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Un beau jour

Bérénice, de l'enfer conjugal à l’amour véritable

Bérénice, de l'enfer conjugal à l’amour véritable

47min |30/11/2025
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Bérénice, de l'enfer conjugal à l’amour véritable

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Description

À 33 ans, Bérénice, catholique pratiquante, se marie avec l’homme qu’elle aime. Très vite pourtant, un rapport malsain de domination s’installe. Love bombing, contrôle, dévalorisation systématique, puis la violence. Un jour, tout bascule – et elle trouve le courage de fuir. Dans cet épisode, elle raconte comment elle s’est libérée, comment la foi l’a tenue debout, et comment un beau jour, les écailles lui sont tombées des yeux, pour découvrir un tout nouveau mode de relation fondée sur la douceur.


Un récit fort, lumineux, qui parle de courage, de reconstruction et d’un Dieu « doux et humble de coeur » qui rend libre. 


Le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. 


Bérénice a créé l'association Miriam bien aimer pour la prévention des violences conjugales lors des préparations au mariage catholique : https://www.instagram.com/miriam.bienaimer/ 

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Bérénice

    Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir.

  • Anne-Françoise

    Bonjour, je m'appelle Anne-Françoise et vous écoutez Un beau jour, le podcast qui donne la parole à des croyants dont la vie et la foi ont été changées à jamais par un événement imprévu. Et dans cet épisode, je reçois Bérénice. Bérénice a 33 ans, elle est catholique pratiquante et s'est mariée il y a deux ans avec un homme qu'elle a dû quitter car il était violent. J'utilise un prénom d'emprunt pour préserver son anonymat. Alors que le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. Elle nous raconte cet événement traumatique qui a changé son regard sur l'amour, la vie, la foi et Dieu. Bonjour Bérénice.

  • Bérénice

    Bonjour Anne-Françoise.

  • Anne-Françoise

    Pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter l'objet symbolique que tu as apporté en lien avec ton histoire ?

  • Bérénice

    Je suis venue avec ma guitare. Ma guitare pour moi, c'est ce qui symbolise tout ce qui répond à la violence. La beauté, la joie d'être ensemble, le fait de chanter ensemble, la musique, tout ce qui me fait vivre finalement.

  • Anne-Françoise

    Tu as commencé à jouer de la guitare après cette histoire-là ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Et c'est aussi le lieu d'une vie intérieure. En tout cas, je peux vivre des choses belles en étant seule.

  • Anne-Françoise

    C'est quoi le morceau que tu aimes bien jouer en ce moment ?

  • Bérénice

    Une chanson de Jean Ferrat qui s'appelle « La femme et l'avenir de l'homme » .

  • Anne-Françoise

    Magnifique ! Alors, Bérénice, est-ce que tu peux nous dire un peu d'où tu viens ? Et notamment, en lien avec le sujet dont on va parler, qu'est-ce que tu as reçu de tes parents ? Comment est-ce qu'ils t'ont éduquée, notamment à l'amour ? Qu'est-ce qu'ils t'ont dit du mariage ?

  • Bérénice

    De ma famille, j'ai reçu d'abord des ressources extraordinaires. Le lien à la fois à une éducation chrétienne, dans le scoutisme, dans des écoles privées, dans le catéchisme. Une grande exigence intellectuelle et humaine. Une grande fantaisie. Donc d'abord ces ressources extraordinaires, mais aussi, de fait, mon père est un homme violent avec ma mère. Et toute mon enfance, j'ai vraiment vécu dans une grande souffrance. Il y a ça. Vraiment une atmosphère très difficile de violence permanente, de rapport aux autres marqués vraiment exclusivement dans la notion de domination ou de soumission. Et donc, de fait, socialement, pour moi, c'était très difficile les relations avec les autres. J'ai mis beaucoup de temps à être un peu plus posée. J'ai eu la chance de vivre des belles histoires d'amour aussi avec des hommes, mais marquées aussi par des choses que j'avais reçues, comme par exemple... une très grande importance autour de la virginité, de l'absence de contraception. Donc un message qui était assez rigide et en même temps très beau, mais très axé sur un rapport à la sexualité.

  • Anne-Françoise

    Tu as toujours voulu te marier ?

  • Bérénice

    Toujours voulu me marier. Toujours rêver de fonder un foyer heureux. J'avais aussi beaucoup ce désir d'être en relation avec un homme, d'être aussi aimée comme je ne l'avais pas forcément toujours été. Dans mon enfance.

  • Anne-Françoise

    Et alors, tu disais que tu avais vécu d'autres relations avant de rencontrer ton ex-mari. Est-ce qu'il y a des choses qui t'ont marquée dans ces relations ?

  • Bérénice

    Tout n'était pas toujours très sain. Je me suis beaucoup adaptée. Mais ce que j'en retiens aussi, c'est le rire, la joie d'être ensemble, la musique, le fait d'être au service des autres, dans l'hospitalité, que l'amour soit tourné vers l'extérieur. Vraiment cette notion de fantaisie.

  • Anne-Françoise

    Et alors, comment est-ce que tu as rencontré... Henri, donc ton ex-mari.

  • Bérénice

    Je l'ai rencontré une soirée où tout de suite, à la fois il m'a immédiatement dit qu'il était intéressé par moi. Il y avait une relation qui a été très intense, très vite, où il me disait sans arrêt que j'étais quelqu'un d'exceptionnel, qu'il avait vraiment envie de s'engager, c'est quelque chose qui m'avait beaucoup fait souffrir dans des relations précédentes, la difficulté à s'engager. Donc ça répondait vraiment à des désirs que j'avais. Il avait aussi une grande exigence intellectuelle. Donc il y avait beaucoup de sujets où on pouvait se rejoindre. Et puis, on appelle ça du love bombing. Le fait de me répéter sans arrêt que j'étais belle, qu'il m'aimait. Et donc, très vite, il a été question de se marier. Et il m'a demandé en mariage un moment où je ne m'y attendais pas du tout. Et quand quelqu'un est à genoux devant vous, c'est très difficile de répondre autre chose que oui. Et puis, je me suis dit qu'il fallait quand même que je prenne un temps de réflexion après. Mais en fait, en revenant du parc où on avait été se balader, où il m'a demandé ça, on a retrouvé des copains et il leur a immédiatement annoncé qu'on était fiancés. Donc tout de suite, l'étau se resserrait et j'avais de moins en moins de liberté de choix. On a décidé de se marier très vite, puisque j'avais quand même un certain âge et ça ne me paraissait pas délirant d'avancer. Et donc très rapidement, il y a des sommes qui ont été engagées, toute ma famille était au courant, tous mes amis. J'avais moins de liberté et puis cette relation, elle a été immédiatement, dès le début, très intense et de fait assez violente. Au bout de quelques semaines déjà... Il s'est mis à hurler. J'ai eu peur, mais après, on en a parlé. Il me disait aussi que ce que j'avais vécu dans ma famille, c'était scandaleux, ça l'indignait beaucoup. Donc c'était incroyable pour moi d'avoir quelqu'un aussi qui posait ses limites là, sur ce que j'avais pu vivre. Donc c'était impossible pour moi d'imaginer que ce que je vivais avec lui, c'était la même chose. Je pense qu'il y avait quelque chose de familier dans ce qu'on vivait. C'est ce que j'avais reçu dans mon enfance. C'était difficile pour moi d'en sortir. le soir de nos fiançailles on s'est retrouvés tous les deux Et il y avait quelque chose qui l'avait vexé, qui n'avait aucun sens. J'avais voulu refuser un cadeau qu'on nous avait fait à deux, parce que pour moi, ce qu'on m'avait toujours dit, c'est que pas de cadeau à deux pendant les fiançailles, on ne commence pas à unir nos vies et à avoir de la propriété en commun. Tout ce qui peut créer un lien trop fort avant d'être mariée, ça n'a pas de sens. Et ça l'a rendu fou que je refuse ça. Et donc pendant des heures, je me suis en été dans la rue, il criait et je n'arrivais pas à me faire entendre. Je ne savais pas comment faire pour qu'il... comprennent. Et c'est quelque chose qui a été pendant toute notre relation, cette notion de, mais il faut juste que je lui explique qu'il n'a pas compris. Ce que je ne voyais pas, c'est qu'en fait, ce n'est pas qu'il ne comprenait pas, c'est que ça ne l'intéressait pas de comprendre. Il voulait un peu se décharger aussi, parce que cette journée de fiançailles, ça avait été assez intense, donc il avait un peu envie de se défouler. Et puis, c'était une façon aussi de créer une relation où j'étais vraiment soumise. J'étais prête à anticiper ses moindres désirs pour ne pas vivre ces moments de violence. Et donc je m'adaptais en permanence, j'essayais toujours d'anticiper ce qui pourrait lui faire plaisir. D'être douce, il m'avait dit quand on se voit, je veux que tu sois souriante, avenante, agréable. Il m'avait beaucoup dit que je regardais ce qui était triste dans la vie. Quand j'essayais de lui dire ça ne me va pas, il me disait mais Bérénice, il faut être quelqu'un de positif. Donc il faut que tu regardes ce qu'il y a d'heureux dans notre relation. et pas de concentrer sans arrêt sur ce qui est compliqué. Donc finalement, il n'y avait plus aucune place pour ce que je ressentais, pour mes désirs, pour mes besoins et pour les limites que je souhaitais lui poser. Je pense qu'un point qui est important, c'est de dire que je lui ai posé ses limites. Je faisais quand même cet effort difficile de dire ce qui ne m'allait pas, d'essayer de lui demander de prendre des temps pour parler en cœur à cœur, dire ce sur quoi on avait avancé dans notre relation. Le problème, ce n'était pas que je lui disais. disent, le problème c'est qu'ils n'écoutaient rien. Et donc pendant nos fiançailles, de fait, il y a eu des alertes. Il y a eu ce moment où je lui ai dit « Mais j'ai peur de toi Henri. » Il m'a répondu « Mais tu n'as pas peur de moi Bérénice. Tu as peur des hommes parce que tu as peur de ton père. » J'étais tellement enfermée. En fait, à la fois il me disait que j'étais quelqu'un d'extraordinaire, il me valorisait beaucoup sur des choses intellectuelles par exemple, mais sur la partie relationnelle et affective. Il me dévalorisait énormément, il me disait que je ne savais pas entrer en relation avec les autres, que je faisais des erreurs sociales. Il me critiquait beaucoup, par exemple, quand on sortait d'un dîner, il me disait que je devais le mettre en valeur, que je l'avais contredit devant les autres, que c'était inacceptable, et que je ne savais pas me tenir, que les gens ne m'aimeraient pas à cause de la façon dont je me comportais, parce que je faisais des blagues, parce que je riais trop fort. Il y avait toujours une raison. Cette dévalorisation permanente, mêlée à des moments où je me disais « il est extraordinaire » , J'ai tellement de chance d'être avec lui. Ça faisait qu'il avait totalement remplacé mes pensées par les siennes. Je me souviens de dîner où je disais « Ah là là, je ne peux pas vous expliquer. En fait, il faudrait que Henri soit là pour vous expliquer. » C'était un monde de la force. Il fallait être plus fort que les autres parce que sinon, on allait se faire écraser. Le monde n'était que domination et soumission. De fait, pendant nos fiançailles, il y a eu des alarmes. Je pleurais quand même beaucoup. Je me suis fait virer de mon job parce que je ne faisais que pleurer en réunion. Je me levais au milieu de mes réunions pour aller pleurer dans les cabinets. Je me posais sans arrêt la question de ma valeur. Je me souviens que quand on me demandait de prendre les notes en réunion, je me disais voilà, je suis juste l'assistante de direction.

  • Anne-Françoise

    Et alors que tu as fait des études brillantes.

  • Bérénice

    J'ai fait une grande école de commerce et effectivement l'ENS. Donc j'aurais pu m'accrocher à ça pour me dire que j'étais capable de faire des choses. De fait, je n'étais pas du tout assistante de direction. Je prenais les notes parce que j'étais dans des comités de direction où j'étais qu'avec des grands patrons. Donc c'était un peu normal qu'à 30 ans, ce soit mon rôle. Mais c'était un emploi qui était incroyablement intéressant avec des très hautes responsabilités. Mais il avait réussi à me faire croire que c'était un peu nul ce que je faisais, que j'avais choisi ça par défaut. Donc il y a eu ces moments où j'étais incroyablement triste. Mais voilà, il m'avait convaincu que tout ça, c'était ma faute, que c'était quelque chose que je portais en moi. Et il arrivait à retourner toutes les alarmes. Je me souviens que pendant la préparation au mariage, il y a un des prêtres qui nous a rencontrés, qui a appelé le prêtre qui nous mariait, en lui disant, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette relation. Il a pris la main sur elle. Et donc, je me sens très bien. J'étais au boulot et il m'a appelé dix fois. Donc, j'ai fini par sortir du boulot pour aller répondre à ses appels. Là, il m'a encore hurlé dessus au téléphone pour me dire « Mais t'as encore raté, tu t'es comporté de façon inacceptable pour que ce prêtre pense ça. Donc maintenant, tu vas voir le prêtre qui nous marie pour lui dire qu'il n'y a pas de problème. » Et je me souviens d'avoir pensé au fond de moi quel dommage que ce prêtre ait appelé le prêtre qui nous marie. Quel dommage qu'il ne m'ait pas parlé à moi, parce que c'est la seule fois où j'aurais pu avoir un espace pour dire au secours. Donc si vous êtes un prêtre qui voit un couple qui ne va pas bien, n'oubliez pas le prêtre qui les marie. Agissez.

  • Anne-Françoise

    Il peut surtout peut-être parler avec les deux personnes.

  • Bérénice

    Je ne suis pas sûre qu'il faille parler avec les deux personnes. L'espace où ils sont à deux, ce sera toujours un espace où lui exerce sa violence.

  • Anne-Françoise

    Non mais l'un après l'autre ou non ?

  • Bérénice

    Peut-être l'un après l'autre. après juste avant le mariage, un mois avant le couple qui nous accompagnait a essayé de faire ça Et à ce moment-là, j'ai deux cousins germains, dont un qui est prêtre, qui m'ont prise à part. Ils m'ont dit, on est inquiet pour toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais je leur ai dit, mais non, Henri m'a tout expliqué. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de mon père. Il avait vraiment remplacé toutes mes pensées par les siennes, c'est étonnant. Et donc, on s'est mariés, c'est un souvenir abominable. Franchement, j'étais glacée de peur. À la fois, j'étais très heureuse de me marier, il y avait tous ses amis qui avaient fait le déplacement pour moi, j'étais hyper reconnaissante. et en même temps, je me suis en maîtrise. échappé à un moment du cocktail pour changer les places parce que je pensais que si les gens n'étaient pas bien reçus, qu'ils n'avaient pas une belle expérience, ils ne seraient plus amis avec moi, ils m'en voudraient. J'avais vraiment cette inquiétude permanente. Je n'avais pas compris que ça venait de lui. Il lui demandait d'aller faire un petit tour à un moment pour qu'on soit tous les deux ce jour-là. Il m'a dit non. Il a passé la soirée à parler avec ses copains. Moi, j'avais organisé un moment avec des musiciens qui étaient vraiment là, avec un violon, un banjo, pour qu'on puisse aussi danser autour de ça. Moi, j'ai vécu en Israël. J'adore ces moments de communion autour de la danse et ces mariages un peu comme ça, tellement joyeux. Il n'a pas voulu venir danser avec nous. Et voilà, le voyage de Noce, ça a été un moment assez difficile parce que là, j'étais vraiment complètement seule avec lui. Donc vraiment, l'étau se resserrait.

  • Anne-Françoise

    Et dans tout ça, est-ce que malgré tout, toi, tu te sentais aimée ? Est-ce que tu avais l'impression de l'aimer ? Est-ce qu'on peut parler d'amour dans ce que tu as vécu ?

  • Bérénice

    J'avais vraiment l'impression de l'aimer parce que je m'adaptais en permanence à lui. parce que je faisais tout pour essayer de le satisfaire. Il y avait ce fameux livre des cinq langages de l'amour qui m'avait expliqué que si j'étais une bonne épouse qui lui parlait son bon langage, il allait changer. Je l'aimais de la façon dont il me demandait de l'aimer, c'est-à-dire d'être à son service. Il était tout à fait féministe avant notre mariage. Après, il m'avait dit, j'assume une vision traditionnelle où c'est à toi de gérer le ménage. Donc j'avais vraiment l'impression de... de faire tout ce que je pouvais pour l'aimer, que lui essaie de m'aimer aussi. Il me disait quand même des choses très positives aussi. En fait, c'est ce qu'on appelle le cycle de la violence. On sent les choses monter, on s'adapte tout le temps parce qu'on a peur de l'explosion. Et puis, l'explosion arrive quand même parce qu'il n'y a rien qu'on peut faire, il n'y a rien que la victime peut faire. C'est lui qui choisit, en fait, de se défouler. Et puis, une fois qu'il s'est défoulé, il redevient gentil, il redevient valorisant. donc c'est à ce moment là, en fait on a été tellement terrifié que tout à coup, il est gentil, il est la personne qui console. Et donc, ça a été prouvé en neurosciences, ça crée un lien plus fort, en fait. Quand on a eu peur comme ça, et quelqu'un prend soin de vous, ça crée un attachement très fort. Et donc, je me disais, il est tellement extraordinaire, il a tout compris à la vie, il m'apprend cette vision que je comprenais pas, des relations sociales, moi qui voulais toujours dire aussi ce qui me déplaisait, ce qui me blessait. En fait, j'apprends qu'il faut sans arrêt montrer une image positive. Tout ça, je m'apprends à être meilleure avec les autres. J'avais l'impression d'être avec quelqu'un d'extraordinaire qui avait tout compris à la vie. Puis tous les soirs, on se mettait à genoux et on disait une petite prière. Donc j'avais vraiment l'impression de vivre une vie un peu idéale. Et puis en même temps, je me sentais quand même extrêmement seule. Il me disait des choses très négatives de mes amis proches, de ma famille.

  • Anne-Françoise

    Tu disais que tu avais quand même eu des réactions un peu autour de toi. Comment est-ce que tu étais accompagnée ? Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais aimé recevoir dans cette période de tes proches ou de personnes qui vous accompagnaient ?

  • Bérénice

    C'est sûr que j'en ai parlé à une copine. Je lui ai dit qu'il était très colérique. Elle m'a répondu, je ne peux rien te dire. Moi aussi, il crie beaucoup. Il faut déjà, pour accompagner, avoir une capacité à poser des limites et à dire, c'est inacceptable. Crier, c'est déjà une grande violence psychologique. Si tu as peur de lui, ce n'est pas une relation d'amour. Il aurait fallu que quelqu'un soit capable de poser ces limites précises en rentrant dans le détail des comportements qui ne sont pas acceptables. Il y a une chose que je n'avais pas comprise, c'est que C'est pas grave si on en discute après et que même qu'il demande pardon, ça change rien. Si son comportement ne change pas, il n'y a pas de relation en fait. Il n'y a rien qu'on puisse faire en s'adaptant qui puisse l'empêcher d'être violent. Moi, je faisais très attention à ce que quand il rentre, tout soit propre. Je repassais son linge, voilà, toutes ces choses-là. Et en fait, il n'y avait rien que je pouvais faire parce que sa violence venait de lui. il en était intégralement responsable. Et il aurait fallu que quelqu'un me pose ces limites-là précisément. Pas juste en me disant « t'as peur de lui , c'est surprenant », mais en rentrant dans le détail de ce qui n'est pas acceptable.

  • Anne-Françoise

    Donc tu disais que le jour du mariage et ensuite le voyage de noces étaient difficiles ?

  • Bérénice

    Je voudrais parler d'un sujet qui n'est pas évident et sur lequel je voudrais vraiment rester respectueuse et pas blessante pour les gens qui nous écoutent. Mais il faut quand même parler du consentement. C'est pas parce qu'on dit oui le jour de son mariage qu'on dit oui toujours. Moi, j'ai beaucoup entendu dans le monde catho que la femme a parfois pas envie et qu'il faut aussi qu'elle travaille un peu sur elle pour avoir envie de se donner. Je pense que c'est pas vrai. Je pense que si on n'a pas envie, il faut surtout réfléchir. Qu'est-ce qui fait que j'ai pas envie ? Est-ce que ça viendrait pas du fret que la relation est pas belle en ce moment, qu'il me parle pas bien ? Évidemment qu'on peut pas désirer quelqu'un qui... parle pas bien. Et plusieurs fois, j'ai cédé parce que je sentais qu'il allait s'énerver. Je vois aussi des femmes qui me disent que comme c'est les seuls moments où il est gentil, elles cherchent ces moments beaucoup et elles sont prêtes à céder quand ils manifestent le désir de le faire, même si de fait, elles ont pas forcément de désir. Je pense que ça, c'est vraiment de la violence. Ce n'est pas parce que ces moments peuvent être doux, peuvent être de l'intimité, que c'est acceptable que ce soit les seuls moments heureux, par exemple. Et donc, oui, le voyage de Noce a été difficile, mais aussi simplement parce que j'étais seule avec lui et que là, il pouvait vraiment se déchaîner. Je me souviens qu'on gravissait des montagnes ensemble et puis il trouvait que j'allais trop lentement. Donc, il montait et puis il m'attendait là-haut.

