- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du Club de Pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toute Puissante. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Magali Anderson, fondatrice de S4. Bonjour Magali.
- Speaker #1
Bonjour Quentin.
- Speaker #0
Je te remercie d'avoir accepté mon invitation et je vais en dire un petit peu plus sur cette typologie d'épisode. La conversation, c'est une série d'épisodes où des femmes à des postes de pouvoir vont témoigner sur un des obstacles qu'elles ont rencontrés dans leur accession ... ou dans l'art-exercice du pouvoir. Et je suis ravie de t'avoir aujourd'hui parmi nous pour ce rendez-vous ensemble. Je vais en profiter pour te présenter. Magali est au conseil d'administration de Anglo-American et de Capital Coalition et la fondatrice de S4 pour Secret Society of Sustainability Spies. J'adore ce nom. Précédemment, elle était Chief Sustainability and Innovation Officer du groupe Olcim. Magali, tu as passé la majeure partie de ta carrière chez SLB, où tu as occupé des postes de direction opérationnelle et fonctionnelle sur quatre continents. Et tu es diplômée ingénieure mécanique de l'INSA de Lyon. Quel parcours incroyable ! Moi, j'ai travaillé chez SLB, c'est comme ça que je t'ai connue de réputation, parce qu'à l'époque, on ne se connaissait pas toutes les deux. Mais ta réputation te précède, Magali ! Et c'est d'autant plus pour ça que je suis ravie de t'avoir aujourd'hui sur le podcast Toute Puissante, parce que tu es une des femmes qui a été pour moi déjà une inspiration. Et puis au travers de nos conversations, de voir ce que tu as pu vivre, toi, dans ton propre parcours professionnel, je trouve ça absolument inspirant. Surtout qu'on va parler aujourd'hui d'une problématique encore assez taboue dans le monde du travail. c'est celle du harcèlement professionnel. En off, beaucoup de femmes me confient l'avoir vécu et l'impact que ça a pu avoir sur leur vie et leur carrière. Pourtant, on entend très peu de témoignages sur ce sujet. Et ça peut ajouter une forme de solitude, de doute ou de culpabilité aux femmes qui le vivent. Et c'est de ce sujet qu'on va discuter ensemble, Magali. Alors vraiment, merci d'en parler. Alors Magali, le harcèlement professionnel, est-ce que ça t'est arrivé ?
- Speaker #1
Eh bien oui. Oui, oui, tout à fait. Et tu as bien raison, Kauthar. c'est pas un sujet dont on parle beaucoup, parce que ça m'est arrivé il y a quand même une quinzaine d'années, c'était un moment, et comme tu le sais, j'écris beaucoup sur les femmes dans l'industrie, et en fait, je n'ai jamais écrit sur ce sujet-là. Comme quoi, c'est assez intéressant d'écrire sur beaucoup de choses, mais pas sur des sujets comme ça, qui ont eu un impact assez profond sur moi-même, et quelque chose qui a failli me détruire, donc c'est quand même très important.
- Speaker #0
D'autant plus, merci Magali d'accepter d'en parler aujourd'hui. Je sais, pour avoir parlé dans un précédent épisode avec une avocate spécialiste du droit du travail et du harcèlement en particulier, à quel point ces épisodes sont nécessaires, ces conversations sont importantes et à quel point ce qu'on va se dire aujourd'hui va avoir de l'impact sur toutes les femmes qui nous écoutent. Alors Magali, déjà, est-ce que tu peux nous dire comment tu as pris conscience ? Toi, à ce moment-là, donc il y a 15 ans, dans le poste que tu occupais, de ce qui t'arrivait sur le moment ?
- Speaker #1
C'est marrant parce que d'un côté, c'était assez facile d'en prendre conscience parce que les signes étaient assez évidents. Et je reviendrai dessus un petit peu plus tard. Mais par contre, j'ai été dans une forme de déni absolu pendant très longtemps. J'avais beau voir que ça arrivait, je suis extrêmement forte. Je pense que ce n'est pas un secret pour peu de gens. Peu de gens qui m'ont un peu écouté, m'ont un peu connu, ne sont pas ce que de réputation. Je fais partie des femmes qui ont la réputation d'être superwoman. Le mot superwoman, je ne veux pas dire qu'il a été inventé pour moi, mais quasi. Et donc, j'ai survécu le fait de partir à 22 ans sur une plateforme pétrolière, seule femme au milieu de la mer, 80 bons hommes, etc. J'ai fait tous ces trucs-là, Indiana Jones, you name it. Donc, ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible que ça puisse m'arriver. Ce n'était pas possible. que je sois en train de craquer. Je le voyais bien que j'étais en train de me faire harceler. Ce que je ne voyais pas, c'est que j'y répondais, c'est que j'étais en train de craquer. Je pensais réellement, mais non, mais non. Je vais... C'est un mauvais moment