Speaker #0Bienvenue sur The Podcare by Ethic Animara, le podcast qui prend soin de vous et de votre animal. Je suis Réale, intervenante en relation d'aide humain-animal, spécialisée dans le One Welfare, une vision holistique du bien-être. J'accompagne et je prends soin des humains et des animaux depuis de nombreuses années, afin que chacun retrouve un équilibre physique et émotionnel. J'accompagne ainsi les professionnels et les particuliers soucieux de relations humain -animal harmonieuses. Je propose une mission de conseil et d'accompagnement aux acteurs du secteur animalier et un accompagnement du binôme humain-animal pour favoriser une cohabitation sereine dans un environnement physique et émotionnel équilibré. Aujourd'hui, nous allons aborder une thématique que l'on voit peu dans le secteur animalier. C'est la thématique du syndrome du sauveur, et plus particulièrement dans les refuges animaliers. Parce que nous n'arrivons pas dans la cause animale par hasard. Les métiers de l'aide sont en général des métiers de vocation, nourris par un besoin impérieux d'aider les autres. Les personnes impliquées dans des domaines professionnels altruistes, tels que le travail social, la protection de l'enfance, les soins de santé, l'enseignement, la protection animale, ainsi que le bénévolat, sont inscrites dans une démarche de don de soi. Les personnes compatissantes et empathiques sont souvent poussées vers des carrières où elles peuvent aider les autres ou vers une cause qui leur tient à cœur. Les métiers inscrits dans une relation d'aide sont en général des métiers de vocation, y compris dans le secteur animalier, et les aidants - soignants, s'engagent pour une cause qui les transcende, qui donne un sens à leur vie. En refuge, Nous sommes la plupart du temps dans des associations où cette question de sens est fondamentale. On s'y engage et on y travaille pour une cause. Travailler en association, c'est avoir un travail engagé qui a du sens. Et selon les économistes et sociologues, c'est d'ailleurs au nom de cette cause que les salariés acceptent des salaires bien plus bas en milieu associatif, des heures supplémentaires non rémunérées, ou un engagement bénévole chronophage qui floute les limites de l'engagement et de la vie personnelle. Il y a une véritable satisfaction morale à accomplir un projet d'utilité sociale. L'acceptation de salaires faibles est compensée par le fait de vivre de la cause et de travailler pour elle. Ce type d'engagement peut être à la fois difficile et écrasant tout en étant très gratifiant. Mais à l'excès, il conduit à l'épuisement et ça on en a déjà parlé. Le syndrome du sauveur, c'est donc un concept psychologique qui fait référence à un besoin compulsif d'aider les autres, souvent au détriment de soi-même. Ce comportement est alimenté par la conviction que les autres ont besoin d'être sauvés, que ce soit d'une situation, de circonstances particulières ou d'eux même, même si ces derniers ne le demandent pas ou ne le reconnaissent pas. Je vous renvoie ici aux travaux du chercheur et psychanalyste William Vanden. Maintenant que nous avons posé le cadre et de la thématique de ce podcast, posons-nous la question de qui s'engage dans une mission de sauveur en refuge animalier. Il faut savoir que les caractéristiques sociodémographiques des défenseurs des animaux restent encore lacunaires. Toutefois, quelques tendances se dégagent dans la cause animale, et si ces sujets vous intéressent, je vous invite à lire l'ouvrage Sociologie de la cause animale. Alors la première tendance, eh bien, c'est qu'il y a une sur-représentation des femmes dans la cause animale. Et je suppose que ça ne surprend absolument personne ! Certains spécialistes de psychologie clinique, comme Shapiro, mettent l'accent sur les dynamiques de conditionnement social qui, au cours de l'enfance, président la construction des identités de genre. Principalement attentives aux compétences relationnelles telles que la maternité, la bienveillance ou l'empathie, l'éducation des filles, selon Shapiro, favoriserait leur inclinaison pour la cause. L'éducation des garçons, tournée vers la raison contre les émotions, aboutirait réciproquement à une autocensure des hommes. Le coût symbolique élevé de l'engagement, dans un mouvement réputé animé principalement par les affects et les émotions, expliquerait alors en partie la sous-représentation des hommes et la sur-représentation des femmes. Deuxième tendance de ces recherches qui ont été menées, c'est que ces femmes sont majoritairement