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Un beau jour

Après son expérience de mort imminente, il est devenu prêtre

Après son expérience de mort imminente, il est devenu prêtre

57min |02/11/2025
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Description

Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression "EMI" désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière ou un tunnel, expliquent parfois comme être sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour Un beau jour, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu et ressenti ce jour-là et les changements profonds qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort... et l'Amour véritable.

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Benjamin Coste

    Bonjour, je suis Benjamin. Vous écoutez Un beau jour, le podcast de Famille Chrétienne qui donne la parole à des hommes et des femmes dont la vie a été bouleversée par un événement imprévu. Aujourd'hui, je suis en Suisse, à Aigle exactement, une petite commune de 11 000 habitants où l'abbé Vincent Lafargue est prêtre. Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression EMI désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière, un tunnel, expliquent être parfois comme sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour nous, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu, ressenti ce jour-là et sur les changements profonds. qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort. Père Vincent, bonjour. Bonjour. Merci de nous accueillir donc chez vous à Aigle. Et comme c'est la tradition dans ce podcast, pour commencer cet entretien, pouvez-vous nous présenter l'objet symbolique de votre histoire que vous avez amené ?

  • Père Vincent Lafargue

    J'ai amené un sablier, mais c'est un sablier un peu particulier. Alors, ce n'est pas radiophonique, mais vous, Benjamin, vous le voyez. C'est un sablier qui remonte le temps plutôt que de le descendre, donc le sable qui est à l'intérieur d'un liquide remonte en haut du sablier plutôt que de descendre comme la gravité le voudrait. Et cet objet que j'ai découvert quelques années après mon expérience de mort imminente me rappelle que lorsque l'on donne du temps aux autres, on le gagne, on retrouve du temps en retour. alors que si l'on essaye de garder le sable dans notre main, eh bien, il s'écoule inexorablement et bien souvent, on le perd. Donc, cet objet signifie aussi pour moi le fait de prendre du temps parce que avant, dans ma vie d'avant, comme nous allons l'évoquer, j'étais toujours en retard et je courais toujours après le temps. Et j'ai appris à prendre du temps. Moi qui suis fils d'horloger, ce qui arrive en Suisse. Eh bien, j'ai appris à faire attention, à respecter le temps. Et ce petit sablier vient me le rappeler quand je suis stressé, quand je suis en retard. Je m'arrête, je le retourne et j'attends qu'il soit arrivé au bout, que le temps soit remonté. Je serai deux minutes de plus en retard, mais au moins, je vais partir plus calmé. Et j'en profite pour faire une prière la plupart du temps.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, vous aviez 25 ans, donc un petit flashback. Lorsque vous avez eu un accident de la route. Oui. grave accident de la route et donc vécu cette expérience de mort imminente. Pouvez-vous nous dire quel jeune homme vous étiez à l'époque ? Et puis peut-être revenir un peu sur votre histoire familiale, personnelle.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, j'étais comédien au théâtre, j'étais prof de français langue étrangère et j'étais animateur de radio sur une radio chrétienne. Donc, et les trois choses en même temps. Ce qui vous dit déjà que j'étais un petit peu un monsieur 100 000 volts. C'était un des surnoms qu'on m'avait donné parce que je faisais pas mal de choses. Le fait de travailler sur une radio chrétienne vous dit que j'étais déjà chrétien. J'ai été baptisé un mois après ma naissance. J'ai vécu dans une famille chrétienne. Nous sommes quatre frères chez moi. Mes parents sont pratiquants aujourd'hui encore et ils m'ont transmis leurs valeurs. J'ai confirmé mon baptême à l'âge de 17 ans. par contre ensuite et comme beaucoup de jeunes gens, après ma confirmation, je me suis un petit peu éloigné de l'Église entre 17 et 25 ans. J'ai pris quelques distances parce que j'avais d'autres priorités en tête que de pratiquer ma foi qui était un peu culturelle. Je n'avais pas réellement rencontré le Christ, je dirais. Je l'avais rencontré à travers des traditions familiales, à travers une pratique qui était celle de mes parents, mais pas encore en personne. Et donc, j'allais à l'église, oui, très souvent quand il n'y avait personne, j'y allais volontiers pour déposer une bougie, comme font beaucoup de gens. J'y allais aussi pour parler à Dieu de manière assez désagréable la plupart du temps. C'était plutôt pour lui demander des comptes, c'était pour lui demander pourquoi le mal dans le monde, pourquoi est-il arrivé tel problème, voilà.

  • Benjamin Coste

    Donc vous étiez un croyant, un croyant, mais un croyant un peu en colère.

  • Père Vincent Lafargue

    Un peu en marge, un peu en colère. Oui, oui. Et puis avec le caractère que j'avais, il s'en est pris deux, trois dans la figure, notre pauvre Seigneur.

  • Benjamin Coste

    Il y a des raisons à ça ? Il y a des événements particuliers qui ont suscité cette colère ? Non,

  • Père Vincent Lafargue

    les événements du monde, les événements du monde, ceux de mes proches lorsqu'il y a eu tel ou tel drame ou tel ou tel accident. Et voilà, mais moi, dans ma propre vie... J'ai eu une enfance et une jeunesse extraordinaires, enfin extraordinaires, tout à fait agréables, merveilleuses. Je dis extraordinaires parce qu'avec le nombre de personnes que je rencontre qui ont eu une enfance cabossée ou une jeunesse difficile, ça a l'air plutôt rare d'avoir une jeunesse, une enfance vraiment agréable. Donc non, je n'avais rien à reprocher à Dieu de précis me concernant.

  • Benjamin Coste

    Vous venez de le dire, vous cumuliez les activités, donc journaliste le matin, prof de français, c'est ça, la journée, comédien le soir. J'ai lu que vous vous leviez tôt, vous vous couchiez tard. Moi, la question qui m'est venue, c'est d'où vous venez finalement cette espèce de boulimie de la vie, ce désir de toujours être à fond ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est une vraie bonne question. Je suis un... Un enfant qui n'était pas prévu. Je ne vais pas dire qu'il n'était pas désiré, parce que j'ai été tout de suite accueilli lorsque la grossesse s'est présentée. Mais je n'étais pas prévu. Mes frères ont 15 ans d'écart avec moi. Ma maman avait 40 ans lorsque je me suis présenté. Et donc, voilà, il n'avait pas prévu d'avoir quatre enfants. Il y a un quatrième qui arrive. On m'a tout de suite aimé et accueilli. mais je pense que j'en ai gardé une certaine urgence de vivre. Parce que, bien sûr, qu'au tout début de cette grossesse, la question s'est posée pour mes parents de dire qu'est-ce qu'on fait ? Ils n'étaient pas du tout riches à l'époque. Mon papa était au chômage au moment où je suis arrivé. Donc, la question a dû se poser jusque dans mon ADN. Le risque de ne pas vivre. Et donc, j'ai cette chance d'avoir été accueilli, mais je pense que j'en ai gardé. Une urgence de vivre et de croquer la vie à pleines dents.

  • Benjamin Coste

    On va venir donc à cet événement qui a quand même fondamentalement changé le cours de votre vie. Un jour, vous êtes comme toujours en retard, vous l'avez expliqué. Vous enfourchez votre scooter, qui est un gros scooter, un scooter moto, pour vous rendre à une répétition de théâtre. Absolument. C'est ça. On est à Genève, je ne me trompe pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    On est à Genève, au mois de novembre, il fait nuit, il pleut et il fait froid. Et il y a un peu de brouillard. C'est l'idéal pour rouler en deux roues.

  • Benjamin Coste

    C'est ça. Et vous, vous êtes en retard, donc j'imagine un peu pressé.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui.

  • Benjamin Coste

    Et donc avec une conduite assez nerveuse.

  • Père Vincent Lafargue

    Assez nerveuse, oui, tout à fait.

  • Benjamin Coste

    Racontez-nous ce qui se passe, l'accident.

  • Père Vincent Lafargue

    Je pars donc en retard et je dois quand même revenir quelques heures avant pour vous dire que ce même jour... Une de mes étudiantes m'avait fait remarquer que j'avais un tic de langage, le mot « vite » que je disais sans arrêt. Et ça m'a fait réfléchir sur mon scooter ce soir-là au guidon. Une fois arrivé un feu rouge, j'ai réfléchi à cela en me disant « mais c'est vrai que je vais vite, que je vais trop vite » . Alors je respectais les limites de vitesse, ce n'était pas la question, mais vous l'avez dit, on peut conduire nerveusement aussi tout en respectant les limites et ça, ce n'est pas bon. Et puis, on peut partir en retard. on peut tout faire vite, ce qui était mon cas dans ma vie à ce moment-là. Je faisais tout trop vite. Et donc, je réfléchis au feu rouge et je me dis, c'est vrai, si j'ai ce tic de langage, ce n'est pas pour rien. C'est vrai que je vais trop vite, que je fais tout trop vite. J'aimerais bien freiner, finalement. J'aimerais bien avoir une vie un peu plus zen. Mais je ne sais pas comment faire. Parce que tout ce que je fais me passionne. Je suis un être passionné, aujourd'hui encore, mais je l'étais aussi à l'époque. Et donc, quand je fais quelque chose, je le fais à fond.

  • Benjamin Coste

    Il y avait vraiment une incapacité à aller plus doucement.

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument, oui. Et donc, je demande à Dieu, à ce moment-là, dans une prière spontanée, en silence, comme je le faisais souvent dans ma tête, je me dis, mais j'aimerais bien, j'aimerais bien freiner, j'aimerais bien même m'arrêter, pourquoi pas. Je trouvais tout à fait... Je voyais comme des extraterrestres les gens qui prenaient une semaine de silence dans un monastère. Enfin, je me disais ça, c'est vraiment pas pour moi, j'y arriverai jamais. Donc, voilà, je disais, j'aimerais bien m'arrêter, j'aimerais bien freiner. Puis je lui ai dit, puisque tu es si malin, toi, et puis si tu existes vraiment, essaye de m'arrêter. Voilà. Et là, j'ai entendu une voix, alors que j'avais dit cela dans ma tête. J'ai entendu une voix, comme je vous parle maintenant, alors que j'avais la musique à fond dans les casques, ce qu'il ne faut pas faire non plus à moto. J'ai entendu une voix très claire, très nette, très douce, que je connais bien depuis, mais que je n'avais jamais entendue, qui n'est pas la voix de ma conscience, parce que celle-là, on la connaît tous et je la connaissais bien, la petite voix qui nous dit « tu ne devrais pas » . Non, alors rien à voir. Une voix, tout simplement, qui me dit Est-ce que tu es bien sûr de ce que tu me demandes ? » Et sans réfléchir, j'ai dit oui, à haute voix cette fois-ci, j'ai dit oui, deux fois, et le feu est passé au vert.

  • Benjamin Coste

    Donc ce que tu me demandes, de ralentir.

  • Père Vincent Lafargue

    Voilà, c'est ça. Le feu est passé au vert, j'ai démarré, sec. J'ai atteint le 50 à l'heure assez vite. Je m'engageais dans une petite rue assez étroite. Et après une centaine de mètres, j'ai pris une voiture de face à 50 à l'heure.

  • Benjamin Coste

    Que vous n'avez pas vu arriver ?

  • Père Vincent Lafargue

    On ne s'est pas vu, ni elle ni moi. Il y a eu une illusion d'optique à cet endroit-là. Je passe sur les détails, mais qui a été reconnue après et corrigée. Mais le fait est qu'on ne s'est pas vus et donc on n'a pas freiné, ni l'un ni l'autre. On est vraiment arrivé à 50 à l'heure l'un contre l'autre. Ça fait 100 à l'heure dans un mur, c'est violent. Et donc j'ai fait une cascade absolument improbable. Je lui ai démoli sa voiture. Elle n'a pas eu de blessure physique, mais elle est restée traumatisée pendant longtemps. J'en parle d'autant plus volontiers que c'est devenu une amie, ce qui n'est pas courant dans ce genre d'accident. Mais voilà, moi, j'ai atterri sur le trottoir, inconscient, dans une flaque de sang. Et elle a tout de suite cru m'avoir tué. Ce qui va me sauver la vie, paradoxalement. Parce qu'elle n'a pas appelé l'ambulance, mais elle a appelé la police. Persuadée qu'elle avait tué quelqu'un. Elle a appelé la police en disant « j'ai tué quelqu'un » . Et ça va me sauver la vie parce que la police avait une voiture médicalisée qui était juste à côté, alors que l'ambulance la plus proche était nettement plus éloignée. Et donc, c'est la police qui va me prendre en charge. Et la deuxième chose qui va me sauver la vie, c'est que la voiture qui me suivait était conduite par un médecin, des SOS médecins, qui avait son matériel avec lui. Et ce ne sont pas les seuls clins dieux de cette soirée-là. Alors après, hasard ou pas hasard, mais voilà. Et ce médecin, lui, va tout de suite me porter les premiers secours, comprendre que je ne suis pas mort, mais comprendre que ce qui s'est passé est assez grave.

  • Benjamin Coste

    À ce moment-là, vous avez dit que vous étiez inconscient.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, moi je suis inconscient. Et donc, lui va tout de suite faire en sorte de me bouger correctement. Heureusement, parce que j'avais une vertèbre qui était fissurée, donc il fallait aller tout doucement. Et puis quelques autres fractures, quasiment une quinzaine en tout. Donc, on va me mettre dans l'ambulance où je vais me réveiller. Je vais arriver jusqu'à l'hôpital. On va faire quelques contrôles des radios. On trie les patients à l'hôpital, comme vous le savez. Il y a des urgences vitales et puis d'autres. Et puis, moi, c'était de la carrosserie. Ce n'était pas tellement, a priori, des blessures entraînant la mort.

  • Benjamin Coste

    C'est ça, votre cas n'est pas jugé comme grave.

  • Père Vincent Lafargue

    Il est jugé grave, mais pas urgentissime, pas vital. Et ce en quoi, malheureusement, on se trompe. Parce que l'une des blessures que j'ai, une fracture du bassin, a entraîné trois petites veines avec elle. Et ce ne sont pas des artères, donc ça va tout doucement, l'hémorragie, mais elle est bien là. Et comme elle est interne, on ne peut pas la stopper sans ouvrir, et donc on ne s'en rend pas compte tout de suite. Et je vais donc devoir ma vie à une série de coïncidences, de hasards ou de signes, mettez ça comme vous voulez. Mais toujours est-il qu'à un moment donné, on comprend que mes blessures sont gravissimes, en réalité, que je suis en train de perdre la vie. Et donc, le dernier souvenir que j'ai, c'est celui d'un médecin qui est là et qui dit « emmenez-le au bloc, tout de suite » .

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous avez repris conscience entre temps ? Oui.

  • Père Vincent Lafargue

    À plusieurs reprises, j'ai repris conscience dans le transport, à l'hôpital. J'ai vu mes proches qui sont venus tout de suite. Donc, j'ai repris conscience à plusieurs reprises, très jovial. J'étais fataliste à l'époque, je le suis toujours. Mais voilà, je me suis dit bon, ben voilà, là, c'est fait, c'est fait.

  • Benjamin Coste

    Mais jovial, en quel sens jovial ?

  • Père Vincent Lafargue

    Dans le sens vraiment fataliste, c'est-à-dire maintenant c'est cassé, c'est cassé. Le but, c'est de se rétablir. Il n'y a pas besoin de regretter, il n'y a pas besoin de pleurer sur le lait renversé. C'est fait. Non, il faut éponger. D'accord. Et donc, à plusieurs reprises, je suis revenu à moi. Et la dernière fois que je suis parti dans les vapes, c'est dans le couloir, sur un brancard. avec des gens qui courent à côté du brancard. Et donc là, on a beau être à moitié déjà partis, j'avais déjà eu des piqûres d'antidouleurs, quand les gens courent à côté de votre brancard, on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui ne joue pas. Et donc, pourtant, je suis assez calme avec ça. Je n'ai pas le sentiment d'avoir eu peur à ce moment-là. Je me suis simplement dit, tiens, ça ne va pas. ok Et puis je repars dans les pommes et lorsque je me réveille... Je suis au plafond du couloir.

  • Benjamin Coste

    Donc lorsque vous avez la sensation de vous réveiller ?

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument. Lorsque j'ai la sensation de revenir à moi, je suis au plafond du couloir. C'est-à-dire que mon angle de vue a changé de 180 degrés, puisque j'étais sur un brancard avec les yeux qui regardaient vers le plafond. Et là, c'est l'inverse. Je suis assez en hauteur par rapport aux gens et à la scène que je vois. Je vois un brancard avec un jeune homme. Je ne comprends pas tout de suite que c'est moi. Et je vois des gens qui s'affairent, un bruit très désagréable, dont je comprendrai après qu'il s'agit de la machine qui indique que les lignes sont à plat, et donc que le cœur s'est arrêté. Et donc, je vois les gens qui s'affairent autour de moi. Je n'avais jamais vu, je n'étais pas un adepte de la série Urgence qui passait déjà à l'époque. Enfin, je n'avais jamais vu un massage cardiaque de ma vie. À cet instant-là,

  • Benjamin Coste

    vous êtes en arrêt cardiaque.

  • Père Vincent Lafargue

    Là, je suis en arrêt cardiaque.

  • Benjamin Coste

    C'est ça.

  • Père Vincent Lafargue

    Et... on commence à me faire un massage cardiaque. Ce qui est assez violent, en fait, à voir. Et ma première réaction, c'est d'avoir envie de leur dire « Mais arrêtez, vous lui faites mal. Laissez-le tranquille. »

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous-même, qui observez la situation, vous n'avez pas cette sensation de douleur, pour le coup.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, du tout. Et pourtant, Dieu sait si j'en avais avant. Mais là, je suis très bien, je flotte, tout va bien, j'ai pas mal, mais je vois ce jeune homme que... Et là, on essaye de réveiller comme ça. Et puis, je comprends que c'est moi. Comment ? Je ne peux pas tellement vous le dire. C'est venu comme ça. Je ne sais pas comment j'ai compris que c'était moi, mais j'ai compris à un moment que c'était moi. Et ça ne m'a pas gêné plus que tant. Je me suis dit, bon, OK, il s'occupe de moi, très bien.

  • Benjamin Coste

    Pas plus d'inquiétude à ce moment-là, quand vous vous y êtes pris de conscience ?

  • Père Vincent Lafargue

    Pas du tout. Vraiment pas du tout. Alors qu'à l'époque, je vais vous dire que j'aurais pas aimé mourir. Il n'y a pas une époque où on aurait aimé mourir, mais j'avais peur de la mort à l'époque. C'est quelque chose que... Voilà, je n'étais pas forcément tranquille avec cette idée-là, même si à 25 ans, on est éternel, n'est-ce pas ? On ne s'imagine pas du tout mourir, mais j'avais été confronté à la mort de certains proches. Et voilà, à l'idée de mourir tout de suite, je n'aurais pas été tranquille du tout. Donc là, non, je vois cette scène et puis je me rends compte que j'ai la faculté de m'approcher ou de zoomer avec le regard. Je me rendrais compte après coup en lisant des témoignages et en rencontrant des gens que je ne suis pas le seul à avoir eu cette faculté-là. Mais je n'avais rien lu jusque-là sur les expériences de mort imminente, je ne sais pas du tout ça. Et donc je m'aperçois que j'ai cette faculté de m'approcher avec le regard pour voir des détails. Et je ne sais pas pourquoi je me mets à jouer avec ça. Donc je m'approche du mur. Je regarde le numéro qui est sur le mur, je m'approche de la machine qui fait du bruit, je vois ces lignes qui sont à plat, je m'approche des mains qui massent, je m'approche d'un badge où je vois un nom.

  • Benjamin Coste

    Vous vous amusez en fait ?

  • Père Vincent Lafargue

    Je m'amuse complètement comme si j'avais un appareil photo et je ne sais pas pourquoi je m'approche de ces éléments-là. Mais ils vont se graver dans mon esprit, ainsi qu'une bague. et puis alors que je m'amuse Avec ce zoom, je ne peux pas le dire autrement, tout à coup, je suis comme retourné, comme si on m'avait retourné de nouveau les yeux vers le plafond, sauf que là, il n'y a plus de plafond.

  • Benjamin Coste

    D'accord, c'est-à-dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est-à-dire que ce que j'ai devant les yeux, c'est le ciel, une sorte de ciel qui est un ciel paisible. Je ne peux pas vous dire s'il y a des étoiles ou le soleil ou non, c'est un ciel. Et il y a une immense lumière blanche que je ne peux pas décrire autrement qu'en disant que c'est beaucoup plus fort que la lumière du soleil, mais pas du tout éblouissant. C'est-à-dire que je peux la regarder face à face, mais elle est beaucoup plus intense que la lumière du soleil. Alors, ce n'est pas évident avec des concepts humains, évidemment. Et puis, je flotte vers cette lumière. J'avance doucement vers cette lumière dans un état de bien-être. Alors, encore plus totale que ce qui était déjà pas mal juste avant.

  • Benjamin Coste

    On vous entend décrire ces images, ces sensations. Je vois votre regard qui se perd un peu au loin. Tous ces éléments que vous nous décrivez, aujourd'hui, restent encore très précis dans votre esprit.

  • Père Vincent Lafargue

    Comme si ça s'était passé hier.

  • Benjamin Coste

    D'accord.

  • Père Vincent Lafargue

    Les images, alors que j'ai beaucoup de souvenirs de ces années-là qui sont effacées, bien sûr. Mais ces images-là sont restées gravées comme si on les avait gravées en moi, vraiment, très fortement.

  • Benjamin Coste

    Et donc la lumière, cette lumière vers laquelle vous allez dans un état... Complètement paisible, pacifié, tranquille, serein ?

  • Père Vincent Lafargue

    Tout à fait. Je ne peux même pas parler d'extase, parce que ça supposerait quelque chose de très fort, mais c'est vraiment une sérénité totale. Peut-être ce qu'approchent les moines qui arrivent à méditer et à arriver à la totale paix de l'âme, c'est vraiment cela que je ressens. Je flotte vers cette lumière, tranquille, et très rapidement, alors tout ce que je vous décris là, ensuite, d'après les médecins, a duré entre 40 et 45 secondes. Incroyable. Et pourtant, pour moi, si j'essaie d'imaginer le temps, j'ai l'impression que ça dure plusieurs minutes.

  • Benjamin Coste

    C'est 40-45 secondes, c'est le temps de l'arrêt cardiaque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est ça. Exactement, c'est le temps jusqu'à ce que mon cœur reparte, grâce au massage cardiaque. Ça, c'est ce que l'on m'a expliqué, parce qu'évidemment, là, je ne le vois plus à ce moment-là. Et donc, Il vient très rapidement à mon esprit, et plus qu'à mon esprit vraiment en moi, que cette lumière blanche que je vois et dans laquelle je suis peu à peu enveloppé, comme si elle venait tout autour de moi, c'est l'amour, avec un A majuscule, avec une sensation que je peux décrire comme un million de fois l'amour que moi j'avais connu, bien sûr, terrestre. J'étais fiancé quelques années auparavant, j'ai vécu avec une femme, j'avais expérimenté l'amour humain. Mais là, c'est multiplié par un million. C'est quelque chose d'absolument indicible.

  • Benjamin Coste

    Comment on arrive à reconnaître que c'est l'amour, sachant que vous ne voyez rien d'autre que ce ciel, cette lumière ? Qu'est-ce qui fait qu'intérieurement, vous... Percevez que c'est l'amour. C'est difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, et pourtant, c'est de l'ordre. Alors, dans le livre dont je vous parlerai tout à l'heure, on dit que plusieurs expérienceurs, comme on nous appelle, sont passés de la foi à la certitude. Et c'est vraiment cela. Je pourrais dire, j'ai cru que c'était l'amour ou j'ai eu le sentiment que c'était l'amour. Non, là, il y a quelque chose de... comme si c'était scientifique. comme si on m'avait prouvé par A plus B que ça, c'est l'amour et qu'on me l'avait inculqué dans mon ADN pour que je ne l'oublie jamais.

  • Benjamin Coste

    Et est-ce que c'est un amour qui est divin ? Est-ce que c'est un amour que vous associez en tout cas à une personne divine ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, sur le moment, non. Sur le moment, j'ai vraiment le sentiment que c'est l'amour avec un A majuscule, mais par définition, bien au-delà de ce qu'est l'amour humain. Donc, avec quand même quelque chose de transcendantal. clairement. Mais je ne l'associe pas sur le moment à Dieu. Je n'ai pas vu de personnages, de visages. Je découvrirai après des gens qui ont vu le Christ ou qui ont vu les membres de leur famille. Moi, non, j'ai ressenti très clairement l'amour et c'est tout.

  • Benjamin Coste

    Vous nous avez expliqué il y a eu l'arrêt cardiaque, vous êtes revenu, les médecins vous ont récupéré grâce au massage. Les heures suivantes, vous êtes opéré, j'imagine, pour traiter cette hémorragie interne. Et donc, j'imagine qu'à un moment, vous allez arriver, vous êtes dans votre chambre, vous revenez dans votre chambre de convalescence. Qu'est-ce qui se passe les premiers moments où vous revenez et vous reprenez conscience ? Est-ce que ce que vous avez vécu vous revient tout de suite à l'esprit ? Est-ce que j'imagine qu'il y a aussi le flot des soignants autour de vous qui vous emmènent dans toute autre chose ? mais cette expérience... Qu'est-ce qu'elle devient tout de suite, dans les heures, les jours après l'accident ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, dans un premier temps, elle est effacée, elle n'est pas là. Lorsque je me réveille, c'est 48 heures plus tard, puisqu'on m'a opéré deux fois pour traiter toutes les blessures que j'avais, une fois en urgence et une deuxième fois 24 heures après. Et donc, lorsque je me réveille, ma première inquiétude en salle de réveil vis-à-vis du médecin, c'est... Mon chat, j'avais une petite minette qui vivait chez moi, mes étudiants qui devaient passer un examen le lendemain et ma pièce de théâtre qu'on devait jouer deux semaines plus tard. Et donc le médecin, avec une infinie douceur, va m'expliquer que si j'entends sortir de cet hôpital, ce ne sera pas avant des mois, que ce sera en chaise roulante, qu'il ne peut pas m'assurer que je remarcherai un jour. Et tout cela avec vraiment une douceur que je n'oublierai jamais. Là, dit comme ça, c'est violent. Mais voilà, il m'a vraiment tout de suite mis en confiance en disant si vous faites ce qu'on vous dit, si vous travaillez avec nous, on a une chance de vous ramener comme avant ou presque comme avant. Mais ce sera long et difficile. Et puis, peu à peu dans ma chambre, des souvenirs vont revenir, des souvenirs clairement d'abord du dialogue au feu rouge avec Dieu. Et puis des souvenirs aussi de cette expérience, mais ces souvenirs-là vont mettre des mois à revenir. ceux-là, ils restent effacés pendant un certain temps dans ma mémoire, jusqu'à ce que je me retrouve par une sortie que je fais avec mes parents en voiture, jusqu'à ce que je me retrouve dans la rue où a eu lieu l'accident. Et là, toute une série de choses sont revenues comme si on avait débloqué quelque chose, appuyé sur play dans mon cerveau. Et donc, toute une série de choses reviennent, dont ces images-là. Et dans un premier temps, je les évacue. En me disant, c'est des images bizarres, ça ne correspond pas. Je suis très, très rationnel à l'époque. Donc, ça, ça ne va pas. Ce n'est pas possible. Donc, j'évacue. Et puis quand même, ça revient en rêve. Et puis, ça revient à plusieurs reprises dans mes journées, comme des flashs. Et donc, je choisis d'en parler à l'un des médecins qui m'a opéré. Ils sont plusieurs. Je choisis d'en parler à l'un d'eux en disant à la fin d'une consultation, écoutez, j'ai des images qui me viennent et j'aimerais vous en parler. Et je lui en parle et je lui décris tout ce que je vous ai décrit. Et je suis persuadé qu'il va me prendre pour un fou. J'ai beaucoup de chance. Je dis j'ai beaucoup de chance parce que j'ai rencontré différentes personnes qui ont vécu des expériences de mort imminente et qui n'ont pas été prises au sérieux par le corps médical. À l'époque, on balbutie encore dans les années 2001. Aujourd'hui, ça serait différent. Et ce médecin me prend au sérieux immédiatement, me dit, j'étais là, ce que vous décrivez est juste. Je lui décris aussi un dialogue qu'il y a eu à ce moment-là. Il me dit, voilà, tout ce que vous me dites est vrai, je vous le garantis.

  • Benjamin Coste

    C'est-à-dire, les images que vous avez vues pendant l'expérience sont réelles.