passé. J'ai eu des chefs difficiles avant. C'est juste un autre chef difficile. Et puis voilà, quoi. Donc, oui, j'en ai pris conscience parce qu'à un moment... En fait, je te raconte plein de trucs sur ma vie. J'ai eu une mère qui n'est plus là, mais j'ai eu une mère dépressive. quasiment toute mon enfance. Donc, je sais ce que c'est que la dépression. Je fais partie des gens qui ont côtoyé la dépression au quotidien. Et c'est au moment où j'ai reconnu en moi les symptômes de ma maman que je me suis dit, oula, là, il t'arrive quelque chose qui n'est absolument pas normal. Et c'est vraiment ce qui m'a aidée à sortir du déni. Je ne suis pas sûre si je n'avais pas eu cette expérience que j'aurais pu en sortir avant que ce soit trop tard. C'est-à-dire avant, on entend parler de ces... c'est... super, j'allais dire superwoman, oui, mais c'est aussi des supermans parfois, qui s'écroulent du jour au lendemain, du jour au lendemain, ils rentrent dans leur voiture, ils n'arrivent même plus à mettre le... On entend ces histoires-là et on n'y croit pas. Et je pense que j'aurais pu arriver là. J'ai juste eu de la chance à un moment d'ouvrir les yeux. Quand je dis d'ouvrir les yeux, c'est... Par exemple, j'arrivais au bureau le matin, les collègues du bureau, avec qui je m'entendais très bien, qui me disaient « Bonjour Magali, ça va ? » Et je devais retenir les larmes pour leur répondre oui. Et là, tu me dis, c'est quand même pas très normal. Donc voilà, je crois que c'est tout ça. Et puis, c'était aussi qu'au niveau du travail, j'avais l'impression que ça se passait bien. C'est-à-dire que moi, j'avais une tâche à accomplir qui était très, très difficile. On installait un nouveau service dans une région qui était compliquée. Il y a pas mal de gens qui m'avaient dit, « Magali, t'es folle d'avoir pris ce poste, c'est un poste très, très dur, mais si quelqu'un peut y arriver, c'est toi. » Donc, je savais que c'était un poste difficile, je savais que c'était compliqué, mais d'un autre côté, j'avais les autres personnes qui me donnaient l'impression que je faisais un bon job. Donc, j'étais devant ce double discours d'un chef qui me tapait dessus, moralement, pas jamais physiquement, heureusement. Quoique physiquement, ça m'aurait peut-être aidé à ouvrir les yeux plus tôt. Et d'autres collègues, et tout un tas de gens qui disaient « Magali, le travail que tu fais est précieux » . Donc, je crois que ça a retardé aussi la prise de conscience.
- Speaker #0
Merci pour tous ces détails. J'aimerais que tu nous en dises un peu plus sur justement à quel niveau d'avancement de ta carrière tu en étais. Parce qu'on a souvent cette impression que subir un harcèlement pro, ça a lieu au début ou ça a lieu pour... une certaine typologie de profil. Toi, tu nous as expliqué, et de réputation, tu es quelqu'un justement de fort, de solide. J'aimerais que tu nous dises justement, à quel niveau de carrière, à quel moment ça s'est produit ?
- Speaker #1
J'étais à un niveau élevé, très élevé. J'avais déjà été patron de pays, donc dans certaines boîtes, appelent ces postes-là CEO pays. J'avais déjà été en charge d'une région complète. pour une très grosse boîte, en charge de PNL, de grosses équipes, etc. Donc, tu l'as rappelé tout à l'heure, je faisais partie des non connus chez SLB, j'étais déjà à ce niveau-là. Puisque je suis partie assez peu de temps après, finalement. Je suis partie cinq ans après, à peu près. Donc oui, j'étais déjà à un très haut niveau. Et ça fait partie justement du déni, parce que ça ne peut pas m'arriver, ce n'est pas possible. Et ce qui était intéressant, c'est que... Le fait que j'étais déjà à ce niveau-là fait que j'avais la plupart de mes copains, copines, beaucoup le sont encore d'ailleurs, heureusement, étaient des gens de très, très haut niveau. Et donc, je leur parlais librement. Donc, ils savaient, une fois que j'ai ouvert les yeux, une fois que je me suis rendu compte de ce qui se passait, ils savaient, ils savaient ce qui m'arrivait. Donc, même le fait d'être à haut niveau et d'avoir beaucoup de connexions et de pouvoir parler, de pouvoir parler à des gens qui sont en position de pouvoir dans l'entreprise, En fait, malgré tout cela, ils étaient impuissants ou impuissantes par rapport à la situation. Donc, j'étais à un niveau élevé.
- Speaker #0
Ton témoignage est d'autant plus important pour cette raison-là. Et puisque tu soulignes le fait que tu avais des gens à qui en parler, tu étais entourée, on te disait que tu faisais du bon boulot par ailleurs, il y a tous ces éléments qui te soutenaient et qui, finalement, t'ont fait ralentir cette prise de conscience.
