- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans le huitième épisode de Trajectoire. Avant d'écouter Cécile de Guilbon pour parler de sa carrière dans l'industrie, j'accueille notre sponsor Depardieu Broca Maffei. Je suis avec Johanna Gumpelson, elle est avocate spécialisée en restructuration et associée au sein du cabinet Depardieu. Ensemble, nous allons évoquer la parité dans ce secteur. Bonjour Johanna.
- Speaker #1
Bonjour Daphné.
- Speaker #0
On l'a dit dans un autre épisode, les femmes représentent 28% des effectifs du secteur de l'industrie et elles occupent seulement 15% des sièges au sein des comités de direction. Alors Johanna, voici ma question. Quels bénéfices l'industrie pourrait-elle tirer d'une plus grande mixité hommes-femmes ?
- Speaker #1
Il y a évidemment plusieurs atouts en faveur de la mixité. Le premier, c'est de développer des profils aux expériences professionnelles variées. Il s'agit de diversifier les compétences. C'est également un moteur de créativité et d'innovation. Et enfin, cela permet de développer un leadership plus durable. À titre d'exemple, selon les échos, 60% des dirigeantes d'entreprises priorisent le développement du capital humain et la protection de l'environnement. Un deuxième atout, c'est bien entendu de répondre aux besoins d'une clientèle, elle aussi plus diversifiée. C'est donc un facteur de performance. Et enfin, c'est la juriste qui vous parle. Développer la mixité, c'est aussi simplement répondre à certaines obligations légales. Pour mémoire, les entreprises de plus de 50 salariés doivent mener des négociations collectives portant sur l'égalité hommes-femmes et publier chaque année des chiffres. Donc au final, l'objectif de cette mixité, c'est bien de créer des modèles féminins de leadership pour permettre... une évolution, mais une évolution durable du rôle des femmes dans l'industrie.
- Speaker #0
Bonjour et bienvenue à l'écoute de Trajectoire. Dans chaque épisode, le club HEC We and Men donne la parole à une femme reconnue dans son secteur d'activité et décidée à faire bouger les lignes.
- Speaker #2
Trajectoire, c'est 20 minutes pour découvrir un rôle modèle et ça commence tout de suite.
- Speaker #0
Je suis avec Cécile de Guilbon, l'ambassadrice HEC We&Men qu'elle vous fait découvrir aujourd'hui. Cécile a un parcours professionnel d'exception alliant finance, industrie et technologie. Elle est parvenue à unir ces trois mondes grâce à une passion, l'immobilier industriel. Diplômée d'HEC en 83, Cécile débute sa carrière en finance. Elle fait ses premières armes en fusion et acquisition dans les maisons prestigieuses que sont JP Morgan et Marceau Investissement. Puis, elle rejoint le groupe PPR devenu Kering où elle contribue aux acquisitions du Printemps et de la FNEC. Surtout, c'est ici que Cécile y découvre son terrain privilégié, l'immobilier d'entreprise. Elle s'y consacre 11 ans au sein du groupe Kering avant de faire de même pour le compte de Général Electric. Puis, Cécile devient directrice de l'immobilier et des services généraux du groupe Renault et quatre ans plus tard, de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Elle y dirige plus de 1000 collaborateurs répartis dans 12 pays. A la fin de cette expérience, Cécile fonde Esserto, une société de conseil dans les domaines de l'immobilier, de la construction et du facility management. Passionnée par les nouvelles technologies, Cécile est également business angel. Elle investit activement dans de jeunes entreprises innovantes. Enfin, Cécile siège à différents conseils d'administration, comme celui du groupe ADP, à l'aéroport de Paris. Je suis Daphné Segretin, directrice des contenus HEC Éditions, et je suis ravie d'accueillir Cécile de Guilbon, ambassadrice HEC WeHandman. Bonjour Cécile, merci d'être avec nous aujourd'hui !
- Speaker #2
Bonjour Daphné,
- Speaker #0
je suis ravie de te recevoir dans ce podcast HEC We And Men. Alors Cécile, tu as un parcours, je le disais, d'exception, notamment dans le monde industriel. Qu'est-ce qui t'a particulièrement attirée dans ce domaine ?
- Speaker #2
Pour moi, l'industrie, c'est le vrai monde. D'abord, j'ai des origines de famille du Nord, donc l'industrie, vraiment, ça parle. Et puis, c'est là où se passent les choses. C'est là où il y a des centres de R&D, où on invente des produits, où on les teste avec des pistes d'essai quand on est dans l'automobile. C'est là où il y a des entrepôts pour le stockage, c'est là où il y a des points de vente aussi pour distribuer, et énormément d'installations techniques diverses et variées pour accompagner tout ce travail. Et la plupart des groupes industriels sont d'ailleurs internationaux, ce qui apporte une dimension tout à fait passionnante.
