. Donc, il fait qu'on peut naviguer, trouver son mode de faire. Il y a beaucoup de designers qui vont s'installer aussi dans les régions. Ça, c'est très important. La créativité est aussi en train de merger. Et ça, c'est très beau à voir. parce qu'il y a eu cette fracture entre le rural et l'urbain qui a fait beaucoup de mal. Et donc là, c'est aussi un signe très encourageant que les jeunes générations veulent aussi s'ancrer et faire en adéquation avec le territoire. Et le voir comme ça, c'est plutôt intéressant parce que ça va faire, on voit bien, une espèce de plurivers qui s'installe et la diversité, elle est au rendez-vous tout simplement.

  • Speaker #0

    Alors, tu as parlé de transmission, c'est hyper important, la circularité des objets, mais aussi la transmission des pensées. Tu interviens dans des écoles, tu animes des workshops. Tes expositions et tes fantaisies sont aussi une manière de transmettre. Justement, est-ce que tu sens que leur regard sur le monde, les étudiants, est de plus en plus radical ?

  • Speaker #1

    Les étudiants sont à l'image de la société, en fait. Naïvement, j'ai pensé que les designers étaient tous en train de se remettre en cause. Et en fait, pas du tout, puisqu'il n'y a pas... Je suis spécial. C'est pour ça que j'ai lu, mais ce n'est pas moi qui ai expliqué cette histoire de design mineur et design majeur. C'est que je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce... Et en fait, c'est assez clair. Il y a un design mineur qui est dans les marges, qui fait ce travail de défrichage. Et puis, il y a le design majeur qui continue à servir ce système capitaliste qui est là.

  • Speaker #0

    Oui, qui détruit. Est-ce que tu fais beaucoup de choses pour... Tout ton travail est dirigé vers les autres, vers le commun. Est-ce que tu fais encore des choses totalement égoïstes pour toi ? Je ne sais pas, c'est une question un peu...

  • Speaker #1

    Non, mais j'ai du mal justement à travailler, à faire des projets pour moi. Je m'en aperçois. Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Il y a certains designers qui expliquaient qu'ils essaient de faire le mieux pour eux et si ça leur plaît, ça va aux autres. Moi, je n'ai jamais fonctionné comme ça. J'ai toujours besoin de me projeter. Je ne sais pas si c'est ma gémellité. Je vais dire un peu ça. Parce que c'est vrai qu'être jumeau, c'est une autre présence au monde. On a déjà une partie de soi qui est à l'extérieur. Ce n'est pas moi qui ai théorisé ça. C'est Emmanuel et Kotscha qui en fait sont jumeaux aussi. Et j'avais trouvé ça assez juste parce que je... Je suis dans un rapport assez fusionnel en fait, aux gens, aux choses, et ça vient de ma gémellité, je sais, mais c'est le prochain chantier en fait, j'ai pas le temps.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, ta sœur travaille avec toi ou pas du tout ? Non,

  • Speaker #1

    non, elle travaille dans le cinéma.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. On arrive déjà à la fin de notre conversation, vraiment génial. J'ai une petite question ou deux, rituel, si tu devais transmettre un seul objet ? ce serait quoi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un objet. Non. Ce n'est définitivement pas un objet. C'est plus des écrits philosophiques. C'est une liste de livres.

  • Speaker #0

    Je veux bien que tu nous en partages quelques-uns, qu'on mettra en note d'épisode. Franchement, c'est intéressant. Merci, Nathalie, de cette conversation vraiment passionnante, stimulante, questionnante aussi, vraiment. Elle interroge beaucoup. Et c'est le sens de ce travail. Tu nous rappelles que le design, c'est évidemment bien plus que des formes. C'est une manière d'habiter le monde, de s'ouvrir aux autres, de préparer l'avenir avec courage. C'est vraiment ce qui nous manque peut-être le plus. Merci beaucoup, Nathalie.

  • Speaker #1

    Mais de rien. Merci, c'était un plaisir.

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Description

Le design n’est pas une question de style, mais une manière de penser le monde

Dans ce nouvel épisode de The Design Talk, Franck Mallez reçoit Matali Crasset, figure majeure du design français contemporain, mais surtout exploratrice d’usages, d’espaces et de liens.


Formée à l’ENSCI, passée par Starck, Matali a toujours refusé les codes du design de surface pour défendre un design de fond : un design de transformation, de questionnement, de réparation. Elle se dit “designer de l’anthropologie appliquée”. Et tout est là.


Dans cette conversation généreuse, elle revient sur ses débuts dans une famille d’agriculteurs, ses premières créations comme Quand Jim monte à Paris, ses années de collaboration avec Philippe Starck, mais surtout sur sa méthode singulière : partir d’un territoire, d’un usage, d’un collectif, pour inventer une réponse sensible, contextuelle, souvent radicale.


On parle de couleur comme énergie vitale, de scénarios de vie au cœur de ses objets, de ses projets hôteliers hybrides (comme Dar Hi en Tunisie), de son travail dans des lieux inattendus (églises, villages, écoles), de ses engagements pour un design qui libère, qui soigne, qui relie.


Elle évoque aussi ses expositions récentes (La Communauté des cratères, Nos pieds d’argile), qui prolongent sa recherche d’un monde habitable – plus lent, plus doux, plus vivant.


Un épisode profondément inspirant, qui nous invite à repenser ce que peut (et doit) être le design aujourd’hui : un outil de transition, de poésie, d’avenir.




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The Design Talk est produit par Franck Mallez. Fondateur de Yourse.co et de tcrewagency.com , ancien journaliste, et entrepreneur des industries créatives.
https://www.linkedin.com/in/franckmallez/
https://www.instagram.com/franckmallez/
https://www.instagram.com/thedesigntalk.podcast



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    designers, architectes, entrepreneurs, artisans, tous ont en commun une vision, un parcours, une approche du design qui résonne avec notre époque. Alors ici, on parle d'inspiration, de matière, d'innovation, de process, mais aussi de défis, d'échecs et de réussites, tout ce qui façonne finalement chaque projet. The Design Talks est une plongée dans l'univers de ceux qui imaginent, transforment et réinventent notre quotidien. Alors installez-vous, ouvrez grand les oreilles, l'épisode du jour commence maintenant. Allez, on va y aller. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce Design Talk. Aujourd'hui, je reçois une figure majeure du design, même si elle aime décrire son design comme un design mineur par rapport au design majeur, on pourra en parler. En tout cas, c'est une des figures les plus singulières à mes yeux et aux yeux de beaucoup du design. Son œuvre ne se limite pas aux objets, elle travaille à partir de scénarios de vie. Elle interroge nos façons d'habiter, de nous relier et de construire, reconstruire du lien, du commun. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Matalie Crasset. bonjour Matali

  • Speaker #1

    Bonjour, moi aussi je suis heureuse. Je suis designer-euse.

  • Speaker #0

    Design-heureuse, c'est vrai d'ailleurs. J'ai lu ça, designer-euse, j'adore cette façon de te décrire. Alors depuis toujours, tu signes Matali Crasset avec un M à la place du N, et tout en minuscule. Je n'ai jamais lu d'explication. C'est une première question que je vais te poser. Est-ce que c'est un geste symbolique ? D'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Non, ça vient de... J'ai fait des colonies maternelles en fait. Et les enfants, avant de dire le N, disent le M. Et donc, ils m'appelaient Mata Li. Ils ajoutaient même un deuxième, mais je ne l'ai pas gardé. Et petit à petit, dans ma sphère intime, on m'a appelé Matali. Maintenant, je me reconnais beaucoup plus comme ça. Donc, c'est venu petit à petit.

  • Speaker #0

    Ok, aujourd'hui, c'est totalement… ça fait partie de ton… c'est presque un choix créatif aussi.

  • Speaker #1

    Oui, aussi. Puis, le « m » est aussi plus invitant. Ça me représente plus, je crois.

  • Speaker #0

    Ah oui, ok. Alors tu as grandi dans la Marne, dans un village, dans un environnement agricole. Tout à fait. Dans une maison peut-être sans culture design forte.

  • Speaker #1

    Non, c'est une autre culture, ça s'appelle l'agriculture. Oui,

  • Speaker #0

    essentielle évidemment et ça fait partie de plus en plus de tes projets je crois. C'était une maison aussi pleine d'inventivité. Alors, est-ce que cet environnement t'a donné le goût toi aussi d'inventer, de reconstruire, de construire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est plutôt l'extérieur, puisque quand on est enfant et qu'on vit à la campagne, on sort de la maison. Le village est une plateforme de développement, on va de plus en plus loin, on découvre des choses. Et puis quelque part, un bâton un jour peut devenir un piquet de tente, le lendemain ça devient une rame. Donc en fait on invente des histoires, des récits et on joue à échelle 1 en fait c'est à l'échelle du territoire donc c'est un véritable cadeau de pouvoir faire ça quand on est enfant. Oui,

  • Speaker #0

    et c'était parce que j'imagine que toutes les familles n'ont pas la même liberté, ne laissent pas la même liberté aux enfants. Oui,

  • Speaker #1

    il n'y avait pas du tout d'enjeu de sécurité. Non, non, c'était voilà, il y avait peu d'enfants parce que c'est un village de 80 habitants. Donc, en fait, on était deux, trois. Mais j'avais une soeur jumelle et ça change tout.

  • Speaker #0

    et oui et oui tu avais ton binôme Et oui, ça t'a obligé en plus à être très imaginative, d'avoir peu d'enfants autour de toi. Très bien. Oui, d'ailleurs, tu dis qu'enfin, tu avais bien été obligé d'innover, d'expérimenter. C'est le cœur de ta démarche aujourd'hui. Et donc, tu crois que ça a été cette créativité contrainte qui t'a poussé à faire ce que tu fais aujourd'hui, d'une certaine manière ?

  • Speaker #1

    Forcément, il n'y a rien entre ce qu'on a vécu quand on est enfant et ce qu'on fait après en étant adulte. En fait, c'est évident. Après, moi, je ne l'ai pas trop réfléchi. C'est plutôt aussi la relation à la terre que j'essaie de comprendre aujourd'hui. Et d'ailleurs, je viens d'écrire un petit texte qui s'appelle « Je suis née dans la craie » . Qu'est-ce que ça veut dire d'être née dans la craie ? Parce que je suis née dans un village qui est essentiellement dans la terre. Il y a un petit substrat de terre, mais il y a beaucoup de couches calcaires qui sont importantes. Voilà, donc j'essaie de comprendre qu'est-ce que ça veut dire d'être né dans la craie, d'avoir habité une maison de craie au départ. Voilà, toute cette notion-là qui est intéressante pour moi. pour comprendre aussi d'où je viens et sur quoi je peux m'appuyer pour avancer.

  • Speaker #0

    Et notamment, j'ai lu que la craie, évidemment, la couleur, très monochrome, qui se confondait avec le ciel d'hiver parfois.

  • Speaker #1

    Ce n'est même pas moi qui l'ai découvert. C'est en faisant une discussion avec une personne qui connaissait bien mon pays et qui l'avait traversé, en essayant de vendre en plus des objets culturels. Merci. Donc le double challenge qui m'a dit en fait voilà pourquoi tu utilises la couleur. C'est évident en fait. Tu es né dans un pays où c'est blanc la plupart du temps. Voilà où il y a cette espèce de... Voilà donc je pense que c'est pour contrebalancer ça.

  • Speaker #0

    Oui, on reviendra sur évidemment la couleur qui est centrale dans ton travail. Si tu t'étais appelé Stéphane ou si tu avais été un garçon, tu crois que tu aurais fait du design ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'aurais fait du design aussi. Alors peut-être qu'il y a un peu plus de pression sur les garçons dans les villages parce qu'il faut reprendre la ferme en fait. Avec ma sœur Véronique, on n'a pas eu cette pression-là du tout. On a fait… Mais mes parents étaient très, très ouverts, en fait. Sinon, je n'aurais pas pu faire d'école de design de toute façon. Mais voilà. Donc, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    bien évidemment.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. En tout cas, c'est le petit frère qui a repris la ferme. OK. Voilà, on est quatre en tout. Et voilà, les trois autres ont pu choisir leur métier. Mais lui aussi a choisi, en fait, en quelque sorte. Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, tu démarres par un IUT de commerce. Et puis, je crois que c'est lors d'un exercice, d'un TD ou je ne sais pas, où vous devez travailler sur un car, qui était une marque de parfum.

  • Speaker #1

    Oui, alors je ne vais pas directement dans une école de design parce que je ne me sens pas légitime. Je ne suis pas de cette culture-là. Merci. je sais déjà que ça existe. Je me renseigne petit à petit et je ne me sens pas légitime. Je n'ose pas aller faire un concours dans cette direction-là. Donc, je fais un petit peu comme tout le monde. Je suis le chemin. Mais j'avais beaucoup aimé... J'avais au lycée un prof d'économie qui était formidable. Et ils faisaient... Ils étaient en trinôme avec le prof d'histoire et le prof de géographie. Et donc, les cours étaient coordonnés. Et c'était formidable, en fait. Donc, j'ai un peu suivi cette logique en continuant. C'est intéressant aussi parce qu'on essaye de réfléchir aux mécanismes. Oui. Aux mécanismes et quelque part aussi à comment fonctionne la société. Donc, il y a la partie aussi un petit peu sociologique, même si, donc après ces études... Je me suis fortement dégagée de ce... Parce qu'en fait, c'était aussi quelque part devenir, on apprenait à devenir, les gens se transformaient au fur et à mesure autour de moi, en s'habillant différemment, en prenant une posture. Donc je ne me suis pas du tout sentie à l'aise avec ça. Et après, je me suis sentie... J'ai osé essayer de rentrer dans le monde du design.

  • Speaker #0

    Mais tu disais, je ne me sentais pas légitime, mais tu savais déjà que c'était quelque chose qui te touchait ou dans la direction vers laquelle tu avais envie d'aller. Et tu mettais le mot design derrière.

  • Speaker #1

    Non, en fait, je me suis aperçue parce que j'ai des enfants qui sont grands maintenant et qu'ils ont fait un petit stage d'observation en troisième. Et je me suis posé la question, est-ce que ça existait en fait quand j'étais en troisième ? Et oui, ça existait. Et j'ai fait un stage chez un architecte. J'avais complètement oublié. Donc, ça date déjà de la troisième, en fait, mon intérêt. Et je ne sais même pas comment j'avais réussi à trouver un architecte dans ma région, etc. Et en fait, c'est en remémorant le... Pourquoi j'avais oublié, tout simplement, parce que ça avait été une mauvaise expérience. Cet architecte était plutôt issu d'une... Comment dire un milieu social qui n'était pas le mien et donc je me suis dit bah c'est pas c'est pas pour moi

  • Speaker #0

    J'ai remis le désir de devenir créatif créateur avec l'architecture sous la sous la pile et voilà j'ai continué donc ensuite donc ce cet exercice lors de ton de ta première formation supérieure iut de dessiner un flacon de parfum je crois oui c'était un révélateur c'est

  • Speaker #1

    Oui, mais en même temps, c'est juste de comprendre que la matérialisation de la forme, elle est complexe, elle est très complexe et qu'on embarque toute une symbolique. En fait, ça va bien au-delà de l'aspect fonctionnel, surtout pour le flacon. Et voilà. Mais il y a eu plusieurs déclics. Il y a eu ce déclic-là. Et puis, il y a eu surtout la rencontre avec Francis, qui lui aussi voulait faire une école de design. Donc,

  • Speaker #0

    vous étiez étudiants ensemble.

  • Speaker #1

    Et on est parti faire un stage à Berlin. Et là, vraiment, ça a été le passage. Je me suis dit... Et on est allé rencontrer à l'époque des designers dans une ville berlin qui était... pas du tout industrielles, donc c'était plutôt des artistes designers et qui nous ont ouvert vraiment leurs portes. C'était une belle période, c'était très facile de les rencontrer et c'était aussi des artistes entiers, c'est-à-dire que ce n'était pas simplement des designers, souvent ils faisaient partie d'un groupe de musique. Donc il y avait une ambiance à Berlin à cette époque-là, je dois préciser, c'était avant la chute du Mule. et une effervescence créative, qui a en fait, la métamorphose elle s'est fait là puisqu'en fait on a fini par faire un... Un rapport, en fait, un petit rapport ensemble. Et ça s'appelait Blitzkrieg Tech Design. Donc, en fait, on n'a pas du tout parlé. Donc, ça a été aimé, on l'a affirmé. Et voilà, ça a été le passage.

  • Speaker #0

    Ça a été le passage. Et derrière, vous faites tous les deux une école de design ?

  • Speaker #1

    Non, Francis, pas une école de design. Parce qu'en fait, il n'est pas manuel. D'accord. En visitant les ateliers, l'Annecy, les ateliers, s'aperçoit que là... En bas, ce sont que des ateliers, des workshops pour transformer la matière. Et là, il se dit, il y a un truc que je n'avais pas perçu. Donc, en fait, il va continuer un petit bout de chemin plutôt autour de l'art contemporain.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est ton mari et vous travaillez ensemble sur beaucoup de projets, j'imagine. pour en parler. Derrière, tu fais un stage important, je crois, à Milan. Oui. Pour toi, chez Denis Santacara.

  • Speaker #1

    Oui. Alors voilà, j'ai fait d'abord, il faut parler un peu de cette école. Oui. C'est important. On a des bonnes formations en France. Et l'ENSI en fait partie, l'ENSI Les Ateliers. Je me suis vraiment épanouie dans cette école. Il faut comprendre qu'il y a une bienveillance et une générosité pour arriver à trouver son approche. Oui. Donc c'était le paradis. Et j'ai aussi compris que les écoles, ça pouvait être ça. Pas simplement les écoles de création, mais une école pour apprendre, la façon d'apprendre, la façon de nous rendre autonomes, puisque c'est quand même un système pédagogique, un parcours pédagogique qui rend vraiment autonome et très singulier. Et voilà, donc en fait, je suis aussi redevable de cette formation. et qui m'a permis de devenir designer.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    en fait, à la sortie de l'école, je devais couper le cordon parce que c'est une école où on se sent bien. D'ailleurs, on avait du mal à partir à l'étranger. Il n'y avait pas d'Erasmus à l'époque.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    On est quoi dans les années 80 ? Je suis sortie en 89.

  • Speaker #0

    En 99, c'est ça ?

  • Speaker #1

    En 99, 92. Oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, donc pas d'échange.

  • Speaker #1

    comme ça pourrait donc je vois là je me suis dit il faut que je quitte paris parce que je vais rester sur l'école à l'époque valencien l'école on partait un peu quand on était prêt donc des gens restaient sept ans voilà il n'y avait pas de voilà il n'y avait pas de parcours avec c'était de voilà d'avoir trouvé son approche et de voilà donc moi je suis parti au bout de quatre ans et demi et j'ai décidé d'aller voir Milan étant plus dédié bien sûr au mobilier, mais au moins c'est une place où le design compte. J'avais besoin de comprendre ça. En France, c'est un peu plus flou. Il y a des endroits où ça compte et puis il y a des endroits où ça ne compte pas du tout. Donc j'avais besoin de me sentir entourée par des pairs, par une profession, quand on va bien sûr à la foire de design à l'époque. Voilà, on sentait qu'il y avait une discipline qui était là en train de se construire. Voilà, c'était important pour moi.

  • Speaker #0

    Tu as compris pourquoi ? Moi, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi c'était aussi présent à Milan, enfin en Italie en général et à Milan.

  • Speaker #1

    Les Italiens sont assez... Ils ont compris que le design pouvait être une force pour exporter. Ils ont 80% de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Donc, ils ont compris ça. Ce qu'on n'a pas compris en France.

  • Speaker #0

    Et les nordiques, c'est un peu pareil pour toi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Eux, ils l'ont toujours été de toute façon. Ils ont un tout petit pays. Donc en fait, ils sont très dans l'échange.

  • Speaker #0

    Et il y a d'autres pays comme le Japon, où là, il y a peut-être... Alors, c'est peut-être aussi les mêmes ressorts, mais j'ai l'impression que c'est plus lié à l'artisanat et à la culture. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Alors, peut-être aussi, j'ai une explication de Gaetano Pecce. J'ai fait un voyage d'études en... dans un pays du nord, je ne me souviens plus, c'était la Finlande, je crois, avec lui. Et il disait que dans ces pays nordiques, en fait, il y avait une continuité entre ce que faisaient les paysans, c'est-à-dire leurs outils. Et après, petit à petit, ça a été transformé pour faire aussi les outils, on va dire, du quotidien, qui sont les mobilets, etc. Et qu'il n'y avait pas eu de rupture, en fait. C'est une espèce de continuité qu'on n'a pas eu en France. de notions, de statuts qui t'a fait... Oui c'est ça. Voilà, tout à fait, avec...

  • Speaker #0

    Ah c'est de statuts...

  • Speaker #1

    Voilà, qui fait qu'en France on a cette fameuse culture de la distinction. C'est moi qui le dis, hein. Et donc il fallait... Il fallait rompre. Il fallait rompre et il fallait proposer des objets d'exception. Donc ça, bourgeois, voilà, pour statutaire. Et voilà, et donc c'est pourquoi on a eu cette espèce de cassure. Et c'est assez simple en fait à imaginer comme ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant, ok. Donc tu vas à Milan, tu fais ce stage.

  • Speaker #1

    Alors chez Santa Chiara c'est important parce que c'est quelqu'un de très humain, c'est une petite structure. Je ne vois même pas la différence entre être à l'école et être chez lui, donc ça c'est un super cadeau. s'apercevoir que... Parce que quand on sort de l'école, on se dit,

  • Speaker #0

    mais qu'est-ce que je vais arriver à faire et à l'apporter, à composer.

  • Speaker #1

    Dans la vraie vie. C'est quelqu'un dont je lui dois beaucoup aussi. Et il me fait confiance. Pendant un an, c'est une belle aventure.

  • Speaker #0

    Et alors ensuite, c'est Stark. Oui,

  • Speaker #1

    je viens à Paris, je crie trois lettres. Chez Stark, dans une agence, parce qu'en fait, il y a une petite agence quand même. J'essaie à trois, parce que je ne sais pas où le vent me porte. Et chez Stark, j'avais envie de voir comment il arrivait justement à passer d'un projet à l'autre. C'était plus ça que vraiment sa démarche. C'était cette idée de... d'ouverture d'esprit parce que c'est vrai, il a ouvert plein plein de portes pour notre génération, il faut le dire, ce qui n'a pas été le cas des maîtres italiens, qui sont plutôt restés sur le billet,

  • Speaker #0

    sur le luminaire.