- Speaker #1
Oui, quelque part, ça a contribué au délit, c'est sûr. Mais en fait, il y a deux événements. La partie... où je me convainquais que je faisais un... Enfin, j'étais convaincue, je ne sais pas si je me convainquais, tu as un tout très bon français, où j'étais convaincue que je faisais du bon boulot. Là, c'était la partie déni. J'ai commencé à en parler quand j'ai commencé à sortir du déni. C'était à ce moment-là que je me suis dit que j'allais dans les bureaux et que je parlais aux gens, etc. Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que je suis persuadée, et je le suis toujours, que je faisais un bon boulot, mais c'est clair que je n'étais pas arrivée à l'optimum de ce travail. et maintenant je ne suis pas sûre. qu'il y avait un être humain, et ça je dis ça sans aucune arrogance, je dis ça parce que vu mon profil, vu l'expérience que j'avais de cette région, il y avait peu de gens qui avaient l'expérience que j'avais, donc je ne pense pas qu'il y avait beaucoup de gens qui auraient été capables de faire beaucoup mieux que moi. Alors que franchement quand on est chez SLB, on est toujours prêt à dire qu'il y a plein de gens qui peuvent faire mieux que vous, comme je disais, il ne faut pas prendre ça dans un sens arrogant du terme, c'est vraiment que la tâche était quasiment impossible. et donc On me mettait au défi de faire quelque chose qui était quasiment impossible. J'arrivais, on va dire, je dis n'importe où, je n'en sais rien, deux tiers, trois quarts de là où il fallait aller. C'était ce qui me semblait vraiment bien et ce que beaucoup de gens considéraient vraiment très, très bien. Et c'est au moment où il a réussi à me convaincre que cette dernière partie que je n'arrivais pas à fermer, mais de nouveau, il a commencé à me convaincre que je faisais un super mauvais boulot, en fait, parce que je n'arrivais pas à obtenir cet état idéal qu'il avait quelque part imaginé. Maintenant, est-ce qu'il l'avait imaginé ou est-ce que c'était une manière ? Parce que je ne sais pas pourquoi il m'avait prise en grève. Peut-être qu'il m'avait prise en grève parce que j'étais une femme de pouvoir, justement, parce que je parle trop, parce que je fais toujours des vannes au mauvais moment. Je suis la corpe, tu sais, moi je suis celle qui perd la classe et je suis toujours restée. Donc peut-être que c'était ça qu'il n'aimait pas, tout simplement. Il y avait peut-être rien d'autre derrière. mais toujours est-il que c'est au moment où je me suis rendue compte que j'y arriverais jamais Mais où j'ai commencé à penser que je faisais un mauvais job. Et c'est là, c'est ça ce qui a ouvert la boîte, la fameuse boîte de Pandore. Et je peux te donner, je ne sais pas si je te donne des exemples maintenant, mais je peux te donner deux, trois exemples de choses où là tu te dis non, ce n'est pas normal. Une fois, c'était, tu sais, en anglais on dit les appréciations annuelles quand tous les ans tu rencontres ton chef et qu'il te dit tout le bien ou le mal qu'il pense de toi.
- Speaker #0
Oui, les évaluations.
- Speaker #1
Ou qu'elle pense de toi. Les évaluations, merci. donc C'était le moment des évaluations annuelles et l'assistant vient me voir en me disant « Magali, tu n'as pas encore pris rendez-vous avec moi pour les évaluations annuelles. » Je lui dis « Mais quelles évaluations ? » Et en fait, il avait envoyé une email à toute son équipe, mais il avait enlevé mon nom parce qu'il ne voulait pas la faire avec moi. Donc, si tu veux, là, c'est clairement un acte volontaire. Il y a des trucs où tu te dis que c'est une erreur, mais non, là, c'est un acte volontaire. Une autre fois, j'avais galéré pour trouver un moment où j'avais une mission assez importante et il fallait faire un rendu. Il fallait absolument qu'il soit dans ce rendu parce qu'il y avait plein d'autres départements en jeu. Enfin, ce n'était pas que moi. Et vraiment, il n'arrêtait pas de changer la date. Mais au final, enfin, on arrive à se mettre d'accord. J'avais changé l'événement plusieurs fois. Tout le monde avait dû être super flexible, etc. Mais bon, a priori, c'est un grand chef, ça peut arriver. Et il ne se présente pas à l'appel. à l'appel vidéo. Et donc, l'autre personne qui était partie prenante de cet événement, qui lui, n'avait rien à voir, n'était pas dans notre équipe, mais quelqu'un de très élevé dans la boîte, l'appelle et lui dit « Mais pourquoi t'es pas venue ? » « Oh, j'avais envie de faire chez Magali. » Voilà. Et donc, et bien sûr, ça m'est revenu. Voilà, c'était que des choses comme ça. Donc, c'est des choses où tu te dis, bon là, il n'y a plus aucun doute. Toi, je suis très, je suis une personne extrêmement positive et je suis le contrat complet de la complotiste Il faut vraiment que tu me prouves par A plus B plus C plus D plus E plus F plus G avant que j'arrive à croire qu'il y a une mauvaise intention. Je vais d'abord blâmer l'erreur, les tourneries, la connerie parfois. Parfois, c'est juste de la bêtise, tout simplement. Mais j'ai eu beaucoup de mal à imaginer que les gens font des choses intentionnellement, méchamment. Vraiment, ça, je ne veux pas l'admettre. J'ai trop confiance, j'ai trop foi en la nature humaine pour penser que des gens... puissent faire ça volontairement. Mais là, je t'ai donné deux exemples, je pourrais t'en donner plein d'autres. Des fois où il me mentait et quand moi j'allais voir les autres personnes, ils me disaient « ben non » . Une fois, il me l'a même dit, il m'a dit « non, mais je leur ai menti, je leur ai dit ce que je devais leur dire pour leur faire plaisir, mais maintenant, toi, tu vas faire ce que je t'ai dit et c'est le contraire » . Et ça me mettait dans des situations de porte-à-peu pas possibles. Donc oui, il n'y avait vraiment aucun doute. mais Il a fallu donc que j'ouvre les yeux et le fait qu'il était aussi transparent, finalement ça m'a quand même aidé, ça m'a permis de sortir de ce fameux déni. Et c'est pour ça ce qui était intéressant, c'est qu'il était transparent, mais pas que devant moi, devant les autres. Donc c'est pour ça que je pouvais en parler à tout le monde, parce que tout le monde était au courant, parce qu'il ne cherchait même pas à le cacher. C'était assez intéressant.