  • Anne-Françoise

    Et comment, du coup, dans tout ça, tes yeux ont commencé à s'ouvrir sur votre relation ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que c'est un jour dont je me souviendrai toujours. Il y a un an et demi, il n'était pas content de la façon dont j'avais étendu le linge. Il manquait une roulette de l'étendoir et du coup, j'avais empilé des bouquins pour que ça tienne. Et donc, il s'est énervé en me disant, pour une fois, tu vas faire les choses bien. Donc, tu vas chercher la roulette dans le placard. Je n'étais pas très contente. Je trouvais ça ridicule qu'il m'impose ça. Donc, j'ai été voir dans le placard. et puis je suis revenue un peu en me marrant en lui disant écoute Je ne l'ai pas trouvé, donc voilà, maintenant, on accepte ça comme ça. Et là, il s'est vraiment énervé, il m'a prise par les épaules, et il m'a emmenée dans le placard, où il m'a poussée, je suis tombée, et il m'a dit « maintenant, tu cherches la roulette » . Je me suis mise à pleurer, j'avais mal, j'avais des bleus, et puis j'étais dans ce placard où il venait de me projeter, et il m'a dit « non, non, tu arrêtes de faire ton intéressante, c'est des larmes de crocodile et maintenant tu cherches la roulette donc j'ai cherché la roulette Je l'ai mis sur l'étendoir. J'ai étendu le linge en silence, en attendant qu'il se calme. Et puis, je suis allée pleurer dans notre chambre. Et il est revenu en me disant, écoute, je vais être gentille avec toi. Je vais t'apprendre à repasser mon linge. J'ai bien vu que tu ne savais pas repasser mes chemises. Donc, je vais t'expliquer comment on fait. Je lui ai dit non et il s'est énervé en me disant, mais je suis gentille. Je passe au-dessus de ce qui s'est passé. Et je veux t'apprendre quelque chose. Et tu réagis comme ça, c'est quand même pas possible. Et puis, on s'est couché. Et le lendemain matin, il voulait m'embrasser. Il était tout gentil. Et vraiment, ça, c'est le moment où je ne pouvais plus. J'étais glacée. J'avais l'impression d'être dans une mauvaise série télé, donc j'ai fait ce qu'on fait dans une mauvaise série télé. J'ai été chez le médecin et je lui ai demandé un certificat, parce que j'avais des bleus, parce que j'étais vraiment en état de choc. Le médecin m'a fait un petit certificat. Et vraiment là, j'étais désespérée, parce que je lui avais demandé qu'on aille voir un conseiller conjugal, et il refusait absolument, et je ne voyais plus aucun avenir. S'il en venait à la violence physique, S'il avait franchi cette limite-là de plus ? Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir. Voilà, j'ai demandé à trois copines si je pouvais dormir chez elles. parce que je me disais peut-être qu'il y en a une qui acceptera. Évidemment, en fait, tout le monde a accepté. J'avais tellement peur de déranger que je dormais chez l'une puis chez l'autre parce que j'avais l'impression de prendre de la place. Donc, il m'appelait en permanence. Il me disait, je veux juste te ramener à la raison. Il m'envoyait des mails très, très en colère en me disant, tu me le dois, je suis ton mari. Il me donnait rendez-vous à un endroit. Je lui disais, je ne veux pas venir tant que tu n'acceptes pas qu'on aille voir un... un conseiller conjugal. Et donc, après, il me répondait, je t'ai attendu pendant des heures là où je t'avais donné rendez-vous, pourtant je t'avais acheté des fleurs. Et j'ai fait ce qui est la grande classique, c'est-à-dire qu'il a accepté finalement d'aller voir un conseiller conjugal, et donc j'ai accepté de revenir. En moyenne, il faut sept fois pour réussir à quitter un homme violent. J'avais cette idée qu'on était mariés pour la vie, et que voilà, j'avais accepté, et j'avais encore cet impératif tellement à la fois de... lui faire comprendre ce que c'était qu'une relation saine et heureuse, parce que c'est tellement merveilleux, et je trouvais ça triste qu'il n'ait pas ça. Et puis, je pensais vraiment que je pouvais le changer, si je m'adaptais, si je lui montrais, si je lui faisais comprendre. Et donc, on a été reçus plusieurs fois par une conseillère conjugale. En petit aparté, c'est inacceptable. La déontologie d'un thérapeute conjugal, c'est qu'il ne faut pas créer l'espace de la violence, et de recevoir ce couple à deux, c'est créer un nouvel espace de violence. C'est des gens qui sont des très bons manipulateurs, donc qui sont vraiment capables d'embarquer avec eux le thérapeute conjugal, par exemple de donner à chacun des exercices à faire. La victime, elle n'a pas à changer, elle n'a pas à s'adapter, elle n'a pas d'exercice à faire. Donc ce qui est important dans ces cas-là, c'est d'avoir un accompagnement personnel et d'être accompagné globalement par un psy et par une association. Et de fait, au bout d'un moment, il a continué à être tellement violent, la violence remontait tout le temps. Donc il m'avait promis qu'il allait changer, que les choses allaient être différentes, qu'il me demandait pardon tous les soirs. Et puis ça n'a pas du tout été le cas. Il continuait à crier, je me souviens de me réveiller au milieu de la nuit en pleurant parce qu'il avait encore été odieux. Et il s'est réveillé et il était fou de rage que je sois en train de pleurer. Il m'a ordonné de me calmer, il me disait que je faisais mon intéressante. Et voilà, au bout d'un moment, il y a un moment où je me suis dit mais en fait j'en peux plus. De toute façon il n'a pas de limite, j'en ai assez. je suis allée me mettre dans un café Et dans ce café, il y avait un concert, il y avait des gens qui jouaient de la guitare et qui chantaient des chants traditionnels. Et tout le monde chantait avec eux. C'était un moment merveilleux. Et j'ai tapé sur Google « violence conjugale » . Je suis tombée sur un livre. Et j'ai lu le livre toute la soirée. Et mes yeux s'ouvraient. Et donc ça nommait les unes après les autres toutes les choses que je vivais. Ça nommait ce cycle de la violence. Ça expliquait que c'était lui qui choisissait d'être violent. qu'en fait... C'était un système de croyance qu'il avait. Voilà, j'étais sa chose qui me regarderait toujours comme une chose parce qu'il ne me voyait jamais comme une personne. En fait, il avait décidé d'être comme ça, au fond. Il ne pouvait pas agir sur cette décision.

  • Anne-Françoise

    Il s'appelait comment ce livre ?

  • Bérénice

    Il s'appelait « Pourquoi fait-il ça ? » Alors moi, je l'ai lu en anglais « Why does he do that ? » et j'ai trouvé que c'était un mélange magnifique par quelqu'un de fait qui ne se revendique pas comme chrétien mais qui a une vision de la vie et de l'homme qui est... tellement, tellement chrétienne, de fait, tellement belle, du mariage chrétien, d'un mariage heureux, de ce qu'on donne dans une relation, de ce que c'est que se donner, et de ce que c'est aussi de ne pas se donner. Et de fait, il décrivait des types de personnalités violentes. En fait, c'était drôle. Et donc, je me souviens d'être dans ce café, avec cette musique, cette joie, et en fait, je riais, parce que tout à coup, il était démasqué. Et je pense que c'est ça qui m'a le plus aidée. C'est qu'après, quand il tentait ses comportements, je voyais tout, je le voyais, ses manipulations à l'œuvre. c'était mesquin, c'était petit. Et ça ne marchait plus sur moi. Et je crois que ton podcast s'appelle Un beau jour. Vraiment, moi, il y a un jour où les écailles me sont tombées des yeux. Et j'ai compris que tout ce que j'avais toujours appris dans ma famille, dans ma vie, dans cette relation, cette idée que dans la vie, il faut être fort, que le monde est fait de relations de domination. En fait, ce n'est pas vrai. En fait, ça marche en superficialité. C'est ce qu'on appelle le monde, la vie mondaine. Il y a des gens qui fonctionnent dans cette logique, donc si on marche dans cette logique, on pourra gagner du pouvoir. C'est pas ça la vie. C'est l'évangile du dimanche 23 novembre, l'évangile du bon larron. Il y a deux choses qui me frappent là-dedans. La première, c'est qu'en fait, il y a un écriteau sur la croix où il y a écrit « Ici est le roi des Juifs » . Et tous les gens sont en train de crier, de dire à Jésus « Sauve-toi toi-même » . C'est écrit, il n'y a pas de secret, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas de façon de connaître l'univers où tout à coup on découvre le secret de la force et de comment tout gagner, le pouvoir, l'amitié des autres, parce qu'en fait il faut juste être fort. Tout était là, c'est le message que j'avais reçu toute ma vie, je suis doux et humble de cœur. Je me souviens que tout à coup je me suis dit mais Henri n'est pas doux et humble de cœur. Et puis la deuxième chose c'est que Jésus n'ouvre la bouche qu'une fois. C'est quand le bon larron lui parle que le bon larron nomme l'injustice en disant mais voilà un homme qui est innocent. C'est le seul moment où Jésus lui répond et Jésus lui répond pour lui parler du royaume. C'est ça qu'on a envie de créer, c'est le royaume. C'est quelque chose qui m'habite depuis ce jour-là. Le royaume de Dieu c'est rien de plus que ça, c'est juste rentrer en relation avec les autres sans essayer de les manger, sans prendre le pouvoir sur eux, juste en les acceptant là où ils sont. En faisant l'effort de les écouter jusqu'au bout, j'ai pas mal discuté avec un copain qui a des enfants qui font des choix qui pour lui sont terribles, qui sont vraiment tout ce qu'il a. Essayer de ne pas leur transmettre. Et il me disait, je m'assieds avec eux, je leur demande qu'est-ce qui fait que tu décides de faire ça ? Avec un immense respect de choix, de leur conviction. Il va jusqu'au bout. Il n'essaye pas de leur imposer ses idées. Vraiment, ça m'a bouleversée qu'il me raconte ça. Juste en faisant ça... En écoutant les autres et en les recevant là où ils sont, déjà on construit le royaume de Dieu. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas poser de limites, ça ne veut pas dire qu'on laisse les autres nous manger, ça veut juste dire qu'on construit cet espace d'écoute.

  • Anne-Françoise

    Il y a eu un pas en avant après dans ta vision du monde et dans ta façon de vivre ta foi ?

  • Bérénice

    Je dirais que c'était du jour au lendemain. J'ai découvert un mode de relation où je pouvais être totalement authentique, on ne me demandait pas... d'être forte en permanence, de dire que j'allais bien, de raconter que des choses positives. Je pouvais dire globalement à peu près tout ce qui me passait par la tête. En fait, ça faisait rire les gens. Et je pouvais vraiment les accepter jusqu'au bout. Ils n'ont pas les mêmes choix que moi. En fait, c'est intéressant. Ça m'apprend plein de choses. Même si c'est fondamentalement opposé intellectuellement, ça ne veut pas forcément dire qu'on ne se rejoint pas au fond sur le désir de beauté, le désir d'amour. et qu'on ne peut pas se retrouver.

  • Anne-Françoise

    On dirait étonnamment qu'il y a quelque chose qui t'a ouvert le cœur.

  • Bérénice

    C'est vraiment ça. J'ai une amie psychiatre qui m'expliquait que quand on a une structure de personnalité qui est fondée sur la violence, il faut passer par une étape de déconstruction qui passe souvent par une très forte dépression. De fait, c'est ce que j'ai vécu. J'ai été arrêtée pendant un an. Je n'ai pas pu travailler. Mais cette dépression qui a mis à bas tout ce que j'avais reçu, tous les mauvais réflexes que j'avais. tous ces désirs de paraître, d'être la plus forte, d'être préférée aux autres, tout ça, je ne dis pas que je ne suis pas toujours quelqu'un de terriblement pêcheur et que cette tentation de prendre le dessus sur les autres n'est pas évidemment permanente, mais ça m'a permis aussi de découvrir un mode de relation complètement différent, fondé sur la douceur et vraiment sur l'intérêt pour les autres jusqu'au bout. Je voudrais juste te lire une citation de Simone Veil. C'est rigolo parce que Paris, c'était une citation que je connaissais depuis très longtemps, depuis mes 20 ans, et tout à coup qui m'a éclairée. Elle dit « Les grands fauteurs de violence se sont encouragés eux-mêmes en considérant comment la force mécanique, aveugle et souveraine dans tout l'univers. En regardant le monde mieux qu'il ne fond, nous trouverons un encouragement plus grand si nous considérons comment les forces aveugles innombrables sont limitées, combinées en un équilibre, amenées à concourir à une unité par quelque chose que nous ne comprenons pas, mais que nous aimons et que nous nommons la beauté. » Ça m'émeut énormément cette citation, j'ai des larmes aux yeux. C'est vrai, il y a un royaume de la force. Il existe en ce monde, mais vraiment, si on voit que ça, on a raté toute la vie. Vraiment, ça a été tellement dur cette année de dépression. Je ne pouvais plus travailler. J'étais en révolte contre Dieu. Et en même temps, j'ai beaucoup aimé ce que tu as dit, Anne-Françoise. Ça m'a ouvert le cœur. J'ai vraiment retrouvé une vie de foi dont j'avais été privée. Pourtant, je priais tous les jours avec mon mari, à genoux, devant notre petit crucifix. Mais j'étais tellement loin de Dieu. Et il y a vraiment un... Une source jaillissante, une eau très fraîche qui a changé ma vie. J'ai l'impression que toute ma vie, j'étais comme dans le désert. Et de temps en temps, Dieu me donnait quand même des petites gouttes d'eau, des moments de foi qui me nourrissaient. Mais tout à coup, je suis arrivée dans un pays verdissant. Il faut avoir marché dans le désert. Tout à coup, on trouve une rivière et tout autour, il y a des arbres. C'est tout vert, il y a des fleurs, ça sent bon.

  • Anne-Françoise

    Quelles ont été tes ressources justement pour te reconstruire ?

  • Bérénice

    Ah oui, ça je pense que c'est très important aussi. Moi je suis quelqu'un de très scolaire, comme tu disais, j'ai fait des grandes études. Et donc je savais que quand on est victime de violences, on va avoir une association qui accompagne des victimes de violences. C'est ce que j'ai fait. Attention de terribles féministes ! Parfois, ça fait un peu peur dans certains mondes un peu traditionnels. Je pense que comme dans la parabole du bon samaritain, on peut être aidé par des gens qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait. Je n'ai jamais été autant respectée dans ma liberté et dans mon discernement que par ces associations qui m'ont accompagnée, qui n'ont jamais essayé de toucher à quoi que ce soit de ma foi et de mes convictions, qui m'ont juste partagé que ce que faisait mon ex-mari était illégal. que ça dépassait des limites et que ça ne me respectait pas. Je me souviens d'une femme qui m'a dit « ça me fait peur ce que vous me racontez, il me fait peur cet homme » et qui m'a donné quelques clés assez simples. Mais vraiment, si vous êtes victime de violence, si vous n'arrivez pas à partir, si vous ne souhaitez pas partir, si vous avez peur que vous perdiez votre foi, par exemple, souvent on a cette image que si on est victime de violence, on va quitter sa communauté, on va quitter sa foi, on va quitter toutes ses convictions. On devient une divorcée avec un grand D. Et bien, ces gens vous respectent infiniment. Vous n'avez pas besoin de perdre votre foi. Il y a des gens qui vous accueilleront et des gens dans l'église aussi. Donc ça, ça a été une ressource exceptionnelle.

  • Anne-Françoise

    Quelles associations, par exemple ?

  • Bérénice

    Il y en a énormément. Moi, j'ai été voir une association à Paris qui s'appelle Elles Imaginent. Mais globalement, c'est un esprit qui est vraiment très présent dans la plupart des associations. Et puis, vous avez un discernement si ces associations vous n'aident pas à changer. Il y a une vraie offre. On a beaucoup de chance en France. Même si vous habitez dans le fin fond d'un village, il y aura quelque chose pas trop loin de chez vous. Il y aura une ligne téléphonique, le 3919, que vous pouvez appeler. Moi, il y a une autre chose qui m'a vraiment énormément aidée. Toujours comme dans les mauvaises séries, j'ai porté plainte. J'avais vraiment l'impression de faire mon intéressante. Il ne m'avait pas roué de coups, il ne m'avait pas envoyé à l'hôpital. Qui étais-je pour porter plainte ? Vous savez, on est très, très dévalorisé, on n'a aucune confiance en soi. Et en fait, je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde, mais moi, j'ai été très bien accueillie par des gens qui ont été très respectueux. Il y a eu une confrontation avec lui et c'était extraordinaire parce qu'il se comportait exactement comme s'il s'est toujours comporté avec moi. Mais là, il y avait des extérieurs qui nommaient le fait que c'était inacceptable, qui étaient choqués, qui le voyaient. Et après cette confrontation, ils m'ont dit si jamais ça n'aboutit pas, si cette plainte s'arrête là, ça ne vaudra pas dire qu'on ne vous croit pas. On vous croit. Et de fait, son comportement les a tellement choqués qu'ils ont ouvert une instruction. Donc une instruction, ça veut dire qu'ils ont reconnu les chefs de viol. Et donc ça, je pense quand même que ça doit être su. Aujourd'hui, il est sous contrôle judiciaire, il n'a pas le droit de m'approcher. Oui, j'ai été évidemment accompagnée par une psychologue, personnellement aussi, qui m'a permis de travailler sur toutes ces choses que j'avais reçues, tous ces événements quand même très traumatisants. qui m'empêchait beaucoup de vivre, là aussi qui n'est pas du tout gâteau, mais qui m'a permis aussi de remettre en question. Le fait qu'il y ait beaucoup de choses que j'avais reçues de par mon éducation qui n'avaient rien à voir avec la foi. Rappelons quand même qu'une grosse partie de mon éducation, soit dans le scoutisme ou dans les différents groupes de prière et vœux de formation que j'avais eus, on avait quand même beaucoup beaucoup parlé par exemple des règles autour de la sexualité que je ne remets pas en question. Mais je constate que quand Jésus prend la parole, déjà il n'évoque jamais ces sujets, pas une seule fois, et qu'en revanche, en permanence, il s'attaque aux puissants et aux forts, que les prophètes en permanence ne parlent que de ça. Il y a cette phrase du prophète Amos qui dit « Bientôt la bande des vautrés n'existera plus. Vous les riches, vous allez être abattus. Dieu casse les dents du méchant. » C'est vraiment vrai. La seule chose qu'on peut souhaiter à ces gens violents, c'est que Dieu leur casse les dents pour qu'ils arrêtent de manger les autres et qu'ils puissent rentrer en relation parce qu'ils n'ont plus que des gencives. Du coup, ils vivent ce que c'est que la douceur.