- Speaker #0
J'ai vu passer une étude de l'INSEE qui montrait que les femmes sont particulièrement sous-représentées dans les filières industrielles. Elles représentent, figure-toi, moins de 30% des effectifs totaux et moins de 15% dans les postes de direction. Sa réputation de monde d'hommes, est-ce qu'elle a été un sujet pour toi d'appréhension, de légitimité et d'évolution ?
- Speaker #2
Pas du tout. D'ailleurs... Quand j'ai rejoint le groupe en 2013, mon patron m'a dit, tu sais, fais attention, parce qu'il y a quand même finalement pas mal de femmes dans des fonctions support. Le directeur juridique était une femme, le directeur de la com était une femme, le directeur des affaires publiques était une femme, encore une femme pour l'immobilier et les services généraux. Il y a quelques hommes, bien sûr, notamment la sécurité et la stratégie, il me dit, on va te dire encore une bonne femme. Mais moi, ça m'est un peu équilatéral. C'est vrai que j'ai toujours travaillé dans des mondes... à majorité d'hommes et ce n'est pas un problème pour moi.
- Speaker #0
Est-ce que tu as senti même peut-être une solidarité féminine autour de toutes ces femmes qui occupaient ces postes, dans ce monde quand même masculin ?
- Speaker #2
Oui, moi je ne suis pas forcément pour un regard très genré sur les personnes. Chacun, voilà, aussi les hommes on leur parle de féminité, donc c'est vrai qu'on peut assez naturellement... Très bien s'entendre avec des femmes comme avec des hommes. Je ne fais pas forcément la différence, mais c'est vrai qu'entre femmes, on peut avoir une petite complicité supplémentaire. On parle aussi de sororité. En tout cas, il n'y a aucune raison d'être plus dure avec les femmes. Mais il n'y a pas non plus de raison de les favoriser à l'excès. Parce que moi, dans mon équipe, par exemple, il y avait certains hommes qui... Je scrutais vraiment tout ce que je faisais en se demandant si je n'allais pas plus favoriser les femmes. Et c'est vrai qu'au sein de mon codire, c'était relativement équilibré. Et on prenait vraiment des choix de recrutement en fonction des compétences et des parcours et aux mérites. Même s'il y avait quand même au global chez Renault un vrai effort pour essayer d'encourager les femmes. Je ne dirais pas les favoriser, mais vraiment encourager plus de carrières de femmes. Essayer de faire en sorte qu'elles puissent aussi, dans la durée, trouver des évolutions de parcours qui correspondent à leurs aspirations. Et surtout pas les décourager et qu'elles partent à la concurrence. Parce qu'on s'aperçoit souvent qu'elles ont des talents énormes qui parfois sont mieux connus par d'autres que par l'interdain.
- Speaker #0
On va parler management maintenant. Tu as dirigé différentes équipes pouvant aller jusqu'à 1000 personnes lorsque tu étais au lien de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Le fait d'être une femme, est-ce que ça a eu une influence sur ton style de management ?
- Speaker #2
Alors moi, déjà j'ai commencé le management très jeune, puisqu'on m'a confié une équipe de 10 personnes qui, à l'échelle de la holding de PPR dans les années 90, qui faisait une centaine de personnes, ça a toujours été un objectif de François Vinault que les holdings restent vraiment de petite taille. Donc moi j'avais une équipe assez importante en immobilier et assurance. et voilà j'ai... Progresser, je pense, c'est quelque chose qui s'apprend. Il faut vraiment s'atteler à développer une dimension de manager, d'écoute, de motivation. Ce n'est pas forcément quelque chose, on ne devient pas forcément un manager de génie comme ça. Et c'est bien dans son parcours professionnel de pouvoir, dès qu'on le peut, ça peut commencer par quelques personnes. Ce n'est pas forcément des énormes équipes, mais le management, c'est vraiment quelque chose. qui se construit. Moi, personnellement, chez Renault, c'est vraiment ce que j'ai adoré, d'arriver à manager des grosses équipes, à les rendre beaucoup plus visibles dans l'entreprise, motivées, comprenant bien leur rôle, donnant vraiment du sens à leur travail, parce que c'est vrai que les équipes immobilières, savez, généraux, parfois on est sous le boisseau, on est peu visibles, pas très compris, donc j'ai vraiment utilisé... ma bonne maîtrise du sujet, puisque ça fait au total 30 ans de fonction immobilier, pour justement énormément développer tous les talents au sein de mon équipe. Alors est-ce que le fait d'être une femme, je dirais que le fait d'être une mère de famille, ça peut aider, ou père de famille d'ailleurs, peu importe. Mais c'est vrai qu'il y a beaucoup de parallèles entre le fait de, dans la durée, faire grandir des équipes ? S'occuper de leur évolution, de leur formation, beaucoup travailler sur l'équipe, en faire en sorte que l'équipe fonctionne. Encore une fois, je pense que j'ai essayé d'être pas le plus neutre possible, mais en tout cas de ne pas stigmatiser, de ne pas être un stéréotype et ne pas stigmatiser un côté trop féminin.