  • Speaker #1

    Mais je veux dire, en termes de, voilà, ils ont été très présents. Stark, il a ouvert et surtout, il a utilisé la communication pour montrer que le design existait. Et donc, ça, on ne peut pas lui reprocher, je veux dire, et montrer aussi que ça a une valeur. commerciale. C'est une valeur ajoutée complètement. Donc, je suis arrivée chez Stark et très rapidement, au bout de six mois, il y a un projet qui est arrivé, qui est le projet avec Thomson Multimedia, une grande entreprise faisant ce qu'on appelle les produits bruns, c'est-à-dire à la fois qui gère l'image et le son, qui diffuse plutôt l'image et le son. Et je deviens responsable de ce projet et en même temps du team Tom, donc de 25 designers. Voilà, donc je suis chez Stark, mais en même temps en train de majoritairement m'intéresser à ce projet-là. Donc c'est une belle aventure humaine déjà, oui, de voir aussi une grande entreprise fonctionner de l'intérieur. Donc là, les technolectes que j'avais m'ont quand même un peu servi pour comprendre. de quoi il s'agissait. Et c'est compliqué au départ, parce que le design n'était pas identifié comme une force de proposition.

  • Speaker #0

    Oui, parce que là on est sur la technologie, sur un appareil qui doit être très fort.

  • Speaker #1

    Les Réunions retiennent le lead, mais Stark a cette force de créer des ruptures, on va le dire, et petit à petit, on fonctionne bien ensemble. Et ça a été une très belle aventure, à la fois... de création, mais à la fois une aventure humaine.

  • Speaker #0

    Moi, ça m'avait frappé. Alors, je vais te raconter une petite histoire. Ma maman travaillait chez Thomson. Mais pas du tout dans cette division-là. Elle était ingénieure chez Thomson. Et je pense qu'elle avait dû avoir accès peut-être à certains produits. Oui, on parlait avec la R&D.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et elle avait ramené cette télévision tube cathodique à l'époque. je crois, fait en... avec du bois. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Il s'appelle Jim Nature.

  • Speaker #0

    Voilà, je ne me souviens pas. Mais moi, ce qui m'avait frappé, alors je ne sais pas quel âge j'avais, j'étais un ado tardif, c'était, il y avait une poignée. Et ce truc-là, pour moi, c'était incroyable. Et je trouve que ça résonne très bien avec ce que tu racontes, la manière dont tu travailles sur des scénarios de vie, sur des cas d'usage. Et pour moi, cette télé, alors on n'est pas, on était dans les années 90, mais où on se disait, on peut partir dans notre chambre avec la télé. C'est incroyable. Et ce truc-là m'avait... Frapper, vraiment, c'est pour moi un objet vraiment majeur dans la dizaine récent.

  • Speaker #1

    C'était beau parce qu'en fait, on replaçait quelque part la technologie où elle devait rester. C'était déjà, alors à l'époque, on parlait de domestiquer la technologie. Aujourd'hui, c'est un groupe étonnant. On va peut-être en parler avec Pierre. Mais voilà, on y croyait. Et en fait, on a fait des propositions avec l'équipe. par exemple de Maitoscope où il y avait huit touches mais énormes mais pas plus. C'est à dire on arrête de créer ce qu'on appelait à l'époque des features, c'est à dire pour légitimer un produit en plus, au contraire on va simplifier. Et c'était complètement révolutionnaire à l'époque. On a travaillé aussi sur des plastiques translucides bien avant Apple etc. Donc voilà l'idée c'était vraiment un champ d'expérimentation énorme. Et un cadeau aussi qu'a fait Stark de pouvoir exercer ce métier-là dans ce contexte et avec cette possibilité de bouger les marges.

  • Speaker #0

    Donc ça, ça dure combien de temps ? Quelques années ?

  • Speaker #1

    4 ans chez Samson et 5 ans chez Stark. Donc après le... Je reviens chez Stark et je m'occupe essentiellement pendant six mois de ses expositions. Puis après, je décide de créer mon studio tout simplement.

  • Speaker #0

    Parce que tu te dis, OK, c'est le moment.

  • Speaker #1

    Déjà, j'ai eu un peu de mal. J'ai quitté la famille de Thompson. On était vraiment un team. Et c'était compliqué. Donc, je me suis dit, c'est le moment. C'est le moment ou jamais.

  • Speaker #0

    Génial, on va évidemment creuser tout ça. Mais une question que je pose souvent, comment tu décrirais ton métier d'aujourd'hui à un enfant de 6 ans, 7 ans ? Oui,

  • Speaker #1

    alors moi je m'occupe d'habitabilité. Alors aujourd'hui l'habitabilité, ce n'est pas simplement le bâti, c'est l'habitabilité générale. et il y a beaucoup d'enjeux avec la crise écologique qui est là. Donc, ça touche plein de choses. C'est très général, mais après, on peut prendre des exemples plus particuliers.

  • Speaker #0

    Oui, on va le faire. Génial. Alors, le design comme pensée, c'est vraiment ta manière de travailler. Je trouve ça très logique. Oui,

  • Speaker #1

    je peux te dire comment j'ai petit à petit pensé ça. Mais dès le diplôme, en fait. Parce que le diplôme, je voyais que certains étudiants avaient une espèce de continuité stylistique quand ils faisaient des projets, en passant d'un projet à l'autre, etc. Et moi, je n'étais pas du tout dans ce registre-là. J'ai joué à... on va dire, au maximum l'expérimentation à l'école. Et donc, quand je regardais mon portfolio, je me disais, je ne sais pas ce qu'on va y comprendre. La cohérence. Puisqu'il n'y a pas de cohérence stylistique. Et c'est peut-être le premier regard, c'est la forme qu'on regarde. Donc, ce n'est pas évident. Et ça, on pourra en parler après, quand on travaille. Donc, je me suis dit, moi, ce n'est pas là-dessus que je vais... Je me méfie de la forme, mais aussi parce que, peut-être, Je n'étais pas issue. d'une culture bourgeoise donc voilà donc je n'avais pas de mal à m'en détacher je n'étais pas ici donc ça m'a permis de d'imaginer que ce qui était plus important c'était les rituels et ce qui est commun c'est la façon dont on mange c'est la façon dont voilà on est ensemble plutôt voilà non interagit et c'est ça qui me qui m'intéresse et c'est ça qui va faire en sorte que dès le délai diplôme j'ai fait en fait un projet qui s'appelle la trilogie domestique où Oups. Ce sont certes des objets, mais qui ont, comment dire, qui établissent un petit scénario d'usage. Alors, le scénario d'usage est développé au niveau de l'objet et après, le scénario de vie est développé au niveau de l'espace. Mais déjà, certains objets sont aussi de l'espace. Je peux donner un exemple. Comme Jim Montavari, la première pièce de mobilier que j'ai faite. Puisque j'avais fait ça au niveau de l'objet, je me suis dit que le mobilier, on ne le faisait pas à l'école, parce que ce n'était pas considéré comme de l'objet industriel. Et donc j'ai fait une colonne d'hospitalité qui s'appelle « Quand j'ai monté à Paris » . C'est une colonne qui fait 35 par 35 sur 2 mètres de haut. Et on la bascule. Elle n'a pas trop de forme. Elle est juste une colonne. Enfin,

  • Speaker #0

    plutôt...

  • Speaker #1

    Et après, on l'ouvre et dedans, on découvre... Maintenant que la colonne devient... Le pourtour devient le sommier. Et on découvre un matelas qui se déroule et qui devient une façon de créer un espace d'hospitalité pour un copain que j'ai appelé Jim, quand Jim monte à Paris. Et voilà, avec une petite lampe, un petit réveil matin. On crée un espace. Mais moi, ce qui m'importait, c'était de faire ce geste d'hospitalité. C'était ça. Et ça, je dois dire que c'était complètement extraterrestre. Le mobilier en France ne fonctionnait pas du tout comme ça. On voit bien qu'il n'y a pas de notion de statut. à quoi ressemble l'hospitalité ? Vous voyez ce que je veux dire ? C'est compliqué.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Le fait de lui donner ce nom, c'est-à-dire on raconte l'histoire,

  • Speaker #1

    on est dans une narration. Quand tu racontes, expliques ton métier à un enfant, je dis, quand j'y monte à Paris, c'est le début de l'histoire. Et après, on peut inciter les gens à aller un peu plus loin pour comprendre de quoi il en retourne. Donc, j'ai toujours eu ce... Ce souci, en fait, de tendre la perche, de la compréhension de scénarios, mais c'est récurrent dans mon travail parce qu'aussi, on ne peut pas comprendre l'objet avec une seule image. La plupart du temps, il faut voir la vie qui se déploie avec l'objet. Donc, c'est compliqué, en fait.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu te souviens de ta démarche à l'époque pour créer ce premier objet ? Ce n'était pas une commande ? Ce n'était pas un industriel qui t'a dit ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était en fait le VIA à l'époque qui avait donné des cartes blanches. Mais ce n'est pas cette carte blanche que j'ai fait là, puisque j'ai refait un projet qui était plus en rapport avec la technologie, justement, puisque comme j'étais dans le milieu, ils m'ont proposé de travailler avec la technologie. Mais à l'époque, j'avais pensé pour ça.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, il y a eu une suite à Jim Monta Paris. Oui. Dont j'ai oublié le nom.

  • Speaker #1

    Il y a eu plusieurs suites. Il y a eu quand ? quand...

  • Speaker #0

    Jim se relaxe, non ?

  • Speaker #1

    Ouais, Jim se relaxe et puis il y a quand Jim rencontre Julie. On fait un oreiller où il y a une petite capote intégrée derrière.

  • Speaker #0

    J'adore. C'est génial. Franchement, bravo, c'est top. Alors, toi, tu dis que... Quand tu as un projet, une idée, une envie, d'abord tu consacres 80% de ton énergie et de ton temps à réfléchir, à penser. C'est une forme d'anthropologie.

  • Speaker #1

    Oui, je pense vraiment que le métier c'est le métier. de l'anthropologie appliquée. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Marc Auger. J'ai eu la chance d'échanger avec lui à ce propos et c'est lui qui m'a expliqué qu'il voyait le design comme ça. Et de ce fait, j'étais très, très contente, en fait, puisque l'anthropologie, ça veut dire aussi faire un terrain et de plus en plus se laisser affecter par ce terrain. Donc, on va en reparler peut-être plus sur ce que je fais aujourd'hui, mais c'était déjà là. Et je... Oui, donc je ne vais pas passer du temps à regarder ce que font les autres designers. C'est plutôt du temps à aller au plus profond de moi-même et au plus profond... Et convoquer des sentiments, convoquer... Pour faire ce pas de côté que j'ai toujours fait et proposer quelque chose qui fait sens, bien sûr, avec le contexte, mais qui fait sens aussi avec l'humain. Oui. Qui fait sens... Avec l'idée aussi, quelque part, de réaffirmer certaines valeurs à travers les structures qui sont autour de nous. Et c'est de plus en plus nécessaire, je dois dire.

  • Speaker #0

    Alors prenons peut-être un exemple, si tu veux bien, d'un projet récent. Peut-être Missaigle ? Je ne sais pas si c'est le bon exemple, si tu en as d'autres.

  • Speaker #1

    Peut-être que je vais donner d'où je suis partie. Parce qu'en fait, aujourd'hui, avec la crise écologique, on doit tous se remettre un peu en question dans son propre métier. Je pense que peut-être que je suis naïve et que certains ne le font pas. Il y a une tranche de la population qui ne le fait pas, bien sûr. Et donc, je me suis vraiment questionnée en me disant, est-ce que ce que j'ai fait jusqu'alors tient la route ? Et en fait, je me suis aperçue que ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, qui s'appelait la Trilégie domestique, répondait quelque part assez bizarrement à des explications données par un écologue par un philosophe qui s'appelle arne nice et norvégien et qui est théorise l'écologie profonde alors il dit quoi il dit que l'objet en fait doit avoir trois niveaux de qualité différent parce que c'est comme ça que notre vécu il est plus riche et qu'aujourd'hui on a un peu tendance pas Ça veut dire que ça suppose qu'aujourd'hui, on a plus tendance à travailler avec une espèce de couche qui est superficielle, mais qui ne nourrit pas en termes de vécu. Donc, ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, ça s'appelait donc des diffuseurs. Enfin, il y avait trois diffuseurs et à chaque fois, il y avait ces trois niveaux. Donc, il y avait un diffuseur de lumière, d'image et de mémoire, par exemple. Donc, c'était par exemple, pour citer cet objet, c'était un cube. Il y avait un petit mécanisme qui réagissait, une petite lumière comme une bougie qui réagissait, non pas avec l'air, parce que la bougie réagit avec l'air, mais avec l'ambiance, le sonore de la maison. Et quand on voulait la lumière, c'était une lampe sur pied, comme ça, on mettait une diapositive. La diapositive se projetait sur une des faces, et donc lumière, image et mémoire. En l'occurrence, pour le mémoire, j'avais mis une image de mon grand-père qui venait de disparaître. Donc voilà, c'est ça en fait. Et je me suis dit mais si en fait ce qui est important c'est ça, c'est de comprendre que nous sommes en charge d'apporter cette complexité dans l'objet qui donne la richesse à notre vie. En fait c'est ça, qu'on soit architecte ou qu'on soit designer, c'est la même chose en fait. Et donc je me suis dit que cette richesse elle fait partie d'une une recherche écologique. Vous voyez ce que je veux dire ? à partir de cette sensibilité-là, qu'on va pouvoir, et il faut l'avoir, qu'on va pouvoir aujourd'hui inscrire d'autres projets qui font sens. Mais en déployant aussi d'autres savoir-faire, on va dire. Oui,

  • Speaker #0

    très clair. Oui, mais alors c'est très impressionnant parce que, bon, je n'en ai pas reçu tant que ça des designers. Mais alors là, vraiment, tu es totalement à part. Tu te sens très à part ou pas dans ta petite consoeur ?

  • Speaker #1

    Je ne me réflec pas comme ça. Non, bien sûr. Je fais un peu, je veux dire, moi, je fais mon petit bonhomme de chemin. L'important, c'est de... Je ne sais pas comment dire, je pense que le design français a cette chance de pouvoir porter plein de personnalités différentes. On n'arrive pas à donner une caractéristique principale et moi je pense que plutôt que d'essayer de regrouper sous un label ou une définition commune, ça serait plutôt l'idée d'expliquer les différences entre chacun d'entre nous. Puisque le design, contrairement à ce qu'on a, comment on l'a utilisé au siècle dernier, qui a eu tendance à uniformiser, voilà, aujourd'hui, il doit ramener de la diversité dans le monde d'aujourd'hui. Donc, en fait, c'est ça. Donc, en fait, on a énormément d'atouts en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Le seul bémol, c'est qu'on n'utilise pas le design comme une force politique aujourd'hui. On pourrait l'utiliser comme une force politique.

  • Speaker #0

    Alors justement, on va y venir un petit peu. C'est vrai que le design au siècle dernier s'était standardisé. C'était aussi marquer les différences sociales. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait.

  • Speaker #0

    L'exemple des accoudoirs, l'interessance,

  • Speaker #1

    quand tu en parles. Oui, mais en fait, j'ai eu cette intuition. alors c'est aussi Comment je fonctionne en fait ? Quelque part, j'avais refusé de faire des canapés parce que je me disais que ça prend énormément de place. En fait, je voyais déjà le fait que c'était un objet statutaire, donc ne voulant pas m'inscrire dans cette notion de statut. Donc le premier canapé que j'ai fait, c'est un canapé en morceaux, en fait, qu'on peut désolidariser pour pouvoir utiliser. Il y en a un autre qui s'est appelé Permit Bay. permis de construire. C'était vraiment là l'idée de faire avec des modules pour que les enfants puissent l'utiliser pour faire des cabanes. Ça marche très bien. Donc, remettre en question ces structures qu'on a héritées et qui, aujourd'hui, ne nous servent pas. On n'a pas mérité ça. Et pourtant, chez 90% des gens, je sais, la canapé, là, ça devient des canapés énormes. Donc, j'ai recueilli A l'époque, j'ai complètement refusé de dessiner cet objet. Je pense que ce n'était pas la bonne structure pour vivre. Et à un moment donné, on me demande quand même de dessiner un fauteuil. Donc, je réfléchis et je fais un fauteuil qui, au lieu de porter le bras, au contraire, sans accoudoir, mais plus que ça, va proposer d'aller à l'intérieur du confort pour avoir une position De lâcher prise, puisqu'en fait, si on veut se peser, voilà, voilà. Et je m'aperçois qu'en fait, la coudoir, ce n'est pas du tout un bon ingrédient. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il n'est pas ergonomique.

  • Speaker #1

    Il n'est pas ergonomique, c'est-à-dire que quand on a mal au dos, on nous dit de baisser les épaules, pour le fameux triangle. Et voilà. Et donc, intuitivement, j'avais remis en cause cet accoudoir. Et puis, en relisant un petit peu l'histoire du mobilier, je me suis aperçue que l'accoudoir est arrivé comment ? Il est arrivé pour faire la différence entre ceux qui avaient une chaise et ceux qui n'avaient une chaise normale et une espèce de chaise avec des accoudoirs. Et qui avait la chaise avec l'accoudoir ? C'était le maître qui avait au bout de la table, il avait les accoudoirs pour montrer son statut. Et je me suis dit, les choses se tiennent en fait, c'est assez simple. Donc, intuitivement, j'avais ressenti que ce n'était pas la bonne structure.

  • Speaker #0

    Et donc, dans l'objet que tu as créé, tu avais un repose ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les mains venaient se poser dans un creux, dans la ciselle, un peu plus large.

  • Speaker #0

    Intéressant. C'était pour quelle exposition ?

  • Speaker #1

    C'était pour une exposition à Milan et ça a été à l'époque. produit par une entreprise, édité par Félix Chéreux. D'accord,

  • Speaker #0

    d'accord, d'accord. Ok. Je voudrais bien qu'on revienne sur les rituels. et aussi sur les symboles. Tu dis finalement, on a oublié ces symboles. Et sans les symboles, on conceptualise moins bien sa pensée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est surtout qu'en fait, l'humain, quand il a évolué, il s'est toujours équilibré avec deux choses. Un, il a créé les outils. Et deux, il a créé en parallèle les symboles. Et en fait, aujourd'hui, on s'aperçoit... Et c'est cet équilibre qui fait qu'on a avancé, qu'on s'est Et c'est pourquoi l'IA est un peu inquiétante aujourd'hui, inquiétante comme technologie, parce que si à un moment donné, on vient fragiliser cet équilibre, et donc on avance plus du côté des outils, parce qu'on pourrait dire que c'est l'outil d'aujourd'hui, ça met en péril cette espèce d'équilibre et de stabilité au niveau de notre façon de fonctionner.

  • Speaker #0

    Et même de penser, de conceptualiser.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'avoir une capacité d'analyse, de conceptualiser,

  • Speaker #1

    d'être très abstrait,

  • Speaker #0

    etc. Alors l'IA justement, parlons-en, vous avez prévu d'en parler un petit peu plus tard, mais c'est intéressant. Bon, l'IA est un outil. ultra puissant en apparence, mais qui simplifie beaucoup. Comment tu le vis, toi ? Tu l'utilises ? Non,

  • Speaker #1

    moi, je ne l'utilise pas parce que je n'ai pas fait l'effort de savoir comment m'approprier cet outil pour l'instant. Il faut du temps, il faut y réfléchir. Et puis, ce que je vois arriver, alors j'ai eu deux cas où les gens sont venus en me disant, j'ai posé la question, voilà, deux personnes qui sont venues me trouver, ça donne ça. Et c'était beau, en fait, stylistiquement, on va dire, mais c'était complètement aberrant au niveau de ce que ça proposait. Donc, puisque l'IA ne prend que des solutions existantes, il y a eu une espèce de boulega avec ça. Donc, ça m'a rassurée en même temps en me disant qu'il y avait quand même encore la possibilité de bien réfléchir. Et voilà, j'en suis là. Je pense que c'est comme la technologie, ça dépend comment on l'utilise en fait. Mais comme c'est tellement puissant, il faut qu'on soit doublement vigile.

  • Speaker #0

    Parlons un peu de l'ancrage. Tu dis pour faire un projet, il faut être ancré. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on a... Justement un peu comme l'anthropologue, il fait son terrain, il analyse, il faut être en connaissance de cause. Et on a un peu tendance à être hors sol en fait, c'est-à-dire ne pas prendre en considération toutes les données et surtout les données du vivant tout simplement. L'ancrage ça permet ça, ça permet de retrouver notre aspect sensible avant tout ça. puisqu'en fait, on s'aperçoit que si on a un lien et si on a un attachement... avec ce qui nous entoure, on va peut-être réfléchir un peu différemment. C'est-à-dire, on va se battre, par exemple, pour défendre ce qui est autour de nous. Mais cette sensibilité pour ce qui est autour devrait être développée au niveau général. Mais il faut déjà être ancré quelque part. Ça ne veut pas dire être ancré soi-même aussi, parce qu'on ne peut pas tous le faire. C'est compliqué. On est très citadins. Donc c'est compliqué de s'ancrer Mais on peut se Je dois dire s'ancrer par procuration Tout simplement Prendre le temps D'aller sur place De rencontrer les gens De voir des communautés agissantes Des communautés en action Et de se dire là il se passe quelque chose Il y a un équilibre Si je parle de communauté c'est très important pour moi Parce qu'en fait quand on ... Quand on est passé de la communauté à la société, on a perdu des choses en chemin. Donc cette façon de revenir à l'échelle de la communauté est importante parce qu'elle nous permet de comprendre ce qui s'y joue, de comprendre les interrelations, de faire confiance aussi, parce qu'il y a cette notion-là qui est très importante dans la communauté. On va déléguer à l'autre puisqu'on lui fait confiance tout simplement et qu'on ne peut pas tout faire. Voilà, donc cette confiance, elle est aussi majeure aujourd'hui. Et donc, on peut s'ancrer comme ça par procuration et ça nous répare en fait, parce qu'on a besoin d'être réparé. Je pense que le souci, c'est ça aujourd'hui. C'est comment arriver à se lever le matin et se dire, voilà, par quoi je commence ? Comment j'évolue ? Et ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est que ça demande énormément. Ça demande énormément de pensée pour bifurquer. Il n'y a pas de côté. Il y a des métiers qui sont très faciles. Pour lesquels ? Pour lesquels c'est très facile. Moi, j'ai un métier, à chaque fois que je change de projet, je peux influer sur la réponse que je vais donner. Convoquer les choses que je veux, convoquer.