  • Anne-Françoise

    Et toi-même, tu as créé une association pour encourager le dialogue sur ces sujets dans la préparation au mariage catholique, si j'ai bien compris. Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Donc j'ai créé avec une équipe d'une dizaine de personnes. On est tout un collectif qui est pluridisciplinaire, avec des sages-femmes, des psychologues, des gens dont c'est vraiment le métier d'accompagner les femmes. Et donc dans cette association, notre objectif, ça n'est pas d'accompagner les femmes victimes de violences, parce qu'il y a des gens qui le font très très bien, et mieux qu'on ne le fera, et qu'on n'a pas les moyens de le faire. Il y a une association exceptionnelle, par exemple, qui s'occupe des femmes catholiques, qui s'appelle l'Étoile du Berger. Nous, notre but, c'est de sensibiliser et de faire connaître ça, notamment dans les préparations au mariage. On a une richesse exceptionnelle dans l'Église catholique en France, c'est qu'on accompagne tous les ans des dizaines de milliers de couples au mariage. Les statistiques sont simples, en fait c'est au moins un couple sur huit où il y a de la violence, donc c'est quand même une responsabilité d'accompagner ces couples. Et pareil, on ne peut pas parler des questions de sexualité si on ne prend pas en compte le fait qu'un enfant sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Et donc l'idée, c'est qu'on propose un atelier, un dîner qu'on peut faire dans une préparation au mariage, dans une soirée de préparation au mariage, pour aborder ces sujets avec une immense délicatesse, un immense respect. Et surtout, surtout, en portant le vrai message de l'Église là-dessus. Parce qu'en fait, c'est des sujets qui sont tellement prégnants dans toute la société. Bien sûr, nous, les cathos, on n'est pas épargnés, mais c'est partout. Il y a des gens qui viennent de partout. de partout pour se préparer au mariage qui ne sont pas spécialement pratiquants et qui ont vécu des choses ou qui vivent des choses. Et nous, l'Église, on a ce devoir de leur porter ce message lumineux, ce message du royaume de relations sans violence. C'est quand même important. On leur dit que c'est possible. Dans l'association, il y a pas mal de femmes qui ont vécu des choses abominables, mais qui ont reconstruit dans des relations où il n'y a pas de violence, en fait. Ça existe. On entend souvent que la première année de mariage, c'est très difficile. Je veux bien. Peut-être que c'est difficile de s'adapter à l'autre. Si on n'avait pas l'habitude de ranger ses chaussettes, je veux bien. Mais ça ne veut pas dire que les assiettes doivent voler. Il y a des limites, en fait. Et tout ça, c'est le cœur du message de Jésus. Le souci des faibles, des victimes. C'est tout ça qu'on a apporté au monde. On a un vrai travail de pouvoir le faire.

  • Anne-Françoise

    Elle s'appelle comment ton association ? Comment est-ce qu'on vous contacte ?

  • Bérénice

    Elle s'appelle Myriam. Myriam, en égyptien ancien, une des étymologies possibles, c'est la bien-aimée. Et donc, on s'appelle Myriam-Bien-Aimer, E-R. C'est ça qu'on veut apprendre ensemble, c'est de bien aimer. Donc, on a un site internet, on a un Instagram. Vous pouvez nous contacter par mail si vous voulez des ressources. Évidemment, si vous vous occupez de préparation au mariage. Si vous voulez vivre ça dans votre préparation au mariage, contactez-nous. Nous, on a vraiment cet objectif de se déployer partout en France, porter ce message de l'Église.

  • Anne-Françoise

    Et donc, quand on accompagne des couples, je pense à des prêtres ou à des personnes qui font de la préparation au mariage ou à même des personnes qui sont proches, qui sont amies de couples où ils perçoivent qu'il y a des difficultés, qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce que toi, tu aurais aimé recevoir ?

  • Bérénice

    Je pense que la première chose, c'est une infinie délicatesse et un immense respect. C'est des gens, il y a déjà quelqu'un qui leur dit tous les jours quoi faire. Vous pouvez proposer des ressources, vous pouvez proposer d'être là, d'accompagner, mais vous ne pouvez pas leur dire quoi faire. D'abord, si vous leur dites de quitter leur mari, elles vont se mettre dans une réaction défensive. Ou de quitter leur femme, ça arrive aussi aux hommes. C'est encore plus tabou, mais ça arrive aussi. Donc, ne leur dictez pas des comportements, mais proposez-leur deux choses. Nommez ce qui n'est pas acceptable et orientez vers des gens qui sauront les accompagner. Donc évidemment, recommander un accompagnement par un psy, un vrai psy, un clinicien. Il y a beaucoup de thérapeutes plus ou moins bien formés à la question de la violence. Je pense qu'il faut se faire accompagner par des vrais professionnels et par des associations qui sauront vraiment avoir des ressources. Un conseiller conjugal, s'il accepte de proposer cet espace-là pour recréer la violence, c'est déjà... totalement contre sa déontologie. Il doit vraiment renvoyer vers un accompagnement individuel.

  • Anne-Françoise

    Et est-ce qu'il y a des conseils que tu arriverais à donner à quelqu'un qui est pris dans ce genre de situation et qui ne sait pas comment en sortir ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que vous êtes infiniment aimé et infiniment aimable. La deuxième chose, c'est que on peut demander de l'aide. Et peut-être qu'il faudra la demander, et la demander, et la demander. Et peut-être qu'il faudra la demander à des gens auxquels vous n'auriez pas pensé. Et l'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'un homme violent n'est pas un bon père. Un enfant qui grandit dans une famille où il y a de la violence, je peux en témoigner personnellement, mais les statistiques le disent aussi, c'est un enfant qui est victime aussi. C'est extrêmement traumatisant. Vous ne voulez pas que vos filles se marient elles-mêmes avec un homme violent ? Ou vos fils, bien sûr. Vous ne voulez pas que vos enfants deviennent eux-mêmes des violents ? Donc, protégez-les.

  • Anne-Françoise

    Donc, rester parce qu'on a des enfants, ce n'est pas une bonne idée.

  • Bérénice

    Oui. Un homme violent n'est pas un bon père.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup, Bérenice. Il y a trois questions qu'on a l'habitude de poser à la fin de ce podcast. D'abord, toi, tu lis beaucoup. Tu nous as déjà parlé d'un livre. mais est-ce qu'il y en a un autre ? qui t'a accompagnée dans cette période ?

  • Bérénice

    Oui, d'abord je vous redis, Pourquoi fait-il ça ? Vraiment, c'est une ressource exceptionnelle. Mais il y a un livre qui m'habite énormément. C'est un livre de Nikos Kazantzakis, un des plus grands écrivains grecs du XXe siècle, qui s'appelle Le pauvre d'Assise. C'est une biographie de Saint-François d'Assise, mais ce n'est pas que ça. C'est l'expérience, quand on lit, de vivre ce que c'est que le royaume. Il y a une phrase où il dit « Partout où dans les villages se répandait la bonne odeur du saint » . Il a une plume florissante, on voit qu'il a grandi en crête, on voit les fleurs, les arbres, une nature qui porte la joie de Dieu. Et voilà, en lisant ce livre, en suivant cette figure extraordinaire de Saint-François, bien sûr, on fait vraiment presque physiquement l'expérience de ce que c'est que le royaume. Je vous lis un petit passage. La foule affluait sans cesse des plus lointains villages et des grandes villes. L'odeur du saint les guidait. C'étaient des pèlerins, des malades de l'âme ou du corps. Ils le touchaient et lui baisaient les pieds. François leur disait quelques mots, des mots simples, mais qu'ils avaient oubliés. Amour, union, humilité, espérance, pauvreté. Et ces simples mots prenaient pour la première fois sur ses lèvres Un sens profond, plein de mystère et de certitude. Et les pèlerins se consolaient, surpris de s'apercevoir combien proche et accessible est la béatitude.

  • Anne-Françoise

    Est-ce qu'il y a une prière qui t'a accompagnée ?

  • Bérénice

    Oui, il y a une prière qui m'a beaucoup accompagnée. C'est les litanies de l'humilité du cardinal Merry del Val. Je vous parlais de Jésus... Doux, humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. Ça m'a vraiment permis de sortir de cette vision du monde dans la force et la domination. Je vous en lis un petit passage. Du désir d'être estimé, délivrez-moi Jésus. Du désir d'être honoré, d'être loué, d'être préféré aux autres, d'être consulté, d'être approuvé, délivrez-moi Jésus. Voilà, donnez-moi de ne pas chercher à manger les autres, à être au-dessus, mais donnez-moi votre tranquille sérénité qui permet d'accueillir les autres. Et c'est ok si ça prend du temps. On ne peut pas tout donner tout de suite. On a besoin de se réparer d'abord.

  • Anne-Françoise

    Comment a évolué ta relation à Dieu dans cette histoire ? Et qu'est-ce que tu lui dirais si tu étais en face de lui aujourd'hui ?

  • Bérénice

    Franchement, j'ai d'abord vécu une immense révolte. Je pense que la souffrance n'est jamais acceptable. Vivre ça, ça m'a quand même ouvert les yeux sur l'immensité de la souffrance de ceux qui sont victimes de violences dans leur enfance, de violences sexuelles, de violences dans leur famille. C'est tellement, tellement fréquent. Quand on nous parle du mal, il est sous nos yeux. Et heureux ceux qui ont faim et soif de justice, on en a faim et on en a soif. Et de fait, petit à petit, mais c'est pas venu tout de suite, petit à petit, j'ai pu retrouver ce rapport où Dieu me nourrit. Évidemment, je lui parle déjà, mais ce que je lui dis, c'est soutenez toutes ces personnes qui sont victimes, aidez-les à se protéger, aidez-moi, aidez-nous à construire le royaume.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup Bérénice et merci à tous pour votre écoute. Merci d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour, à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes du podcast, mais aussi lire chaque semaine la rencontre avec un témoin dans le magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne. Toussaint, Maman Prie, Sexo, Sacré Histoire et d'autres encore. Merci et au prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

Description

À 33 ans, Bérénice, catholique pratiquante, se marie avec l’homme qu’elle aime. Très vite pourtant, un rapport malsain de domination s’installe. Love bombing, contrôle, dévalorisation systématique, puis la violence. Un jour, tout bascule – et elle trouve le courage de fuir. Dans cet épisode, elle raconte comment elle s’est libérée, comment la foi l’a tenue debout, et comment un beau jour, les écailles lui sont tombées des yeux, pour découvrir un tout nouveau mode de relation fondée sur la douceur.


Un récit fort, lumineux, qui parle de courage, de reconstruction et d’un Dieu « doux et humble de coeur » qui rend libre. 


Le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. 


Bérénice a créé l'association Miriam bien aimer pour la prévention des violences conjugales lors des préparations au mariage catholique : https://www.instagram.com/miriam.bienaimer/ 

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Bérénice

    Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir.

  • Anne-Françoise

    Bonjour, je m'appelle Anne-Françoise et vous écoutez Un beau jour, le podcast qui donne la parole à des croyants dont la vie et la foi ont été changées à jamais par un événement imprévu. Et dans cet épisode, je reçois Bérénice. Bérénice a 33 ans, elle est catholique pratiquante et s'est mariée il y a deux ans avec un homme qu'elle a dû quitter car il était violent. J'utilise un prénom d'emprunt pour préserver son anonymat. Alors que le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. Elle nous raconte cet événement traumatique qui a changé son regard sur l'amour, la vie, la foi et Dieu. Bonjour Bérénice.

  • Bérénice

    Bonjour Anne-Françoise.

  • Anne-Françoise

    Pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter l'objet symbolique que tu as apporté en lien avec ton histoire ?

  • Bérénice

    Je suis venue avec ma guitare. Ma guitare pour moi, c'est ce qui symbolise tout ce qui répond à la violence. La beauté, la joie d'être ensemble, le fait de chanter ensemble, la musique, tout ce qui me fait vivre finalement.

  • Anne-Françoise

    Tu as commencé à jouer de la guitare après cette histoire-là ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Et c'est aussi le lieu d'une vie intérieure. En tout cas, je peux vivre des choses belles en étant seule.

  • Anne-Françoise

    C'est quoi le morceau que tu aimes bien jouer en ce moment ?

  • Bérénice

    Une chanson de Jean Ferrat qui s'appelle « La femme et l'avenir de l'homme » .

  • Anne-Françoise

    Magnifique ! Alors, Bérénice, est-ce que tu peux nous dire un peu d'où tu viens ? Et notamment, en lien avec le sujet dont on va parler, qu'est-ce que tu as reçu de tes parents ? Comment est-ce qu'ils t'ont éduquée, notamment à l'amour ? Qu'est-ce qu'ils t'ont dit du mariage ?

  • Bérénice

    De ma famille, j'ai reçu d'abord des ressources extraordinaires. Le lien à la fois à une éducation chrétienne, dans le scoutisme, dans des écoles privées, dans le catéchisme. Une grande exigence intellectuelle et humaine. Une grande fantaisie. Donc d'abord ces ressources extraordinaires, mais aussi, de fait, mon père est un homme violent avec ma mère. Et toute mon enfance, j'ai vraiment vécu dans une grande souffrance. Il y a ça. Vraiment une atmosphère très difficile de violence permanente, de rapport aux autres marqués vraiment exclusivement dans la notion de domination ou de soumission. Et donc, de fait, socialement, pour moi, c'était très difficile les relations avec les autres. J'ai mis beaucoup de temps à être un peu plus posée. J'ai eu la chance de vivre des belles histoires d'amour aussi avec des hommes, mais marquées aussi par des choses que j'avais reçues, comme par exemple... une très grande importance autour de la virginité, de l'absence de contraception. Donc un message qui était assez rigide et en même temps très beau, mais très axé sur un rapport à la sexualité.

  • Anne-Françoise

    Tu as toujours voulu te marier ?

  • Bérénice

    Toujours voulu me marier. Toujours rêver de fonder un foyer heureux. J'avais aussi beaucoup ce désir d'être en relation avec un homme, d'être aussi aimée comme je ne l'avais pas forcément toujours été. Dans mon enfance.

  • Anne-Françoise

    Et alors, tu disais que tu avais vécu d'autres relations avant de rencontrer ton ex-mari. Est-ce qu'il y a des choses qui t'ont marquée dans ces relations ?

  • Bérénice

    Tout n'était pas toujours très sain. Je me suis beaucoup adaptée. Mais ce que j'en retiens aussi, c'est le rire, la joie d'être ensemble, la musique, le fait d'être au service des autres, dans l'hospitalité, que l'amour soit tourné vers l'extérieur. Vraiment cette notion de fantaisie.

  • Anne-Françoise

    Et alors, comment est-ce que tu as rencontré... Henri, donc ton ex-mari.

  • Bérénice

    Je l'ai rencontré une soirée où tout de suite, à la fois il m'a immédiatement dit qu'il était intéressé par moi. Il y avait une relation qui a été très intense, très vite, où il me disait sans arrêt que j'étais quelqu'un d'exceptionnel, qu'il avait vraiment envie de s'engager, c'est quelque chose qui m'avait beaucoup fait souffrir dans des relations précédentes, la difficulté à s'engager. Donc ça répondait vraiment à des désirs que j'avais. Il avait aussi une grande exigence intellectuelle. Donc il y avait beaucoup de sujets où on pouvait se rejoindre. Et puis, on appelle ça du love bombing. Le fait de me répéter sans arrêt que j'étais belle, qu'il m'aimait. Et donc, très vite, il a été question de se marier. Et il m'a demandé en mariage un moment où je ne m'y attendais pas du tout. Et quand quelqu'un est à genoux devant vous, c'est très difficile de répondre autre chose que oui. Et puis, je me suis dit qu'il fallait quand même que je prenne un temps de réflexion après. Mais en fait, en revenant du parc où on avait été se balader, où il m'a demandé ça, on a retrouvé des copains et il leur a immédiatement annoncé qu'on était fiancés. Donc tout de suite, l'étau se resserrait et j'avais de moins en moins de liberté de choix. On a décidé de se marier très vite, puisque j'avais quand même un certain âge et ça ne me paraissait pas délirant d'avancer. Et donc très rapidement, il y a des sommes qui ont été engagées, toute ma famille était au courant, tous mes amis. J'avais moins de liberté et puis cette relation, elle a été immédiatement, dès le début, très intense et de fait assez violente. Au bout de quelques semaines déjà... Il s'est mis à hurler. J'ai eu peur, mais après, on en a parlé. Il me disait aussi que ce que j'avais vécu dans ma famille, c'était scandaleux, ça l'indignait beaucoup. Donc c'était incroyable pour moi d'avoir quelqu'un aussi qui posait ses limites là, sur ce que j'avais pu vivre. Donc c'était impossible pour moi d'imaginer que ce que je vivais avec lui, c'était la même chose. Je pense qu'il y avait quelque chose de familier dans ce qu'on vivait. C'est ce que j'avais reçu dans mon enfance. C'était difficile pour moi d'en sortir. le soir de nos fiançailles on s'est retrouvés tous les deux Et il y avait quelque chose qui l'avait vexé, qui n'avait aucun sens. J'avais voulu refuser un cadeau qu'on nous avait fait à deux, parce que pour moi, ce qu'on m'avait toujours dit, c'est que pas de cadeau à deux pendant les fiançailles, on ne commence pas à unir nos vies et à avoir de la propriété en commun. Tout ce qui peut créer un lien trop fort avant d'être mariée, ça n'a pas de sens. Et ça l'a rendu fou que je refuse ça. Et donc pendant des heures, je me suis en été dans la rue, il criait et je n'arrivais pas à me faire entendre. Je ne savais pas comment faire pour qu'il... comprennent. Et c'est quelque chose qui a été pendant toute notre relation, cette notion de, mais il faut juste que je lui explique qu'il n'a pas compris. Ce que je ne voyais pas, c'est qu'en fait, ce n'est pas qu'il ne comprenait pas, c'est que ça ne l'intéressait pas de comprendre. Il voulait un peu se décharger aussi, parce que cette journée de fiançailles, ça avait été assez intense, donc il avait un peu envie de se défouler. Et puis, c'était une façon aussi de créer une relation où j'étais vraiment soumise. J'étais prête à anticiper ses moindres désirs pour ne pas vivre ces moments de violence. Et donc je m'adaptais en permanence, j'essayais toujours d'anticiper ce qui pourrait lui faire plaisir. D'être douce, il m'avait dit quand on se voit, je veux que tu sois souriante, avenante, agréable. Il m'avait beaucoup dit que je regardais ce qui était triste dans la vie. Quand j'essayais de lui dire ça ne me va pas, il me disait mais Bérénice, il faut être quelqu'un de positif. Donc il faut que tu regardes ce qu'il y a d'heureux dans notre relation. et pas de concentrer sans arrêt sur ce qui est compliqué. Donc finalement, il n'y avait plus aucune place pour ce que je ressentais, pour mes désirs, pour mes besoins et pour les limites que je souhaitais lui poser. Je pense qu'un point qui est important, c'est de dire que je lui ai posé ses limites. Je faisais quand même cet effort difficile de dire ce qui ne m'allait pas, d'essayer de lui demander de prendre des temps pour parler en cœur à cœur, dire ce sur quoi on avait avancé dans notre relation. Le problème, ce n'était pas que je lui disais. disent, le problème c'est qu'ils n'écoutaient rien. Et donc pendant nos fiançailles, de fait, il y a eu des alertes. Il y a eu ce moment où je lui ai dit « Mais j'ai peur de toi Henri. » Il m'a répondu « Mais tu n'as pas peur de moi Bérénice. Tu as peur des hommes parce que tu as peur de ton père. » J'étais tellement enfermée. En fait, à la fois il me disait que j'étais quelqu'un d'extraordinaire, il me valorisait beaucoup sur des choses intellectuelles par exemple, mais sur la partie relationnelle et affective. Il me dévalorisait énormément, il me disait que je ne savais pas entrer en relation avec les autres, que je faisais des erreurs sociales. Il me critiquait beaucoup, par exemple, quand on sortait d'un dîner, il me disait que je devais le mettre en valeur, que je l'avais contredit devant les autres, que c'était inacceptable, et que je ne savais pas me tenir, que les gens ne m'aimeraient pas à cause de la façon dont je me comportais, parce que je faisais des blagues, parce que je riais trop fort. Il y avait toujours une raison. Cette dévalorisation permanente, mêlée à des moments où je me disais « il est extraordinaire » , J'ai tellement de chance d'être avec lui. Ça faisait qu'il avait totalement remplacé mes pensées par les siennes. Je me souviens de dîner où je disais « Ah là là, je ne peux pas vous expliquer. En fait, il faudrait que Henri soit là pour vous expliquer. » C'était un monde de la force. Il fallait être plus fort que les autres parce que sinon, on allait se faire écraser. Le monde n'était que domination et soumission. De fait, pendant nos fiançailles, il y a eu des alarmes. Je pleurais quand même beaucoup. Je me suis fait virer de mon job parce que je ne faisais que pleurer en réunion. Je me levais au milieu de mes réunions pour aller pleurer dans les cabinets. Je me posais sans arrêt la question de ma valeur. Je me souviens que quand on me demandait de prendre les notes en réunion, je me disais voilà, je suis juste l'assistante de direction.

  • Anne-Françoise

    Et alors que tu as fait des études brillantes.

