- Speaker #0
Tournez la page par Zoé Beaumont
- Speaker #1
Dans le livre Les Grandes Oubliées, Pourquoi l'histoire a effacé les femmes, situe Lecoq, écrit dans le chapitre 15 qui concerne la Seconde Guerre mondiale. Pour la plupart, les femmes de la Résistance, après-guerre, ont repris le cours de leur vie. Elles n'ont pas demandé de reconnaissance. Elles n'ont pas fait de carrière politique. Aucune femme n'a siégé au Conseil national de la résistance. Le rôle des femmes dans la résistance a donc sans doute été minimisé. Dans ce premier épisode, Mathilde nous parle d'un livre qui a ouvert un pan entier de son histoire familiale. Un livre grâce auquel elle a pu comprendre dans quelles circonstances sa grande-tante a disparu pendant la guerre.
- Speaker #0
J'ai 52 ans et je suis bibliothécaire jeunesse. Les livres m'ont accompagnée, ils m'ont ouvert des mondes, ils m'ont permis de me sentir moins seule, ils m'ont fait rencontrer des gens que je n'aurais jamais sans doute rencontré. Mais pourtant j'ai lu beaucoup de livres dans ma vie, je n'aurais pas pu te dire qu'un livre, un seul livre avait changé ma vie. Et là, très récemment, un livre a changé ma vie. Alors ça s'appelle « La véritable histoire de l'orchestre rouge » . L'auteur c'est Guillaume Bourgeois. Donc en fait, ce n'est pas une fiction, c'est un livre d'histoire. Et ce livre, je l'ai découvert parce que récemment, j'ai dû partir à la recherche d'une femme de ma famille qui a disparu pendant la guerre, la seconde guerre mondiale, et qui avait été arrêtée par Gestapo en novembre 1942 à Paris, et qui a complètement disparu des radars, et dont ma famille n'a plus jamais eu de nouvelles.
- Speaker #1
Alors il faut revenir un petit peu en arrière,
- Speaker #0
bien peut-être une année avant la découverte du livre. Fin 2023, on m'a annoncé, suite à un dépistage, que j'avais un cancer du sein. Pour ne pas sombrer, j'ai été accompagnée par une psychologue. Et à l'occasion de ce travail... J'ai réalisé que la plupart des femmes de ma famille du côté maternel avaient vécu des choses difficiles. Et entre autres, c'était quelque chose qui revenait régulièrement. La psychologue avec laquelle je travaille m'a posé la question de savoir si, entre autres, il y avait eu beaucoup de cancers du sein. S'il y avait eu des études génétiques qui avaient été menées sur ma famille. et il se trouve que... C'était le cas et qu'on n'avait pas décelé de problèmes particuliers. Du coup, cette psychologue m'a parlé de psychogénéalogie et en me disant que parfois, un traumatisme ancien vécu par des ancêtres pouvait provoquer chez les descendants des difficultés, des maladies. Et elle m'a demandé si ça avait une résonance en moi quand elle me disait ça. Et de façon totalement inattendue pour moi, puisque je n'avais vraiment jamais pensé à la sœur de ma grand-mère avant ce moment-là, j'ai eu cette sensation qu'il s'agissait peut-être de quelque chose qui tournait autour de la disparition de la sœur de ma grand-mère pendant la guerre.
- Speaker #1
dont je n'avais absolument, mais aucune information. Et c'est ce questionnement qui m'a amenée à faire des recherches sur Simone.