  • Père Vincent Lafargue

    Il les valide. Il me dit, le numéro sur le mur, le badge, c'est celui de mon collaborateur, vous ne l'avez plus jamais revu. C'était son dernier jour avec nous. L'alliance, c'est celle que je porte et je la vois à ce moment-là et je dis, ben oui, c'est celle-là. L'appareil, effectivement, enfin voilà, il valide ce que je lui dis. Il me dit, le seul problème que j'ai avec ça, c'est que vous ne pouvez pas vous en souvenir scientifiquement parce qu'à ce moment-là, vous étiez cliniquement mort. On serait plus prudent aujourd'hui parce que pour être déclaré cliniquement mort aujourd'hui, c'est plus compliqué. Mais à l'époque, on utilisait volontiers cette expression dès que le cœur s'était arrêté, qu'il n'y avait plus d'activité cérébrale. Et donc, il me dit, vous étiez en train de perdre la vie et vous étiez cliniquement de l'autre côté à ce moment-là. Et donc, il me dit, vous ne pouvez pas avoir ces souvenirs-là, mais ils sont réels. Donc, je vous crois et vous n'êtes pas le seul à qui c'est arrivé. Et ça, c'est une découverte pour moi. Je n'avais absolument pas entendu parler de cela. Et il me dit, il y a des livres. Il y a des personnes à qui c'est arrivé. Il me parle de quelques livres, dont ceux d'Elisabeth Kubler-Ross et de Raymond Moody, qui sont célèbres à l'époque.

  • Benjamin Coste

    Peut-être dire un mot de ces deux personnes pour nos auditeurs qui ne les connaîtraient pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    Donc, Elisabeth Kubler-Ross est une thérapeute suisse qui a beaucoup travaillé sur la mystique et sur l'au-delà. Et puis, Raymond Moody est celui qui a écrit La vie après la vie, qui est un best-seller. C'est un médecin américain et c'est un best-seller dans les années 80 déjà, sauf erreur. ... qui a commencé à récolter, lui, les premiers témoignages sur ses expériences de mort imminente.

  • Benjamin Coste

    Le fait que le médecin « valide » ce que vous avez vécu explique que ce n'est pas une vue de l'esprit, un délire. Qu'est-ce que ça va changer pour vous concrètement ?

  • Père Vincent Lafargue

    La première chose que ça change, c'est que c'est le premier à me dire que j'ai frôlé la mort, parce que personne ne me l'avait dit. Et puis moi, je n'avais pas demandé à lire mon dossier. La transparence de ce genre de choses était aussi différente à l'époque qu'aujourd'hui. Personne ne m'avait dit que j'étais passé vraiment juste à côté et que mon cœur était finalement reparti. Je vais parler à partir de ce moment-là d'une deuxième vie ou d'une partie gratuite. C'est un peu ça. Et donc, ça, personne ne me l'avait dit. Il est le premier à me le dire. Et là, je prends vraiment comme un coup de batte de baseball dans la figure. C'est vraiment, je suis sonné. de savoir que je suis passé tout près, comme on dit. Et puis, la deuxième chose, c'est qu'alors, je me dis, mais alors ces images qui reviennent en flash, elles sont vraies. Mais alors, si les images du couloir sont vraies, les images de la lumière sont vraies aussi. Et donc, c'est là que je commence à m'intéresser à lire ces bouquins et à découvrir que plein de gens parlent de cela. que d'autres sont allés beaucoup plus loin que moi, d'autres sont allés jusqu'au bout de ce tunnel, ont rencontré des gens, ont entendu des paroles. Je vais m'apercevoir qu'un membre de la famille a fait une expérience semblable et n'en avait jamais parlé. Et donc, je vais découvrir toute cette série de témoignages en me disant, bon, je m'inscris très humblement à la suite de ces personnes-là. Mon expérience est toute petite par rapport à celle des personnes qui ont été jusqu'au bout, rencontré des gens, etc. Mais elle est bien réelle. Et puis, ce qui m'apparaît très rapidement, c'est trois éléments. Et je vais découvrir, grâce à Elisabeth Kübler-Ross, que ce sont des éléments qui sont présents chez une immense majorité des expérienceurs. Trois éléments qui sont ne plus avoir peur du tout de la mort. Et vraiment, c'est une immense paix. Je suis très paisible par rapport à ça. La mienne comme celle de mes proches d'ailleurs. C'est la première chose. La deuxième chose, c'est de vouloir absolument changer de vie. Il m'apparaît que ma vie ne peut pas continuer comme avant. Il doit y avoir un changement et ce changement doit être fort. Il ne s'agit pas seulement de changer de métier. Et puis, le troisième élément, c'est de me mettre d'une manière ou d'une autre au service des autres. Le service devient quelque chose de très important, alors qu'avant, j'étais considérablement un but de ma personne. Le théâtre peut aider, ou ne pas aider justement plutôt. Mais enfin, j'avais développé un égocentrisme qui était quand même assez violent. Et donc, les autres, ils étaient intéressants s'ils m'applaudissaient. Je force le trait, mais enfin, voilà.

  • Benjamin Coste

    Et donc, ces trois éléments que vous citez, ils sont communs. à la plupart des personnes qui ont fait une expérience de mort imminente.

  • Père Vincent Lafargue

    Je découvrirai ça. C'est très étonnant. Et commun à un pourcentage impressionnant. Ce n'est pas 100%, mais pas loin. Alors ensuite, Elisabeth Kubler-Ross va lister carrément une douzaine de points communs. Mais les suivants sont... Le pourcentage descend au fur et à mesure de la liste. Mais tout de même, il y en a un certain nombre dans lesquels je me retrouve ou je me retrouve plus ou moins. Mais ces trois-là sont vraiment tête de liste et chaque personne qui vient vers moi après une émission comme la vôtre en disant « je vous ai entendu, il m'est arrivé la même chose, il faut qu'on parle » , chaque personne me dit la même chose. Elle me dit « ces trois éléments, c'est une évidence pour moi » . Et des personnes sont allées très loin. Je connais une personne qui a changé de nom, d'adresse, d'identité, vraiment, qui a refait sa vie complètement différemment.

  • Benjamin Coste

    Mais est-ce que ça veut dire que je me... Posez la question en préparant cet entretien, est-ce que ça veut dire que votre vie d'avant n'a pas de prix, ne valait en guillemets rien ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a un rejet finalement de cette première vie par rapport à la deuxième qui s'annonce ?

  • Père Vincent Lafargue

    Du tout ,non. D'ailleurs dans ma vie de prêtre aujourd'hui, je profite énormément de tout ce que j'ai appris comme comédien, comme enseignant et également comme animateur de radio puisque je continue à en faire. Donc... Non, non, ma première vie est précieuse et je n'en renie aucun des moments. Simplement, c'est comme si c'était une vie en noir blanc ou en deux dimensions et puis que celle d'aujourd'hui est en couleur et en trois dimensions. C'est tout autre chose. C'est-à-dire que j'ai découvert simplement un sens à cette vie que je n'avais pas avant.

  • Benjamin Coste

    Alors, je vous écoute et je me dis pareil. Ça peut être un peu terrible ce que vous dites, parce qu'on se dit finalement, est-ce qu'il faut attendre de faire une expérience pareille pour vivre une vie en couleur, comme vous l'avez décrivé, et non pas une vie en noir et blanc ?

  • Père Vincent Lafargue

    Heureusement non, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui vivent en couleur, et je suis persuadé que c'est votre cas. Mais simplement, c'est en comparaison que je dis cela. Lorsqu'on a cette chance d'avoir une deuxième vie, ce qui était auparavant vous apparaît un peu plus plat et un peu plus futile. Mais, encore une fois, je n'en renie aucun des moments.

  • Benjamin Coste

    Comment vous passez de cette vie du comédien, du journaliste, à un jour devenir prêtre ? Il y a une petite partie et qu'il faut que vous nous expliquiez.

  • Père Vincent Lafargue

    D'autant que si l'on me l'avait dit à l'époque, je crois que j'aurais souri ou éclaté de rire. Il a fallu deux ans, alors qui correspondent à ma rééducation, j'ai réappris à marcher, tout ça a été long. Et puis à un moment donné, j'ai entendu une émission de radio. et dans cette émission parlait un prêtre, un prêtre âgé, avec une voix très douce, merveilleuse. Et ce prêtre, en l'écoutant, je me disais, c'est drôle, j'ai l'impression de m'entendre vieux. J'ai l'impression que c'est moi dans 50 ans. Mais dans un premier temps, je ne sais pas qu'il est prêtre. Je prends cette émission en cours de route et j'entends cet homme parler de poésie, je suis féru de poésie, de cinéma, parler de son lien aux autres, de sa manière d'essayer de les servir. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il fait comme métier, mais tout ce qu'il raconte, je ne l'associe en aucun cas à une vie religieuse. C'est d'ailleurs un prêtre assez atypique. Et ce n'est que lors d'une deuxième écoute, écoute, cette émission est un feuilleton que je l'apprends depuis le début et que j'entends son nom et son métier. Et c'est comme un coup de foudre. Je me dis, quoi, cet homme, il est curé, mais ce n'est pas possible. Un curé, ça célèbre la messe le dimanche et puis je ne vois pas ce que ça fait d'autre. Donc, lui, entre autres, il allait voir les malades à l'hôpital. C'était sa manière aussi de servir les gens. Et juste après l'émission, je prends mon téléphone et je l'appelle. Et je suis dans ma voiture, parce que j'ai pris une voiture depuis à ce moment-là. Je suis dans ma voiture, je suis resté moteur allumé sur le trottoir en train d'écouter toute l'émission, tellement ça m'avait bouleversé le générique du début et le fait qu'il soit prêtre. Et donc, à la fin de l'émission, je l'appelle et je lui dis écoutez, ça va vous paraître complètement absurde, on ne se connaît pas. Je viens de vous entendre à la radio. Et j'ai l'impression, j'ai le sentiment que je suis appelé à faire la même chose que vous. Et tout en disant ça, je me dis, mais qu'est-ce que tu es en train de raconter là ? Tu es fou ? Qu'est-ce qui te prend ? Et cet homme a été merveilleux. Il m'a dit, écoutez, il faudrait peut-être qu'on en parle. Il m'a donné rendez-vous. On a pris un café qui a duré, duré, duré jusqu'à tard le soir. Et il ne m'a pas dit, c'est bien, il n'y a pas assez de... prêtre, engage-toi tout de suite, etc. Pas du tout. Je lui ai raconté ce qui m'était arrivé. Il m'a dit, alors vous avez du temps, vous avez gagné du temps dans votre vie. Vous avez une deuxième vie, c'est merveilleux. Alors prenez le temps, prenez le temps de regarder, rencontrer des prêtres, d'autres personnes. Il y a mille manières d'être au service des autres. Je sens que vous voulez donner votre vie d'une manière très forte, mais il y a sûrement plein de choses. Et peut-être que c'est la prêtrise, mais prenez le temps, tout simplement. Voilà, de discerner. Et j'ai pris ce temps. J'ai pris ce temps et j'ai ensuite poussé la porte du séminaire, persuadé qu'on allait me mettre dehors très vite parce que j'étais quand même un peu atypique. Déjà, j'étais plus âgé que les autres séminaristes parce que j'ai presque 30 ans quand je pousse la porte du séminaire. Je n'ai pas du tout les mêmes centres d'intérêt. Donc, c'est... Voilà, dès le départ, je me dis, bon, j'y vais, mais on verra bien. Et puis... Ce qui ne m'est jamais arrivé dans ma vie, tous les feux passent au vert. Tous les feux passent au vert, tous les examens, je n'ai raté aucun examen, alors que je n'étais pas spécialement un bon élève auparavant. Et puis reprendre des études à 30 ans, réapprendre le grec, l'hébreu, etc. Ce n'est pas évident. Et à ma grande surprise, je surfe sur ce parcours-là de manière assez étonnante. Et je me dis, tiens, c'est bizarre. Toutes les portes semblent s'ouvrir dans la même direction.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a, justement, au sein de ce parcours, de vos années de formation pour devenir prêtre, est-ce que, encore une fois, cette expérience de mort imminente, elle a une place particulière ? Est-ce que, comment dire, c'est une sorte de référence ? Est-ce que vous y revenez ou finalement ça a eu lieu ? Ce n'est pas oublié, mais c'est un élément de mon parcours.

  • Père Vincent Lafargue

    Ça a eu lieu, ce n'est pas oublié, mais je n'en parle pas, d'abord, parce que je suis dans un milieu où je me méfie un petit peu. Ça peut être bizarre de le dire comme ça, mais l'Église dans laquelle je me trouve n'est pas très mystique. Il s'agit d'une expérience mystique. Là, on est plutôt à étudier saint Thomas d'Aquin. Je suis à l'Université de Fribourg, qui est tenue par les Dominicains. Donc, on est vraiment dans la science. pure, dans la théologie de haut vol, et donc il n'y a pas tellement de place dans ces études-là pour ce genre de récits ou d'expériences. Et donc, je vais mettre plusieurs années à en parler au séminaire. Je vais finir par le faire, mais je vais mettre plusieurs années. Et c'est accueilli avec des sourires polis, on va dire ça comme ça. Donc, ça fait que j'en parlerai plus très volontiers dans le milieu ecclésial dans un premier temps, parce que je m'aperçois que, bon, on dit, bon, c'était un ancien comédien, il se fait mousser un peu avec son histoire, voilà. et donc voilà c'est pas une expérience qui est très présente dans mes années de séminaire si ce n'est l'amour, c'est à dire que ce qui m'a été inculqué dans ce tunnel de lumière Je vais peu à peu le retrouver chez certains auteurs. Je pense par exemple à Maurice Zundel, le théologien suisse, que je vais apprendre à connaître, à découvrir, alors que je ne le connaissais pas du tout, qui est mort 15 jours avant que je naisse. Je ne l'ai pas connu de mon vivant, mais je vais apprendre à découvrir des auteurs comme lui, comme saint Augustin, pour aller chez les pères de l'Église, et la petite Thérèse par exemple aussi, des auteurs qui ont eu le cœur brûlé par cet amour.

  • Benjamin Coste

    Et qui mettent donc finalement des mots sur cette expérience, encore une fois.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, qui mettent des mots sur ce que j'ai ressenti, sur cet amour que j'ai ressenti. Et je vais peu à peu me dire, il y a manifestement des gens qui ont eu cette brûlure. J'aime bien les mots de la petite Thérèse parce que c'est vraiment du feu qu'elle a ressenti et c'est la même chose pour moi, j'ai le sentiment d'avoir été brûlé. au feu de l'amour divin. Et donc, cette brûlure-là, elle reste. C'est une brûlure agréable, ce n'est pas une brûlure qui fait mal, mais elle reste à vie. Et donc, c'est comme si on m'avait marqué au fer rouge. Et puis, je vais m'apercevoir qu'il y a des gens qui ont eu cette chance et puis il y a des gens qui n'ont pas eu cette chance et qui sont pourtant de très bons séminaristes et ensuite qui deviennent de très bons prêtres et qui ont une théologie un peu plus théorique, un peu plus rhétorique. mais qui, pour n'avoir pas eu le cœur brûlé nécessairement par cette rencontre-là, sont des personnes merveilleuses. Et donc, tout ça pour dire aussi qu'il n'y a pas cette nécessité-là. On n'est pas un meilleur prêtre ou un meilleur religieux parce qu'on a le cœur brûlé. Simplement, je me retrouve mieux dans les auteurs et les théologiens chez qui je retrouve cette brûlure que chez ceux chez qui je trouve une foi un peu plus rationnelle et construite rationnellement.

  • Benjamin Coste

    alors pour faire le lien avec ce que vous venez de dire à l'instant, moi, j'ai envie de vous demander qu'est-ce que cette expérience que vous avez vécue modifie dans votre manière d'être prêtre aujourd'hui ? Est-ce que ça modifie quelque chose ? J'ai tendance à penser que oui, mais expliquez-nous.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est-à-dire qu'on se reconnaît. Les personnes qui ont cette brûlure-là, entre guillemets, ou qui ont fait cette rencontre-là, on se reconnaît assez vite en discutant. Et puis, qui... Il faut supporter tout le reste comme prêtre. Il faut supporter l'église institutionnelle qui n'est pas toujours marquée au fer rouge de l'amour, disons-le comme cela. Il faut supporter tous les côtés sombres aussi de ces dernières années, les abus. On ne va pas refaire tout le tableau, mais enfin voilà, c'est pour moi des choses très douloureuses et difficiles. Donc, ça change considérablement les choses parce qu'on a envie de faire aller plus vite la machine en fait. On a envie de faire rencontrer aux gens cette personne qui nous a brûlé le cœur. Et donc ça, c'est devenu vraiment un leitmotiv pour moi à travers la parole de Dieu. Parce que tout mon parcours au séminaire m'a fait découvrir. Je ne lisais pas du tout la Bible avant, ou très peu. C'est-à-dire que j'étais lecteur dans ma paroisse. Donc je la lisais le dimanche à la messe, mais c'est tout. Et donc, mon parcours m'a fait découvrir la parole avec un P majuscule. et c'est à travers cette parole que j'essaye aujourd'hui de faire découvrir, rencontrer Dieu, amour aux personnes qui me sont proches ou moins proches parce que je le fais aussi par internet et ça permet d'atteindre de manière beaucoup plus large. Alors il y a cette passion, je brûle de ce feu-là et donc ce n'est pas toujours facile d'être l'allumette qui brûle. dans un tas de bois mouillé, si vous voulez. Donc, il y a d'autres allumettes, heureusement, et il y a d'autres personnes qui brûlent. Et puis, on essaye, au contact de ces gens-là, de se ressourcer et puis ensuite de repartir en paroisse et de se dire, voilà, j'ai devant moi des gens qui n'ont pas forcément fait cette rencontre-là et mon but, c'est de les enflammer.

  • Benjamin Coste

    Encore une fois, qu'on soit bien précis, quand vous dites avoir fait cette rencontre, ça ne passe pas forcément par une expérience de mort imminente comme vous l'avez vécu vous ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non. Il y a des gens qui l'ont rencontré de manière totalement différente, beaucoup plus douce. Un ami m'a dit, la vie que tu avais à l'époque faisait que Dieu était obligé de prendre les grands moyens, les gants de boxe. Ce n'était pas possible d'y aller avec des petits gants blancs, ça n'allait pas pour toi.

  • Benjamin Coste

    La question que je voulais vous poser, c'est comment vous comprenez que le Seigneur permette en fait ces expériences ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors si je le prends par rapport à ma propre expérience, je dirais que j'avais besoin de ça pour croire comme je crois aujourd'hui. Ça c'est personnel. Après, comment permettre ces expériences ? Je pense en réalité qu'il en permet beaucoup plus que ce que l'on imagine. Et aujourd'hui, on ne parle plus forcément seulement d'expérience de mort imminente, mais d'état modifié de conscience. On s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin d'approcher la mort pour tout à coup avoir telle ou telle vision, telle ou telle expérience mystique. Et donc, je crois vraiment que le Seigneur appelle énormément, se dévoile énormément. C'est nous qui ne savons pas écouter et voir. Donc, il... permet ces expériences pour qu'on puisse encore mieux se rapprocher de lui, certainement.

  • Benjamin Coste

    50% de votre ministère est notamment dédié à une aumônerie, vous êtes aumônier d'hôpital. En quoi aussi, de la même façon, ce que vous avez vécu, cette expérience, modifie votre rapport avec des personnes qui sont peut-être, qui vont bientôt passer de l'autre côté, qui vont peut-être faire cette rencontre ? Et puis peut-être de façon assez aussi concrète, est-ce que c'est un témoignage de votre vécu que vous donnez à certaines des personnes que vous croisez ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors spontanément, non. Je ne me permettrai pas d'arriver et de parler de moi-même. L'aumônerie est un lieu où on écoute énormément. C'est-à-dire qu'on rentre dans une chambre, c'est d'ailleurs parfois comique, parfois on écoute une personne pendant une demi-heure, et à la fin de la demi-heure, elle nous dit « merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez dit » , alors qu'on n'a pas dit grand-chose. mais en fait à travers Ce qu'elle nous a dit, elle s'est retrouvée. Et donc ça, c'est toute la magie de ce qui se passe dans l'aumônerie. Mais il arrive, un, que des personnes me connaissent ou aient entendu mon témoignage et donc me demandent, alors qu'elles sont sur un lit d'hôpital, mais vous, vous qui avez vécu ça, qu'est-ce que vous pouvez me dire ? Alors là, j'en parle. Et puis, il arrive aussi que des personnes me fassent part d'une peur, d'un souci, de mourir, d'une angoisse. Et ça, c'est assez fréquent. C'est assez fréquent. La plupart des gens ont peur de la mort. Et donc, dans ce cas-là, je dis, écoutez, moi, de ma pauvre expérience, de ma petite expérience, j'ose vous dire que je crois que vous allez vers la lumière, vers la paix, vers la sérénité, vers quelque chose de très beau. Et si on m'en demande plus, j'explique pour quelles raisons je dis cela. J'y vais avec des pincettes parce que ce n'est pas le but d'arriver en disant « moi je sais, je ne sais rien du tout, j'ai juste ce que j'ai vécu et voilà, c'est un grand mystère que cette lumière en même temps » .

  • Benjamin Coste

    Oui, parce qu'en même temps, ce que vous avez vécu est énorme et en même temps, il reste toute une partie du mystère qui n'est pas dévoilée.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, c'est comme si on m'avait levé juste un petit centimètre de nappe et tout le reste de la table est caché. et donc... Voilà, je peux dire ce que j'ai ressenti, ce qui a changé ma vie, ce que je ressens encore aujourd'hui. Et souvent, ça rassure. Et puis alors, surtout, je me rends compte, lorsqu'il m'est donné, et ce n'est pas rare, d'accompagner une personne jusque à cet instant-là, je vois cette sérénité. C'est-à-dire que même si la personne était crispée, était en proie à des douleurs terribles ou bien à une angoisse terrible, la seconde avant de passer dans la mort, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est assez fou. Des fois, j'ai l'impression de voir dans les yeux de la personne en miroir cette lumière qu'elle est en train de voir ou ce qu'elle est en train de contempler. Je vois tout à coup que la personne devient totalement paisible avant de rendre son dernier souffle.

  • Benjamin Coste

    Et ça, parce que vous pensez que c'est parce que vous avez aussi fait cette expérience que c'est peut-être la même lumière que vous avez vue et qu'elle voit actuellement ?

  • Père Vincent Lafargue

    Ça colore en tout cas, évidemment, ce que je peux ressentir. Enfin, une des choses qui m'aide, je crois, dans mon travail d'aumônier, c'est que j'ai hurlé sur un lit d'hôpital en attendant la morphine qui ne venait pas. Et donc, je sais que la souffrance, la douleur est un maître impitoyable. Il y a certains moments, dans ma chambre d'hôpital, on m'aurait laissé un revolver sur ma table de nuit, j'aurais tiré. Pas sur l'infirmière, sur moi. De douleur. donc je peux peux comprendre de l'intérieur de mes tripes ce que vivent certaines personnes sur un lit d'hôpital. Et ça, évidemment, ça m'aide non pas à leur dire « je sais ce que vous êtes en train de vivre » parce que ce serait insultant, mais à leur dire « j'essaie de comprendre ce que vous souffrez actuellement et je me fais proche de vous » .

  • Benjamin Coste

    Beaucoup de chrétiens continuent d'avoir peur de la mort. Comment vous l'expliquez ? Est-ce que ça ne veut pas dire aussi qu'il y a peut-être un déficit de la part de l'Église, d'un discours, d'une parole sur les fins dernières, sur la mort ? Est-ce qu'il n'y a pas un manque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, je pense qu'il y a un manque. Les ouvrages d'ailleurs sur les fins dernières sont rares. Je pense à un petit ouvrage de Nathanaël Pujos qui s'appelle, je crois d'ailleurs, « Les fins dernières » , qui est excellent, ou quelque chose comme ça en tout cas, qui est remarquable. Mais les ouvrages à ce sujet chrétiens, spécifiquement chrétiens, sont très rares. Et donc, c'est encore plus rare de l'entendre en prédication. Et donc, oui, il y a un déficit, évidemment, alors qu'on a tout pour le prêcher. On croit en la résurrection, on croit en la mort comme un passage. Donc, pour ma part, je vais tout à l'heure célébrer des obsèques dans la paroisse où nous nous trouvons. Cela fait partie des choses que je prêche systématiquement aux obsèques, sans du tout ramener à mon expérience, mais simplement avec la foi que j'ai que cette personne est vivante de l'autre côté de ce passage qu'on appelle la mort. Et donc qu'il y a vraiment une foi en la vie éternelle que nous devons prêcher nous. Si on croit au ressuscité, c'est bien pour pouvoir aussi le dire autour de nous.

  • Benjamin Coste

    Pour terminer l'entretien, on a une petite série de questions qu'on pose à chaque fois à nos invités. La première d'entre elles, Père Vincent, ce serait de savoir quel conseil vous donneriez à une personne qui aurait vécu une expérience de mort imminente et que cette expérience peut-être, alors je ne sais pas si ça existe, mais que cette expérience encombrerait, qu'elle ne saurait pas trop quoi en faire.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors le premier conseil, et quasiment le plus important, le seul, En parler. Ne pas rester seul avec ses images, avec ses visions. En parler. Oser en parler. On est beaucoup mieux accueillis aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Donc, oser en parler, vraiment. Dire, voilà ce qui m'est arrivé. C'est la première chose. La deuxième chose, lire. Lire, justement, des ouvrages qui en parlent. Ils sont beaucoup plus nombreux aujourd'hui. Ils sont très intéressants parce que tous ces ouvrages nous montrent qu'on n'est pas seul dans ce cas-là. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont vécu ces choses-là. Donc, c'est les deux conseils que je lui donnerais. Et peut-être simplement croire qu'elle n'est pas dingue non plus, parce que la plupart des gens commencent par se dire « je suis fou, c'est des visions » . Enfin, voilà. Non, non, non.

  • Benjamin Coste

    La deuxième question de cette petite série de questions finales, ce serait « quel est votre livre de chevet et celui que vous aimez lire et que vous relisez encore ? »

  • Père Vincent Lafargue

    Il y en a plusieurs, mais je vais essayer d'être atypique parce que je pourrais dire la Bible. Mais voilà, je vais parler du Conte de Montecristo. C'est un livre que j'ai découvert dans mon enfance. Et ça peut paraître étrange, une histoire de vengeance pour un religieux. Dieu est magnifiquement présent dans cette histoire parce que Edmond Dantes, lorsqu'il sort du château d'If, rentre dans une chapelle et hurle vers Dieu, « Maintenant, tu n'as pas fait ton travail, donc maintenant c'est moi qui vais prendre ta place. » Et il va se rendre compte à la fin de sa vie que non, nous ne pouvons pas prendre la place de Dieu. C'est lui qui punit les méchants et qui récompense les justes. Donc derrière cette histoire où Dieu semble parfois peu présent, il y a... une présence en filigrane jusqu'au personnage de prêtre dans lequel il se déguise d'ailleurs. Donc j'aime énormément ce roman et je le relis année après année. Pouvez-vous aussi, s'il vous plaît, Père Vincent, nous dire quelle est votre prière préférée ? Alors c'est la prière du pèlerin de la montagne. C'est une prière que l'on doit à un chanoine du Saint-Bernard, un Suisse, Gracien Volut. C'est une très très belle prière qui nous demande de marcher.

  • Benjamin Coste

    Est-ce que vous acceptez de nous la lire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Mais bien sûr. Seigneur Jésus, toi qui as fait un si long déplacement d'auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous, toi qui es né au hasard d'un voyage et as couru toutes les routes, celle de l'exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication, tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pire. pèlerin. Seigneur Jésus, toi qui as pris si souvent le chemin de la montagne pour trouver le silence, retrouver le Père, pour enseigner tes apôtres, proclamer les béatitudes, pour offrir ton sacrifice, envoyer tes apôtres et faire retour au Père. Attire-moi vers en haut, fais de moi un pèlerin de la montagne. À l'exemple de Saint Bernard, j'ai à écouter ta parole, à me laisser ébranler par ton amour. Sans cesse tenter de vivre tranquille, tu me demandes de risquer ma vie, comme Abraham dans un acte de foi. Sans cesse tenter de m'installer, tu me demandes de marcher en espérance vers toi, le plus haut sommet dans la gloire du Père. Créé par amour pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte par les sommets vers toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l'audace et l'adoration. Amen.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, une dernière question. Là, maintenant, si dans cette pièce, avec nous, le Christ apparaissait, qu'est-ce que vous aimeriez lui dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Merci. merci d'avoir été qui il a été lorsqu'il s'est incarné merci de ses paroles de ses actes dans sa vie parmi nous et puis merci encore davantage d'être mon compagnon de route jour après jour et d'être cette présence au plus intime de nous-mêmes de moi comme des autres donc c'est le merci qui me viendrait aux lèvres à mon tour et au nom de tous nos auditeurs d'un beau jour. C'est moi qui vous remercie, Père Vincent, de nous avoir accordé de votre temps et de nous avoir encore une fois partagé cette expérience. Et merci à vous d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour. Donc je vous encourage à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages de feu, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes d'Un beau jour et lire aussi chaque semaine la rubrique Rencontres dans le feu. magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne, Tous Saints, l'histoire de témoins de la foi racontée par Bénédicte de Lelys, Maman Prie, Sexo, Sacrée Histoire et d'autres encore. Merci encore pour votre écoute et rendez-vous le prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

Description

Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression "EMI" désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière ou un tunnel, expliquent parfois comme être sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour Un beau jour, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu et ressenti ce jour-là et les changements profonds qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort... et l'Amour véritable.