  • Speaker #0

    Oui, mais parce que tu as cette démarche-là,

  • Speaker #1

    toujours. Les designers ne le font pas, mais en tout cas, moi, je le vois comme ça. Et je vois bien que pour d'autres métiers, ce n'est pas possible. Donc, c'est pourquoi il y a aussi des gens qui ont bifurqué. Il y a beaucoup de gens qui bifurquent et qui essayent de trouver des endroits. Voilà, pour être, pour n'être plus en dissonance en fait. On ne peut pas vivre longtemps en dissonance avec à la fois son milieu, avec son métier. Ça fait mal et enfin... Bien sûr,

  • Speaker #0

    je voudrais prendre un exemple concret. d'une manière dont tu t'es ancrée pour un projet de procuration. Un projet dont on a parlé ici dans un autre épisode, où j'ai reçu Patrick Elouargui, associé à Philippe Chapelet. On crée un certain nombre de lieux d'hospitalité, très expérimentaux à l'époque, en commençant par le E-Hotel à Nice. Mais je voudrais parler de Dar-Y, en Tunisie. Parce que c'est très loin de ta culture, c'est très loin de la France. c'est un environnement, on est dans le sud tunisien assez aride, désertique le désert donc c'est à Nefta qui est une oasis et où là Philippe Chaplet et Patrick ont décidé de créer un lieu d'hospitalité,

  • Speaker #1

    je n'ai même pas envie de dire un hôtel c'est une retraite comment, alors vous vous connaissez depuis longtemps on peut peut-être parler de cette rencontre avec Patrick et Philippe parce que c'est aussi des faits dans mon parcours. J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui croyaient aussi au fait de générer des lieux qui n'existent pas, expérimenter, se donner les moyens de faire des choses contemporaines. C'est important parce que ce n'est pas si diffus. Ils n'étaient pas hôteliers, ils avaient eu une expérience, ils étaient plutôt tombés amoureux d'un château, ils l'avaient transformé en hôtel et puis... à un moment donné se sont dit on va faire quelque chose voilà qui nous ressemble qui soit contemporain ils ont regardé un petit peu les démarches de chacun et j'ai vu arriver chez moi ces deux ces deux jeunes gens on avait à peu près le même âge moi j'avais pas fait grand chose j'avais plutôt fait de l'objet d'ailleurs j'avais pas fait d'espace mais j'avais une expo à l'époque et mais mais qui était complètement... complètement expérimental alors je me suis dit ressort de l'expo c'était aussi un peu en ayant compris quelque chose voilà mais je voilà je me suis dit c'est le meilleur moyen de savoir si on va faire un petit bout de chemin ensemble et voilà donc ils ont regardé l'expo et ils y ont vu justement ces scénarii voilà et un hôtel c'est ça aussi quelque part l'hospitalité là voilà c'est essentiellement des scénarii. cette collaboration qui dure depuis maintenant un certain nombre d'années, on va pas dire. Et de partage, d'émerveillement, de découverte. Et donc pour la Tunisie c'est d'autant plus beau que Patrick est originaire en fait, enfin son papa était tunisien, sa maman espagnole et lui est français. Donc il se dit à un moment donné je vais construire quelque chose de contemporain en Tunisie. Et montrer qu'on peut faire un autre type de lieu pour accueillir, qui n'est pas ces hôtels où on a 200 chambres. Et donc le principe, et c'est leur choix, c'était de se dire on ne va pas se mettre en bord de mer, puisque ça appelle déjà nous, non le désert, c'est plus introspectif. On va se mettre à l'échelle d'une petite ville pour voir comment on vit dans cette ville, pour voir descendre, regarder, etc. Et surtout la palme. qui est quand même un écosystème très intéressant et c'est là que je découvre aussi un peu comment ça fonctionne le fait que comment l'homme a besoin de la palmerie la palmerie a besoin de l'homme en quelque sorte cette espèce de voilà d'interdépendance qui est très belle et aussi le fait que là bas il n'y a rien il ya presque rien Et donc, on va savoir utiliser tous les éléments. Je prends l'exemple du palmier. Le palmier, on va utiliser les racines pour faire des décoctions. On va utiliser la peau, pardon, l'écorce. On va utiliser le tronc, on va utiliser les branches, on va utiliser les feuilles. Tout est utilisé. Et ça, c'est quelque part, comment dire, un exemple très important par rapport à ce qu'on doit faire aujourd'hui. c'est-à-dire ne pas prendre des éléments de la nature, d'en prendre simplement un petit morceau. qui nous intéresse et puis on va jeter le reste on sait pas trop quoi faire et donc c'est quelque part une espèce de société frugale que qu'on ferait bien de regarder un peu plus déjà prendre que ce qui est sur place. Et c'est aussi un peu comme ça qu'on a construit le lieu. On a travaillé bien sûr avec des Tunisiens. C'est important parce qu'en travaillant, on a en plus une connaissance plus fine de la culture. Et voilà, donc de rien importer, de faire tout avec les savoir-faire et les produits. Les matières disponibles, voilà. Et essayer de proposer de venir se poser là pour à la fois découvrir une culture, découvrir l'oasis. L'oasis qui aussi est un peu fragilisé puisque c'est la corbeille d'origine et qu'après, bien sûr, ils ont construit des palmeries intensives. Voilà, et donc cette partie... première en fait, elle est plus trop productive. Donc voilà, il y a une... Donc aussi avec cette idée de dire, il faut absolument faire en sorte qu'elle soit... prendre soin aussi de la... Voilà, avec un projet qui s'appelle le PAMLAB, qui avait cet enjeu de regarder comment on peut la protéger et pourquoi pas la faire revivre.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un exemple très... Très représentatif de l'approche que j'ai compris de ton travail, de l'ancrage. Oui, tout à fait. On prend le temps de compte de ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est grâce à Patrick, parce qu'en fait, il nous a complètement ouverts. Alors, on a fait des... On a découvert tout le sud tunisien, parce qu'on a recherché l'endroit. Ils ont recherché l'endroit. Ça a été un peu long. Ah oui,

  • Speaker #0

    ils n'avaient pas encore trouvé l'endroit ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on a fait plusieurs voyages, en fait. C'était en famille, d'ailleurs. C'était beau et on s'est immergés. Je me suis immergée parce que je ne connaissais pas cette culture. À Nefla, il y a du soufisme aussi. Donc, il y a une culture qui est restée assez forte, contrairement à d'autres endroits. Voilà, donc c'est un endroit qu'ils ont bien choisi justement, puisque c'est eux qui ont choisi, c'est Patrick et Philippe qui ont choisi le lieu. Ils ont bien choisi le lieu pour arriver à comprendre justement la culture tunisienne. Voilà. Et ça a été une belle aventure. C'était compliqué, on ne va pas le dire.

  • Speaker #0

    En plus, avec la révolution tunisienne,

  • Speaker #1

    le Covid.

  • Speaker #0

    C'était juste avant le Covid, je crois. Juste avant le Covid qu'ils ont ouvert.

  • Speaker #1

    On l'a ouvert et ça a été la révolution. Donc, en fait, on était en train de se demander, mais comment on va mettre le portrait ? Parce qu'on est obligé en tant que...

  • Speaker #0

    L'établissement tunisien.

  • Speaker #1

    De mettre le portrait de Ben Ali. Et en fait, on n'a pas eu à le mettre. Pas eu à le mettre.

  • Speaker #0

    2011, boum, plus de bien-amis.

  • Speaker #1

    On voulait plus ou moins faire une interprétation, etc. Parce qu'on n'était pas tout à fait en accord avec ce qu'ils proposaient. Et voilà. Mais ce qui a été assez intéressant, c'est qu'ils ont laissé faire parce qu'ils ne comprenaient pas du tout. Ils avaient comme schéma les hôtels à 300. Alors là, comme c'est tout petit. Voilà, alors à l'époque on n'avait pas le droit d'avoir une chambre d'hôte, c'est-à-dire que les Tunisiens ne pouvaient pas recevoir des étrangers chez eux, donc on n'était pas chambre d'hôte, on ne l'est pas. Donc c'était de toute façon, comme Patrick et Philippe l'ont toujours fait, des projets hybrides, parce qu'ils ne prennent que le meilleur et ils repoussent en fait ceux qu'ils n'ont pas envie de faire.

  • Speaker #0

    extra et alors ça vraiment aussi un exemple de design global parce que donc de Tu as travaillé sur l'espace, tu as travaillé sur les objets, mais aussi sur l'impact sur la communauté locale, donc les gens qui travaillent, etc. La gastronomie, l'alimentation.

  • Speaker #1

    Après, on s'entoure d'un écosystème, je ne sais pas comment l'appeler, parce que c'est plus d'une communauté, on va appeler ça une communauté. Puisque depuis le e-hotel, il y a une véritable communauté autour de Patrick et Philippe. qui sont des curieux en fait. On essaie de comprendre ce qu'on se disait. En fait, on a commencé le Yotel en se disant ce qu'on ne veut pas. C'était plus simple. On ne veut pas ça. Et puis après, il n'y a pas tellement d'idées de faire des espèces de plans. C'est plutôt du ressenti, des sensations. Et à un moment donné, on s'est dit, quand on regarde un petit peu le Yotel avec du recul, on s'est dit, le plus intéressant, c'est de parler aux curieux. Les curieux, ils vont être curieux de l'autre. Ils vont être curieux au niveau culinaire, ils vont être curieux de la ville de Nice. Ils vont aller voir, parce que ce n'est pas l'idée de faire des hôtels et de garder les gens dans les chambres. Même si la chambre, il y avait neuf expériences différentes, il y avait quand même quelque chose à comprendre à l'intérieur de la chambre et à expérimenter. Mais ce n'est pas du tout ça. C'est la vie, c'est l'activité, c'est l'idée d'aller voir des expos. Et donc, voilà, cet ingrédient, comment on capte les curieux, c'est essentiel. Parce qu'après, la vie de l'hôtel, la vie du lieu que tu fais, elle va être formidable. Parce qu'en fait, c'est...

  • Speaker #0

    Oui, donc, oui, tu vas forcément favoriser une chambre.

  • Speaker #1

    Voilà, ou en tout cas, dès le départ, faire en sorte que tu ne joues pas un rôle. Et c'est pour ça que... Tout a de l'importance. Ne pas aller chercher la valise de la personne en lui disant d'un côté il y a ceux qui servent, de l'autre côté il y a ceux qui sont reçus. Non, ce n'est pas ça l'idée. L'idée c'est de passer un bon moment d'égal à égal et de pouvoir accueillir. et de désamorcer ce qu'on peut être ailleurs pour pouvoir être ouvert à connaître quelque chose d'autre. C'est un long mécanisme et c'est ça qui est assez compliqué à établir, mais c'est très beau parce qu'en fait ça se traduit dans tout. Dès l'entrée de la porte, même à l'extérieur, la façon dont tu vas là, comment tu reçois les gens, qu'est-ce que tu leur donnes à voir, qu'est-ce que tu leur donnes à expérimenter, jusqu'où aller dans l'expérimentation pour ne pas les perdre complètement, mais en même temps, et faire en sorte que quelque part en ressortant du lieu, il y ait eu un peu une espèce de révélation. quelquefois micro-révélations.

  • Speaker #0

    Il y a un impact.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, après, il y avait aussi neuf concepts de chambres avec un certain nombre d'expérimentations un peu différentes. Il y avait aussi l'idée de pouvoir choisir. Jusqu'où on voulait aller dans l'expérimentation. Et ça, ça a été formidable de pouvoir faire ça. Et c'est vrai que tous les hôteliers sont venus voir l'hôtel, en cachette, la plupart. C'est une influence forte.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ça a fait... Alors, je ne sais pas si c'est ce projet-là, mais en tout cas, c'était clairement inscrit. Alors, ça ne va pas assez loin encore, mais je trouve qu'aujourd'hui, on trouve des lieux d'expérience peut-être pas aussi radicaux que celui-là, mais de plus en plus, heureusement, où on vient quand même de loin d'une standardisation.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, on disait, tu peux dormir là ou dormir là, c'est la même chose. Alors, c'était complètement... Nier le vécu, vous voyez ? Tu vois, pardon. Voilà, voilà. Donc, voilà. C'était hallucinant. On était rendu au niveau de l'hospitalité.

  • Speaker #0

    Les hôtels de chaîne où on standardisait tout. Et soi-disant, ça rassurait le client. En réalité, ça gommait toute envie de...

  • Speaker #1

    Donc en fait, c'est dire, tu restes dans cette chambre, tu ne vis pas. Tu passes une petite nuit sans vivre. Et puis après, tu n'auras aucun souvenir. Tu n'auras... Regarde la télé, en plus, ça va te permettre de...

  • Speaker #0

    De rester comme chez toi. alors d'ailleurs tiens ça me permet de parler de la notion de cocon trop oui puisque finalement si on est dans un cocon on reste dans son cocon et puis on se replie sur sa certitude et c'est ce qui arrive aujourd'hui et donc c'est vrai que l'intérieur des maisons a beaucoup été décrit comme

  • Speaker #1

    des cocons donc c'est un peu mon deuxième deuxième combat après les canapés c'est les cocons c'est la façon d'identifier la maison comme alors bien sûr on a besoin d'un toit ça c'est une je ne lis pas parce qu'on peut pas se projeter si on n'a pas de toi on peut pas parler de projet de vie ou quoi que ce soit si on n'a pas de toit donc ça c'est essentiel mais ça veut pas dire qu' il faut se surprotéger et on est allé quelque part trop loin dans le confort si aujourd'hui on n'arrive pas à le aller un petit peu en arrière en termes de confort parce que c'est ce c'est le sujet actuel c'est à dire au niveau d'électricité au niveau de tout voilà c'est que Donc voilà, on a été en fait embrigaillés dans cette idée que le confort c'est... c'est la chose optimum de notre développement, alors que ce n'est pas du tout ça. Donc, il faut remettre en question cette notion de confort. Et donc, je le fais dans les objets que je dessine, mais aussi dans les expositions. J'avais fait une exposition à Toulouse, puisque j'avais été invitée à être l'artiste. invitée justement pour la session du nouveau printemps. Et j'ai fait un projet qui s'appelle les polypores mangeurs de confort. Donc, c'est en fait une petite maquette avec des maisons. Et dessus est accroché un champignon. Et les polypores, vous savez, c'est les champignons un peu larges qu'on trouve sur les...

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et donc, ils ont la capacité... polypores de manger l'intérieur de l'arbre en fait et ils ressortent la matière à l'extérieur et donc j'ai imaginé un polypore mangeur de confort qui est là et qui crée des structures d'abri à l'extérieur pour faire en sorte que les gens se retrouvent à l'extérieur sortent de leur petit intérieur confortable et venir débattre des questions actuelles puisque c'est un peu l'enjeu tous ensemble, plutôt que de rester entre soi et autour de ses certitudes. Ça va de pair. Si on est surprotégé, on va de plus en plus chercher à ne rien bouger. J'ai toujours compris que cette idée d'activité dans l'espace intérieur, et c'est pour ça que j'ai fait chaque fois des espaces évolutifs, si on n'est pas actif à la maison. On ne va pas être extérieur pour son quartier, pour l'évolution du commun, etc. C'est assez sûr.

  • Speaker #0

    Donc, c'est en fait, oui, tu dis, on vit, on est à l'extérieur comme on est chez soi. Donc, si on est replié sur soi. Chez soi, parce qu'on est dans un ultra confort et qu'on sera pareil à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    On ne va pas échanger.

  • Speaker #1

    Et ça, depuis 30 ans, je travaille sur ces notions-là. Alors là, ça devient...

  • Speaker #0

    Prégnant et essentiel, vital. Depuis la crise sanitaire encore plus, où on a... Pour certains, oublier le lien social. Ça me permet de parler de la couleur, qui est centrale dans ton travail. Mais c'est aussi assez marquant de voir que, et moi le premier... parfois je me dis je vais pas oser dans les couleurs que je vais mettre sur mes murs je vais rester dans des camaïeux dans des tons qui vont me donner l'impression d'être dans le bon goût dans la tendance raconte-nous un peu.

  • Speaker #1

    Oui alors la couleur c'est un plaisir en fait donc on l'a on l'utilise quand on est petit assez librement puis d'un seul coup on vient nous dire maintenant c'est une question d'experts en fait donc On va vous donner des tendances. Et donc, comme ça, ça a été pour moi un gros problème. Parce qu'en fait, on doit continuer à avoir une relation à la couleur. C'est un plaisir, en fait. Et donc, pourquoi ? Parce que la couleur, c'est la vie, tout simplement. Et donc, si on s'interdit la couleur, ça veut dire qu'on s'interdit de vivre. C'est aussi simple que ça. Et moi, je l'ai vraiment compris en voyageant. J'ai beaucoup voyagé, ce que je ne fais plus maintenant. Et par exemple, je suis allée au Mexique, je suis allée dans un endroit très pauvre. Et comme par hasard, il y avait énormément de couleurs et il y avait les yeux qui scintillaient. C'est-à-dire qu'ils avaient beau être les plus pauvres, ils s'entouraient de couleurs. Parce que ça aide, ça répare, je peux dire encore une fois. Et ça soutient la couleur et ça soutient la vie tout simplement. Donc voilà, c'est un support pour la vie. Je ne l'ai jamais évoqué comme ça, mais voilà, c'est important. Et c'est pour ça que je me bats en fait. Et dans notre culture, justement, et c'est aussi lié très fortement au statut, on s'interdit la couleur à un moment donné pour faire des différences, je ne sais pas, pour se positionner. Mais pour moi,

  • Speaker #0

    c'est... Pour niveler un petit peu ?

  • Speaker #1

    On s'interdit de vivre. Moi, c'est aussi simple que ça. Je pense qu'on s'interdit par la même de vivre. de s'épanouir, etc.

  • Speaker #0

    Et le système marchand contribue à nous pousser dans cette direction-là, qui est de t'expliquer que c'est l'année du

  • Speaker #1

    BF. Oui, ça c'est notre système capitaliste qui trouve des moyens de faire marcher la machine, tout simplement.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on parle un petit peu de ton actualité et de tes moyens d'expression, ils sont multiples on l'a vu. Il y a la création de l'objet, il y a le travail sur l'espace, les expos et même maintenant l'écriture. Parle-nous un peu de la communauté des cratères qui est à la fois une expo et une fantaisie.

  • Speaker #1

    Justement, toujours dans cette remise en cause, les choses s'aggravent quand même et on voit qu'il y a un certain immobilisme. et donc je me suis dit je vais poser le crayon je ne dessine plus je pense plus même aux objets et aux espaces un petit peu pour pour faire le point est bizarrement est venue l'écriture alors je suis pas du tout de l'écriture enfin je fais des textes bien sûr autour de mes projets mais voilà et presse je mettais à terme énormément je lis beaucoup de philosophes d'écologie je pense que c'est à ce niveau là qu'il faut être pour arriver à justement créer un corps qui fait qu'à un moment donné quand je vais avoir une demande je vais pouvoir aller chez au ché convoquer des choses donc ça c'est essentiel donc et on a la chance d'avoir beaucoup en france de philosophes écologues qui peuvent vraiment nous aider donc il faut en profiter et ça demande mais il faut le faire et voilà on n'est pas tout seul on est voilà il ya une système de pensée qui a reconfiguré donc voilà Il faut s'y attaquer tout simplement, personnellement, mais aussi en groupe. Il y a plein de choses qui se passent en groupe aussi, on peut réfléchir ensemble. Et donc est venue une première fantaisie. Alors pourquoi je n'étais pas légitime ? Parce que déjà, je ne me sentais pas légitime parce que je n'avais pas trouvé la forme. Or la fantaisie, c'est un peu permettre de mettre tout ce que j'ai dans la tête, c'est-à-dire à la fois des réflexions. sur ce que pourrait être le futur et se projeter tout simplement. C'est à la fois des petits constats sur la société et c'est à la fois des choses intimes, d'où je viens, pourquoi je pense ça, etc. Tout mélangé autour d'un récit. Et donc la première fantaisie que j'ai faite s'appelle La communauté des cratères, où j'imagine une communauté qui pourrait exister. Ce n'est pas tellement prospectif, de gens qui vont s'installer dans les carrières puisqu'on a plein de carrières désaffectées en France et que bien sûr on entend beaucoup parler d'extractivisme, du renouveau de l'extractivisme voilà c'était bien avant que Trump we gonna drill baby drill c'était bien avant c'était avant en tout cas et ça redevient d'actualité et en pensant que Ces gens, ils vont transformer la carrière en cratère, c'est-à-dire retrouver la terre, retrouver le contact avec la terre, mais aussi réparer ces lieux. En fait, contrairement à certaines communautés qui sont allées déjà quand est arrivé les usines et les travaux un petit peu compliqués, répétitifs, ils ont décidé de faire des communautés dans les forêts. Ils étaient presque dans une forêt primaire, on va dire, ou pas primaire, mais en tout cas, il n'y avait pas de forêt primaire. Mais en tout cas, il restait de la nature. Alors aujourd'hui, notre environnement, il est abîmé. Donc en fait, la carrière, elle représente ça, puisqu'on a des déchets à l'intérieur. Et donc, voilà.

  • Speaker #0

    Oui, parce que traditionnellement, la carrière, c'est un lieu où on...

  • Speaker #1

    Voilà, le BTP a venu poser... ces déchets sans que personne ne s'y intéresse, etc. Donc, voilà. Et donc, là, l'enjeu, c'est aussi de faire redonner la place à la nature, mais aussi, qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? Qu'est-ce que... Voilà. Et donc, ça me paraissait une bonne analogie par rapport... Enfin, en tout cas, une bonne situation pour parler de ce monde abîmé et de comment faire, par quoi le prendre, en fait. Et les carrières, il y en a partout. Voilà, ça permet de s'ancrer, on en a parlé avant. Et voilà, donc j'ai créé cette petite fantaisie. Et en convoquant aussi, parce que je me suis dit, oui, tu proposes que ces gens redeviennent plus proches de la Terre, mais toi, quel est ton rapport à la Terre ? Donc c'est là que j'ai commencé à réfléchir sur l'idée d'être né dans la craie, qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, et de proposer aussi ce chemin de réflexion autour d'où je viens.

  • Speaker #0

    Donc, c'est à la fois un texte, une fantaisie, une expo qui a eu lieu.

  • Speaker #1

    C'est une expo après. Voilà. Je me disais que c'était une nouvelle forme et que j'ai été invitée dans ce merveilleux lieu qui s'appelle le Transpo, qui est le lieu culturel d'Emmaüs Solidarité.

  • Speaker #0

    Oui. Dans le dixième à Paris.