  • Bérénice

    J'ai fait une grande école de commerce et effectivement l'ENS. Donc j'aurais pu m'accrocher à ça pour me dire que j'étais capable de faire des choses. De fait, je n'étais pas du tout assistante de direction. Je prenais les notes parce que j'étais dans des comités de direction où j'étais qu'avec des grands patrons. Donc c'était un peu normal qu'à 30 ans, ce soit mon rôle. Mais c'était un emploi qui était incroyablement intéressant avec des très hautes responsabilités. Mais il avait réussi à me faire croire que c'était un peu nul ce que je faisais, que j'avais choisi ça par défaut. Donc il y a eu ces moments où j'étais incroyablement triste. Mais voilà, il m'avait convaincu que tout ça, c'était ma faute, que c'était quelque chose que je portais en moi. Et il arrivait à retourner toutes les alarmes. Je me souviens que pendant la préparation au mariage, il y a un des prêtres qui nous a rencontrés, qui a appelé le prêtre qui nous mariait, en lui disant, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette relation. Il a pris la main sur elle. Et donc, je me sens très bien. J'étais au boulot et il m'a appelé dix fois. Donc, j'ai fini par sortir du boulot pour aller répondre à ses appels. Là, il m'a encore hurlé dessus au téléphone pour me dire « Mais t'as encore raté, tu t'es comporté de façon inacceptable pour que ce prêtre pense ça. Donc maintenant, tu vas voir le prêtre qui nous marie pour lui dire qu'il n'y a pas de problème. » Et je me souviens d'avoir pensé au fond de moi quel dommage que ce prêtre ait appelé le prêtre qui nous marie. Quel dommage qu'il ne m'ait pas parlé à moi, parce que c'est la seule fois où j'aurais pu avoir un espace pour dire au secours. Donc si vous êtes un prêtre qui voit un couple qui ne va pas bien, n'oubliez pas le prêtre qui les marie. Agissez.

  • Anne-Françoise

    Il peut surtout peut-être parler avec les deux personnes.

  • Bérénice

    Je ne suis pas sûre qu'il faille parler avec les deux personnes. L'espace où ils sont à deux, ce sera toujours un espace où lui exerce sa violence.

  • Anne-Françoise

    Non mais l'un après l'autre ou non ?

  • Bérénice

    Peut-être l'un après l'autre. après juste avant le mariage, un mois avant le couple qui nous accompagnait a essayé de faire ça Et à ce moment-là, j'ai deux cousins germains, dont un qui est prêtre, qui m'ont prise à part. Ils m'ont dit, on est inquiet pour toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais je leur ai dit, mais non, Henri m'a tout expliqué. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de mon père. Il avait vraiment remplacé toutes mes pensées par les siennes, c'est étonnant. Et donc, on s'est mariés, c'est un souvenir abominable. Franchement, j'étais glacée de peur. À la fois, j'étais très heureuse de me marier, il y avait tous ses amis qui avaient fait le déplacement pour moi, j'étais hyper reconnaissante. et en même temps, je me suis en maîtrise. échappé à un moment du cocktail pour changer les places parce que je pensais que si les gens n'étaient pas bien reçus, qu'ils n'avaient pas une belle expérience, ils ne seraient plus amis avec moi, ils m'en voudraient. J'avais vraiment cette inquiétude permanente. Je n'avais pas compris que ça venait de lui. Il lui demandait d'aller faire un petit tour à un moment pour qu'on soit tous les deux ce jour-là. Il m'a dit non. Il a passé la soirée à parler avec ses copains. Moi, j'avais organisé un moment avec des musiciens qui étaient vraiment là, avec un violon, un banjo, pour qu'on puisse aussi danser autour de ça. Moi, j'ai vécu en Israël. J'adore ces moments de communion autour de la danse et ces mariages un peu comme ça, tellement joyeux. Il n'a pas voulu venir danser avec nous. Et voilà, le voyage de Noce, ça a été un moment assez difficile parce que là, j'étais vraiment complètement seule avec lui. Donc vraiment, l'étau se resserrait.

  • Anne-Françoise

    Et dans tout ça, est-ce que malgré tout, toi, tu te sentais aimée ? Est-ce que tu avais l'impression de l'aimer ? Est-ce qu'on peut parler d'amour dans ce que tu as vécu ?

  • Bérénice

    J'avais vraiment l'impression de l'aimer parce que je m'adaptais en permanence à lui. parce que je faisais tout pour essayer de le satisfaire. Il y avait ce fameux livre des cinq langages de l'amour qui m'avait expliqué que si j'étais une bonne épouse qui lui parlait son bon langage, il allait changer. Je l'aimais de la façon dont il me demandait de l'aimer, c'est-à-dire d'être à son service. Il était tout à fait féministe avant notre mariage. Après, il m'avait dit, j'assume une vision traditionnelle où c'est à toi de gérer le ménage. Donc j'avais vraiment l'impression de... de faire tout ce que je pouvais pour l'aimer, que lui essaie de m'aimer aussi. Il me disait quand même des choses très positives aussi. En fait, c'est ce qu'on appelle le cycle de la violence. On sent les choses monter, on s'adapte tout le temps parce qu'on a peur de l'explosion. Et puis, l'explosion arrive quand même parce qu'il n'y a rien qu'on peut faire, il n'y a rien que la victime peut faire. C'est lui qui choisit, en fait, de se défouler. Et puis, une fois qu'il s'est défoulé, il redevient gentil, il redevient valorisant. donc c'est à ce moment là, en fait on a été tellement terrifié que tout à coup, il est gentil, il est la personne qui console. Et donc, ça a été prouvé en neurosciences, ça crée un lien plus fort, en fait. Quand on a eu peur comme ça, et quelqu'un prend soin de vous, ça crée un attachement très fort. Et donc, je me disais, il est tellement extraordinaire, il a tout compris à la vie, il m'apprend cette vision que je comprenais pas, des relations sociales, moi qui voulais toujours dire aussi ce qui me déplaisait, ce qui me blessait. En fait, j'apprends qu'il faut sans arrêt montrer une image positive. Tout ça, je m'apprends à être meilleure avec les autres. J'avais l'impression d'être avec quelqu'un d'extraordinaire qui avait tout compris à la vie. Puis tous les soirs, on se mettait à genoux et on disait une petite prière. Donc j'avais vraiment l'impression de vivre une vie un peu idéale. Et puis en même temps, je me sentais quand même extrêmement seule. Il me disait des choses très négatives de mes amis proches, de ma famille.

  • Anne-Françoise

    Tu disais que tu avais quand même eu des réactions un peu autour de toi. Comment est-ce que tu étais accompagnée ? Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais aimé recevoir dans cette période de tes proches ou de personnes qui vous accompagnaient ?

  • Bérénice

    C'est sûr que j'en ai parlé à une copine. Je lui ai dit qu'il était très colérique. Elle m'a répondu, je ne peux rien te dire. Moi aussi, il crie beaucoup. Il faut déjà, pour accompagner, avoir une capacité à poser des limites et à dire, c'est inacceptable. Crier, c'est déjà une grande violence psychologique. Si tu as peur de lui, ce n'est pas une relation d'amour. Il aurait fallu que quelqu'un soit capable de poser ces limites précises en rentrant dans le détail des comportements qui ne sont pas acceptables. Il y a une chose que je n'avais pas comprise, c'est que C'est pas grave si on en discute après et que même qu'il demande pardon, ça change rien. Si son comportement ne change pas, il n'y a pas de relation en fait. Il n'y a rien qu'on puisse faire en s'adaptant qui puisse l'empêcher d'être violent. Moi, je faisais très attention à ce que quand il rentre, tout soit propre. Je repassais son linge, voilà, toutes ces choses-là. Et en fait, il n'y avait rien que je pouvais faire parce que sa violence venait de lui. il en était intégralement responsable. Et il aurait fallu que quelqu'un me pose ces limites-là précisément. Pas juste en me disant « t'as peur de lui , c'est surprenant », mais en rentrant dans le détail de ce qui n'est pas acceptable.

  • Anne-Françoise

    Donc tu disais que le jour du mariage et ensuite le voyage de noces étaient difficiles ?

  • Bérénice

    Je voudrais parler d'un sujet qui n'est pas évident et sur lequel je voudrais vraiment rester respectueuse et pas blessante pour les gens qui nous écoutent. Mais il faut quand même parler du consentement. C'est pas parce qu'on dit oui le jour de son mariage qu'on dit oui toujours. Moi, j'ai beaucoup entendu dans le monde catho que la femme a parfois pas envie et qu'il faut aussi qu'elle travaille un peu sur elle pour avoir envie de se donner. Je pense que c'est pas vrai. Je pense que si on n'a pas envie, il faut surtout réfléchir. Qu'est-ce qui fait que j'ai pas envie ? Est-ce que ça viendrait pas du fret que la relation est pas belle en ce moment, qu'il me parle pas bien ? Évidemment qu'on peut pas désirer quelqu'un qui... parle pas bien. Et plusieurs fois, j'ai cédé parce que je sentais qu'il allait s'énerver. Je vois aussi des femmes qui me disent que comme c'est les seuls moments où il est gentil, elles cherchent ces moments beaucoup et elles sont prêtes à céder quand ils manifestent le désir de le faire, même si de fait, elles ont pas forcément de désir. Je pense que ça, c'est vraiment de la violence. Ce n'est pas parce que ces moments peuvent être doux, peuvent être de l'intimité, que c'est acceptable que ce soit les seuls moments heureux, par exemple. Et donc, oui, le voyage de Noce a été difficile, mais aussi simplement parce que j'étais seule avec lui et que là, il pouvait vraiment se déchaîner. Je me souviens qu'on gravissait des montagnes ensemble et puis il trouvait que j'allais trop lentement. Donc, il montait et puis il m'attendait là-haut.

  • Anne-Françoise

    Et comment, du coup, dans tout ça, tes yeux ont commencé à s'ouvrir sur votre relation ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que c'est un jour dont je me souviendrai toujours. Il y a un an et demi, il n'était pas content de la façon dont j'avais étendu le linge. Il manquait une roulette de l'étendoir et du coup, j'avais empilé des bouquins pour que ça tienne. Et donc, il s'est énervé en me disant, pour une fois, tu vas faire les choses bien. Donc, tu vas chercher la roulette dans le placard. Je n'étais pas très contente. Je trouvais ça ridicule qu'il m'impose ça. Donc, j'ai été voir dans le placard. et puis je suis revenue un peu en me marrant en lui disant écoute Je ne l'ai pas trouvé, donc voilà, maintenant, on accepte ça comme ça. Et là, il s'est vraiment énervé, il m'a prise par les épaules, et il m'a emmenée dans le placard, où il m'a poussée, je suis tombée, et il m'a dit « maintenant, tu cherches la roulette » . Je me suis mise à pleurer, j'avais mal, j'avais des bleus, et puis j'étais dans ce placard où il venait de me projeter, et il m'a dit « non, non, tu arrêtes de faire ton intéressante, c'est des larmes de crocodile et maintenant tu cherches la roulette donc j'ai cherché la roulette Je l'ai mis sur l'étendoir. J'ai étendu le linge en silence, en attendant qu'il se calme. Et puis, je suis allée pleurer dans notre chambre. Et il est revenu en me disant, écoute, je vais être gentille avec toi. Je vais t'apprendre à repasser mon linge. J'ai bien vu que tu ne savais pas repasser mes chemises. Donc, je vais t'expliquer comment on fait. Je lui ai dit non et il s'est énervé en me disant, mais je suis gentille. Je passe au-dessus de ce qui s'est passé. Et je veux t'apprendre quelque chose. Et tu réagis comme ça, c'est quand même pas possible. Et puis, on s'est couché. Et le lendemain matin, il voulait m'embrasser. Il était tout gentil. Et vraiment, ça, c'est le moment où je ne pouvais plus. J'étais glacée. J'avais l'impression d'être dans une mauvaise série télé, donc j'ai fait ce qu'on fait dans une mauvaise série télé. J'ai été chez le médecin et je lui ai demandé un certificat, parce que j'avais des bleus, parce que j'étais vraiment en état de choc. Le médecin m'a fait un petit certificat. Et vraiment là, j'étais désespérée, parce que je lui avais demandé qu'on aille voir un conseiller conjugal, et il refusait absolument, et je ne voyais plus aucun avenir. S'il en venait à la violence physique, S'il avait franchi cette limite-là de plus ? Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir. Voilà, j'ai demandé à trois copines si je pouvais dormir chez elles. parce que je me disais peut-être qu'il y en a une qui acceptera. Évidemment, en fait, tout le monde a accepté. J'avais tellement peur de déranger que je dormais chez l'une puis chez l'autre parce que j'avais l'impression de prendre de la place. Donc, il m'appelait en permanence. Il me disait, je veux juste te ramener à la raison. Il m'envoyait des mails très, très en colère en me disant, tu me le dois, je suis ton mari. Il me donnait rendez-vous à un endroit. Je lui disais, je ne veux pas venir tant que tu n'acceptes pas qu'on aille voir un... un conseiller conjugal. Et donc, après, il me répondait, je t'ai attendu pendant des heures là où je t'avais donné rendez-vous, pourtant je t'avais acheté des fleurs. Et j'ai fait ce qui est la grande classique, c'est-à-dire qu'il a accepté finalement d'aller voir un conseiller conjugal, et donc j'ai accepté de revenir. En moyenne, il faut sept fois pour réussir à quitter un homme violent. J'avais cette idée qu'on était mariés pour la vie, et que voilà, j'avais accepté, et j'avais encore cet impératif tellement à la fois de... lui faire comprendre ce que c'était qu'une relation saine et heureuse, parce que c'est tellement merveilleux, et je trouvais ça triste qu'il n'ait pas ça. Et puis, je pensais vraiment que je pouvais le changer, si je m'adaptais, si je lui montrais, si je lui faisais comprendre. Et donc, on a été reçus plusieurs fois par une conseillère conjugale. En petit aparté, c'est inacceptable. La déontologie d'un thérapeute conjugal, c'est qu'il ne faut pas créer l'espace de la violence, et de recevoir ce couple à deux, c'est créer un nouvel espace de violence. C'est des gens qui sont des très bons manipulateurs, donc qui sont vraiment capables d'embarquer avec eux le thérapeute conjugal, par exemple de donner à chacun des exercices à faire. La victime, elle n'a pas à changer, elle n'a pas à s'adapter, elle n'a pas d'exercice à faire. Donc ce qui est important dans ces cas-là, c'est d'avoir un accompagnement personnel et d'être accompagné globalement par un psy et par une association. Et de fait, au bout d'un moment, il a continué à être tellement violent, la violence remontait tout le temps. Donc il m'avait promis qu'il allait changer, que les choses allaient être différentes, qu'il me demandait pardon tous les soirs. Et puis ça n'a pas du tout été le cas. Il continuait à crier, je me souviens de me réveiller au milieu de la nuit en pleurant parce qu'il avait encore été odieux. Et il s'est réveillé et il était fou de rage que je sois en train de pleurer. Il m'a ordonné de me calmer, il me disait que je faisais mon intéressante. Et voilà, au bout d'un moment, il y a un moment où je me suis dit mais en fait j'en peux plus. De toute façon il n'a pas de limite, j'en ai assez. je suis allée me mettre dans un café Et dans ce café, il y avait un concert, il y avait des gens qui jouaient de la guitare et qui chantaient des chants traditionnels. Et tout le monde chantait avec eux. C'était un moment merveilleux. Et j'ai tapé sur Google « violence conjugale » . Je suis tombée sur un livre. Et j'ai lu le livre toute la soirée. Et mes yeux s'ouvraient. Et donc ça nommait les unes après les autres toutes les choses que je vivais. Ça nommait ce cycle de la violence. Ça expliquait que c'était lui qui choisissait d'être violent. qu'en fait... C'était un système de croyance qu'il avait. Voilà, j'étais sa chose qui me regarderait toujours comme une chose parce qu'il ne me voyait jamais comme une personne. En fait, il avait décidé d'être comme ça, au fond. Il ne pouvait pas agir sur cette décision.

  • Anne-Françoise

    Il s'appelait comment ce livre ?

  • Bérénice

    Il s'appelait « Pourquoi fait-il ça ? » Alors moi, je l'ai lu en anglais « Why does he do that ? » et j'ai trouvé que c'était un mélange magnifique par quelqu'un de fait qui ne se revendique pas comme chrétien mais qui a une vision de la vie et de l'homme qui est... tellement, tellement chrétienne, de fait, tellement belle, du mariage chrétien, d'un mariage heureux, de ce qu'on donne dans une relation, de ce que c'est que se donner, et de ce que c'est aussi de ne pas se donner. Et de fait, il décrivait des types de personnalités violentes. En fait, c'était drôle. Et donc, je me souviens d'être dans ce café, avec cette musique, cette joie, et en fait, je riais, parce que tout à coup, il était démasqué. Et je pense que c'est ça qui m'a le plus aidée. C'est qu'après, quand il tentait ses comportements, je voyais tout, je le voyais, ses manipulations à l'œuvre. c'était mesquin, c'était petit. Et ça ne marchait plus sur moi. Et je crois que ton podcast s'appelle Un beau jour. Vraiment, moi, il y a un jour où les écailles me sont tombées des yeux. Et j'ai compris que tout ce que j'avais toujours appris dans ma famille, dans ma vie, dans cette relation, cette idée que dans la vie, il faut être fort, que le monde est fait de relations de domination. En fait, ce n'est pas vrai. En fait, ça marche en superficialité. C'est ce qu'on appelle le monde, la vie mondaine. Il y a des gens qui fonctionnent dans cette logique, donc si on marche dans cette logique, on pourra gagner du pouvoir. C'est pas ça la vie. C'est l'évangile du dimanche 23 novembre, l'évangile du bon larron. Il y a deux choses qui me frappent là-dedans. La première, c'est qu'en fait, il y a un écriteau sur la croix où il y a écrit « Ici est le roi des Juifs » . Et tous les gens sont en train de crier, de dire à Jésus « Sauve-toi toi-même » . C'est écrit, il n'y a pas de secret, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas de façon de connaître l'univers où tout à coup on découvre le secret de la force et de comment tout gagner, le pouvoir, l'amitié des autres, parce qu'en fait il faut juste être fort. Tout était là, c'est le message que j'avais reçu toute ma vie, je suis doux et humble de cœur. Je me souviens que tout à coup je me suis dit mais Henri n'est pas doux et humble de cœur. Et puis la deuxième chose c'est que Jésus n'ouvre la bouche qu'une fois. C'est quand le bon larron lui parle que le bon larron nomme l'injustice en disant mais voilà un homme qui est innocent. C'est le seul moment où Jésus lui répond et Jésus lui répond pour lui parler du royaume. C'est ça qu'on a envie de créer, c'est le royaume. C'est quelque chose qui m'habite depuis ce jour-là. Le royaume de Dieu c'est rien de plus que ça, c'est juste rentrer en relation avec les autres sans essayer de les manger, sans prendre le pouvoir sur eux, juste en les acceptant là où ils sont. En faisant l'effort de les écouter jusqu'au bout, j'ai pas mal discuté avec un copain qui a des enfants qui font des choix qui pour lui sont terribles, qui sont vraiment tout ce qu'il a. Essayer de ne pas leur transmettre. Et il me disait, je m'assieds avec eux, je leur demande qu'est-ce qui fait que tu décides de faire ça ? Avec un immense respect de choix, de leur conviction. Il va jusqu'au bout. Il n'essaye pas de leur imposer ses idées. Vraiment, ça m'a bouleversée qu'il me raconte ça. Juste en faisant ça... En écoutant les autres et en les recevant là où ils sont, déjà on construit le royaume de Dieu. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas poser de limites, ça ne veut pas dire qu'on laisse les autres nous manger, ça veut juste dire qu'on construit cet espace d'écoute.

  • Anne-Françoise

    Il y a eu un pas en avant après dans ta vision du monde et dans ta façon de vivre ta foi ?

  • Bérénice

    Je dirais que c'était du jour au lendemain. J'ai découvert un mode de relation où je pouvais être totalement authentique, on ne me demandait pas... d'être forte en permanence, de dire que j'allais bien, de raconter que des choses positives. Je pouvais dire globalement à peu près tout ce qui me passait par la tête. En fait, ça faisait rire les gens. Et je pouvais vraiment les accepter jusqu'au bout. Ils n'ont pas les mêmes choix que moi. En fait, c'est intéressant. Ça m'apprend plein de choses. Même si c'est fondamentalement opposé intellectuellement, ça ne veut pas forcément dire qu'on ne se rejoint pas au fond sur le désir de beauté, le désir d'amour. et qu'on ne peut pas se retrouver.

  • Anne-Françoise

    On dirait étonnamment qu'il y a quelque chose qui t'a ouvert le cœur.