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Benjamin Coste

    Bonjour, je suis Benjamin. Vous écoutez Un beau jour, le podcast de Famille Chrétienne qui donne la parole à des hommes et des femmes dont la vie a été bouleversée par un événement imprévu. Aujourd'hui, je suis en Suisse, à Aigle exactement, une petite commune de 11 000 habitants où l'abbé Vincent Lafargue est prêtre. Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression EMI désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière, un tunnel, expliquent être parfois comme sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour nous, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu, ressenti ce jour-là et sur les changements profonds. qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort. Père Vincent, bonjour. Bonjour. Merci de nous accueillir donc chez vous à Aigle. Et comme c'est la tradition dans ce podcast, pour commencer cet entretien, pouvez-vous nous présenter l'objet symbolique de votre histoire que vous avez amené ?

  • Père Vincent Lafargue

    J'ai amené un sablier, mais c'est un sablier un peu particulier. Alors, ce n'est pas radiophonique, mais vous, Benjamin, vous le voyez. C'est un sablier qui remonte le temps plutôt que de le descendre, donc le sable qui est à l'intérieur d'un liquide remonte en haut du sablier plutôt que de descendre comme la gravité le voudrait. Et cet objet que j'ai découvert quelques années après mon expérience de mort imminente me rappelle que lorsque l'on donne du temps aux autres, on le gagne, on retrouve du temps en retour. alors que si l'on essaye de garder le sable dans notre main, eh bien, il s'écoule inexorablement et bien souvent, on le perd. Donc, cet objet signifie aussi pour moi le fait de prendre du temps parce que avant, dans ma vie d'avant, comme nous allons l'évoquer, j'étais toujours en retard et je courais toujours après le temps. Et j'ai appris à prendre du temps. Moi qui suis fils d'horloger, ce qui arrive en Suisse. Eh bien, j'ai appris à faire attention, à respecter le temps. Et ce petit sablier vient me le rappeler quand je suis stressé, quand je suis en retard. Je m'arrête, je le retourne et j'attends qu'il soit arrivé au bout, que le temps soit remonté. Je serai deux minutes de plus en retard, mais au moins, je vais partir plus calmé. Et j'en profite pour faire une prière la plupart du temps.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, vous aviez 25 ans, donc un petit flashback. Lorsque vous avez eu un accident de la route. Oui. grave accident de la route et donc vécu cette expérience de mort imminente. Pouvez-vous nous dire quel jeune homme vous étiez à l'époque ? Et puis peut-être revenir un peu sur votre histoire familiale, personnelle.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, j'étais comédien au théâtre, j'étais prof de français langue étrangère et j'étais animateur de radio sur une radio chrétienne. Donc, et les trois choses en même temps. Ce qui vous dit déjà que j'étais un petit peu un monsieur 100 000 volts. C'était un des surnoms qu'on m'avait donné parce que je faisais pas mal de choses. Le fait de travailler sur une radio chrétienne vous dit que j'étais déjà chrétien. J'ai été baptisé un mois après ma naissance. J'ai vécu dans une famille chrétienne. Nous sommes quatre frères chez moi. Mes parents sont pratiquants aujourd'hui encore et ils m'ont transmis leurs valeurs. J'ai confirmé mon baptême à l'âge de 17 ans. par contre ensuite et comme beaucoup de jeunes gens, après ma confirmation, je me suis un petit peu éloigné de l'Église entre 17 et 25 ans. J'ai pris quelques distances parce que j'avais d'autres priorités en tête que de pratiquer ma foi qui était un peu culturelle. Je n'avais pas réellement rencontré le Christ, je dirais. Je l'avais rencontré à travers des traditions familiales, à travers une pratique qui était celle de mes parents, mais pas encore en personne. Et donc, j'allais à l'église, oui, très souvent quand il n'y avait personne, j'y allais volontiers pour déposer une bougie, comme font beaucoup de gens. J'y allais aussi pour parler à Dieu de manière assez désagréable la plupart du temps. C'était plutôt pour lui demander des comptes, c'était pour lui demander pourquoi le mal dans le monde, pourquoi est-il arrivé tel problème, voilà.

  • Benjamin Coste

    Donc vous étiez un croyant, un croyant, mais un croyant un peu en colère.

  • Père Vincent Lafargue

    Un peu en marge, un peu en colère. Oui, oui. Et puis avec le caractère que j'avais, il s'en est pris deux, trois dans la figure, notre pauvre Seigneur.

  • Benjamin Coste

    Il y a des raisons à ça ? Il y a des événements particuliers qui ont suscité cette colère ? Non,

  • Père Vincent Lafargue

    les événements du monde, les événements du monde, ceux de mes proches lorsqu'il y a eu tel ou tel drame ou tel ou tel accident. Et voilà, mais moi, dans ma propre vie... J'ai eu une enfance et une jeunesse extraordinaires, enfin extraordinaires, tout à fait agréables, merveilleuses. Je dis extraordinaires parce qu'avec le nombre de personnes que je rencontre qui ont eu une enfance cabossée ou une jeunesse difficile, ça a l'air plutôt rare d'avoir une jeunesse, une enfance vraiment agréable. Donc non, je n'avais rien à reprocher à Dieu de précis me concernant.

  • Benjamin Coste

    Vous venez de le dire, vous cumuliez les activités, donc journaliste le matin, prof de français, c'est ça, la journée, comédien le soir. J'ai lu que vous vous leviez tôt, vous vous couchiez tard. Moi, la question qui m'est venue, c'est d'où vous venez finalement cette espèce de boulimie de la vie, ce désir de toujours être à fond ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est une vraie bonne question. Je suis un... Un enfant qui n'était pas prévu. Je ne vais pas dire qu'il n'était pas désiré, parce que j'ai été tout de suite accueilli lorsque la grossesse s'est présentée. Mais je n'étais pas prévu. Mes frères ont 15 ans d'écart avec moi. Ma maman avait 40 ans lorsque je me suis présenté. Et donc, voilà, il n'avait pas prévu d'avoir quatre enfants. Il y a un quatrième qui arrive. On m'a tout de suite aimé et accueilli. mais je pense que j'en ai gardé une certaine urgence de vivre. Parce que, bien sûr, qu'au tout début de cette grossesse, la question s'est posée pour mes parents de dire qu'est-ce qu'on fait ? Ils n'étaient pas du tout riches à l'époque. Mon papa était au chômage au moment où je suis arrivé. Donc, la question a dû se poser jusque dans mon ADN. Le risque de ne pas vivre. Et donc, j'ai cette chance d'avoir été accueilli, mais je pense que j'en ai gardé. Une urgence de vivre et de croquer la vie à pleines dents.

  • Benjamin Coste

    On va venir donc à cet événement qui a quand même fondamentalement changé le cours de votre vie. Un jour, vous êtes comme toujours en retard, vous l'avez expliqué. Vous enfourchez votre scooter, qui est un gros scooter, un scooter moto, pour vous rendre à une répétition de théâtre. Absolument. C'est ça. On est à Genève, je ne me trompe pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    On est à Genève, au mois de novembre, il fait nuit, il pleut et il fait froid. Et il y a un peu de brouillard. C'est l'idéal pour rouler en deux roues.

  • Benjamin Coste

    C'est ça. Et vous, vous êtes en retard, donc j'imagine un peu pressé.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui.

  • Benjamin Coste

    Et donc avec une conduite assez nerveuse.

  • Père Vincent Lafargue

    Assez nerveuse, oui, tout à fait.

  • Benjamin Coste

    Racontez-nous ce qui se passe, l'accident.

  • Père Vincent Lafargue

    Je pars donc en retard et je dois quand même revenir quelques heures avant pour vous dire que ce même jour... Une de mes étudiantes m'avait fait remarquer que j'avais un tic de langage, le mot « vite » que je disais sans arrêt. Et ça m'a fait réfléchir sur mon scooter ce soir-là au guidon. Une fois arrivé un feu rouge, j'ai réfléchi à cela en me disant « mais c'est vrai que je vais vite, que je vais trop vite » . Alors je respectais les limites de vitesse, ce n'était pas la question, mais vous l'avez dit, on peut conduire nerveusement aussi tout en respectant les limites et ça, ce n'est pas bon. Et puis, on peut partir en retard. on peut tout faire vite, ce qui était mon cas dans ma vie à ce moment-là. Je faisais tout trop vite. Et donc, je réfléchis au feu rouge et je me dis, c'est vrai, si j'ai ce tic de langage, ce n'est pas pour rien. C'est vrai que je vais trop vite, que je fais tout trop vite. J'aimerais bien freiner, finalement. J'aimerais bien avoir une vie un peu plus zen. Mais je ne sais pas comment faire. Parce que tout ce que je fais me passionne. Je suis un être passionné, aujourd'hui encore, mais je l'étais aussi à l'époque. Et donc, quand je fais quelque chose, je le fais à fond.

  • Benjamin Coste

    Il y avait vraiment une incapacité à aller plus doucement.

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument, oui. Et donc, je demande à Dieu, à ce moment-là, dans une prière spontanée, en silence, comme je le faisais souvent dans ma tête, je me dis, mais j'aimerais bien, j'aimerais bien freiner, j'aimerais bien même m'arrêter, pourquoi pas. Je trouvais tout à fait... Je voyais comme des extraterrestres les gens qui prenaient une semaine de silence dans un monastère. Enfin, je me disais ça, c'est vraiment pas pour moi, j'y arriverai jamais. Donc, voilà, je disais, j'aimerais bien m'arrêter, j'aimerais bien freiner. Puis je lui ai dit, puisque tu es si malin, toi, et puis si tu existes vraiment, essaye de m'arrêter. Voilà. Et là, j'ai entendu une voix, alors que j'avais dit cela dans ma tête. J'ai entendu une voix, comme je vous parle maintenant, alors que j'avais la musique à fond dans les casques, ce qu'il ne faut pas faire non plus à moto. J'ai entendu une voix très claire, très nette, très douce, que je connais bien depuis, mais que je n'avais jamais entendue, qui n'est pas la voix de ma conscience, parce que celle-là, on la connaît tous et je la connaissais bien, la petite voix qui nous dit « tu ne devrais pas » . Non, alors rien à voir. Une voix, tout simplement, qui me dit Est-ce que tu es bien sûr de ce que tu me demandes ? » Et sans réfléchir, j'ai dit oui, à haute voix cette fois-ci, j'ai dit oui, deux fois, et le feu est passé au vert.

  • Benjamin Coste

    Donc ce que tu me demandes, de ralentir.

  • Père Vincent Lafargue

    Voilà, c'est ça. Le feu est passé au vert, j'ai démarré, sec. J'ai atteint le 50 à l'heure assez vite. Je m'engageais dans une petite rue assez étroite. Et après une centaine de mètres, j'ai pris une voiture de face à 50 à l'heure.

  • Benjamin Coste

    Que vous n'avez pas vu arriver ?

  • Père Vincent Lafargue

    On ne s'est pas vu, ni elle ni moi. Il y a eu une illusion d'optique à cet endroit-là. Je passe sur les détails, mais qui a été reconnue après et corrigée. Mais le fait est qu'on ne s'est pas vus et donc on n'a pas freiné, ni l'un ni l'autre. On est vraiment arrivé à 50 à l'heure l'un contre l'autre. Ça fait 100 à l'heure dans un mur, c'est violent. Et donc j'ai fait une cascade absolument improbable. Je lui ai démoli sa voiture. Elle n'a pas eu de blessure physique, mais elle est restée traumatisée pendant longtemps. J'en parle d'autant plus volontiers que c'est devenu une amie, ce qui n'est pas courant dans ce genre d'accident. Mais voilà, moi, j'ai atterri sur le trottoir, inconscient, dans une flaque de sang. Et elle a tout de suite cru m'avoir tué. Ce qui va me sauver la vie, paradoxalement. Parce qu'elle n'a pas appelé l'ambulance, mais elle a appelé la police. Persuadée qu'elle avait tué quelqu'un. Elle a appelé la police en disant « j'ai tué quelqu'un » . Et ça va me sauver la vie parce que la police avait une voiture médicalisée qui était juste à côté, alors que l'ambulance la plus proche était nettement plus éloignée. Et donc, c'est la police qui va me prendre en charge. Et la deuxième chose qui va me sauver la vie, c'est que la voiture qui me suivait était conduite par un médecin, des SOS médecins, qui avait son matériel avec lui. Et ce ne sont pas les seuls clins dieux de cette soirée-là. Alors après, hasard ou pas hasard, mais voilà. Et ce médecin, lui, va tout de suite me porter les premiers secours, comprendre que je ne suis pas mort, mais comprendre que ce qui s'est passé est assez grave.

  • Benjamin Coste

    À ce moment-là, vous avez dit que vous étiez inconscient.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, moi je suis inconscient. Et donc, lui va tout de suite faire en sorte de me bouger correctement. Heureusement, parce que j'avais une vertèbre qui était fissurée, donc il fallait aller tout doucement. Et puis quelques autres fractures, quasiment une quinzaine en tout. Donc, on va me mettre dans l'ambulance où je vais me réveiller. Je vais arriver jusqu'à l'hôpital. On va faire quelques contrôles des radios. On trie les patients à l'hôpital, comme vous le savez. Il y a des urgences vitales et puis d'autres. Et puis, moi, c'était de la carrosserie. Ce n'était pas tellement, a priori, des blessures entraînant la mort.

  • Benjamin Coste

    C'est ça, votre cas n'est pas jugé comme grave.

  • Père Vincent Lafargue

    Il est jugé grave, mais pas urgentissime, pas vital. Et ce en quoi, malheureusement, on se trompe. Parce que l'une des blessures que j'ai, une fracture du bassin, a entraîné trois petites veines avec elle. Et ce ne sont pas des artères, donc ça va tout doucement, l'hémorragie, mais elle est bien là. Et comme elle est interne, on ne peut pas la stopper sans ouvrir, et donc on ne s'en rend pas compte tout de suite. Et je vais donc devoir ma vie à une série de coïncidences, de hasards ou de signes, mettez ça comme vous voulez. Mais toujours est-il qu'à un moment donné, on comprend que mes blessures sont gravissimes, en réalité, que je suis en train de perdre la vie. Et donc, le dernier souvenir que j'ai, c'est celui d'un médecin qui est là et qui dit « emmenez-le au bloc, tout de suite » .

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous avez repris conscience entre temps ? Oui.

  • Père Vincent Lafargue

    À plusieurs reprises, j'ai repris conscience dans le transport, à l'hôpital. J'ai vu mes proches qui sont venus tout de suite. Donc, j'ai repris conscience à plusieurs reprises, très jovial. J'étais fataliste à l'époque, je le suis toujours. Mais voilà, je me suis dit bon, ben voilà, là, c'est fait, c'est fait.

  • Benjamin Coste

    Mais jovial, en quel sens jovial ?

  • Père Vincent Lafargue

    Dans le sens vraiment fataliste, c'est-à-dire maintenant c'est cassé, c'est cassé. Le but, c'est de se rétablir. Il n'y a pas besoin de regretter, il n'y a pas besoin de pleurer sur le lait renversé. C'est fait. Non, il faut éponger. D'accord. Et donc, à plusieurs reprises, je suis revenu à moi. Et la dernière fois que je suis parti dans les vapes, c'est dans le couloir, sur un brancard. avec des gens qui courent à côté du brancard. Et donc là, on a beau être à moitié déjà partis, j'avais déjà eu des piqûres d'antidouleurs, quand les gens courent à côté de votre brancard, on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui ne joue pas. Et donc, pourtant, je suis assez calme avec ça. Je n'ai pas le sentiment d'avoir eu peur à ce moment-là. Je me suis simplement dit, tiens, ça ne va pas. ok Et puis je repars dans les pommes et lorsque je me réveille... Je suis au plafond du couloir.

  • Benjamin Coste

    Donc lorsque vous avez la sensation de vous réveiller ?

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument. Lorsque j'ai la sensation de revenir à moi, je suis au plafond du couloir. C'est-à-dire que mon angle de vue a changé de 180 degrés, puisque j'étais sur un brancard avec les yeux qui regardaient vers le plafond. Et là, c'est l'inverse. Je suis assez en hauteur par rapport aux gens et à la scène que je vois. Je vois un brancard avec un jeune homme. Je ne comprends pas tout de suite que c'est moi. Et je vois des gens qui s'affairent, un bruit très désagréable, dont je comprendrai après qu'il s'agit de la machine qui indique que les lignes sont à plat, et donc que le cœur s'est arrêté. Et donc, je vois les gens qui s'affairent autour de moi. Je n'avais jamais vu, je n'étais pas un adepte de la série Urgence qui passait déjà à l'époque. Enfin, je n'avais jamais vu un massage cardiaque de ma vie. À cet instant-là,

  • Benjamin Coste

    vous êtes en arrêt cardiaque.

  • Père Vincent Lafargue

    Là, je suis en arrêt cardiaque.

  • Benjamin Coste

    C'est ça.

  • Père Vincent Lafargue

    Et... on commence à me faire un massage cardiaque. Ce qui est assez violent, en fait, à voir. Et ma première réaction, c'est d'avoir envie de leur dire « Mais arrêtez, vous lui faites mal. Laissez-le tranquille. »

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous-même, qui observez la situation, vous n'avez pas cette sensation de douleur, pour le coup.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, du tout. Et pourtant, Dieu sait si j'en avais avant. Mais là, je suis très bien, je flotte, tout va bien, j'ai pas mal, mais je vois ce jeune homme que... Et là, on essaye de réveiller comme ça. Et puis, je comprends que c'est moi. Comment ? Je ne peux pas tellement vous le dire. C'est venu comme ça. Je ne sais pas comment j'ai compris que c'était moi, mais j'ai compris à un moment que c'était moi. Et ça ne m'a pas gêné plus que tant. Je me suis dit, bon, OK, il s'occupe de moi, très bien.

  • Benjamin Coste

    Pas plus d'inquiétude à ce moment-là, quand vous vous y êtes pris de conscience ?

  • Père Vincent Lafargue

    Pas du tout. Vraiment pas du tout. Alors qu'à l'époque, je vais vous dire que j'aurais pas aimé mourir. Il n'y a pas une époque où on aurait aimé mourir, mais j'avais peur de la mort à l'époque. C'est quelque chose que... Voilà, je n'étais pas forcément tranquille avec cette idée-là, même si à 25 ans, on est éternel, n'est-ce pas ? On ne s'imagine pas du tout mourir, mais j'avais été confronté à la mort de certains proches. Et voilà, à l'idée de mourir tout de suite, je n'aurais pas été tranquille du tout. Donc là, non, je vois cette scène et puis je me rends compte que j'ai la faculté de m'approcher ou de zoomer avec le regard. Je me rendrais compte après coup en lisant des témoignages et en rencontrant des gens que je ne suis pas le seul à avoir eu cette faculté-là. Mais je n'avais rien lu jusque-là sur les expériences de mort imminente, je ne sais pas du tout ça. Et donc je m'aperçois que j'ai cette faculté de m'approcher avec le regard pour voir des détails. Et je ne sais pas pourquoi je me mets à jouer avec ça. Donc je m'approche du mur. Je regarde le numéro qui est sur le mur, je m'approche de la machine qui fait du bruit, je vois ces lignes qui sont à plat, je m'approche des mains qui massent, je m'approche d'un badge où je vois un nom.

  • Benjamin Coste

    Vous vous amusez en fait ?

  • Père Vincent Lafargue

    Je m'amuse complètement comme si j'avais un appareil photo et je ne sais pas pourquoi je m'approche de ces éléments-là. Mais ils vont se graver dans mon esprit, ainsi qu'une bague. et puis alors que je m'amuse Avec ce zoom, je ne peux pas le dire autrement, tout à coup, je suis comme retourné, comme si on m'avait retourné de nouveau les yeux vers le plafond, sauf que là, il n'y a plus de plafond.

  • Benjamin Coste

    D'accord, c'est-à-dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est-à-dire que ce que j'ai devant les yeux, c'est le ciel, une sorte de ciel qui est un ciel paisible. Je ne peux pas vous dire s'il y a des étoiles ou le soleil ou non, c'est un ciel. Et il y a une immense lumière blanche que je ne peux pas décrire autrement qu'en disant que c'est beaucoup plus fort que la lumière du soleil, mais pas du tout éblouissant. C'est-à-dire que je peux la regarder face à face, mais elle est beaucoup plus intense que la lumière du soleil. Alors, ce n'est pas évident avec des concepts humains, évidemment. Et puis, je flotte vers cette lumière. J'avance doucement vers cette lumière dans un état de bien-être. Alors, encore plus totale que ce qui était déjà pas mal juste avant.

  • Benjamin Coste

    On vous entend décrire ces images, ces sensations. Je vois votre regard qui se perd un peu au loin. Tous ces éléments que vous nous décrivez, aujourd'hui, restent encore très précis dans votre esprit.

  • Père Vincent Lafargue

    Comme si ça s'était passé hier.

  • Benjamin Coste

    D'accord.

  • Père Vincent Lafargue

    Les images, alors que j'ai beaucoup de souvenirs de ces années-là qui sont effacées, bien sûr. Mais ces images-là sont restées gravées comme si on les avait gravées en moi, vraiment, très fortement.

  • Benjamin Coste

    Et donc la lumière, cette lumière vers laquelle vous allez dans un état... Complètement paisible, pacifié, tranquille, serein ?

  • Père Vincent Lafargue

    Tout à fait. Je ne peux même pas parler d'extase, parce que ça supposerait quelque chose de très fort, mais c'est vraiment une sérénité totale. Peut-être ce qu'approchent les moines qui arrivent à méditer et à arriver à la totale paix de l'âme, c'est vraiment cela que je ressens. Je flotte vers cette lumière, tranquille, et très rapidement, alors tout ce que je vous décris là, ensuite, d'après les médecins, a duré entre 40 et 45 secondes. Incroyable. Et pourtant, pour moi, si j'essaie d'imaginer le temps, j'ai l'impression que ça dure plusieurs minutes.

  • Benjamin Coste

    C'est 40-45 secondes, c'est le temps de l'arrêt cardiaque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est ça. Exactement, c'est le temps jusqu'à ce que mon cœur reparte, grâce au massage cardiaque. Ça, c'est ce que l'on m'a expliqué, parce qu'évidemment, là, je ne le vois plus à ce moment-là. Et donc, Il vient très rapidement à mon esprit, et plus qu'à mon esprit vraiment en moi, que cette lumière blanche que je vois et dans laquelle je suis peu à peu enveloppé, comme si elle venait tout autour de moi, c'est l'amour, avec un A majuscule, avec une sensation que je peux décrire comme un million de fois l'amour que moi j'avais connu, bien sûr, terrestre. J'étais fiancé quelques années auparavant, j'ai vécu avec une femme, j'avais expérimenté l'amour humain. Mais là, c'est multiplié par un million. C'est quelque chose d'absolument indicible.

  • Benjamin Coste

    Comment on arrive à reconnaître que c'est l'amour, sachant que vous ne voyez rien d'autre que ce ciel, cette lumière ? Qu'est-ce qui fait qu'intérieurement, vous... Percevez que c'est l'amour. C'est difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, et pourtant, c'est de l'ordre. Alors, dans le livre dont je vous parlerai tout à l'heure, on dit que plusieurs expérienceurs, comme on nous appelle, sont passés de la foi à la certitude. Et c'est vraiment cela. Je pourrais dire, j'ai cru que c'était l'amour ou j'ai eu le sentiment que c'était l'amour. Non, là, il y a quelque chose de... comme si c'était scientifique. comme si on m'avait prouvé par A plus B que ça, c'est l'amour et qu'on me l'avait inculqué dans mon ADN pour que je ne l'oublie jamais.

  • Benjamin Coste

    Et est-ce que c'est un amour qui est divin ? Est-ce que c'est un amour que vous associez en tout cas à une personne divine ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, sur le moment, non. Sur le moment, j'ai vraiment le sentiment que c'est l'amour avec un A majuscule, mais par définition, bien au-delà de ce qu'est l'amour humain. Donc, avec quand même quelque chose de transcendantal. clairement. Mais je ne l'associe pas sur le moment à Dieu. Je n'ai pas vu de personnages, de visages. Je découvrirai après des gens qui ont vu le Christ ou qui ont vu les membres de leur famille. Moi, non, j'ai ressenti très clairement l'amour et c'est tout.

  • Benjamin Coste

    Vous nous avez expliqué il y a eu l'arrêt cardiaque, vous êtes revenu, les médecins vous ont récupéré grâce au massage. Les heures suivantes, vous êtes opéré, j'imagine, pour traiter cette hémorragie interne. Et donc, j'imagine qu'à un moment, vous allez arriver, vous êtes dans votre chambre, vous revenez dans votre chambre de convalescence. Qu'est-ce qui se passe les premiers moments où vous revenez et vous reprenez conscience ? Est-ce que ce que vous avez vécu vous revient tout de suite à l'esprit ? Est-ce que j'imagine qu'il y a aussi le flot des soignants autour de vous qui vous emmènent dans toute autre chose ? mais cette expérience... Qu'est-ce qu'elle devient tout de suite, dans les heures, les jours après l'accident ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, dans un premier temps, elle est effacée, elle n'est pas là. Lorsque je me réveille, c'est 48 heures plus tard, puisqu'on m'a opéré deux fois pour traiter toutes les blessures que j'avais, une fois en urgence et une deuxième fois 24 heures après. Et donc, lorsque je me réveille, ma première inquiétude en salle de réveil vis-à-vis du médecin, c'est... Mon chat, j'avais une petite minette qui vivait chez moi, mes étudiants qui devaient passer un examen le lendemain et ma pièce de théâtre qu'on devait jouer deux semaines plus tard. Et donc le médecin, avec une infinie douceur, va m'expliquer que si j'entends sortir de cet hôpital, ce ne sera pas avant des mois, que ce sera en chaise roulante, qu'il ne peut pas m'assurer que je remarcherai un jour. Et tout cela avec vraiment une douceur que je n'oublierai jamais. Là, dit comme ça, c'est violent. Mais voilà, il m'a vraiment tout de suite mis en confiance en disant si vous faites ce qu'on vous dit, si vous travaillez avec nous, on a une chance de vous ramener comme avant ou presque comme avant. Mais ce sera long et difficile. Et puis, peu à peu dans ma chambre, des souvenirs vont revenir, des souvenirs clairement d'abord du dialogue au feu rouge avec Dieu. Et puis des souvenirs aussi de cette expérience, mais ces souvenirs-là vont mettre des mois à revenir. ceux-là, ils restent effacés pendant un certain temps dans ma mémoire, jusqu'à ce que je me retrouve par une sortie que je fais avec mes parents en voiture, jusqu'à ce que je me retrouve dans la rue où a eu lieu l'accident. Et là, toute une série de choses sont revenues comme si on avait débloqué quelque chose, appuyé sur play dans mon cerveau. Et donc, toute une série de choses reviennent, dont ces images-là. Et dans un premier temps, je les évacue. En me disant, c'est des images bizarres, ça ne correspond pas. Je suis très, très rationnel à l'époque. Donc, ça, ça ne va pas. Ce n'est pas possible. Donc, j'évacue. Et puis quand même, ça revient en rêve. Et puis, ça revient à plusieurs reprises dans mes journées, comme des flashs. Et donc, je choisis d'en parler à l'un des médecins qui m'a opéré. Ils sont plusieurs. Je choisis d'en parler à l'un d'eux en disant à la fin d'une consultation, écoutez, j'ai des images qui me viennent et j'aimerais vous en parler. Et je lui en parle et je lui décris tout ce que je vous ai décrit. Et je suis persuadé qu'il va me prendre pour un fou. J'ai beaucoup de chance. Je dis j'ai beaucoup de chance parce que j'ai rencontré différentes personnes qui ont vécu des expériences de mort imminente et qui n'ont pas été prises au sérieux par le corps médical. À l'époque, on balbutie encore dans les années 2001. Aujourd'hui, ça serait différent. Et ce médecin me prend au sérieux immédiatement, me dit, j'étais là, ce que vous décrivez est juste. Je lui décris aussi un dialogue qu'il y a eu à ce moment-là. Il me dit, voilà, tout ce que vous me dites est vrai, je vous le garantis.

  • Benjamin Coste

    C'est-à-dire, les images que vous avez vues pendant l'expérience sont réelles.

  • Père Vincent Lafargue

    Il les valide. Il me dit, le numéro sur le mur, le badge, c'est celui de mon collaborateur, vous ne l'avez plus jamais revu. C'était son dernier jour avec nous. L'alliance, c'est celle que je porte et je la vois à ce moment-là et je dis, ben oui, c'est celle-là. L'appareil, effectivement, enfin voilà, il valide ce que je lui dis. Il me dit, le seul problème que j'ai avec ça, c'est que vous ne pouvez pas vous en souvenir scientifiquement parce qu'à ce moment-là, vous étiez cliniquement mort. On serait plus prudent aujourd'hui parce que pour être déclaré cliniquement mort aujourd'hui, c'est plus compliqué. Mais à l'époque, on utilisait volontiers cette expression dès que le cœur s'était arrêté, qu'il n'y avait plus d'activité cérébrale. Et donc, il me dit, vous étiez en train de perdre la vie et vous étiez cliniquement de l'autre côté à ce moment-là. Et donc, il me dit, vous ne pouvez pas avoir ces souvenirs-là, mais ils sont réels. Donc, je vous crois et vous n'êtes pas le seul à qui c'est arrivé. Et ça, c'est une découverte pour moi. Je n'avais absolument pas entendu parler de cela. Et il me dit, il y a des livres. Il y a des personnes à qui c'est arrivé. Il me parle de quelques livres, dont ceux d'Elisabeth Kubler-Ross et de Raymond Moody, qui sont célèbres à l'époque.

