- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans le cinquième épisode de Trajectoire. Avant d'écouter Nathalia Philogène pour parler de sa carrière dans l'industrie, j'accueille notre sponsor Depardieu Broca Maffei. Je suis avec Johanna Gumpelson, elle est avocate spécialisée en restructuration et associée au sein du cabinet Depardieu. Ensemble, nous allons évoquer la question de la parité dans le secteur. Bonjour Johanna.
- Speaker #1
Bonjour Daphné.
- Speaker #0
Les femmes représentent 28% des effectifs du secteur de l'industrie et elles occupent seulement 15% des sièges au sein des comités de direction. Alors, ma question est la suivante. Est-ce qu'il existe aujourd'hui des dispositifs pour inciter les entreprises à tendre vers plus de parité dans leurs effectifs ?
- Speaker #1
Oui, il existe plusieurs dispositifs. Et depuis longtemps, on peut notamment citer une loi de 2011 relative à une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et qui impose. une représentation minimum des femmes dans les conseils des structures de plus de 250 personnes. On peut également citer la loi plus récente sur l'égalité économique et professionnelle de 2021 qui instaure des quotas dans les entreprises de plus de 1000 salariés, l'objectif étant d'imposer un pourcentage minimum de femmes au poste à plus haute responsabilité. Et depuis 2020, on peut également rappeler que toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent calculer et publier leur index sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes chaque année au 1er mars.
- Speaker #0
Bonjour et bienvenue à l'écoute de Trajectoire. Dans chaque épisode, le club HEC We and Men donne la parole à une femme reconnue dans son secteur d'activité. et décider à faire bouger les lignes. Trajectoire, c'est 20 minutes pour découvrir un rôle modèle et ça commence tout de suite. Je suis avec Nathalia Philogène, l'ambassadrice HEC We & Men que je vous fais découvrir aujourd'hui. Nathalia est directrice du contrôle interne chez Schneider Electric. Longtemps rebutée par le monde de l'énergie qu'elle pensait peu glamour et technique à l'excès, Nathalia y évolue désormais depuis près de 15 ans. Elle y développe un leadership nouveau au service des femmes et de la transition énergétique. C'est ainsi que Natalia intègre en 2010 le groupe Schneider Electric qu'elle ne quittera plus. Natalia y a occupé différentes fonctions, managériales notamment, avant d'être aujourd'hui directrice du contrôle interne. Natalia a un motto « Live it better than you found it » . On pourrait traduire en français par… par quoi ? Dans la vie, Nathalia a un motto, « Live it better than you found it » , un peu comme une injonction à améliorer les choses. Je suis Daphné Segretin, directrice des contenus chez HEC Éditions, et je suis ravie d'accueillir Nathalia Philogène, ambassadrice HEC Way & Men. Bonjour Nathalia.
- Speaker #2
Bonjour Daphné.
- Speaker #0
À ta sortie d'HEC, tu as d'abord rejoint PWC en disant vouloir cocher les cases, un peu comme suivre un certain protocole. Tu as ensuite emprunté un chemin plus original. Est-ce que c'est plus compliqué de sortir des sentiers battus lorsqu'on est une femme ?
- Speaker #2
Je pense que c'est toujours compliqué de sortir des sentiers battus. Et quand je l'ai fait, ce n'était pas conscient. Au début, sortant de HEC, on avait une idée de la bonne carrière et des métiers ou des parcours à suivre. En fait, à chaque fois, je me demandais si j'étais à la bonne place. Donc j'ai fait audit, puis transaction chez PwC, et puis ce secteur du M&A, et puis plutôt la direction financière, mais à chaque fois c'était est-ce que je suis à la bonne place ? Et en fait je me suis rendu compte que par opportunité, en saisissant des opportunités moins prestigieuses, qu'au final j'avais un impact. Je voyais l'impact, que j'étais impactante et que je comprenais aussi là où je trouvais ma raison d'être ou ma motivation. Mais ce qui est compliqué, c'est d'avoir sans arrêt à justifier pourquoi je fais ci et pourquoi je ne suis pas à cette trajectoire qui devrait m'amener à ces superpostes de CFO, etc.