- Speaker #0
Ça devait être assez particulier à vivre, de reporter à quelqu'un qui a des intentions, ou en tout cas un comportement malveillant, de façon ouverte et complètement transparente. C'est un sacré challenge. Et justement, dans toute cette expérience, Qu'est-ce qui, pour toi, était le plus difficile à vivre ?
- Speaker #1
C'est le fait de ne jamais savoir où j'habitais, de ne jamais savoir ce qui allait arriver, de me sentir complètement sortie de l'équipe. Donc, ça va relativement vite, parce que je ne suis pas restée si longtemps que ça dans ce poste. En fait, quand ça a commencé à aller mal, je me suis rendue compte que c'était une question de survie. Il fallait que je sorte de là. Ce n'était pas possible d'y rester, parce qu'en fait, je crois que c'est dans le déni, ça ne va pas bien, ça va de moins en moins bien. Mais au moment où tu sors du déni, je pense que c'est un peu comme le déni de grossesse. Le jour où tu sors du déni, ton ventre grossisse. Je ne sais pas si c'est le même phénomène, mais du jour au lendemain, vraiment, tout ça s'écroule trois fois plus vite qu'avant. Et donc, je ne peux pas dire ce qui était le pire. Mais oui, ce qui était compliqué, c'est que tu vas tous les jours au travail, la boule au ventre, tu n'as juste pas envie d'aller bosser. Alors que moi, qui ai toujours adoré mon job, je suis toujours... aimer aller travailler. Je ne veux pas dire que je suis contente que l'année arrive, mais quasi. C'était très, très bizarre. Surtout qu'en plus, le job lui-même, je l'aimais toujours autant. Donc, je n'avais pas de problème avec le job, etc. C'était... Je ne savais jamais ce qu'il allait me balancer. Alors après, ce n'était pas... Peut-être que cette position de pouvoir que j'avais faisait que ce n'était pas non plus un harcèlement quotidien. C'était qu'il n'avendait pas des choses. c'était juste qui me bloquait dans mon travail Donc, il n'était pas non plus à débarquer dans mon bureau trois fois par jour. Donc, cette partie-là était tout à fait gérable, par contre.
- Speaker #0
D'accord. Donc, c'est vraiment la certitude sur qu'est-ce qui va encore me tomber sur la figure, sans pouvoir prévoir, sans savoir. Et en se disant, en fait, ça peut être tout et n'importe quoi, vu que je sais qu'il est capable et qu'il a une intention.
- Speaker #1
Puis, ce n'est pas rationnel. c'est à dire que Moi, je suis plutôt pragmatique dans mon job, donc je ne suis pas très émotionnelle. Moi, je fais des choses, j'adore tout ce qui est scientifique. Voilà, il y a une logique, une raison, un pragmatisme qui fait que les choses doivent être comme ça. Point, il n'y a pas d'émotion dedans. Enfin, je peux être émotionnelle avec les personnes, mais pas au niveau du boulot, quand il faut mettre un plan d'action. Donc, c'est pour ça, c'était des choses qui venaient, qui n'étaient pas rationnelles. Donc, c'est très difficile à argumenter.
- Speaker #0
Oui, ou à expliquer, ou à comprendre. Oui, je comprends. Tu as dit que ce n'était pas très long. Ça a duré combien de temps ? Et qu'est-ce qui t'a aidé à traverser ce moment ?
- Speaker #1
Je ne sais plus à combien de temps ça a duré. Le poste lui-même a duré un certain temps, mais la période entre la fin du déni et le départ, ça, ça a duré quelques mois. Et en fait, ce qui m'a aidé, c'est le fait de pouvoir en parler. Parce que même si les gens se sentaient assez impuissants à m'aider, Ils étaient quand même là, ils étaient près de moi, ils m'écoutaient, ils étaient toujours prêts à me donner du temps. Donc ça, ça a été super, je me suis sentie au contraire aimée et entourée. Donc ça, ça fait un bien monstrueux. On a vraiment besoin que les gens t'écoutent et te croient. C'est-à-dire qu'ils ne cherchaient pas à mettre les choses à perspective, à dire peut-être que toi tu as eu tort pour ci, pour ça. Peut-être qu'ils le pensaient, je ne sais pas. Mais à aucun moment... ils ont essayé de me remettre la faute sur moi c'est pas comme la fille qui se fait agresser on dit t'avais pas le cap de porter une mini jupe ce genre de choses on me l'a jamais fait ça ça m'a beaucoup aidé et puis ce qui m'a aidé c'est qu'on m'a aidé à m'en sortir tout simplement, c'est à dire que je suis allée voir la RH du groupe que je connaissais assez bien comme je naviguais à ces niveaux depuis un moment je connaissais à peu près tout le monde on est parti déjeuner ensemble j'ai dit faut que je te parle j'avais fait une démarche de CV dès je commençais à... à contacter les chasseurs de tête, etc. Elle était vraiment... J'ai décidé de partir. Et je suis allée la voir. On a déjeuné ensemble. Et j'étais en pleurs la moitié du déjeuner. Donc, c'était... Je pense qu'elle a compris assez vite. Et là, elle m'a dit, bon, je vais te bouger. Et elle m'a bougé assez rapidement après ça. Elle a bien compris que j'étais proche du point de rupture. Et je pense qu'elle m'a aidée. Alors, il faudrait lui demander à elle pourquoi. Mais je pense qu'il y avait plein de raisons. Il y avait... Déjà, parce que c'est humain d'aider quelqu'un qui est en souffrance, c'est quand même... une chose à faire. Et puis, quelque part, ça n'aurait pas été terrible au niveau de l'image de la boîte, de quelqu'un de mon niveau qui craque clairement à cause d'une autre personne. Il aurait certainement fallu faire des choses à cette personne. Tu vois, j'étais trop connue. tu le disais toi-même, tu me connaissais. J'étais trop connue pour pouvoir enterrer ça sous le tapis. Donc, il fallait faire quelque chose.