  • Benjamin Coste

    Peut-être dire un mot de ces deux personnes pour nos auditeurs qui ne les connaîtraient pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    Donc, Elisabeth Kubler-Ross est une thérapeute suisse qui a beaucoup travaillé sur la mystique et sur l'au-delà. Et puis, Raymond Moody est celui qui a écrit La vie après la vie, qui est un best-seller. C'est un médecin américain et c'est un best-seller dans les années 80 déjà, sauf erreur. ... qui a commencé à récolter, lui, les premiers témoignages sur ses expériences de mort imminente.

  • Benjamin Coste

    Le fait que le médecin « valide » ce que vous avez vécu explique que ce n'est pas une vue de l'esprit, un délire. Qu'est-ce que ça va changer pour vous concrètement ?

  • Père Vincent Lafargue

    La première chose que ça change, c'est que c'est le premier à me dire que j'ai frôlé la mort, parce que personne ne me l'avait dit. Et puis moi, je n'avais pas demandé à lire mon dossier. La transparence de ce genre de choses était aussi différente à l'époque qu'aujourd'hui. Personne ne m'avait dit que j'étais passé vraiment juste à côté et que mon cœur était finalement reparti. Je vais parler à partir de ce moment-là d'une deuxième vie ou d'une partie gratuite. C'est un peu ça. Et donc, ça, personne ne me l'avait dit. Il est le premier à me le dire. Et là, je prends vraiment comme un coup de batte de baseball dans la figure. C'est vraiment, je suis sonné. de savoir que je suis passé tout près, comme on dit. Et puis, la deuxième chose, c'est qu'alors, je me dis, mais alors ces images qui reviennent en flash, elles sont vraies. Mais alors, si les images du couloir sont vraies, les images de la lumière sont vraies aussi. Et donc, c'est là que je commence à m'intéresser à lire ces bouquins et à découvrir que plein de gens parlent de cela. que d'autres sont allés beaucoup plus loin que moi, d'autres sont allés jusqu'au bout de ce tunnel, ont rencontré des gens, ont entendu des paroles. Je vais m'apercevoir qu'un membre de la famille a fait une expérience semblable et n'en avait jamais parlé. Et donc, je vais découvrir toute cette série de témoignages en me disant, bon, je m'inscris très humblement à la suite de ces personnes-là. Mon expérience est toute petite par rapport à celle des personnes qui ont été jusqu'au bout, rencontré des gens, etc. Mais elle est bien réelle. Et puis, ce qui m'apparaît très rapidement, c'est trois éléments. Et je vais découvrir, grâce à Elisabeth Kübler-Ross, que ce sont des éléments qui sont présents chez une immense majorité des expérienceurs. Trois éléments qui sont ne plus avoir peur du tout de la mort. Et vraiment, c'est une immense paix. Je suis très paisible par rapport à ça. La mienne comme celle de mes proches d'ailleurs. C'est la première chose. La deuxième chose, c'est de vouloir absolument changer de vie. Il m'apparaît que ma vie ne peut pas continuer comme avant. Il doit y avoir un changement et ce changement doit être fort. Il ne s'agit pas seulement de changer de métier. Et puis, le troisième élément, c'est de me mettre d'une manière ou d'une autre au service des autres. Le service devient quelque chose de très important, alors qu'avant, j'étais considérablement un but de ma personne. Le théâtre peut aider, ou ne pas aider justement plutôt. Mais enfin, j'avais développé un égocentrisme qui était quand même assez violent. Et donc, les autres, ils étaient intéressants s'ils m'applaudissaient. Je force le trait, mais enfin, voilà.

  • Benjamin Coste

    Et donc, ces trois éléments que vous citez, ils sont communs. à la plupart des personnes qui ont fait une expérience de mort imminente.

  • Père Vincent Lafargue

    Je découvrirai ça. C'est très étonnant. Et commun à un pourcentage impressionnant. Ce n'est pas 100%, mais pas loin. Alors ensuite, Elisabeth Kubler-Ross va lister carrément une douzaine de points communs. Mais les suivants sont... Le pourcentage descend au fur et à mesure de la liste. Mais tout de même, il y en a un certain nombre dans lesquels je me retrouve ou je me retrouve plus ou moins. Mais ces trois-là sont vraiment tête de liste et chaque personne qui vient vers moi après une émission comme la vôtre en disant « je vous ai entendu, il m'est arrivé la même chose, il faut qu'on parle » , chaque personne me dit la même chose. Elle me dit « ces trois éléments, c'est une évidence pour moi » . Et des personnes sont allées très loin. Je connais une personne qui a changé de nom, d'adresse, d'identité, vraiment, qui a refait sa vie complètement différemment.

  • Benjamin Coste

    Mais est-ce que ça veut dire que je me... Posez la question en préparant cet entretien, est-ce que ça veut dire que votre vie d'avant n'a pas de prix, ne valait en guillemets rien ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a un rejet finalement de cette première vie par rapport à la deuxième qui s'annonce ?

  • Père Vincent Lafargue

    Du tout ,non. D'ailleurs dans ma vie de prêtre aujourd'hui, je profite énormément de tout ce que j'ai appris comme comédien, comme enseignant et également comme animateur de radio puisque je continue à en faire. Donc... Non, non, ma première vie est précieuse et je n'en renie aucun des moments. Simplement, c'est comme si c'était une vie en noir blanc ou en deux dimensions et puis que celle d'aujourd'hui est en couleur et en trois dimensions. C'est tout autre chose. C'est-à-dire que j'ai découvert simplement un sens à cette vie que je n'avais pas avant.

  • Benjamin Coste

    Alors, je vous écoute et je me dis pareil. Ça peut être un peu terrible ce que vous dites, parce qu'on se dit finalement, est-ce qu'il faut attendre de faire une expérience pareille pour vivre une vie en couleur, comme vous l'avez décrivé, et non pas une vie en noir et blanc ?

  • Père Vincent Lafargue

    Heureusement non, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui vivent en couleur, et je suis persuadé que c'est votre cas. Mais simplement, c'est en comparaison que je dis cela. Lorsqu'on a cette chance d'avoir une deuxième vie, ce qui était auparavant vous apparaît un peu plus plat et un peu plus futile. Mais, encore une fois, je n'en renie aucun des moments.

  • Benjamin Coste

    Comment vous passez de cette vie du comédien, du journaliste, à un jour devenir prêtre ? Il y a une petite partie et qu'il faut que vous nous expliquiez.

  • Père Vincent Lafargue

    D'autant que si l'on me l'avait dit à l'époque, je crois que j'aurais souri ou éclaté de rire. Il a fallu deux ans, alors qui correspondent à ma rééducation, j'ai réappris à marcher, tout ça a été long. Et puis à un moment donné, j'ai entendu une émission de radio. et dans cette émission parlait un prêtre, un prêtre âgé, avec une voix très douce, merveilleuse. Et ce prêtre, en l'écoutant, je me disais, c'est drôle, j'ai l'impression de m'entendre vieux. J'ai l'impression que c'est moi dans 50 ans. Mais dans un premier temps, je ne sais pas qu'il est prêtre. Je prends cette émission en cours de route et j'entends cet homme parler de poésie, je suis féru de poésie, de cinéma, parler de son lien aux autres, de sa manière d'essayer de les servir. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il fait comme métier, mais tout ce qu'il raconte, je ne l'associe en aucun cas à une vie religieuse. C'est d'ailleurs un prêtre assez atypique. Et ce n'est que lors d'une deuxième écoute, écoute, cette émission est un feuilleton que je l'apprends depuis le début et que j'entends son nom et son métier. Et c'est comme un coup de foudre. Je me dis, quoi, cet homme, il est curé, mais ce n'est pas possible. Un curé, ça célèbre la messe le dimanche et puis je ne vois pas ce que ça fait d'autre. Donc, lui, entre autres, il allait voir les malades à l'hôpital. C'était sa manière aussi de servir les gens. Et juste après l'émission, je prends mon téléphone et je l'appelle. Et je suis dans ma voiture, parce que j'ai pris une voiture depuis à ce moment-là. Je suis dans ma voiture, je suis resté moteur allumé sur le trottoir en train d'écouter toute l'émission, tellement ça m'avait bouleversé le générique du début et le fait qu'il soit prêtre. Et donc, à la fin de l'émission, je l'appelle et je lui dis écoutez, ça va vous paraître complètement absurde, on ne se connaît pas. Je viens de vous entendre à la radio. Et j'ai l'impression, j'ai le sentiment que je suis appelé à faire la même chose que vous. Et tout en disant ça, je me dis, mais qu'est-ce que tu es en train de raconter là ? Tu es fou ? Qu'est-ce qui te prend ? Et cet homme a été merveilleux. Il m'a dit, écoutez, il faudrait peut-être qu'on en parle. Il m'a donné rendez-vous. On a pris un café qui a duré, duré, duré jusqu'à tard le soir. Et il ne m'a pas dit, c'est bien, il n'y a pas assez de... prêtre, engage-toi tout de suite, etc. Pas du tout. Je lui ai raconté ce qui m'était arrivé. Il m'a dit, alors vous avez du temps, vous avez gagné du temps dans votre vie. Vous avez une deuxième vie, c'est merveilleux. Alors prenez le temps, prenez le temps de regarder, rencontrer des prêtres, d'autres personnes. Il y a mille manières d'être au service des autres. Je sens que vous voulez donner votre vie d'une manière très forte, mais il y a sûrement plein de choses. Et peut-être que c'est la prêtrise, mais prenez le temps, tout simplement. Voilà, de discerner. Et j'ai pris ce temps. J'ai pris ce temps et j'ai ensuite poussé la porte du séminaire, persuadé qu'on allait me mettre dehors très vite parce que j'étais quand même un peu atypique. Déjà, j'étais plus âgé que les autres séminaristes parce que j'ai presque 30 ans quand je pousse la porte du séminaire. Je n'ai pas du tout les mêmes centres d'intérêt. Donc, c'est... Voilà, dès le départ, je me dis, bon, j'y vais, mais on verra bien. Et puis... Ce qui ne m'est jamais arrivé dans ma vie, tous les feux passent au vert. Tous les feux passent au vert, tous les examens, je n'ai raté aucun examen, alors que je n'étais pas spécialement un bon élève auparavant. Et puis reprendre des études à 30 ans, réapprendre le grec, l'hébreu, etc. Ce n'est pas évident. Et à ma grande surprise, je surfe sur ce parcours-là de manière assez étonnante. Et je me dis, tiens, c'est bizarre. Toutes les portes semblent s'ouvrir dans la même direction.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a, justement, au sein de ce parcours, de vos années de formation pour devenir prêtre, est-ce que, encore une fois, cette expérience de mort imminente, elle a une place particulière ? Est-ce que, comment dire, c'est une sorte de référence ? Est-ce que vous y revenez ou finalement ça a eu lieu ? Ce n'est pas oublié, mais c'est un élément de mon parcours.

  • Père Vincent Lafargue

    Ça a eu lieu, ce n'est pas oublié, mais je n'en parle pas, d'abord, parce que je suis dans un milieu où je me méfie un petit peu. Ça peut être bizarre de le dire comme ça, mais l'Église dans laquelle je me trouve n'est pas très mystique. Il s'agit d'une expérience mystique. Là, on est plutôt à étudier saint Thomas d'Aquin. Je suis à l'Université de Fribourg, qui est tenue par les Dominicains. Donc, on est vraiment dans la science. pure, dans la théologie de haut vol, et donc il n'y a pas tellement de place dans ces études-là pour ce genre de récits ou d'expériences. Et donc, je vais mettre plusieurs années à en parler au séminaire. Je vais finir par le faire, mais je vais mettre plusieurs années. Et c'est accueilli avec des sourires polis, on va dire ça comme ça. Donc, ça fait que j'en parlerai plus très volontiers dans le milieu ecclésial dans un premier temps, parce que je m'aperçois que, bon, on dit, bon, c'était un ancien comédien, il se fait mousser un peu avec son histoire, voilà. et donc voilà c'est pas une expérience qui est très présente dans mes années de séminaire si ce n'est l'amour, c'est à dire que ce qui m'a été inculqué dans ce tunnel de lumière Je vais peu à peu le retrouver chez certains auteurs. Je pense par exemple à Maurice Zundel, le théologien suisse, que je vais apprendre à connaître, à découvrir, alors que je ne le connaissais pas du tout, qui est mort 15 jours avant que je naisse. Je ne l'ai pas connu de mon vivant, mais je vais apprendre à découvrir des auteurs comme lui, comme saint Augustin, pour aller chez les pères de l'Église, et la petite Thérèse par exemple aussi, des auteurs qui ont eu le cœur brûlé par cet amour.

  • Benjamin Coste

    Et qui mettent donc finalement des mots sur cette expérience, encore une fois.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, qui mettent des mots sur ce que j'ai ressenti, sur cet amour que j'ai ressenti. Et je vais peu à peu me dire, il y a manifestement des gens qui ont eu cette brûlure. J'aime bien les mots de la petite Thérèse parce que c'est vraiment du feu qu'elle a ressenti et c'est la même chose pour moi, j'ai le sentiment d'avoir été brûlé. au feu de l'amour divin. Et donc, cette brûlure-là, elle reste. C'est une brûlure agréable, ce n'est pas une brûlure qui fait mal, mais elle reste à vie. Et donc, c'est comme si on m'avait marqué au fer rouge. Et puis, je vais m'apercevoir qu'il y a des gens qui ont eu cette chance et puis il y a des gens qui n'ont pas eu cette chance et qui sont pourtant de très bons séminaristes et ensuite qui deviennent de très bons prêtres et qui ont une théologie un peu plus théorique, un peu plus rhétorique. mais qui, pour n'avoir pas eu le cœur brûlé nécessairement par cette rencontre-là, sont des personnes merveilleuses. Et donc, tout ça pour dire aussi qu'il n'y a pas cette nécessité-là. On n'est pas un meilleur prêtre ou un meilleur religieux parce qu'on a le cœur brûlé. Simplement, je me retrouve mieux dans les auteurs et les théologiens chez qui je retrouve cette brûlure que chez ceux chez qui je trouve une foi un peu plus rationnelle et construite rationnellement.

  • Benjamin Coste

    alors pour faire le lien avec ce que vous venez de dire à l'instant, moi, j'ai envie de vous demander qu'est-ce que cette expérience que vous avez vécue modifie dans votre manière d'être prêtre aujourd'hui ? Est-ce que ça modifie quelque chose ? J'ai tendance à penser que oui, mais expliquez-nous.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est-à-dire qu'on se reconnaît. Les personnes qui ont cette brûlure-là, entre guillemets, ou qui ont fait cette rencontre-là, on se reconnaît assez vite en discutant. Et puis, qui... Il faut supporter tout le reste comme prêtre. Il faut supporter l'église institutionnelle qui n'est pas toujours marquée au fer rouge de l'amour, disons-le comme cela. Il faut supporter tous les côtés sombres aussi de ces dernières années, les abus. On ne va pas refaire tout le tableau, mais enfin voilà, c'est pour moi des choses très douloureuses et difficiles. Donc, ça change considérablement les choses parce qu'on a envie de faire aller plus vite la machine en fait. On a envie de faire rencontrer aux gens cette personne qui nous a brûlé le cœur. Et donc ça, c'est devenu vraiment un leitmotiv pour moi à travers la parole de Dieu. Parce que tout mon parcours au séminaire m'a fait découvrir. Je ne lisais pas du tout la Bible avant, ou très peu. C'est-à-dire que j'étais lecteur dans ma paroisse. Donc je la lisais le dimanche à la messe, mais c'est tout. Et donc, mon parcours m'a fait découvrir la parole avec un P majuscule. et c'est à travers cette parole que j'essaye aujourd'hui de faire découvrir, rencontrer Dieu, amour aux personnes qui me sont proches ou moins proches parce que je le fais aussi par internet et ça permet d'atteindre de manière beaucoup plus large. Alors il y a cette passion, je brûle de ce feu-là et donc ce n'est pas toujours facile d'être l'allumette qui brûle. dans un tas de bois mouillé, si vous voulez. Donc, il y a d'autres allumettes, heureusement, et il y a d'autres personnes qui brûlent. Et puis, on essaye, au contact de ces gens-là, de se ressourcer et puis ensuite de repartir en paroisse et de se dire, voilà, j'ai devant moi des gens qui n'ont pas forcément fait cette rencontre-là et mon but, c'est de les enflammer.

  • Benjamin Coste

    Encore une fois, qu'on soit bien précis, quand vous dites avoir fait cette rencontre, ça ne passe pas forcément par une expérience de mort imminente comme vous l'avez vécu vous ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non. Il y a des gens qui l'ont rencontré de manière totalement différente, beaucoup plus douce. Un ami m'a dit, la vie que tu avais à l'époque faisait que Dieu était obligé de prendre les grands moyens, les gants de boxe. Ce n'était pas possible d'y aller avec des petits gants blancs, ça n'allait pas pour toi.

  • Benjamin Coste

    La question que je voulais vous poser, c'est comment vous comprenez que le Seigneur permette en fait ces expériences ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors si je le prends par rapport à ma propre expérience, je dirais que j'avais besoin de ça pour croire comme je crois aujourd'hui. Ça c'est personnel. Après, comment permettre ces expériences ? Je pense en réalité qu'il en permet beaucoup plus que ce que l'on imagine. Et aujourd'hui, on ne parle plus forcément seulement d'expérience de mort imminente, mais d'état modifié de conscience. On s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin d'approcher la mort pour tout à coup avoir telle ou telle vision, telle ou telle expérience mystique. Et donc, je crois vraiment que le Seigneur appelle énormément, se dévoile énormément. C'est nous qui ne savons pas écouter et voir. Donc, il... permet ces expériences pour qu'on puisse encore mieux se rapprocher de lui, certainement.

  • Benjamin Coste

    50% de votre ministère est notamment dédié à une aumônerie, vous êtes aumônier d'hôpital. En quoi aussi, de la même façon, ce que vous avez vécu, cette expérience, modifie votre rapport avec des personnes qui sont peut-être, qui vont bientôt passer de l'autre côté, qui vont peut-être faire cette rencontre ? Et puis peut-être de façon assez aussi concrète, est-ce que c'est un témoignage de votre vécu que vous donnez à certaines des personnes que vous croisez ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors spontanément, non. Je ne me permettrai pas d'arriver et de parler de moi-même. L'aumônerie est un lieu où on écoute énormément. C'est-à-dire qu'on rentre dans une chambre, c'est d'ailleurs parfois comique, parfois on écoute une personne pendant une demi-heure, et à la fin de la demi-heure, elle nous dit « merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez dit » , alors qu'on n'a pas dit grand-chose. mais en fait à travers Ce qu'elle nous a dit, elle s'est retrouvée. Et donc ça, c'est toute la magie de ce qui se passe dans l'aumônerie. Mais il arrive, un, que des personnes me connaissent ou aient entendu mon témoignage et donc me demandent, alors qu'elles sont sur un lit d'hôpital, mais vous, vous qui avez vécu ça, qu'est-ce que vous pouvez me dire ? Alors là, j'en parle. Et puis, il arrive aussi que des personnes me fassent part d'une peur, d'un souci, de mourir, d'une angoisse. Et ça, c'est assez fréquent. C'est assez fréquent. La plupart des gens ont peur de la mort. Et donc, dans ce cas-là, je dis, écoutez, moi, de ma pauvre expérience, de ma petite expérience, j'ose vous dire que je crois que vous allez vers la lumière, vers la paix, vers la sérénité, vers quelque chose de très beau. Et si on m'en demande plus, j'explique pour quelles raisons je dis cela. J'y vais avec des pincettes parce que ce n'est pas le but d'arriver en disant « moi je sais, je ne sais rien du tout, j'ai juste ce que j'ai vécu et voilà, c'est un grand mystère que cette lumière en même temps » .

  • Benjamin Coste

    Oui, parce qu'en même temps, ce que vous avez vécu est énorme et en même temps, il reste toute une partie du mystère qui n'est pas dévoilée.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, c'est comme si on m'avait levé juste un petit centimètre de nappe et tout le reste de la table est caché. et donc... Voilà, je peux dire ce que j'ai ressenti, ce qui a changé ma vie, ce que je ressens encore aujourd'hui. Et souvent, ça rassure. Et puis alors, surtout, je me rends compte, lorsqu'il m'est donné, et ce n'est pas rare, d'accompagner une personne jusque à cet instant-là, je vois cette sérénité. C'est-à-dire que même si la personne était crispée, était en proie à des douleurs terribles ou bien à une angoisse terrible, la seconde avant de passer dans la mort, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est assez fou. Des fois, j'ai l'impression de voir dans les yeux de la personne en miroir cette lumière qu'elle est en train de voir ou ce qu'elle est en train de contempler. Je vois tout à coup que la personne devient totalement paisible avant de rendre son dernier souffle.

  • Benjamin Coste

    Et ça, parce que vous pensez que c'est parce que vous avez aussi fait cette expérience que c'est peut-être la même lumière que vous avez vue et qu'elle voit actuellement ?

  • Père Vincent Lafargue

    Ça colore en tout cas, évidemment, ce que je peux ressentir. Enfin, une des choses qui m'aide, je crois, dans mon travail d'aumônier, c'est que j'ai hurlé sur un lit d'hôpital en attendant la morphine qui ne venait pas. Et donc, je sais que la souffrance, la douleur est un maître impitoyable. Il y a certains moments, dans ma chambre d'hôpital, on m'aurait laissé un revolver sur ma table de nuit, j'aurais tiré. Pas sur l'infirmière, sur moi. De douleur. donc je peux peux comprendre de l'intérieur de mes tripes ce que vivent certaines personnes sur un lit d'hôpital. Et ça, évidemment, ça m'aide non pas à leur dire « je sais ce que vous êtes en train de vivre » parce que ce serait insultant, mais à leur dire « j'essaie de comprendre ce que vous souffrez actuellement et je me fais proche de vous » .

  • Benjamin Coste

    Beaucoup de chrétiens continuent d'avoir peur de la mort. Comment vous l'expliquez ? Est-ce que ça ne veut pas dire aussi qu'il y a peut-être un déficit de la part de l'Église, d'un discours, d'une parole sur les fins dernières, sur la mort ? Est-ce qu'il n'y a pas un manque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, je pense qu'il y a un manque. Les ouvrages d'ailleurs sur les fins dernières sont rares. Je pense à un petit ouvrage de Nathanaël Pujos qui s'appelle, je crois d'ailleurs, « Les fins dernières » , qui est excellent, ou quelque chose comme ça en tout cas, qui est remarquable. Mais les ouvrages à ce sujet chrétiens, spécifiquement chrétiens, sont très rares. Et donc, c'est encore plus rare de l'entendre en prédication. Et donc, oui, il y a un déficit, évidemment, alors qu'on a tout pour le prêcher. On croit en la résurrection, on croit en la mort comme un passage. Donc, pour ma part, je vais tout à l'heure célébrer des obsèques dans la paroisse où nous nous trouvons. Cela fait partie des choses que je prêche systématiquement aux obsèques, sans du tout ramener à mon expérience, mais simplement avec la foi que j'ai que cette personne est vivante de l'autre côté de ce passage qu'on appelle la mort. Et donc qu'il y a vraiment une foi en la vie éternelle que nous devons prêcher nous. Si on croit au ressuscité, c'est bien pour pouvoir aussi le dire autour de nous.

  • Benjamin Coste

    Pour terminer l'entretien, on a une petite série de questions qu'on pose à chaque fois à nos invités. La première d'entre elles, Père Vincent, ce serait de savoir quel conseil vous donneriez à une personne qui aurait vécu une expérience de mort imminente et que cette expérience peut-être, alors je ne sais pas si ça existe, mais que cette expérience encombrerait, qu'elle ne saurait pas trop quoi en faire.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors le premier conseil, et quasiment le plus important, le seul, En parler. Ne pas rester seul avec ses images, avec ses visions. En parler. Oser en parler. On est beaucoup mieux accueillis aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Donc, oser en parler, vraiment. Dire, voilà ce qui m'est arrivé. C'est la première chose. La deuxième chose, lire. Lire, justement, des ouvrages qui en parlent. Ils sont beaucoup plus nombreux aujourd'hui. Ils sont très intéressants parce que tous ces ouvrages nous montrent qu'on n'est pas seul dans ce cas-là. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont vécu ces choses-là. Donc, c'est les deux conseils que je lui donnerais. Et peut-être simplement croire qu'elle n'est pas dingue non plus, parce que la plupart des gens commencent par se dire « je suis fou, c'est des visions » . Enfin, voilà. Non, non, non.

  • Benjamin Coste

    La deuxième question de cette petite série de questions finales, ce serait « quel est votre livre de chevet et celui que vous aimez lire et que vous relisez encore ? »

  • Père Vincent Lafargue

    Il y en a plusieurs, mais je vais essayer d'être atypique parce que je pourrais dire la Bible. Mais voilà, je vais parler du Conte de Montecristo. C'est un livre que j'ai découvert dans mon enfance. Et ça peut paraître étrange, une histoire de vengeance pour un religieux. Dieu est magnifiquement présent dans cette histoire parce que Edmond Dantes, lorsqu'il sort du château d'If, rentre dans une chapelle et hurle vers Dieu, « Maintenant, tu n'as pas fait ton travail, donc maintenant c'est moi qui vais prendre ta place. » Et il va se rendre compte à la fin de sa vie que non, nous ne pouvons pas prendre la place de Dieu. C'est lui qui punit les méchants et qui récompense les justes. Donc derrière cette histoire où Dieu semble parfois peu présent, il y a... une présence en filigrane jusqu'au personnage de prêtre dans lequel il se déguise d'ailleurs. Donc j'aime énormément ce roman et je le relis année après année. Pouvez-vous aussi, s'il vous plaît, Père Vincent, nous dire quelle est votre prière préférée ? Alors c'est la prière du pèlerin de la montagne. C'est une prière que l'on doit à un chanoine du Saint-Bernard, un Suisse, Gracien Volut. C'est une très très belle prière qui nous demande de marcher.

  • Benjamin Coste

    Est-ce que vous acceptez de nous la lire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Mais bien sûr. Seigneur Jésus, toi qui as fait un si long déplacement d'auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous, toi qui es né au hasard d'un voyage et as couru toutes les routes, celle de l'exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication, tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pire. pèlerin. Seigneur Jésus, toi qui as pris si souvent le chemin de la montagne pour trouver le silence, retrouver le Père, pour enseigner tes apôtres, proclamer les béatitudes, pour offrir ton sacrifice, envoyer tes apôtres et faire retour au Père. Attire-moi vers en haut, fais de moi un pèlerin de la montagne. À l'exemple de Saint Bernard, j'ai à écouter ta parole, à me laisser ébranler par ton amour. Sans cesse tenter de vivre tranquille, tu me demandes de risquer ma vie, comme Abraham dans un acte de foi. Sans cesse tenter de m'installer, tu me demandes de marcher en espérance vers toi, le plus haut sommet dans la gloire du Père. Créé par amour pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte par les sommets vers toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l'audace et l'adoration. Amen.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, une dernière question. Là, maintenant, si dans cette pièce, avec nous, le Christ apparaissait, qu'est-ce que vous aimeriez lui dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Merci. merci d'avoir été qui il a été lorsqu'il s'est incarné merci de ses paroles de ses actes dans sa vie parmi nous et puis merci encore davantage d'être mon compagnon de route jour après jour et d'être cette présence au plus intime de nous-mêmes de moi comme des autres donc c'est le merci qui me viendrait aux lèvres à mon tour et au nom de tous nos auditeurs d'un beau jour. C'est moi qui vous remercie, Père Vincent, de nous avoir accordé de votre temps et de nous avoir encore une fois partagé cette expérience. Et merci à vous d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour. Donc je vous encourage à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages de feu, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes d'Un beau jour et lire aussi chaque semaine la rubrique Rencontres dans le feu. magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne, Tous Saints, l'histoire de témoins de la foi racontée par Bénédicte de Lelys, Maman Prie, Sexo, Sacrée Histoire et d'autres encore. Merci encore pour votre écoute et rendez-vous le prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

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Description

Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression "EMI" désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière ou un tunnel, expliquent parfois comme être sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour Un beau jour, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu et ressenti ce jour-là et les changements profonds qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort... et l'Amour véritable.