issues des classes moyennes. Il faut savoir qu'elles forment la base des organisations depuis le milieu du 19e siècle, mais qu'elles restent sous-représentées au poste à responsabilité. Elles assurent donc une grande partie des actions de terrain et du fonctionnement associatif quotidien. Donc, il semblerait que ce syndrome du sauveur concerne, en tout cas dans les refuges animaliers, essentiellement les femmes. Alors, la deuxième question qu'on peut maintenant se poser, c'est d'où vient ce besoin compulsif d'aider les animaux ? Là, nous allons explorer la piste du chercheur Christophe Traïni qui a analysé les expériences vécues dans l'enfance de ces personnes. Il est effectivement intéressant d'examiner dans quelles mesures l'engagement des protecteurs des animaux prolonge des sensibilités forgées au cours d'expériences sociales qui ont marqué les toutes premières phases de leur socialisation. L'enfance est effectivement une période cruciale pour le développement de la personnalité des croyances et des comportements. Donc si c'est une thématique qui vous intéresse, je vous renvoie aux études du chercheur Christophe Traïni. Qu'est-ce qu'il a observé ? Eh bien, de manière très significative, le vécu le plus unanimement partagé parmi les protecteurs des animaux renvoie aux états affectifs plaisants qui ont été éprouvés dans la proximité avec des animaux ayant accompagné leur enfance. La très grande majorité des personnes engagées dans la protection animale déclarent avoir été profondément marquées par les relations privilégiés qu'ils ont noués dès le plus jeune âge avec des chiens, des chats, des hamsters ou encore des chevaux. Les individus, dont les sentiments les plus plaisants de l'enfance doivent beaucoup à la complicité et à la bienveillance envers les animaux, se satisfont plus aisément du registre émotionnel de l'attendrissement qui prédomine dans bon nombre d'organisations dédiées aux secours et aux soins prodigués aux animaux en souffrance. Un autre type d'expérience a souvent marqué l'enfance des personnes engagées dans la protection animale, et bon nombre d'entre eux se rappellent avoir été fortement impressionnés par des scènes de brutalité exercées envers les animaux. Quand ils découvrent la maltraitance animale, certains individus vivent un véritable choc moral qui est souvent l'élément déclencheur du militantisme. Nous, pour ce qui nous concerne, et c'est ce que le chercheur a mis en évidence, les personnes qui sont en refuge animalier ont plutôt un rapport plaisant dans l'enfance avec les animaux, une proximité avec eux, une complicité également. Si les expériences vécues dans l'enfance auprès des animaux orientent les modalités d'engagement à l'âge adulte, les racines du syndrome du sauveur sont également ancrées dans l'histoire de l'individu. Ces racines peuvent découler d'un sentiment d'insécurité ou d'un besoin de validation et de reconnaissance externe. Là, on repart sur le terrain de la psychologie et le psychanalyste William VanDen a rencontré grand nombre d'individus pour qui aider les autres devenait une manière de se définir une source d'identité. Certaines proviennent de milieux familiaux où ils ont endossé, dès leur plus jeune âge, le rôle de protecteur, de médiateur ou de guérisseur. C'est l'exemple de l'enfant qui a dû prendre soin de parents défaillants, ou endosser très tôt un rôle de protecteur des frères ou des sœurs cadets. Le sentiment d'être responsable du bien-être des autres prend alors racine, et s'amplifie jusqu'à conduire l'orientation de vie de l'adulte. La présence des animaux dans l'enfance est déterminante. L'identification avec l'animal induit une expérience personnelle de la vulnérabilité et de la dépendance. D'autres souvenirs plus douloureux, car associées à ces situations de vulnérabilité, sont souvent évoqués dans les témoignages des personnes engagées dans la protection animale. Des traumatismes dans l'enfance peuvent conduire une personne à vouloir protéger les autres de ce qu'elle a elle-même vécu. Un enfant qui a été rejeté ou isolé pourrait chercher à créer des liens en devenant indispensable pour les autres. Dans les témoignages recueillis par Christophe Traïni, c'est par exemple le harcèlement subi à l'école dans l'enfance des futures personnes engagées dans la protection animale. Cette douloureuse expérience de la vulnérabilité peut être très tôt rapprochée de celle des animaux. La sensibilité à l'égard des violences s'abattant sur des animaux sans défense paraît d'autant plus aiguë que