- Speaker #0
Aujourd'hui, tu es devenue directrice du contrôle interne chez Schneider Electric. Et rien ne te prédestinait finalement à évoluer dans le monde de l'énergie. Au contraire, c'est un secteur que tu considérais comme peu glamour lorsque tu as fait tes premiers pas. Pourquoi est-ce que tu es resté finalement ?
- Speaker #2
Oui, alors moi, mon rêve, c'était de travailler dans la mode. C'est vrai ? Je viens de l'île Maurice, à une époque où il n'y avait pas tout cet Internet, donc c'était assez restreint, et donc je voyais tout ça dans les magazines. Donc je rêvais de ça, et je rêvais d'habiter à Paris. Donc je ne me suis jamais dit que j'allais travailler dans l'industrie ou dans l'énergie. Et j'ai eu une très belle opportunité, en fait, par réseau, où on me proposait un poste qu'on ne me proposait pas dans le secteur du luxe ou de la mode. Donc, j'ai pris cette opportunité. Pourquoi j'y suis restée aussi longtemps ? Parce que Schneider Electric m'a donné beaucoup d'opportunités professionnelles, donc m'a permis de me développer. Alors, je ne dis pas que ça a été facile tout le temps, loin de là, mais déjà... J'ai été très surprise quand j'ai rejoint Arrivati Andy. J'arrivais avec pas mal d'a priori en me disant que ce serait hyper technique et que j'allais évoluer dans un monde d'ingénieurs. Et j'ai été très agréablement surprise par l'accueil qui m'était fait. Donc, c'était... Oui, on n'était pas beaucoup de femmes, donc on était un peu... Pas des bêtes curieuses, mais on nous accueillait. Il y avait un intérêt, c'était assez bienveillant. Donc j'ai été agréablement surprise, et puis de découvrir le monde des usines, industrielles, c'était très pragmatique, donc j'ai apprécié en fait découvrir et me rendre compte que ce n'était pas si compliqué que ça.
- Speaker #0
Tu ne dis pas beaucoup de femmes, effectivement l'énergie c'est un monde d'ingénieurs. En France, 25% des ingénieurs sont des femmes. Tu dis toi-même avoir appréhendé ce secteur en raison de la complexité technique des enjeux ? Le manque de femmes parmi les ingénieurs, est-ce que c'est la première explication à la sous-représentation dans ce domaine ?
- Speaker #2
Je ne pense pas. Je ne suis pas ingénieur. Dans ces boîtes, on n'a pas que des postes d'ingénieurs. On a beaucoup de fonctions support où les femmes sont aussi sous-représentées. Donc, je pense qu'il y a peut-être activité parce qu'on se fait des idées. Ce n'est pas intéressant, ça va être compliqué, ce n'est pas glamour, ce n'est pas prestigieux. Et puis aussi, sans doute, qu'on se dit que ça va être plus dur, que comme il y a plus d'hommes, est-ce qu'on a vraiment sa place en tant que femme ? Et c'est pour ça que je suis là, de montrer qu'en tant que femme, on peut réussir et qu'on peut avoir plusieurs modèles de femmes et qu'il y a des super opportunités professionnelles.
- Speaker #0
Alors justement, tu es chez Schneider Electric depuis plus de 15 ans. Est-ce que tu as vu des évolutions sur la place des femmes au sein de l'entreprise ?