  • Speaker #1

    Voilà. C'est très beau parce qu'en fait, c'est un lieu de résidence. Donc, voilà, c'est des résidences d'à peu près un an, deux ans. Ce n'est pas des résidences où c'est au jour le jour. mais Et donc, c'est vraiment un outil de médiation aussi. Ce sont les résidents qui font visiter l'expo. C'est aussi avec certains résidents qu'on va construire l'expo. Donc, c'est complètement différent de faire une expo là ou dans une galerie d'art. Et je dois dire que j'ai trouvé le rôle de l'art, en fait, dans ce lieu, complètement à sa place. Et vraiment, peut-être, voilà, ça m'a ouvert les yeux sur ça aussi. c'est à dire que ça Ça permet d'agir, en fait. Ça a une force de proposition. Et voilà, donc, ça a été très, très beau de proposer une mise en forme, en fait, de cette communauté, la communauté Emmaüs, invitant la communauté des cratères à s'installer chez eux. L'idée c'est aussi d'aller investir les lieux, donc la façade. J'ai dessiné le cratère qui se voit un peu subtilement, parce que la façade est très belle, c'est une sous-station métallique. Je me suis mis juste dans les interstices pour la première lecture, la présentation de cette communauté dans un premier temps. Après, une espèce de petit feu symbolique où on peut s'asseoir, puisque c'est l'endroit de l'accueil où les résidents s'assoient, etc. Donc, j'ai juste rajouté un petit feu avec une couverture. Et puis, un cratère qui vient démontrer qu'il y a l'humain au centre. Le cratère est contenant de l'humain et quelque part, le cratère, en devenant... Le cratère, c'est un peu le nombril. Oui, c'est vrai. C'est une façon aussi de se rapprocher de la terre-mer qu'on a oubliée et de remontrer que c'est l'humain qui va nous permettre, c'est notre interaction qui va permettre de dépasser tout ça.

  • Speaker #0

    Et seconde fantaisie, les terriblements.

  • Speaker #1

    Donc c'est les tremblements, c'est pas les soulèvements, c'est les tremblements de la terre. Et c'est une petite fantaisie qui part du principe de dire que... les maisons commencent à se fendiller, à se craqueler. Ça crée une angoisse énorme, puisque là encore, la maison protège. Et c'est un peu comme si, quelque part, la terre venait se rappeler à nous, dans ce qu'on a le plus cher, notre maison.

  • Speaker #0

    Le lieu le plus sécurisant.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un peu l'idée de départ. Mais après, comment on arrive à faire en sorte d'accepter ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    que cette manifestation, plutôt que de devenir anxogène, comment quelque part ça pourrait... donner une occasion là encore de se rapprocher de la Terre et de changer d'attitude par rapport à elle.

  • Speaker #0

    Très intéressant. Est-ce que d'une manière générale, j'imagine que c'est ton quotidien, c'est ce que tu fais tout le temps, mais tu mesures ou réfléchis à l'impact ? que tu peux avoir de ton travail sur nous ?

  • Speaker #1

    En fait, là, c'est des petites fantaisies. C'est aussi cette idée de dire qu'après avoir passé du temps où tu es un peu consterné, il faut qu'on trouve des récits, des nouveaux récits. Tout le monde en parle, mais il faut qu'on arrive, chacun, à trouver des récits porteurs, des récits réparateurs qui nous permettent d'avancer et surtout de... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Tim Ingold, de retomber amoureux de ce monde. Parce que si on n'est plus amoureux, on le délaisse et on se laisse. Et donc c'est un peu ça le propos. C'est aussi pourquoi j'oriente mes expositions beaucoup autour de ça aujourd'hui. Parce que je sais qu'on a besoin de trouver ces récits, on a besoin de réfléchir aussi sur l'après. On est tellement omnibulé par ce qui se passe au présent et les manifestations. Voilà, c'est cette sidération dans laquelle on veut nous tenir, qu'il faut dépasser. Et quelque part, voilà, donc l'exposition en ce moment à Firmini, à l'église Saint-Pierre. Et autour de ça, ça s'appelle nos pieds d'argile. Donc, on est bien conscient qu'on est fragile. De toute façon, on le sait. Mais après, que faire ? Donc, il y a trois sections. La première action, c'est nous réparons le terrain. Donc là, j'ai vraiment pris l'idée de terrain, parce que le terrain, c'est ce que fait l'anthropologue. Et c'est aussi l'idée de dire, il fait son terrain. Et c'est aussi de dire qu'on va se laisser affecter justement par le terrain. Donc, nous réparons le terrain et entre guillemets, du commun. Donc, la première idée, c'est de dire, il faut se fédérer, il faut réfléchir. Et donc, je fais une structure qui s'appelle un dôme, en fait, qui est en fait une structure qui... Imaginez un dôme qui porte des tabourets. D'accord. Et en fait, on a des surfaces pour poser les questions au fur et à mesure sur ce qu'on doit débattre. Et quand a lieu la discussion, les tabourets sont retirés du dôme. Ils deviennent en fait les assises tout autour du dôme. Ok. Et on prend les décisions ensemble. Il y a une petite table au milieu pour noter, pour se souvenir des décisions communes. Et garder bien clair ce qui a été décidé. Et après, on referme, on remet les tabourets qui sont avec les pieds à l'extérieur, qui viennent en quelque sorte protéger aussi ce qui a été développé. Maintenant, on n'est même plus dans l'idée de... Il faut aussi protéger les décisions communes. Donc, c'est un peu symbolique, mais en même temps, un, déjà, parler de cette notion de commun qui est essentielle. Il n'y a pas que moi, il y a plein de gens qui travaillent là-dessus, plein de philosophes théorisent là-dessus. Parce que c'est à travers cette première étape qu'on va arriver aussi à se projeter. Donc nous réparons le terrain, nous réhabitons le terrain. Donc ça c'est une notion des années 70 de Peter Berg qui avait défini qu'est-ce que ça veut dire réhabiter. C'est quelque part devenir originaire d'un lieu, même si on n'est pas né là. C'est-à-dire avoir le même système d'attachement. Et donc là, je montre une structure, justement, qui est un peu une structure en bois, avec comme des écailles dessus, qui est une cabane, en fait, symbolique, un peu la cabane de Soro et de Walden. Il y a plusieurs philosophes qui ont fait ça. Arnenas aussi a fait ça. Il est allé, à un moment donné, s'isoler dans une petite cabane, avec très peu de confort, pour faire le point. Et là, je propose en fait une structure pour faire le point avec ces attachements à un endroit précis. C'est-à-dire, quand une personne native est à un point, elle est capable de donner 400, 500 références d'espèces végétales, animales autour de lui. Faites l'expérience vous-même. On a 3, 4... Ça veut dire qu'on a perdu ces attachements. On est dans ces attachements qu'on appelle superficiels. Donc, il faut les redensifier, revenir sur un attachement dense.

  • Speaker #0

    Oui, réinvestir.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, je fais l'expérience de montrer les attachements que j'avais dans le lieu où j'ai fait le confinement. Et là, j'ai un peu triché puisqu'en fait, on avait fait l'effort de justement s'intéresser à toute la faune et la flore. Mais j'invite aussi les visiteurs à faire la même chose sur le lieu où ils habitent. Parce qu'on sait très bien que... Si on a des attachements, on va aussi le protéger.

  • Speaker #0

    Le protéger, le partager.

  • Speaker #1

    Et donc, ça va nous permettre de lutter pour arrêter cette espèce de course effrénée à la fois de l'extractivisme, de la pollution. Donc, il faut en passer par là. Donc, il faut réhabiter. réhabiter et la troisième étape donc il ya plusieurs expos mais là je donne juste dans chaque thématique et notamment j'ai invité les étudiants de la haide avec qui je travaille à genève notamment faire une intervention à l'extérieur dans un séchoir collectif voilà Donc il y a plusieurs, dans la partie justement de... réhabiter. Et la troisième section, c'est nous préparons le terrain. Et là, je propose la maison de la restitution, qui est un projet sur lequel je travaille depuis une année, qui en fait, est l'idée de dire qu'on ne peut pas en tant qu'humain prendre, reprendre et puis ne rien restituer à la terre. La terre, en fait, elle... prend la mort et elle la retransforme en vie, tout simplement. Donc on fait partie de ce cycle énergétique, c'est un cycle énergétique. Et si on retire, si on coupe, si on affaiblit ce cycle énergétique, et bien tout s'écroule. Et c'est ce qu'on est en train de faire vraiment. Et donc il y a beaucoup d'écrits philosophiques qui nous expliquent que plutôt que de regarder au ciel, il faut regarder et retourner à la Terre. Et cette maison, en fait, je suis partie de la maison, je me suis intéressée aux maisons du néolithique, puisque c'est un peu là qu'on s'est sédentarisées, c'est un peu là que commencent les problèmes. En faisant pousser du blé d'un seul coup, on s'aperçoit qu'on peut le stocker. Ça, c'est bien pour survivre, mais c'est aussi... Un premier dérèglement. Voilà, quelque chose qu'on peut aller... On peut monter les enchères, etc. Donc, c'est notre système précapitaliste, je ne sais pas comment on pourrait dire, qui s'installe. Et la première maison néolithique, elle est en fait une maison qui est creusée dans le sol, à peu près un demi-étage. On descend avec une petite rampe. Il y a des poteaux tout autour du trou qui est rond. Et juste un poteau central et le toit. C'est assez simple. Je suis partie de cette structure-là. Sauf qu'au lieu de creuser, je la surélève d'un mètre. Et ce qui nous donne en fait une interface en dessous de la maison pour faire cette interrelation avec la nature. Ça veut dire qu'on va aussi... Avoir un endroit où je prends les choses. Donc si j'ai mon potager, parce que bien sûr on imagine avoir un potager, je vais prendre les légumes, les fruits, je les mets dans des cajots en dessous. Là c'est mon garde-manger tout simplement. J'ai des trappes à l'intérieur de la maison, donc je peux avoir accès. Donc je peux avoir le bois, puisque je me chauffe le bois. On imagine une petite maison en fait, puisque c'est un démonstrateur presque autonome. Et j'ai quelques panneaux photovoltaïques aussi devant qui viennent faire brise-soleil en même temps, puisque maintenant le soleil, il faut le gérer, l'utiliser et le gérer aussi. Et donc je retrouve une construction bioclimatique assez simple. Et de l'autre côté, et c'est ça qui est le plus intéressant, je vais avoir les contenants pour récupérer à la fois les eaux grises. Les ovans, le pipi, le caca, ça c'est pas malin, mais je mets ça en scène. Et en fait, ces déchets deviennent des ressources. Comment on arrive à comprendre ça ? C'est quand même assez simple. Donc c'est plus, là encore, un scénario de vie qui montre que c'est possible. En tout cas, cette notion-là, d'ailleurs,

  • Speaker #0

    c'est pas...

  • Speaker #1

    On n'a rien inventé, tout ça existait en fait. Donc c'est juste revenir à des choses qui font sens et trouver... une façon de combiner tout ça mais qui fasse envie aussi voilà qui nous assure qu'ils soient qu'ils soient pas ni punitif ni ni de la science fiction qui nous apporte qui nous apporte qui nous qui soit du côté du désir qui soit pas du côté du manque mais du désir d'habiter voilà

  • Speaker #0

    c'est là qu'il que se joue en fait tout à fait oui je vais en jouer là alors ça c'est visible donc à firmini dans la haute loire, c'est ça ? La Loire. La Loire, pardon. Sur le site du Corbusier, on est là. Jusqu'à quand ? Jusqu'à l'automne ? Jusque janvier.

  • Speaker #1

    J'ai eu des retours lors de la présentation parce que je vais y venir régulièrement. C'était un peu particulier parce que ça fait partie de la Bénal de Saint-Etienne du design. Donc en fait, il y avait essentiellement des... Voilà, donc je vais y venir. Dans un deuxième temps, mais là, ça sera plus des visiteurs.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant, moi, je trouve, de comprendre. Enfin, c'est tout l'enjeu aussi de ce que tu fais, de ce genre d'expo. Mais c'est de se dire, OK, comment j'impacte vraiment sur le regard des visiteurs non avertis ? Oui. Et qu'est-ce que ça va changer chez eux ? Moi, je suis très curieux de savoir ça. Mais la notion de démonstrateur, tu en as parlé. Ça, c'est un bon exemple. Dans la plupart de tes projets, tu dis que ce sont des démonstrateurs. C'est une manière...

  • Speaker #1

    C'est un peu nouveau, en fait. Parce qu'en fait, le statut de l'objet tel qu'il est là, ce n'est pas une maquette, c'est échelon. Et en fait, c'est Claude Parent qui avait fait un démonstrateur de son oblique. Et j'ai trouvé ça très juste, en fait, parce qu'il n'arrivait pas à convaincre, du fait que l'oblique était la solution pour ne pas construire en vertical. et... et non plus s'étaler en horizontal. Et il avait imaginé faire un démonstrateur. Et donc, je me suis dit, tiens, ça, c'est une bonne façon d'expliquer les choses, parce que pour l'instant, ce n'est qu'un démonstrateur. Donc, il n'y a pas tout. C'est juste esquissé. Et ça permet d'ailleurs à chacun d'imaginer, d'ajouter des choses en fonction de ses intérêts. Mais c'est juste un fonctionnement, un démonstrateur. Et c'est surtout un démonstrateur pour changer de système de pensée. C'est ça aussi.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors d'ailleurs, ta démarche, je ne sais pas comment on peut la dire, elle est engagée à minima, elle est politique, elle est presque parfois militante, je ne sais pas comment tu le définirais toi. Tu travailles aussi parfois avec des grands groupes. Comment tu fais pour... D'abord, est-ce que tu as déjà refusé des projets pour des raisons, on va dire,

  • Speaker #1

    d'engagement ? Oui, oui, oui, je refuse des projets parce que la création, c'est quelque chose de fragile, en fait. C'est quelque chose qu'on... qu'on acquiert à force d'années. C'est ce que j'explique aux élèves aussi, aux étudiants, c'est-à-dire c'est fragile. Il faut se protéger. Et c'est les convictions aussi qu'on a d'exercer ce métier. Et si on n'est pas avec les bons partenaires, on va toucher ça, qui est en fait le cœur de notre façon de travailler. Et donc il faut se protéger. Donc moi je me protège, je m'assure. que les gens avec qui je travaille ont les mêmes valeurs comme moi. Sinon, de toute façon, ça ne va pas donner un bon projet. Donc, ça ne sert à rien d'aller se martyriser et de travailler avec les personnes qui ne pensent pas de la même façon ou qui ne sont pas prêts à d'ailleurs faire ce pas de côté. Puisque maintenant, j'ai fait suffisamment de projets. Donc, c'est aussi ça. C'est-à-dire qu'en rentrant dans mon studio, j'ai fait suffisamment de choses. Si les gens... passe la porte, c'est déjà qu'ils ont compris plus ou moins où il s'agit. Donc c'est une espèce de sélection naturelle qui fait que je vais collaborer avec des gens qui sont un peu autour des mêmes notions et qui ont envie d'avancer dans le même sens. Je ne sais pas si on peut dire bon, mais voilà.

  • Speaker #0

    Tu as collaboré avec Ikea notamment. Spontanément, on imagine Ikea comme étant...

  • Speaker #1

    Il y a déjà une dizaine d'années, je ne sais pas si je le referai aujourd'hui. C'était une belle expérience, parce qu'en fait, Ikea a un design intégré, bien sûr, on le sait. Et puis, il collabore avec beaucoup de designers qui sont plutôt des Scandinaves, en fait. Mais il collabore très peu avec... À l'époque, avec les designers... on va dire européens voilà et donc là ils avaient décidé de donner la parole aussi à d'autres designers s'ils sont aperçus que ils étaient très centré au niveau de leur culture en fait les mots enfin voilà donc comment ce voilà c'était c'était ça et que ça commençait à poser problème en fait un avance avait ça devenait en fait quelque chose d'assez porteur voilà d'une singularité et puis que petit à petit ça pouvait aussi poser problème et donc Donc, ils ont invité un certain nombre de designers pour un projet qui s'appelle le projet PS. Donc, c'est toujours une petite gamme à côté. Et c'était très beau parce qu'en fait, je suis allée en Chine choisir le fabricant avec qui je voulais collaborer. Donc déjà, c'est fabriqué en Chine. Mais déjà, je pouvais choisir et en fonction du fabricant, proposer le projet. aussi, dans ce sens-là. Donc, il y avait une grande liberté. Donc, c'est comme ça que j'ai décidé de faire cette petite lampe, qui est une lampe autonome, avec une certaine autonomie, qui représente aussi... Je me suis dit, mais c'est quoi dans l'imaginaire commun la lampe qu'on porte ? C'était la lampe du cheminot. Donc, je lui ai donné une forme extérieure. Voilà. une espèce de lanterne avec le tout petit composant lumineux au milieu, puisqu'en fait, on se retrouve comme ça aujourd'hui. La lampe, elle peut faire... Elle est tellement petite qu'elle est plus appréhendable, en fait. Ou en tout cas, on est dans un système intermédiaire où, en fait, on a encore envie de l'objet. On n'a pas envie complètement que ça se dématérialise. Donc, en fait, c'est un peu un stade intermédiaire où le corps lumineux est tout petit au centre, mais il est dans une présence, en fait, d'un objet qu'un objet en fait de cette lampe de cheminot qui me paraissait intéressant de faire faire référence voilà et j'ai passé pas changé un millimètre de l'objet il a été voilà ok produit comme je l'ai dessiné voilà donc ça a été une très bonne expérience en fait voilà après je vois là après c'est ce sont des groupes qui bien sûr des volumes énorme à produire mais ils sont aussi capables de prendre des décisions et par exemple je me souviens à l'époque quand je collaborais avec kia il avait décidé de sortir une ampoule à moins d'un euro une ampoule à l'aide bien sûr pour faire en sorte parce qu'il y avait des grandes réticences à l'adoption. Et on sait qu'une lampe incandescente, il y a 40% de l'énergie qui sert juste à chauffer l'air et pas à éclairer. Donc, c'est des aberrations qu'on puisse avoir utilisées toutes ces lampes,

  • Speaker #0

    toutes ces années.

  • Speaker #1

    Donc, ils lancent aussi des programmes comme ça. Mais ils sont des leviers de changement qui sont énormes. Donc, ce n'est pas blanc et noir.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le voir comme un levier énorme de changement. Tu as raison. Oui, évidemment. OK. Si je te dis scalabilité,

  • Speaker #1

    tu réponds quoi ? Oui, c'est vrai que je parle beaucoup de communauté. Mais aujourd'hui, on n'a plus envie d'imaginer des utopies. transversale en fait parce que voilà c'est on sait que ça ça mène à des choses assez effrayant donc on se retrouve à faire son chemin dans des communautés qui sont ancrés là où on peut discerner ce qui est bien ce qui est mal où on peut se faire confiance où on peut se réparer et la question est de se dire mais comment on va changer d'échelle mais en fait ces luttes elles sont partout. en fait et elle défend plus ou moins la même chose donc c'est peut-être c'est peut-être ça l'idée c'est de se dire que peut-être multiplié c'est la somme des voies c'est la somme des luttes qui peut faire la différence et c'est aussi se sentir proche voilà comment dire dans le dans ce qu'on défend tout simplement je veux dire on le voit il ya quand même une convergence des luttes, qui nous permet de comprendre que c'est un phénomène global et que ça ne se joue pas aux petites échelles.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Je voulais parler de circularité. Il y a une chose qui m'a marqué. Je suis allé, on parlait de Patrick et Philippe et de Darhi et de Yotel. Leur nouveau projet, c'est la ferme hybride, qui est dans le Luberon, qui est un lieu sur lequel...

  • Speaker #1

    Une ferme. Oui, une ferme.

  • Speaker #0

    et en me faisant visiter le lieu Patrick me disait tu vois ça sont des lits qui étaient à Nice ça c'est des tables de Matali qui étaient là etc. Donc naturellement énormément d'objets ont retrouvé leur place comme s'ils avaient été imaginés pour... pour ce lieu. C'est pour toi une évidence que tes objets soient circulaires, c'est-à-dire qu'ils trouvent une seconde vie, une troisième vie. Tu les imagines comme ça, naturellement. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est important d'imaginer dans le long terme, ça c'est évident, de faire des objets qui puissent transmettre, c'est important. Là, c'est un cas un peu particulier puisque comme c'est une collaboration qu'on a depuis 20 ans, on ne peut pas toujours agir comme ça dans tous les projets. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre que... Alors, on a plein de façons de faire du design. En fait, on peut faire de l'éco-construit. On peut faire cette idée de travailler sur des objets qui sont... Comment dire ? pérenne, mais voilà, et travailler sur une qualité qui fasse qu'il le reste. Et chacun peut choisir, on peut travailler sur la matière. Il y a beaucoup de jeunes créateurs qui se penchent sur l'idée de créer des nouvelles matières qui ont moins d'impact, etc. Donc, c'est ça qui est beau, en fait. Bizarrement, ça paraît compliqué d'être designer aujourd'hui, mais en même temps, ce que je dis aux étudiants, c'est que vous avez une grande palette de possibles. puisque tout est à repenser. Et vous n'avez pas besoin de vous déconstruire, parce que vous pouvez prendre déjà une direction. Donc c'est quelque part une espèce de champ des possibles qui est énorme. Et c'est ce qui me réconforte dans cette idée, puisqu'on est quand même une profession qui est assez agile. On n'a pas de corporation très forte. Donc, il fait qu'on peut naviguer, trouver son mode de faire. Il y a beaucoup de designers qui vont s'installer aussi dans les régions. Ça, c'est très important. La créativité est aussi en train de merger. Et ça, c'est très beau à voir. parce qu'il y a eu cette fracture entre le rural et l'urbain qui a fait beaucoup de mal. Et donc là, c'est aussi un signe très encourageant que les jeunes générations veulent aussi s'ancrer et faire en adéquation avec le territoire. Et le voir comme ça, c'est plutôt intéressant parce que ça va faire, on voit bien, une espèce de plurivers qui s'installe et la diversité, elle est au rendez-vous tout simplement.

  • Speaker #0

    Alors, tu as parlé de transmission, c'est hyper important, la circularité des objets, mais aussi la transmission des pensées. Tu interviens dans des écoles, tu animes des workshops. Tes expositions et tes fantaisies sont aussi une manière de transmettre. Justement, est-ce que tu sens que leur regard sur le monde, les étudiants, est de plus en plus radical ?

  • Speaker #1

    Les étudiants sont à l'image de la société, en fait. Naïvement, j'ai pensé que les designers étaient tous en train de se remettre en cause. Et en fait, pas du tout, puisqu'il n'y a pas... Je suis spécial. C'est pour ça que j'ai lu, mais ce n'est pas moi qui ai expliqué cette histoire de design mineur et design majeur. C'est que je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce... Et en fait, c'est assez clair. Il y a un design mineur qui est dans les marges, qui fait ce travail de défrichage. Et puis, il y a le design majeur qui continue à servir ce système capitaliste qui est là.

  • Speaker #0

    Oui, qui détruit. Est-ce que tu fais beaucoup de choses pour... Tout ton travail est dirigé vers les autres, vers le commun. Est-ce que tu fais encore des choses totalement égoïstes pour toi ? Je ne sais pas, c'est une question un peu...

