- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans le quatrième épisode de Trajectoire. Notre invitée Karine Rossignol, cofondatrice de Smart Immune, va évoquer son expérience et son parcours dans le secteur de la tech. Mais avant de lui donner la parole, nous accueillons dans le studio Kevin Dallin, directrice du centre d'expertise digitale de KPMG, qui est le sponsor de ce podcast. Kevin nous donne quelques clés pour comprendre pourquoi les femmes sont encore peu nombreuses dans la tech. Bonjour Kéven, on sait que les femmes sont sous-représentées dans la tech aujourd'hui. Pourquoi ?
- Speaker #1
Alors on peut sans doute trouver plusieurs causes, mais l'une des raisons les plus déterminantes, elle tient Ausha que les jeunes filles font durant leurs études. Souvenez-vous, en 2021, l'Ipsos nous indiquait que seulement 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s'orienter vers les métiers du numérique, contre 61% des garçons. Quand on sait que les parents sont les principaux prescripteurs en matière d'orientation, c'est nécessairement une cause. à ce phénomène que l'on observe quelques années plus tard.
- Speaker #0
Mais est-ce qu'on peut mieux informer les jeunes filles sur les filières scientifiques ?
- Speaker #1
C'est en tout cas ce que l'on tente de faire à notre échelle chez KPMG. Nous menons tout au long de l'année des actions concrètes auprès des étudiants, dans les écoles, dans les universités, justement pour faire connaître les métiers du numérique et accroître leur attractivité et ainsi contribuer à changer le regard des jeunes femmes dans ce secteur. On s'appuie notamment sur des témoignages de nos collaboratrices et collaborateurs qui vont à la rencontre des étudiants.
- Speaker #0
Bonjour et bienvenue à l'écoute de Trajectoire. Dans chaque épisode, le club HEC We and Men donne la parole à une femme reconnue dans son secteur d'activité et décidée à faire bouger les lignes. Trajectoire, c'est 20 minutes pour découvrir un rôle modèle et ça commence tout de suite. Je suis avec Karine Rossignol, l'ambassadrice HEC WeAndMen que je vous fais découvrir aujourd'hui. Karine est cofondatrice et CEO de Smart Immune, une biotech qui développe une thérapie cellulaire capable de réarmer le système immunitaire en moins de 100 jours. C'est une véritable révolution pour les patients immunodéprimés, parmi lesquels les malades du sida ou les personnes atteintes de cancer. Petite Karine, tu rêvais d'être... égyptologue, fasciné par une reine d'Egypte devenue pharaon que je te laisserai nommer après. Aujourd'hui, tu traces ton propre destin de pionnière. Après avoir guéri d'une maladie auto-immune alors que tu étais pré-adolescent et après avoir vaincu un cancer, tu t'es donné pour mission de transformer l'immunothérapie pour les générations futures. En 6 ans, tu as dirigé une équipe de 35 experts, tu as levé 30 millions d'euros et tu as su convaincre la fondation Bill et Melinda Gates d'investir en France. Tu as mené Start Immune jusqu'aux essais cliniques, le tout dans un secteur encore largement masculin. Résiliente, engagée, inspirante, Karine fait incarner une nouvelle façon de faire de la science et de gérer une entreprise. Je suis Daphné Sogretin, directrice des contenus HEC Éditions et je suis ravie d'accueillir Karine Rossignol. aujourd'hui ambassadrice HEC Waynham. Bonjour Karine.
- Speaker #2
Bonjour Daphné.
- Speaker #0
Merci d'être avec nous aujourd'hui. On l'a vu, tu l'as dit dans une vidéo que tu as été patiente toi-même et on en parlait un peu plus tôt. Quel rôle cette expérience a joué dans la création de Smart Immune ?
- Speaker #2
Je pense que ça a été décisif. On ne devient pas entrepreneur par hasard, on devient entrepreneur en général pour relever un défi ou un problème, quelque chose qui nous a manqué ou quelque chose qu'on a vécu. La naïveté de croire que les entrepreneurs contribuent à changer le monde, en tout cas leur meilleur. C'est le message en tout cas que j'aurais envie de donner à nos jeunes camarades HEC. Et il faut être en accord avec ces valeurs et un jour, c'est évident, il faut créer la société pour apporter cette solution plus vite et résoudre le problème concerné. Donc oui, ça a été extrêmement fondateur et pour plein de choses. Je dirais même que ça a été une chance.
