- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans le septième épisode de Trajectoire. Dans quelques instants, notre invité Valérie Lafdal va revenir sur son parcours dans la tech. Mais tout de suite, je suis avec Kévan Dalin, directrice du centre d'expertise digitale de KPMG, notre sponsor, pour évoquer la question de la parité dans le secteur particulier qu'est la technologie. Bonjour Kévan. L'intelligence artificielle, qui fait beaucoup parler d'elle, est la dernière grande révolution technologique. Mais les femmes sont-elles réellement actrices de cette transformation ?
- Speaker #1
Alors c'est vrai que l'intelligence artificielle, elle est aujourd'hui en pleine expansion. Et les femmes y sont encore moins représentées que dans les autres secteurs technologiques. Aujourd'hui, seuls 22% des postes en intelligence artificielle et en data science sont occupés par des femmes en France. Et cette faible présence féminine dans ce domaine, elle a des conséquences. Et elle engendre notamment des biais dans les algorithmes.
- Speaker #0
Mais de quels biais s'agit-il ?
- Speaker #1
tous les types de biais sont concernés. Les biais de représentativité, mais aussi ceux de confirmation, de conformité ou encore de projection. Et tous ces biais, ils existaient déjà bien avant l'accélération de l'intelligence artificielle. Ces biais, s'ils ne sont pas pris en compte, risquent d'être reproduits par les algorithmes qui sont conçus aujourd'hui.
- Speaker #0
Alors comment prévenir ces problèmes liés au développement de l'intelligence artificielle ?
- Speaker #1
Il n'y a pas une seule manière de prévenir tous ces problèmes, mais au sein de notre cabinet, par exemple, 100% des collaborateurs ont été formés en 2024 au biais, pour justement les sensibiliser à cet enjeu dans leur travail comme au quotidien. On a également organisé plusieurs Ethic Talks dédiés à l'IA pour tous nos collaborateurs, afin de partager notre vision d'une intelligence artificielle éthique et responsable. Nous partageons également des témoignages et son application dans tous nos usages, métiers et fonctions.
- Speaker #0
Musique Bonjour et bienvenue à l'écoute de Trajectoire. Dans chaque épisode, le club HEC We & Men donne la parole à une femme reconnue dans son secteur d'activité et décidée à faire bouger les lignes. Trajectoire, c'est 20 minutes pour découvrir un rôle modèle et ça commence tout de suite ! Je suis avec Valérie Lafdal, l'ambassadrice HEC Waynemen que je vous fais découvrir aujourd'hui. Valérie a une trajectoire professionnelle hors du commun, avec plus de 20 ans d'expérience à la tête d'entreprise tech. Valérie débute sa carrière chez France Télécom. Elle y découvre les directions financières, de l'audit et des services internet. Puis, alors que France Télécom se transforme pour devenir Orange, Valérie rejoint le COMEX d'Orange Business Service SA. Elle poursuit son parcours de dirigeante dans différentes filiales du groupe, dont Business et Décision. C'est donc au sein de Business et Décision que Valérie matérialise sa volonté de transmettre. Elle y crée même la première école de data du marché. Elle renforce là également son style de leadership alliant audace et engagement. Valérie est aujourd'hui présidente et CEO d'Apsid. Elle dirige plus de 3000 collaborateurs réunis autour d'une volonté, réinventer le modèle de l'ESN au service de tout, avec la même volonté de transmettre. Je suis Daphné Segretin, directrice des contenus HEC Éditions et je suis ravie d'accueillir Valérie Lafdal, ambassadrice d'HEC WeAndMean. Bonjour Valérie.
- Speaker #2
Bonjour Daphné.
- Speaker #0
Je suis ravie de te recevoir dans ce podcast HEC We&Men. Je le disais, tu as une trajectoire vraiment exceptionnelle dans ce monde de la tech. Qu'est-ce qui t'a particulièrement attiré dans ce domaine ?
- Speaker #2
Au départ, ça s'est fait un petit peu par hasard. On m'a confié un projet de déploiement d'un logiciel qui ne marchait pas et qui avait été payé très très cher d'ailleurs par France Télécom. Et comme j'avais un peu de temps, on m'a dit, tiens, puisque tu as l'air d'avoir du temps et que ça a l'air de t'intéresser, regarde ce que tu peux faire. Et en fait, j'ai fait de façon très pragmatique, ce qui est, je crois, quelque chose qui me caractérise. Je suis allée m'installer à côté d'ingénieurs et je redis, je ne suis pas ingénieur. Donc, j'ai posé des questions. Donc, pourquoi ça marche comme ça ? Comment ça marche ? Et quand on fait ça, qu'est-ce que ça donne, etc. Et ça m'a intéressée, j'ai vu que je comprenais ce qu'il m'expliquait, alors que je n'étais pas formée pour ça. Et j'ai investigué, j'ai continué, j'ai réussi à comprendre comment on pouvait faire marcher. grâce à leur aide. Et j'ai aussi appris que rien n'est impossible quand on maîtrise la technique. Et c'est comme ça que toute l'histoire a démarré. Donc je me suis aperçue que ce n'est pas parce que c'était de la technique, que je n'étais pas formée pour ça, que je ne pouvais pas l'apprendre et que du coup je ne pouvais pas aller dans ce secteur. Et donc après ça s'est fait naturellement quand on m'a proposé... de diriger des sociétés dans la tech, je ne me suis pas mis du tout de barrière. Et j'ai accepté avec grand plaisir, d'ailleurs des fois en ne sachant pas du tout ce que j'allais y faire.