  • Speaker #1

    Non, mais j'ai du mal justement à travailler, à faire des projets pour moi. Je m'en aperçois. Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Il y a certains designers qui expliquaient qu'ils essaient de faire le mieux pour eux et si ça leur plaît, ça va aux autres. Moi, je n'ai jamais fonctionné comme ça. J'ai toujours besoin de me projeter. Je ne sais pas si c'est ma gémellité. Je vais dire un peu ça. Parce que c'est vrai qu'être jumeau, c'est une autre présence au monde. On a déjà une partie de soi qui est à l'extérieur. Ce n'est pas moi qui ai théorisé ça. C'est Emmanuel et Kotscha qui en fait sont jumeaux aussi. Et j'avais trouvé ça assez juste parce que je... Je suis dans un rapport assez fusionnel en fait, aux gens, aux choses, et ça vient de ma gémellité, je sais, mais c'est le prochain chantier en fait, j'ai pas le temps.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, ta sœur travaille avec toi ou pas du tout ? Non,

  • Speaker #1

    non, elle travaille dans le cinéma.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. On arrive déjà à la fin de notre conversation, vraiment génial. J'ai une petite question ou deux, rituel, si tu devais transmettre un seul objet ? ce serait quoi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un objet. Non. Ce n'est définitivement pas un objet. C'est plus des écrits philosophiques. C'est une liste de livres.

  • Speaker #0

    Je veux bien que tu nous en partages quelques-uns, qu'on mettra en note d'épisode. Franchement, c'est intéressant. Merci, Nathalie, de cette conversation vraiment passionnante, stimulante, questionnante aussi, vraiment. Elle interroge beaucoup. Et c'est le sens de ce travail. Tu nous rappelles que le design, c'est évidemment bien plus que des formes. C'est une manière d'habiter le monde, de s'ouvrir aux autres, de préparer l'avenir avec courage. C'est vraiment ce qui nous manque peut-être le plus. Merci beaucoup, Nathalie.

  • Speaker #1

    Mais de rien. Merci, c'était un plaisir.

Description

Le design n’est pas une question de style, mais une manière de penser le monde

Dans ce nouvel épisode de The Design Talk, Franck Mallez reçoit Matali Crasset, figure majeure du design français contemporain, mais surtout exploratrice d’usages, d’espaces et de liens.


Formée à l’ENSCI, passée par Starck, Matali a toujours refusé les codes du design de surface pour défendre un design de fond : un design de transformation, de questionnement, de réparation. Elle se dit “designer de l’anthropologie appliquée”. Et tout est là.


Dans cette conversation généreuse, elle revient sur ses débuts dans une famille d’agriculteurs, ses premières créations comme Quand Jim monte à Paris, ses années de collaboration avec Philippe Starck, mais surtout sur sa méthode singulière : partir d’un territoire, d’un usage, d’un collectif, pour inventer une réponse sensible, contextuelle, souvent radicale.


On parle de couleur comme énergie vitale, de scénarios de vie au cœur de ses objets, de ses projets hôteliers hybrides (comme Dar Hi en Tunisie), de son travail dans des lieux inattendus (églises, villages, écoles), de ses engagements pour un design qui libère, qui soigne, qui relie.


Elle évoque aussi ses expositions récentes (La Communauté des cratères, Nos pieds d’argile), qui prolongent sa recherche d’un monde habitable – plus lent, plus doux, plus vivant.


Un épisode profondément inspirant, qui nous invite à repenser ce que peut (et doit) être le design aujourd’hui : un outil de transition, de poésie, d’avenir.




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The Design Talk est produit par Franck Mallez. Fondateur de Yourse.co et de tcrewagency.com , ancien journaliste, et entrepreneur des industries créatives.
https://www.linkedin.com/in/franckmallez/
https://www.instagram.com/franckmallez/
https://www.instagram.com/thedesigntalk.podcast



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    designers, architectes, entrepreneurs, artisans, tous ont en commun une vision, un parcours, une approche du design qui résonne avec notre époque. Alors ici, on parle d'inspiration, de matière, d'innovation, de process, mais aussi de défis, d'échecs et de réussites, tout ce qui façonne finalement chaque projet. The Design Talks est une plongée dans l'univers de ceux qui imaginent, transforment et réinventent notre quotidien. Alors installez-vous, ouvrez grand les oreilles, l'épisode du jour commence maintenant. Allez, on va y aller. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce Design Talk. Aujourd'hui, je reçois une figure majeure du design, même si elle aime décrire son design comme un design mineur par rapport au design majeur, on pourra en parler. En tout cas, c'est une des figures les plus singulières à mes yeux et aux yeux de beaucoup du design. Son œuvre ne se limite pas aux objets, elle travaille à partir de scénarios de vie. Elle interroge nos façons d'habiter, de nous relier et de construire, reconstruire du lien, du commun. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Matalie Crasset. bonjour Matali

  • Speaker #1

    Bonjour, moi aussi je suis heureuse. Je suis designer-euse.

  • Speaker #0

    Design-heureuse, c'est vrai d'ailleurs. J'ai lu ça, designer-euse, j'adore cette façon de te décrire. Alors depuis toujours, tu signes Matali Crasset avec un M à la place du N, et tout en minuscule. Je n'ai jamais lu d'explication. C'est une première question que je vais te poser. Est-ce que c'est un geste symbolique ? D'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Non, ça vient de... J'ai fait des colonies maternelles en fait. Et les enfants, avant de dire le N, disent le M. Et donc, ils m'appelaient Mata Li. Ils ajoutaient même un deuxième, mais je ne l'ai pas gardé. Et petit à petit, dans ma sphère intime, on m'a appelé Matali. Maintenant, je me reconnais beaucoup plus comme ça. Donc, c'est venu petit à petit.

  • Speaker #0

    Ok, aujourd'hui, c'est totalement… ça fait partie de ton… c'est presque un choix créatif aussi.

  • Speaker #1

    Oui, aussi. Puis, le « m » est aussi plus invitant. Ça me représente plus, je crois.

  • Speaker #0

    Ah oui, ok. Alors tu as grandi dans la Marne, dans un village, dans un environnement agricole. Tout à fait. Dans une maison peut-être sans culture design forte.

  • Speaker #1

    Non, c'est une autre culture, ça s'appelle l'agriculture. Oui,

  • Speaker #0

    essentielle évidemment et ça fait partie de plus en plus de tes projets je crois. C'était une maison aussi pleine d'inventivité. Alors, est-ce que cet environnement t'a donné le goût toi aussi d'inventer, de reconstruire, de construire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est plutôt l'extérieur, puisque quand on est enfant et qu'on vit à la campagne, on sort de la maison. Le village est une plateforme de développement, on va de plus en plus loin, on découvre des choses. Et puis quelque part, un bâton un jour peut devenir un piquet de tente, le lendemain ça devient une rame. Donc en fait on invente des histoires, des récits et on joue à échelle 1 en fait c'est à l'échelle du territoire donc c'est un véritable cadeau de pouvoir faire ça quand on est enfant. Oui,

  • Speaker #0

    et c'était parce que j'imagine que toutes les familles n'ont pas la même liberté, ne laissent pas la même liberté aux enfants. Oui,

  • Speaker #1

    il n'y avait pas du tout d'enjeu de sécurité. Non, non, c'était voilà, il y avait peu d'enfants parce que c'est un village de 80 habitants. Donc, en fait, on était deux, trois. Mais j'avais une soeur jumelle et ça change tout.

  • Speaker #0

    et oui et oui tu avais ton binôme Et oui, ça t'a obligé en plus à être très imaginative, d'avoir peu d'enfants autour de toi. Très bien. Oui, d'ailleurs, tu dis qu'enfin, tu avais bien été obligé d'innover, d'expérimenter. C'est le cœur de ta démarche aujourd'hui. Et donc, tu crois que ça a été cette créativité contrainte qui t'a poussé à faire ce que tu fais aujourd'hui, d'une certaine manière ?

  • Speaker #1

    Forcément, il n'y a rien entre ce qu'on a vécu quand on est enfant et ce qu'on fait après en étant adulte. En fait, c'est évident. Après, moi, je ne l'ai pas trop réfléchi. C'est plutôt aussi la relation à la terre que j'essaie de comprendre aujourd'hui. Et d'ailleurs, je viens d'écrire un petit texte qui s'appelle « Je suis née dans la craie » . Qu'est-ce que ça veut dire d'être née dans la craie ? Parce que je suis née dans un village qui est essentiellement dans la terre. Il y a un petit substrat de terre, mais il y a beaucoup de couches calcaires qui sont importantes. Voilà, donc j'essaie de comprendre qu'est-ce que ça veut dire d'être né dans la craie, d'avoir habité une maison de craie au départ. Voilà, toute cette notion-là qui est intéressante pour moi. pour comprendre aussi d'où je viens et sur quoi je peux m'appuyer pour avancer.

  • Speaker #0

    Et notamment, j'ai lu que la craie, évidemment, la couleur, très monochrome, qui se confondait avec le ciel d'hiver parfois.

  • Speaker #1

    Ce n'est même pas moi qui l'ai découvert. C'est en faisant une discussion avec une personne qui connaissait bien mon pays et qui l'avait traversé, en essayant de vendre en plus des objets culturels. Merci. Donc le double challenge qui m'a dit en fait voilà pourquoi tu utilises la couleur. C'est évident en fait. Tu es né dans un pays où c'est blanc la plupart du temps. Voilà où il y a cette espèce de... Voilà donc je pense que c'est pour contrebalancer ça.

  • Speaker #0

    Oui, on reviendra sur évidemment la couleur qui est centrale dans ton travail. Si tu t'étais appelé Stéphane ou si tu avais été un garçon, tu crois que tu aurais fait du design ?

  • Speaker #1

    Je crois que j'aurais fait du design aussi. Alors peut-être qu'il y a un peu plus de pression sur les garçons dans les villages parce qu'il faut reprendre la ferme en fait. Avec ma sœur Véronique, on n'a pas eu cette pression-là du tout. On a fait… Mais mes parents étaient très, très ouverts, en fait. Sinon, je n'aurais pas pu faire d'école de design de toute façon. Mais voilà. Donc, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    bien évidemment.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. En tout cas, c'est le petit frère qui a repris la ferme. OK. Voilà, on est quatre en tout. Et voilà, les trois autres ont pu choisir leur métier. Mais lui aussi a choisi, en fait, en quelque sorte. Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, tu démarres par un IUT de commerce. Et puis, je crois que c'est lors d'un exercice, d'un TD ou je ne sais pas, où vous devez travailler sur un car, qui était une marque de parfum.

  • Speaker #1

    Oui, alors je ne vais pas directement dans une école de design parce que je ne me sens pas légitime. Je ne suis pas de cette culture-là. Merci. je sais déjà que ça existe. Je me renseigne petit à petit et je ne me sens pas légitime. Je n'ose pas aller faire un concours dans cette direction-là. Donc, je fais un petit peu comme tout le monde. Je suis le chemin. Mais j'avais beaucoup aimé... J'avais au lycée un prof d'économie qui était formidable. Et ils faisaient... Ils étaient en trinôme avec le prof d'histoire et le prof de géographie. Et donc, les cours étaient coordonnés. Et c'était formidable, en fait. Donc, j'ai un peu suivi cette logique en continuant. C'est intéressant aussi parce qu'on essaye de réfléchir aux mécanismes. Oui. Aux mécanismes et quelque part aussi à comment fonctionne la société. Donc, il y a la partie aussi un petit peu sociologique, même si, donc après ces études... Je me suis fortement dégagée de ce... Parce qu'en fait, c'était aussi quelque part devenir, on apprenait à devenir, les gens se transformaient au fur et à mesure autour de moi, en s'habillant différemment, en prenant une posture. Donc je ne me suis pas du tout sentie à l'aise avec ça. Et après, je me suis sentie... J'ai osé essayer de rentrer dans le monde du design.

  • Speaker #0

    Mais tu disais, je ne me sentais pas légitime, mais tu savais déjà que c'était quelque chose qui te touchait ou dans la direction vers laquelle tu avais envie d'aller. Et tu mettais le mot design derrière.

  • Speaker #1

    Non, en fait, je me suis aperçue parce que j'ai des enfants qui sont grands maintenant et qu'ils ont fait un petit stage d'observation en troisième. Et je me suis posé la question, est-ce que ça existait en fait quand j'étais en troisième ? Et oui, ça existait. Et j'ai fait un stage chez un architecte. J'avais complètement oublié. Donc, ça date déjà de la troisième, en fait, mon intérêt. Et je ne sais même pas comment j'avais réussi à trouver un architecte dans ma région, etc. Et en fait, c'est en remémorant le... Pourquoi j'avais oublié, tout simplement, parce que ça avait été une mauvaise expérience. Cet architecte était plutôt issu d'une... Comment dire un milieu social qui n'était pas le mien et donc je me suis dit bah c'est pas c'est pas pour moi

  • Speaker #0

    J'ai remis le désir de devenir créatif créateur avec l'architecture sous la sous la pile et voilà j'ai continué donc ensuite donc ce cet exercice lors de ton de ta première formation supérieure iut de dessiner un flacon de parfum je crois oui c'était un révélateur c'est

  • Speaker #1

    Oui, mais en même temps, c'est juste de comprendre que la matérialisation de la forme, elle est complexe, elle est très complexe et qu'on embarque toute une symbolique. En fait, ça va bien au-delà de l'aspect fonctionnel, surtout pour le flacon. Et voilà. Mais il y a eu plusieurs déclics. Il y a eu ce déclic-là. Et puis, il y a eu surtout la rencontre avec Francis, qui lui aussi voulait faire une école de design. Donc,

  • Speaker #0

    vous étiez étudiants ensemble.

  • Speaker #1

    Et on est parti faire un stage à Berlin. Et là, vraiment, ça a été le passage. Je me suis dit... Et on est allé rencontrer à l'époque des designers dans une ville berlin qui était... pas du tout industrielles, donc c'était plutôt des artistes designers et qui nous ont ouvert vraiment leurs portes. C'était une belle période, c'était très facile de les rencontrer et c'était aussi des artistes entiers, c'est-à-dire que ce n'était pas simplement des designers, souvent ils faisaient partie d'un groupe de musique. Donc il y avait une ambiance à Berlin à cette époque-là, je dois préciser, c'était avant la chute du Mule. et une effervescence créative, qui a en fait, la métamorphose elle s'est fait là puisqu'en fait on a fini par faire un... Un rapport, en fait, un petit rapport ensemble. Et ça s'appelait Blitzkrieg Tech Design. Donc, en fait, on n'a pas du tout parlé. Donc, ça a été aimé, on l'a affirmé. Et voilà, ça a été le passage.

  • Speaker #0

    Ça a été le passage. Et derrière, vous faites tous les deux une école de design ?

  • Speaker #1

    Non, Francis, pas une école de design. Parce qu'en fait, il n'est pas manuel. D'accord. En visitant les ateliers, l'Annecy, les ateliers, s'aperçoit que là... En bas, ce sont que des ateliers, des workshops pour transformer la matière. Et là, il se dit, il y a un truc que je n'avais pas perçu. Donc, en fait, il va continuer un petit bout de chemin plutôt autour de l'art contemporain.

  • Speaker #0

    D'accord. Et aujourd'hui, c'est ton mari et vous travaillez ensemble sur beaucoup de projets, j'imagine. pour en parler. Derrière, tu fais un stage important, je crois, à Milan. Oui. Pour toi, chez Denis Santacara.

  • Speaker #1

    Oui. Alors voilà, j'ai fait d'abord, il faut parler un peu de cette école. Oui. C'est important. On a des bonnes formations en France. Et l'ENSI en fait partie, l'ENSI Les Ateliers. Je me suis vraiment épanouie dans cette école. Il faut comprendre qu'il y a une bienveillance et une générosité pour arriver à trouver son approche. Oui. Donc c'était le paradis. Et j'ai aussi compris que les écoles, ça pouvait être ça. Pas simplement les écoles de création, mais une école pour apprendre, la façon d'apprendre, la façon de nous rendre autonomes, puisque c'est quand même un système pédagogique, un parcours pédagogique qui rend vraiment autonome et très singulier. Et voilà, donc en fait, je suis aussi redevable de cette formation. et qui m'a permis de devenir designer.

  • Speaker #0

    Donc,

  • Speaker #1

    en fait, à la sortie de l'école, je devais couper le cordon parce que c'est une école où on se sent bien. D'ailleurs, on avait du mal à partir à l'étranger. Il n'y avait pas d'Erasmus à l'époque.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    On est quoi dans les années 80 ? Je suis sortie en 89.

  • Speaker #0

    En 99, c'est ça ?

  • Speaker #1

    En 99, 92. Oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, donc pas d'échange.

  • Speaker #1

    comme ça pourrait donc je vois là je me suis dit il faut que je quitte paris parce que je vais rester sur l'école à l'époque valencien l'école on partait un peu quand on était prêt donc des gens restaient sept ans voilà il n'y avait pas de voilà il n'y avait pas de parcours avec c'était de voilà d'avoir trouvé son approche et de voilà donc moi je suis parti au bout de quatre ans et demi et j'ai décidé d'aller voir Milan étant plus dédié bien sûr au mobilier, mais au moins c'est une place où le design compte. J'avais besoin de comprendre ça. En France, c'est un peu plus flou. Il y a des endroits où ça compte et puis il y a des endroits où ça ne compte pas du tout. Donc j'avais besoin de me sentir entourée par des pairs, par une profession, quand on va bien sûr à la foire de design à l'époque. Voilà, on sentait qu'il y avait une discipline qui était là en train de se construire. Voilà, c'était important pour moi.

  • Speaker #0

    Tu as compris pourquoi ? Moi, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi c'était aussi présent à Milan, enfin en Italie en général et à Milan.

  • Speaker #1

    Les Italiens sont assez... Ils ont compris que le design pouvait être une force pour exporter. Ils ont 80% de leur chiffre d'affaires à l'étranger. Donc, ils ont compris ça. Ce qu'on n'a pas compris en France.

  • Speaker #0

    Et les nordiques, c'est un peu pareil pour toi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Eux, ils l'ont toujours été de toute façon. Ils ont un tout petit pays. Donc en fait, ils sont très dans l'échange.

  • Speaker #0

    Et il y a d'autres pays comme le Japon, où là, il y a peut-être... Alors, c'est peut-être aussi les mêmes ressorts, mais j'ai l'impression que c'est plus lié à l'artisanat et à la culture. Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Alors, peut-être aussi, j'ai une explication de Gaetano Pecce. J'ai fait un voyage d'études en... dans un pays du nord, je ne me souviens plus, c'était la Finlande, je crois, avec lui. Et il disait que dans ces pays nordiques, en fait, il y avait une continuité entre ce que faisaient les paysans, c'est-à-dire leurs outils. Et après, petit à petit, ça a été transformé pour faire aussi les outils, on va dire, du quotidien, qui sont les mobilets, etc. Et qu'il n'y avait pas eu de rupture, en fait. C'est une espèce de continuité qu'on n'a pas eu en France. de notions, de statuts qui t'a fait... Oui c'est ça. Voilà, tout à fait, avec...

  • Speaker #0

    Ah c'est de statuts...

  • Speaker #1

    Voilà, qui fait qu'en France on a cette fameuse culture de la distinction. C'est moi qui le dis, hein. Et donc il fallait... Il fallait rompre. Il fallait rompre et il fallait proposer des objets d'exception. Donc ça, bourgeois, voilà, pour statutaire. Et voilà, et donc c'est pourquoi on a eu cette espèce de cassure. Et c'est assez simple en fait à imaginer comme ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant, ok. Donc tu vas à Milan, tu fais ce stage.

  • Speaker #1

    Alors chez Santa Chiara c'est important parce que c'est quelqu'un de très humain, c'est une petite structure. Je ne vois même pas la différence entre être à l'école et être chez lui, donc ça c'est un super cadeau. s'apercevoir que... Parce que quand on sort de l'école, on se dit,

  • Speaker #0

    mais qu'est-ce que je vais arriver à faire et à l'apporter, à composer.

  • Speaker #1

    Dans la vraie vie. C'est quelqu'un dont je lui dois beaucoup aussi. Et il me fait confiance. Pendant un an, c'est une belle aventure.

  • Speaker #0

    Et alors ensuite, c'est Stark. Oui,

  • Speaker #1

    je viens à Paris, je crie trois lettres. Chez Stark, dans une agence, parce qu'en fait, il y a une petite agence quand même. J'essaie à trois, parce que je ne sais pas où le vent me porte. Et chez Stark, j'avais envie de voir comment il arrivait justement à passer d'un projet à l'autre. C'était plus ça que vraiment sa démarche. C'était cette idée de... d'ouverture d'esprit parce que c'est vrai, il a ouvert plein plein de portes pour notre génération, il faut le dire, ce qui n'a pas été le cas des maîtres italiens, qui sont plutôt restés sur le billet,

  • Speaker #0

    sur le luminaire.

  • Speaker #1

    Mais je veux dire, en termes de, voilà, ils ont été très présents. Stark, il a ouvert et surtout, il a utilisé la communication pour montrer que le design existait. Et donc, ça, on ne peut pas lui reprocher, je veux dire, et montrer aussi que ça a une valeur. commerciale. C'est une valeur ajoutée complètement. Donc, je suis arrivée chez Stark et très rapidement, au bout de six mois, il y a un projet qui est arrivé, qui est le projet avec Thomson Multimedia, une grande entreprise faisant ce qu'on appelle les produits bruns, c'est-à-dire à la fois qui gère l'image et le son, qui diffuse plutôt l'image et le son. Et je deviens responsable de ce projet et en même temps du team Tom, donc de 25 designers. Voilà, donc je suis chez Stark, mais en même temps en train de majoritairement m'intéresser à ce projet-là. Donc c'est une belle aventure humaine déjà, oui, de voir aussi une grande entreprise fonctionner de l'intérieur. Donc là, les technolectes que j'avais m'ont quand même un peu servi pour comprendre. de quoi il s'agissait. Et c'est compliqué au départ, parce que le design n'était pas identifié comme une force de proposition.

  • Speaker #0

    Oui, parce que là on est sur la technologie, sur un appareil qui doit être très fort.

  • Speaker #1

    Les Réunions retiennent le lead, mais Stark a cette force de créer des ruptures, on va le dire, et petit à petit, on fonctionne bien ensemble. Et ça a été une très belle aventure, à la fois... de création, mais à la fois une aventure humaine.

  • Speaker #0

    Moi, ça m'avait frappé. Alors, je vais te raconter une petite histoire. Ma maman travaillait chez Thomson. Mais pas du tout dans cette division-là. Elle était ingénieure chez Thomson. Et je pense qu'elle avait dû avoir accès peut-être à certains produits. Oui, on parlait avec la R&D.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Et elle avait ramené cette télévision tube cathodique à l'époque. je crois, fait en... avec du bois. Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Il s'appelle Jim Nature.