- Speaker #0
Une chance ?
- Speaker #2
Oui, parce que j'ai envie de croire que quand... on est affecté par une épreuve et qu'on a la chance d'être entouré de beaucoup d'amour, on va chercher en soi des choses qu'on n'est pas obligé d'aller chercher si tout va bien. Et si vous avez justement cet entourage qui vous nourrit, ça peut vous structurer et vous donner une énergie qui va être un atout pour la suite.
- Speaker #0
Grâce à tout ça, ou en tout cas avec tout ça, tu as cofondé Start Immune qui a développé Pro-T-Cell, c'est comme ça que tu dis ? C'est une plateforme de thérapie cellulaire qui permet de réarmer le système immunitaire avec une approche vraiment loin des approches traditionnelles. On dit que vous faites en 7 jours ce que la moelle osseuse peut mettre 15 mois à faire. C'est fascinant ?
- Speaker #2
C'est absolument fascinant et je le dis d'autant plus que moi, je n'ai aucun mérite. J'ai rencontré deux femmes extraordinaires. Je ne peux pas m'empêcher de... de rendre hommage à nos talents scientifiques, aux féminins, Marina Cavazana et Isabelle André, qui sont hyper connues dans leur domaine, et parce que Marina est clinicienne, elle est pédiatre immunologiste, elle n'est qu'un enfant malade, et que c'est une des grandes spécialistes de ces déficits immunitaires qu'on connaît plus souvent comme le terme de bébé bulge. C'est ces enfants qui naissent sans système immunitaire et qui meurent dans leur première année de vie. Si on ne trouve pas un moyen de leur en apporter un nouveau qu'ils n'ont pas. Et Marina, elle a la rage de guérir. C'est-à-dire qu'elle ne supporte pas de ne pas trouver de solution. Et je pense qu'on est toutes les trois pareilles. Et parce qu'elle perdait ses bouts de choux dans cette première année de vie en faisant ce reset de système immunitaire. Parce que quand on apporte un nouveau système immunitaire, on ne peut pas apporter des cellules qui sont déjà matures. Sinon, elles vont attaquer le corps du bébé. Donc la seule façon de le faire, c'est de leur donner des nouvelles cellules qui sont compatibles avec leur nature de tissu, celle du papa, de la maman, du frère, et de les éduquer pour les rendre capables de les défendre. Donc de transformer, j'allais dire, un frontassin en général. Et ça, la moelle osseuse transforme donc ces cellules chouches sanguines en ce qu'on appelle un progéniteur de l'infocyté. C'est-à-dire que quand le mini James Bond est prêt à aller chercher sa license to kill, il met 12 mois. Et pendant cette fenêtre-là, tout peut se passer. C'est-à-dire que c'est là où les bébés se font des infections virales, ou alors se font des problèmes de, on appelle ça de graph-vacu-srose-disease, c'est-à-dire de réaction aux cellules. Et là, tout peut basculer. Et parce que c'était insupportable de perdre ces enfants-là pendant cette fenêtre de vulnérabilité, Marina a eu l'idée de dire, mais finalement, est-ce qu'on ne pourrait pas faire ce que la nature a inventé, mais au lieu de le faire en 12 mois, le faire en beaucoup moins de temps ? pour du coup diminuer le risque. Et c'est ce système-là qui a été breveté, inventé au sein de l'Institut des maladies génétiques, j'imagine, par ces deux femmes exceptionnelles. Et c'est ça que l'aventure a commencé. Moi, j'étais secrétaire générale de l'Institut, je levais des fonds auprès de mes saines, donc on en profite, pas seulement, mais aussi. On a levé 183 millions d'euros avec Alain Fischer, Arnaud Munich, Marina, pour l'Institut des maladies génétiques. Pour monter un institut de 20 000 m², Jean Nouvel comme architecte, j'apprenais quelque chose tous les jours, 10 ans, 183 millions d'euros levés, c'était extraordinaire. Et cette techno qu'elles avaient inventée était hyper facile à comprendre. Chaque agent menait un mécène dans leur labo, j'étais sûre de repartir avec un chèque. Et j'en avais dit, vous ne pouvez pas vous contenter de faire ça. Avec les structures publiques, ça ne va pas assez vite. Vous allez vous faire doubler. Elles étaient les premières dans leur domaine, j'ai dit de créer