  • Bérénice

    C'est vraiment ça. J'ai une amie psychiatre qui m'expliquait que quand on a une structure de personnalité qui est fondée sur la violence, il faut passer par une étape de déconstruction qui passe souvent par une très forte dépression. De fait, c'est ce que j'ai vécu. J'ai été arrêtée pendant un an. Je n'ai pas pu travailler. Mais cette dépression qui a mis à bas tout ce que j'avais reçu, tous les mauvais réflexes que j'avais. tous ces désirs de paraître, d'être la plus forte, d'être préférée aux autres, tout ça, je ne dis pas que je ne suis pas toujours quelqu'un de terriblement pêcheur et que cette tentation de prendre le dessus sur les autres n'est pas évidemment permanente, mais ça m'a permis aussi de découvrir un mode de relation complètement différent, fondé sur la douceur et vraiment sur l'intérêt pour les autres jusqu'au bout. Je voudrais juste te lire une citation de Simone Veil. C'est rigolo parce que Paris, c'était une citation que je connaissais depuis très longtemps, depuis mes 20 ans, et tout à coup qui m'a éclairée. Elle dit « Les grands fauteurs de violence se sont encouragés eux-mêmes en considérant comment la force mécanique, aveugle et souveraine dans tout l'univers. En regardant le monde mieux qu'il ne fond, nous trouverons un encouragement plus grand si nous considérons comment les forces aveugles innombrables sont limitées, combinées en un équilibre, amenées à concourir à une unité par quelque chose que nous ne comprenons pas, mais que nous aimons et que nous nommons la beauté. » Ça m'émeut énormément cette citation, j'ai des larmes aux yeux. C'est vrai, il y a un royaume de la force. Il existe en ce monde, mais vraiment, si on voit que ça, on a raté toute la vie. Vraiment, ça a été tellement dur cette année de dépression. Je ne pouvais plus travailler. J'étais en révolte contre Dieu. Et en même temps, j'ai beaucoup aimé ce que tu as dit, Anne-Françoise. Ça m'a ouvert le cœur. J'ai vraiment retrouvé une vie de foi dont j'avais été privée. Pourtant, je priais tous les jours avec mon mari, à genoux, devant notre petit crucifix. Mais j'étais tellement loin de Dieu. Et il y a vraiment un... Une source jaillissante, une eau très fraîche qui a changé ma vie. J'ai l'impression que toute ma vie, j'étais comme dans le désert. Et de temps en temps, Dieu me donnait quand même des petites gouttes d'eau, des moments de foi qui me nourrissaient. Mais tout à coup, je suis arrivée dans un pays verdissant. Il faut avoir marché dans le désert. Tout à coup, on trouve une rivière et tout autour, il y a des arbres. C'est tout vert, il y a des fleurs, ça sent bon.

  • Anne-Françoise

    Quelles ont été tes ressources justement pour te reconstruire ?

  • Bérénice

    Ah oui, ça je pense que c'est très important aussi. Moi je suis quelqu'un de très scolaire, comme tu disais, j'ai fait des grandes études. Et donc je savais que quand on est victime de violences, on va avoir une association qui accompagne des victimes de violences. C'est ce que j'ai fait. Attention de terribles féministes ! Parfois, ça fait un peu peur dans certains mondes un peu traditionnels. Je pense que comme dans la parabole du bon samaritain, on peut être aidé par des gens qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait. Je n'ai jamais été autant respectée dans ma liberté et dans mon discernement que par ces associations qui m'ont accompagnée, qui n'ont jamais essayé de toucher à quoi que ce soit de ma foi et de mes convictions, qui m'ont juste partagé que ce que faisait mon ex-mari était illégal. que ça dépassait des limites et que ça ne me respectait pas. Je me souviens d'une femme qui m'a dit « ça me fait peur ce que vous me racontez, il me fait peur cet homme » et qui m'a donné quelques clés assez simples. Mais vraiment, si vous êtes victime de violence, si vous n'arrivez pas à partir, si vous ne souhaitez pas partir, si vous avez peur que vous perdiez votre foi, par exemple, souvent on a cette image que si on est victime de violence, on va quitter sa communauté, on va quitter sa foi, on va quitter toutes ses convictions. On devient une divorcée avec un grand D. Et bien, ces gens vous respectent infiniment. Vous n'avez pas besoin de perdre votre foi. Il y a des gens qui vous accueilleront et des gens dans l'église aussi. Donc ça, ça a été une ressource exceptionnelle.

  • Anne-Françoise

    Quelles associations, par exemple ?

  • Bérénice

    Il y en a énormément. Moi, j'ai été voir une association à Paris qui s'appelle Elles Imaginent. Mais globalement, c'est un esprit qui est vraiment très présent dans la plupart des associations. Et puis, vous avez un discernement si ces associations vous n'aident pas à changer. Il y a une vraie offre. On a beaucoup de chance en France. Même si vous habitez dans le fin fond d'un village, il y aura quelque chose pas trop loin de chez vous. Il y aura une ligne téléphonique, le 3919, que vous pouvez appeler. Moi, il y a une autre chose qui m'a vraiment énormément aidée. Toujours comme dans les mauvaises séries, j'ai porté plainte. J'avais vraiment l'impression de faire mon intéressante. Il ne m'avait pas roué de coups, il ne m'avait pas envoyé à l'hôpital. Qui étais-je pour porter plainte ? Vous savez, on est très, très dévalorisé, on n'a aucune confiance en soi. Et en fait, je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde, mais moi, j'ai été très bien accueillie par des gens qui ont été très respectueux. Il y a eu une confrontation avec lui et c'était extraordinaire parce qu'il se comportait exactement comme s'il s'est toujours comporté avec moi. Mais là, il y avait des extérieurs qui nommaient le fait que c'était inacceptable, qui étaient choqués, qui le voyaient. Et après cette confrontation, ils m'ont dit si jamais ça n'aboutit pas, si cette plainte s'arrête là, ça ne vaudra pas dire qu'on ne vous croit pas. On vous croit. Et de fait, son comportement les a tellement choqués qu'ils ont ouvert une instruction. Donc une instruction, ça veut dire qu'ils ont reconnu les chefs de viol. Et donc ça, je pense quand même que ça doit être su. Aujourd'hui, il est sous contrôle judiciaire, il n'a pas le droit de m'approcher. Oui, j'ai été évidemment accompagnée par une psychologue, personnellement aussi, qui m'a permis de travailler sur toutes ces choses que j'avais reçues, tous ces événements quand même très traumatisants. qui m'empêchait beaucoup de vivre, là aussi qui n'est pas du tout gâteau, mais qui m'a permis aussi de remettre en question. Le fait qu'il y ait beaucoup de choses que j'avais reçues de par mon éducation qui n'avaient rien à voir avec la foi. Rappelons quand même qu'une grosse partie de mon éducation, soit dans le scoutisme ou dans les différents groupes de prière et vœux de formation que j'avais eus, on avait quand même beaucoup beaucoup parlé par exemple des règles autour de la sexualité que je ne remets pas en question. Mais je constate que quand Jésus prend la parole, déjà il n'évoque jamais ces sujets, pas une seule fois, et qu'en revanche, en permanence, il s'attaque aux puissants et aux forts, que les prophètes en permanence ne parlent que de ça. Il y a cette phrase du prophète Amos qui dit « Bientôt la bande des vautrés n'existera plus. Vous les riches, vous allez être abattus. Dieu casse les dents du méchant. » C'est vraiment vrai. La seule chose qu'on peut souhaiter à ces gens violents, c'est que Dieu leur casse les dents pour qu'ils arrêtent de manger les autres et qu'ils puissent rentrer en relation parce qu'ils n'ont plus que des gencives. Du coup, ils vivent ce que c'est que la douceur.

  • Anne-Françoise

    Et toi-même, tu as créé une association pour encourager le dialogue sur ces sujets dans la préparation au mariage catholique, si j'ai bien compris. Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Donc j'ai créé avec une équipe d'une dizaine de personnes. On est tout un collectif qui est pluridisciplinaire, avec des sages-femmes, des psychologues, des gens dont c'est vraiment le métier d'accompagner les femmes. Et donc dans cette association, notre objectif, ça n'est pas d'accompagner les femmes victimes de violences, parce qu'il y a des gens qui le font très très bien, et mieux qu'on ne le fera, et qu'on n'a pas les moyens de le faire. Il y a une association exceptionnelle, par exemple, qui s'occupe des femmes catholiques, qui s'appelle l'Étoile du Berger. Nous, notre but, c'est de sensibiliser et de faire connaître ça, notamment dans les préparations au mariage. On a une richesse exceptionnelle dans l'Église catholique en France, c'est qu'on accompagne tous les ans des dizaines de milliers de couples au mariage. Les statistiques sont simples, en fait c'est au moins un couple sur huit où il y a de la violence, donc c'est quand même une responsabilité d'accompagner ces couples. Et pareil, on ne peut pas parler des questions de sexualité si on ne prend pas en compte le fait qu'un enfant sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Et donc l'idée, c'est qu'on propose un atelier, un dîner qu'on peut faire dans une préparation au mariage, dans une soirée de préparation au mariage, pour aborder ces sujets avec une immense délicatesse, un immense respect. Et surtout, surtout, en portant le vrai message de l'Église là-dessus. Parce qu'en fait, c'est des sujets qui sont tellement prégnants dans toute la société. Bien sûr, nous, les cathos, on n'est pas épargnés, mais c'est partout. Il y a des gens qui viennent de partout. de partout pour se préparer au mariage qui ne sont pas spécialement pratiquants et qui ont vécu des choses ou qui vivent des choses. Et nous, l'Église, on a ce devoir de leur porter ce message lumineux, ce message du royaume de relations sans violence. C'est quand même important. On leur dit que c'est possible. Dans l'association, il y a pas mal de femmes qui ont vécu des choses abominables, mais qui ont reconstruit dans des relations où il n'y a pas de violence, en fait. Ça existe. On entend souvent que la première année de mariage, c'est très difficile. Je veux bien. Peut-être que c'est difficile de s'adapter à l'autre. Si on n'avait pas l'habitude de ranger ses chaussettes, je veux bien. Mais ça ne veut pas dire que les assiettes doivent voler. Il y a des limites, en fait. Et tout ça, c'est le cœur du message de Jésus. Le souci des faibles, des victimes. C'est tout ça qu'on a apporté au monde. On a un vrai travail de pouvoir le faire.

  • Anne-Françoise

    Elle s'appelle comment ton association ? Comment est-ce qu'on vous contacte ?

  • Bérénice

    Elle s'appelle Myriam. Myriam, en égyptien ancien, une des étymologies possibles, c'est la bien-aimée. Et donc, on s'appelle Myriam-Bien-Aimer, E-R. C'est ça qu'on veut apprendre ensemble, c'est de bien aimer. Donc, on a un site internet, on a un Instagram. Vous pouvez nous contacter par mail si vous voulez des ressources. Évidemment, si vous vous occupez de préparation au mariage. Si vous voulez vivre ça dans votre préparation au mariage, contactez-nous. Nous, on a vraiment cet objectif de se déployer partout en France, porter ce message de l'Église.

  • Anne-Françoise

    Et donc, quand on accompagne des couples, je pense à des prêtres ou à des personnes qui font de la préparation au mariage ou à même des personnes qui sont proches, qui sont amies de couples où ils perçoivent qu'il y a des difficultés, qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce que toi, tu aurais aimé recevoir ?

  • Bérénice

    Je pense que la première chose, c'est une infinie délicatesse et un immense respect. C'est des gens, il y a déjà quelqu'un qui leur dit tous les jours quoi faire. Vous pouvez proposer des ressources, vous pouvez proposer d'être là, d'accompagner, mais vous ne pouvez pas leur dire quoi faire. D'abord, si vous leur dites de quitter leur mari, elles vont se mettre dans une réaction défensive. Ou de quitter leur femme, ça arrive aussi aux hommes. C'est encore plus tabou, mais ça arrive aussi. Donc, ne leur dictez pas des comportements, mais proposez-leur deux choses. Nommez ce qui n'est pas acceptable et orientez vers des gens qui sauront les accompagner. Donc évidemment, recommander un accompagnement par un psy, un vrai psy, un clinicien. Il y a beaucoup de thérapeutes plus ou moins bien formés à la question de la violence. Je pense qu'il faut se faire accompagner par des vrais professionnels et par des associations qui sauront vraiment avoir des ressources. Un conseiller conjugal, s'il accepte de proposer cet espace-là pour recréer la violence, c'est déjà... totalement contre sa déontologie. Il doit vraiment renvoyer vers un accompagnement individuel.

  • Anne-Françoise

    Et est-ce qu'il y a des conseils que tu arriverais à donner à quelqu'un qui est pris dans ce genre de situation et qui ne sait pas comment en sortir ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que vous êtes infiniment aimé et infiniment aimable. La deuxième chose, c'est que on peut demander de l'aide. Et peut-être qu'il faudra la demander, et la demander, et la demander. Et peut-être qu'il faudra la demander à des gens auxquels vous n'auriez pas pensé. Et l'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'un homme violent n'est pas un bon père. Un enfant qui grandit dans une famille où il y a de la violence, je peux en témoigner personnellement, mais les statistiques le disent aussi, c'est un enfant qui est victime aussi. C'est extrêmement traumatisant. Vous ne voulez pas que vos filles se marient elles-mêmes avec un homme violent ? Ou vos fils, bien sûr. Vous ne voulez pas que vos enfants deviennent eux-mêmes des violents ? Donc, protégez-les.

  • Anne-Françoise

    Donc, rester parce qu'on a des enfants, ce n'est pas une bonne idée.

  • Bérénice

    Oui. Un homme violent n'est pas un bon père.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup, Bérenice. Il y a trois questions qu'on a l'habitude de poser à la fin de ce podcast. D'abord, toi, tu lis beaucoup. Tu nous as déjà parlé d'un livre. mais est-ce qu'il y en a un autre ? qui t'a accompagnée dans cette période ?

  • Bérénice

    Oui, d'abord je vous redis, Pourquoi fait-il ça ? Vraiment, c'est une ressource exceptionnelle. Mais il y a un livre qui m'habite énormément. C'est un livre de Nikos Kazantzakis, un des plus grands écrivains grecs du XXe siècle, qui s'appelle Le pauvre d'Assise. C'est une biographie de Saint-François d'Assise, mais ce n'est pas que ça. C'est l'expérience, quand on lit, de vivre ce que c'est que le royaume. Il y a une phrase où il dit « Partout où dans les villages se répandait la bonne odeur du saint » . Il a une plume florissante, on voit qu'il a grandi en crête, on voit les fleurs, les arbres, une nature qui porte la joie de Dieu. Et voilà, en lisant ce livre, en suivant cette figure extraordinaire de Saint-François, bien sûr, on fait vraiment presque physiquement l'expérience de ce que c'est que le royaume. Je vous lis un petit passage. La foule affluait sans cesse des plus lointains villages et des grandes villes. L'odeur du saint les guidait. C'étaient des pèlerins, des malades de l'âme ou du corps. Ils le touchaient et lui baisaient les pieds. François leur disait quelques mots, des mots simples, mais qu'ils avaient oubliés. Amour, union, humilité, espérance, pauvreté. Et ces simples mots prenaient pour la première fois sur ses lèvres Un sens profond, plein de mystère et de certitude. Et les pèlerins se consolaient, surpris de s'apercevoir combien proche et accessible est la béatitude.

  • Anne-Françoise

    Est-ce qu'il y a une prière qui t'a accompagnée ?

  • Bérénice

    Oui, il y a une prière qui m'a beaucoup accompagnée. C'est les litanies de l'humilité du cardinal Merry del Val. Je vous parlais de Jésus... Doux, humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. Ça m'a vraiment permis de sortir de cette vision du monde dans la force et la domination. Je vous en lis un petit passage. Du désir d'être estimé, délivrez-moi Jésus. Du désir d'être honoré, d'être loué, d'être préféré aux autres, d'être consulté, d'être approuvé, délivrez-moi Jésus. Voilà, donnez-moi de ne pas chercher à manger les autres, à être au-dessus, mais donnez-moi votre tranquille sérénité qui permet d'accueillir les autres. Et c'est ok si ça prend du temps. On ne peut pas tout donner tout de suite. On a besoin de se réparer d'abord.

  • Anne-Françoise

    Comment a évolué ta relation à Dieu dans cette histoire ? Et qu'est-ce que tu lui dirais si tu étais en face de lui aujourd'hui ?

  • Bérénice

    Franchement, j'ai d'abord vécu une immense révolte. Je pense que la souffrance n'est jamais acceptable. Vivre ça, ça m'a quand même ouvert les yeux sur l'immensité de la souffrance de ceux qui sont victimes de violences dans leur enfance, de violences sexuelles, de violences dans leur famille. C'est tellement, tellement fréquent. Quand on nous parle du mal, il est sous nos yeux. Et heureux ceux qui ont faim et soif de justice, on en a faim et on en a soif. Et de fait, petit à petit, mais c'est pas venu tout de suite, petit à petit, j'ai pu retrouver ce rapport où Dieu me nourrit. Évidemment, je lui parle déjà, mais ce que je lui dis, c'est soutenez toutes ces personnes qui sont victimes, aidez-les à se protéger, aidez-moi, aidez-nous à construire le royaume.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup Bérénice et merci à tous pour votre écoute. Merci d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour, à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes du podcast, mais aussi lire chaque semaine la rencontre avec un témoin dans le magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne. Toussaint, Maman Prie, Sexo, Sacré Histoire et d'autres encore. Merci et au prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

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Description

À 33 ans, Bérénice, catholique pratiquante, se marie avec l’homme qu’elle aime. Très vite pourtant, un rapport malsain de domination s’installe. Love bombing, contrôle, dévalorisation systématique, puis la violence. Un jour, tout bascule – et elle trouve le courage de fuir. Dans cet épisode, elle raconte comment elle s’est libérée, comment la foi l’a tenue debout, et comment un beau jour, les écailles lui sont tombées des yeux, pour découvrir un tout nouveau mode de relation fondée sur la douceur.


Un récit fort, lumineux, qui parle de courage, de reconstruction et d’un Dieu « doux et humble de coeur » qui rend libre. 


Le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. 


Bérénice a créé l'association Miriam bien aimer pour la prévention des violences conjugales lors des préparations au mariage catholique : https://www.instagram.com/miriam.bienaimer/ 

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Bérénice

    Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir.

  • Anne-Françoise

    Bonjour, je m'appelle Anne-Françoise et vous écoutez Un beau jour, le podcast qui donne la parole à des croyants dont la vie et la foi ont été changées à jamais par un événement imprévu. Et dans cet épisode, je reçois Bérénice. Bérénice a 33 ans, elle est catholique pratiquante et s'est mariée il y a deux ans avec un homme qu'elle a dû quitter car il était violent. J'utilise un prénom d'emprunt pour préserver son anonymat. Alors que le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. Elle nous raconte cet événement traumatique qui a changé son regard sur l'amour, la vie, la foi et Dieu. Bonjour Bérénice.

  • Bérénice

    Bonjour Anne-Françoise.

  • Anne-Françoise

    Pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter l'objet symbolique que tu as apporté en lien avec ton histoire ?

  • Bérénice

    Je suis venue avec ma guitare. Ma guitare pour moi, c'est ce qui symbolise tout ce qui répond à la violence. La beauté, la joie d'être ensemble, le fait de chanter ensemble, la musique, tout ce qui me fait vivre finalement.

  • Anne-Françoise

    Tu as commencé à jouer de la guitare après cette histoire-là ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Et c'est aussi le lieu d'une vie intérieure. En tout cas, je peux vivre des choses belles en étant seule.

  • Anne-Françoise

    C'est quoi le morceau que tu aimes bien jouer en ce moment ?

  • Bérénice

    Une chanson de Jean Ferrat qui s'appelle « La femme et l'avenir de l'homme » .

  • Anne-Françoise

    Magnifique ! Alors, Bérénice, est-ce que tu peux nous dire un peu d'où tu viens ? Et notamment, en lien avec le sujet dont on va parler, qu'est-ce que tu as reçu de tes parents ? Comment est-ce qu'ils t'ont éduquée, notamment à l'amour ? Qu'est-ce qu'ils t'ont dit du mariage ?

  • Bérénice

    De ma famille, j'ai reçu d'abord des ressources extraordinaires. Le lien à la fois à une éducation chrétienne, dans le scoutisme, dans des écoles privées, dans le catéchisme. Une grande exigence intellectuelle et humaine. Une grande fantaisie. Donc d'abord ces ressources extraordinaires, mais aussi, de fait, mon père est un homme violent avec ma mère. Et toute mon enfance, j'ai vraiment vécu dans une grande souffrance. Il y a ça. Vraiment une atmosphère très difficile de violence permanente, de rapport aux autres marqués vraiment exclusivement dans la notion de domination ou de soumission. Et donc, de fait, socialement, pour moi, c'était très difficile les relations avec les autres. J'ai mis beaucoup de temps à être un peu plus posée. J'ai eu la chance de vivre des belles histoires d'amour aussi avec des hommes, mais marquées aussi par des choses que j'avais reçues, comme par exemple... une très grande importance autour de la virginité, de l'absence de contraception. Donc un message qui était assez rigide et en même temps très beau, mais très axé sur un rapport à la sexualité.

