Speaker #0Bienvenue sur The Podcare by Ethic Animara, le podcast qui prend soin de vous et de votre animal. Je suis Réale, intervenante en relation d'aide humain-animal, spécialisée dans le One Welfare, une vision holistique du bien-être. J'accompagne et je prends soin des humains et des animaux depuis de nombreuses années, afin que chacun retrouve un équilibre physique et émotionnel. J'accompagne ainsi les professionnels et les particuliers soucieux de relations humains -animal harmonieuses. Je propose une mission de conseil et d'accompagnement aux acteurs du secteur animalier, et un accompagnement du binôme humain-animal pour favoriser une cohabitation sereine dans un environnement physique et émotionnel équilibré. Nous avons fait le choix de consacrer ce premier podcast d'Ethique Animara à une thématique récurrente chez les professionnels du secteur animalier, la fatigue compassionnelle. Je vous embarque donc avec moi sur ce sujet tout aussi omniscient qu'invisibilisé en France. Car si la fatigue compassionnelle est largement prise en compte dans le cadre des risques psychosociaux du personnel soignant, elle est effectivement quasi inexistante dans les réflexions menées auprès des professionnels du secteur animalier en France. Pourtant, toute personne investie dans une mission de soins auprès des animaux, que ce soit en tant que bénévole ou en tant que salarié, est ancrée dans une relation d'aide à autrui et de ce fait, va être soumise aux mêmes risques psychosociaux que le personnel soignant. Fatigue compassionnelle, anesthésie émotionnelle, burn-out, sont des réalités du quotidien des soignants animaliers, à savoir les professionnels de la protection animale, mais aussi ceux de la médecine vétérinaire. D'ailleurs, une étude a été réalisée en 2022 pour le compte de l'association Véto-Entraide et du CNOV, auprès de 3 244 vétérinaires français, et il a été malheureusement montré que le taux de suicide dans la profession est trois à quatre fois plus élevé que parmi les professionnels de santé humaine. Du côté des personnes engagées dans la protection animale, les chiffres manquent encore aujourd'hui en France pour évaluer l'impact des risques psychosociaux. Donc nous aujourd'hui, parmi ces risques psychosociaux, on va s'attarder sur la fameuse fatigue compassionnelle, largement étudiée aux Etats-Unis et au Canada, mais qui reste marginalisée en France lorsqu'on évoque le bien-être des soignants du secteur animalier. Et c'est effectivement outre-Atlantique que nos recherches nous ont conduit, là où il y a une reconnaissance de l'exposition permanente des soignants du secteur animalier au stress émotionnel et aux traumatismes. D'ailleurs, une étude a été menée en avril 2023 par The Best Friend Animal Society. Cette étude a interrogé des personnels de refuge à travers l'ensemble des États-Unis pour mesurer leur santé mentale, physique et sociale. Ils ont interrogé au total 243 personnes représentant 122 refuges. Il en ressort que 91% des personnes interrogées ont enregistré des scores de fatigue compassionnelle dans la fourchette élevée, soit 9 personnes sur 10. Ce score élevé d'usure de compassion suggère des niveaux inquiétants de détresse liés au travail chez les répondants et il est parmi les plus élevés qui ont été relevés dans les études publiées, y compris par rapport à ceux rapportés par d'autres professionnels du secteur de l'aide. Le personnel, en plus de ça, des refuges qui ont été interrogés, ont indiqué qu'ils étaient moins susceptibles de continuer à travailler dans les refuges là où ils exerçaient. Donc, compte tenu des coûts élevés associés au roulement du personnel, cela a des conséquences évidentes sur tout l'écosystème refuge. Ces chiffres méritent que l'on se penche sérieusement sur la fatigue compassionnelle et ses conséquences dans le secteur animalier en France. Et c'est pour ça que nous avons vraiment dédié ce premier podcast à la fatigue compassionnelle, puisque les recherches que nous avons menées sont venues corroborer ce que nous avons pu nous observer lorsque nous étions en refuge animalier. Alors peut-être la première chose à faire serait de définir cette fatigue compassionnelle. De quoi parle-t-on ? Déjà, nous pouvons dire qu'il y a une bataille terminologique qui existe aujourd'hui quant au terme fatigue. De récentes recherches canadiennes en neurobiologie en effet lui ont préféré le terme de fatigue de l'empathie. Pourquoi ? Parce que la recherche neurobiologique a révélé que les réseaux cérébraux activés par des actes d'empathie sont très différents des zones du cerveau qui sont activées par des actes de compassion. La compassion active et stimule des zones du cerveau qui sécrètent des neurotransmetteurs positifs qui nous revigorent. comme l'ocytocine, comme la vasopressine. En revanche, l'empathie, elle stimule des zones du cerveau qui détectent et perçoivent la douleur et les sentiments associés au stress, réduisant ainsi la quantité de neurotransmetteurs du bien-être. Donc, on peut parler de fatigue compassionnelle ou plutôt, si on se base sur ses recherches en neurobiologie, de fatigue de l'empathie. Et comment on peut la définir ? Eh bien, c'est une profonde lassitude du fait de contacts répétés avec de multiples vécus douloureux. Elle est spécifique au métier d'aidant auprès d'individus en souffrance et elle va se manifester de plusieurs façons. Tout d'abord, un sentiment de surcharge de contact avec des animaux en souffrance qui va induire la sensation d'être vidé face à tant de détresse et tant de désespoir. On peut aussi observer un sentiment de perdre sa capacité à éprouver de l'empathie et de se comporter de manière bienveillante envers l'autre. Des comportements aussi ont été relevés de distanciation vis-à-vis des autres, avec un évitement des interactions et un