une boîte. Entre temps, je me suis fait recruter par la fondation pour l'audition. La famille Bettencourt-Schweller qui voulait monter sur la malentendance, l'équivalent de ce qu'on avait monté à Imagine sur les maladies génétiques de l'enfant. Et elles sont venues me trouver en me disant, ça faisait six mois que j'avais commencé avec Jean-Pierre Miller, c'est Françoise Bettencourt, elles sont venues me trouver en me disant, Karine, t'avais raison, on va créer une boîte. Et il n'y a qu'à toi qu'on fait confiance, donc on veut le faire avec toi. Je me dis, oui, mais moi j'ai un job à plein temps, je viens de commencer, je ne peux pas lâcher Jean-Pierre Miller, c'est comme ça. et donc comme je suis hyper transparente ça fait à la fois partie de mes qualités et de mes défauts Je lui ai dit, je lui ai demandé l'autorisation de le faire. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas m'en empêcher, qu'il me faisait confiance. Donc pendant trois ans, bosser pour la fondation pour l'audition, pasteur, la PHP, livrer un bâtiment, recruter les chercheurs, etc. dans la journée. Et le soir, la nuit et le week-end, c'était Smart Immune. Puis au bout d'un moment, je me suis rattrapée par mon grand âge. J'ai 56 ans, donc j'en avais, ça fait presque six ans maintenant, 51 à l'époque. Et j'ai expliqué à Jean-Pierre que c'était un rendez-vous personnel que je ne pouvais pas manquer. Et que maintenant que l'Institut de l'audition et la fondation étaient lancés, je pouvais me consacrer à plein temps à Smart Immune.
- Speaker #0
Tu as mis sur pied leur projet et puis tu t'es rapprochée de Smart Immune, ton bébé.
- Speaker #2
Oui, on va dire ça comme ça.
- Speaker #0
Et donc en six ans, tu as constitué une équipe d'experts, tu as levé des millions, tu en as parlé, et tu as lancé ces deux instituts. Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans cette construction ?
- Speaker #2
Je pense que c'est Smart Immune. Peut-être parce que le défi qu'on s'est lancé était juste gigantesque. C'est Hélène Johnson. première femme élue présidente en Afrique, qui disait, qui dit, parce que j'ai entendu le dire à 80 ans, elle était extraordinaire, « Si vos rêves ne vous font pas peur, c'est qu'ils ne sont pas assez grands. » Et vous voyez, ce n'est pas une aspirine qu'on a lancée là. C'est vraiment un nouveau type de cellules qu'on n'était pas capable d'apporter en clinique. Et on dépoussière, on essuie des plâtres, on expérimente, on se trompe souvent. Il faut réajuster, se réinventer, il faut tenir, croire à son projet envers et contre tout. Aller chercher de l'argent là où il est, c'est-à-dire ne pas hésiter à aller aux US quand c'est nécessaire, en Arabie Saoudite s'il le faut, en Chine si besoin. Et puis tenir son équipe malgré le manque de financement, parce que quand vous avez les premiers résultats... d'un bébé qui retrouve une immunité et une vie normale à 4 mois. Il était tout petit. Vous avez la trouille. Parce que c'est quand même une première... On ne sait pas. Ça marche chez la souris, mais ce n'est pas pour autant que c'est sûr que ça va marcher chez l'homme. Et que ça y est, il a retrouvé son système immunitaire. Il va avoir une vie normale. Il va sortir de sa bulle. Il peut être vacciné. À un an au lieu de 3 ans d'habitude. Il va pouvoir aller à l'école. C'est une poussée d'adrénaline, de joie profonde. mais je pense qu'il n'y a guère que l'entrepreneuriat qui peut apporter ça.
- Speaker #0
Je me dis... Alors, pourtant, la réalité n'est pas si facile. Les fonds ne suivent pas forcément l'honorabilité d'une cause et du projet que tu mets sur place. Et Start Immune, aujourd'hui, est en redressement judiciaire suite à des difficultés financières, malgré le soutien de plusieurs investisseurs, parmi lesquels la fondation de Bill et Melinda Gates. Les modalités d'investissement dans les startups, est-ce qu'elles seraient peut-être inadaptées à la recherche médicale ? où le temps de développement, le montant des investissements sont plus élevés. Est-ce que ça peut être ça la réponse ?
