Speaker #1Alors c'est le livre de Grand Corps Malade. qui s'appelle Patient, sur son histoire, notamment en centre de rééducation, et après son accident qui l'a laissé tétraplégique. Je l'ai lu un tout petit peu avant mes 16 ans, en 2012 du coup, juste après un accident de la vie que j'ai eu, qui malheureusement m'a laissé aussi handicapé. Avant mes 15 ans du coup, alors même si ça n'allait pas vraiment avec ma famille, Il y avait toujours quelques, voilà, enfin comme une famille quoi, des mésententes et des trucs comme ça. Mais oui, j'allais au lycée, avant au collège et tout. J'avais pas spécialement de bonnes notes, mais disons que je me débrouillais comme je pouvais. Et je faisais beaucoup de sport aussi à cette époque-là. Je faisais du foot. Après, j'étais gardien de handball à quelques occasions. Je m'intéressais beaucoup au rugby. Et quelques fois, j'allais courir. En juillet 2012, j'ai commencé à avoir un petit peu le mal à la tête. Et donc j'étais allé voir à ce moment-là une amie à moi. On avait passé l'après-midi ensemble à discuter, enfin voilà. Et quand ma mère est venue me chercher à ce moment-là, dans la voiture, elle m'a demandé si j'avais bu. Et je lui ai dit que non, parce que je ne bois toujours pas d'alcool, mais je ne buvais même pas non plus à l'époque. Donc du coup, je lui ai dit non et tout. Ma mère m'a demandé, alors t'as pris de la drogue ? Donc je lui ai dit que toujours pas. Et voilà, parce qu'en fait, elle trouvait que je parlais très mal. Du coup, ça s'est un peu enchaîné. J'avais toujours mal à la tête. Des problèmes au niveau... J'avais comme des fourmillements au niveau du bras droit. En dernier lieu, j'avais une vision double. Voilà, je croyais que j'avais de la fièvre et tout, parce que j'avais chaud. Enfin, je comprenais pas. Après tout ça, on est allé à l'hôpital, parce que j'ai fait une prise de sang. la prise de sang disait que j'avais rien du tout Donc le médecin m'a quand même dit de passer à l'hôpital pour ne pas passer à côté de quelque chose de neurologique. Et à partir de là, c'était le 28 juillet 2012, et là, tout s'est enchaîné. J'ai fait un scanner, et on m'a vu une tache grosse comme une balle de ping-pong dans la tête. Donc panique à bord, j'ai été transféré à Toulouse, à l'hôpital Purpan. Donc là, j'ai fait une IRM, et ils ont vu que c'était un cavernome qui avait saigné. Donc, on m'a dit que c'était bénin et tout, que ça ne faisait pas de maladie, mais qu'il y avait beaucoup de risques dus à l'opération. J'en viens à être opéré deux fois et à faire à peu près huit petits AVC. Là, aujourd'hui, entre les deux opérations qui ont eu lieu, la première le 1er août 2012 et la deuxième le 28 janvier 2013, c'est entre ce temps-là que j'ai lu le livre « Devant qu'en malade » . Quand j'ai fait un séjour au centre de rééducation, J'ai écouté une chanson de Grand Grand Malade qui m'a beaucoup, beaucoup, mais vraiment beaucoup aidé pour tous les progrès que j'avais à faire et mentalement pour m'en sortir de tout ça.
Speaker #1La chanson Sixième Sens. Comme je l'écoutais beaucoup, mes parents se sont rendus compte que j'aimais beaucoup Grand Grand Malade. Et donc, ils se sont dit que, ben voilà, il avait sorti un livre. Il date d'octobre 2012, je crois. Et donc il l'a sorti, donc ce serait une bonne idée de me l'offrir pour que je puisse le lire. Et donc il me l'a offert et c'est à ce moment-là que je l'ai lu. C'est assez rapide à lire parce que c'est assez espacé, assez gros comme caractère. Et c'est une lecture qui est assez simple à lire en plus. Il emploie des termes de tous les jours, donc c'est assez facile. Comme je suis souvent allongé au lit, et que les séances de rééducation sont encore très courtes, mes premiers contacts avec les autres patients du centre se font dans ma chambre. Quelques curieux viennent rencontrer le nouveau. Le premier, c'est Nicolas. Avant de le voir entrer dans la chambre, j'entends que quelqu'un se cogne pendant 30 bonnes secondes contre la porte et les murs. Je me demande bien ce que c'est que ce bordel. Et comment on peut avoir autant de mal à passer une porte ? me traverse même l'idée que celui qui tente de me rendre visite est un aveugle en plus d'être paralysé. Mais non, Nicolas n'est pas aveugle. Il galère. Et pour cause, il tente de manier seul son propre brancard. allongé sur le ventre. Salut, il me lance. Salut, ça va ? Ouais, tu t'appelles comment ? Fabien. Moi, c'est Nicolas. Bah, bienvenue chez toi. Il est fou, celui-là. Pourquoi il dit ça ? C'est pas chez moi, ici. Je ne fais que passer. Et si tout va bien, dans quelques semaines, je me barre. Je suis pas handicapé, moi. C'est provisoire, tout ça. C'est juste un mauvais moment à passer. Dans le livre, il y a beaucoup de moments qui sont, mais dramatiques. mais raconté avec humour. Vu que ça me concernait directement en plus, j'avais tendance à beaucoup me mettre à la place de Grand Camp Malade. Du coup, j'avais tendance à ressentir aussi ce que lui ressentait, comment il voulait le décrire en tout cas. Par