- Speaker #0
Une étude de Welcome to the Jungle montrait que les femmes ne représentent que 16% des salariés dans la tech. Au même moment, et alors que tu y étais en poste, les femmes comptaient pour 33% des salariés de business et décision. Pourrais-tu nous expliquer comment B&D était parvenu à cela ?
- Speaker #2
Alors oui, tout à fait. Donc on a promu les femmes et on ne mettait pas de barrière aux candidatures sur certains métiers. Et puis aussi, c'est peut-être la nature de l'activité, c'est-à-dire qu'on peut être dans la tech et pas forcément que sur des sujets très techniques. Il y a aussi des sujets qu'on appelle de type fonctionnel, donc qui sont des expertises métiers et sur lesquels il n'y a aucune espèce de raison que les femmes ne soient pas prédominantes sur ce sujet-là. Des fois, elles sont moins intéressées par les sujets d'ingénieurs, les sujets très techniques de développement informatique. Mais par contre, autour de ces métiers, il y a énormément d'autres métiers qui sont des métiers de la tech, qui sont peu connus et sur lesquels on a une valeur ajoutée de la même façon que les autres. Il n'y a aucune espèce de raison qu'on se limite à ça. Donc, je pense que c'est l'ensemble de ces éléments qui fait qu'on a réussi à avoir plus de femmes chez Business & Decisions qu'ailleurs.
- Speaker #0
Justement, tu es présidente et CEO d'Apsi, de faire une plus grande place aux femmes en entreprise, féminiser les effectifs, est-ce que c'est quelque chose que tu essaies de répliquer ?
- Speaker #2
Oui, tout à fait. Déjà, pour eux, avoir eu une femme comme présidente et CEO, alors que c'est une société très très masculine, et composée de plus de 90% d'ingénieurs. Ça c'est le premier acte, je dirais, pour affirmer haut et fort qu'effectivement, aussi comme dirigeante, on peut être dirigeante dans la tech et je sais que je suis une des rares dirigeantes dans mon secteur. Alors aujourd'hui, on essaye de promouvoir, déjà moi, au niveau de mon comité de direction, j'essaye de féminiser. Donc, par exemple, ma directrice de ressources humaines est une femme, ce n'était pas le cas quand je suis arrivée. J'essaye de repérer les talents en discutant avec... Les ingénieurs et aussi de ne pas promouvoir des femmes que dans les fonctions support. Donc mon exemple des ressources humaines, il est malheureusement classique, mais il n'est pas systématique pour autant. Et à chaque fois, je demande, notamment au niveau des augmentations, au niveau des publications de postes, à qu'on regarde l'ensemble des CV et qu'on regarde autour de nous, dans l'entreprise, s'il n'y a pas des femmes à promouvoir. Et quand on recrute à l'extérieur, d'avoir au moins un CV d'homme et un CV de femme pour un même poste.
- Speaker #0
On va parler management maintenant. Malgré tout, et tout au long de ta carrière, tu as dirigé des équipes majoritairement faites d'hommes, et je dirais même d'hommes ingénieurs. Tu dis que tout s'est toujours très bien passé. Est-ce que c'est vrai ? Comment t'as fait ? Merci HEC. Oui,
- Speaker #2
c'est tout à fait vrai. Donc, je n'ai pas à me plaindre d'avoir eu des comportements qui ne soient pas... comment dire, positif à mon égard. Au contraire, en fait, j'ai plus été promue par les hommes que par les femmes. Donc, comme quoi, c'est possible. Et je pense que de toute façon, ça peut fonctionner que si ça marche ensemble. Par contre, je pense que mon comportement, mon niveau d'interaction avec la jante masculine a toujours été d'être dans la réserve. Ce qui m'a toujours protégée. C'est-à-dire que je n'ai jamais donné... La possibilité qu'on soit trop familier avec moi ou qu'on soit trop proche ou qu'on se permette des choses. Mes équipes souvent me disent que c'est poker face, mais je pense que ça m'a protégée de mettre des limites et de mettre des limites qui soient de tout ordre.
- Speaker #0
Une distance même ?
- Speaker #2
Une distance, exactement.
- Speaker #0
Tu dis ne t'être jamais dans tes fonctions préoccupée du fait d'être une femme. Est-ce que tu as un conseil à donner aux femmes qui nous écoutent ?