- Speaker #0
Et tu étais connue, puis tu connaissais du monde aussi dans la boîte.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Donc, ça aide aussi, je suppose.
- Speaker #1
Voilà. Donc, elle m'a bougée, elle m'a mise dans un service où là… Le poste était très intéressant d'ailleurs, donc je ne regrette pas le poste. Mais ce qui était surtout en particulier par rapport à ce service, c'est que les gens qui étaient dedans n'étaient que des gens extrêmement bienveillants. Donc, je ne sais pas à quel point elle m'avait mise dans ce service-là pour le poste. OU pour l'environnement, mais en tout cas, je me suis retrouvée dans un cocon de gens extrêmement bienveillants.
- Speaker #0
Ah, top ! Et comment ça se passe, une fois justement que tu sors de cette équipe initiale, de cette division, qu'est-ce que tu mets en place pour te reconstruire ? Comment ça se passe ?
- Speaker #1
En fait, c'est ce qui est intéressant, c'est que quand tu sors, donc quand on te sort du feu, toi t'es dans le feu, là t'es en train de griller, ça va même pas, t'as très chaud, t'es en train de brûler. Quand tu sors du feu, on pourrait penser... que ça y est, tout va bien, c'est fini. On a enlevé le feu, donc tout va bien. Écoute, je ne sais pas comment ça se passe quand on est brûlé, mais ça ne se guérit pas aussi vite que ça. Et là, c'est la même chose. En fait, une blessure morale, parce qu'une blessure morale, un traumatisme, je ne suis pas du tout une experte du traumatisme, donc je suis sûre qu'il y a des experts qui pourraient expliquer ça bien mieux que moi. Mais ce qui est clair, c'est que tu ne t'en sors pas tout de suite, si vite que ça. Et puis, tu te remets énormément en question. c'est-à-dire que maintenant que tu as un peu de temps pour réfléchir, tu es un peu apaisé, tu te dis « Mais pourquoi j'ai craqué en fait ? » Et tu n'arrives plus à revoir, tu ne comprends pas pourquoi tu as craqué, parce que de nouveau, tu es une femme forte, donc tu n'as pas de raison de craquer, ça n'aurait pas dû te faire craquer. Et puis j'avais l'habitude de ces rapports très, entre beaucoup de guillemets, très virils, parce que c'est comme ça qu'on était dans la boîte, tout le monde se parlait comme ça, donc il n'y avait pas de raison. Et en fait, cette partie-là a été extrêmement compliquée, quasiment plus compliquée que la partie d'avant. Parce que maintenant, par contre, je ne pouvais plus me plaindre. C'est-à-dire qu'autant avant, tout le monde était prêt à m'ouvrir grand, leurs bras, leur bureau, leur cœur, tout, tout, et à m'écouter, autant là, c'était bon, c'est bon, Magali, ça va. La boîte a fait un gros effort pour te bouger rapidement, on t'a mis dans un cocon, et c'est quoi ton problème ? Pourquoi tu te plains maintenant ? Finalement, tu n'es peut-être qu'une géniarde, finalement, tu vois ? Alors que toi, tu ne vas pas beaucoup mieux. Enfin, oui, tu n'es plus dans le feu, mais tu as encore que ça à brûler. Et donc, c'est assez compliqué parce que, je ne vais pas dire que c'est plus compliqué, mais quasi, tout le monde s'attend à ce que tu ailles mieux. Et puis, il n'y a pas de raison que tu n'y ailles pas. Eh bien non, je n'allais pas mieux. Mais là, je ne pouvais plus en parler. Là, il fallait que je le garde en moi-même. Donc, ce qui m'a aidée à m'en sortir, plusieurs choses. Déjà, j'ai décidé de me recentrer sur moi. Donc, j'ai fait un petit régime, j'ai fait du sport. Bref, je me suis pouponnée. Je me suis pouponnée, j'ai passé du temps pour moi. et le genre de choses qu'on se... qu'on a tendance à un peu négliger. Et puis, je crois que ce qui était compliqué, c'était le fait que j'étais restée dans le même environnement. J'avais bien changé d'équipe, mais j'étais dans les mêmes bureaux, dans les mêmes environnements, etc. Donc, ce n'était pas… Et là, ce qui m'a aidée, c'est que je suis partie. En fait, on m'a proposé un travail à l'étranger. Enfin, toujours la même boîte, mais un transfert à l'étranger qui était à plusieurs milliers de kilomètres. et je suis partie, j'ai vécu dans beaucoup de pays et en fait ça c'était un renouveau, c'était de ne plus voir les têtes dans le couloir même couper avec les gens qui avaient été gentils avec moi parce que même eux ils te rappellent quelque part de façon très bienveillante mais malgré tout c'est toujours les mêmes personnes, ils savent ce que tu viens de traverser donc tu ne sais pas trop ce qu'ils pensent de toi, tu ne sais pas si ils te regardent avec un peu de pitié donc vraiment c'était de partir et c'est pour ça si je dois donner un... Je ne sais pas si je suis en position de donner des conseils parce que je pense que chaque cas est très différent, mais il faut partir. Il faut partir de l'équipe et si on peut partir physiquement, c'est encore mieux. Je crois que c'est moi ce qui m'a vraiment aidé, ce qui m'a remis sur pied, c'est le fait de partir.