- Speaker #2
Je pense que c'est une des réponses. Je pense qu'en France, on est très très bon pour l'amorçage. C'est assez facile de trouver des budgets, ce qu'on appelle les E-Lab, des premières enveloppes qui te permettent de recruter ton premier salarié, de générer tes premières datas chez la souris. Moi, je parle de ce que je connais là, qui est la recherche biomédicale. Par contre, une fois que tu as ces premières datas et que... il faut dépenser plusieurs millions, voire dizaines de millions pour passer en clinique. Parce que le passage de la souris à l'homme nécessite, et c'est normal, tout un tas de contraintes réglementaires qu'il faut adresser. Puisqu'encore une fois, si vous faites de la vraie innovation, c'est en général ou une molécule, ou des cellules, ou une protéine qui n'a jamais été utilisée chez l'homme. On prend toutes les précautions possibles pour que ce soit safe, avant même d'être efficace. Et ça, par contre, je trouve qu'en France, on n'est pas bon. Entre vos datas chez la souris qui vont montrer que ça marche, et les premières dates à chez l'homme où il faut quand même un minimum de patients pour que l'industrie pharmaceutique s'y intéresse. Il y a un long moment, c'est des sommes importantes. Heureusement que la Banque Européenne d'Innovation y pourvoit avec effectivement un certain nombre de programmes qui sont menés par ce qu'on appelle le European Innovation Council. Est-ce que c'est suffisant ? Pas sûr, parce qu'ils palient, mais ils incitent les VCs à investir en matchant ce que les VCs mettent. Donc ça dérisque leur investissement. Mais si vous n'avez pas le VC qui est quelque part valide la valo d'automne. de techno, le business plan, vous ne pouvez pas lever. Moi, ce que je voudrais partager ici, c'est que d'abord, le restructuring et le dépôt de bilan, c'est quand même beaucoup plus rigolo sur les banques jouant en Josas que dans la vraie vie. Ça, c'est déjà un premier constat. Le deuxième, c'est que moi, j'ai été surprise. C'est-à-dire que je me disais qu'on allait nous regarder de haut, de loin, de façon très condéfendante, parce que c'était un échec. Et ce n'était pas du tout ce qui s'est passé. J'ai trouvé des juges au tribunal de commerce qui étaient hyper supportifs. Il y a un métier qu'on ne connaît pas bien, que moi j'ai découvert, qui est le métier de conciliateur ou d'administrateur. Et je dirais aux entrepreneurs, n'hésitez pas à commencer à sentir que c'est compliqué et que la dynamique de relation n'est pas suffisamment solide. N'attendez pas que ça se détaille. Prenez tout de suite un missionnaire ad hoc pour éviter justement d'en arriver à une cessation de paiement. En France, on a une telle phobie de l'échec. qu'on n'arrive pas à assumer. Et puis, c'est vrai qu'on a tendance, en tant qu'entrepreneur, et moi la première d'ailleurs, à allonger des heures, à chercher toutes les positions. Donc, vous voyez, vous bossez de plus en plus, vous vous isolez de plus en plus, alors qu'à ce moment-là, il faut se sortir de sa coquille, il faut en parler, il faut les rencontrer. D'abord, ça fait un bien fou de voir que, si on a tous des projets uniques, on a tous grosso modo les mêmes problématiques. Et partager, partager les expériences, partager les erreurs. Comme disait Beckett, « If you try it, if you fail, fail again. » Try again, fail better.
- Speaker #0
C'est tout ce qu'on vous souhaite.
- Speaker #2
Je crois qu'il y a un nomateur humilieux que j'ai dû oublier.
- Speaker #0
Bon, donc en tout cas, Star Seamoon est là. La solution existe. Vous êtes dans une transition financière.