- Speaker #2
Ça fait 15 ans que je suis chez Schneider Electric et j'ai vu une évolution incroyable. Donc la situation d'aujourd'hui n'est pas celle que j'ai rencontrée il y a 15 ans. Et si on regarde la composition du conseil d'administration ou même du COMEX, Il y a eu un énorme effort pour diversifier le COMEX, d'un point de vue de genre, mais aussi de nationalité. Je pense qu'on est assez rôle modèle sur le sujet. Et ce que je dis souvent, c'est qu'au COMEX, on a des femmes, mais on a des femmes à des postes opérationnels, d'opération. Donc, ce n'est pas que sur des fonctions support qu'on pourrait trouver dans d'autres groupes. Et ça illustre que c'est une priorité stratégique pour le groupe. parce que la diversité est un levier de performance et d'innovation. Et c'est important d'être rôle modèle à ces niveaux-là pour que ça se diffuse après à des niveaux inférieurs.
- Speaker #0
Tu le disais tout à l'heure, tu as grandi à l'île Maurice. Est-ce que ça a exercé une influence sur la suite de ton parcours académique et même professionnel ?
- Speaker #2
À l'île Maurice, pour une femme, sortir de sa condition sociale est impensable pour beaucoup. Donc, moi, c'était très clair que je ne savais pas exactement ce que je voulais faire comme métier, mais que je voulais être indépendante, libre, autonome et faire ce que je voulais. Donc, ça passerait par ma carrière professionnelle. Oui, mes études, j'ai eu la chance et c'est vraiment une chance d'être bien conseillée parce que je viens... Mes parents n'ont pas fait ce type d'études. Dans mon environnement proche, il n'y avait personne qui avait fait ce type d'études. Donc, je pense que c'est vraiment là que j'ai eu la chance d'être conseillée, puis au lycée, puis en prépa, etc. Mais jamais je ne m'étais dit que j'allais faire HEC. C'est vrai ? Oui.
- Speaker #0
Jusqu'à ce que tu en entendes parler ?
- Speaker #2
Jusqu'à ce qu'on me dise, tiens, tu as tel profil, tu devrais faire une classe préparatoire. Et puis, arrivé à la classe préparatoire, tes résultats sont bien, donc tu devrais essayer HEC. Mais de moi-même, je pense que je m'étais mis pas mal de barrières.
- Speaker #0
On va parler maintenant de cette balance dont on entend beaucoup parler entre la vie professionnelle et la vie personnelle. On parle de plus en plus d'équilibre entre ces deux facettes. A priori, pour les femmes, elles ont une pression vraiment particulière en la matière. Comment est-ce qu'on réussit à conjuguer la carrière et la vie personnelle, selon toi ?
- Speaker #2
Alors, ce qui a toujours été très, très clair pour moi, c'est que dans mon couple, en tout cas, il fallait qu'on partage une vision commune des ambitions professionnelles. et personnelles. Et que j'aurais suffisamment de barrières à l'extérieur pour ne pas avoir à gérer ça, enfin, ne pas vouloir gérer ça en privé. Donc, ça, c'était le premier point. Et le second point, c'était que c'était assez clair aussi pour moi que je ne voulais pas que ce soit la carrière de l'un au détriment de l'autre et qu'il faudrait faire le maximum pour trouver des solutions pour que ça marche. Et donc, c'est un travail au quotidien et j'ai beaucoup de chance euh J'ai beaucoup de sens que ça marche.
- Speaker #0
Donc, vous étiez d'accord sur l'équation au départ. Néanmoins, c'est toujours à ajuster au fur et à mesure du parcours de l'arrêt de l'eau.
- Speaker #2
On était d'accord sur l'équation au départ, mais je pense que c'est ce qui fait qu'on est ensemble aujourd'hui. S'ils n'avaient pas été d'accord, je n'aurais pas donné la chance à l'histoire. Et oui, au quotidien, après, c'est comme je dis, il y a la vision et puis il y a les actions au quotidien. Donc, c'est un ajustement permanent et je ne lâche rien.
- Speaker #0
On va maintenant parler modèles et inspirations. Est-ce que tu as des modèles ou est-ce que tu as eu des mentors dans ton parcours ?
- Speaker #2
Non, je me suis plus construite à l'opposé de modèles auxquels je ne voulais absolument pas ressembler.