  • Anne-Françoise

    Tu as toujours voulu te marier ?

  • Bérénice

    Toujours voulu me marier. Toujours rêver de fonder un foyer heureux. J'avais aussi beaucoup ce désir d'être en relation avec un homme, d'être aussi aimée comme je ne l'avais pas forcément toujours été. Dans mon enfance.

  • Anne-Françoise

    Et alors, tu disais que tu avais vécu d'autres relations avant de rencontrer ton ex-mari. Est-ce qu'il y a des choses qui t'ont marquée dans ces relations ?

  • Bérénice

    Tout n'était pas toujours très sain. Je me suis beaucoup adaptée. Mais ce que j'en retiens aussi, c'est le rire, la joie d'être ensemble, la musique, le fait d'être au service des autres, dans l'hospitalité, que l'amour soit tourné vers l'extérieur. Vraiment cette notion de fantaisie.

  • Anne-Françoise

    Et alors, comment est-ce que tu as rencontré... Henri, donc ton ex-mari.

  • Bérénice

    Je l'ai rencontré une soirée où tout de suite, à la fois il m'a immédiatement dit qu'il était intéressé par moi. Il y avait une relation qui a été très intense, très vite, où il me disait sans arrêt que j'étais quelqu'un d'exceptionnel, qu'il avait vraiment envie de s'engager, c'est quelque chose qui m'avait beaucoup fait souffrir dans des relations précédentes, la difficulté à s'engager. Donc ça répondait vraiment à des désirs que j'avais. Il avait aussi une grande exigence intellectuelle. Donc il y avait beaucoup de sujets où on pouvait se rejoindre. Et puis, on appelle ça du love bombing. Le fait de me répéter sans arrêt que j'étais belle, qu'il m'aimait. Et donc, très vite, il a été question de se marier. Et il m'a demandé en mariage un moment où je ne m'y attendais pas du tout. Et quand quelqu'un est à genoux devant vous, c'est très difficile de répondre autre chose que oui. Et puis, je me suis dit qu'il fallait quand même que je prenne un temps de réflexion après. Mais en fait, en revenant du parc où on avait été se balader, où il m'a demandé ça, on a retrouvé des copains et il leur a immédiatement annoncé qu'on était fiancés. Donc tout de suite, l'étau se resserrait et j'avais de moins en moins de liberté de choix. On a décidé de se marier très vite, puisque j'avais quand même un certain âge et ça ne me paraissait pas délirant d'avancer. Et donc très rapidement, il y a des sommes qui ont été engagées, toute ma famille était au courant, tous mes amis. J'avais moins de liberté et puis cette relation, elle a été immédiatement, dès le début, très intense et de fait assez violente. Au bout de quelques semaines déjà... Il s'est mis à hurler. J'ai eu peur, mais après, on en a parlé. Il me disait aussi que ce que j'avais vécu dans ma famille, c'était scandaleux, ça l'indignait beaucoup. Donc c'était incroyable pour moi d'avoir quelqu'un aussi qui posait ses limites là, sur ce que j'avais pu vivre. Donc c'était impossible pour moi d'imaginer que ce que je vivais avec lui, c'était la même chose. Je pense qu'il y avait quelque chose de familier dans ce qu'on vivait. C'est ce que j'avais reçu dans mon enfance. C'était difficile pour moi d'en sortir. le soir de nos fiançailles on s'est retrouvés tous les deux Et il y avait quelque chose qui l'avait vexé, qui n'avait aucun sens. J'avais voulu refuser un cadeau qu'on nous avait fait à deux, parce que pour moi, ce qu'on m'avait toujours dit, c'est que pas de cadeau à deux pendant les fiançailles, on ne commence pas à unir nos vies et à avoir de la propriété en commun. Tout ce qui peut créer un lien trop fort avant d'être mariée, ça n'a pas de sens. Et ça l'a rendu fou que je refuse ça. Et donc pendant des heures, je me suis en été dans la rue, il criait et je n'arrivais pas à me faire entendre. Je ne savais pas comment faire pour qu'il... comprennent. Et c'est quelque chose qui a été pendant toute notre relation, cette notion de, mais il faut juste que je lui explique qu'il n'a pas compris. Ce que je ne voyais pas, c'est qu'en fait, ce n'est pas qu'il ne comprenait pas, c'est que ça ne l'intéressait pas de comprendre. Il voulait un peu se décharger aussi, parce que cette journée de fiançailles, ça avait été assez intense, donc il avait un peu envie de se défouler. Et puis, c'était une façon aussi de créer une relation où j'étais vraiment soumise. J'étais prête à anticiper ses moindres désirs pour ne pas vivre ces moments de violence. Et donc je m'adaptais en permanence, j'essayais toujours d'anticiper ce qui pourrait lui faire plaisir. D'être douce, il m'avait dit quand on se voit, je veux que tu sois souriante, avenante, agréable. Il m'avait beaucoup dit que je regardais ce qui était triste dans la vie. Quand j'essayais de lui dire ça ne me va pas, il me disait mais Bérénice, il faut être quelqu'un de positif. Donc il faut que tu regardes ce qu'il y a d'heureux dans notre relation. et pas de concentrer sans arrêt sur ce qui est compliqué. Donc finalement, il n'y avait plus aucune place pour ce que je ressentais, pour mes désirs, pour mes besoins et pour les limites que je souhaitais lui poser. Je pense qu'un point qui est important, c'est de dire que je lui ai posé ses limites. Je faisais quand même cet effort difficile de dire ce qui ne m'allait pas, d'essayer de lui demander de prendre des temps pour parler en cœur à cœur, dire ce sur quoi on avait avancé dans notre relation. Le problème, ce n'était pas que je lui disais. disent, le problème c'est qu'ils n'écoutaient rien. Et donc pendant nos fiançailles, de fait, il y a eu des alertes. Il y a eu ce moment où je lui ai dit « Mais j'ai peur de toi Henri. » Il m'a répondu « Mais tu n'as pas peur de moi Bérénice. Tu as peur des hommes parce que tu as peur de ton père. » J'étais tellement enfermée. En fait, à la fois il me disait que j'étais quelqu'un d'extraordinaire, il me valorisait beaucoup sur des choses intellectuelles par exemple, mais sur la partie relationnelle et affective. Il me dévalorisait énormément, il me disait que je ne savais pas entrer en relation avec les autres, que je faisais des erreurs sociales. Il me critiquait beaucoup, par exemple, quand on sortait d'un dîner, il me disait que je devais le mettre en valeur, que je l'avais contredit devant les autres, que c'était inacceptable, et que je ne savais pas me tenir, que les gens ne m'aimeraient pas à cause de la façon dont je me comportais, parce que je faisais des blagues, parce que je riais trop fort. Il y avait toujours une raison. Cette dévalorisation permanente, mêlée à des moments où je me disais « il est extraordinaire » , J'ai tellement de chance d'être avec lui. Ça faisait qu'il avait totalement remplacé mes pensées par les siennes. Je me souviens de dîner où je disais « Ah là là, je ne peux pas vous expliquer. En fait, il faudrait que Henri soit là pour vous expliquer. » C'était un monde de la force. Il fallait être plus fort que les autres parce que sinon, on allait se faire écraser. Le monde n'était que domination et soumission. De fait, pendant nos fiançailles, il y a eu des alarmes. Je pleurais quand même beaucoup. Je me suis fait virer de mon job parce que je ne faisais que pleurer en réunion. Je me levais au milieu de mes réunions pour aller pleurer dans les cabinets. Je me posais sans arrêt la question de ma valeur. Je me souviens que quand on me demandait de prendre les notes en réunion, je me disais voilà, je suis juste l'assistante de direction.

  • Anne-Françoise

    Et alors que tu as fait des études brillantes.

  • Bérénice

    J'ai fait une grande école de commerce et effectivement l'ENS. Donc j'aurais pu m'accrocher à ça pour me dire que j'étais capable de faire des choses. De fait, je n'étais pas du tout assistante de direction. Je prenais les notes parce que j'étais dans des comités de direction où j'étais qu'avec des grands patrons. Donc c'était un peu normal qu'à 30 ans, ce soit mon rôle. Mais c'était un emploi qui était incroyablement intéressant avec des très hautes responsabilités. Mais il avait réussi à me faire croire que c'était un peu nul ce que je faisais, que j'avais choisi ça par défaut. Donc il y a eu ces moments où j'étais incroyablement triste. Mais voilà, il m'avait convaincu que tout ça, c'était ma faute, que c'était quelque chose que je portais en moi. Et il arrivait à retourner toutes les alarmes. Je me souviens que pendant la préparation au mariage, il y a un des prêtres qui nous a rencontrés, qui a appelé le prêtre qui nous mariait, en lui disant, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette relation. Il a pris la main sur elle. Et donc, je me sens très bien. J'étais au boulot et il m'a appelé dix fois. Donc, j'ai fini par sortir du boulot pour aller répondre à ses appels. Là, il m'a encore hurlé dessus au téléphone pour me dire « Mais t'as encore raté, tu t'es comporté de façon inacceptable pour que ce prêtre pense ça. Donc maintenant, tu vas voir le prêtre qui nous marie pour lui dire qu'il n'y a pas de problème. » Et je me souviens d'avoir pensé au fond de moi quel dommage que ce prêtre ait appelé le prêtre qui nous marie. Quel dommage qu'il ne m'ait pas parlé à moi, parce que c'est la seule fois où j'aurais pu avoir un espace pour dire au secours. Donc si vous êtes un prêtre qui voit un couple qui ne va pas bien, n'oubliez pas le prêtre qui les marie. Agissez.

  • Anne-Françoise

    Il peut surtout peut-être parler avec les deux personnes.

  • Bérénice

    Je ne suis pas sûre qu'il faille parler avec les deux personnes. L'espace où ils sont à deux, ce sera toujours un espace où lui exerce sa violence.

  • Anne-Françoise

    Non mais l'un après l'autre ou non ?

  • Bérénice

    Peut-être l'un après l'autre. après juste avant le mariage, un mois avant le couple qui nous accompagnait a essayé de faire ça Et à ce moment-là, j'ai deux cousins germains, dont un qui est prêtre, qui m'ont prise à part. Ils m'ont dit, on est inquiet pour toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais je leur ai dit, mais non, Henri m'a tout expliqué. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de mon père. Il avait vraiment remplacé toutes mes pensées par les siennes, c'est étonnant. Et donc, on s'est mariés, c'est un souvenir abominable. Franchement, j'étais glacée de peur. À la fois, j'étais très heureuse de me marier, il y avait tous ses amis qui avaient fait le déplacement pour moi, j'étais hyper reconnaissante. et en même temps, je me suis en maîtrise. échappé à un moment du cocktail pour changer les places parce que je pensais que si les gens n'étaient pas bien reçus, qu'ils n'avaient pas une belle expérience, ils ne seraient plus amis avec moi, ils m'en voudraient. J'avais vraiment cette inquiétude permanente. Je n'avais pas compris que ça venait de lui. Il lui demandait d'aller faire un petit tour à un moment pour qu'on soit tous les deux ce jour-là. Il m'a dit non. Il a passé la soirée à parler avec ses copains. Moi, j'avais organisé un moment avec des musiciens qui étaient vraiment là, avec un violon, un banjo, pour qu'on puisse aussi danser autour de ça. Moi, j'ai vécu en Israël. J'adore ces moments de communion autour de la danse et ces mariages un peu comme ça, tellement joyeux. Il n'a pas voulu venir danser avec nous. Et voilà, le voyage de Noce, ça a été un moment assez difficile parce que là, j'étais vraiment complètement seule avec lui. Donc vraiment, l'étau se resserrait.

  • Anne-Françoise

    Et dans tout ça, est-ce que malgré tout, toi, tu te sentais aimée ? Est-ce que tu avais l'impression de l'aimer ? Est-ce qu'on peut parler d'amour dans ce que tu as vécu ?

  • Bérénice

    J'avais vraiment l'impression de l'aimer parce que je m'adaptais en permanence à lui. parce que je faisais tout pour essayer de le satisfaire. Il y avait ce fameux livre des cinq langages de l'amour qui m'avait expliqué que si j'étais une bonne épouse qui lui parlait son bon langage, il allait changer. Je l'aimais de la façon dont il me demandait de l'aimer, c'est-à-dire d'être à son service. Il était tout à fait féministe avant notre mariage. Après, il m'avait dit, j'assume une vision traditionnelle où c'est à toi de gérer le ménage. Donc j'avais vraiment l'impression de... de faire tout ce que je pouvais pour l'aimer, que lui essaie de m'aimer aussi. Il me disait quand même des choses très positives aussi. En fait, c'est ce qu'on appelle le cycle de la violence. On sent les choses monter, on s'adapte tout le temps parce qu'on a peur de l'explosion. Et puis, l'explosion arrive quand même parce qu'il n'y a rien qu'on peut faire, il n'y a rien que la victime peut faire. C'est lui qui choisit, en fait, de se défouler. Et puis, une fois qu'il s'est défoulé, il redevient gentil, il redevient valorisant. donc c'est à ce moment là, en fait on a été tellement terrifié que tout à coup, il est gentil, il est la personne qui console. Et donc, ça a été prouvé en neurosciences, ça crée un lien plus fort, en fait. Quand on a eu peur comme ça, et quelqu'un prend soin de vous, ça crée un attachement très fort. Et donc, je me disais, il est tellement extraordinaire, il a tout compris à la vie, il m'apprend cette vision que je comprenais pas, des relations sociales, moi qui voulais toujours dire aussi ce qui me déplaisait, ce qui me blessait. En fait, j'apprends qu'il faut sans arrêt montrer une image positive. Tout ça, je m'apprends à être meilleure avec les autres. J'avais l'impression d'être avec quelqu'un d'extraordinaire qui avait tout compris à la vie. Puis tous les soirs, on se mettait à genoux et on disait une petite prière. Donc j'avais vraiment l'impression de vivre une vie un peu idéale. Et puis en même temps, je me sentais quand même extrêmement seule. Il me disait des choses très négatives de mes amis proches, de ma famille.

  • Anne-Françoise

    Tu disais que tu avais quand même eu des réactions un peu autour de toi. Comment est-ce que tu étais accompagnée ? Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais aimé recevoir dans cette période de tes proches ou de personnes qui vous accompagnaient ?

  • Bérénice

    C'est sûr que j'en ai parlé à une copine. Je lui ai dit qu'il était très colérique. Elle m'a répondu, je ne peux rien te dire. Moi aussi, il crie beaucoup. Il faut déjà, pour accompagner, avoir une capacité à poser des limites et à dire, c'est inacceptable. Crier, c'est déjà une grande violence psychologique. Si tu as peur de lui, ce n'est pas une relation d'amour. Il aurait fallu que quelqu'un soit capable de poser ces limites précises en rentrant dans le détail des comportements qui ne sont pas acceptables. Il y a une chose que je n'avais pas comprise, c'est que C'est pas grave si on en discute après et que même qu'il demande pardon, ça change rien. Si son comportement ne change pas, il n'y a pas de relation en fait. Il n'y a rien qu'on puisse faire en s'adaptant qui puisse l'empêcher d'être violent. Moi, je faisais très attention à ce que quand il rentre, tout soit propre. Je repassais son linge, voilà, toutes ces choses-là. Et en fait, il n'y avait rien que je pouvais faire parce que sa violence venait de lui. il en était intégralement responsable. Et il aurait fallu que quelqu'un me pose ces limites-là précisément. Pas juste en me disant « t'as peur de lui , c'est surprenant », mais en rentrant dans le détail de ce qui n'est pas acceptable.

  • Anne-Françoise

    Donc tu disais que le jour du mariage et ensuite le voyage de noces étaient difficiles ?

  • Bérénice

    Je voudrais parler d'un sujet qui n'est pas évident et sur lequel je voudrais vraiment rester respectueuse et pas blessante pour les gens qui nous écoutent. Mais il faut quand même parler du consentement. C'est pas parce qu'on dit oui le jour de son mariage qu'on dit oui toujours. Moi, j'ai beaucoup entendu dans le monde catho que la femme a parfois pas envie et qu'il faut aussi qu'elle travaille un peu sur elle pour avoir envie de se donner. Je pense que c'est pas vrai. Je pense que si on n'a pas envie, il faut surtout réfléchir. Qu'est-ce qui fait que j'ai pas envie ? Est-ce que ça viendrait pas du fret que la relation est pas belle en ce moment, qu'il me parle pas bien ? Évidemment qu'on peut pas désirer quelqu'un qui... parle pas bien. Et plusieurs fois, j'ai cédé parce que je sentais qu'il allait s'énerver. Je vois aussi des femmes qui me disent que comme c'est les seuls moments où il est gentil, elles cherchent ces moments beaucoup et elles sont prêtes à céder quand ils manifestent le désir de le faire, même si de fait, elles ont pas forcément de désir. Je pense que ça, c'est vraiment de la violence. Ce n'est pas parce que ces moments peuvent être doux, peuvent être de l'intimité, que c'est acceptable que ce soit les seuls moments heureux, par exemple. Et donc, oui, le voyage de Noce a été difficile, mais aussi simplement parce que j'étais seule avec lui et que là, il pouvait vraiment se déchaîner. Je me souviens qu'on gravissait des montagnes ensemble et puis il trouvait que j'allais trop lentement. Donc, il montait et puis il m'attendait là-haut.

  • Anne-Françoise

    Et comment, du coup, dans tout ça, tes yeux ont commencé à s'ouvrir sur votre relation ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que c'est un jour dont je me souviendrai toujours. Il y a un an et demi, il n'était pas content de la façon dont j'avais étendu le linge. Il manquait une roulette de l'étendoir et du coup, j'avais empilé des bouquins pour que ça tienne. Et donc, il s'est énervé en me disant, pour une fois, tu vas faire les choses bien. Donc, tu vas chercher la roulette dans le placard. Je n'étais pas très contente. Je trouvais ça ridicule qu'il m'impose ça. Donc, j'ai été voir dans le placard. et puis je suis revenue un peu en me marrant en lui disant écoute Je ne l'ai pas trouvé, donc voilà, maintenant, on accepte ça comme ça. Et là, il s'est vraiment énervé, il m'a prise par les épaules, et il m'a emmenée dans le placard, où il m'a poussée, je suis tombée, et il m'a dit « maintenant, tu cherches la roulette » . Je me suis mise à pleurer, j'avais mal, j'avais des bleus, et puis j'étais dans ce placard où il venait de me projeter, et il m'a dit « non, non, tu arrêtes de faire ton intéressante, c'est des larmes de crocodile et maintenant tu cherches la roulette donc j'ai cherché la roulette Je l'ai mis sur l'étendoir. J'ai étendu le linge en silence, en attendant qu'il se calme. Et puis, je suis allée pleurer dans notre chambre. Et il est revenu en me disant, écoute, je vais être gentille avec toi. Je vais t'apprendre à repasser mon linge. J'ai bien vu que tu ne savais pas repasser mes chemises. Donc, je vais t'expliquer comment on fait. Je lui ai dit non et il s'est énervé en me disant, mais je suis gentille. Je passe au-dessus de ce qui s'est passé. Et je veux t'apprendre quelque chose. Et tu réagis comme ça, c'est quand même pas possible. Et puis, on s'est couché. Et le lendemain matin, il voulait m'embrasser. Il était tout gentil. Et vraiment, ça, c'est le moment où je ne pouvais plus. J'étais glacée. J'avais l'impression d'être dans une mauvaise série télé, donc j'ai fait ce qu'on fait dans une mauvaise série télé. J'ai été chez le médecin et je lui ai demandé un certificat, parce que j'avais des bleus, parce que j'étais vraiment en état de choc. Le médecin m'a fait un petit certificat. Et vraiment là, j'étais désespérée, parce que je lui avais demandé qu'on aille voir un conseiller conjugal, et il refusait absolument, et je ne voyais plus aucun avenir. S'il en venait à la violence physique, S'il avait franchi cette limite-là de plus ? Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir. Voilà, j'ai demandé à trois copines si je pouvais dormir chez elles. parce que je me disais peut-être qu'il y en a une qui acceptera. Évidemment, en fait, tout le monde a accepté. J'avais tellement peur de déranger que je dormais chez l'une puis chez l'autre parce que j'avais l'impression de prendre de la place. Donc, il m'appelait en permanence. Il me disait, je veux juste te ramener à la raison. Il m'envoyait des mails très, très en colère en me disant, tu me le dois, je suis ton mari. Il me donnait rendez-vous à un endroit. Je lui disais, je ne veux pas venir tant que tu n'acceptes pas qu'on aille voir un... un conseiller conjugal. Et donc, après, il me répondait, je t'ai attendu pendant des heures là où je t'avais donné rendez-vous, pourtant je t'avais acheté des fleurs. Et j'ai fait ce qui est la grande classique, c'est-à-dire qu'il a accepté finalement d'aller voir un conseiller conjugal, et donc j'ai accepté de revenir. En moyenne, il faut sept fois pour réussir à quitter un homme violent. J'avais cette idée qu'on était mariés pour la vie, et que voilà, j'avais accepté, et j'avais encore cet impératif tellement à la fois de... lui faire comprendre ce que c'était qu'une relation saine et heureuse, parce que c'est tellement merveilleux, et je trouvais ça triste qu'il n'ait pas ça. Et puis, je pensais vraiment que je pouvais le changer, si je m'adaptais, si je lui montrais, si je lui faisais comprendre. Et donc, on a été reçus plusieurs fois par une conseillère conjugale. En petit aparté, c'est inacceptable. La déontologie d'un thérapeute conjugal, c'est qu'il ne faut pas créer l'espace de la violence, et de recevoir ce couple à deux, c'est créer un nouvel espace de violence. C'est des gens qui sont des très bons manipulateurs, donc qui sont vraiment capables d'embarquer avec eux le thérapeute conjugal, par exemple de donner à chacun des exercices à faire. La victime, elle n'a pas à changer, elle n'a pas à s'adapter, elle n'a pas d'exercice à faire. Donc ce qui est important dans ces cas-là, c'est d'avoir un accompagnement personnel et d'être accompagné globalement par un psy et par une association. Et de fait, au bout d'un moment, il a continué à être tellement violent, la violence remontait tout le temps. Donc il m'avait promis qu'il allait changer, que les choses allaient être différentes, qu'il me demandait pardon tous les soirs. Et puis ça n'a pas du tout été le cas. Il continuait à crier, je me souviens de me réveiller au milieu de la nuit en pleurant parce qu'il avait encore été odieux. Et il s'est réveillé et il était fou de rage que je sois en train de pleurer. Il m'a ordonné de me calmer, il me disait que je faisais mon intéressante. Et voilà, au bout d'un moment, il y a un moment où je me suis dit mais en fait j'en peux plus. De toute façon il n'a pas de limite, j'en ai assez. je suis allée me mettre dans un café Et dans ce café, il y avait un concert, il y avait des gens qui jouaient de la guitare et qui chantaient des chants traditionnels. Et tout le monde chantait avec eux. C'était un moment merveilleux. Et j'ai tapé sur Google « violence conjugale » . Je suis tombée sur un livre. Et j'ai lu le livre toute la soirée. Et mes yeux s'ouvraient. Et donc ça nommait les unes après les autres toutes les choses que je vivais. Ça nommait ce cycle de la violence. Ça expliquait que c'était lui qui choisissait d'être violent. qu'en fait... C'était un système de croyance qu'il avait. Voilà, j'étais sa chose qui me regarderait toujours comme une chose parce qu'il ne me voyait jamais comme une personne. En fait, il avait décidé d'être comme ça, au fond. Il ne pouvait pas agir sur cette décision.