- Speaker #0
En ce qui concerne justement l'équilibre entre la vie pro et la vie perso, on parle beaucoup de la balance entre les deux aujourd'hui, et a fortiori pour les femmes qui ont une pression particulière en la matière. Tu es une mère épanouie de quatre enfants, on en parlait avant l'enregistrement. Comment est-ce que tu as réussi à conjuguer ta carrière avec ta vie personnelle ?
- Speaker #2
Alors évidemment c'est une question d'organisation, il faut vraiment mettre en place toute une équipe. En l'occurrence, moi j'ai eu la chance d'avoir toujours une employée de maison à temps complet, d'ailleurs la même depuis 25 ans, avec qui je partage mes enfants. Mais sinon, beaucoup d'aides extérieures. J'ai aussi toujours fait en sorte que les trajets ne soient pas trop longs, domicile-travail ou école-domicile. J'ai trois enfants en plus sur les quatre, ils ont des garçons qui ont souhaité aller en pension, où ils ont été très heureux, donc merci les pensions. Les vacances chez les grands-parents, quand on a la chance d'avoir des parents, des beaux-parents qui sont heureux d'accueillir leurs petits-enfants. Et puis moi, j'avais des belles-sœurs qui ne travaillaient pas ou différemment et j'étais très favorisée dans la matière, je les remercie beaucoup. Donc c'est toute une organisation pour faire en sorte qu'il n'y ait pas trop de grains de sable parce que c'est toujours les imprévus qui mettent un peu le bazar dans un planning.
- Speaker #0
Est-ce que tu as eu des modèles ou des mentors dans ton parcours ?
- Speaker #2
Alors oui, si vous voulez parler de mentor femme, j'ai été vraiment entre guillemets éduquée et à la dure par une femme à laquelle nous sommes très nombreux à être très reconnaissants, c'est Sybilla Wenger-Schneider, puisque chez Morgan, elle dirigeait l'analyse financière, qui était en fait, même avant ça, l'analyse crédit, c'est elle qui décidait, ou en tout cas qui faisait des recommandations pour prêter. à tel ou tel groupe et qui dans les années 70 avait dit mais le groupe Fiat dont on donnait vraiment pas cher est redressé, va se redresser. Donc elle avait vraiment vu juste, elle a fait la même chose après pour d'autres groupes comme Stellantis et autres. Et donc c'était vraiment quelqu'un qui allait au fond de l'analyse et des choses, on n'avait pas du tout les sources d'informations dont on dispose aujourd'hui, mais c'était une très très grande dans le domaine de l'économie. de l'analyse financière, et ça a ensuite évolué vers les métiers de fusion-acquisition. Donc elle était très dure, très exigeante. Elle formait très très bien ses équipes, et on lui est tous, et moi tout particulièrement, reconnaissant de cette formation qu'elle nous a donnée. Je pense à elle d'ailleurs tous les jours. Sinon, j'ai eu des femmes qui m'ont aussi beaucoup apporté, souvent très très exigeantes, je reconnais. Bernadette de Bourbeau-Bainville, chez Triennon Finance. Mouna Seperi aussi, qui est vraiment une femme exigeante, mais très reconnaissante aussi, et qui fait beaucoup pour ses équipes, qui les encourage beaucoup, qui les défend quand il faut. Donc oui, j'ai eu quelques femmes qui m'ont beaucoup inspirée, puis beaucoup d'hommes. J'ai été aux côtés de François Pinault, où je suis restée 15 ans dans le groupe, Serge Wimbert. Des personnes qui m'ont vraiment beaucoup apporté en termes de valeur, de comportement, de volonté, de persévérance, mais aussi de justice et d'équité.