- Speaker #2
Financière et de gouvernance. Parce que quelque part, ce que j'ai envie de dire aux jeunes HEC, aux étudiants qui vont se lancer, c'est que ça va être génial. Ça va être aussi bumpy. Et ça sera paru sous les jours. Il y a plein de fois que vous aurez envie d'abandonner et ce sera normal. Et du coup, ce n'est pas quand tout va bien que vous voyez vraiment ce que les gens font du ventre. C'est quand ça tangue. Et là, en tout cas pour moi, la seule façon de rester debout et de ne rien lâcher, ni pour mon équipe, ni pour le projet, ça a été d'être en accord avec mes valeurs et de ne pas faire de compromis là-dessus. Et donc ça, ce n'est possible que si vous partagez avec votre cofondatrice, en l'occurrence Marina Khevazana, une vraie même vision. On a réussi à rester proches. sans s'éloigner. Donc on peut cofonder une startup avec des amis, ça peut fonctionner. Je n'ai pas dit que c'était facile, mais ça peut fonctionner et je pense qu'au contraire, ça n'aurait pas pris plaisir à être ensemble, on n'y serait jamais arrivé. Ça c'est pour les cofondateurs et après, ce qui est hyper important, c'est dans les partenaires financiers qu'on va trouver. On va essayer de choisir, alors ça c'est vrai que c'est, on va me dire, ouais Karine, facile à dire parce qu'il faut avoir le luxe de pouvoir choisir, mais c'est quand même hyper important d'être sûre, d'avoir la même vision et la même valeur. Sinon, ça ne peut pas marcher. Vous n'arriverez pas à transformer une super science ou une super publis en un asset médicament qui a une valeur économique. Et ça c'est fondamental et c'est les hommes qui arrivent à faire ça.
- Speaker #0
Alors justement, on va parler maintenant d'être une femme dans la deep tech. Tu parles beaucoup de tes associés, cofondatrices. On va parler maintenant de ça. Petite, je l'ai dit en intro, tu rêvais d'être égyptologue. Tu étais fascinée par une personne que je te laisserai prononcer le mot. Atchepsou. Voilà, je ne l'avais pas dit mieux en moi-même. C'est donc la première femme pharaon. Est-ce que tu te retrouves un peu aujourd'hui dans ton quotidien de CEO, quelque chose de cette fascination pour les pionnières ?
- Speaker #2
Ce serait très prétentieux. J'adorerais te dire ça, mais non. Par contre, que ce soit difficile, que le monde soit rempli de bonnes intentions en disant mais on va les coacher, etc. Je crois qu'il y avait une RVC féminin, je ne sais plus de son nom, mais qui disait Stop proposing us coaching, proposing us financing. That's what we need. Et je pense que c'est vrai. Il faudrait dire qu'on a besoin juste de coach. On a juste besoin d'être financé. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, tu as 2% seulement des fonds levés. qui vont à des équipes exclusivement féminines.
- Speaker #0
C'est peu. J'en ai un autre chiffre comme ça. 8% des startups tech sont fondées par des femmes et elles lèvent deux fois moins de fonds que les hommes. Qu'est-ce que ça t'évoque justement, tous ces chiffres ?
- Speaker #2
Des biais. Par contre, il faut aussi retenir, parce que c'est dans la même étude, que la profitabilité des startups montées par les femmes est deux fois supérieure pour un euro investi.
- Speaker #0
Ah, voilà une bonne nouvelle.
- Speaker #2
Non mais donc du coup, ce n'est pas tout féminin ou tout masculin, c'est qu'on a besoin de diversité. et que la richesse, elle est aux interfaces. Et qu'une équipe, elle fonctionne bien si elle est complémentaire. Et ça, c'est hyper important, que ce soit pour les cofondateurs, que ce soit pour vos équipes opérationnelles, c'est absolument clé. Et c'est vrai que même s'il y a un sentiment de colère sur les 2% qui sont absolument injustes, dans le sens non justifié, puisque un euro investi peut apporter le double de rentabilité si c'est une start-up créée par une femme que si c'est uniquement par une équipe masculine. Je pense qu'on arrivera à changer la donne une fois qu'on sera dans la place. Donc, tu n'as pas le choix que de t'adapter. Je dirais que c'est plutôt une école d'humilité. Je ne me sens pas du tout à Tchepsout. Là, pour le coup, je me sens plutôt dans la soute, à ne pas lâcher et à faire en sorte que ça tienne, et à sourire et à mettre de l'énergie pour qu'on tienne jusqu'à ce qu'un repreneur qui va changer la trajectoire de cette techno et de cette équipe soit désigné par le tribunal. Donc, Donc, pas du tout Hatchepso. Oui,
- Speaker #0
je comprends.