  • Anne-Françoise

    Il s'appelait comment ce livre ?

  • Bérénice

    Il s'appelait « Pourquoi fait-il ça ? » Alors moi, je l'ai lu en anglais « Why does he do that ? » et j'ai trouvé que c'était un mélange magnifique par quelqu'un de fait qui ne se revendique pas comme chrétien mais qui a une vision de la vie et de l'homme qui est... tellement, tellement chrétienne, de fait, tellement belle, du mariage chrétien, d'un mariage heureux, de ce qu'on donne dans une relation, de ce que c'est que se donner, et de ce que c'est aussi de ne pas se donner. Et de fait, il décrivait des types de personnalités violentes. En fait, c'était drôle. Et donc, je me souviens d'être dans ce café, avec cette musique, cette joie, et en fait, je riais, parce que tout à coup, il était démasqué. Et je pense que c'est ça qui m'a le plus aidée. C'est qu'après, quand il tentait ses comportements, je voyais tout, je le voyais, ses manipulations à l'œuvre. c'était mesquin, c'était petit. Et ça ne marchait plus sur moi. Et je crois que ton podcast s'appelle Un beau jour. Vraiment, moi, il y a un jour où les écailles me sont tombées des yeux. Et j'ai compris que tout ce que j'avais toujours appris dans ma famille, dans ma vie, dans cette relation, cette idée que dans la vie, il faut être fort, que le monde est fait de relations de domination. En fait, ce n'est pas vrai. En fait, ça marche en superficialité. C'est ce qu'on appelle le monde, la vie mondaine. Il y a des gens qui fonctionnent dans cette logique, donc si on marche dans cette logique, on pourra gagner du pouvoir. C'est pas ça la vie. C'est l'évangile du dimanche 23 novembre, l'évangile du bon larron. Il y a deux choses qui me frappent là-dedans. La première, c'est qu'en fait, il y a un écriteau sur la croix où il y a écrit « Ici est le roi des Juifs » . Et tous les gens sont en train de crier, de dire à Jésus « Sauve-toi toi-même » . C'est écrit, il n'y a pas de secret, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas de façon de connaître l'univers où tout à coup on découvre le secret de la force et de comment tout gagner, le pouvoir, l'amitié des autres, parce qu'en fait il faut juste être fort. Tout était là, c'est le message que j'avais reçu toute ma vie, je suis doux et humble de cœur. Je me souviens que tout à coup je me suis dit mais Henri n'est pas doux et humble de cœur. Et puis la deuxième chose c'est que Jésus n'ouvre la bouche qu'une fois. C'est quand le bon larron lui parle que le bon larron nomme l'injustice en disant mais voilà un homme qui est innocent. C'est le seul moment où Jésus lui répond et Jésus lui répond pour lui parler du royaume. C'est ça qu'on a envie de créer, c'est le royaume. C'est quelque chose qui m'habite depuis ce jour-là. Le royaume de Dieu c'est rien de plus que ça, c'est juste rentrer en relation avec les autres sans essayer de les manger, sans prendre le pouvoir sur eux, juste en les acceptant là où ils sont. En faisant l'effort de les écouter jusqu'au bout, j'ai pas mal discuté avec un copain qui a des enfants qui font des choix qui pour lui sont terribles, qui sont vraiment tout ce qu'il a. Essayer de ne pas leur transmettre. Et il me disait, je m'assieds avec eux, je leur demande qu'est-ce qui fait que tu décides de faire ça ? Avec un immense respect de choix, de leur conviction. Il va jusqu'au bout. Il n'essaye pas de leur imposer ses idées. Vraiment, ça m'a bouleversée qu'il me raconte ça. Juste en faisant ça... En écoutant les autres et en les recevant là où ils sont, déjà on construit le royaume de Dieu. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas poser de limites, ça ne veut pas dire qu'on laisse les autres nous manger, ça veut juste dire qu'on construit cet espace d'écoute.

  • Anne-Françoise

    Il y a eu un pas en avant après dans ta vision du monde et dans ta façon de vivre ta foi ?

  • Bérénice

    Je dirais que c'était du jour au lendemain. J'ai découvert un mode de relation où je pouvais être totalement authentique, on ne me demandait pas... d'être forte en permanence, de dire que j'allais bien, de raconter que des choses positives. Je pouvais dire globalement à peu près tout ce qui me passait par la tête. En fait, ça faisait rire les gens. Et je pouvais vraiment les accepter jusqu'au bout. Ils n'ont pas les mêmes choix que moi. En fait, c'est intéressant. Ça m'apprend plein de choses. Même si c'est fondamentalement opposé intellectuellement, ça ne veut pas forcément dire qu'on ne se rejoint pas au fond sur le désir de beauté, le désir d'amour. et qu'on ne peut pas se retrouver.

  • Anne-Françoise

    On dirait étonnamment qu'il y a quelque chose qui t'a ouvert le cœur.

  • Bérénice

    C'est vraiment ça. J'ai une amie psychiatre qui m'expliquait que quand on a une structure de personnalité qui est fondée sur la violence, il faut passer par une étape de déconstruction qui passe souvent par une très forte dépression. De fait, c'est ce que j'ai vécu. J'ai été arrêtée pendant un an. Je n'ai pas pu travailler. Mais cette dépression qui a mis à bas tout ce que j'avais reçu, tous les mauvais réflexes que j'avais. tous ces désirs de paraître, d'être la plus forte, d'être préférée aux autres, tout ça, je ne dis pas que je ne suis pas toujours quelqu'un de terriblement pêcheur et que cette tentation de prendre le dessus sur les autres n'est pas évidemment permanente, mais ça m'a permis aussi de découvrir un mode de relation complètement différent, fondé sur la douceur et vraiment sur l'intérêt pour les autres jusqu'au bout. Je voudrais juste te lire une citation de Simone Veil. C'est rigolo parce que Paris, c'était une citation que je connaissais depuis très longtemps, depuis mes 20 ans, et tout à coup qui m'a éclairée. Elle dit « Les grands fauteurs de violence se sont encouragés eux-mêmes en considérant comment la force mécanique, aveugle et souveraine dans tout l'univers. En regardant le monde mieux qu'il ne fond, nous trouverons un encouragement plus grand si nous considérons comment les forces aveugles innombrables sont limitées, combinées en un équilibre, amenées à concourir à une unité par quelque chose que nous ne comprenons pas, mais que nous aimons et que nous nommons la beauté. » Ça m'émeut énormément cette citation, j'ai des larmes aux yeux. C'est vrai, il y a un royaume de la force. Il existe en ce monde, mais vraiment, si on voit que ça, on a raté toute la vie. Vraiment, ça a été tellement dur cette année de dépression. Je ne pouvais plus travailler. J'étais en révolte contre Dieu. Et en même temps, j'ai beaucoup aimé ce que tu as dit, Anne-Françoise. Ça m'a ouvert le cœur. J'ai vraiment retrouvé une vie de foi dont j'avais été privée. Pourtant, je priais tous les jours avec mon mari, à genoux, devant notre petit crucifix. Mais j'étais tellement loin de Dieu. Et il y a vraiment un... Une source jaillissante, une eau très fraîche qui a changé ma vie. J'ai l'impression que toute ma vie, j'étais comme dans le désert. Et de temps en temps, Dieu me donnait quand même des petites gouttes d'eau, des moments de foi qui me nourrissaient. Mais tout à coup, je suis arrivée dans un pays verdissant. Il faut avoir marché dans le désert. Tout à coup, on trouve une rivière et tout autour, il y a des arbres. C'est tout vert, il y a des fleurs, ça sent bon.

  • Anne-Françoise

    Quelles ont été tes ressources justement pour te reconstruire ?

  • Bérénice

    Ah oui, ça je pense que c'est très important aussi. Moi je suis quelqu'un de très scolaire, comme tu disais, j'ai fait des grandes études. Et donc je savais que quand on est victime de violences, on va avoir une association qui accompagne des victimes de violences. C'est ce que j'ai fait. Attention de terribles féministes ! Parfois, ça fait un peu peur dans certains mondes un peu traditionnels. Je pense que comme dans la parabole du bon samaritain, on peut être aidé par des gens qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait. Je n'ai jamais été autant respectée dans ma liberté et dans mon discernement que par ces associations qui m'ont accompagnée, qui n'ont jamais essayé de toucher à quoi que ce soit de ma foi et de mes convictions, qui m'ont juste partagé que ce que faisait mon ex-mari était illégal. que ça dépassait des limites et que ça ne me respectait pas. Je me souviens d'une femme qui m'a dit « ça me fait peur ce que vous me racontez, il me fait peur cet homme » et qui m'a donné quelques clés assez simples. Mais vraiment, si vous êtes victime de violence, si vous n'arrivez pas à partir, si vous ne souhaitez pas partir, si vous avez peur que vous perdiez votre foi, par exemple, souvent on a cette image que si on est victime de violence, on va quitter sa communauté, on va quitter sa foi, on va quitter toutes ses convictions. On devient une divorcée avec un grand D. Et bien, ces gens vous respectent infiniment. Vous n'avez pas besoin de perdre votre foi. Il y a des gens qui vous accueilleront et des gens dans l'église aussi. Donc ça, ça a été une ressource exceptionnelle.

  • Anne-Françoise

    Quelles associations, par exemple ?

  • Bérénice

    Il y en a énormément. Moi, j'ai été voir une association à Paris qui s'appelle Elles Imaginent. Mais globalement, c'est un esprit qui est vraiment très présent dans la plupart des associations. Et puis, vous avez un discernement si ces associations vous n'aident pas à changer. Il y a une vraie offre. On a beaucoup de chance en France. Même si vous habitez dans le fin fond d'un village, il y aura quelque chose pas trop loin de chez vous. Il y aura une ligne téléphonique, le 3919, que vous pouvez appeler. Moi, il y a une autre chose qui m'a vraiment énormément aidée. Toujours comme dans les mauvaises séries, j'ai porté plainte. J'avais vraiment l'impression de faire mon intéressante. Il ne m'avait pas roué de coups, il ne m'avait pas envoyé à l'hôpital. Qui étais-je pour porter plainte ? Vous savez, on est très, très dévalorisé, on n'a aucune confiance en soi. Et en fait, je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde, mais moi, j'ai été très bien accueillie par des gens qui ont été très respectueux. Il y a eu une confrontation avec lui et c'était extraordinaire parce qu'il se comportait exactement comme s'il s'est toujours comporté avec moi. Mais là, il y avait des extérieurs qui nommaient le fait que c'était inacceptable, qui étaient choqués, qui le voyaient. Et après cette confrontation, ils m'ont dit si jamais ça n'aboutit pas, si cette plainte s'arrête là, ça ne vaudra pas dire qu'on ne vous croit pas. On vous croit. Et de fait, son comportement les a tellement choqués qu'ils ont ouvert une instruction. Donc une instruction, ça veut dire qu'ils ont reconnu les chefs de viol. Et donc ça, je pense quand même que ça doit être su. Aujourd'hui, il est sous contrôle judiciaire, il n'a pas le droit de m'approcher. Oui, j'ai été évidemment accompagnée par une psychologue, personnellement aussi, qui m'a permis de travailler sur toutes ces choses que j'avais reçues, tous ces événements quand même très traumatisants. qui m'empêchait beaucoup de vivre, là aussi qui n'est pas du tout gâteau, mais qui m'a permis aussi de remettre en question. Le fait qu'il y ait beaucoup de choses que j'avais reçues de par mon éducation qui n'avaient rien à voir avec la foi. Rappelons quand même qu'une grosse partie de mon éducation, soit dans le scoutisme ou dans les différents groupes de prière et vœux de formation que j'avais eus, on avait quand même beaucoup beaucoup parlé par exemple des règles autour de la sexualité que je ne remets pas en question. Mais je constate que quand Jésus prend la parole, déjà il n'évoque jamais ces sujets, pas une seule fois, et qu'en revanche, en permanence, il s'attaque aux puissants et aux forts, que les prophètes en permanence ne parlent que de ça. Il y a cette phrase du prophète Amos qui dit « Bientôt la bande des vautrés n'existera plus. Vous les riches, vous allez être abattus. Dieu casse les dents du méchant. » C'est vraiment vrai. La seule chose qu'on peut souhaiter à ces gens violents, c'est que Dieu leur casse les dents pour qu'ils arrêtent de manger les autres et qu'ils puissent rentrer en relation parce qu'ils n'ont plus que des gencives. Du coup, ils vivent ce que c'est que la douceur.

  • Anne-Françoise

    Et toi-même, tu as créé une association pour encourager le dialogue sur ces sujets dans la préparation au mariage catholique, si j'ai bien compris. Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Donc j'ai créé avec une équipe d'une dizaine de personnes. On est tout un collectif qui est pluridisciplinaire, avec des sages-femmes, des psychologues, des gens dont c'est vraiment le métier d'accompagner les femmes. Et donc dans cette association, notre objectif, ça n'est pas d'accompagner les femmes victimes de violences, parce qu'il y a des gens qui le font très très bien, et mieux qu'on ne le fera, et qu'on n'a pas les moyens de le faire. Il y a une association exceptionnelle, par exemple, qui s'occupe des femmes catholiques, qui s'appelle l'Étoile du Berger. Nous, notre but, c'est de sensibiliser et de faire connaître ça, notamment dans les préparations au mariage. On a une richesse exceptionnelle dans l'Église catholique en France, c'est qu'on accompagne tous les ans des dizaines de milliers de couples au mariage. Les statistiques sont simples, en fait c'est au moins un couple sur huit où il y a de la violence, donc c'est quand même une responsabilité d'accompagner ces couples. Et pareil, on ne peut pas parler des questions de sexualité si on ne prend pas en compte le fait qu'un enfant sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Et donc l'idée, c'est qu'on propose un atelier, un dîner qu'on peut faire dans une préparation au mariage, dans une soirée de préparation au mariage, pour aborder ces sujets avec une immense délicatesse, un immense respect. Et surtout, surtout, en portant le vrai message de l'Église là-dessus. Parce qu'en fait, c'est des sujets qui sont tellement prégnants dans toute la société. Bien sûr, nous, les cathos, on n'est pas épargnés, mais c'est partout. Il y a des gens qui viennent de partout. de partout pour se préparer au mariage qui ne sont pas spécialement pratiquants et qui ont vécu des choses ou qui vivent des choses. Et nous, l'Église, on a ce devoir de leur porter ce message lumineux, ce message du royaume de relations sans violence. C'est quand même important. On leur dit que c'est possible. Dans l'association, il y a pas mal de femmes qui ont vécu des choses abominables, mais qui ont reconstruit dans des relations où il n'y a pas de violence, en fait. Ça existe. On entend souvent que la première année de mariage, c'est très difficile. Je veux bien. Peut-être que c'est difficile de s'adapter à l'autre. Si on n'avait pas l'habitude de ranger ses chaussettes, je veux bien. Mais ça ne veut pas dire que les assiettes doivent voler. Il y a des limites, en fait. Et tout ça, c'est le cœur du message de Jésus. Le souci des faibles, des victimes. C'est tout ça qu'on a apporté au monde. On a un vrai travail de pouvoir le faire.

  • Anne-Françoise

    Elle s'appelle comment ton association ? Comment est-ce qu'on vous contacte ?

  • Bérénice

    Elle s'appelle Myriam. Myriam, en égyptien ancien, une des étymologies possibles, c'est la bien-aimée. Et donc, on s'appelle Myriam-Bien-Aimer, E-R. C'est ça qu'on veut apprendre ensemble, c'est de bien aimer. Donc, on a un site internet, on a un Instagram. Vous pouvez nous contacter par mail si vous voulez des ressources. Évidemment, si vous vous occupez de préparation au mariage. Si vous voulez vivre ça dans votre préparation au mariage, contactez-nous. Nous, on a vraiment cet objectif de se déployer partout en France, porter ce message de l'Église.

  • Anne-Françoise

    Et donc, quand on accompagne des couples, je pense à des prêtres ou à des personnes qui font de la préparation au mariage ou à même des personnes qui sont proches, qui sont amies de couples où ils perçoivent qu'il y a des difficultés, qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce que toi, tu aurais aimé recevoir ?

  • Bérénice

    Je pense que la première chose, c'est une infinie délicatesse et un immense respect. C'est des gens, il y a déjà quelqu'un qui leur dit tous les jours quoi faire. Vous pouvez proposer des ressources, vous pouvez proposer d'être là, d'accompagner, mais vous ne pouvez pas leur dire quoi faire. D'abord, si vous leur dites de quitter leur mari, elles vont se mettre dans une réaction défensive. Ou de quitter leur femme, ça arrive aussi aux hommes. C'est encore plus tabou, mais ça arrive aussi. Donc, ne leur dictez pas des comportements, mais proposez-leur deux choses. Nommez ce qui n'est pas acceptable et orientez vers des gens qui sauront les accompagner. Donc évidemment, recommander un accompagnement par un psy, un vrai psy, un clinicien. Il y a beaucoup de thérapeutes plus ou moins bien formés à la question de la violence. Je pense qu'il faut se faire accompagner par des vrais professionnels et par des associations qui sauront vraiment avoir des ressources. Un conseiller conjugal, s'il accepte de proposer cet espace-là pour recréer la violence, c'est déjà... totalement contre sa déontologie. Il doit vraiment renvoyer vers un accompagnement individuel.