exemple, je sais qu'à un moment donné dans le livre, il explique qu'il est en fauteuil roulant électrique et il explique qu'il a oublié de le faire charger pendant une nuit et qu'il se retrouve bloqué en plein milieu de sa chambre dans les heures de midi, c'est-à-dire quand tout le monde... est en bas en train de manger, lui il est bloqué dans sa chambre tout seul, et personne l'entend, personne pour lui dénie rien, et quand la phrase elle vient, on est mort de rire, parce qu'on se dit mais c'est cocasse comme situation, et sauf qu'au fur et à mesure où il explique un peu tout ça, on se rend compte que c'est très compliqué à vivre, et ça en devient presque triste, parce que bah oui, on se rend compte que bah, c'est dans ces moments là que tu vois que t'es plus autonome, que personne n'est là pour t'aider, que tu peux plus rien faire tout seul quoi. Et du coup, il le fait bien passer, je trouve, comme message. Je trouve ça très très touchant. Les rapprochements que je fais, c'est que déjà, notamment, il fait 1m94 et je fais 1m92. Avant, il était extrêmement sportif. Il faisait du basket à très haut niveau. Et donc, moi, je faisais aussi beaucoup de sport. Bon, pas à très haut niveau, mais beaucoup de sport quand même. Au niveau de la béquille, on l'a tous les deux du même côté. Parce que, oui, du coup, j'ai une béquille. Et en plus, je suis allé le voir en concert en 2014. et on avait exactement la même béquille. Alors, ce n'était pas voulu, mais du coup, on avait exactement la même béquille. Et comme j'écoute beaucoup de ses chansons, il y a beaucoup de ses chansons où j'arrive à me mettre à sa place, en fait. Là, aujourd'hui, je suis sans béquille ou avec une seule béquille quand je marche dans la rue. Mais je suis quand même passé au départ, j'étais en fauteuil roulant. Après, je suis passé en déambulateur avec deux béquilles et maintenant plus qu'une, voire plus du tout. Il faut savoir que le regard des gens pèse énormément sur le handicap et sur les personnes handicapées. Parce que quand on est en fauteuil roulant, oui, c'est plus simple pour sortir, pour bouger. C'est plus simple que quand on est en déambulateur, par exemple. Mais le regard des gens peut peser énormément. Et du coup, on en vient à avoir honte de sortir, en fait. Et c'est avec ce livre qu'on se rend compte qu'on s'en fout du regard des gens. On est des êtres humains, merde, à un moment donné, voilà, c'est que, enfin, on est comme tout le monde, oui, ok, on est en fauteuil roulant, en béquille ou quoi que ce soit, mais c'est pas important pour montrer la personne qu'on est, quoi. Dans ma vie, pour moi, le regard des gens prend encore pas mal de place. C'est très compliqué pour ça, mais en fait, j'ai du mal à faire des choses en me disant « les autres vont penser que je suis ridicule » , en fait. Alors qu'en soi, il y a des jours où je m'en fiche totalement. Je fais ma vie et c'est pas grave, si on se moque de moi, tant mieux pour eux. Ça les fera rigoler pendant la journée et voilà, tant mieux. Ils auront un truc à raconter plus tard, c'est pas grave. Je sais qu'au départ, vers 2012-2013, quand j'étais en fauteuil roulant, je m'amusais, comme tout gamin de 15-16 ans, à faire des roues arrière avec mon fauteuil roulant. Et donc j'étais dans un magasin en train de le faire et il y a un monsieur avec ses deux enfants qui passent à côté de moi. Les deux enfants me regardent en rigolant. Et le père leur cache les yeux en disant « Ne regardez pas ça. » Voilà, c'est très violent quand t'as 16 ans de te dire « Ah oui, quand même, d'accord, ok. » Après, oui, il y a le coup classique, c'est-à-dire que quand t'es en faite roulant et qu'est-ce prioritaire, on te laisse pas passer. Parce que, moi aussi, si je peux faire une carte. Sur le moment, quand j'ai lu ce livre, oui, ça m'a énormément touché. Je me suis dit, mais ça doit changer quelque chose, il faut que je fasse quelque chose. Enfin, voilà, pour moi, c'était important à ce moment-là. Après, au fil du temps, par rapport à la maladie que j'ai pu avoir... On en vient à oublier certaines choses et à se dire que c'est pas si grave que ça et tout. Et oui, c'est en le revoyant, en réécoutant ces chansons, en relisant des passages du livre que je me dis, ouais, non, c'est quand même important. Je pense que ça a changé beaucoup de choses, notamment sur ma façon de penser, sur ma façon de voir le handicap. Parce que j'avais tendance à me dire que j'étais pas handicapé, en fait. J'étais pas handicapé, j'étais pas dans ce monde-là. Parce que, ben oui, ça n'arrive qu'aux autres. Donc du coup, non, ça ne me concerne pas. En lisant ce livre, comme au début il en parle aussi, j'ai pu me mettre à sa place et me rendre compte que, ouais, lui aussi au départ il ne se voyait pas comme handicapé. C'est juste que, ben, au fur et à mesure, on est obligé de l'accepter. Il n'y a plus de choix en fait. Donc c'est à partir de ce moment-là que je me suis dit, ok, c'est bon, je suis handicapé et maintenant il faut l'accepter, il faut vivre avec quoi.