- Speaker #0
J'ai longtemps cherché, j'ai fini par trouver un article sur cette personne, donc elle s'appelait Simone Fetter, et j'ai trouvé sur internet un tout petit article la concernant. Cet article faisait référence à un livre, et c'est ce fameux livre. Je me suis procuré ce livre et j'ai découvert des choses qui m'ont percutée, en fait. Percutées et qui ont, je pense, changé ma vie, puisqu'il s'agit de l'histoire de ma famille, en fait. Je pense que même ma présence sur Terre est liée à cette histoire. En fait, comme l'histoire est assez dramatique, puisque j'ai découvert que Simone avait été une grande résistante, mais qu'elle a payé de sa vie, en fait. Elle est morte, elle a été capturée par les nazis, elle a fini guillotinée en Allemagne. Et ce que j'ai appris qui est d'autant plus fort, c'est qu'elle a sauvé ma grand-mère, en fait, qui était sa sœur. En fait, les nazis ont utilisé ma grand-mère comme moyen de pression. Et tout ça, je l'ai appris à la lecture de ce livre. J'avais beaucoup... beaucoup d'envie d'en savoir plus. Et en même temps, ce que j'y ai lu était absolument inouï. Je pense même avoir percé un secret de famille grâce à ce livre. Quand je suis partie à la recherche de Simone, je ne savais pas du tout que ma grand-mère avait été liée à son histoire. Et quand j'ai lu dans le livre, j'ai vu le prénom de ma grand-mère, je n'en revenais pas. J'ai été extrêmement choquée. Donc oui, ce moment-là, je m'en souviendrai toute ma vie. Une autre jeune femme joue un rôle particulièrement décisif dans les relations entre les deux capitales. Il s'agit de Simone Fetter. secrétaire administratif de la Chambre de commerce belge à Paris. René Barraud témoigna sur la façon dont se faisait le lien entre les deux capitales. Simone Fetter était une jeune femme très intelligente et très brillante. Elle était très calme et savait très bien ce qu'elle faisait. Elle riait tout le temps et chantait tout au long de la journée. Elle avait une très belle voix et reprenait souvent Ave Maria. Au début, je ne savais pas qu'elle était impliquée dans quoi que ce soit. et nous n'avons pas tout de suite parlé de ce travail clandestin. J'étais alors fiancée à Jean Depau et nous comptions nous marier. C'est seulement au bout de deux mois, lorsque j'ai été confrontée à la nécessité d'aller en Belgique, m'occuper de mon divorce et qu'elle m'a dit qu'elle pouvait me procurer un laissé-passer, que j'ai commencé à comprendre. Je m'étais donc rendue à Bruxelles une première fois afin de rencontrer mon avocat. Tout s'est bien déroulé et, quelque temps plus tard, je dus... m'y rendre à nouveau. Simone me demanda si elle pouvait me confier des papiers que je transporterais jusqu'à un endroit précis de Bruxelles et je lui ai dit que ça ne me posait aucun problème. L'endroit en question se situait à proximité du monument aux soldats inconnus. Ce passage là, il est pour moi très important parce qu'en fait c'est la première fois que j'entends parler de Simone de manière très incarnée. Et jusque-là, c'était une femme qui m'était proche forcément, puisque je savais qu'elle était la sœur de ma grand-mère, mais je n'en avais pas vraiment eu de descriptif. Avec ce passage, je l'ai sentie revivre. C'était une femme joyeuse et intelligente.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a d'autres lectures qui ont découlé de celle-ci ?
- Speaker #0
Oui, forcément. Forcément, ça a été comme une petite pelote de laine. que j'ai déroulé et qui m'a permis ensuite, justement, de découvrir beaucoup d'autres choses. Et j'ai aussi rencontré l'auteur. Je trouvais ça tellement fou que j'ai écrit à l'auteur, je l'ai rencontré à Paris. On est devenus proches, en fait. Et j'ai aussi, du coup, rencontré des archivistes grâce à ce livre, en fait. Parce qu'un livre d'histoire, il y a beaucoup de références. Je suis même en contact avec des gens qui vivent aux États-Unis. qui ont eu des liens avec ce réseau de résistance.
- Speaker #1
Est-ce que c'est toujours quelque chose qui est en cours, une quête qui est en cours ?
- Speaker #0
Alors, je pense que j'ai terminé mon enquête. Là, je suis plutôt dans une démarche d'essayer de rendre hommage à cette femme, qui était donc Simone Fetter, et je suis dans une démarche de lui permettre d'avoir, à titre posthume, au moins un titre de résistante, ce qui n'est pas le cas pour le moment. J'ai entamé des démarches auprès de... de l'état, en fait.
- Speaker #1
C'est un livre que tu as partagé avec le reste de ta famille, ou plutôt c'est quelque chose que tu as gardé pour toi ?
- Speaker #0
Forcément, j'en ai fait part à ma famille, à mes filles, j'ai deux filles, et pour moi c'était important aussi de montrer à mes filles que c'était aussi un modèle de femme puissante, de femme... extrêmement courageuse, qui n'a pas hésité à sauver des gens en très grande difficulté. Entre autres, elle faisait partie d'un réseau qui a sauvé des Juifs pendant la guerre. Donc pour moi, c'était important que mes filles aient ce type de modèle aussi. Et c'est vrai que ça fait aussi écho à des choses que j'avais lues au sujet des femmes et la résistance. C'est-à-dire que... On a invisibilisé les femmes après la guerre. Les femmes ont été très présentes dans la résistance et pourtant on les a oubliées. Donc je fais ma part là en ce moment.
- Speaker #1
De transmission.
- Speaker #0
De transmission, ouais.