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Transcription

  • Benjamin Coste

    Bonjour, je suis Benjamin. Vous écoutez Un beau jour, le podcast de Famille Chrétienne qui donne la parole à des hommes et des femmes dont la vie a été bouleversée par un événement imprévu. Aujourd'hui, je suis en Suisse, à Aigle exactement, une petite commune de 11 000 habitants où l'abbé Vincent Lafargue est prêtre. Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression EMI désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière, un tunnel, expliquent être parfois comme sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour nous, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu, ressenti ce jour-là et sur les changements profonds. qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort. Père Vincent, bonjour. Bonjour. Merci de nous accueillir donc chez vous à Aigle. Et comme c'est la tradition dans ce podcast, pour commencer cet entretien, pouvez-vous nous présenter l'objet symbolique de votre histoire que vous avez amené ?

  • Père Vincent Lafargue

    J'ai amené un sablier, mais c'est un sablier un peu particulier. Alors, ce n'est pas radiophonique, mais vous, Benjamin, vous le voyez. C'est un sablier qui remonte le temps plutôt que de le descendre, donc le sable qui est à l'intérieur d'un liquide remonte en haut du sablier plutôt que de descendre comme la gravité le voudrait. Et cet objet que j'ai découvert quelques années après mon expérience de mort imminente me rappelle que lorsque l'on donne du temps aux autres, on le gagne, on retrouve du temps en retour. alors que si l'on essaye de garder le sable dans notre main, eh bien, il s'écoule inexorablement et bien souvent, on le perd. Donc, cet objet signifie aussi pour moi le fait de prendre du temps parce que avant, dans ma vie d'avant, comme nous allons l'évoquer, j'étais toujours en retard et je courais toujours après le temps. Et j'ai appris à prendre du temps. Moi qui suis fils d'horloger, ce qui arrive en Suisse. Eh bien, j'ai appris à faire attention, à respecter le temps. Et ce petit sablier vient me le rappeler quand je suis stressé, quand je suis en retard. Je m'arrête, je le retourne et j'attends qu'il soit arrivé au bout, que le temps soit remonté. Je serai deux minutes de plus en retard, mais au moins, je vais partir plus calmé. Et j'en profite pour faire une prière la plupart du temps.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, vous aviez 25 ans, donc un petit flashback. Lorsque vous avez eu un accident de la route. Oui. grave accident de la route et donc vécu cette expérience de mort imminente. Pouvez-vous nous dire quel jeune homme vous étiez à l'époque ? Et puis peut-être revenir un peu sur votre histoire familiale, personnelle.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, j'étais comédien au théâtre, j'étais prof de français langue étrangère et j'étais animateur de radio sur une radio chrétienne. Donc, et les trois choses en même temps. Ce qui vous dit déjà que j'étais un petit peu un monsieur 100 000 volts. C'était un des surnoms qu'on m'avait donné parce que je faisais pas mal de choses. Le fait de travailler sur une radio chrétienne vous dit que j'étais déjà chrétien. J'ai été baptisé un mois après ma naissance. J'ai vécu dans une famille chrétienne. Nous sommes quatre frères chez moi. Mes parents sont pratiquants aujourd'hui encore et ils m'ont transmis leurs valeurs. J'ai confirmé mon baptême à l'âge de 17 ans. par contre ensuite et comme beaucoup de jeunes gens, après ma confirmation, je me suis un petit peu éloigné de l'Église entre 17 et 25 ans. J'ai pris quelques distances parce que j'avais d'autres priorités en tête que de pratiquer ma foi qui était un peu culturelle. Je n'avais pas réellement rencontré le Christ, je dirais. Je l'avais rencontré à travers des traditions familiales, à travers une pratique qui était celle de mes parents, mais pas encore en personne. Et donc, j'allais à l'église, oui, très souvent quand il n'y avait personne, j'y allais volontiers pour déposer une bougie, comme font beaucoup de gens. J'y allais aussi pour parler à Dieu de manière assez désagréable la plupart du temps. C'était plutôt pour lui demander des comptes, c'était pour lui demander pourquoi le mal dans le monde, pourquoi est-il arrivé tel problème, voilà.

  • Benjamin Coste

    Donc vous étiez un croyant, un croyant, mais un croyant un peu en colère.

  • Père Vincent Lafargue

    Un peu en marge, un peu en colère. Oui, oui. Et puis avec le caractère que j'avais, il s'en est pris deux, trois dans la figure, notre pauvre Seigneur.

  • Benjamin Coste

    Il y a des raisons à ça ? Il y a des événements particuliers qui ont suscité cette colère ? Non,

  • Père Vincent Lafargue

    les événements du monde, les événements du monde, ceux de mes proches lorsqu'il y a eu tel ou tel drame ou tel ou tel accident. Et voilà, mais moi, dans ma propre vie... J'ai eu une enfance et une jeunesse extraordinaires, enfin extraordinaires, tout à fait agréables, merveilleuses. Je dis extraordinaires parce qu'avec le nombre de personnes que je rencontre qui ont eu une enfance cabossée ou une jeunesse difficile, ça a l'air plutôt rare d'avoir une jeunesse, une enfance vraiment agréable. Donc non, je n'avais rien à reprocher à Dieu de précis me concernant.

  • Benjamin Coste

    Vous venez de le dire, vous cumuliez les activités, donc journaliste le matin, prof de français, c'est ça, la journée, comédien le soir. J'ai lu que vous vous leviez tôt, vous vous couchiez tard. Moi, la question qui m'est venue, c'est d'où vous venez finalement cette espèce de boulimie de la vie, ce désir de toujours être à fond ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est une vraie bonne question. Je suis un... Un enfant qui n'était pas prévu. Je ne vais pas dire qu'il n'était pas désiré, parce que j'ai été tout de suite accueilli lorsque la grossesse s'est présentée. Mais je n'étais pas prévu. Mes frères ont 15 ans d'écart avec moi. Ma maman avait 40 ans lorsque je me suis présenté. Et donc, voilà, il n'avait pas prévu d'avoir quatre enfants. Il y a un quatrième qui arrive. On m'a tout de suite aimé et accueilli. mais je pense que j'en ai gardé une certaine urgence de vivre. Parce que, bien sûr, qu'au tout début de cette grossesse, la question s'est posée pour mes parents de dire qu'est-ce qu'on fait ? Ils n'étaient pas du tout riches à l'époque. Mon papa était au chômage au moment où je suis arrivé. Donc, la question a dû se poser jusque dans mon ADN. Le risque de ne pas vivre. Et donc, j'ai cette chance d'avoir été accueilli, mais je pense que j'en ai gardé. Une urgence de vivre et de croquer la vie à pleines dents.

  • Benjamin Coste

    On va venir donc à cet événement qui a quand même fondamentalement changé le cours de votre vie. Un jour, vous êtes comme toujours en retard, vous l'avez expliqué. Vous enfourchez votre scooter, qui est un gros scooter, un scooter moto, pour vous rendre à une répétition de théâtre. Absolument. C'est ça. On est à Genève, je ne me trompe pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    On est à Genève, au mois de novembre, il fait nuit, il pleut et il fait froid. Et il y a un peu de brouillard. C'est l'idéal pour rouler en deux roues.

  • Benjamin Coste

    C'est ça. Et vous, vous êtes en retard, donc j'imagine un peu pressé.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui.

  • Benjamin Coste

    Et donc avec une conduite assez nerveuse.

  • Père Vincent Lafargue

    Assez nerveuse, oui, tout à fait.

  • Benjamin Coste

    Racontez-nous ce qui se passe, l'accident.

  • Père Vincent Lafargue

    Je pars donc en retard et je dois quand même revenir quelques heures avant pour vous dire que ce même jour... Une de mes étudiantes m'avait fait remarquer que j'avais un tic de langage, le mot « vite » que je disais sans arrêt. Et ça m'a fait réfléchir sur mon scooter ce soir-là au guidon. Une fois arrivé un feu rouge, j'ai réfléchi à cela en me disant « mais c'est vrai que je vais vite, que je vais trop vite » . Alors je respectais les limites de vitesse, ce n'était pas la question, mais vous l'avez dit, on peut conduire nerveusement aussi tout en respectant les limites et ça, ce n'est pas bon. Et puis, on peut partir en retard. on peut tout faire vite, ce qui était mon cas dans ma vie à ce moment-là. Je faisais tout trop vite. Et donc, je réfléchis au feu rouge et je me dis, c'est vrai, si j'ai ce tic de langage, ce n'est pas pour rien. C'est vrai que je vais trop vite, que je fais tout trop vite. J'aimerais bien freiner, finalement. J'aimerais bien avoir une vie un peu plus zen. Mais je ne sais pas comment faire. Parce que tout ce que je fais me passionne. Je suis un être passionné, aujourd'hui encore, mais je l'étais aussi à l'époque. Et donc, quand je fais quelque chose, je le fais à fond.

  • Benjamin Coste

    Il y avait vraiment une incapacité à aller plus doucement.

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument, oui. Et donc, je demande à Dieu, à ce moment-là, dans une prière spontanée, en silence, comme je le faisais souvent dans ma tête, je me dis, mais j'aimerais bien, j'aimerais bien freiner, j'aimerais bien même m'arrêter, pourquoi pas. Je trouvais tout à fait... Je voyais comme des extraterrestres les gens qui prenaient une semaine de silence dans un monastère. Enfin, je me disais ça, c'est vraiment pas pour moi, j'y arriverai jamais. Donc, voilà, je disais, j'aimerais bien m'arrêter, j'aimerais bien freiner. Puis je lui ai dit, puisque tu es si malin, toi, et puis si tu existes vraiment, essaye de m'arrêter. Voilà. Et là, j'ai entendu une voix, alors que j'avais dit cela dans ma tête. J'ai entendu une voix, comme je vous parle maintenant, alors que j'avais la musique à fond dans les casques, ce qu'il ne faut pas faire non plus à moto. J'ai entendu une voix très claire, très nette, très douce, que je connais bien depuis, mais que je n'avais jamais entendue, qui n'est pas la voix de ma conscience, parce que celle-là, on la connaît tous et je la connaissais bien, la petite voix qui nous dit « tu ne devrais pas » . Non, alors rien à voir. Une voix, tout simplement, qui me dit Est-ce que tu es bien sûr de ce que tu me demandes ? » Et sans réfléchir, j'ai dit oui, à haute voix cette fois-ci, j'ai dit oui, deux fois, et le feu est passé au vert.

  • Benjamin Coste

    Donc ce que tu me demandes, de ralentir.

  • Père Vincent Lafargue

    Voilà, c'est ça. Le feu est passé au vert, j'ai démarré, sec. J'ai atteint le 50 à l'heure assez vite. Je m'engageais dans une petite rue assez étroite. Et après une centaine de mètres, j'ai pris une voiture de face à 50 à l'heure.

  • Benjamin Coste

    Que vous n'avez pas vu arriver ?

  • Père Vincent Lafargue

    On ne s'est pas vu, ni elle ni moi. Il y a eu une illusion d'optique à cet endroit-là. Je passe sur les détails, mais qui a été reconnue après et corrigée. Mais le fait est qu'on ne s'est pas vus et donc on n'a pas freiné, ni l'un ni l'autre. On est vraiment arrivé à 50 à l'heure l'un contre l'autre. Ça fait 100 à l'heure dans un mur, c'est violent. Et donc j'ai fait une cascade absolument improbable. Je lui ai démoli sa voiture. Elle n'a pas eu de blessure physique, mais elle est restée traumatisée pendant longtemps. J'en parle d'autant plus volontiers que c'est devenu une amie, ce qui n'est pas courant dans ce genre d'accident. Mais voilà, moi, j'ai atterri sur le trottoir, inconscient, dans une flaque de sang. Et elle a tout de suite cru m'avoir tué. Ce qui va me sauver la vie, paradoxalement. Parce qu'elle n'a pas appelé l'ambulance, mais elle a appelé la police. Persuadée qu'elle avait tué quelqu'un. Elle a appelé la police en disant « j'ai tué quelqu'un » . Et ça va me sauver la vie parce que la police avait une voiture médicalisée qui était juste à côté, alors que l'ambulance la plus proche était nettement plus éloignée. Et donc, c'est la police qui va me prendre en charge. Et la deuxième chose qui va me sauver la vie, c'est que la voiture qui me suivait était conduite par un médecin, des SOS médecins, qui avait son matériel avec lui. Et ce ne sont pas les seuls clins dieux de cette soirée-là. Alors après, hasard ou pas hasard, mais voilà. Et ce médecin, lui, va tout de suite me porter les premiers secours, comprendre que je ne suis pas mort, mais comprendre que ce qui s'est passé est assez grave.

  • Benjamin Coste

    À ce moment-là, vous avez dit que vous étiez inconscient.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, moi je suis inconscient. Et donc, lui va tout de suite faire en sorte de me bouger correctement. Heureusement, parce que j'avais une vertèbre qui était fissurée, donc il fallait aller tout doucement. Et puis quelques autres fractures, quasiment une quinzaine en tout. Donc, on va me mettre dans l'ambulance où je vais me réveiller. Je vais arriver jusqu'à l'hôpital. On va faire quelques contrôles des radios. On trie les patients à l'hôpital, comme vous le savez. Il y a des urgences vitales et puis d'autres. Et puis, moi, c'était de la carrosserie. Ce n'était pas tellement, a priori, des blessures entraînant la mort.

  • Benjamin Coste

    C'est ça, votre cas n'est pas jugé comme grave.

  • Père Vincent Lafargue

    Il est jugé grave, mais pas urgentissime, pas vital. Et ce en quoi, malheureusement, on se trompe. Parce que l'une des blessures que j'ai, une fracture du bassin, a entraîné trois petites veines avec elle. Et ce ne sont pas des artères, donc ça va tout doucement, l'hémorragie, mais elle est bien là. Et comme elle est interne, on ne peut pas la stopper sans ouvrir, et donc on ne s'en rend pas compte tout de suite. Et je vais donc devoir ma vie à une série de coïncidences, de hasards ou de signes, mettez ça comme vous voulez. Mais toujours est-il qu'à un moment donné, on comprend que mes blessures sont gravissimes, en réalité, que je suis en train de perdre la vie. Et donc, le dernier souvenir que j'ai, c'est celui d'un médecin qui est là et qui dit « emmenez-le au bloc, tout de suite » .

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous avez repris conscience entre temps ? Oui.

  • Père Vincent Lafargue

    À plusieurs reprises, j'ai repris conscience dans le transport, à l'hôpital. J'ai vu mes proches qui sont venus tout de suite. Donc, j'ai repris conscience à plusieurs reprises, très jovial. J'étais fataliste à l'époque, je le suis toujours. Mais voilà, je me suis dit bon, ben voilà, là, c'est fait, c'est fait.

  • Benjamin Coste

    Mais jovial, en quel sens jovial ?

  • Père Vincent Lafargue

    Dans le sens vraiment fataliste, c'est-à-dire maintenant c'est cassé, c'est cassé. Le but, c'est de se rétablir. Il n'y a pas besoin de regretter, il n'y a pas besoin de pleurer sur le lait renversé. C'est fait. Non, il faut éponger. D'accord. Et donc, à plusieurs reprises, je suis revenu à moi. Et la dernière fois que je suis parti dans les vapes, c'est dans le couloir, sur un brancard. avec des gens qui courent à côté du brancard. Et donc là, on a beau être à moitié déjà partis, j'avais déjà eu des piqûres d'antidouleurs, quand les gens courent à côté de votre brancard, on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui ne joue pas. Et donc, pourtant, je suis assez calme avec ça. Je n'ai pas le sentiment d'avoir eu peur à ce moment-là. Je me suis simplement dit, tiens, ça ne va pas. ok Et puis je repars dans les pommes et lorsque je me réveille... Je suis au plafond du couloir.

  • Benjamin Coste

    Donc lorsque vous avez la sensation de vous réveiller ?

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument. Lorsque j'ai la sensation de revenir à moi, je suis au plafond du couloir. C'est-à-dire que mon angle de vue a changé de 180 degrés, puisque j'étais sur un brancard avec les yeux qui regardaient vers le plafond. Et là, c'est l'inverse. Je suis assez en hauteur par rapport aux gens et à la scène que je vois. Je vois un brancard avec un jeune homme. Je ne comprends pas tout de suite que c'est moi. Et je vois des gens qui s'affairent, un bruit très désagréable, dont je comprendrai après qu'il s'agit de la machine qui indique que les lignes sont à plat, et donc que le cœur s'est arrêté. Et donc, je vois les gens qui s'affairent autour de moi. Je n'avais jamais vu, je n'étais pas un adepte de la série Urgence qui passait déjà à l'époque. Enfin, je n'avais jamais vu un massage cardiaque de ma vie. À cet instant-là,

  • Benjamin Coste

    vous êtes en arrêt cardiaque.

  • Père Vincent Lafargue

    Là, je suis en arrêt cardiaque.

  • Benjamin Coste

    C'est ça.

  • Père Vincent Lafargue

    Et... on commence à me faire un massage cardiaque. Ce qui est assez violent, en fait, à voir. Et ma première réaction, c'est d'avoir envie de leur dire « Mais arrêtez, vous lui faites mal. Laissez-le tranquille. »

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous-même, qui observez la situation, vous n'avez pas cette sensation de douleur, pour le coup.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, du tout. Et pourtant, Dieu sait si j'en avais avant. Mais là, je suis très bien, je flotte, tout va bien, j'ai pas mal, mais je vois ce jeune homme que... Et là, on essaye de réveiller comme ça. Et puis, je comprends que c'est moi. Comment ? Je ne peux pas tellement vous le dire. C'est venu comme ça. Je ne sais pas comment j'ai compris que c'était moi, mais j'ai compris à un moment que c'était moi. Et ça ne m'a pas gêné plus que tant. Je me suis dit, bon, OK, il s'occupe de moi, très bien.

  • Benjamin Coste

    Pas plus d'inquiétude à ce moment-là, quand vous vous y êtes pris de conscience ?

  • Père Vincent Lafargue

    Pas du tout. Vraiment pas du tout. Alors qu'à l'époque, je vais vous dire que j'aurais pas aimé mourir. Il n'y a pas une époque où on aurait aimé mourir, mais j'avais peur de la mort à l'époque. C'est quelque chose que... Voilà, je n'étais pas forcément tranquille avec cette idée-là, même si à 25 ans, on est éternel, n'est-ce pas ? On ne s'imagine pas du tout mourir, mais j'avais été confronté à la mort de certains proches. Et voilà, à l'idée de mourir tout de suite, je n'aurais pas été tranquille du tout. Donc là, non, je vois cette scène et puis je me rends compte que j'ai la faculté de m'approcher ou de zoomer avec le regard. Je me rendrais compte après coup en lisant des témoignages et en rencontrant des gens que je ne suis pas le seul à avoir eu cette faculté-là. Mais je n'avais rien lu jusque-là sur les expériences de mort imminente, je ne sais pas du tout ça. Et donc je m'aperçois que j'ai cette faculté de m'approcher avec le regard pour voir des détails. Et je ne sais pas pourquoi je me mets à jouer avec ça. Donc je m'approche du mur. Je regarde le numéro qui est sur le mur, je m'approche de la machine qui fait du bruit, je vois ces lignes qui sont à plat, je m'approche des mains qui massent, je m'approche d'un badge où je vois un nom.

  • Benjamin Coste

    Vous vous amusez en fait ?

  • Père Vincent Lafargue

    Je m'amuse complètement comme si j'avais un appareil photo et je ne sais pas pourquoi je m'approche de ces éléments-là. Mais ils vont se graver dans mon esprit, ainsi qu'une bague. et puis alors que je m'amuse Avec ce zoom, je ne peux pas le dire autrement, tout à coup, je suis comme retourné, comme si on m'avait retourné de nouveau les yeux vers le plafond, sauf que là, il n'y a plus de plafond.

  • Benjamin Coste

    D'accord, c'est-à-dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est-à-dire que ce que j'ai devant les yeux, c'est le ciel, une sorte de ciel qui est un ciel paisible. Je ne peux pas vous dire s'il y a des étoiles ou le soleil ou non, c'est un ciel. Et il y a une immense lumière blanche que je ne peux pas décrire autrement qu'en disant que c'est beaucoup plus fort que la lumière du soleil, mais pas du tout éblouissant. C'est-à-dire que je peux la regarder face à face, mais elle est beaucoup plus intense que la lumière du soleil. Alors, ce n'est pas évident avec des concepts humains, évidemment. Et puis, je flotte vers cette lumière. J'avance doucement vers cette lumière dans un état de bien-être. Alors, encore plus totale que ce qui était déjà pas mal juste avant.

  • Benjamin Coste

    On vous entend décrire ces images, ces sensations. Je vois votre regard qui se perd un peu au loin. Tous ces éléments que vous nous décrivez, aujourd'hui, restent encore très précis dans votre esprit.

  • Père Vincent Lafargue

    Comme si ça s'était passé hier.

  • Benjamin Coste

    D'accord.

  • Père Vincent Lafargue

    Les images, alors que j'ai beaucoup de souvenirs de ces années-là qui sont effacées, bien sûr. Mais ces images-là sont restées gravées comme si on les avait gravées en moi, vraiment, très fortement.

  • Benjamin Coste

    Et donc la lumière, cette lumière vers laquelle vous allez dans un état... Complètement paisible, pacifié, tranquille, serein ?

  • Père Vincent Lafargue

    Tout à fait. Je ne peux même pas parler d'extase, parce que ça supposerait quelque chose de très fort, mais c'est vraiment une sérénité totale. Peut-être ce qu'approchent les moines qui arrivent à méditer et à arriver à la totale paix de l'âme, c'est vraiment cela que je ressens. Je flotte vers cette lumière, tranquille, et très rapidement, alors tout ce que je vous décris là, ensuite, d'après les médecins, a duré entre 40 et 45 secondes. Incroyable. Et pourtant, pour moi, si j'essaie d'imaginer le temps, j'ai l'impression que ça dure plusieurs minutes.

  • Benjamin Coste

    C'est 40-45 secondes, c'est le temps de l'arrêt cardiaque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est ça. Exactement, c'est le temps jusqu'à ce que mon cœur reparte, grâce au massage cardiaque. Ça, c'est ce que l'on m'a expliqué, parce qu'évidemment, là, je ne le vois plus à ce moment-là. Et donc, Il vient très rapidement à mon esprit, et plus qu'à mon esprit vraiment en moi, que cette lumière blanche que je vois et dans laquelle je suis peu à peu enveloppé, comme si elle venait tout autour de moi, c'est l'amour, avec un A majuscule, avec une sensation que je peux décrire comme un million de fois l'amour que moi j'avais connu, bien sûr, terrestre. J'étais fiancé quelques années auparavant, j'ai vécu avec une femme, j'avais expérimenté l'amour humain. Mais là, c'est multiplié par un million. C'est quelque chose d'absolument indicible.

  • Benjamin Coste

    Comment on arrive à reconnaître que c'est l'amour, sachant que vous ne voyez rien d'autre que ce ciel, cette lumière ? Qu'est-ce qui fait qu'intérieurement, vous... Percevez que c'est l'amour. C'est difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, et pourtant, c'est de l'ordre. Alors, dans le livre dont je vous parlerai tout à l'heure, on dit que plusieurs expérienceurs, comme on nous appelle, sont passés de la foi à la certitude. Et c'est vraiment cela. Je pourrais dire, j'ai cru que c'était l'amour ou j'ai eu le sentiment que c'était l'amour. Non, là, il y a quelque chose de... comme si c'était scientifique. comme si on m'avait prouvé par A plus B que ça, c'est l'amour et qu'on me l'avait inculqué dans mon ADN pour que je ne l'oublie jamais.

  • Benjamin Coste

    Et est-ce que c'est un amour qui est divin ? Est-ce que c'est un amour que vous associez en tout cas à une personne divine ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, sur le moment, non. Sur le moment, j'ai vraiment le sentiment que c'est l'amour avec un A majuscule, mais par définition, bien au-delà de ce qu'est l'amour humain. Donc, avec quand même quelque chose de transcendantal. clairement. Mais je ne l'associe pas sur le moment à Dieu. Je n'ai pas vu de personnages, de visages. Je découvrirai après des gens qui ont vu le Christ ou qui ont vu les membres de leur famille. Moi, non, j'ai ressenti très clairement l'amour et c'est tout.

  • Benjamin Coste

    Vous nous avez expliqué il y a eu l'arrêt cardiaque, vous êtes revenu, les médecins vous ont récupéré grâce au massage. Les heures suivantes, vous êtes opéré, j'imagine, pour traiter cette hémorragie interne. Et donc, j'imagine qu'à un moment, vous allez arriver, vous êtes dans votre chambre, vous revenez dans votre chambre de convalescence. Qu'est-ce qui se passe les premiers moments où vous revenez et vous reprenez conscience ? Est-ce que ce que vous avez vécu vous revient tout de suite à l'esprit ? Est-ce que j'imagine qu'il y a aussi le flot des soignants autour de vous qui vous emmènent dans toute autre chose ? mais cette expérience... Qu'est-ce qu'elle devient tout de suite, dans les heures, les jours après l'accident ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, dans un premier temps, elle est effacée, elle n'est pas là. Lorsque je me réveille, c'est 48 heures plus tard, puisqu'on m'a opéré deux fois pour traiter toutes les blessures que j'avais, une fois en urgence et une deuxième fois 24 heures après. Et donc, lorsque je me réveille, ma première inquiétude en salle de réveil vis-à-vis du médecin, c'est... Mon chat, j'avais une petite minette qui vivait chez moi, mes étudiants qui devaient passer un examen le lendemain et ma pièce de théâtre qu'on devait jouer deux semaines plus tard. Et donc le médecin, avec une infinie douceur, va m'expliquer que si j'entends sortir de cet hôpital, ce ne sera pas avant des mois, que ce sera en chaise roulante, qu'il ne peut pas m'assurer que je remarcherai un jour. Et tout cela avec vraiment une douceur que je n'oublierai jamais. Là, dit comme ça, c'est violent. Mais voilà, il m'a vraiment tout de suite mis en confiance en disant si vous faites ce qu'on vous dit, si vous travaillez avec nous, on a une chance de vous ramener comme avant ou presque comme avant. Mais ce sera long et difficile. Et puis, peu à peu dans ma chambre, des souvenirs vont revenir, des souvenirs clairement d'abord du dialogue au feu rouge avec Dieu. Et puis des souvenirs aussi de cette expérience, mais ces souvenirs-là vont mettre des mois à revenir. ceux-là, ils restent effacés pendant un certain temps dans ma mémoire, jusqu'à ce que je me retrouve par une sortie que je fais avec mes parents en voiture, jusqu'à ce que je me retrouve dans la rue où a eu lieu l'accident. Et là, toute une série de choses sont revenues comme si on avait débloqué quelque chose, appuyé sur play dans mon cerveau. Et donc, toute une série de choses reviennent, dont ces images-là. Et dans un premier temps, je les évacue. En me disant, c'est des images bizarres, ça ne correspond pas. Je suis très, très rationnel à l'époque. Donc, ça, ça ne va pas. Ce n'est pas possible. Donc, j'évacue. Et puis quand même, ça revient en rêve. Et puis, ça revient à plusieurs reprises dans mes journées, comme des flashs. Et donc, je choisis d'en parler à l'un des médecins qui m'a opéré. Ils sont plusieurs. Je choisis d'en parler à l'un d'eux en disant à la fin d'une consultation, écoutez, j'ai des images qui me viennent et j'aimerais vous en parler. Et je lui en parle et je lui décris tout ce que je vous ai décrit. Et je suis persuadé qu'il va me prendre pour un fou. J'ai beaucoup de chance. Je dis j'ai beaucoup de chance parce que j'ai rencontré différentes personnes qui ont vécu des expériences de mort imminente et qui n'ont pas été prises au sérieux par le corps médical. À l'époque, on balbutie encore dans les années 2001. Aujourd'hui, ça serait différent. Et ce médecin me prend au sérieux immédiatement, me dit, j'étais là, ce que vous décrivez est juste. Je lui décris aussi un dialogue qu'il y a eu à ce moment-là. Il me dit, voilà, tout ce que vous me dites est vrai, je vous le garantis.

  • Benjamin Coste

    C'est-à-dire, les images que vous avez vues pendant l'expérience sont réelles.

  • Père Vincent Lafargue

    Il les valide. Il me dit, le numéro sur le mur, le badge, c'est celui de mon collaborateur, vous ne l'avez plus jamais revu. C'était son dernier jour avec nous. L'alliance, c'est celle que je porte et je la vois à ce moment-là et je dis, ben oui, c'est celle-là. L'appareil, effectivement, enfin voilà, il valide ce que je lui dis. Il me dit, le seul problème que j'ai avec ça, c'est que vous ne pouvez pas vous en souvenir scientifiquement parce qu'à ce moment-là, vous étiez cliniquement mort. On serait plus prudent aujourd'hui parce que pour être déclaré cliniquement mort aujourd'hui, c'est plus compliqué. Mais à l'époque, on utilisait volontiers cette expression dès que le cœur s'était arrêté, qu'il n'y avait plus d'activité cérébrale. Et donc, il me dit, vous étiez en train de perdre la vie et vous étiez cliniquement de l'autre côté à ce moment-là. Et donc, il me dit, vous ne pouvez pas avoir ces souvenirs-là, mais ils sont réels. Donc, je vous crois et vous n'êtes pas le seul à qui c'est arrivé. Et ça, c'est une découverte pour moi. Je n'avais absolument pas entendu parler de cela. Et il me dit, il y a des livres. Il y a des personnes à qui c'est arrivé. Il me parle de quelques livres, dont ceux d'Elisabeth Kubler-Ross et de Raymond Moody, qui sont célèbres à l'époque.