- Speaker #0
C'est hyper précieux ce que tu expliques sur l'après, parce que je pense qu'on ne se rend pas compte avant d'avoir vécu soit un harcèlement, soit... n'importe quelle autre forme de trauma, l'image que tu utilises de grand prudé, c'est exactement ça. Et ça permet de se dire, déjà d'avoir cette prévenance vis-à-vis de soi et puis vis-à-vis des personnes de nos équipes qui peuvent vivre quelque chose de similaire, de prendre conscience que ce n'est pas parce qu'on a sorti la personne... Sortir la personne du feu, c'est essentiel, c'est nécessaire, c'est essentiel, mais ce n'est pas encore suffisant. pour s'attendre à ce que la personne soit opérationnelle et aille bien du jour au lendemain. Et puis l'autre clé que je retiens, c'est que souvent dans ces situations-là, quand on prend la personne qui a été touchée, la victime, disons, et qu'on la bouge, ça peut être vu aussi comme un peu injuste parce qu'elle ne va pas forcément bouger à un poste de même niveau ou parce que tout ce qu'elle aura mis comme effort... de networking ou de se construire un réseau local, elle va le perdre. Et là, toi, tu nous dis qu'en fait, c'est ça quand même qui t'a permis.
- Speaker #1
En fait, c'est ce qui a sauvé. Et ce poste à l'étranger, c'était un poste qui était inférieur au niveau où j'étais. Et c'est pour ça qu'ils ne me l'avaient pas proposé, d'ailleurs. C'est une copine à moi qui était vraiment, qui était très, très proche de moi dans mon service, qui, elle, était allée voir les chefs en disant, je crois qu'on ne doit pas lui proposer. Et je la remercie encore. Je la remercie beaucoup. beaucoup de fois. Je crois que c'est ce qui... Enfin, ils ne pensaient pas que j'allais accepter un poste plus bas. Mais finalement, un poste plus bas, c'était passionnant parce que ça permet de partir puis ça permettait de revenir à du vrai concret. Tu sais, plus tu montes, moins tu fais de concret et plus tu es dans l'élaboration de stratégies très importantes. Plus tu es dans le concret, plus tu as les mains dans le cambouis. Enfin, moi, c'est là où je suis mieux. Donc, ça m'a permis de renouer avec ça. Et le fait que, finalement, j'ai passé plus de la moitié de ma carrière à l'étranger. Donc, pour moi, l'étranger, ce n'est pas pareil. Mais je suis très d'accord avec toi que ce n'est pas normal que ce soit la personne harcelée qui doit partir. Donc, on pourrait faire un parallèle avec les VSS, les violences sexistes et sexuelles, où c'est la femme qui doit quitter son logement quand c'est le partenaire des deux qui subit les violences qui quitte le logement. C'est normal. c'est un peu le même débat. Moi, je ne l'ai pas du tout pris comme ça, parce qu'elle était très contente d'aller découvrir un nouveau pays, c'était temps pour moi de repartir à l'étranger, j'adore être à l'étranger, donc ça, dans mon cas, je ne l'ai pas ressenti comme ça, mais je peux comprendre qu'on puisse le ressentir comme ça, effectivement.
- Speaker #0
Et c'est très intéressant aussi de voir, justement, ce que ça peut apporter et que ça peut marquer un renouveau, marquer une nouvelle étape, et donc... possibilité de se reconstruire.
- Speaker #1
Voilà, c'était ça. Puis en plus, d'un point de vue personnel, ça correspondait à l'année où mes deux filles quittaient le nid en même temps, donc abandonnaient lâchement leur maman, et donc partir à l'étranger pour ne pas faire face au nid vide et faire face à un nouvel environnement, c'était aussi très sympa. Donc ça correspondait à plein de choses, donc en fait, le timing était très bon.
- Speaker #0
Top, top, top. Et après coup, maintenant en y repensant, en quoi cette expérience t'a changé ?