  • Speaker #0

    Voilà, je ne me souviens pas. Mais moi, ce qui m'avait frappé, alors je ne sais pas quel âge j'avais, j'étais un ado tardif, c'était, il y avait une poignée. Et ce truc-là, pour moi, c'était incroyable. Et je trouve que ça résonne très bien avec ce que tu racontes, la manière dont tu travailles sur des scénarios de vie, sur des cas d'usage. Et pour moi, cette télé, alors on n'est pas, on était dans les années 90, mais où on se disait, on peut partir dans notre chambre avec la télé. C'est incroyable. Et ce truc-là m'avait... Frapper, vraiment, c'est pour moi un objet vraiment majeur dans la dizaine récent.

  • Speaker #1

    C'était beau parce qu'en fait, on replaçait quelque part la technologie où elle devait rester. C'était déjà, alors à l'époque, on parlait de domestiquer la technologie. Aujourd'hui, c'est un groupe étonnant. On va peut-être en parler avec Pierre. Mais voilà, on y croyait. Et en fait, on a fait des propositions avec l'équipe. par exemple de Maitoscope où il y avait huit touches mais énormes mais pas plus. C'est à dire on arrête de créer ce qu'on appelait à l'époque des features, c'est à dire pour légitimer un produit en plus, au contraire on va simplifier. Et c'était complètement révolutionnaire à l'époque. On a travaillé aussi sur des plastiques translucides bien avant Apple etc. Donc voilà l'idée c'était vraiment un champ d'expérimentation énorme. Et un cadeau aussi qu'a fait Stark de pouvoir exercer ce métier-là dans ce contexte et avec cette possibilité de bouger les marges.

  • Speaker #0

    Donc ça, ça dure combien de temps ? Quelques années ?

  • Speaker #1

    4 ans chez Samson et 5 ans chez Stark. Donc après le... Je reviens chez Stark et je m'occupe essentiellement pendant six mois de ses expositions. Puis après, je décide de créer mon studio tout simplement.

  • Speaker #0

    Parce que tu te dis, OK, c'est le moment.

  • Speaker #1

    Déjà, j'ai eu un peu de mal. J'ai quitté la famille de Thompson. On était vraiment un team. Et c'était compliqué. Donc, je me suis dit, c'est le moment. C'est le moment ou jamais.

  • Speaker #0

    Génial, on va évidemment creuser tout ça. Mais une question que je pose souvent, comment tu décrirais ton métier d'aujourd'hui à un enfant de 6 ans, 7 ans ? Oui,

  • Speaker #1

    alors moi je m'occupe d'habitabilité. Alors aujourd'hui l'habitabilité, ce n'est pas simplement le bâti, c'est l'habitabilité générale. et il y a beaucoup d'enjeux avec la crise écologique qui est là. Donc, ça touche plein de choses. C'est très général, mais après, on peut prendre des exemples plus particuliers.

  • Speaker #0

    Oui, on va le faire. Génial. Alors, le design comme pensée, c'est vraiment ta manière de travailler. Je trouve ça très logique. Oui,

  • Speaker #1

    je peux te dire comment j'ai petit à petit pensé ça. Mais dès le diplôme, en fait. Parce que le diplôme, je voyais que certains étudiants avaient une espèce de continuité stylistique quand ils faisaient des projets, en passant d'un projet à l'autre, etc. Et moi, je n'étais pas du tout dans ce registre-là. J'ai joué à... on va dire, au maximum l'expérimentation à l'école. Et donc, quand je regardais mon portfolio, je me disais, je ne sais pas ce qu'on va y comprendre. La cohérence. Puisqu'il n'y a pas de cohérence stylistique. Et c'est peut-être le premier regard, c'est la forme qu'on regarde. Donc, ce n'est pas évident. Et ça, on pourra en parler après, quand on travaille. Donc, je me suis dit, moi, ce n'est pas là-dessus que je vais... Je me méfie de la forme, mais aussi parce que, peut-être, Je n'étais pas issue. d'une culture bourgeoise donc voilà donc je n'avais pas de mal à m'en détacher je n'étais pas ici donc ça m'a permis de d'imaginer que ce qui était plus important c'était les rituels et ce qui est commun c'est la façon dont on mange c'est la façon dont voilà on est ensemble plutôt voilà non interagit et c'est ça qui me qui m'intéresse et c'est ça qui va faire en sorte que dès le délai diplôme j'ai fait en fait un projet qui s'appelle la trilogie domestique où Oups. Ce sont certes des objets, mais qui ont, comment dire, qui établissent un petit scénario d'usage. Alors, le scénario d'usage est développé au niveau de l'objet et après, le scénario de vie est développé au niveau de l'espace. Mais déjà, certains objets sont aussi de l'espace. Je peux donner un exemple. Comme Jim Montavari, la première pièce de mobilier que j'ai faite. Puisque j'avais fait ça au niveau de l'objet, je me suis dit que le mobilier, on ne le faisait pas à l'école, parce que ce n'était pas considéré comme de l'objet industriel. Et donc j'ai fait une colonne d'hospitalité qui s'appelle « Quand j'ai monté à Paris » . C'est une colonne qui fait 35 par 35 sur 2 mètres de haut. Et on la bascule. Elle n'a pas trop de forme. Elle est juste une colonne. Enfin,

  • Speaker #0

    plutôt...

  • Speaker #1

    Et après, on l'ouvre et dedans, on découvre... Maintenant que la colonne devient... Le pourtour devient le sommier. Et on découvre un matelas qui se déroule et qui devient une façon de créer un espace d'hospitalité pour un copain que j'ai appelé Jim, quand Jim monte à Paris. Et voilà, avec une petite lampe, un petit réveil matin. On crée un espace. Mais moi, ce qui m'importait, c'était de faire ce geste d'hospitalité. C'était ça. Et ça, je dois dire que c'était complètement extraterrestre. Le mobilier en France ne fonctionnait pas du tout comme ça. On voit bien qu'il n'y a pas de notion de statut. à quoi ressemble l'hospitalité ? Vous voyez ce que je veux dire ? C'est compliqué.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Le fait de lui donner ce nom, c'est-à-dire on raconte l'histoire,

  • Speaker #1

    on est dans une narration. Quand tu racontes, expliques ton métier à un enfant, je dis, quand j'y monte à Paris, c'est le début de l'histoire. Et après, on peut inciter les gens à aller un peu plus loin pour comprendre de quoi il en retourne. Donc, j'ai toujours eu ce... Ce souci, en fait, de tendre la perche, de la compréhension de scénarios, mais c'est récurrent dans mon travail parce qu'aussi, on ne peut pas comprendre l'objet avec une seule image. La plupart du temps, il faut voir la vie qui se déploie avec l'objet. Donc, c'est compliqué, en fait.

  • Speaker #0

    Comment est-ce que tu te souviens de ta démarche à l'époque pour créer ce premier objet ? Ce n'était pas une commande ? Ce n'était pas un industriel qui t'a dit ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était en fait le VIA à l'époque qui avait donné des cartes blanches. Mais ce n'est pas cette carte blanche que j'ai fait là, puisque j'ai refait un projet qui était plus en rapport avec la technologie, justement, puisque comme j'étais dans le milieu, ils m'ont proposé de travailler avec la technologie. Mais à l'époque, j'avais pensé pour ça.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, il y a eu une suite à Jim Monta Paris. Oui. Dont j'ai oublié le nom.

  • Speaker #1

    Il y a eu plusieurs suites. Il y a eu quand ? quand...

  • Speaker #0

    Jim se relaxe, non ?

  • Speaker #1

    Ouais, Jim se relaxe et puis il y a quand Jim rencontre Julie. On fait un oreiller où il y a une petite capote intégrée derrière.

  • Speaker #0

    J'adore. C'est génial. Franchement, bravo, c'est top. Alors, toi, tu dis que... Quand tu as un projet, une idée, une envie, d'abord tu consacres 80% de ton énergie et de ton temps à réfléchir, à penser. C'est une forme d'anthropologie.

  • Speaker #1

    Oui, je pense vraiment que le métier c'est le métier. de l'anthropologie appliquée. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Marc Auger. J'ai eu la chance d'échanger avec lui à ce propos et c'est lui qui m'a expliqué qu'il voyait le design comme ça. Et de ce fait, j'étais très, très contente, en fait, puisque l'anthropologie, ça veut dire aussi faire un terrain et de plus en plus se laisser affecter par ce terrain. Donc, on va en reparler peut-être plus sur ce que je fais aujourd'hui, mais c'était déjà là. Et je... Oui, donc je ne vais pas passer du temps à regarder ce que font les autres designers. C'est plutôt du temps à aller au plus profond de moi-même et au plus profond... Et convoquer des sentiments, convoquer... Pour faire ce pas de côté que j'ai toujours fait et proposer quelque chose qui fait sens, bien sûr, avec le contexte, mais qui fait sens aussi avec l'humain. Oui. Qui fait sens... Avec l'idée aussi, quelque part, de réaffirmer certaines valeurs à travers les structures qui sont autour de nous. Et c'est de plus en plus nécessaire, je dois dire.

  • Speaker #0

    Alors prenons peut-être un exemple, si tu veux bien, d'un projet récent. Peut-être Missaigle ? Je ne sais pas si c'est le bon exemple, si tu en as d'autres.

  • Speaker #1

    Peut-être que je vais donner d'où je suis partie. Parce qu'en fait, aujourd'hui, avec la crise écologique, on doit tous se remettre un peu en question dans son propre métier. Je pense que peut-être que je suis naïve et que certains ne le font pas. Il y a une tranche de la population qui ne le fait pas, bien sûr. Et donc, je me suis vraiment questionnée en me disant, est-ce que ce que j'ai fait jusqu'alors tient la route ? Et en fait, je me suis aperçue que ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, qui s'appelait la Trilégie domestique, répondait quelque part assez bizarrement à des explications données par un écologue par un philosophe qui s'appelle arne nice et norvégien et qui est théorise l'écologie profonde alors il dit quoi il dit que l'objet en fait doit avoir trois niveaux de qualité différent parce que c'est comme ça que notre vécu il est plus riche et qu'aujourd'hui on a un peu tendance pas Ça veut dire que ça suppose qu'aujourd'hui, on a plus tendance à travailler avec une espèce de couche qui est superficielle, mais qui ne nourrit pas en termes de vécu. Donc, ce fameux diplôme que j'ai fait à l'ENSI, ça s'appelait donc des diffuseurs. Enfin, il y avait trois diffuseurs et à chaque fois, il y avait ces trois niveaux. Donc, il y avait un diffuseur de lumière, d'image et de mémoire, par exemple. Donc, c'était par exemple, pour citer cet objet, c'était un cube. Il y avait un petit mécanisme qui réagissait, une petite lumière comme une bougie qui réagissait, non pas avec l'air, parce que la bougie réagit avec l'air, mais avec l'ambiance, le sonore de la maison. Et quand on voulait la lumière, c'était une lampe sur pied, comme ça, on mettait une diapositive. La diapositive se projetait sur une des faces, et donc lumière, image et mémoire. En l'occurrence, pour le mémoire, j'avais mis une image de mon grand-père qui venait de disparaître. Donc voilà, c'est ça en fait. Et je me suis dit mais si en fait ce qui est important c'est ça, c'est de comprendre que nous sommes en charge d'apporter cette complexité dans l'objet qui donne la richesse à notre vie. En fait c'est ça, qu'on soit architecte ou qu'on soit designer, c'est la même chose en fait. Et donc je me suis dit que cette richesse elle fait partie d'une une recherche écologique. Vous voyez ce que je veux dire ? à partir de cette sensibilité-là, qu'on va pouvoir, et il faut l'avoir, qu'on va pouvoir aujourd'hui inscrire d'autres projets qui font sens. Mais en déployant aussi d'autres savoir-faire, on va dire. Oui,

  • Speaker #0

    très clair. Oui, mais alors c'est très impressionnant parce que, bon, je n'en ai pas reçu tant que ça des designers. Mais alors là, vraiment, tu es totalement à part. Tu te sens très à part ou pas dans ta petite consoeur ?

  • Speaker #1

    Je ne me réflec pas comme ça. Non, bien sûr. Je fais un peu, je veux dire, moi, je fais mon petit bonhomme de chemin. L'important, c'est de... Je ne sais pas comment dire, je pense que le design français a cette chance de pouvoir porter plein de personnalités différentes. On n'arrive pas à donner une caractéristique principale et moi je pense que plutôt que d'essayer de regrouper sous un label ou une définition commune, ça serait plutôt l'idée d'expliquer les différences entre chacun d'entre nous. Puisque le design, contrairement à ce qu'on a, comment on l'a utilisé au siècle dernier, qui a eu tendance à uniformiser, voilà, aujourd'hui, il doit ramener de la diversité dans le monde d'aujourd'hui. Donc, en fait, c'est ça. Donc, en fait, on a énormément d'atouts en France.

  • Speaker #0

    C'est vrai.

  • Speaker #1

    Le seul bémol, c'est qu'on n'utilise pas le design comme une force politique aujourd'hui. On pourrait l'utiliser comme une force politique.

  • Speaker #0

    Alors justement, on va y venir un petit peu. C'est vrai que le design au siècle dernier s'était standardisé. C'était aussi marquer les différences sociales. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait.

  • Speaker #0

    L'exemple des accoudoirs, l'interessance,

  • Speaker #1

    quand tu en parles. Oui, mais en fait, j'ai eu cette intuition. alors c'est aussi Comment je fonctionne en fait ? Quelque part, j'avais refusé de faire des canapés parce que je me disais que ça prend énormément de place. En fait, je voyais déjà le fait que c'était un objet statutaire, donc ne voulant pas m'inscrire dans cette notion de statut. Donc le premier canapé que j'ai fait, c'est un canapé en morceaux, en fait, qu'on peut désolidariser pour pouvoir utiliser. Il y en a un autre qui s'est appelé Permit Bay. permis de construire. C'était vraiment là l'idée de faire avec des modules pour que les enfants puissent l'utiliser pour faire des cabanes. Ça marche très bien. Donc, remettre en question ces structures qu'on a héritées et qui, aujourd'hui, ne nous servent pas. On n'a pas mérité ça. Et pourtant, chez 90% des gens, je sais, la canapé, là, ça devient des canapés énormes. Donc, j'ai recueilli A l'époque, j'ai complètement refusé de dessiner cet objet. Je pense que ce n'était pas la bonne structure pour vivre. Et à un moment donné, on me demande quand même de dessiner un fauteuil. Donc, je réfléchis et je fais un fauteuil qui, au lieu de porter le bras, au contraire, sans accoudoir, mais plus que ça, va proposer d'aller à l'intérieur du confort pour avoir une position De lâcher prise, puisqu'en fait, si on veut se peser, voilà, voilà. Et je m'aperçois qu'en fait, la coudoir, ce n'est pas du tout un bon ingrédient. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il n'est pas ergonomique.

  • Speaker #1

    Il n'est pas ergonomique, c'est-à-dire que quand on a mal au dos, on nous dit de baisser les épaules, pour le fameux triangle. Et voilà. Et donc, intuitivement, j'avais remis en cause cet accoudoir. Et puis, en relisant un petit peu l'histoire du mobilier, je me suis aperçue que l'accoudoir est arrivé comment ? Il est arrivé pour faire la différence entre ceux qui avaient une chaise et ceux qui n'avaient une chaise normale et une espèce de chaise avec des accoudoirs. Et qui avait la chaise avec l'accoudoir ? C'était le maître qui avait au bout de la table, il avait les accoudoirs pour montrer son statut. Et je me suis dit, les choses se tiennent en fait, c'est assez simple. Donc, intuitivement, j'avais ressenti que ce n'était pas la bonne structure.

  • Speaker #0

    Et donc, dans l'objet que tu as créé, tu avais un repose ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les mains venaient se poser dans un creux, dans la ciselle, un peu plus large.

  • Speaker #0

    Intéressant. C'était pour quelle exposition ?

  • Speaker #1

    C'était pour une exposition à Milan et ça a été à l'époque. produit par une entreprise, édité par Félix Chéreux. D'accord,

  • Speaker #0

    d'accord, d'accord. Ok. Je voudrais bien qu'on revienne sur les rituels. et aussi sur les symboles. Tu dis finalement, on a oublié ces symboles. Et sans les symboles, on conceptualise moins bien sa pensée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est surtout qu'en fait, l'humain, quand il a évolué, il s'est toujours équilibré avec deux choses. Un, il a créé les outils. Et deux, il a créé en parallèle les symboles. Et en fait, aujourd'hui, on s'aperçoit... Et c'est cet équilibre qui fait qu'on a avancé, qu'on s'est Et c'est pourquoi l'IA est un peu inquiétante aujourd'hui, inquiétante comme technologie, parce que si à un moment donné, on vient fragiliser cet équilibre, et donc on avance plus du côté des outils, parce qu'on pourrait dire que c'est l'outil d'aujourd'hui, ça met en péril cette espèce d'équilibre et de stabilité au niveau de notre façon de fonctionner.

  • Speaker #0

    Et même de penser, de conceptualiser.

  • Speaker #1

    Voilà, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'avoir une capacité d'analyse, de conceptualiser,

  • Speaker #1

    d'être très abstrait,

  • Speaker #0

    etc. Alors l'IA justement, parlons-en, vous avez prévu d'en parler un petit peu plus tard, mais c'est intéressant. Bon, l'IA est un outil. ultra puissant en apparence, mais qui simplifie beaucoup. Comment tu le vis, toi ? Tu l'utilises ? Non,

  • Speaker #1

    moi, je ne l'utilise pas parce que je n'ai pas fait l'effort de savoir comment m'approprier cet outil pour l'instant. Il faut du temps, il faut y réfléchir. Et puis, ce que je vois arriver, alors j'ai eu deux cas où les gens sont venus en me disant, j'ai posé la question, voilà, deux personnes qui sont venues me trouver, ça donne ça. Et c'était beau, en fait, stylistiquement, on va dire, mais c'était complètement aberrant au niveau de ce que ça proposait. Donc, puisque l'IA ne prend que des solutions existantes, il y a eu une espèce de boulega avec ça. Donc, ça m'a rassurée en même temps en me disant qu'il y avait quand même encore la possibilité de bien réfléchir. Et voilà, j'en suis là. Je pense que c'est comme la technologie, ça dépend comment on l'utilise en fait. Mais comme c'est tellement puissant, il faut qu'on soit doublement vigile.

  • Speaker #0

    Parlons un peu de l'ancrage. Tu dis pour faire un projet, il faut être ancré. Qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on a... Justement un peu comme l'anthropologue, il fait son terrain, il analyse, il faut être en connaissance de cause. Et on a un peu tendance à être hors sol en fait, c'est-à-dire ne pas prendre en considération toutes les données et surtout les données du vivant tout simplement. L'ancrage ça permet ça, ça permet de retrouver notre aspect sensible avant tout ça. puisqu'en fait, on s'aperçoit que si on a un lien et si on a un attachement... avec ce qui nous entoure, on va peut-être réfléchir un peu différemment. C'est-à-dire, on va se battre, par exemple, pour défendre ce qui est autour de nous. Mais cette sensibilité pour ce qui est autour devrait être développée au niveau général. Mais il faut déjà être ancré quelque part. Ça ne veut pas dire être ancré soi-même aussi, parce qu'on ne peut pas tous le faire. C'est compliqué. On est très citadins. Donc c'est compliqué de s'ancrer Mais on peut se Je dois dire s'ancrer par procuration Tout simplement Prendre le temps D'aller sur place De rencontrer les gens De voir des communautés agissantes Des communautés en action Et de se dire là il se passe quelque chose Il y a un équilibre Si je parle de communauté c'est très important pour moi Parce qu'en fait quand on ... Quand on est passé de la communauté à la société, on a perdu des choses en chemin. Donc cette façon de revenir à l'échelle de la communauté est importante parce qu'elle nous permet de comprendre ce qui s'y joue, de comprendre les interrelations, de faire confiance aussi, parce qu'il y a cette notion-là qui est très importante dans la communauté. On va déléguer à l'autre puisqu'on lui fait confiance tout simplement et qu'on ne peut pas tout faire. Voilà, donc cette confiance, elle est aussi majeure aujourd'hui. Et donc, on peut s'ancrer comme ça par procuration et ça nous répare en fait, parce qu'on a besoin d'être réparé. Je pense que le souci, c'est ça aujourd'hui. C'est comment arriver à se lever le matin et se dire, voilà, par quoi je commence ? Comment j'évolue ? Et ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est que ça demande énormément. Ça demande énormément de pensée pour bifurquer. Il n'y a pas de côté. Il y a des métiers qui sont très faciles. Pour lesquels ? Pour lesquels c'est très facile. Moi, j'ai un métier, à chaque fois que je change de projet, je peux influer sur la réponse que je vais donner. Convoquer les choses que je veux, convoquer.