- Speaker #0
Tu es ambassadrice HEC We and Men et t'inspires à ton tour des nouvelles générations. Pourquoi est-ce important pour toi de donner en retour ?
- Speaker #2
Pour moi, c'est une évidence que d'abord, on a été très gâtés. C'est vrai que d'avoir pu faire des études... Elle me correspondait vraiment très bien. À HEC, j'ai pu être diplômée jeune et finalement travailler très rapidement et continuer à évoluer parce que je pense que dans la vie professionnelle, on apprend beaucoup. Et d'ailleurs, on en parlait avec une de mes amies qui a fait ses études de coach exécutif à HEC tout à fait en fin de carrière. On a finalement changé de métier. Elle me disait, Cécile, maintenant tu es business angel, tu as changé de métier par rapport ou aux 30 ans où tu étais directeur immobilier. C'est vrai, je m'en suis donné les moyens. et elle a fait la même chose en tant que coach donc je pense que toute sa vie il faut progresser et du coup je pense que toute cette réflexion toute cette démarche on peut aussi la partager avec d'autres pour leur expliquer que les idées reçues peut-être il faut un petit peu les corriger ou les ajuster moi par exemple j'ai pas hésité à sortir des sentiers battus peut-être que ça peut encourager certaines de se dire ah bah Là aujourd'hui, je n'ai pas forcément fait la voie royale qu'on me recommande, mais quelque chose d'un peu différent. Est-ce que je ne prends pas trop de risques dans ma carrière, etc. Ça, c'est des choses que je recommande. Moi, j'ai choisi l'immobilier un peu par hasard, parce qu'une occasion se présentait, en me disant vite, vite, je vais retourner en finance, parce que quand même, l'immobilier, c'est moins coté, entre guillemets. Puis finalement, je me suis rendu compte. que c'est un métier où il y avait énormément de choses à faire, c'est un métier qui se financiarisait, s'internationalisait, se professionnalisait, que finalement mon profil était plutôt assez atypique et je pouvais vraiment capitaliser sur les dix ans de finance que j'avais fait auparavant. Je pense que ça, ça peut vraiment être des exemples pour des personnes qui s'interrogent sur le bon parcours, les bons choix professionnels, et puis effectivement concilier vie professionnelle, vie personnelle. C'est des questions qui se posent à tous, aux hommes comme aux femmes.
- Speaker #0
Tu l'as dit, maintenant tes business angels, on le sait, les startups fondées par des femmes sont moins financées que celles fondées par des hommes, alors même qu'elles réussissent mieux. Ton activité de business angel, est-ce qu'elle est aussi pour toi une façon de soutenir les femmes autrement ?
- Speaker #2
J'aimerais bien, et d'ailleurs à chaque fois qu'une occasion se présente, évidemment, je fais tout pour que ça se concrétise, pas plus tard qu'hier soir, dans l'énergie. Mais dans mon secteur d'activité, par exemple, j'ai investi dans une quinzaine de start-up. Il y en a au plus deux où il y a une femme dans les co-fondateurs. Donc pour l'instant, très très peu de femmes.
- Speaker #0
C'est encore timide. Qu'est-ce que tu dirais aujourd'hui à la jeune Cécile, sortie d'HEC ?
- Speaker #2
Peut-être que je dirais le conseil que j'ai reçu de ma marraine. qui me dit, bon attention Cécile, parce que tu as fait des très belles études, mais vous les HEC, vous êtes souvent arrogants, vous avez la grosse tête, donc on revient les pieds sur terre. C'est vrai que le démarrage dans la vie professionnelle, c'est parfois une école d'humilité, parce qu'on rencontre des gens qui peuvent éventuellement vous mettre des pots de bananes, donc il faut aussi se donner le temps. Moi j'ai aussi choisi souvent de rester longtemps dans mes jobs, j'ai pas à chercher à... changer tous les deux ans, tous les trois ans. Donc voilà, une forme de persévérance, de patience, et puis pas croire qu'on est sortis de la cuisse de Jupiter. Il faut faire ses preuves, arriver à s'affirmer, apporter aussi une dose d'humanité dans ce qu'on fait. On n'est pas juste des machines, des calculatrices. Voilà donc mes conseils.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Cécile. Merci d'avoir été avec nous dans notre podcast aujourd'hui. Et à bientôt avec des nouveaux profils.
- Speaker #2
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci d'avoir été avec nous. Retrouvez tous les épisodes de Trajectoire sur Spotify et sur le site hscstories.fr.