  • Benjamin Coste

    Peut-être dire un mot de ces deux personnes pour nos auditeurs qui ne les connaîtraient pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    Donc, Elisabeth Kubler-Ross est une thérapeute suisse qui a beaucoup travaillé sur la mystique et sur l'au-delà. Et puis, Raymond Moody est celui qui a écrit La vie après la vie, qui est un best-seller. C'est un médecin américain et c'est un best-seller dans les années 80 déjà, sauf erreur. ... qui a commencé à récolter, lui, les premiers témoignages sur ses expériences de mort imminente.

  • Benjamin Coste

    Le fait que le médecin « valide » ce que vous avez vécu explique que ce n'est pas une vue de l'esprit, un délire. Qu'est-ce que ça va changer pour vous concrètement ?

  • Père Vincent Lafargue

    La première chose que ça change, c'est que c'est le premier à me dire que j'ai frôlé la mort, parce que personne ne me l'avait dit. Et puis moi, je n'avais pas demandé à lire mon dossier. La transparence de ce genre de choses était aussi différente à l'époque qu'aujourd'hui. Personne ne m'avait dit que j'étais passé vraiment juste à côté et que mon cœur était finalement reparti. Je vais parler à partir de ce moment-là d'une deuxième vie ou d'une partie gratuite. C'est un peu ça. Et donc, ça, personne ne me l'avait dit. Il est le premier à me le dire. Et là, je prends vraiment comme un coup de batte de baseball dans la figure. C'est vraiment, je suis sonné. de savoir que je suis passé tout près, comme on dit. Et puis, la deuxième chose, c'est qu'alors, je me dis, mais alors ces images qui reviennent en flash, elles sont vraies. Mais alors, si les images du couloir sont vraies, les images de la lumière sont vraies aussi. Et donc, c'est là que je commence à m'intéresser à lire ces bouquins et à découvrir que plein de gens parlent de cela. que d'autres sont allés beaucoup plus loin que moi, d'autres sont allés jusqu'au bout de ce tunnel, ont rencontré des gens, ont entendu des paroles. Je vais m'apercevoir qu'un membre de la famille a fait une expérience semblable et n'en avait jamais parlé. Et donc, je vais découvrir toute cette série de témoignages en me disant, bon, je m'inscris très humblement à la suite de ces personnes-là. Mon expérience est toute petite par rapport à celle des personnes qui ont été jusqu'au bout, rencontré des gens, etc. Mais elle est bien réelle. Et puis, ce qui m'apparaît très rapidement, c'est trois éléments. Et je vais découvrir, grâce à Elisabeth Kübler-Ross, que ce sont des éléments qui sont présents chez une immense majorité des expérienceurs. Trois éléments qui sont ne plus avoir peur du tout de la mort. Et vraiment, c'est une immense paix. Je suis très paisible par rapport à ça. La mienne comme celle de mes proches d'ailleurs. C'est la première chose. La deuxième chose, c'est de vouloir absolument changer de vie. Il m'apparaît que ma vie ne peut pas continuer comme avant. Il doit y avoir un changement et ce changement doit être fort. Il ne s'agit pas seulement de changer de métier. Et puis, le troisième élément, c'est de me mettre d'une manière ou d'une autre au service des autres. Le service devient quelque chose de très important, alors qu'avant, j'étais considérablement un but de ma personne. Le théâtre peut aider, ou ne pas aider justement plutôt. Mais enfin, j'avais développé un égocentrisme qui était quand même assez violent. Et donc, les autres, ils étaient intéressants s'ils m'applaudissaient. Je force le trait, mais enfin, voilà.

  • Benjamin Coste

    Et donc, ces trois éléments que vous citez, ils sont communs. à la plupart des personnes qui ont fait une expérience de mort imminente.

  • Père Vincent Lafargue

    Je découvrirai ça. C'est très étonnant. Et commun à un pourcentage impressionnant. Ce n'est pas 100%, mais pas loin. Alors ensuite, Elisabeth Kubler-Ross va lister carrément une douzaine de points communs. Mais les suivants sont... Le pourcentage descend au fur et à mesure de la liste. Mais tout de même, il y en a un certain nombre dans lesquels je me retrouve ou je me retrouve plus ou moins. Mais ces trois-là sont vraiment tête de liste et chaque personne qui vient vers moi après une émission comme la vôtre en disant « je vous ai entendu, il m'est arrivé la même chose, il faut qu'on parle » , chaque personne me dit la même chose. Elle me dit « ces trois éléments, c'est une évidence pour moi » . Et des personnes sont allées très loin. Je connais une personne qui a changé de nom, d'adresse, d'identité, vraiment, qui a refait sa vie complètement différemment.

  • Benjamin Coste

    Mais est-ce que ça veut dire que je me... Posez la question en préparant cet entretien, est-ce que ça veut dire que votre vie d'avant n'a pas de prix, ne valait en guillemets rien ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a un rejet finalement de cette première vie par rapport à la deuxième qui s'annonce ?

  • Père Vincent Lafargue

    Du tout ,non. D'ailleurs dans ma vie de prêtre aujourd'hui, je profite énormément de tout ce que j'ai appris comme comédien, comme enseignant et également comme animateur de radio puisque je continue à en faire. Donc... Non, non, ma première vie est précieuse et je n'en renie aucun des moments. Simplement, c'est comme si c'était une vie en noir blanc ou en deux dimensions et puis que celle d'aujourd'hui est en couleur et en trois dimensions. C'est tout autre chose. C'est-à-dire que j'ai découvert simplement un sens à cette vie que je n'avais pas avant.

  • Benjamin Coste

    Alors, je vous écoute et je me dis pareil. Ça peut être un peu terrible ce que vous dites, parce qu'on se dit finalement, est-ce qu'il faut attendre de faire une expérience pareille pour vivre une vie en couleur, comme vous l'avez décrivé, et non pas une vie en noir et blanc ?

  • Père Vincent Lafargue

    Heureusement non, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui vivent en couleur, et je suis persuadé que c'est votre cas. Mais simplement, c'est en comparaison que je dis cela. Lorsqu'on a cette chance d'avoir une deuxième vie, ce qui était auparavant vous apparaît un peu plus plat et un peu plus futile. Mais, encore une fois, je n'en renie aucun des moments.

  • Benjamin Coste

    Comment vous passez de cette vie du comédien, du journaliste, à un jour devenir prêtre ? Il y a une petite partie et qu'il faut que vous nous expliquiez.

  • Père Vincent Lafargue

    D'autant que si l'on me l'avait dit à l'époque, je crois que j'aurais souri ou éclaté de rire. Il a fallu deux ans, alors qui correspondent à ma rééducation, j'ai réappris à marcher, tout ça a été long. Et puis à un moment donné, j'ai entendu une émission de radio. et dans cette émission parlait un prêtre, un prêtre âgé, avec une voix très douce, merveilleuse. Et ce prêtre, en l'écoutant, je me disais, c'est drôle, j'ai l'impression de m'entendre vieux. J'ai l'impression que c'est moi dans 50 ans. Mais dans un premier temps, je ne sais pas qu'il est prêtre. Je prends cette émission en cours de route et j'entends cet homme parler de poésie, je suis féru de poésie, de cinéma, parler de son lien aux autres, de sa manière d'essayer de les servir. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il fait comme métier, mais tout ce qu'il raconte, je ne l'associe en aucun cas à une vie religieuse. C'est d'ailleurs un prêtre assez atypique. Et ce n'est que lors d'une deuxième écoute, écoute, cette émission est un feuilleton que je l'apprends depuis le début et que j'entends son nom et son métier. Et c'est comme un coup de foudre. Je me dis, quoi, cet homme, il est curé, mais ce n'est pas possible. Un curé, ça célèbre la messe le dimanche et puis je ne vois pas ce que ça fait d'autre. Donc, lui, entre autres, il allait voir les malades à l'hôpital. C'était sa manière aussi de servir les gens. Et juste après l'émission, je prends mon téléphone et je l'appelle. Et je suis dans ma voiture, parce que j'ai pris une voiture depuis à ce moment-là. Je suis dans ma voiture, je suis resté moteur allumé sur le trottoir en train d'écouter toute l'émission, tellement ça m'avait bouleversé le générique du début et le fait qu'il soit prêtre. Et donc, à la fin de l'émission, je l'appelle et je lui dis écoutez, ça va vous paraître complètement absurde, on ne se connaît pas. Je viens de vous entendre à la radio. Et j'ai l'impression, j'ai le sentiment que je suis appelé à faire la même chose que vous. Et tout en disant ça, je me dis, mais qu'est-ce que tu es en train de raconter là ? Tu es fou ? Qu'est-ce qui te prend ? Et cet homme a été merveilleux. Il m'a dit, écoutez, il faudrait peut-être qu'on en parle. Il m'a donné rendez-vous. On a pris un café qui a duré, duré, duré jusqu'à tard le soir. Et il ne m'a pas dit, c'est bien, il n'y a pas assez de... prêtre, engage-toi tout de suite, etc. Pas du tout. Je lui ai raconté ce qui m'était arrivé. Il m'a dit, alors vous avez du temps, vous avez gagné du temps dans votre vie. Vous avez une deuxième vie, c'est merveilleux. Alors prenez le temps, prenez le temps de regarder, rencontrer des prêtres, d'autres personnes. Il y a mille manières d'être au service des autres. Je sens que vous voulez donner votre vie d'une manière très forte, mais il y a sûrement plein de choses. Et peut-être que c'est la prêtrise, mais prenez le temps, tout simplement. Voilà, de discerner. Et j'ai pris ce temps. J'ai pris ce temps et j'ai ensuite poussé la porte du séminaire, persuadé qu'on allait me mettre dehors très vite parce que j'étais quand même un peu atypique. Déjà, j'étais plus âgé que les autres séminaristes parce que j'ai presque 30 ans quand je pousse la porte du séminaire. Je n'ai pas du tout les mêmes centres d'intérêt. Donc, c'est... Voilà, dès le départ, je me dis, bon, j'y vais, mais on verra bien. Et puis... Ce qui ne m'est jamais arrivé dans ma vie, tous les feux passent au vert. Tous les feux passent au vert, tous les examens, je n'ai raté aucun examen, alors que je n'étais pas spécialement un bon élève auparavant. Et puis reprendre des études à 30 ans, réapprendre le grec, l'hébreu, etc. Ce n'est pas évident. Et à ma grande surprise, je surfe sur ce parcours-là de manière assez étonnante. Et je me dis, tiens, c'est bizarre. Toutes les portes semblent s'ouvrir dans la même direction.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a, justement, au sein de ce parcours, de vos années de formation pour devenir prêtre, est-ce que, encore une fois, cette expérience de mort imminente, elle a une place particulière ? Est-ce que, comment dire, c'est une sorte de référence ? Est-ce que vous y revenez ou finalement ça a eu lieu ? Ce n'est pas oublié, mais c'est un élément de mon parcours.

  • Père Vincent Lafargue

    Ça a eu lieu, ce n'est pas oublié, mais je n'en parle pas, d'abord, parce que je suis dans un milieu où je me méfie un petit peu. Ça peut être bizarre de le dire comme ça, mais l'Église dans laquelle je me trouve n'est pas très mystique. Il s'agit d'une expérience mystique. Là, on est plutôt à étudier saint Thomas d'Aquin. Je suis à l'Université de Fribourg, qui est tenue par les Dominicains. Donc, on est vraiment dans la science. pure, dans la théologie de haut vol, et donc il n'y a pas tellement de place dans ces études-là pour ce genre de récits ou d'expériences. Et donc, je vais mettre plusieurs années à en parler au séminaire. Je vais finir par le faire, mais je vais mettre plusieurs années. Et c'est accueilli avec des sourires polis, on va dire ça comme ça. Donc, ça fait que j'en parlerai plus très volontiers dans le milieu ecclésial dans un premier temps, parce que je m'aperçois que, bon, on dit, bon, c'était un ancien comédien, il se fait mousser un peu avec son histoire, voilà. et donc voilà c'est pas une expérience qui est très présente dans mes années de séminaire si ce n'est l'amour, c'est à dire que ce qui m'a été inculqué dans ce tunnel de lumière Je vais peu à peu le retrouver chez certains auteurs. Je pense par exemple à Maurice Zundel, le théologien suisse, que je vais apprendre à connaître, à découvrir, alors que je ne le connaissais pas du tout, qui est mort 15 jours avant que je naisse. Je ne l'ai pas connu de mon vivant, mais je vais apprendre à découvrir des auteurs comme lui, comme saint Augustin, pour aller chez les pères de l'Église, et la petite Thérèse par exemple aussi, des auteurs qui ont eu le cœur brûlé par cet amour.

  • Benjamin Coste

    Et qui mettent donc finalement des mots sur cette expérience, encore une fois.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, qui mettent des mots sur ce que j'ai ressenti, sur cet amour que j'ai ressenti. Et je vais peu à peu me dire, il y a manifestement des gens qui ont eu cette brûlure. J'aime bien les mots de la petite Thérèse parce que c'est vraiment du feu qu'elle a ressenti et c'est la même chose pour moi, j'ai le sentiment d'avoir été brûlé. au feu de l'amour divin. Et donc, cette brûlure-là, elle reste. C'est une brûlure agréable, ce n'est pas une brûlure qui fait mal, mais elle reste à vie. Et donc, c'est comme si on m'avait marqué au fer rouge. Et puis, je vais m'apercevoir qu'il y a des gens qui ont eu cette chance et puis il y a des gens qui n'ont pas eu cette chance et qui sont pourtant de très bons séminaristes et ensuite qui deviennent de très bons prêtres et qui ont une théologie un peu plus théorique, un peu plus rhétorique. mais qui, pour n'avoir pas eu le cœur brûlé nécessairement par cette rencontre-là, sont des personnes merveilleuses. Et donc, tout ça pour dire aussi qu'il n'y a pas cette nécessité-là. On n'est pas un meilleur prêtre ou un meilleur religieux parce qu'on a le cœur brûlé. Simplement, je me retrouve mieux dans les auteurs et les théologiens chez qui je retrouve cette brûlure que chez ceux chez qui je trouve une foi un peu plus rationnelle et construite rationnellement.

  • Benjamin Coste

    alors pour faire le lien avec ce que vous venez de dire à l'instant, moi, j'ai envie de vous demander qu'est-ce que cette expérience que vous avez vécue modifie dans votre manière d'être prêtre aujourd'hui ? Est-ce que ça modifie quelque chose ? J'ai tendance à penser que oui, mais expliquez-nous.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est-à-dire qu'on se reconnaît. Les personnes qui ont cette brûlure-là, entre guillemets, ou qui ont fait cette rencontre-là, on se reconnaît assez vite en discutant. Et puis, qui... Il faut supporter tout le reste comme prêtre. Il faut supporter l'église institutionnelle qui n'est pas toujours marquée au fer rouge de l'amour, disons-le comme cela. Il faut supporter tous les côtés sombres aussi de ces dernières années, les abus. On ne va pas refaire tout le tableau, mais enfin voilà, c'est pour moi des choses très douloureuses et difficiles. Donc, ça change considérablement les choses parce qu'on a envie de faire aller plus vite la machine en fait. On a envie de faire rencontrer aux gens cette personne qui nous a brûlé le cœur. Et donc ça, c'est devenu vraiment un leitmotiv pour moi à travers la parole de Dieu. Parce que tout mon parcours au séminaire m'a fait découvrir. Je ne lisais pas du tout la Bible avant, ou très peu. C'est-à-dire que j'étais lecteur dans ma paroisse. Donc je la lisais le dimanche à la messe, mais c'est tout. Et donc, mon parcours m'a fait découvrir la parole avec un P majuscule. et c'est à travers cette parole que j'essaye aujourd'hui de faire découvrir, rencontrer Dieu, amour aux personnes qui me sont proches ou moins proches parce que je le fais aussi par internet et ça permet d'atteindre de manière beaucoup plus large. Alors il y a cette passion, je brûle de ce feu-là et donc ce n'est pas toujours facile d'être l'allumette qui brûle. dans un tas de bois mouillé, si vous voulez. Donc, il y a d'autres allumettes, heureusement, et il y a d'autres personnes qui brûlent. Et puis, on essaye, au contact de ces gens-là, de se ressourcer et puis ensuite de repartir en paroisse et de se dire, voilà, j'ai devant moi des gens qui n'ont pas forcément fait cette rencontre-là et mon but, c'est de les enflammer.

  • Benjamin Coste

    Encore une fois, qu'on soit bien précis, quand vous dites avoir fait cette rencontre, ça ne passe pas forcément par une expérience de mort imminente comme vous l'avez vécu vous ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non. Il y a des gens qui l'ont rencontré de manière totalement différente, beaucoup plus douce. Un ami m'a dit, la vie que tu avais à l'époque faisait que Dieu était obligé de prendre les grands moyens, les gants de boxe. Ce n'était pas possible d'y aller avec des petits gants blancs, ça n'allait pas pour toi.

  • Benjamin Coste

    La question que je voulais vous poser, c'est comment vous comprenez que le Seigneur permette en fait ces expériences ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors si je le prends par rapport à ma propre expérience, je dirais que j'avais besoin de ça pour croire comme je crois aujourd'hui. Ça c'est personnel. Après, comment permettre ces expériences ? Je pense en réalité qu'il en permet beaucoup plus que ce que l'on imagine. Et aujourd'hui, on ne parle plus forcément seulement d'expérience de mort imminente, mais d'état modifié de conscience. On s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin d'approcher la mort pour tout à coup avoir telle ou telle vision, telle ou telle expérience mystique. Et donc, je crois vraiment que le Seigneur appelle énormément, se dévoile énormément. C'est nous qui ne savons pas écouter et voir. Donc, il... permet ces expériences pour qu'on puisse encore mieux se rapprocher de lui, certainement.

  • Benjamin Coste

    50% de votre ministère est notamment dédié à une aumônerie, vous êtes aumônier d'hôpital. En quoi aussi, de la même façon, ce que vous avez vécu, cette expérience, modifie votre rapport avec des personnes qui sont peut-être, qui vont bientôt passer de l'autre côté, qui vont peut-être faire cette rencontre ? Et puis peut-être de façon assez aussi concrète, est-ce que c'est un témoignage de votre vécu que vous donnez à certaines des personnes que vous croisez ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors spontanément, non. Je ne me permettrai pas d'arriver et de parler de moi-même. L'aumônerie est un lieu où on écoute énormément. C'est-à-dire qu'on rentre dans une chambre, c'est d'ailleurs parfois comique, parfois on écoute une personne pendant une demi-heure, et à la fin de la demi-heure, elle nous dit « merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez dit » , alors qu'on n'a pas dit grand-chose. mais en fait à travers Ce qu'elle nous a dit, elle s'est retrouvée. Et donc ça, c'est toute la magie de ce qui se passe dans l'aumônerie. Mais il arrive, un, que des personnes me connaissent ou aient entendu mon témoignage et donc me demandent, alors qu'elles sont sur un lit d'hôpital, mais vous, vous qui avez vécu ça, qu'est-ce que vous pouvez me dire ? Alors là, j'en parle. Et puis, il arrive aussi que des personnes me fassent part d'une peur, d'un souci, de mourir, d'une angoisse. Et ça, c'est assez fréquent. C'est assez fréquent. La plupart des gens ont peur de la mort. Et donc, dans ce cas-là, je dis, écoutez, moi, de ma pauvre expérience, de ma petite expérience, j'ose vous dire que je crois que vous allez vers la lumière, vers la paix, vers la sérénité, vers quelque chose de très beau. Et si on m'en demande plus, j'explique pour quelles raisons je dis cela. J'y vais avec des pincettes parce que ce n'est pas le but d'arriver en disant « moi je sais, je ne sais rien du tout, j'ai juste ce que j'ai vécu et voilà, c'est un grand mystère que cette lumière en même temps » .

  • Benjamin Coste

    Oui, parce qu'en même temps, ce que vous avez vécu est énorme et en même temps, il reste toute une partie du mystère qui n'est pas dévoilée.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, c'est comme si on m'avait levé juste un petit centimètre de nappe et tout le reste de la table est caché. et donc... Voilà, je peux dire ce que j'ai ressenti, ce qui a changé ma vie, ce que je ressens encore aujourd'hui. Et souvent, ça rassure. Et puis alors, surtout, je me rends compte, lorsqu'il m'est donné, et ce n'est pas rare, d'accompagner une personne jusque à cet instant-là, je vois cette sérénité. C'est-à-dire que même si la personne était crispée, était en proie à des douleurs terribles ou bien à une angoisse terrible, la seconde avant de passer dans la mort, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est assez fou. Des fois, j'ai l'impression de voir dans les yeux de la personne en miroir cette lumière qu'elle est en train de voir ou ce qu'elle est en train de contempler. Je vois tout à coup que la personne devient totalement paisible avant de rendre son dernier souffle.

  • Benjamin Coste

    Et ça, parce que vous pensez que c'est parce que vous avez aussi fait cette expérience que c'est peut-être la même lumière que vous avez vue et qu'elle voit actuellement ?

  • Père Vincent Lafargue

    Ça colore en tout cas, évidemment, ce que je peux ressentir. Enfin, une des choses qui m'aide, je crois, dans mon travail d'aumônier, c'est que j'ai hurlé sur un lit d'hôpital en attendant la morphine qui ne venait pas. Et donc, je sais que la souffrance, la douleur est un maître impitoyable. Il y a certains moments, dans ma chambre d'hôpital, on m'aurait laissé un revolver sur ma table de nuit, j'aurais tiré. Pas sur l'infirmière, sur moi. De douleur. donc je peux peux comprendre de l'intérieur de mes tripes ce que vivent certaines personnes sur un lit d'hôpital. Et ça, évidemment, ça m'aide non pas à leur dire « je sais ce que vous êtes en train de vivre » parce que ce serait insultant, mais à leur dire « j'essaie de comprendre ce que vous souffrez actuellement et je me fais proche de vous » .

  • Benjamin Coste

    Beaucoup de chrétiens continuent d'avoir peur de la mort. Comment vous l'expliquez ? Est-ce que ça ne veut pas dire aussi qu'il y a peut-être un déficit de la part de l'Église, d'un discours, d'une parole sur les fins dernières, sur la mort ? Est-ce qu'il n'y a pas un manque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, je pense qu'il y a un manque. Les ouvrages d'ailleurs sur les fins dernières sont rares. Je pense à un petit ouvrage de Nathanaël Pujos qui s'appelle, je crois d'ailleurs, « Les fins dernières » , qui est excellent, ou quelque chose comme ça en tout cas, qui est remarquable. Mais les ouvrages à ce sujet chrétiens, spécifiquement chrétiens, sont très rares. Et donc, c'est encore plus rare de l'entendre en prédication. Et donc, oui, il y a un déficit, évidemment, alors qu'on a tout pour le prêcher. On croit en la résurrection, on croit en la mort comme un passage. Donc, pour ma part, je vais tout à l'heure célébrer des obsèques dans la paroisse où nous nous trouvons. Cela fait partie des choses que je prêche systématiquement aux obsèques, sans du tout ramener à mon expérience, mais simplement avec la foi que j'ai que cette personne est vivante de l'autre côté de ce passage qu'on appelle la mort. Et donc qu'il y a vraiment une foi en la vie éternelle que nous devons prêcher nous. Si on croit au ressuscité, c'est bien pour pouvoir aussi le dire autour de nous.

  • Benjamin Coste

    Pour terminer l'entretien, on a une petite série de questions qu'on pose à chaque fois à nos invités. La première d'entre elles, Père Vincent, ce serait de savoir quel conseil vous donneriez à une personne qui aurait vécu une expérience de mort imminente et que cette expérience peut-être, alors je ne sais pas si ça existe, mais que cette expérience encombrerait, qu'elle ne saurait pas trop quoi en faire.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors le premier conseil, et quasiment le plus important, le seul, En parler. Ne pas rester seul avec ses images, avec ses visions. En parler. Oser en parler. On est beaucoup mieux accueillis aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Donc, oser en parler, vraiment. Dire, voilà ce qui m'est arrivé. C'est la première chose. La deuxième chose, lire. Lire, justement, des ouvrages qui en parlent. Ils sont beaucoup plus nombreux aujourd'hui. Ils sont très intéressants parce que tous ces ouvrages nous montrent qu'on n'est pas seul dans ce cas-là. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont vécu ces choses-là. Donc, c'est les deux conseils que je lui donnerais. Et peut-être simplement croire qu'elle n'est pas dingue non plus, parce que la plupart des gens commencent par se dire « je suis fou, c'est des visions » . Enfin, voilà. Non, non, non.

  • Benjamin Coste

    La deuxième question de cette petite série de questions finales, ce serait « quel est votre livre de chevet et celui que vous aimez lire et que vous relisez encore ? »

  • Père Vincent Lafargue

    Il y en a plusieurs, mais je vais essayer d'être atypique parce que je pourrais dire la Bible. Mais voilà, je vais parler du Conte de Montecristo. C'est un livre que j'ai découvert dans mon enfance. Et ça peut paraître étrange, une histoire de vengeance pour un religieux. Dieu est magnifiquement présent dans cette histoire parce que Edmond Dantes, lorsqu'il sort du château d'If, rentre dans une chapelle et hurle vers Dieu, « Maintenant, tu n'as pas fait ton travail, donc maintenant c'est moi qui vais prendre ta place. » Et il va se rendre compte à la fin de sa vie que non, nous ne pouvons pas prendre la place de Dieu. C'est lui qui punit les méchants et qui récompense les justes. Donc derrière cette histoire où Dieu semble parfois peu présent, il y a... une présence en filigrane jusqu'au personnage de prêtre dans lequel il se déguise d'ailleurs. Donc j'aime énormément ce roman et je le relis année après année. Pouvez-vous aussi, s'il vous plaît, Père Vincent, nous dire quelle est votre prière préférée ? Alors c'est la prière du pèlerin de la montagne. C'est une prière que l'on doit à un chanoine du Saint-Bernard, un Suisse, Gracien Volut. C'est une très très belle prière qui nous demande de marcher.

  • Benjamin Coste

    Est-ce que vous acceptez de nous la lire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Mais bien sûr. Seigneur Jésus, toi qui as fait un si long déplacement d'auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous, toi qui es né au hasard d'un voyage et as couru toutes les routes, celle de l'exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication, tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pire. pèlerin. Seigneur Jésus, toi qui as pris si souvent le chemin de la montagne pour trouver le silence, retrouver le Père, pour enseigner tes apôtres, proclamer les béatitudes, pour offrir ton sacrifice, envoyer tes apôtres et faire retour au Père. Attire-moi vers en haut, fais de moi un pèlerin de la montagne. À l'exemple de Saint Bernard, j'ai à écouter ta parole, à me laisser ébranler par ton amour. Sans cesse tenter de vivre tranquille, tu me demandes de risquer ma vie, comme Abraham dans un acte de foi. Sans cesse tenter de m'installer, tu me demandes de marcher en espérance vers toi, le plus haut sommet dans la gloire du Père. Créé par amour pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte par les sommets vers toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l'audace et l'adoration. Amen.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, une dernière question. Là, maintenant, si dans cette pièce, avec nous, le Christ apparaissait, qu'est-ce que vous aimeriez lui dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Merci. merci d'avoir été qui il a été lorsqu'il s'est incarné merci de ses paroles de ses actes dans sa vie parmi nous et puis merci encore davantage d'être mon compagnon de route jour après jour et d'être cette présence au plus intime de nous-mêmes de moi comme des autres donc c'est le merci qui me viendrait aux lèvres à mon tour et au nom de tous nos auditeurs d'un beau jour. C'est moi qui vous remercie, Père Vincent, de nous avoir accordé de votre temps et de nous avoir encore une fois partagé cette expérience. Et merci à vous d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour. Donc je vous encourage à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages de feu, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes d'Un beau jour et lire aussi chaque semaine la rubrique Rencontres dans le feu. magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne, Tous Saints, l'histoire de témoins de la foi racontée par Bénédicte de Lelys, Maman Prie, Sexo, Sacrée Histoire et d'autres encore. Merci encore pour votre écoute et rendez-vous le prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

Description

Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression "EMI" désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière ou un tunnel, expliquent parfois comme être sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour Un beau jour, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu et ressenti ce jour-là et les changements profonds qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort... et l'Amour véritable.