- Speaker #2
Qu'elles fassent pareil. Voilà, surtout qu'il n'y a aucune honte, aucun complexe à avoir, aucune barrière à se mettre. Je pense qu'on a exactement les mêmes cerveaux et les mêmes capacités. Donc à partir de ce moment-là, tout nous est ouvert et il n'y a pas de raison qu'on nous limite dans quelque fonction que ce soit.
- Speaker #0
Valérie, on va parler maintenant de l'équilibre entre la vie pro et la vie perso. On en parle de plus en plus de cet équilibre et a fortiori pour les femmes qui ont parfois une pression particulière dans ce domaine. Comment est-ce que toi, tu as réussi à conjuguer ta carrière avec ta vie personnelle ?
- Speaker #2
J'ai toujours été très organisée. C'est-à-dire qu'en fait, je m'étais fixée des limites. Le soir, après 19h, je suis à la maison. Je m'étais aussi organisée pour avoir une nounou à plein temps parce que je ne voulais pas que mes enfants pâtissent du fait que je ne pouvais pas les emmener à l'école le matin parce qu'ils étaient malades. Ou qu'il soit que j'ai des problèmes de garde parce que du coup j'aurais pas pu concilier tranquillité d'esprit au bureau. Enfin toutes les femmes qui ont des enfants connaissent ces sujets là. Donc j'ai investi on va dire dans une qualité de garde pour mes enfants pour qu'ils soient toujours bien. Et puis moi, j'ai mis des limites au bureau, c'est-à-dire qu'on me l'a fait une ou deux fois, et puis je suis allée voir en disant, mais si vous me mettez une réunion qui commence à 18h30, comment c'est possible ? Est-ce que vous payez la nounou ? Ou est-ce que vous vous rendez compte qu'en fait, il n'y aura personne pour gérer ? Et après, je m'étais organisée avec mon mari à l'époque. Donc si moi j'étais absente, il était présent, et les déplacements étaient limités au strict minimum et le moins souvent possible.
- Speaker #0
On va parler maintenant modèles et inspirations. Est-ce que tu as eu des modèles ou des mentors dans ton parcours ?
- Speaker #2
Des modèles, pas vraiment. Des mentors, je ne dirais pas non plus, mais des sponsors. J'ai eu la chance d'avoir deux, trois sponsors, des personnes qui m'ont repérée et qui ont souhaité m'accompagner, me donner coup de pouce et me mettre en lumière. Et ça, ça a été très important parce qu'effectivement, le regard posé... par un dirigeant de très haut niveau qui valorise votre travail et qui se rend compte de la difficulté dans laquelle vous êtes ou du parcours que vous avez et qui vous met en avant ça donne confiance en soi et c'est très important c'est quelque chose que j'essaye de faire beaucoup quand je vois notamment des femmes mais pas que Dans mes collaborateurs, j'essaye de porter ce regard sur eux et de leur faire des feedbacks, puisque je me suis aperçue que c'est un gros déficit managérial et ça c'est partout pareil. On ne prend pas assez le temps de faire des feedbacks positifs ou négatifs, mais pas négatifs dans le sens « ça ne va pas » , mais pour progresser. Et donc les personnes restent avec un certain nombre de sujets sans avoir un effet miroir, et l'effet miroir fait quand même du moment qu'il est bienveillant. Et accompagnant, c'est quand même quelque chose qui fait progresser de façon très importante.
- Speaker #0
En regardant ta trajectoire, on devine que la transmission, c'est un moteur important pour toi. Tu as créé la première école de data du marché lors de tes années chez Orange et tu es aujourd'hui ambassadrice HEC OEN. Pourquoi est-ce que c'est important de transmettre ?
- Speaker #2
Parce que je pense que partager l'expérience des uns des autres, ça ouvre des horizons. Ça montre que tout un tas de choses sont possibles, que tout n'est pas tracé. Et qu'on peut construire son propre avenir, son propre parcours et que plus on sera nombreuses à expliquer ce qu'on a fait, comment on l'a fait, plus on ouvrira des voies et des portes et plus un certain nombre de personnes pourront peut-être profiter de cette expérience et puis s'engouffrer dans nos parcours ou nos modèles de parcours et ça c'est très important.
- Speaker #0
Alors enfin j'ai une question piège, si tu pouvais transmettre qu'une seule chose à toutes nos auditrices et à tous nos auditeurs, qu'est-ce que ce serait ?
- Speaker #2
Je vais reprendre. Apprendre l'adage d'HEC, oser.
- Speaker #0
Apprendre à oser.
- Speaker #2
Apprendre à oser.
- Speaker #0
Merci beaucoup Valérie.
- Speaker #2
Avec plaisir. Merci.
- Speaker #0
Merci d'avoir été avec nous. Retrouvez tous les épisodes de Trajectoire sur Spotify