  • Speaker #0

    Oui, mais parce que tu as cette démarche-là,

  • Speaker #1

    toujours. Les designers ne le font pas, mais en tout cas, moi, je le vois comme ça. Et je vois bien que pour d'autres métiers, ce n'est pas possible. Donc, c'est pourquoi il y a aussi des gens qui ont bifurqué. Il y a beaucoup de gens qui bifurquent et qui essayent de trouver des endroits. Voilà, pour être, pour n'être plus en dissonance en fait. On ne peut pas vivre longtemps en dissonance avec à la fois son milieu, avec son métier. Ça fait mal et enfin... Bien sûr,

  • Speaker #0

    je voudrais prendre un exemple concret. d'une manière dont tu t'es ancrée pour un projet de procuration. Un projet dont on a parlé ici dans un autre épisode, où j'ai reçu Patrick Elouargui, associé à Philippe Chapelet. On crée un certain nombre de lieux d'hospitalité, très expérimentaux à l'époque, en commençant par le E-Hotel à Nice. Mais je voudrais parler de Dar-Y, en Tunisie. Parce que c'est très loin de ta culture, c'est très loin de la France. c'est un environnement, on est dans le sud tunisien assez aride, désertique le désert donc c'est à Nefta qui est une oasis et où là Philippe Chaplet et Patrick ont décidé de créer un lieu d'hospitalité,

  • Speaker #1

    je n'ai même pas envie de dire un hôtel c'est une retraite comment, alors vous vous connaissez depuis longtemps on peut peut-être parler de cette rencontre avec Patrick et Philippe parce que c'est aussi des faits dans mon parcours. J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui croyaient aussi au fait de générer des lieux qui n'existent pas, expérimenter, se donner les moyens de faire des choses contemporaines. C'est important parce que ce n'est pas si diffus. Ils n'étaient pas hôteliers, ils avaient eu une expérience, ils étaient plutôt tombés amoureux d'un château, ils l'avaient transformé en hôtel et puis... à un moment donné se sont dit on va faire quelque chose voilà qui nous ressemble qui soit contemporain ils ont regardé un petit peu les démarches de chacun et j'ai vu arriver chez moi ces deux ces deux jeunes gens on avait à peu près le même âge moi j'avais pas fait grand chose j'avais plutôt fait de l'objet d'ailleurs j'avais pas fait d'espace mais j'avais une expo à l'époque et mais mais qui était complètement... complètement expérimental alors je me suis dit ressort de l'expo c'était aussi un peu en ayant compris quelque chose voilà mais je voilà je me suis dit c'est le meilleur moyen de savoir si on va faire un petit bout de chemin ensemble et voilà donc ils ont regardé l'expo et ils y ont vu justement ces scénarii voilà et un hôtel c'est ça aussi quelque part l'hospitalité là voilà c'est essentiellement des scénarii. cette collaboration qui dure depuis maintenant un certain nombre d'années, on va pas dire. Et de partage, d'émerveillement, de découverte. Et donc pour la Tunisie c'est d'autant plus beau que Patrick est originaire en fait, enfin son papa était tunisien, sa maman espagnole et lui est français. Donc il se dit à un moment donné je vais construire quelque chose de contemporain en Tunisie. Et montrer qu'on peut faire un autre type de lieu pour accueillir, qui n'est pas ces hôtels où on a 200 chambres. Et donc le principe, et c'est leur choix, c'était de se dire on ne va pas se mettre en bord de mer, puisque ça appelle déjà nous, non le désert, c'est plus introspectif. On va se mettre à l'échelle d'une petite ville pour voir comment on vit dans cette ville, pour voir descendre, regarder, etc. Et surtout la palme. qui est quand même un écosystème très intéressant et c'est là que je découvre aussi un peu comment ça fonctionne le fait que comment l'homme a besoin de la palmerie la palmerie a besoin de l'homme en quelque sorte cette espèce de voilà d'interdépendance qui est très belle et aussi le fait que là bas il n'y a rien il ya presque rien Et donc, on va savoir utiliser tous les éléments. Je prends l'exemple du palmier. Le palmier, on va utiliser les racines pour faire des décoctions. On va utiliser la peau, pardon, l'écorce. On va utiliser le tronc, on va utiliser les branches, on va utiliser les feuilles. Tout est utilisé. Et ça, c'est quelque part, comment dire, un exemple très important par rapport à ce qu'on doit faire aujourd'hui. c'est-à-dire ne pas prendre des éléments de la nature, d'en prendre simplement un petit morceau. qui nous intéresse et puis on va jeter le reste on sait pas trop quoi faire et donc c'est quelque part une espèce de société frugale que qu'on ferait bien de regarder un peu plus déjà prendre que ce qui est sur place. Et c'est aussi un peu comme ça qu'on a construit le lieu. On a travaillé bien sûr avec des Tunisiens. C'est important parce qu'en travaillant, on a en plus une connaissance plus fine de la culture. Et voilà, donc de rien importer, de faire tout avec les savoir-faire et les produits. Les matières disponibles, voilà. Et essayer de proposer de venir se poser là pour à la fois découvrir une culture, découvrir l'oasis. L'oasis qui aussi est un peu fragilisé puisque c'est la corbeille d'origine et qu'après, bien sûr, ils ont construit des palmeries intensives. Voilà, et donc cette partie... première en fait, elle est plus trop productive. Donc voilà, il y a une... Donc aussi avec cette idée de dire, il faut absolument faire en sorte qu'elle soit... prendre soin aussi de la... Voilà, avec un projet qui s'appelle le PAMLAB, qui avait cet enjeu de regarder comment on peut la protéger et pourquoi pas la faire revivre.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un exemple très... Très représentatif de l'approche que j'ai compris de ton travail, de l'ancrage. Oui, tout à fait. On prend le temps de compte de ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est grâce à Patrick, parce qu'en fait, il nous a complètement ouverts. Alors, on a fait des... On a découvert tout le sud tunisien, parce qu'on a recherché l'endroit. Ils ont recherché l'endroit. Ça a été un peu long. Ah oui,

  • Speaker #0

    ils n'avaient pas encore trouvé l'endroit ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on a fait plusieurs voyages, en fait. C'était en famille, d'ailleurs. C'était beau et on s'est immergés. Je me suis immergée parce que je ne connaissais pas cette culture. À Nefla, il y a du soufisme aussi. Donc, il y a une culture qui est restée assez forte, contrairement à d'autres endroits. Voilà, donc c'est un endroit qu'ils ont bien choisi justement, puisque c'est eux qui ont choisi, c'est Patrick et Philippe qui ont choisi le lieu. Ils ont bien choisi le lieu pour arriver à comprendre justement la culture tunisienne. Voilà. Et ça a été une belle aventure. C'était compliqué, on ne va pas le dire.

  • Speaker #0

    En plus, avec la révolution tunisienne,

  • Speaker #1

    le Covid.

  • Speaker #0

    C'était juste avant le Covid, je crois. Juste avant le Covid qu'ils ont ouvert.

  • Speaker #1

    On l'a ouvert et ça a été la révolution. Donc, en fait, on était en train de se demander, mais comment on va mettre le portrait ? Parce qu'on est obligé en tant que...

  • Speaker #0

    L'établissement tunisien.

  • Speaker #1

    De mettre le portrait de Ben Ali. Et en fait, on n'a pas eu à le mettre. Pas eu à le mettre.

  • Speaker #0

    2011, boum, plus de bien-amis.

  • Speaker #1

    On voulait plus ou moins faire une interprétation, etc. Parce qu'on n'était pas tout à fait en accord avec ce qu'ils proposaient. Et voilà. Mais ce qui a été assez intéressant, c'est qu'ils ont laissé faire parce qu'ils ne comprenaient pas du tout. Ils avaient comme schéma les hôtels à 300. Alors là, comme c'est tout petit. Voilà, alors à l'époque on n'avait pas le droit d'avoir une chambre d'hôte, c'est-à-dire que les Tunisiens ne pouvaient pas recevoir des étrangers chez eux, donc on n'était pas chambre d'hôte, on ne l'est pas. Donc c'était de toute façon, comme Patrick et Philippe l'ont toujours fait, des projets hybrides, parce qu'ils ne prennent que le meilleur et ils repoussent en fait ceux qu'ils n'ont pas envie de faire.

  • Speaker #0

    extra et alors ça vraiment aussi un exemple de design global parce que donc de Tu as travaillé sur l'espace, tu as travaillé sur les objets, mais aussi sur l'impact sur la communauté locale, donc les gens qui travaillent, etc. La gastronomie, l'alimentation.

  • Speaker #1

    Après, on s'entoure d'un écosystème, je ne sais pas comment l'appeler, parce que c'est plus d'une communauté, on va appeler ça une communauté. Puisque depuis le e-hotel, il y a une véritable communauté autour de Patrick et Philippe. qui sont des curieux en fait. On essaie de comprendre ce qu'on se disait. En fait, on a commencé le Yotel en se disant ce qu'on ne veut pas. C'était plus simple. On ne veut pas ça. Et puis après, il n'y a pas tellement d'idées de faire des espèces de plans. C'est plutôt du ressenti, des sensations. Et à un moment donné, on s'est dit, quand on regarde un petit peu le Yotel avec du recul, on s'est dit, le plus intéressant, c'est de parler aux curieux. Les curieux, ils vont être curieux de l'autre. Ils vont être curieux au niveau culinaire, ils vont être curieux de la ville de Nice. Ils vont aller voir, parce que ce n'est pas l'idée de faire des hôtels et de garder les gens dans les chambres. Même si la chambre, il y avait neuf expériences différentes, il y avait quand même quelque chose à comprendre à l'intérieur de la chambre et à expérimenter. Mais ce n'est pas du tout ça. C'est la vie, c'est l'activité, c'est l'idée d'aller voir des expos. Et donc, voilà, cet ingrédient, comment on capte les curieux, c'est essentiel. Parce qu'après, la vie de l'hôtel, la vie du lieu que tu fais, elle va être formidable. Parce qu'en fait, c'est...

  • Speaker #0

    Oui, donc, oui, tu vas forcément favoriser une chambre.

  • Speaker #1

    Voilà, ou en tout cas, dès le départ, faire en sorte que tu ne joues pas un rôle. Et c'est pour ça que... Tout a de l'importance. Ne pas aller chercher la valise de la personne en lui disant d'un côté il y a ceux qui servent, de l'autre côté il y a ceux qui sont reçus. Non, ce n'est pas ça l'idée. L'idée c'est de passer un bon moment d'égal à égal et de pouvoir accueillir. et de désamorcer ce qu'on peut être ailleurs pour pouvoir être ouvert à connaître quelque chose d'autre. C'est un long mécanisme et c'est ça qui est assez compliqué à établir, mais c'est très beau parce qu'en fait ça se traduit dans tout. Dès l'entrée de la porte, même à l'extérieur, la façon dont tu vas là, comment tu reçois les gens, qu'est-ce que tu leur donnes à voir, qu'est-ce que tu leur donnes à expérimenter, jusqu'où aller dans l'expérimentation pour ne pas les perdre complètement, mais en même temps, et faire en sorte que quelque part en ressortant du lieu, il y ait eu un peu une espèce de révélation. quelquefois micro-révélations.

  • Speaker #0

    Il y a un impact.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, après, il y avait aussi neuf concepts de chambres avec un certain nombre d'expérimentations un peu différentes. Il y avait aussi l'idée de pouvoir choisir. Jusqu'où on voulait aller dans l'expérimentation. Et ça, ça a été formidable de pouvoir faire ça. Et c'est vrai que tous les hôteliers sont venus voir l'hôtel, en cachette, la plupart. C'est une influence forte.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que ça a fait... Alors, je ne sais pas si c'est ce projet-là, mais en tout cas, c'était clairement inscrit. Alors, ça ne va pas assez loin encore, mais je trouve qu'aujourd'hui, on trouve des lieux d'expérience peut-être pas aussi radicaux que celui-là, mais de plus en plus, heureusement, où on vient quand même de loin d'une standardisation.

  • Speaker #1

    Parce qu'à l'époque, on disait, tu peux dormir là ou dormir là, c'est la même chose. Alors, c'était complètement... Nier le vécu, vous voyez ? Tu vois, pardon. Voilà, voilà. Donc, voilà. C'était hallucinant. On était rendu au niveau de l'hospitalité.

  • Speaker #0

    Les hôtels de chaîne où on standardisait tout. Et soi-disant, ça rassurait le client. En réalité, ça gommait toute envie de...

  • Speaker #1

    Donc en fait, c'est dire, tu restes dans cette chambre, tu ne vis pas. Tu passes une petite nuit sans vivre. Et puis après, tu n'auras aucun souvenir. Tu n'auras... Regarde la télé, en plus, ça va te permettre de...

  • Speaker #0

    De rester comme chez toi. alors d'ailleurs tiens ça me permet de parler de la notion de cocon trop oui puisque finalement si on est dans un cocon on reste dans son cocon et puis on se replie sur sa certitude et c'est ce qui arrive aujourd'hui et donc c'est vrai que l'intérieur des maisons a beaucoup été décrit comme

  • Speaker #1

    des cocons donc c'est un peu mon deuxième deuxième combat après les canapés c'est les cocons c'est la façon d'identifier la maison comme alors bien sûr on a besoin d'un toit ça c'est une je ne lis pas parce qu'on peut pas se projeter si on n'a pas de toi on peut pas parler de projet de vie ou quoi que ce soit si on n'a pas de toit donc ça c'est essentiel mais ça veut pas dire qu' il faut se surprotéger et on est allé quelque part trop loin dans le confort si aujourd'hui on n'arrive pas à le aller un petit peu en arrière en termes de confort parce que c'est ce c'est le sujet actuel c'est à dire au niveau d'électricité au niveau de tout voilà c'est que Donc voilà, on a été en fait embrigaillés dans cette idée que le confort c'est... c'est la chose optimum de notre développement, alors que ce n'est pas du tout ça. Donc, il faut remettre en question cette notion de confort. Et donc, je le fais dans les objets que je dessine, mais aussi dans les expositions. J'avais fait une exposition à Toulouse, puisque j'avais été invitée à être l'artiste. invitée justement pour la session du nouveau printemps. Et j'ai fait un projet qui s'appelle les polypores mangeurs de confort. Donc, c'est en fait une petite maquette avec des maisons. Et dessus est accroché un champignon. Et les polypores, vous savez, c'est les champignons un peu larges qu'on trouve sur les...

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et donc, ils ont la capacité... polypores de manger l'intérieur de l'arbre en fait et ils ressortent la matière à l'extérieur et donc j'ai imaginé un polypore mangeur de confort qui est là et qui crée des structures d'abri à l'extérieur pour faire en sorte que les gens se retrouvent à l'extérieur sortent de leur petit intérieur confortable et venir débattre des questions actuelles puisque c'est un peu l'enjeu tous ensemble, plutôt que de rester entre soi et autour de ses certitudes. Ça va de pair. Si on est surprotégé, on va de plus en plus chercher à ne rien bouger. J'ai toujours compris que cette idée d'activité dans l'espace intérieur, et c'est pour ça que j'ai fait chaque fois des espaces évolutifs, si on n'est pas actif à la maison. On ne va pas être extérieur pour son quartier, pour l'évolution du commun, etc. C'est assez sûr.

  • Speaker #0

    Donc, c'est en fait, oui, tu dis, on vit, on est à l'extérieur comme on est chez soi. Donc, si on est replié sur soi. Chez soi, parce qu'on est dans un ultra confort et qu'on sera pareil à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    On ne va pas échanger.

  • Speaker #1

    Et ça, depuis 30 ans, je travaille sur ces notions-là. Alors là, ça devient...

  • Speaker #0

    Prégnant et essentiel, vital. Depuis la crise sanitaire encore plus, où on a... Pour certains, oublier le lien social. Ça me permet de parler de la couleur, qui est centrale dans ton travail. Mais c'est aussi assez marquant de voir que, et moi le premier... parfois je me dis je vais pas oser dans les couleurs que je vais mettre sur mes murs je vais rester dans des camaïeux dans des tons qui vont me donner l'impression d'être dans le bon goût dans la tendance raconte-nous un peu.

  • Speaker #1

    Oui alors la couleur c'est un plaisir en fait donc on l'a on l'utilise quand on est petit assez librement puis d'un seul coup on vient nous dire maintenant c'est une question d'experts en fait donc On va vous donner des tendances. Et donc, comme ça, ça a été pour moi un gros problème. Parce qu'en fait, on doit continuer à avoir une relation à la couleur. C'est un plaisir, en fait. Et donc, pourquoi ? Parce que la couleur, c'est la vie, tout simplement. Et donc, si on s'interdit la couleur, ça veut dire qu'on s'interdit de vivre. C'est aussi simple que ça. Et moi, je l'ai vraiment compris en voyageant. J'ai beaucoup voyagé, ce que je ne fais plus maintenant. Et par exemple, je suis allée au Mexique, je suis allée dans un endroit très pauvre. Et comme par hasard, il y avait énormément de couleurs et il y avait les yeux qui scintillaient. C'est-à-dire qu'ils avaient beau être les plus pauvres, ils s'entouraient de couleurs. Parce que ça aide, ça répare, je peux dire encore une fois. Et ça soutient la couleur et ça soutient la vie tout simplement. Donc voilà, c'est un support pour la vie. Je ne l'ai jamais évoqué comme ça, mais voilà, c'est important. Et c'est pour ça que je me bats en fait. Et dans notre culture, justement, et c'est aussi lié très fortement au statut, on s'interdit la couleur à un moment donné pour faire des différences, je ne sais pas, pour se positionner. Mais pour moi,

  • Speaker #0

    c'est... Pour niveler un petit peu ?

  • Speaker #1

    On s'interdit de vivre. Moi, c'est aussi simple que ça. Je pense qu'on s'interdit par la même de vivre. de s'épanouir, etc.

  • Speaker #0

    Et le système marchand contribue à nous pousser dans cette direction-là, qui est de t'expliquer que c'est l'année du

  • Speaker #1

    BF. Oui, ça c'est notre système capitaliste qui trouve des moyens de faire marcher la machine, tout simplement.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on parle un petit peu de ton actualité et de tes moyens d'expression, ils sont multiples on l'a vu. Il y a la création de l'objet, il y a le travail sur l'espace, les expos et même maintenant l'écriture. Parle-nous un peu de la communauté des cratères qui est à la fois une expo et une fantaisie.

  • Speaker #1

    Justement, toujours dans cette remise en cause, les choses s'aggravent quand même et on voit qu'il y a un certain immobilisme. et donc je me suis dit je vais poser le crayon je ne dessine plus je pense plus même aux objets et aux espaces un petit peu pour pour faire le point est bizarrement est venue l'écriture alors je suis pas du tout de l'écriture enfin je fais des textes bien sûr autour de mes projets mais voilà et presse je mettais à terme énormément je lis beaucoup de philosophes d'écologie je pense que c'est à ce niveau là qu'il faut être pour arriver à justement créer un corps qui fait qu'à un moment donné quand je vais avoir une demande je vais pouvoir aller chez au ché convoquer des choses donc ça c'est essentiel donc et on a la chance d'avoir beaucoup en france de philosophes écologues qui peuvent vraiment nous aider donc il faut en profiter et ça demande mais il faut le faire et voilà on n'est pas tout seul on est voilà il ya une système de pensée qui a reconfiguré donc voilà Il faut s'y attaquer tout simplement, personnellement, mais aussi en groupe. Il y a plein de choses qui se passent en groupe aussi, on peut réfléchir ensemble. Et donc est venue une première fantaisie. Alors pourquoi je n'étais pas légitime ? Parce que déjà, je ne me sentais pas légitime parce que je n'avais pas trouvé la forme. Or la fantaisie, c'est un peu permettre de mettre tout ce que j'ai dans la tête, c'est-à-dire à la fois des réflexions. sur ce que pourrait être le futur et se projeter tout simplement. C'est à la fois des petits constats sur la société et c'est à la fois des choses intimes, d'où je viens, pourquoi je pense ça, etc. Tout mélangé autour d'un récit. Et donc la première fantaisie que j'ai faite s'appelle La communauté des cratères, où j'imagine une communauté qui pourrait exister. Ce n'est pas tellement prospectif, de gens qui vont s'installer dans les carrières puisqu'on a plein de carrières désaffectées en France et que bien sûr on entend beaucoup parler d'extractivisme, du renouveau de l'extractivisme voilà c'était bien avant que Trump we gonna drill baby drill c'était bien avant c'était avant en tout cas et ça redevient d'actualité et en pensant que Ces gens, ils vont transformer la carrière en cratère, c'est-à-dire retrouver la terre, retrouver le contact avec la terre, mais aussi réparer ces lieux. En fait, contrairement à certaines communautés qui sont allées déjà quand est arrivé les usines et les travaux un petit peu compliqués, répétitifs, ils ont décidé de faire des communautés dans les forêts. Ils étaient presque dans une forêt primaire, on va dire, ou pas primaire, mais en tout cas, il n'y avait pas de forêt primaire. Mais en tout cas, il restait de la nature. Alors aujourd'hui, notre environnement, il est abîmé. Donc en fait, la carrière, elle représente ça, puisqu'on a des déchets à l'intérieur. Et donc, voilà.

  • Speaker #0

    Oui, parce que traditionnellement, la carrière, c'est un lieu où on...

  • Speaker #1

    Voilà, le BTP a venu poser... ces déchets sans que personne ne s'y intéresse, etc. Donc, voilà. Et donc, là, l'enjeu, c'est aussi de faire redonner la place à la nature, mais aussi, qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? Qu'est-ce que... Voilà. Et donc, ça me paraissait une bonne analogie par rapport... Enfin, en tout cas, une bonne situation pour parler de ce monde abîmé et de comment faire, par quoi le prendre, en fait. Et les carrières, il y en a partout. Voilà, ça permet de s'ancrer, on en a parlé avant. Et voilà, donc j'ai créé cette petite fantaisie. Et en convoquant aussi, parce que je me suis dit, oui, tu proposes que ces gens redeviennent plus proches de la Terre, mais toi, quel est ton rapport à la Terre ? Donc c'est là que j'ai commencé à réfléchir sur l'idée d'être né dans la craie, qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, et de proposer aussi ce chemin de réflexion autour d'où je viens.

  • Speaker #0

    Donc, c'est à la fois un texte, une fantaisie, une expo qui a eu lieu.

  • Speaker #1

    C'est une expo après. Voilà. Je me disais que c'était une nouvelle forme et que j'ai été invitée dans ce merveilleux lieu qui s'appelle le Transpo, qui est le lieu culturel d'Emmaüs Solidarité.

  • Speaker #0

    Oui. Dans le dixième à Paris.

  • Speaker #1

    Voilà. C'est très beau parce qu'en fait, c'est un lieu de résidence. Donc, voilà, c'est des résidences d'à peu près un an, deux ans. Ce n'est pas des résidences où c'est au jour le jour. mais Et donc, c'est vraiment un outil de médiation aussi. Ce sont les résidents qui font visiter l'expo. C'est aussi avec certains résidents qu'on va construire l'expo. Donc, c'est complètement différent de faire une expo là ou dans une galerie d'art. Et je dois dire que j'ai trouvé le rôle de l'art, en fait, dans ce lieu, complètement à sa place. Et vraiment, peut-être, voilà, ça m'a ouvert les yeux sur ça aussi. c'est à dire que ça Ça permet d'agir, en fait. Ça a une force de proposition. Et voilà, donc, ça a été très, très beau de proposer une mise en forme, en fait, de cette communauté, la communauté Emmaüs, invitant la communauté des cratères à s'installer chez eux. L'idée c'est aussi d'aller investir les lieux, donc la façade. J'ai dessiné le cratère qui se voit un peu subtilement, parce que la façade est très belle, c'est une sous-station métallique. Je me suis mis juste dans les interstices pour la première lecture, la présentation de cette communauté dans un premier temps. Après, une espèce de petit feu symbolique où on peut s'asseoir, puisque c'est l'endroit de l'accueil où les résidents s'assoient, etc. Donc, j'ai juste rajouté un petit feu avec une couverture. Et puis, un cratère qui vient démontrer qu'il y a l'humain au centre. Le cratère est contenant de l'humain et quelque part, le cratère, en devenant... Le cratère, c'est un peu le nombril. Oui, c'est vrai. C'est une façon aussi de se rapprocher de la terre-mer qu'on a oubliée et de remontrer que c'est l'humain qui va nous permettre, c'est notre interaction qui va permettre de dépasser tout ça.

  • Speaker #0

    Et seconde fantaisie, les terriblements.

  • Speaker #1

    Donc c'est les tremblements, c'est pas les soulèvements, c'est les tremblements de la terre. Et c'est une petite fantaisie qui part du principe de dire que... les maisons commencent à se fendiller, à se craqueler. Ça crée une angoisse énorme, puisque là encore, la maison protège. Et c'est un peu comme si, quelque part, la terre venait se rappeler à nous, dans ce qu'on a le plus cher, notre maison.

  • Speaker #0

    Le lieu le plus sécurisant.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un peu l'idée de départ. Mais après, comment on arrive à faire en sorte d'accepter ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    que cette manifestation, plutôt que de devenir anxogène, comment quelque part ça pourrait... donner une occasion là encore de se rapprocher de la Terre et de changer d'attitude par rapport à elle.