- Speaker #1
Alors... Déjà, elle m'a changée en apprenant que je ne suis pas un vacille. C'est bête, mais avant, j'avais toujours cette image. Balancez-moi les obstacles, je vais y arriver. Je vais les prendre un par un, je vais y arriver. Parce que ce que j'ai vécu en termes de carrière, je me suis beaucoup battue et je n'ai pas eu énormément de failures. Ça m'a plutôt réussie. Du coup, je n'étais pas habituée à l'échec. Et quelque part, c'était un échec, le fait que je ne réussisse pas cette relation, etc. Donc, savoir que je ne suis pas invincible, que l'échec peut m'arriver, ça, c'était une leçon extrêmement importante. Et c'est une leçon très importante pour le reste, parce que je me suis dit, après ça, ça ne m'arrivera plus. Mais cette fois, je sais que je n'aurai pas la même période de délice, parce que je sais que je peux m'effondrer. Donc, je suis beaucoup plus attentionnée à tous les signaux qui peuvent m'arriver. et comme je suis absolument persuadée que la seule solution, c'est de partir. Et tu sais, c'est partir sans regarder derrière. Je veux dire ça, parce que c'est important. Je m'entoure des femmes, et j'ai une femme avec qui j'ai discuté, qui me parlait d'un événement assez similaire et qui me disait, ça m'énerve de savoir qu'il va s'en sortir si bien. Et je disais, mais oui, il va s'en sortir très bien. Et il faut non seulement que tu la sais, mais que tu passes à autre chose. Parce que... Le fait de penser à ça et d'essayer de trouver une revanche, quelle que soit cette revanche, au final, je sais que c'est horrible ce que je vais dire, mais quelque part, toi, ça te garde dans cet esprit. Ça te garde dans cet esprit négatif et tu continues à tourner autour de ce sujet. Et dans la société actuelle, malheureusement, on sait que les chances qu'on arrive à avoir sa revanche sont quasiment nulles. C'est triste, mais c'est comme ça. Et donc, il vaut mieux, c'est finalement lui donner une victoire supplémentaire, de gâcher sa vie ensuite. à se battre pour quelque chose qu'on n'obtiendra pas. Et donc la meilleure... J'ai lu quelque part que finalement, le pardon était la pire chose que tu puisses faire à ton ennemi. Parce que justement, en le pardonnant, tu lui montres que...
- Speaker #0
qu'il n'est plus dans tes pensées, que tu l'as sorti de ta vie et que toi, tu es passé à autre chose et que tu as réussi à redevenir heureuse. Et je crois que c'est... Je ne sais pas si... J'ai trouvé ça très intéressant, cette phrase, parce que je me suis dit, finalement, je ne vais pas dire que je l'ai pardonné, ce n'est pas le mot, mais j'ai décidé de l'oublier. J'ai décidé de passer à autre chose et de ne plus y penser.
- Speaker #1
Waouh ! C'est vrai qu'on n'en a pas parlé du tout de l'épisode parce que, finalement, peu importe ce qui est arrivé à cette... personne, pardonner, c'est te donner l'autorisation à toi de larguer les amarres et de continuer ta vie.
- Speaker #0
Exactement. C'est exactement ça. Et il faut le voir par rapport à soi-même. C'est-à-dire que c'est vraiment un moment où il faut dire, la seule chose qui compte, c'est moi, là, tout de suite. Parce qu'il faut que je m'en sorte, il faut que je survie à ça. Et donc, je me concentre entièrement sur moi et plus je le garde dans mes pensées, oui, c'est une encre qui te... carte qui t'empêche de partir.
- Speaker #1
C'est hyper intéressant. Et aujourd'hui, qu'est-ce que tu ferais différemment dans une situation pareille ?
- Speaker #0
Je ne suis pas sûre que je pourrais faire beaucoup de choses différemment parce que je ne pense pas qu'il y ait grand-chose dans mon pouvoir. En dehors du fait évidemment, la période de déni aurait été beaucoup plus courte. Si ça devait m'arriver de nouveau, si je devais être remise dans cette même situation, c'est juste ouvrir les yeux beaucoup plus tôt et affronter le sujet. avoir le courage d'affronter ce sujet beaucoup plus tôt. Et si on ne peut rien faire, ce qui était mon cas, en tout cas, je n'ai pas du tout, même maintenant, je ne sais pas du tout ce que j'aurais pu faire, partir plus tôt. En fait, plus tu pars tôt, moins tu as eu le temps d'être blessé, traumatisé, affaibli, etc. Si tu veux, ça fait une partie des choses. Tu sais, quand j'ai dit tout à l'heure que je n'en ai pas parlé pendant longtemps, c'est parce que, quelque part, tu restes cette personne qui a un jour attaqué, donc qui a été faible. et qui, pour les recruteurs, on reste dans un monde qui, pour moi, est une grosse erreur, mais le leadership est associé à être des gens alpha extrêmement forts, donc tu n'es pas fort, donc tu ne peux pas être un leader ou une leader, ce qui, pour moi, est complètement faux. Je trouve que la progression du leadership, ça devrait être des gens beaucoup plus inclusifs, qui ont des faiblesses et qui, justement, bâtissent sur ces faiblesses pour devenir d'autant plus forts. Mais voilà, je pense que c'est ça. Je pense que la seule chose que j'ai peut-être à refaire, ça aurait été de sortir de mon déni beaucoup plus tôt.
- Speaker #1
Est-ce que justement, tu as l'impression que cette expérience, elle a fait grandir ton leadership à toi ?