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Benjamin Coste

    Bonjour, je suis Benjamin. Vous écoutez Un beau jour, le podcast de Famille Chrétienne qui donne la parole à des hommes et des femmes dont la vie a été bouleversée par un événement imprévu. Aujourd'hui, je suis en Suisse, à Aigle exactement, une petite commune de 11 000 habitants où l'abbé Vincent Lafargue est prêtre. Il y a 25 ans, Vincent Lafargue a été victime d'un grave accident de la route. A l'hôpital, en arrêt cardiaque, il a vécu une EMI, c'est-à-dire une expérience de mort imminente. L'expression EMI désigne un ensemble de visions et de sensations vécues par des individus confrontés à leur propre mort. Ceux qui ont vécu une telle expérience témoignent souvent avoir vu une lumière, un tunnel, expliquent être parfois comme sortis de leur propre corps, avoir vu Dieu, des anges ou le Christ. Pour nous, le Père Vincent a accepté de revenir sur ce qu'il a vu, entendu, ressenti ce jour-là et sur les changements profonds. qu'ont engendré dans sa vie cette rencontre inattendue avec la mort. Père Vincent, bonjour. Bonjour. Merci de nous accueillir donc chez vous à Aigle. Et comme c'est la tradition dans ce podcast, pour commencer cet entretien, pouvez-vous nous présenter l'objet symbolique de votre histoire que vous avez amené ?

  • Père Vincent Lafargue

    J'ai amené un sablier, mais c'est un sablier un peu particulier. Alors, ce n'est pas radiophonique, mais vous, Benjamin, vous le voyez. C'est un sablier qui remonte le temps plutôt que de le descendre, donc le sable qui est à l'intérieur d'un liquide remonte en haut du sablier plutôt que de descendre comme la gravité le voudrait. Et cet objet que j'ai découvert quelques années après mon expérience de mort imminente me rappelle que lorsque l'on donne du temps aux autres, on le gagne, on retrouve du temps en retour. alors que si l'on essaye de garder le sable dans notre main, eh bien, il s'écoule inexorablement et bien souvent, on le perd. Donc, cet objet signifie aussi pour moi le fait de prendre du temps parce que avant, dans ma vie d'avant, comme nous allons l'évoquer, j'étais toujours en retard et je courais toujours après le temps. Et j'ai appris à prendre du temps. Moi qui suis fils d'horloger, ce qui arrive en Suisse. Eh bien, j'ai appris à faire attention, à respecter le temps. Et ce petit sablier vient me le rappeler quand je suis stressé, quand je suis en retard. Je m'arrête, je le retourne et j'attends qu'il soit arrivé au bout, que le temps soit remonté. Je serai deux minutes de plus en retard, mais au moins, je vais partir plus calmé. Et j'en profite pour faire une prière la plupart du temps.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, vous aviez 25 ans, donc un petit flashback. Lorsque vous avez eu un accident de la route. Oui. grave accident de la route et donc vécu cette expérience de mort imminente. Pouvez-vous nous dire quel jeune homme vous étiez à l'époque ? Et puis peut-être revenir un peu sur votre histoire familiale, personnelle.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, j'étais comédien au théâtre, j'étais prof de français langue étrangère et j'étais animateur de radio sur une radio chrétienne. Donc, et les trois choses en même temps. Ce qui vous dit déjà que j'étais un petit peu un monsieur 100 000 volts. C'était un des surnoms qu'on m'avait donné parce que je faisais pas mal de choses. Le fait de travailler sur une radio chrétienne vous dit que j'étais déjà chrétien. J'ai été baptisé un mois après ma naissance. J'ai vécu dans une famille chrétienne. Nous sommes quatre frères chez moi. Mes parents sont pratiquants aujourd'hui encore et ils m'ont transmis leurs valeurs. J'ai confirmé mon baptême à l'âge de 17 ans. par contre ensuite et comme beaucoup de jeunes gens, après ma confirmation, je me suis un petit peu éloigné de l'Église entre 17 et 25 ans. J'ai pris quelques distances parce que j'avais d'autres priorités en tête que de pratiquer ma foi qui était un peu culturelle. Je n'avais pas réellement rencontré le Christ, je dirais. Je l'avais rencontré à travers des traditions familiales, à travers une pratique qui était celle de mes parents, mais pas encore en personne. Et donc, j'allais à l'église, oui, très souvent quand il n'y avait personne, j'y allais volontiers pour déposer une bougie, comme font beaucoup de gens. J'y allais aussi pour parler à Dieu de manière assez désagréable la plupart du temps. C'était plutôt pour lui demander des comptes, c'était pour lui demander pourquoi le mal dans le monde, pourquoi est-il arrivé tel problème, voilà.

  • Benjamin Coste

    Donc vous étiez un croyant, un croyant, mais un croyant un peu en colère.

  • Père Vincent Lafargue

    Un peu en marge, un peu en colère. Oui, oui. Et puis avec le caractère que j'avais, il s'en est pris deux, trois dans la figure, notre pauvre Seigneur.

  • Benjamin Coste

    Il y a des raisons à ça ? Il y a des événements particuliers qui ont suscité cette colère ? Non,

  • Père Vincent Lafargue

    les événements du monde, les événements du monde, ceux de mes proches lorsqu'il y a eu tel ou tel drame ou tel ou tel accident. Et voilà, mais moi, dans ma propre vie... J'ai eu une enfance et une jeunesse extraordinaires, enfin extraordinaires, tout à fait agréables, merveilleuses. Je dis extraordinaires parce qu'avec le nombre de personnes que je rencontre qui ont eu une enfance cabossée ou une jeunesse difficile, ça a l'air plutôt rare d'avoir une jeunesse, une enfance vraiment agréable. Donc non, je n'avais rien à reprocher à Dieu de précis me concernant.

  • Benjamin Coste

    Vous venez de le dire, vous cumuliez les activités, donc journaliste le matin, prof de français, c'est ça, la journée, comédien le soir. J'ai lu que vous vous leviez tôt, vous vous couchiez tard. Moi, la question qui m'est venue, c'est d'où vous venez finalement cette espèce de boulimie de la vie, ce désir de toujours être à fond ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est une vraie bonne question. Je suis un... Un enfant qui n'était pas prévu. Je ne vais pas dire qu'il n'était pas désiré, parce que j'ai été tout de suite accueilli lorsque la grossesse s'est présentée. Mais je n'étais pas prévu. Mes frères ont 15 ans d'écart avec moi. Ma maman avait 40 ans lorsque je me suis présenté. Et donc, voilà, il n'avait pas prévu d'avoir quatre enfants. Il y a un quatrième qui arrive. On m'a tout de suite aimé et accueilli. mais je pense que j'en ai gardé une certaine urgence de vivre. Parce que, bien sûr, qu'au tout début de cette grossesse, la question s'est posée pour mes parents de dire qu'est-ce qu'on fait ? Ils n'étaient pas du tout riches à l'époque. Mon papa était au chômage au moment où je suis arrivé. Donc, la question a dû se poser jusque dans mon ADN. Le risque de ne pas vivre. Et donc, j'ai cette chance d'avoir été accueilli, mais je pense que j'en ai gardé. Une urgence de vivre et de croquer la vie à pleines dents.

  • Benjamin Coste

    On va venir donc à cet événement qui a quand même fondamentalement changé le cours de votre vie. Un jour, vous êtes comme toujours en retard, vous l'avez expliqué. Vous enfourchez votre scooter, qui est un gros scooter, un scooter moto, pour vous rendre à une répétition de théâtre. Absolument. C'est ça. On est à Genève, je ne me trompe pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    On est à Genève, au mois de novembre, il fait nuit, il pleut et il fait froid. Et il y a un peu de brouillard. C'est l'idéal pour rouler en deux roues.

  • Benjamin Coste

    C'est ça. Et vous, vous êtes en retard, donc j'imagine un peu pressé.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui.

  • Benjamin Coste

    Et donc avec une conduite assez nerveuse.

  • Père Vincent Lafargue

    Assez nerveuse, oui, tout à fait.

  • Benjamin Coste

    Racontez-nous ce qui se passe, l'accident.

  • Père Vincent Lafargue

    Je pars donc en retard et je dois quand même revenir quelques heures avant pour vous dire que ce même jour... Une de mes étudiantes m'avait fait remarquer que j'avais un tic de langage, le mot « vite » que je disais sans arrêt. Et ça m'a fait réfléchir sur mon scooter ce soir-là au guidon. Une fois arrivé un feu rouge, j'ai réfléchi à cela en me disant « mais c'est vrai que je vais vite, que je vais trop vite » . Alors je respectais les limites de vitesse, ce n'était pas la question, mais vous l'avez dit, on peut conduire nerveusement aussi tout en respectant les limites et ça, ce n'est pas bon. Et puis, on peut partir en retard. on peut tout faire vite, ce qui était mon cas dans ma vie à ce moment-là. Je faisais tout trop vite. Et donc, je réfléchis au feu rouge et je me dis, c'est vrai, si j'ai ce tic de langage, ce n'est pas pour rien. C'est vrai que je vais trop vite, que je fais tout trop vite. J'aimerais bien freiner, finalement. J'aimerais bien avoir une vie un peu plus zen. Mais je ne sais pas comment faire. Parce que tout ce que je fais me passionne. Je suis un être passionné, aujourd'hui encore, mais je l'étais aussi à l'époque. Et donc, quand je fais quelque chose, je le fais à fond.

  • Benjamin Coste

    Il y avait vraiment une incapacité à aller plus doucement.

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument, oui. Et donc, je demande à Dieu, à ce moment-là, dans une prière spontanée, en silence, comme je le faisais souvent dans ma tête, je me dis, mais j'aimerais bien, j'aimerais bien freiner, j'aimerais bien même m'arrêter, pourquoi pas. Je trouvais tout à fait... Je voyais comme des extraterrestres les gens qui prenaient une semaine de silence dans un monastère. Enfin, je me disais ça, c'est vraiment pas pour moi, j'y arriverai jamais. Donc, voilà, je disais, j'aimerais bien m'arrêter, j'aimerais bien freiner. Puis je lui ai dit, puisque tu es si malin, toi, et puis si tu existes vraiment, essaye de m'arrêter. Voilà. Et là, j'ai entendu une voix, alors que j'avais dit cela dans ma tête. J'ai entendu une voix, comme je vous parle maintenant, alors que j'avais la musique à fond dans les casques, ce qu'il ne faut pas faire non plus à moto. J'ai entendu une voix très claire, très nette, très douce, que je connais bien depuis, mais que je n'avais jamais entendue, qui n'est pas la voix de ma conscience, parce que celle-là, on la connaît tous et je la connaissais bien, la petite voix qui nous dit « tu ne devrais pas » . Non, alors rien à voir. Une voix, tout simplement, qui me dit Est-ce que tu es bien sûr de ce que tu me demandes ? » Et sans réfléchir, j'ai dit oui, à haute voix cette fois-ci, j'ai dit oui, deux fois, et le feu est passé au vert.

  • Benjamin Coste

    Donc ce que tu me demandes, de ralentir.

  • Père Vincent Lafargue

    Voilà, c'est ça. Le feu est passé au vert, j'ai démarré, sec. J'ai atteint le 50 à l'heure assez vite. Je m'engageais dans une petite rue assez étroite. Et après une centaine de mètres, j'ai pris une voiture de face à 50 à l'heure.

  • Benjamin Coste

    Que vous n'avez pas vu arriver ?

  • Père Vincent Lafargue

    On ne s'est pas vu, ni elle ni moi. Il y a eu une illusion d'optique à cet endroit-là. Je passe sur les détails, mais qui a été reconnue après et corrigée. Mais le fait est qu'on ne s'est pas vus et donc on n'a pas freiné, ni l'un ni l'autre. On est vraiment arrivé à 50 à l'heure l'un contre l'autre. Ça fait 100 à l'heure dans un mur, c'est violent. Et donc j'ai fait une cascade absolument improbable. Je lui ai démoli sa voiture. Elle n'a pas eu de blessure physique, mais elle est restée traumatisée pendant longtemps. J'en parle d'autant plus volontiers que c'est devenu une amie, ce qui n'est pas courant dans ce genre d'accident. Mais voilà, moi, j'ai atterri sur le trottoir, inconscient, dans une flaque de sang. Et elle a tout de suite cru m'avoir tué. Ce qui va me sauver la vie, paradoxalement. Parce qu'elle n'a pas appelé l'ambulance, mais elle a appelé la police. Persuadée qu'elle avait tué quelqu'un. Elle a appelé la police en disant « j'ai tué quelqu'un » . Et ça va me sauver la vie parce que la police avait une voiture médicalisée qui était juste à côté, alors que l'ambulance la plus proche était nettement plus éloignée. Et donc, c'est la police qui va me prendre en charge. Et la deuxième chose qui va me sauver la vie, c'est que la voiture qui me suivait était conduite par un médecin, des SOS médecins, qui avait son matériel avec lui. Et ce ne sont pas les seuls clins dieux de cette soirée-là. Alors après, hasard ou pas hasard, mais voilà. Et ce médecin, lui, va tout de suite me porter les premiers secours, comprendre que je ne suis pas mort, mais comprendre que ce qui s'est passé est assez grave.

  • Benjamin Coste

    À ce moment-là, vous avez dit que vous étiez inconscient.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, moi je suis inconscient. Et donc, lui va tout de suite faire en sorte de me bouger correctement. Heureusement, parce que j'avais une vertèbre qui était fissurée, donc il fallait aller tout doucement. Et puis quelques autres fractures, quasiment une quinzaine en tout. Donc, on va me mettre dans l'ambulance où je vais me réveiller. Je vais arriver jusqu'à l'hôpital. On va faire quelques contrôles des radios. On trie les patients à l'hôpital, comme vous le savez. Il y a des urgences vitales et puis d'autres. Et puis, moi, c'était de la carrosserie. Ce n'était pas tellement, a priori, des blessures entraînant la mort.

  • Benjamin Coste

    C'est ça, votre cas n'est pas jugé comme grave.

  • Père Vincent Lafargue

    Il est jugé grave, mais pas urgentissime, pas vital. Et ce en quoi, malheureusement, on se trompe. Parce que l'une des blessures que j'ai, une fracture du bassin, a entraîné trois petites veines avec elle. Et ce ne sont pas des artères, donc ça va tout doucement, l'hémorragie, mais elle est bien là. Et comme elle est interne, on ne peut pas la stopper sans ouvrir, et donc on ne s'en rend pas compte tout de suite. Et je vais donc devoir ma vie à une série de coïncidences, de hasards ou de signes, mettez ça comme vous voulez. Mais toujours est-il qu'à un moment donné, on comprend que mes blessures sont gravissimes, en réalité, que je suis en train de perdre la vie. Et donc, le dernier souvenir que j'ai, c'est celui d'un médecin qui est là et qui dit « emmenez-le au bloc, tout de suite » .

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous avez repris conscience entre temps ? Oui.

  • Père Vincent Lafargue

    À plusieurs reprises, j'ai repris conscience dans le transport, à l'hôpital. J'ai vu mes proches qui sont venus tout de suite. Donc, j'ai repris conscience à plusieurs reprises, très jovial. J'étais fataliste à l'époque, je le suis toujours. Mais voilà, je me suis dit bon, ben voilà, là, c'est fait, c'est fait.

  • Benjamin Coste

    Mais jovial, en quel sens jovial ?

  • Père Vincent Lafargue

    Dans le sens vraiment fataliste, c'est-à-dire maintenant c'est cassé, c'est cassé. Le but, c'est de se rétablir. Il n'y a pas besoin de regretter, il n'y a pas besoin de pleurer sur le lait renversé. C'est fait. Non, il faut éponger. D'accord. Et donc, à plusieurs reprises, je suis revenu à moi. Et la dernière fois que je suis parti dans les vapes, c'est dans le couloir, sur un brancard. avec des gens qui courent à côté du brancard. Et donc là, on a beau être à moitié déjà partis, j'avais déjà eu des piqûres d'antidouleurs, quand les gens courent à côté de votre brancard, on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui ne joue pas. Et donc, pourtant, je suis assez calme avec ça. Je n'ai pas le sentiment d'avoir eu peur à ce moment-là. Je me suis simplement dit, tiens, ça ne va pas. ok Et puis je repars dans les pommes et lorsque je me réveille... Je suis au plafond du couloir.

  • Benjamin Coste

    Donc lorsque vous avez la sensation de vous réveiller ?

  • Père Vincent Lafargue

    Absolument. Lorsque j'ai la sensation de revenir à moi, je suis au plafond du couloir. C'est-à-dire que mon angle de vue a changé de 180 degrés, puisque j'étais sur un brancard avec les yeux qui regardaient vers le plafond. Et là, c'est l'inverse. Je suis assez en hauteur par rapport aux gens et à la scène que je vois. Je vois un brancard avec un jeune homme. Je ne comprends pas tout de suite que c'est moi. Et je vois des gens qui s'affairent, un bruit très désagréable, dont je comprendrai après qu'il s'agit de la machine qui indique que les lignes sont à plat, et donc que le cœur s'est arrêté. Et donc, je vois les gens qui s'affairent autour de moi. Je n'avais jamais vu, je n'étais pas un adepte de la série Urgence qui passait déjà à l'époque. Enfin, je n'avais jamais vu un massage cardiaque de ma vie. À cet instant-là,

  • Benjamin Coste

    vous êtes en arrêt cardiaque.

  • Père Vincent Lafargue

    Là, je suis en arrêt cardiaque.

  • Benjamin Coste

    C'est ça.

  • Père Vincent Lafargue

    Et... on commence à me faire un massage cardiaque. Ce qui est assez violent, en fait, à voir. Et ma première réaction, c'est d'avoir envie de leur dire « Mais arrêtez, vous lui faites mal. Laissez-le tranquille. »

  • Benjamin Coste

    Ce qui veut dire que vous-même, qui observez la situation, vous n'avez pas cette sensation de douleur, pour le coup.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, du tout. Et pourtant, Dieu sait si j'en avais avant. Mais là, je suis très bien, je flotte, tout va bien, j'ai pas mal, mais je vois ce jeune homme que... Et là, on essaye de réveiller comme ça. Et puis, je comprends que c'est moi. Comment ? Je ne peux pas tellement vous le dire. C'est venu comme ça. Je ne sais pas comment j'ai compris que c'était moi, mais j'ai compris à un moment que c'était moi. Et ça ne m'a pas gêné plus que tant. Je me suis dit, bon, OK, il s'occupe de moi, très bien.

  • Benjamin Coste

    Pas plus d'inquiétude à ce moment-là, quand vous vous y êtes pris de conscience ?

  • Père Vincent Lafargue

    Pas du tout. Vraiment pas du tout. Alors qu'à l'époque, je vais vous dire que j'aurais pas aimé mourir. Il n'y a pas une époque où on aurait aimé mourir, mais j'avais peur de la mort à l'époque. C'est quelque chose que... Voilà, je n'étais pas forcément tranquille avec cette idée-là, même si à 25 ans, on est éternel, n'est-ce pas ? On ne s'imagine pas du tout mourir, mais j'avais été confronté à la mort de certains proches. Et voilà, à l'idée de mourir tout de suite, je n'aurais pas été tranquille du tout. Donc là, non, je vois cette scène et puis je me rends compte que j'ai la faculté de m'approcher ou de zoomer avec le regard. Je me rendrais compte après coup en lisant des témoignages et en rencontrant des gens que je ne suis pas le seul à avoir eu cette faculté-là. Mais je n'avais rien lu jusque-là sur les expériences de mort imminente, je ne sais pas du tout ça. Et donc je m'aperçois que j'ai cette faculté de m'approcher avec le regard pour voir des détails. Et je ne sais pas pourquoi je me mets à jouer avec ça. Donc je m'approche du mur. Je regarde le numéro qui est sur le mur, je m'approche de la machine qui fait du bruit, je vois ces lignes qui sont à plat, je m'approche des mains qui massent, je m'approche d'un badge où je vois un nom.

  • Benjamin Coste

    Vous vous amusez en fait ?

  • Père Vincent Lafargue

    Je m'amuse complètement comme si j'avais un appareil photo et je ne sais pas pourquoi je m'approche de ces éléments-là. Mais ils vont se graver dans mon esprit, ainsi qu'une bague. et puis alors que je m'amuse Avec ce zoom, je ne peux pas le dire autrement, tout à coup, je suis comme retourné, comme si on m'avait retourné de nouveau les yeux vers le plafond, sauf que là, il n'y a plus de plafond.

  • Benjamin Coste

    D'accord, c'est-à-dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    C'est-à-dire que ce que j'ai devant les yeux, c'est le ciel, une sorte de ciel qui est un ciel paisible. Je ne peux pas vous dire s'il y a des étoiles ou le soleil ou non, c'est un ciel. Et il y a une immense lumière blanche que je ne peux pas décrire autrement qu'en disant que c'est beaucoup plus fort que la lumière du soleil, mais pas du tout éblouissant. C'est-à-dire que je peux la regarder face à face, mais elle est beaucoup plus intense que la lumière du soleil. Alors, ce n'est pas évident avec des concepts humains, évidemment. Et puis, je flotte vers cette lumière. J'avance doucement vers cette lumière dans un état de bien-être. Alors, encore plus totale que ce qui était déjà pas mal juste avant.

  • Benjamin Coste

    On vous entend décrire ces images, ces sensations. Je vois votre regard qui se perd un peu au loin. Tous ces éléments que vous nous décrivez, aujourd'hui, restent encore très précis dans votre esprit.

  • Père Vincent Lafargue

    Comme si ça s'était passé hier.

  • Benjamin Coste

    D'accord.

  • Père Vincent Lafargue

    Les images, alors que j'ai beaucoup de souvenirs de ces années-là qui sont effacées, bien sûr. Mais ces images-là sont restées gravées comme si on les avait gravées en moi, vraiment, très fortement.

  • Benjamin Coste

    Et donc la lumière, cette lumière vers laquelle vous allez dans un état... Complètement paisible, pacifié, tranquille, serein ?

  • Père Vincent Lafargue

    Tout à fait. Je ne peux même pas parler d'extase, parce que ça supposerait quelque chose de très fort, mais c'est vraiment une sérénité totale. Peut-être ce qu'approchent les moines qui arrivent à méditer et à arriver à la totale paix de l'âme, c'est vraiment cela que je ressens. Je flotte vers cette lumière, tranquille, et très rapidement, alors tout ce que je vous décris là, ensuite, d'après les médecins, a duré entre 40 et 45 secondes. Incroyable. Et pourtant, pour moi, si j'essaie d'imaginer le temps, j'ai l'impression que ça dure plusieurs minutes.

  • Benjamin Coste

    C'est 40-45 secondes, c'est le temps de l'arrêt cardiaque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est ça. Exactement, c'est le temps jusqu'à ce que mon cœur reparte, grâce au massage cardiaque. Ça, c'est ce que l'on m'a expliqué, parce qu'évidemment, là, je ne le vois plus à ce moment-là. Et donc, Il vient très rapidement à mon esprit, et plus qu'à mon esprit vraiment en moi, que cette lumière blanche que je vois et dans laquelle je suis peu à peu enveloppé, comme si elle venait tout autour de moi, c'est l'amour, avec un A majuscule, avec une sensation que je peux décrire comme un million de fois l'amour que moi j'avais connu, bien sûr, terrestre. J'étais fiancé quelques années auparavant, j'ai vécu avec une femme, j'avais expérimenté l'amour humain. Mais là, c'est multiplié par un million. C'est quelque chose d'absolument indicible.

  • Benjamin Coste

    Comment on arrive à reconnaître que c'est l'amour, sachant que vous ne voyez rien d'autre que ce ciel, cette lumière ? Qu'est-ce qui fait qu'intérieurement, vous... Percevez que c'est l'amour. C'est difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, et pourtant, c'est de l'ordre. Alors, dans le livre dont je vous parlerai tout à l'heure, on dit que plusieurs expérienceurs, comme on nous appelle, sont passés de la foi à la certitude. Et c'est vraiment cela. Je pourrais dire, j'ai cru que c'était l'amour ou j'ai eu le sentiment que c'était l'amour. Non, là, il y a quelque chose de... comme si c'était scientifique. comme si on m'avait prouvé par A plus B que ça, c'est l'amour et qu'on me l'avait inculqué dans mon ADN pour que je ne l'oublie jamais.

  • Benjamin Coste

    Et est-ce que c'est un amour qui est divin ? Est-ce que c'est un amour que vous associez en tout cas à une personne divine ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, sur le moment, non. Sur le moment, j'ai vraiment le sentiment que c'est l'amour avec un A majuscule, mais par définition, bien au-delà de ce qu'est l'amour humain. Donc, avec quand même quelque chose de transcendantal. clairement. Mais je ne l'associe pas sur le moment à Dieu. Je n'ai pas vu de personnages, de visages. Je découvrirai après des gens qui ont vu le Christ ou qui ont vu les membres de leur famille. Moi, non, j'ai ressenti très clairement l'amour et c'est tout.

  • Benjamin Coste

    Vous nous avez expliqué il y a eu l'arrêt cardiaque, vous êtes revenu, les médecins vous ont récupéré grâce au massage. Les heures suivantes, vous êtes opéré, j'imagine, pour traiter cette hémorragie interne. Et donc, j'imagine qu'à un moment, vous allez arriver, vous êtes dans votre chambre, vous revenez dans votre chambre de convalescence. Qu'est-ce qui se passe les premiers moments où vous revenez et vous reprenez conscience ? Est-ce que ce que vous avez vécu vous revient tout de suite à l'esprit ? Est-ce que j'imagine qu'il y a aussi le flot des soignants autour de vous qui vous emmènent dans toute autre chose ? mais cette expérience... Qu'est-ce qu'elle devient tout de suite, dans les heures, les jours après l'accident ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors, dans un premier temps, elle est effacée, elle n'est pas là. Lorsque je me réveille, c'est 48 heures plus tard, puisqu'on m'a opéré deux fois pour traiter toutes les blessures que j'avais, une fois en urgence et une deuxième fois 24 heures après. Et donc, lorsque je me réveille, ma première inquiétude en salle de réveil vis-à-vis du médecin, c'est... Mon chat, j'avais une petite minette qui vivait chez moi, mes étudiants qui devaient passer un examen le lendemain et ma pièce de théâtre qu'on devait jouer deux semaines plus tard. Et donc le médecin, avec une infinie douceur, va m'expliquer que si j'entends sortir de cet hôpital, ce ne sera pas avant des mois, que ce sera en chaise roulante, qu'il ne peut pas m'assurer que je remarcherai un jour. Et tout cela avec vraiment une douceur que je n'oublierai jamais. Là, dit comme ça, c'est violent. Mais voilà, il m'a vraiment tout de suite mis en confiance en disant si vous faites ce qu'on vous dit, si vous travaillez avec nous, on a une chance de vous ramener comme avant ou presque comme avant. Mais ce sera long et difficile. Et puis, peu à peu dans ma chambre, des souvenirs vont revenir, des souvenirs clairement d'abord du dialogue au feu rouge avec Dieu. Et puis des souvenirs aussi de cette expérience, mais ces souvenirs-là vont mettre des mois à revenir. ceux-là, ils restent effacés pendant un certain temps dans ma mémoire, jusqu'à ce que je me retrouve par une sortie que je fais avec mes parents en voiture, jusqu'à ce que je me retrouve dans la rue où a eu lieu l'accident. Et là, toute une série de choses sont revenues comme si on avait débloqué quelque chose, appuyé sur play dans mon cerveau. Et donc, toute une série de choses reviennent, dont ces images-là. Et dans un premier temps, je les évacue. En me disant, c'est des images bizarres, ça ne correspond pas. Je suis très, très rationnel à l'époque. Donc, ça, ça ne va pas. Ce n'est pas possible. Donc, j'évacue. Et puis quand même, ça revient en rêve. Et puis, ça revient à plusieurs reprises dans mes journées, comme des flashs. Et donc, je choisis d'en parler à l'un des médecins qui m'a opéré. Ils sont plusieurs. Je choisis d'en parler à l'un d'eux en disant à la fin d'une consultation, écoutez, j'ai des images qui me viennent et j'aimerais vous en parler. Et je lui en parle et je lui décris tout ce que je vous ai décrit. Et je suis persuadé qu'il va me prendre pour un fou. J'ai beaucoup de chance. Je dis j'ai beaucoup de chance parce que j'ai rencontré différentes personnes qui ont vécu des expériences de mort imminente et qui n'ont pas été prises au sérieux par le corps médical. À l'époque, on balbutie encore dans les années 2001. Aujourd'hui, ça serait différent. Et ce médecin me prend au sérieux immédiatement, me dit, j'étais là, ce que vous décrivez est juste. Je lui décris aussi un dialogue qu'il y a eu à ce moment-là. Il me dit, voilà, tout ce que vous me dites est vrai, je vous le garantis.

  • Benjamin Coste

    C'est-à-dire, les images que vous avez vues pendant l'expérience sont réelles.

  • Père Vincent Lafargue

    Il les valide. Il me dit, le numéro sur le mur, le badge, c'est celui de mon collaborateur, vous ne l'avez plus jamais revu. C'était son dernier jour avec nous. L'alliance, c'est celle que je porte et je la vois à ce moment-là et je dis, ben oui, c'est celle-là. L'appareil, effectivement, enfin voilà, il valide ce que je lui dis. Il me dit, le seul problème que j'ai avec ça, c'est que vous ne pouvez pas vous en souvenir scientifiquement parce qu'à ce moment-là, vous étiez cliniquement mort. On serait plus prudent aujourd'hui parce que pour être déclaré cliniquement mort aujourd'hui, c'est plus compliqué. Mais à l'époque, on utilisait volontiers cette expression dès que le cœur s'était arrêté, qu'il n'y avait plus d'activité cérébrale. Et donc, il me dit, vous étiez en train de perdre la vie et vous étiez cliniquement de l'autre côté à ce moment-là. Et donc, il me dit, vous ne pouvez pas avoir ces souvenirs-là, mais ils sont réels. Donc, je vous crois et vous n'êtes pas le seul à qui c'est arrivé. Et ça, c'est une découverte pour moi. Je n'avais absolument pas entendu parler de cela. Et il me dit, il y a des livres. Il y a des personnes à qui c'est arrivé. Il me parle de quelques livres, dont ceux d'Elisabeth Kubler-Ross et de Raymond Moody, qui sont célèbres à l'époque.