  • Speaker #0

    Très intéressant. Est-ce que d'une manière générale, j'imagine que c'est ton quotidien, c'est ce que tu fais tout le temps, mais tu mesures ou réfléchis à l'impact ? que tu peux avoir de ton travail sur nous ?

  • Speaker #1

    En fait, là, c'est des petites fantaisies. C'est aussi cette idée de dire qu'après avoir passé du temps où tu es un peu consterné, il faut qu'on trouve des récits, des nouveaux récits. Tout le monde en parle, mais il faut qu'on arrive, chacun, à trouver des récits porteurs, des récits réparateurs qui nous permettent d'avancer et surtout de... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Tim Ingold, de retomber amoureux de ce monde. Parce que si on n'est plus amoureux, on le délaisse et on se laisse. Et donc c'est un peu ça le propos. C'est aussi pourquoi j'oriente mes expositions beaucoup autour de ça aujourd'hui. Parce que je sais qu'on a besoin de trouver ces récits, on a besoin de réfléchir aussi sur l'après. On est tellement omnibulé par ce qui se passe au présent et les manifestations. Voilà, c'est cette sidération dans laquelle on veut nous tenir, qu'il faut dépasser. Et quelque part, voilà, donc l'exposition en ce moment à Firmini, à l'église Saint-Pierre. Et autour de ça, ça s'appelle nos pieds d'argile. Donc, on est bien conscient qu'on est fragile. De toute façon, on le sait. Mais après, que faire ? Donc, il y a trois sections. La première action, c'est nous réparons le terrain. Donc là, j'ai vraiment pris l'idée de terrain, parce que le terrain, c'est ce que fait l'anthropologue. Et c'est aussi l'idée de dire, il fait son terrain. Et c'est aussi de dire qu'on va se laisser affecter justement par le terrain. Donc, nous réparons le terrain et entre guillemets, du commun. Donc, la première idée, c'est de dire, il faut se fédérer, il faut réfléchir. Et donc, je fais une structure qui s'appelle un dôme, en fait, qui est en fait une structure qui... Imaginez un dôme qui porte des tabourets. D'accord. Et en fait, on a des surfaces pour poser les questions au fur et à mesure sur ce qu'on doit débattre. Et quand a lieu la discussion, les tabourets sont retirés du dôme. Ils deviennent en fait les assises tout autour du dôme. Ok. Et on prend les décisions ensemble. Il y a une petite table au milieu pour noter, pour se souvenir des décisions communes. Et garder bien clair ce qui a été décidé. Et après, on referme, on remet les tabourets qui sont avec les pieds à l'extérieur, qui viennent en quelque sorte protéger aussi ce qui a été développé. Maintenant, on n'est même plus dans l'idée de... Il faut aussi protéger les décisions communes. Donc, c'est un peu symbolique, mais en même temps, un, déjà, parler de cette notion de commun qui est essentielle. Il n'y a pas que moi, il y a plein de gens qui travaillent là-dessus, plein de philosophes théorisent là-dessus. Parce que c'est à travers cette première étape qu'on va arriver aussi à se projeter. Donc nous réparons le terrain, nous réhabitons le terrain. Donc ça c'est une notion des années 70 de Peter Berg qui avait défini qu'est-ce que ça veut dire réhabiter. C'est quelque part devenir originaire d'un lieu, même si on n'est pas né là. C'est-à-dire avoir le même système d'attachement. Et donc là, je montre une structure, justement, qui est un peu une structure en bois, avec comme des écailles dessus, qui est une cabane, en fait, symbolique, un peu la cabane de Soro et de Walden. Il y a plusieurs philosophes qui ont fait ça. Arnenas aussi a fait ça. Il est allé, à un moment donné, s'isoler dans une petite cabane, avec très peu de confort, pour faire le point. Et là, je propose en fait une structure pour faire le point avec ces attachements à un endroit précis. C'est-à-dire, quand une personne native est à un point, elle est capable de donner 400, 500 références d'espèces végétales, animales autour de lui. Faites l'expérience vous-même. On a 3, 4... Ça veut dire qu'on a perdu ces attachements. On est dans ces attachements qu'on appelle superficiels. Donc, il faut les redensifier, revenir sur un attachement dense.

  • Speaker #0

    Oui, réinvestir.

  • Speaker #1

    Voilà. Et en fait, je fais l'expérience de montrer les attachements que j'avais dans le lieu où j'ai fait le confinement. Et là, j'ai un peu triché puisqu'en fait, on avait fait l'effort de justement s'intéresser à toute la faune et la flore. Mais j'invite aussi les visiteurs à faire la même chose sur le lieu où ils habitent. Parce qu'on sait très bien que... Si on a des attachements, on va aussi le protéger.

  • Speaker #0

    Le protéger, le partager.

  • Speaker #1

    Et donc, ça va nous permettre de lutter pour arrêter cette espèce de course effrénée à la fois de l'extractivisme, de la pollution. Donc, il faut en passer par là. Donc, il faut réhabiter. réhabiter et la troisième étape donc il ya plusieurs expos mais là je donne juste dans chaque thématique et notamment j'ai invité les étudiants de la haide avec qui je travaille à genève notamment faire une intervention à l'extérieur dans un séchoir collectif voilà Donc il y a plusieurs, dans la partie justement de... réhabiter. Et la troisième section, c'est nous préparons le terrain. Et là, je propose la maison de la restitution, qui est un projet sur lequel je travaille depuis une année, qui en fait, est l'idée de dire qu'on ne peut pas en tant qu'humain prendre, reprendre et puis ne rien restituer à la terre. La terre, en fait, elle... prend la mort et elle la retransforme en vie, tout simplement. Donc on fait partie de ce cycle énergétique, c'est un cycle énergétique. Et si on retire, si on coupe, si on affaiblit ce cycle énergétique, et bien tout s'écroule. Et c'est ce qu'on est en train de faire vraiment. Et donc il y a beaucoup d'écrits philosophiques qui nous expliquent que plutôt que de regarder au ciel, il faut regarder et retourner à la Terre. Et cette maison, en fait, je suis partie de la maison, je me suis intéressée aux maisons du néolithique, puisque c'est un peu là qu'on s'est sédentarisées, c'est un peu là que commencent les problèmes. En faisant pousser du blé d'un seul coup, on s'aperçoit qu'on peut le stocker. Ça, c'est bien pour survivre, mais c'est aussi... Un premier dérèglement. Voilà, quelque chose qu'on peut aller... On peut monter les enchères, etc. Donc, c'est notre système précapitaliste, je ne sais pas comment on pourrait dire, qui s'installe. Et la première maison néolithique, elle est en fait une maison qui est creusée dans le sol, à peu près un demi-étage. On descend avec une petite rampe. Il y a des poteaux tout autour du trou qui est rond. Et juste un poteau central et le toit. C'est assez simple. Je suis partie de cette structure-là. Sauf qu'au lieu de creuser, je la surélève d'un mètre. Et ce qui nous donne en fait une interface en dessous de la maison pour faire cette interrelation avec la nature. Ça veut dire qu'on va aussi... Avoir un endroit où je prends les choses. Donc si j'ai mon potager, parce que bien sûr on imagine avoir un potager, je vais prendre les légumes, les fruits, je les mets dans des cajots en dessous. Là c'est mon garde-manger tout simplement. J'ai des trappes à l'intérieur de la maison, donc je peux avoir accès. Donc je peux avoir le bois, puisque je me chauffe le bois. On imagine une petite maison en fait, puisque c'est un démonstrateur presque autonome. Et j'ai quelques panneaux photovoltaïques aussi devant qui viennent faire brise-soleil en même temps, puisque maintenant le soleil, il faut le gérer, l'utiliser et le gérer aussi. Et donc je retrouve une construction bioclimatique assez simple. Et de l'autre côté, et c'est ça qui est le plus intéressant, je vais avoir les contenants pour récupérer à la fois les eaux grises. Les ovans, le pipi, le caca, ça c'est pas malin, mais je mets ça en scène. Et en fait, ces déchets deviennent des ressources. Comment on arrive à comprendre ça ? C'est quand même assez simple. Donc c'est plus, là encore, un scénario de vie qui montre que c'est possible. En tout cas, cette notion-là, d'ailleurs,

  • Speaker #0

    c'est pas...

  • Speaker #1

    On n'a rien inventé, tout ça existait en fait. Donc c'est juste revenir à des choses qui font sens et trouver... une façon de combiner tout ça mais qui fasse envie aussi voilà qui nous assure qu'ils soient qu'ils soient pas ni punitif ni ni de la science fiction qui nous apporte qui nous apporte qui nous qui soit du côté du désir qui soit pas du côté du manque mais du désir d'habiter voilà

  • Speaker #0

    c'est là qu'il que se joue en fait tout à fait oui je vais en jouer là alors ça c'est visible donc à firmini dans la haute loire, c'est ça ? La Loire. La Loire, pardon. Sur le site du Corbusier, on est là. Jusqu'à quand ? Jusqu'à l'automne ? Jusque janvier.

  • Speaker #1

    J'ai eu des retours lors de la présentation parce que je vais y venir régulièrement. C'était un peu particulier parce que ça fait partie de la Bénal de Saint-Etienne du design. Donc en fait, il y avait essentiellement des... Voilà, donc je vais y venir. Dans un deuxième temps, mais là, ça sera plus des visiteurs.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est intéressant, moi, je trouve, de comprendre. Enfin, c'est tout l'enjeu aussi de ce que tu fais, de ce genre d'expo. Mais c'est de se dire, OK, comment j'impacte vraiment sur le regard des visiteurs non avertis ? Oui. Et qu'est-ce que ça va changer chez eux ? Moi, je suis très curieux de savoir ça. Mais la notion de démonstrateur, tu en as parlé. Ça, c'est un bon exemple. Dans la plupart de tes projets, tu dis que ce sont des démonstrateurs. C'est une manière...

  • Speaker #1

    C'est un peu nouveau, en fait. Parce qu'en fait, le statut de l'objet tel qu'il est là, ce n'est pas une maquette, c'est échelon. Et en fait, c'est Claude Parent qui avait fait un démonstrateur de son oblique. Et j'ai trouvé ça très juste, en fait, parce qu'il n'arrivait pas à convaincre, du fait que l'oblique était la solution pour ne pas construire en vertical. et... et non plus s'étaler en horizontal. Et il avait imaginé faire un démonstrateur. Et donc, je me suis dit, tiens, ça, c'est une bonne façon d'expliquer les choses, parce que pour l'instant, ce n'est qu'un démonstrateur. Donc, il n'y a pas tout. C'est juste esquissé. Et ça permet d'ailleurs à chacun d'imaginer, d'ajouter des choses en fonction de ses intérêts. Mais c'est juste un fonctionnement, un démonstrateur. Et c'est surtout un démonstrateur pour changer de système de pensée. C'est ça aussi.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Alors d'ailleurs, ta démarche, je ne sais pas comment on peut la dire, elle est engagée à minima, elle est politique, elle est presque parfois militante, je ne sais pas comment tu le définirais toi. Tu travailles aussi parfois avec des grands groupes. Comment tu fais pour... D'abord, est-ce que tu as déjà refusé des projets pour des raisons, on va dire,

  • Speaker #1

    d'engagement ? Oui, oui, oui, je refuse des projets parce que la création, c'est quelque chose de fragile, en fait. C'est quelque chose qu'on... qu'on acquiert à force d'années. C'est ce que j'explique aux élèves aussi, aux étudiants, c'est-à-dire c'est fragile. Il faut se protéger. Et c'est les convictions aussi qu'on a d'exercer ce métier. Et si on n'est pas avec les bons partenaires, on va toucher ça, qui est en fait le cœur de notre façon de travailler. Et donc il faut se protéger. Donc moi je me protège, je m'assure. que les gens avec qui je travaille ont les mêmes valeurs comme moi. Sinon, de toute façon, ça ne va pas donner un bon projet. Donc, ça ne sert à rien d'aller se martyriser et de travailler avec les personnes qui ne pensent pas de la même façon ou qui ne sont pas prêts à d'ailleurs faire ce pas de côté. Puisque maintenant, j'ai fait suffisamment de projets. Donc, c'est aussi ça. C'est-à-dire qu'en rentrant dans mon studio, j'ai fait suffisamment de choses. Si les gens... passe la porte, c'est déjà qu'ils ont compris plus ou moins où il s'agit. Donc c'est une espèce de sélection naturelle qui fait que je vais collaborer avec des gens qui sont un peu autour des mêmes notions et qui ont envie d'avancer dans le même sens. Je ne sais pas si on peut dire bon, mais voilà.

  • Speaker #0

    Tu as collaboré avec Ikea notamment. Spontanément, on imagine Ikea comme étant...

  • Speaker #1

    Il y a déjà une dizaine d'années, je ne sais pas si je le referai aujourd'hui. C'était une belle expérience, parce qu'en fait, Ikea a un design intégré, bien sûr, on le sait. Et puis, il collabore avec beaucoup de designers qui sont plutôt des Scandinaves, en fait. Mais il collabore très peu avec... À l'époque, avec les designers... on va dire européens voilà et donc là ils avaient décidé de donner la parole aussi à d'autres designers s'ils sont aperçus que ils étaient très centré au niveau de leur culture en fait les mots enfin voilà donc comment ce voilà c'était c'était ça et que ça commençait à poser problème en fait un avance avait ça devenait en fait quelque chose d'assez porteur voilà d'une singularité et puis que petit à petit ça pouvait aussi poser problème et donc Donc, ils ont invité un certain nombre de designers pour un projet qui s'appelle le projet PS. Donc, c'est toujours une petite gamme à côté. Et c'était très beau parce qu'en fait, je suis allée en Chine choisir le fabricant avec qui je voulais collaborer. Donc déjà, c'est fabriqué en Chine. Mais déjà, je pouvais choisir et en fonction du fabricant, proposer le projet. aussi, dans ce sens-là. Donc, il y avait une grande liberté. Donc, c'est comme ça que j'ai décidé de faire cette petite lampe, qui est une lampe autonome, avec une certaine autonomie, qui représente aussi... Je me suis dit, mais c'est quoi dans l'imaginaire commun la lampe qu'on porte ? C'était la lampe du cheminot. Donc, je lui ai donné une forme extérieure. Voilà. une espèce de lanterne avec le tout petit composant lumineux au milieu, puisqu'en fait, on se retrouve comme ça aujourd'hui. La lampe, elle peut faire... Elle est tellement petite qu'elle est plus appréhendable, en fait. Ou en tout cas, on est dans un système intermédiaire où, en fait, on a encore envie de l'objet. On n'a pas envie complètement que ça se dématérialise. Donc, en fait, c'est un peu un stade intermédiaire où le corps lumineux est tout petit au centre, mais il est dans une présence, en fait, d'un objet qu'un objet en fait de cette lampe de cheminot qui me paraissait intéressant de faire faire référence voilà et j'ai passé pas changé un millimètre de l'objet il a été voilà ok produit comme je l'ai dessiné voilà donc ça a été une très bonne expérience en fait voilà après je vois là après c'est ce sont des groupes qui bien sûr des volumes énorme à produire mais ils sont aussi capables de prendre des décisions et par exemple je me souviens à l'époque quand je collaborais avec kia il avait décidé de sortir une ampoule à moins d'un euro une ampoule à l'aide bien sûr pour faire en sorte parce qu'il y avait des grandes réticences à l'adoption. Et on sait qu'une lampe incandescente, il y a 40% de l'énergie qui sert juste à chauffer l'air et pas à éclairer. Donc, c'est des aberrations qu'on puisse avoir utilisées toutes ces lampes,

  • Speaker #0

    toutes ces années.

  • Speaker #1

    Donc, ils lancent aussi des programmes comme ça. Mais ils sont des leviers de changement qui sont énormes. Donc, ce n'est pas blanc et noir.

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on peut le voir comme un levier énorme de changement. Tu as raison. Oui, évidemment. OK. Si je te dis scalabilité,

  • Speaker #1

    tu réponds quoi ? Oui, c'est vrai que je parle beaucoup de communauté. Mais aujourd'hui, on n'a plus envie d'imaginer des utopies. transversale en fait parce que voilà c'est on sait que ça ça mène à des choses assez effrayant donc on se retrouve à faire son chemin dans des communautés qui sont ancrés là où on peut discerner ce qui est bien ce qui est mal où on peut se faire confiance où on peut se réparer et la question est de se dire mais comment on va changer d'échelle mais en fait ces luttes elles sont partout. en fait et elle défend plus ou moins la même chose donc c'est peut-être c'est peut-être ça l'idée c'est de se dire que peut-être multiplié c'est la somme des voies c'est la somme des luttes qui peut faire la différence et c'est aussi se sentir proche voilà comment dire dans le dans ce qu'on défend tout simplement je veux dire on le voit il ya quand même une convergence des luttes, qui nous permet de comprendre que c'est un phénomène global et que ça ne se joue pas aux petites échelles.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Je voulais parler de circularité. Il y a une chose qui m'a marqué. Je suis allé, on parlait de Patrick et Philippe et de Darhi et de Yotel. Leur nouveau projet, c'est la ferme hybride, qui est dans le Luberon, qui est un lieu sur lequel...

  • Speaker #1

    Une ferme. Oui, une ferme.

  • Speaker #0

    et en me faisant visiter le lieu Patrick me disait tu vois ça sont des lits qui étaient à Nice ça c'est des tables de Matali qui étaient là etc. Donc naturellement énormément d'objets ont retrouvé leur place comme s'ils avaient été imaginés pour... pour ce lieu. C'est pour toi une évidence que tes objets soient circulaires, c'est-à-dire qu'ils trouvent une seconde vie, une troisième vie. Tu les imagines comme ça, naturellement. Qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est important d'imaginer dans le long terme, ça c'est évident, de faire des objets qui puissent transmettre, c'est important. Là, c'est un cas un peu particulier puisque comme c'est une collaboration qu'on a depuis 20 ans, on ne peut pas toujours agir comme ça dans tous les projets. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre que... Alors, on a plein de façons de faire du design. En fait, on peut faire de l'éco-construit. On peut faire cette idée de travailler sur des objets qui sont... Comment dire ? pérenne, mais voilà, et travailler sur une qualité qui fasse qu'il le reste. Et chacun peut choisir, on peut travailler sur la matière. Il y a beaucoup de jeunes créateurs qui se penchent sur l'idée de créer des nouvelles matières qui ont moins d'impact, etc. Donc, c'est ça qui est beau, en fait. Bizarrement, ça paraît compliqué d'être designer aujourd'hui, mais en même temps, ce que je dis aux étudiants, c'est que vous avez une grande palette de possibles. puisque tout est à repenser. Et vous n'avez pas besoin de vous déconstruire, parce que vous pouvez prendre déjà une direction. Donc c'est quelque part une espèce de champ des possibles qui est énorme. Et c'est ce qui me réconforte dans cette idée, puisqu'on est quand même une profession qui est assez agile. On n'a pas de corporation très forte. Donc, il fait qu'on peut naviguer, trouver son mode de faire. Il y a beaucoup de designers qui vont s'installer aussi dans les régions. Ça, c'est très important. La créativité est aussi en train de merger. Et ça, c'est très beau à voir. parce qu'il y a eu cette fracture entre le rural et l'urbain qui a fait beaucoup de mal. Et donc là, c'est aussi un signe très encourageant que les jeunes générations veulent aussi s'ancrer et faire en adéquation avec le territoire. Et le voir comme ça, c'est plutôt intéressant parce que ça va faire, on voit bien, une espèce de plurivers qui s'installe et la diversité, elle est au rendez-vous tout simplement.

  • Speaker #0

    Alors, tu as parlé de transmission, c'est hyper important, la circularité des objets, mais aussi la transmission des pensées. Tu interviens dans des écoles, tu animes des workshops. Tes expositions et tes fantaisies sont aussi une manière de transmettre. Justement, est-ce que tu sens que leur regard sur le monde, les étudiants, est de plus en plus radical ?

  • Speaker #1

    Les étudiants sont à l'image de la société, en fait. Naïvement, j'ai pensé que les designers étaient tous en train de se remettre en cause. Et en fait, pas du tout, puisqu'il n'y a pas... Je suis spécial. C'est pour ça que j'ai lu, mais ce n'est pas moi qui ai expliqué cette histoire de design mineur et design majeur. C'est que je n'arrivais pas à mettre un nom sur ce... Et en fait, c'est assez clair. Il y a un design mineur qui est dans les marges, qui fait ce travail de défrichage. Et puis, il y a le design majeur qui continue à servir ce système capitaliste qui est là.

  • Speaker #0

    Oui, qui détruit. Est-ce que tu fais beaucoup de choses pour... Tout ton travail est dirigé vers les autres, vers le commun. Est-ce que tu fais encore des choses totalement égoïstes pour toi ? Je ne sais pas, c'est une question un peu...

  • Speaker #1

    Non, mais j'ai du mal justement à travailler, à faire des projets pour moi. Je m'en aperçois. Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Il y a certains designers qui expliquaient qu'ils essaient de faire le mieux pour eux et si ça leur plaît, ça va aux autres. Moi, je n'ai jamais fonctionné comme ça. J'ai toujours besoin de me projeter. Je ne sais pas si c'est ma gémellité. Je vais dire un peu ça. Parce que c'est vrai qu'être jumeau, c'est une autre présence au monde. On a déjà une partie de soi qui est à l'extérieur. Ce n'est pas moi qui ai théorisé ça. C'est Emmanuel et Kotscha qui en fait sont jumeaux aussi. Et j'avais trouvé ça assez juste parce que je... Je suis dans un rapport assez fusionnel en fait, aux gens, aux choses, et ça vient de ma gémellité, je sais, mais c'est le prochain chantier en fait, j'ai pas le temps.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, ta sœur travaille avec toi ou pas du tout ? Non,

  • Speaker #1

    non, elle travaille dans le cinéma.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. On arrive déjà à la fin de notre conversation, vraiment génial. J'ai une petite question ou deux, rituel, si tu devais transmettre un seul objet ? ce serait quoi ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas un objet. Non. Ce n'est définitivement pas un objet. C'est plus des écrits philosophiques. C'est une liste de livres.

  • Speaker #0

    Je veux bien que tu nous en partages quelques-uns, qu'on mettra en note d'épisode. Franchement, c'est intéressant. Merci, Nathalie, de cette conversation vraiment passionnante, stimulante, questionnante aussi, vraiment. Elle interroge beaucoup. Et c'est le sens de ce travail. Tu nous rappelles que le design, c'est évidemment bien plus que des formes. C'est une manière d'habiter le monde, de s'ouvrir aux autres, de préparer l'avenir avec courage. C'est vraiment ce qui nous manque peut-être le plus. Merci beaucoup, Nathalie.

  • Speaker #1

    Mais de rien. Merci, c'était un plaisir.

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