- Speaker #2
Même si, même si, même si, même si, je reconnais que c'est important de ne pas avoir peur. C'est-à-dire que, tu vois, quand on a créé la boîte, Marina avait des premiers datas chez la souris qui étaient assez convaincantes, mais elle, elle voulait le faire chez les bébés bulles. Et quand on a commencé à rentrer dans le mécanisme de ce que ces cellules pouvaient apporter, qu'on a vu que non seulement ça pouvait redonner un système immunitaire fonctionnel et donc guérir les deux sémi-aigus qui résistaient à la chimio, Alors, mais que ça pouvait être aussi utilisé pour la sclérose en plaques, pour la maladie de Crohn, pour des maladies auto-immunes, qui sont beaucoup plus nombreuses. On s'est dit, bien sûr qu'il faut y aller, on n'a pas le droit de ne pas essayer. Alors on se plantera peut-être, parce que c'est vrai que c'est huge comme rêve. Mais par contre, ce n'était pas possible de ne pas essayer.
- Speaker #0
Oui. Donc on va parler modèle et transmission. Tu lances un appel à soutenir les femmes innovantes, et notamment dans la santé. Pourquoi est-ce que ce combat te tient à cœur ?
- Speaker #2
Parce que je trouve qu'on est sous-représentés. on est Si on regarde les équipes dans les labos, elles sont exclusives, très féminines. Plus on monte dans la hiérarchie, moins c'est le cas. Si on regarde à l'hôpital, c'est la même chose. Moi, je me suis quand même entendue dire par des PUPH, quand on a lancé la boîte, « Ah non, mais les filles, vous allez vous planter, vous continuez, vous vous occupez de mettre en place les manips et de générer les datas, nous, on s'occupe des finances. » Non. Juste non. Je me suis aussi entendue dire, mais de toute façon, toi, tu n'as pas besoin d'avoir un salaire en tant qu'entrepreneur, tu as une ligne de l'argent. Je pense qu'on apprend aussi ça en tant qu'entrepreneur. Il y a tellement de balles qu'il faut choisir ses combats. Et on ne peut pas les mener tous en même temps. Donc ça, ça s'apprend, et c'est, j'allais dire, avec des cicatrices plein le dos. que je peux partager cet enseignement parce que je pense que j'ai payé le prix fort sur ce constat-là.
- Speaker #0
Si tu pouvais parler à une jeune femme en école d'ingénieur ou de médecine qui hésite à entreprendre, qu'est-ce que tu lui dirais ? Mais fonce !
- Speaker #2
Au pire, ça marche !
- Speaker #0
Au pire, ça marche.
- Speaker #2
J'ai toujours à mes équipes. Et il y a un principe qui est essentiel quand on entreprend, et encore plus en biomédical, parce qu'il faut savoir que c'est quand même redoutablement difficile d'innover. En fait, en science ou en biomédical, c'est assez créatif. Donc, pour sortir des chemins de pensée classiques, il faut prendre des risques. Sinon, ça ne marche pas. C'est normal de faire des erreurs. Et même moi, j'en fais tous les jours. Par contre, c'est impardonnable de les recommencer. Et donc, j'encourage mon équipe, j'encourage tous ceux qui nous entourent, de dire, ok, essayez, n'ayez pas peur, mesurez votre risque, apprenez à vous tromper efficacement, faites quelque chose de chacun de vos échecs, qui ne sont pas des échecs, parce qu'en fait, soit on gagne, soit on apprend. Finalement, osez créer. Embrassez-les. embrasser l'incertain. Parce que nécessairement, si vous êtes entrepreneur, vous n'allez pas tout maîtriser. Je pense qu'on a la chance d'être à une époque où il y a plein de choses qui s'accélèrent, il y a des outils formidables qui émergent et il faut apprendre ou se laisser l'espace pour voir ce qu'on peut en faire et avancer vers l'incertain. Je pense que c'est la seule façon de montrer la voie aussi à ceux qui veulent se lancer et puis leur montrer que on peut se tromper, pas grave. On peut juste se relever, continuer.