  • Benjamin Coste

    Peut-être dire un mot de ces deux personnes pour nos auditeurs qui ne les connaîtraient pas ?

  • Père Vincent Lafargue

    Donc, Elisabeth Kubler-Ross est une thérapeute suisse qui a beaucoup travaillé sur la mystique et sur l'au-delà. Et puis, Raymond Moody est celui qui a écrit La vie après la vie, qui est un best-seller. C'est un médecin américain et c'est un best-seller dans les années 80 déjà, sauf erreur. ... qui a commencé à récolter, lui, les premiers témoignages sur ses expériences de mort imminente.

  • Benjamin Coste

    Le fait que le médecin « valide » ce que vous avez vécu explique que ce n'est pas une vue de l'esprit, un délire. Qu'est-ce que ça va changer pour vous concrètement ?

  • Père Vincent Lafargue

    La première chose que ça change, c'est que c'est le premier à me dire que j'ai frôlé la mort, parce que personne ne me l'avait dit. Et puis moi, je n'avais pas demandé à lire mon dossier. La transparence de ce genre de choses était aussi différente à l'époque qu'aujourd'hui. Personne ne m'avait dit que j'étais passé vraiment juste à côté et que mon cœur était finalement reparti. Je vais parler à partir de ce moment-là d'une deuxième vie ou d'une partie gratuite. C'est un peu ça. Et donc, ça, personne ne me l'avait dit. Il est le premier à me le dire. Et là, je prends vraiment comme un coup de batte de baseball dans la figure. C'est vraiment, je suis sonné. de savoir que je suis passé tout près, comme on dit. Et puis, la deuxième chose, c'est qu'alors, je me dis, mais alors ces images qui reviennent en flash, elles sont vraies. Mais alors, si les images du couloir sont vraies, les images de la lumière sont vraies aussi. Et donc, c'est là que je commence à m'intéresser à lire ces bouquins et à découvrir que plein de gens parlent de cela. que d'autres sont allés beaucoup plus loin que moi, d'autres sont allés jusqu'au bout de ce tunnel, ont rencontré des gens, ont entendu des paroles. Je vais m'apercevoir qu'un membre de la famille a fait une expérience semblable et n'en avait jamais parlé. Et donc, je vais découvrir toute cette série de témoignages en me disant, bon, je m'inscris très humblement à la suite de ces personnes-là. Mon expérience est toute petite par rapport à celle des personnes qui ont été jusqu'au bout, rencontré des gens, etc. Mais elle est bien réelle. Et puis, ce qui m'apparaît très rapidement, c'est trois éléments. Et je vais découvrir, grâce à Elisabeth Kübler-Ross, que ce sont des éléments qui sont présents chez une immense majorité des expérienceurs. Trois éléments qui sont ne plus avoir peur du tout de la mort. Et vraiment, c'est une immense paix. Je suis très paisible par rapport à ça. La mienne comme celle de mes proches d'ailleurs. C'est la première chose. La deuxième chose, c'est de vouloir absolument changer de vie. Il m'apparaît que ma vie ne peut pas continuer comme avant. Il doit y avoir un changement et ce changement doit être fort. Il ne s'agit pas seulement de changer de métier. Et puis, le troisième élément, c'est de me mettre d'une manière ou d'une autre au service des autres. Le service devient quelque chose de très important, alors qu'avant, j'étais considérablement un but de ma personne. Le théâtre peut aider, ou ne pas aider justement plutôt. Mais enfin, j'avais développé un égocentrisme qui était quand même assez violent. Et donc, les autres, ils étaient intéressants s'ils m'applaudissaient. Je force le trait, mais enfin, voilà.

  • Benjamin Coste

    Et donc, ces trois éléments que vous citez, ils sont communs. à la plupart des personnes qui ont fait une expérience de mort imminente.

  • Père Vincent Lafargue

    Je découvrirai ça. C'est très étonnant. Et commun à un pourcentage impressionnant. Ce n'est pas 100%, mais pas loin. Alors ensuite, Elisabeth Kubler-Ross va lister carrément une douzaine de points communs. Mais les suivants sont... Le pourcentage descend au fur et à mesure de la liste. Mais tout de même, il y en a un certain nombre dans lesquels je me retrouve ou je me retrouve plus ou moins. Mais ces trois-là sont vraiment tête de liste et chaque personne qui vient vers moi après une émission comme la vôtre en disant « je vous ai entendu, il m'est arrivé la même chose, il faut qu'on parle » , chaque personne me dit la même chose. Elle me dit « ces trois éléments, c'est une évidence pour moi » . Et des personnes sont allées très loin. Je connais une personne qui a changé de nom, d'adresse, d'identité, vraiment, qui a refait sa vie complètement différemment.

  • Benjamin Coste

    Mais est-ce que ça veut dire que je me... Posez la question en préparant cet entretien, est-ce que ça veut dire que votre vie d'avant n'a pas de prix, ne valait en guillemets rien ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a un rejet finalement de cette première vie par rapport à la deuxième qui s'annonce ?

  • Père Vincent Lafargue

    Du tout ,non. D'ailleurs dans ma vie de prêtre aujourd'hui, je profite énormément de tout ce que j'ai appris comme comédien, comme enseignant et également comme animateur de radio puisque je continue à en faire. Donc... Non, non, ma première vie est précieuse et je n'en renie aucun des moments. Simplement, c'est comme si c'était une vie en noir blanc ou en deux dimensions et puis que celle d'aujourd'hui est en couleur et en trois dimensions. C'est tout autre chose. C'est-à-dire que j'ai découvert simplement un sens à cette vie que je n'avais pas avant.

  • Benjamin Coste

    Alors, je vous écoute et je me dis pareil. Ça peut être un peu terrible ce que vous dites, parce qu'on se dit finalement, est-ce qu'il faut attendre de faire une expérience pareille pour vivre une vie en couleur, comme vous l'avez décrivé, et non pas une vie en noir et blanc ?

  • Père Vincent Lafargue

    Heureusement non, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens qui vivent en couleur, et je suis persuadé que c'est votre cas. Mais simplement, c'est en comparaison que je dis cela. Lorsqu'on a cette chance d'avoir une deuxième vie, ce qui était auparavant vous apparaît un peu plus plat et un peu plus futile. Mais, encore une fois, je n'en renie aucun des moments.

  • Benjamin Coste

    Comment vous passez de cette vie du comédien, du journaliste, à un jour devenir prêtre ? Il y a une petite partie et qu'il faut que vous nous expliquiez.

  • Père Vincent Lafargue

    D'autant que si l'on me l'avait dit à l'époque, je crois que j'aurais souri ou éclaté de rire. Il a fallu deux ans, alors qui correspondent à ma rééducation, j'ai réappris à marcher, tout ça a été long. Et puis à un moment donné, j'ai entendu une émission de radio. et dans cette émission parlait un prêtre, un prêtre âgé, avec une voix très douce, merveilleuse. Et ce prêtre, en l'écoutant, je me disais, c'est drôle, j'ai l'impression de m'entendre vieux. J'ai l'impression que c'est moi dans 50 ans. Mais dans un premier temps, je ne sais pas qu'il est prêtre. Je prends cette émission en cours de route et j'entends cet homme parler de poésie, je suis féru de poésie, de cinéma, parler de son lien aux autres, de sa manière d'essayer de les servir. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il fait comme métier, mais tout ce qu'il raconte, je ne l'associe en aucun cas à une vie religieuse. C'est d'ailleurs un prêtre assez atypique. Et ce n'est que lors d'une deuxième écoute, écoute, cette émission est un feuilleton que je l'apprends depuis le début et que j'entends son nom et son métier. Et c'est comme un coup de foudre. Je me dis, quoi, cet homme, il est curé, mais ce n'est pas possible. Un curé, ça célèbre la messe le dimanche et puis je ne vois pas ce que ça fait d'autre. Donc, lui, entre autres, il allait voir les malades à l'hôpital. C'était sa manière aussi de servir les gens. Et juste après l'émission, je prends mon téléphone et je l'appelle. Et je suis dans ma voiture, parce que j'ai pris une voiture depuis à ce moment-là. Je suis dans ma voiture, je suis resté moteur allumé sur le trottoir en train d'écouter toute l'émission, tellement ça m'avait bouleversé le générique du début et le fait qu'il soit prêtre. Et donc, à la fin de l'émission, je l'appelle et je lui dis écoutez, ça va vous paraître complètement absurde, on ne se connaît pas. Je viens de vous entendre à la radio. Et j'ai l'impression, j'ai le sentiment que je suis appelé à faire la même chose que vous. Et tout en disant ça, je me dis, mais qu'est-ce que tu es en train de raconter là ? Tu es fou ? Qu'est-ce qui te prend ? Et cet homme a été merveilleux. Il m'a dit, écoutez, il faudrait peut-être qu'on en parle. Il m'a donné rendez-vous. On a pris un café qui a duré, duré, duré jusqu'à tard le soir. Et il ne m'a pas dit, c'est bien, il n'y a pas assez de... prêtre, engage-toi tout de suite, etc. Pas du tout. Je lui ai raconté ce qui m'était arrivé. Il m'a dit, alors vous avez du temps, vous avez gagné du temps dans votre vie. Vous avez une deuxième vie, c'est merveilleux. Alors prenez le temps, prenez le temps de regarder, rencontrer des prêtres, d'autres personnes. Il y a mille manières d'être au service des autres. Je sens que vous voulez donner votre vie d'une manière très forte, mais il y a sûrement plein de choses. Et peut-être que c'est la prêtrise, mais prenez le temps, tout simplement. Voilà, de discerner. Et j'ai pris ce temps. J'ai pris ce temps et j'ai ensuite poussé la porte du séminaire, persuadé qu'on allait me mettre dehors très vite parce que j'étais quand même un peu atypique. Déjà, j'étais plus âgé que les autres séminaristes parce que j'ai presque 30 ans quand je pousse la porte du séminaire. Je n'ai pas du tout les mêmes centres d'intérêt. Donc, c'est... Voilà, dès le départ, je me dis, bon, j'y vais, mais on verra bien. Et puis... Ce qui ne m'est jamais arrivé dans ma vie, tous les feux passent au vert. Tous les feux passent au vert, tous les examens, je n'ai raté aucun examen, alors que je n'étais pas spécialement un bon élève auparavant. Et puis reprendre des études à 30 ans, réapprendre le grec, l'hébreu, etc. Ce n'est pas évident. Et à ma grande surprise, je surfe sur ce parcours-là de manière assez étonnante. Et je me dis, tiens, c'est bizarre. Toutes les portes semblent s'ouvrir dans la même direction.

  • Benjamin Coste

    Est-ce qu'il y a, justement, au sein de ce parcours, de vos années de formation pour devenir prêtre, est-ce que, encore une fois, cette expérience de mort imminente, elle a une place particulière ? Est-ce que, comment dire, c'est une sorte de référence ? Est-ce que vous y revenez ou finalement ça a eu lieu ? Ce n'est pas oublié, mais c'est un élément de mon parcours.

  • Père Vincent Lafargue

    Ça a eu lieu, ce n'est pas oublié, mais je n'en parle pas, d'abord, parce que je suis dans un milieu où je me méfie un petit peu. Ça peut être bizarre de le dire comme ça, mais l'Église dans laquelle je me trouve n'est pas très mystique. Il s'agit d'une expérience mystique. Là, on est plutôt à étudier saint Thomas d'Aquin. Je suis à l'Université de Fribourg, qui est tenue par les Dominicains. Donc, on est vraiment dans la science. pure, dans la théologie de haut vol, et donc il n'y a pas tellement de place dans ces études-là pour ce genre de récits ou d'expériences. Et donc, je vais mettre plusieurs années à en parler au séminaire. Je vais finir par le faire, mais je vais mettre plusieurs années. Et c'est accueilli avec des sourires polis, on va dire ça comme ça. Donc, ça fait que j'en parlerai plus très volontiers dans le milieu ecclésial dans un premier temps, parce que je m'aperçois que, bon, on dit, bon, c'était un ancien comédien, il se fait mousser un peu avec son histoire, voilà. et donc voilà c'est pas une expérience qui est très présente dans mes années de séminaire si ce n'est l'amour, c'est à dire que ce qui m'a été inculqué dans ce tunnel de lumière Je vais peu à peu le retrouver chez certains auteurs. Je pense par exemple à Maurice Zundel, le théologien suisse, que je vais apprendre à connaître, à découvrir, alors que je ne le connaissais pas du tout, qui est mort 15 jours avant que je naisse. Je ne l'ai pas connu de mon vivant, mais je vais apprendre à découvrir des auteurs comme lui, comme saint Augustin, pour aller chez les pères de l'Église, et la petite Thérèse par exemple aussi, des auteurs qui ont eu le cœur brûlé par cet amour.

  • Benjamin Coste

    Et qui mettent donc finalement des mots sur cette expérience, encore une fois.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, qui mettent des mots sur ce que j'ai ressenti, sur cet amour que j'ai ressenti. Et je vais peu à peu me dire, il y a manifestement des gens qui ont eu cette brûlure. J'aime bien les mots de la petite Thérèse parce que c'est vraiment du feu qu'elle a ressenti et c'est la même chose pour moi, j'ai le sentiment d'avoir été brûlé. au feu de l'amour divin. Et donc, cette brûlure-là, elle reste. C'est une brûlure agréable, ce n'est pas une brûlure qui fait mal, mais elle reste à vie. Et donc, c'est comme si on m'avait marqué au fer rouge. Et puis, je vais m'apercevoir qu'il y a des gens qui ont eu cette chance et puis il y a des gens qui n'ont pas eu cette chance et qui sont pourtant de très bons séminaristes et ensuite qui deviennent de très bons prêtres et qui ont une théologie un peu plus théorique, un peu plus rhétorique. mais qui, pour n'avoir pas eu le cœur brûlé nécessairement par cette rencontre-là, sont des personnes merveilleuses. Et donc, tout ça pour dire aussi qu'il n'y a pas cette nécessité-là. On n'est pas un meilleur prêtre ou un meilleur religieux parce qu'on a le cœur brûlé. Simplement, je me retrouve mieux dans les auteurs et les théologiens chez qui je retrouve cette brûlure que chez ceux chez qui je trouve une foi un peu plus rationnelle et construite rationnellement.

  • Benjamin Coste

    alors pour faire le lien avec ce que vous venez de dire à l'instant, moi, j'ai envie de vous demander qu'est-ce que cette expérience que vous avez vécue modifie dans votre manière d'être prêtre aujourd'hui ? Est-ce que ça modifie quelque chose ? J'ai tendance à penser que oui, mais expliquez-nous.

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, c'est-à-dire qu'on se reconnaît. Les personnes qui ont cette brûlure-là, entre guillemets, ou qui ont fait cette rencontre-là, on se reconnaît assez vite en discutant. Et puis, qui... Il faut supporter tout le reste comme prêtre. Il faut supporter l'église institutionnelle qui n'est pas toujours marquée au fer rouge de l'amour, disons-le comme cela. Il faut supporter tous les côtés sombres aussi de ces dernières années, les abus. On ne va pas refaire tout le tableau, mais enfin voilà, c'est pour moi des choses très douloureuses et difficiles. Donc, ça change considérablement les choses parce qu'on a envie de faire aller plus vite la machine en fait. On a envie de faire rencontrer aux gens cette personne qui nous a brûlé le cœur. Et donc ça, c'est devenu vraiment un leitmotiv pour moi à travers la parole de Dieu. Parce que tout mon parcours au séminaire m'a fait découvrir. Je ne lisais pas du tout la Bible avant, ou très peu. C'est-à-dire que j'étais lecteur dans ma paroisse. Donc je la lisais le dimanche à la messe, mais c'est tout. Et donc, mon parcours m'a fait découvrir la parole avec un P majuscule. et c'est à travers cette parole que j'essaye aujourd'hui de faire découvrir, rencontrer Dieu, amour aux personnes qui me sont proches ou moins proches parce que je le fais aussi par internet et ça permet d'atteindre de manière beaucoup plus large. Alors il y a cette passion, je brûle de ce feu-là et donc ce n'est pas toujours facile d'être l'allumette qui brûle. dans un tas de bois mouillé, si vous voulez. Donc, il y a d'autres allumettes, heureusement, et il y a d'autres personnes qui brûlent. Et puis, on essaye, au contact de ces gens-là, de se ressourcer et puis ensuite de repartir en paroisse et de se dire, voilà, j'ai devant moi des gens qui n'ont pas forcément fait cette rencontre-là et mon but, c'est de les enflammer.

  • Benjamin Coste

    Encore une fois, qu'on soit bien précis, quand vous dites avoir fait cette rencontre, ça ne passe pas forcément par une expérience de mort imminente comme vous l'avez vécu vous ?

  • Père Vincent Lafargue

    Non. Il y a des gens qui l'ont rencontré de manière totalement différente, beaucoup plus douce. Un ami m'a dit, la vie que tu avais à l'époque faisait que Dieu était obligé de prendre les grands moyens, les gants de boxe. Ce n'était pas possible d'y aller avec des petits gants blancs, ça n'allait pas pour toi.

  • Benjamin Coste

    La question que je voulais vous poser, c'est comment vous comprenez que le Seigneur permette en fait ces expériences ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors si je le prends par rapport à ma propre expérience, je dirais que j'avais besoin de ça pour croire comme je crois aujourd'hui. Ça c'est personnel. Après, comment permettre ces expériences ? Je pense en réalité qu'il en permet beaucoup plus que ce que l'on imagine. Et aujourd'hui, on ne parle plus forcément seulement d'expérience de mort imminente, mais d'état modifié de conscience. On s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin d'approcher la mort pour tout à coup avoir telle ou telle vision, telle ou telle expérience mystique. Et donc, je crois vraiment que le Seigneur appelle énormément, se dévoile énormément. C'est nous qui ne savons pas écouter et voir. Donc, il... permet ces expériences pour qu'on puisse encore mieux se rapprocher de lui, certainement.

  • Benjamin Coste

    50% de votre ministère est notamment dédié à une aumônerie, vous êtes aumônier d'hôpital. En quoi aussi, de la même façon, ce que vous avez vécu, cette expérience, modifie votre rapport avec des personnes qui sont peut-être, qui vont bientôt passer de l'autre côté, qui vont peut-être faire cette rencontre ? Et puis peut-être de façon assez aussi concrète, est-ce que c'est un témoignage de votre vécu que vous donnez à certaines des personnes que vous croisez ?

  • Père Vincent Lafargue

    Alors spontanément, non. Je ne me permettrai pas d'arriver et de parler de moi-même. L'aumônerie est un lieu où on écoute énormément. C'est-à-dire qu'on rentre dans une chambre, c'est d'ailleurs parfois comique, parfois on écoute une personne pendant une demi-heure, et à la fin de la demi-heure, elle nous dit « merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez dit » , alors qu'on n'a pas dit grand-chose. mais en fait à travers Ce qu'elle nous a dit, elle s'est retrouvée. Et donc ça, c'est toute la magie de ce qui se passe dans l'aumônerie. Mais il arrive, un, que des personnes me connaissent ou aient entendu mon témoignage et donc me demandent, alors qu'elles sont sur un lit d'hôpital, mais vous, vous qui avez vécu ça, qu'est-ce que vous pouvez me dire ? Alors là, j'en parle. Et puis, il arrive aussi que des personnes me fassent part d'une peur, d'un souci, de mourir, d'une angoisse. Et ça, c'est assez fréquent. C'est assez fréquent. La plupart des gens ont peur de la mort. Et donc, dans ce cas-là, je dis, écoutez, moi, de ma pauvre expérience, de ma petite expérience, j'ose vous dire que je crois que vous allez vers la lumière, vers la paix, vers la sérénité, vers quelque chose de très beau. Et si on m'en demande plus, j'explique pour quelles raisons je dis cela. J'y vais avec des pincettes parce que ce n'est pas le but d'arriver en disant « moi je sais, je ne sais rien du tout, j'ai juste ce que j'ai vécu et voilà, c'est un grand mystère que cette lumière en même temps » .

  • Benjamin Coste

    Oui, parce qu'en même temps, ce que vous avez vécu est énorme et en même temps, il reste toute une partie du mystère qui n'est pas dévoilée.

  • Père Vincent Lafargue

    Exactement, c'est comme si on m'avait levé juste un petit centimètre de nappe et tout le reste de la table est caché. et donc... Voilà, je peux dire ce que j'ai ressenti, ce qui a changé ma vie, ce que je ressens encore aujourd'hui. Et souvent, ça rassure. Et puis alors, surtout, je me rends compte, lorsqu'il m'est donné, et ce n'est pas rare, d'accompagner une personne jusque à cet instant-là, je vois cette sérénité. C'est-à-dire que même si la personne était crispée, était en proie à des douleurs terribles ou bien à une angoisse terrible, la seconde avant de passer dans la mort, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est assez fou. Des fois, j'ai l'impression de voir dans les yeux de la personne en miroir cette lumière qu'elle est en train de voir ou ce qu'elle est en train de contempler. Je vois tout à coup que la personne devient totalement paisible avant de rendre son dernier souffle.

  • Benjamin Coste

    Et ça, parce que vous pensez que c'est parce que vous avez aussi fait cette expérience que c'est peut-être la même lumière que vous avez vue et qu'elle voit actuellement ?

  • Père Vincent Lafargue

    Ça colore en tout cas, évidemment, ce que je peux ressentir. Enfin, une des choses qui m'aide, je crois, dans mon travail d'aumônier, c'est que j'ai hurlé sur un lit d'hôpital en attendant la morphine qui ne venait pas. Et donc, je sais que la souffrance, la douleur est un maître impitoyable. Il y a certains moments, dans ma chambre d'hôpital, on m'aurait laissé un revolver sur ma table de nuit, j'aurais tiré. Pas sur l'infirmière, sur moi. De douleur. donc je peux peux comprendre de l'intérieur de mes tripes ce que vivent certaines personnes sur un lit d'hôpital. Et ça, évidemment, ça m'aide non pas à leur dire « je sais ce que vous êtes en train de vivre » parce que ce serait insultant, mais à leur dire « j'essaie de comprendre ce que vous souffrez actuellement et je me fais proche de vous » .

  • Benjamin Coste

    Beaucoup de chrétiens continuent d'avoir peur de la mort. Comment vous l'expliquez ? Est-ce que ça ne veut pas dire aussi qu'il y a peut-être un déficit de la part de l'Église, d'un discours, d'une parole sur les fins dernières, sur la mort ? Est-ce qu'il n'y a pas un manque ?

  • Père Vincent Lafargue

    Oui, je pense qu'il y a un manque. Les ouvrages d'ailleurs sur les fins dernières sont rares. Je pense à un petit ouvrage de Nathanaël Pujos qui s'appelle, je crois d'ailleurs, « Les fins dernières » , qui est excellent, ou quelque chose comme ça en tout cas, qui est remarquable. Mais les ouvrages à ce sujet chrétiens, spécifiquement chrétiens, sont très rares. Et donc, c'est encore plus rare de l'entendre en prédication. Et donc, oui, il y a un déficit, évidemment, alors qu'on a tout pour le prêcher. On croit en la résurrection, on croit en la mort comme un passage. Donc, pour ma part, je vais tout à l'heure célébrer des obsèques dans la paroisse où nous nous trouvons. Cela fait partie des choses que je prêche systématiquement aux obsèques, sans du tout ramener à mon expérience, mais simplement avec la foi que j'ai que cette personne est vivante de l'autre côté de ce passage qu'on appelle la mort. Et donc qu'il y a vraiment une foi en la vie éternelle que nous devons prêcher nous. Si on croit au ressuscité, c'est bien pour pouvoir aussi le dire autour de nous.

  • Benjamin Coste

    Pour terminer l'entretien, on a une petite série de questions qu'on pose à chaque fois à nos invités. La première d'entre elles, Père Vincent, ce serait de savoir quel conseil vous donneriez à une personne qui aurait vécu une expérience de mort imminente et que cette expérience peut-être, alors je ne sais pas si ça existe, mais que cette expérience encombrerait, qu'elle ne saurait pas trop quoi en faire.

  • Père Vincent Lafargue

    Alors le premier conseil, et quasiment le plus important, le seul, En parler. Ne pas rester seul avec ses images, avec ses visions. En parler. Oser en parler. On est beaucoup mieux accueillis aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Donc, oser en parler, vraiment. Dire, voilà ce qui m'est arrivé. C'est la première chose. La deuxième chose, lire. Lire, justement, des ouvrages qui en parlent. Ils sont beaucoup plus nombreux aujourd'hui. Ils sont très intéressants parce que tous ces ouvrages nous montrent qu'on n'est pas seul dans ce cas-là. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont vécu ces choses-là. Donc, c'est les deux conseils que je lui donnerais. Et peut-être simplement croire qu'elle n'est pas dingue non plus, parce que la plupart des gens commencent par se dire « je suis fou, c'est des visions » . Enfin, voilà. Non, non, non.

  • Benjamin Coste

    La deuxième question de cette petite série de questions finales, ce serait « quel est votre livre de chevet et celui que vous aimez lire et que vous relisez encore ? »

  • Père Vincent Lafargue

    Il y en a plusieurs, mais je vais essayer d'être atypique parce que je pourrais dire la Bible. Mais voilà, je vais parler du Conte de Montecristo. C'est un livre que j'ai découvert dans mon enfance. Et ça peut paraître étrange, une histoire de vengeance pour un religieux. Dieu est magnifiquement présent dans cette histoire parce que Edmond Dantes, lorsqu'il sort du château d'If, rentre dans une chapelle et hurle vers Dieu, « Maintenant, tu n'as pas fait ton travail, donc maintenant c'est moi qui vais prendre ta place. » Et il va se rendre compte à la fin de sa vie que non, nous ne pouvons pas prendre la place de Dieu. C'est lui qui punit les méchants et qui récompense les justes. Donc derrière cette histoire où Dieu semble parfois peu présent, il y a... une présence en filigrane jusqu'au personnage de prêtre dans lequel il se déguise d'ailleurs. Donc j'aime énormément ce roman et je le relis année après année. Pouvez-vous aussi, s'il vous plaît, Père Vincent, nous dire quelle est votre prière préférée ? Alors c'est la prière du pèlerin de la montagne. C'est une prière que l'on doit à un chanoine du Saint-Bernard, un Suisse, Gracien Volut. C'est une très très belle prière qui nous demande de marcher.

  • Benjamin Coste

    Est-ce que vous acceptez de nous la lire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Mais bien sûr. Seigneur Jésus, toi qui as fait un si long déplacement d'auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous, toi qui es né au hasard d'un voyage et as couru toutes les routes, celle de l'exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication, tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pire. pèlerin. Seigneur Jésus, toi qui as pris si souvent le chemin de la montagne pour trouver le silence, retrouver le Père, pour enseigner tes apôtres, proclamer les béatitudes, pour offrir ton sacrifice, envoyer tes apôtres et faire retour au Père. Attire-moi vers en haut, fais de moi un pèlerin de la montagne. À l'exemple de Saint Bernard, j'ai à écouter ta parole, à me laisser ébranler par ton amour. Sans cesse tenter de vivre tranquille, tu me demandes de risquer ma vie, comme Abraham dans un acte de foi. Sans cesse tenter de m'installer, tu me demandes de marcher en espérance vers toi, le plus haut sommet dans la gloire du Père. Créé par amour pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte par les sommets vers toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l'audace et l'adoration. Amen.

  • Benjamin Coste

    Père Vincent, une dernière question. Là, maintenant, si dans cette pièce, avec nous, le Christ apparaissait, qu'est-ce que vous aimeriez lui dire ?

  • Père Vincent Lafargue

    Merci. merci d'avoir été qui il a été lorsqu'il s'est incarné merci de ses paroles de ses actes dans sa vie parmi nous et puis merci encore davantage d'être mon compagnon de route jour après jour et d'être cette présence au plus intime de nous-mêmes de moi comme des autres donc c'est le merci qui me viendrait aux lèvres à mon tour et au nom de tous nos auditeurs d'un beau jour. C'est moi qui vous remercie, Père Vincent, de nous avoir accordé de votre temps et de nous avoir encore une fois partagé cette expérience. Et merci à vous d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour. Donc je vous encourage à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages de feu, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes d'Un beau jour et lire aussi chaque semaine la rubrique Rencontres dans le feu. magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne, Tous Saints, l'histoire de témoins de la foi racontée par Bénédicte de Lelys, Maman Prie, Sexo, Sacrée Histoire et d'autres encore. Merci encore pour votre écoute et rendez-vous le prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

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