- Speaker #0
C'est quoi le modèle justement dont tu voulais être l'antithèse ?
- Speaker #2
Moi, ça fait 25 ans que je travaille. Donc, quand j'ai commencé, les modèles, c'était des CEOs, des femmes, qui donnaient en tout cas l'impression de ne faire que bosser. de ne pas avoir cette vie personnelle, de ne pas en parler, en tout cas, ce n'était pas montré, ou qu'il fallait faire le choix entre donner la priorité à l'homme ou à la femme, qu'on ne pouvait pas avoir un parcours similaire, je veux dire. Ça ne me donnait pas envie. Et puis aussi, je trouve que j'ai manqué de modèles, c'était assez oppressant, d'avoir que ces modèles de grandes patronnes qui disaient que tout avait été super facile. Je pense qu'on n'est pas obligé de vouloir devenir CEO d'une boîte pour réussir.
- Speaker #0
Tu es ambassadrice HEC WeAndMen aujourd'hui et donc tu inspires à ton tour des nouvelles générations. Pourquoi est-ce que c'était important pour toi de donner en retour ?
- Speaker #2
Ce que je trouve vachement bien dans cette nouvelle version d'HEC Trajectoire, c'est qu'on met en lumière plusieurs femmes parce qu'on a tous des parcours différents, des envies différentes. profils différents. J'espère que j'en aurai quelques-unes qui se reconnaîtront dans mon parcours.
- Speaker #0
Et que c'est tout cette grande diversité qui fait bien sûr l'ensemble de tous ceux que nous sommes. Je parlais de ton motto tout à l'heure, « Live it better than you found it » . Qu'est-ce que ça veut dire et qu'est-ce que ça implique pour toi ?
- Speaker #2
Ça implique que je vois souvent la petite bête là où ça ne fonctionne pas. Du coup, il faut absolument que je contribue à améliorer les choses. En tout cas, c'est ma zone de génie à moi. Je trouve que c'est important que chacun, et c'est peut-être un conseil que je donnerais aux jeunes professionnels, de trouver sa raison d'être, qui fait que dans n'importe quel poste, c'est quelque chose que tu peux injecter pour avoir une valeur ajoutée. C'est ma contribution, ma pierre à l'édifice, d'améliorer. Et donc là, dans mon job actuel, c'est d'améliorer cette culture d'entreprise.
- Speaker #0
Est-ce que tu veux nous donner un exemple concret ?
- Speaker #2
Dans mon job actuel, c'est un gros travail de transformation et d'acculturation. Et c'est ce que moi, j'adore personnellement. Et donc, mon job, c'est de vulgariser le contrôle interne. Donc, c'est que chaque collaborateur, à commencer par les patrons pays, comprennent le rôle qu'il ou elle doit... joue dans la maîtrise des risques qui pourraient mettre en péril l'entreprise. Et l'objectif, c'est qu'il s'approprie ce cadre de contrôle interne et qu'il l'adopte en faisant le pari que c'est bon pour le business, au-delà du simple aspect réglementaire qui pourrait être un peu...
- Speaker #0
Qui l'approprie et qui l'y croit sincèrement.
- Speaker #2
Oui, et qu'il l'adapte, qu'il le fasse sien, en fait, pour que ça marche.
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu dirais à la jeune Natalia à la sortie d'HEC aujourd'hui ?
- Speaker #2
de foncer, de ne pas se mettre de barrière et de faire en fait ce qu'elle veut. Parce que ça, c'est un message pour toutes les jeunes femmes. Quoi que vous fassiez, ce sera toujours trop ou pas assez. Donc au final, faites bien comme vous voulez.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Nathalia. Merci d'avoir pris le temps de venir nous parler.
- Speaker #2
Merci, Darnay. C'était un plaisir.
- Speaker #0
Merci d'avoir été avec nous. Retrouvez tous les épisodes de Trajectoire sur Spotify et sur le site adiosestories.fr.