abandon de tout investissement relationnel. On note aussi une grande lassitude, un épuisement, une perte d'énergie et de plaisir. Une hypersensibilité également, avec l'impression de ne plus avoir de frontières protectrices. Et enfin, une perte douloureuse du sentiment de vocation. L'usure de compassion se manifeste donc sur le plan physique, émotionnel et spirituel, ce dernier terme faisant référence à l'investissement pour une cause qui nous transcende, qui donne du sens à notre vie. L'usure de compassion menace effectivement le sentiment de vocation des soignants du secteur animalier. Parce que le contact prolongé avec la détresse et la souffrance des animaux induisent effectivement un risque élevé de conduire à un épuisement des personnes investies. L'altruisme et l'abnégation remarquables dont font preuve chaque jour ces soignants ne doivent pas pour autant occulter la prise en compte des coûts psychiques liés aux soins produits à autrui. Fatigue compassionnelle ou fatigue de l'empathie, cette fatigue va s'installer progressivement au gré des comportements adaptatifs des individus. On distingue effectivement 4 phases distinctes de la fatigue compassionnelle. Dans une première phase, qui est appelée la phase de zèle, le soignant est engagé et il est totalement investi. Il travaille de longues heures et se porte volontaire pour donner son soutien. Il se sent utile en fait dans ce surinvestissement. Puis arrive une deuxième phase qui s'appelle la phase d'irritabilité, où là le soignant devient moins consciencieux ou commence à éviter les contacts. Il peut sembler distrait, préoccupé ou distant. Il va se concentrer sur sa mission d'aide aux animaux, qui est le moteur de son investissement, mais il va commencer à ressentir un manque de ressources et ou un empêchement pour mener à bien sa mission, du fait par exemple de procédures ou processus qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission. Dans une troisième phase, qui est appelée la phase de retrait, le soignant ressent un manque d'enthousiasme, il s'endurcit, il peut se plaindre de stress ou de fatigue et commencer à adopter des comportements négatifs. qu'il va justifier par ce qu'il accomplit en vertu des principes positifs défendus. Par exemple, "ok, je suis désagréable aujourd'hui, mais vu la quantité de travail que j'abats, c'est tout à fait légitime". Des techniques d'adaptation négative peuvent aussi apparaître à ce stade, c'est-à-dire consommation d'alcool, addiction, tandis que le rapport à l'autre va se dégrader. Et enfin, la dernière phase, la quatrième phase, est appelée la phase zombie. Et là, le soignant devient distant, désinvesti. Il ne prend plus de plaisir à exercer sa mission, il va se montrer insensible et indifférent à la souffrance d'autrui. Il est vidé, épuisé et n'a plus rien à donner. Des techniques d'adaptation négative peuvent s'être ancrées à ce stade. Une fois qu'on a pris conscience de l'existence de cette fatigue compassionnelle dans le secteur animalier, qu'est-ce qu'on fait ? La première étape serait peut-être d'en reconnaître l'existence en France parce que le sujet reste tabou. Il est important de rappeler qu'elle est intrinsèquement lié au métier d'aidant auprès d'individus en souffrance et que les soignants du secteur animalier sont directement concernés. En tenir compte et promouvoir le bien-être au sein du secteur animalier va permettre d'éviter le cheminement vers l'épuisement professionnel qui est si commun chez les soignants animaliers que ce soit les professionnels de la protection animale ou ceux de la médecine vétérinaire. Il est vraiment très important de renforcer la résilience des acteurs du secteur animalier pour mieux faire face aux défis qu'ils doivent relever chaque jour. Et vraiment renforcer cette résilience, ça va permettre de réduire le turnover des salariés et des bénévoles, de mieux prendre en charge les animaux, d'un meilleur accueil du public et d'un écosystème plus durable qui va être inscrit dans une démarche d'impact positif. Les caregivers, toutes ces personnes qui sont engagées sur le terrain pour faire face à la souffrance d'autrui sont précieux. Les soutenir de manière proactive est une nécessité. Accorder une vive attention ou bien-être des acteurs du secteur animalier est en effet essentiel pour pérenniser la relation d'aide dans cet écosystème. Il en va de la durabilité de la mission de protection auprès des plus vulnérables. Il existe des stratégies individuelle et organisationnelle pour réduire la fatigue compassionnelle. C'est notamment ce que je fais dans le cadre de mon métier en tant qu'intervenante en relation d'aide humain et animale puisque j'accompagne et je prends soin de celles et ceux qui eux-mêmes prennent soin d'animaux vulnérables en souffrance. L'objectif de cet accompagnement, c'est effectivement de réduire la fatigue compassionnelle et d'augmenter ce qu'on appelle la satisfaction de compassion. On en parlera dans un prochain podcast. Et faire ceci, ça permet de poursuivre la mission de soin, de continuer à sauver des vies, tout en préservant son bien-être. Je vous propose de poursuivre cette discussion sur ce sujet dans un prochain podcast. En attendant, si vous estimez qu'il peut intéresser des personnes que vous connaissez dans le secteur animalier, qui s'interrogent sur leurs ressentis, leurs émotions, ces coups de mou, cette sensation d'être vidé, de ne plus avoir de sens dans son métier, n'hésitez pas à le partager, ça peut véritablement aider. En attendant, prenez bien soin de vous et de tous vos protégés, et n'oubliez pas, si votre compassion ne vous inclut pas, elle est pour reprendre la citation de Jack Kornfield. Je vous dis à tout bientôt pour un nouveau podcast par Eti Kanimara. Et véritablement, prenez soin de vous. Vous êtes précieux. Au revoir.