les personnes engagées dans la protection animale ont précocement perçu un rapport d'analogie en fait entre la souffrance imposée aux animaux et les sentiments déplaisants personnellement éprouvés à un âge où ils étaient encore incapables de se défendre. Pour citer le chercheur, "l'engagement dans la protection animale résulte d'un enchaînement d'événements hétérogènes et contribue autant à réactualiser les sensibilités primordiales qu'à les transformer. En d'autres termes, l'engagement en faveur de la protection animale permet à des sensibilités idiosyncrasiques, qui résultent d'expériences individuelles multiples et singulières, d'être rectualisées et surtout retranscrites sous la forme d'émotions collectivement partagées". Et dans les représentations collectives, l'engagement dans les refuges animaliers est perçu et vécu sur le registre de l'émotion, du sentiment et de l'attendrissement. Les métiers où l'engagement bénévole en refuge sont perçus et vécus sur le registre de l'émotion, du sentiment et de l'attendrissement. Ces personnes engagées dans les refuges sont perçues et se perçoivent comme des sauveurs qui ont pour mission de libérer les animaux de la souffrance et de leur porter secours. L'engagement dans cette action réparatrice immédiate est guidé par une grande sensibilité et une forte compassion. Alors toujours sous un angle d'approche psychologique, ce besoin impérieux de porter secours aux autres peut devenir une tentation inconsciente de se sauver soi-même ou de réparer des blessures du passé. Le sentiment d'être utile ou nécessaire est un puissant moteur chez l'être humain. L'estime de soi se construit sur la perception de sa propre valeur et dans le cas du syndrome du sauveur, cette valeur est souvent liée à la capacité de résoudre les problèmes des autres, ou de leur apporter du réconfort. En venant en aide à autrui, le sauveur ressent une validation instantanée de sa propre valeur. C'est une confirmation directe de son importance et de sa pertinence dans la vie d'autrui, selon le chercheur William Vanden. Mais les difficultés peuvent arriver lorsque cette profonde insécurité et le besoin de reconnaissance guident l'engagement des personnes dans la protection animale. Car ce syndrome du sauveur peut menacer la santé physique et mentale des soignants aidants en refuge animalier, tout en fragilisant la qualité des relations interpersonnelles. Nous avons longuement développé par le passé les conséquences néfastes de la fatigue compassionnelle pour l'individu, mais aussi pour tout l'écosystème refuge. Sans remettre en cause le besoin impérieux d'empathie et d'altruisme dans le monde d'aujourd'hui, et Dieu sait qu'on en a besoin, la pérennité de la relation d'aide dans le secteur animalier dépend du bien-être humain des personnes engagées. Or, l'envie compulsive d'aider les animaux au détriment de soi peut conduire à un épuisement, à de la frustration, à de la colère, voire à un burn-out. Toutefois, nous devons impérativement mentionner qu'un énorme obstacle empêche souvent les personnes engagées dans une mission de sauvetage d'être attentives à leur propre bien-être. En effet, selon la psychologue Pascale Brillon, beaucoup vont percevoir ceci comme un signe de faiblesse indigne de leur identité de sauveur invulnérable, ou comme un geste égocentrique méprisable face à la mission plus noble de s'occuper d'autrui. Donc tenir compte de ces représentations est indispensable pour pouvoir désamorcer ce frein à mieux vivre sa mission de sauveur auprès des animaux. Pour conclure, Nous pouvons dire qu'aborder le syndrome du sauveur permet donc de s'interroger sur les motivations de notre engagement dans la cause animale et d'entrevoir d'éventuels ajustements nécessaires pour naviguer vers un plus grand équilibre intérieur et des relations plus saines. Évidemment, cette mise en lumière n'est pas forcément confortable, mais elle est nécessaire pour assainir et pérenniser la relation d'aide dans la cause animale. Il ne s'agit pas de renoncer à son empathie et à son désir d'aider, mais de s'insérer de manière plus respectueuse de soi et des autres dans cette mission. Au lieu d'une compassion qui peut conduire à l'épuisement, il s'agit de trouver une attitude empathique équilibrée où le soutien est offert sans se perdre soi-même. J'espère que cet épisode vous aura intéressé et éclairé sur ce syndrome du sauveur dans les refuges animaliers et en attendant, on ne le répète jamais assez, prenez soin de vous. Vous êtes précieux pour eux. À très bientôt.