- Speaker #0
Merci pour ces paroles optimistes qui, avec nous depuis un moment, Karine, puent en discuter un peu quand tu es arrivée. On t'entend citer plusieurs fois des grands hommes et des grandes femmes. Tu as cité notamment un moment, Aragon, le futur de l'homme et la femme. Tu as parlé de Dominique Constantini qui rebondit sans cesse, même à 70 ans. Tu aimes aussi cette phrase de René Char, imposez votre chance. serrer votre bonheur et foncer vers votre risque. C'est ce dont on vient de parler. À quel moment de ta vie tu t'es sentie le plus l'incarner ?
- Speaker #2
Je pense que c'était au moment d'Imagine, de la levée de fond d'Imagine. Parce qu'on montait cet institut pour les enfants. Je travaillais beaucoup avec les structures publiques. Et je dois reconnaître que l'assistance-pieds qu'hôpitaux de Paris a été géniale parce qu'on a construit ensemble. C'est une double maîtrise d'ouvrage et donc maîtrise d'œuvre. la construction de ce bâtiment. Et tout le monde nous avait dit, ça va être l'enfer, vous êtes en retard, vous allez vous planter. Ils ne savent pas faire ce qu'il faut. Ils ont des experts qui sont hyper bons. Mais il y avait une dynamique sur ce chantier qui a été géniale. Et je pense que c'était là ce qu'on construisait pour les enfants. Donc, tout était possible. Urbain de Travaux, qui était le constructeur. qui avait passé le contrat avec nous, a été génial. On a fait venir Teddy Riner sur le chantier. On avait mis en place une bulle en plastique pour que justement les enfants ne soient pas en contact avec des virus dangereux. Il a fait des prises avec des gamins, avec des chercheurs. Et Urbaine de Travaux nous a accompagnés à chaque moment et on a réussi à livrer sur le bâtiment en heure, en temps, à 95% du budget. On n'a pas dépassé, pourtant c'était Jean Nouvel. Parce que derrière, il y avait des chercheurs, des équipes qui devaient arriver. qui devaient travailler pour monter des essais cliniques pour les enfants. Et pour eux, on peut tout faire.
- Speaker #0
Donc, tout le monde s'est senti investi de cette mission ?
- Speaker #2
C'était génial. C'était un exercice de management et de leadership incroyable. Ça m'a nourrie pendant des années. Et puis, c'est génial parce que vous poussez sur un mur, il tient. C'est là, quoi. C'est cool. C'est tangible. Il n'y a pas de politique. C'est là. Et puis, ça continue surtout. C'est un bébé qui va bien.
- Speaker #0
Pour finir, Karine, si tu pouvais t'adresser à la Karine du tout début, celle qui sort de l'école, qu'est-ce que tu lui dirais ?
- Speaker #2
mes filles me tueraient, mais je redirais cette phrase de René Char que j'adore. Impose ta chance. N'aie pas peur du regard de l'autre. Fonce en accord avec toi-même. Et vibre et délivre ce qui est en accord avec tes valeurs profondes, ta vision profonde. Je pense que c'est hyper important. C'est comme ça qu'on arrive à monter des équipes d'enfer. C'est comme ça qu'on monte les projets. C'est comme ça qu'on embarque. Et j'ai envie de croire que c'est comme ça aussi demain. Que les jeunes réinventeront un monde où il y a encore beaucoup, beaucoup de choses à faire. On les attend, c'est leur tour maintenant.
- Speaker #0
Mais moi aussi, j'ai envie de croire ça. Et pourquoi tu nous dis que tes filles te tueraient si elles t'entendaient parler ?
- Speaker #2
Ah non, c'est parce que j'hésite à tout le temps et qu'elles n'en peuvent plus d'entendre une écharpe.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Karine Rossignol, d'avoir pris ce moment avec nous. C'était vraiment une joie et plus qu'une joie, un honneur de t'avoir au micro de Trajectoire, le podcast d'HEC OUINM. À bientôt.
- Speaker #2
Un grand merci à vous.
- Speaker #0
Merci d'avoir été avec nous. Retrouvez tous les épisodes de Trajectoire sur Spotify et sur le site apcstories.fr.