- Speaker #0
Oui, je pense. Je pense parce que tu es déjà beaucoup plus à l'écoute. Donc, je suis quelqu'un qui pousse beaucoup ses équipes. Mais par contre, tu essayes de ne pas aller jusque-là. En tout cas, pas de manière intentionnelle, comme c'était le cas. Donc, je pense que j'ai grandi, mais aussi, ça a laissé une petite place d'insécurité en moi quand même. C'est-à-dire que je ne suis plus la toute puissante, ce sera un joli titre de podcast. Je ne suis plus la toute puissante que je pensais être. Je suis très puissante, mais pas toute puissante.
- Speaker #1
J'aime beaucoup ça comme titre, comme mot de la fin. C'est intéressant parce que ce titre de toute puissante, il fait référence à la... toute puissance, mais il fait aussi référence à l'inclusivité. Nous sommes toutes puissantes.
- Speaker #0
Alors là, c'est toute puissante au singulier. Donc c'est différent. Je ne suis pas toute puissante, mais je suis très puissante.
- Speaker #1
Une réflexion qui me vient. Est-ce que finalement la puissance ne se mesure que à la capacité à supporter ce genre de situation ? Ou est-ce que justement le fait de partir, le fait d'avancer... Ce n'est pas justement une forme de puissance.
- Speaker #0
Moi, je suis persuadée que les leaders de demain doivent être des gens qui ont des cicatrices et qui sont devenus des gens meilleurs, c'est-à-dire qui ne sont pas justement des alphas. Aujourd'hui, quand tu parles aux jeunes et que tu leur demandes ce qu'ils attendent des entreprises, un des mots qui revient beaucoup, c'est le mot vulnérabilité. C'est-à-dire qu'ils veulent voir des leaders vulnérables et ce qu'ils entendent par là, c'est des gens qui vont être prêts à dire « j'ai besoin de votre aide, vos idées sont aussi bonnes que les miennes » , etc. Pour qu'eux se sentent utiles au niveau de la boîte. Et parfois, quand je pense à certains des chefs passés que j'ai eus, j'ai du mal à associer le mot vulnérabilité avec eux en toute franchise.
- Speaker #1
Justement, qu'est-ce qui fait, tu nous as dit au début de la conversation, que tu n'en avais jamais vraiment parlé ? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, tu avais envie d'en parler au micro ?
- Speaker #0
En dehors de parce que tu me l'as demandé ? Non, je pense que... Non, j'aurais pu en parler un peu avant, en toute franchise. Il y a eu le temps de la guérison. Puis après, tu restes fragile pendant un moment. J'en ai parlé une fois, ça s'était bien passé. Mais ce n'est pas non plus quelque chose que tu mets sur la place publique en permanente. Mais j'en parle en privé assez facilement maintenant. Mais c'est vrai que je n'avais pas eu plus que ça l'opportunité d'en parler en public comme on est en train de le faire là. Donc, il y a un peu le fait que tu m'aies demandé d'en parler, ça en fait partie. Non, il n'y a pas un tabou là-dessus parce que c'est marrant. Une fois, j'ai été interviewée. sur un sujet presque similaire qui est le syndrome de l'imposteur. Et la femme qui m'interviewait me disait, « Tu n'es pas obligée de dire que ça t'est arrivé, tu peux parler de quelqu'un d'autre. » Et j'ai dit, « Non, non, non, je vais expliquer ce qui m'est arrivé. » Et elle m'a répondu, « Tu es la première femme senior que j'interview qui accepte de dire que ça lui était arrivé. » Et je lui ai dit, « Oui, c'est un peu le problème, c'est parce que nous, les femmes qui avons réussi à atteindre un certain niveau, on s'est tellement, tellement battues que quelque part, en se disant, on ne peut pas... pas se permettre de montrer la moindre faiblesse, parce que si on montre la moindre faiblesse, tout ce travail qu'on a fait toutes ces années à montrer qu'on était aussi fort qu'eux, et bien ça va être gâché. Moi, je crois que j'ai passé un cap par rapport à ça, déjà depuis quelques années, où je dis, au contraire, je me bats pour dire que ce qu'il faut, c'est accepter un leadership différent. Et un leadership différent, c'est pas une histoire de genre, c'est pas un leadership masculin par rapport à un leadership féminin. C'est un leadership qui accepte une certaine vulnérabilité. qui acceptent de dire qu'ils n'ont pas toujours raison par rapport à un leadership où le chef a toujours raison, article 1, article 2, si tu n'es pas d'accord, te reporter à l'article 1. Ça, non, ça devrait faire partie du passé.
- Speaker #1
Génial. Je bois tes paroles et j'adore ce message. Je pense que c'est en effet ce qu'on voit advenir dans le leadership de demain et ce, quel que soit le genre, quelle que soit l'origine. Et tous les autres critères, c'est quelque chose, je pense, qui compte de plus en plus pour les générations à venir.
- Speaker #0
Et quand tu entends des milliardaires te parler d'énergie masculine qui doit revenir dans l'entreprise, tu te dis que non, c'est des gens qui vont plutôt à contre-courant.
- Speaker #1
On est d'accord, je pense qu'on a entendu les mêmes. C'est déjà la fin de cet épisode, Magali. C'était vraiment passionnant. merci pour ce partage.
- Speaker #0
Merci à toi, Kauthar, de m'avoir interviewée et puis de m'avoir permis de faire mon coming out sur mon harcèlement professionnel.
- Speaker #1
Avec plaisir. C'est déjà la fin de cet épisode. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance. Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés. inspirée et prête à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kauthar Trojet et vous avez écouté Toute Puissance. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. À très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.