  • Anne-Françoise

    Et est-ce qu'il y a des conseils que tu arriverais à donner à quelqu'un qui est pris dans ce genre de situation et qui ne sait pas comment en sortir ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que vous êtes infiniment aimé et infiniment aimable. La deuxième chose, c'est que on peut demander de l'aide. Et peut-être qu'il faudra la demander, et la demander, et la demander. Et peut-être qu'il faudra la demander à des gens auxquels vous n'auriez pas pensé. Et l'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'un homme violent n'est pas un bon père. Un enfant qui grandit dans une famille où il y a de la violence, je peux en témoigner personnellement, mais les statistiques le disent aussi, c'est un enfant qui est victime aussi. C'est extrêmement traumatisant. Vous ne voulez pas que vos filles se marient elles-mêmes avec un homme violent ? Ou vos fils, bien sûr. Vous ne voulez pas que vos enfants deviennent eux-mêmes des violents ? Donc, protégez-les.

  • Anne-Françoise

    Donc, rester parce qu'on a des enfants, ce n'est pas une bonne idée.

  • Bérénice

    Oui. Un homme violent n'est pas un bon père.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup, Bérenice. Il y a trois questions qu'on a l'habitude de poser à la fin de ce podcast. D'abord, toi, tu lis beaucoup. Tu nous as déjà parlé d'un livre. mais est-ce qu'il y en a un autre ? qui t'a accompagnée dans cette période ?

  • Bérénice

    Oui, d'abord je vous redis, Pourquoi fait-il ça ? Vraiment, c'est une ressource exceptionnelle. Mais il y a un livre qui m'habite énormément. C'est un livre de Nikos Kazantzakis, un des plus grands écrivains grecs du XXe siècle, qui s'appelle Le pauvre d'Assise. C'est une biographie de Saint-François d'Assise, mais ce n'est pas que ça. C'est l'expérience, quand on lit, de vivre ce que c'est que le royaume. Il y a une phrase où il dit « Partout où dans les villages se répandait la bonne odeur du saint » . Il a une plume florissante, on voit qu'il a grandi en crête, on voit les fleurs, les arbres, une nature qui porte la joie de Dieu. Et voilà, en lisant ce livre, en suivant cette figure extraordinaire de Saint-François, bien sûr, on fait vraiment presque physiquement l'expérience de ce que c'est que le royaume. Je vous lis un petit passage. La foule affluait sans cesse des plus lointains villages et des grandes villes. L'odeur du saint les guidait. C'étaient des pèlerins, des malades de l'âme ou du corps. Ils le touchaient et lui baisaient les pieds. François leur disait quelques mots, des mots simples, mais qu'ils avaient oubliés. Amour, union, humilité, espérance, pauvreté. Et ces simples mots prenaient pour la première fois sur ses lèvres Un sens profond, plein de mystère et de certitude. Et les pèlerins se consolaient, surpris de s'apercevoir combien proche et accessible est la béatitude.

  • Anne-Françoise

    Est-ce qu'il y a une prière qui t'a accompagnée ?

  • Bérénice

    Oui, il y a une prière qui m'a beaucoup accompagnée. C'est les litanies de l'humilité du cardinal Merry del Val. Je vous parlais de Jésus... Doux, humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. Ça m'a vraiment permis de sortir de cette vision du monde dans la force et la domination. Je vous en lis un petit passage. Du désir d'être estimé, délivrez-moi Jésus. Du désir d'être honoré, d'être loué, d'être préféré aux autres, d'être consulté, d'être approuvé, délivrez-moi Jésus. Voilà, donnez-moi de ne pas chercher à manger les autres, à être au-dessus, mais donnez-moi votre tranquille sérénité qui permet d'accueillir les autres. Et c'est ok si ça prend du temps. On ne peut pas tout donner tout de suite. On a besoin de se réparer d'abord.

  • Anne-Françoise

    Comment a évolué ta relation à Dieu dans cette histoire ? Et qu'est-ce que tu lui dirais si tu étais en face de lui aujourd'hui ?

  • Bérénice

    Franchement, j'ai d'abord vécu une immense révolte. Je pense que la souffrance n'est jamais acceptable. Vivre ça, ça m'a quand même ouvert les yeux sur l'immensité de la souffrance de ceux qui sont victimes de violences dans leur enfance, de violences sexuelles, de violences dans leur famille. C'est tellement, tellement fréquent. Quand on nous parle du mal, il est sous nos yeux. Et heureux ceux qui ont faim et soif de justice, on en a faim et on en a soif. Et de fait, petit à petit, mais c'est pas venu tout de suite, petit à petit, j'ai pu retrouver ce rapport où Dieu me nourrit. Évidemment, je lui parle déjà, mais ce que je lui dis, c'est soutenez toutes ces personnes qui sont victimes, aidez-les à se protéger, aidez-moi, aidez-nous à construire le royaume.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup Bérénice et merci à tous pour votre écoute. Merci d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour, à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes du podcast, mais aussi lire chaque semaine la rencontre avec un témoin dans le magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne. Toussaint, Maman Prie, Sexo, Sacré Histoire et d'autres encore. Merci et au prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

Description

À 33 ans, Bérénice, catholique pratiquante, se marie avec l’homme qu’elle aime. Très vite pourtant, un rapport malsain de domination s’installe. Love bombing, contrôle, dévalorisation systématique, puis la violence. Un jour, tout bascule – et elle trouve le courage de fuir. Dans cet épisode, elle raconte comment elle s’est libérée, comment la foi l’a tenue debout, et comment un beau jour, les écailles lui sont tombées des yeux, pour découvrir un tout nouveau mode de relation fondée sur la douceur.


Un récit fort, lumineux, qui parle de courage, de reconstruction et d’un Dieu « doux et humble de coeur » qui rend libre. 


Le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. 


Bérénice a créé l'association Miriam bien aimer pour la prévention des violences conjugales lors des préparations au mariage catholique : https://www.instagram.com/miriam.bienaimer/ 

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Ce podcast est réalisé par Famille Chrétienne


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Transcription

  • Bérénice

    Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir.

  • Anne-Françoise

    Bonjour, je m'appelle Anne-Françoise et vous écoutez Un beau jour, le podcast qui donne la parole à des croyants dont la vie et la foi ont été changées à jamais par un événement imprévu. Et dans cet épisode, je reçois Bérénice. Bérénice a 33 ans, elle est catholique pratiquante et s'est mariée il y a deux ans avec un homme qu'elle a dû quitter car il était violent. J'utilise un prénom d'emprunt pour préserver son anonymat. Alors que le 25 novembre dernier avait lieu la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Organisation des Nations Unies rappelait qu'à l'échelle mondiale, près d'une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple au moins une fois dans sa vie. Une réalité dont les catholiques ne sont pas exemptes, comme le montre l'histoire de Bérénice. Elle nous raconte cet événement traumatique qui a changé son regard sur l'amour, la vie, la foi et Dieu. Bonjour Bérénice.

  • Bérénice

    Bonjour Anne-Françoise.

  • Anne-Françoise

    Pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter l'objet symbolique que tu as apporté en lien avec ton histoire ?

  • Bérénice

    Je suis venue avec ma guitare. Ma guitare pour moi, c'est ce qui symbolise tout ce qui répond à la violence. La beauté, la joie d'être ensemble, le fait de chanter ensemble, la musique, tout ce qui me fait vivre finalement.

  • Anne-Françoise

    Tu as commencé à jouer de la guitare après cette histoire-là ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Et c'est aussi le lieu d'une vie intérieure. En tout cas, je peux vivre des choses belles en étant seule.

  • Anne-Françoise

    C'est quoi le morceau que tu aimes bien jouer en ce moment ?

  • Bérénice

    Une chanson de Jean Ferrat qui s'appelle « La femme et l'avenir de l'homme » .

  • Anne-Françoise

    Magnifique ! Alors, Bérénice, est-ce que tu peux nous dire un peu d'où tu viens ? Et notamment, en lien avec le sujet dont on va parler, qu'est-ce que tu as reçu de tes parents ? Comment est-ce qu'ils t'ont éduquée, notamment à l'amour ? Qu'est-ce qu'ils t'ont dit du mariage ?

  • Bérénice

    De ma famille, j'ai reçu d'abord des ressources extraordinaires. Le lien à la fois à une éducation chrétienne, dans le scoutisme, dans des écoles privées, dans le catéchisme. Une grande exigence intellectuelle et humaine. Une grande fantaisie. Donc d'abord ces ressources extraordinaires, mais aussi, de fait, mon père est un homme violent avec ma mère. Et toute mon enfance, j'ai vraiment vécu dans une grande souffrance. Il y a ça. Vraiment une atmosphère très difficile de violence permanente, de rapport aux autres marqués vraiment exclusivement dans la notion de domination ou de soumission. Et donc, de fait, socialement, pour moi, c'était très difficile les relations avec les autres. J'ai mis beaucoup de temps à être un peu plus posée. J'ai eu la chance de vivre des belles histoires d'amour aussi avec des hommes, mais marquées aussi par des choses que j'avais reçues, comme par exemple... une très grande importance autour de la virginité, de l'absence de contraception. Donc un message qui était assez rigide et en même temps très beau, mais très axé sur un rapport à la sexualité.

  • Anne-Françoise

    Tu as toujours voulu te marier ?

  • Bérénice

    Toujours voulu me marier. Toujours rêver de fonder un foyer heureux. J'avais aussi beaucoup ce désir d'être en relation avec un homme, d'être aussi aimée comme je ne l'avais pas forcément toujours été. Dans mon enfance.

  • Anne-Françoise

    Et alors, tu disais que tu avais vécu d'autres relations avant de rencontrer ton ex-mari. Est-ce qu'il y a des choses qui t'ont marquée dans ces relations ?

  • Bérénice

    Tout n'était pas toujours très sain. Je me suis beaucoup adaptée. Mais ce que j'en retiens aussi, c'est le rire, la joie d'être ensemble, la musique, le fait d'être au service des autres, dans l'hospitalité, que l'amour soit tourné vers l'extérieur. Vraiment cette notion de fantaisie.

  • Anne-Françoise

    Et alors, comment est-ce que tu as rencontré... Henri, donc ton ex-mari.

  • Bérénice

    Je l'ai rencontré une soirée où tout de suite, à la fois il m'a immédiatement dit qu'il était intéressé par moi. Il y avait une relation qui a été très intense, très vite, où il me disait sans arrêt que j'étais quelqu'un d'exceptionnel, qu'il avait vraiment envie de s'engager, c'est quelque chose qui m'avait beaucoup fait souffrir dans des relations précédentes, la difficulté à s'engager. Donc ça répondait vraiment à des désirs que j'avais. Il avait aussi une grande exigence intellectuelle. Donc il y avait beaucoup de sujets où on pouvait se rejoindre. Et puis, on appelle ça du love bombing. Le fait de me répéter sans arrêt que j'étais belle, qu'il m'aimait. Et donc, très vite, il a été question de se marier. Et il m'a demandé en mariage un moment où je ne m'y attendais pas du tout. Et quand quelqu'un est à genoux devant vous, c'est très difficile de répondre autre chose que oui. Et puis, je me suis dit qu'il fallait quand même que je prenne un temps de réflexion après. Mais en fait, en revenant du parc où on avait été se balader, où il m'a demandé ça, on a retrouvé des copains et il leur a immédiatement annoncé qu'on était fiancés. Donc tout de suite, l'étau se resserrait et j'avais de moins en moins de liberté de choix. On a décidé de se marier très vite, puisque j'avais quand même un certain âge et ça ne me paraissait pas délirant d'avancer. Et donc très rapidement, il y a des sommes qui ont été engagées, toute ma famille était au courant, tous mes amis. J'avais moins de liberté et puis cette relation, elle a été immédiatement, dès le début, très intense et de fait assez violente. Au bout de quelques semaines déjà... Il s'est mis à hurler. J'ai eu peur, mais après, on en a parlé. Il me disait aussi que ce que j'avais vécu dans ma famille, c'était scandaleux, ça l'indignait beaucoup. Donc c'était incroyable pour moi d'avoir quelqu'un aussi qui posait ses limites là, sur ce que j'avais pu vivre. Donc c'était impossible pour moi d'imaginer que ce que je vivais avec lui, c'était la même chose. Je pense qu'il y avait quelque chose de familier dans ce qu'on vivait. C'est ce que j'avais reçu dans mon enfance. C'était difficile pour moi d'en sortir. le soir de nos fiançailles on s'est retrouvés tous les deux Et il y avait quelque chose qui l'avait vexé, qui n'avait aucun sens. J'avais voulu refuser un cadeau qu'on nous avait fait à deux, parce que pour moi, ce qu'on m'avait toujours dit, c'est que pas de cadeau à deux pendant les fiançailles, on ne commence pas à unir nos vies et à avoir de la propriété en commun. Tout ce qui peut créer un lien trop fort avant d'être mariée, ça n'a pas de sens. Et ça l'a rendu fou que je refuse ça. Et donc pendant des heures, je me suis en été dans la rue, il criait et je n'arrivais pas à me faire entendre. Je ne savais pas comment faire pour qu'il... comprennent. Et c'est quelque chose qui a été pendant toute notre relation, cette notion de, mais il faut juste que je lui explique qu'il n'a pas compris. Ce que je ne voyais pas, c'est qu'en fait, ce n'est pas qu'il ne comprenait pas, c'est que ça ne l'intéressait pas de comprendre. Il voulait un peu se décharger aussi, parce que cette journée de fiançailles, ça avait été assez intense, donc il avait un peu envie de se défouler. Et puis, c'était une façon aussi de créer une relation où j'étais vraiment soumise. J'étais prête à anticiper ses moindres désirs pour ne pas vivre ces moments de violence. Et donc je m'adaptais en permanence, j'essayais toujours d'anticiper ce qui pourrait lui faire plaisir. D'être douce, il m'avait dit quand on se voit, je veux que tu sois souriante, avenante, agréable. Il m'avait beaucoup dit que je regardais ce qui était triste dans la vie. Quand j'essayais de lui dire ça ne me va pas, il me disait mais Bérénice, il faut être quelqu'un de positif. Donc il faut que tu regardes ce qu'il y a d'heureux dans notre relation. et pas de concentrer sans arrêt sur ce qui est compliqué. Donc finalement, il n'y avait plus aucune place pour ce que je ressentais, pour mes désirs, pour mes besoins et pour les limites que je souhaitais lui poser. Je pense qu'un point qui est important, c'est de dire que je lui ai posé ses limites. Je faisais quand même cet effort difficile de dire ce qui ne m'allait pas, d'essayer de lui demander de prendre des temps pour parler en cœur à cœur, dire ce sur quoi on avait avancé dans notre relation. Le problème, ce n'était pas que je lui disais. disent, le problème c'est qu'ils n'écoutaient rien. Et donc pendant nos fiançailles, de fait, il y a eu des alertes. Il y a eu ce moment où je lui ai dit « Mais j'ai peur de toi Henri. » Il m'a répondu « Mais tu n'as pas peur de moi Bérénice. Tu as peur des hommes parce que tu as peur de ton père. » J'étais tellement enfermée. En fait, à la fois il me disait que j'étais quelqu'un d'extraordinaire, il me valorisait beaucoup sur des choses intellectuelles par exemple, mais sur la partie relationnelle et affective. Il me dévalorisait énormément, il me disait que je ne savais pas entrer en relation avec les autres, que je faisais des erreurs sociales. Il me critiquait beaucoup, par exemple, quand on sortait d'un dîner, il me disait que je devais le mettre en valeur, que je l'avais contredit devant les autres, que c'était inacceptable, et que je ne savais pas me tenir, que les gens ne m'aimeraient pas à cause de la façon dont je me comportais, parce que je faisais des blagues, parce que je riais trop fort. Il y avait toujours une raison. Cette dévalorisation permanente, mêlée à des moments où je me disais « il est extraordinaire » , J'ai tellement de chance d'être avec lui. Ça faisait qu'il avait totalement remplacé mes pensées par les siennes. Je me souviens de dîner où je disais « Ah là là, je ne peux pas vous expliquer. En fait, il faudrait que Henri soit là pour vous expliquer. » C'était un monde de la force. Il fallait être plus fort que les autres parce que sinon, on allait se faire écraser. Le monde n'était que domination et soumission. De fait, pendant nos fiançailles, il y a eu des alarmes. Je pleurais quand même beaucoup. Je me suis fait virer de mon job parce que je ne faisais que pleurer en réunion. Je me levais au milieu de mes réunions pour aller pleurer dans les cabinets. Je me posais sans arrêt la question de ma valeur. Je me souviens que quand on me demandait de prendre les notes en réunion, je me disais voilà, je suis juste l'assistante de direction.

  • Anne-Françoise

    Et alors que tu as fait des études brillantes.

  • Bérénice

    J'ai fait une grande école de commerce et effectivement l'ENS. Donc j'aurais pu m'accrocher à ça pour me dire que j'étais capable de faire des choses. De fait, je n'étais pas du tout assistante de direction. Je prenais les notes parce que j'étais dans des comités de direction où j'étais qu'avec des grands patrons. Donc c'était un peu normal qu'à 30 ans, ce soit mon rôle. Mais c'était un emploi qui était incroyablement intéressant avec des très hautes responsabilités. Mais il avait réussi à me faire croire que c'était un peu nul ce que je faisais, que j'avais choisi ça par défaut. Donc il y a eu ces moments où j'étais incroyablement triste. Mais voilà, il m'avait convaincu que tout ça, c'était ma faute, que c'était quelque chose que je portais en moi. Et il arrivait à retourner toutes les alarmes. Je me souviens que pendant la préparation au mariage, il y a un des prêtres qui nous a rencontrés, qui a appelé le prêtre qui nous mariait, en lui disant, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette relation. Il a pris la main sur elle. Et donc, je me sens très bien. J'étais au boulot et il m'a appelé dix fois. Donc, j'ai fini par sortir du boulot pour aller répondre à ses appels. Là, il m'a encore hurlé dessus au téléphone pour me dire « Mais t'as encore raté, tu t'es comporté de façon inacceptable pour que ce prêtre pense ça. Donc maintenant, tu vas voir le prêtre qui nous marie pour lui dire qu'il n'y a pas de problème. » Et je me souviens d'avoir pensé au fond de moi quel dommage que ce prêtre ait appelé le prêtre qui nous marie. Quel dommage qu'il ne m'ait pas parlé à moi, parce que c'est la seule fois où j'aurais pu avoir un espace pour dire au secours. Donc si vous êtes un prêtre qui voit un couple qui ne va pas bien, n'oubliez pas le prêtre qui les marie. Agissez.

  • Anne-Françoise

    Il peut surtout peut-être parler avec les deux personnes.

  • Bérénice

    Je ne suis pas sûre qu'il faille parler avec les deux personnes. L'espace où ils sont à deux, ce sera toujours un espace où lui exerce sa violence.

  • Anne-Françoise

    Non mais l'un après l'autre ou non ?

  • Bérénice

    Peut-être l'un après l'autre. après juste avant le mariage, un mois avant le couple qui nous accompagnait a essayé de faire ça Et à ce moment-là, j'ai deux cousins germains, dont un qui est prêtre, qui m'ont prise à part. Ils m'ont dit, on est inquiet pour toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais je leur ai dit, mais non, Henri m'a tout expliqué. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de mon père. Il avait vraiment remplacé toutes mes pensées par les siennes, c'est étonnant. Et donc, on s'est mariés, c'est un souvenir abominable. Franchement, j'étais glacée de peur. À la fois, j'étais très heureuse de me marier, il y avait tous ses amis qui avaient fait le déplacement pour moi, j'étais hyper reconnaissante. et en même temps, je me suis en maîtrise. échappé à un moment du cocktail pour changer les places parce que je pensais que si les gens n'étaient pas bien reçus, qu'ils n'avaient pas une belle expérience, ils ne seraient plus amis avec moi, ils m'en voudraient. J'avais vraiment cette inquiétude permanente. Je n'avais pas compris que ça venait de lui. Il lui demandait d'aller faire un petit tour à un moment pour qu'on soit tous les deux ce jour-là. Il m'a dit non. Il a passé la soirée à parler avec ses copains. Moi, j'avais organisé un moment avec des musiciens qui étaient vraiment là, avec un violon, un banjo, pour qu'on puisse aussi danser autour de ça. Moi, j'ai vécu en Israël. J'adore ces moments de communion autour de la danse et ces mariages un peu comme ça, tellement joyeux. Il n'a pas voulu venir danser avec nous. Et voilà, le voyage de Noce, ça a été un moment assez difficile parce que là, j'étais vraiment complètement seule avec lui. Donc vraiment, l'étau se resserrait.

  • Anne-Françoise

    Et dans tout ça, est-ce que malgré tout, toi, tu te sentais aimée ? Est-ce que tu avais l'impression de l'aimer ? Est-ce qu'on peut parler d'amour dans ce que tu as vécu ?

  • Bérénice

    J'avais vraiment l'impression de l'aimer parce que je m'adaptais en permanence à lui. parce que je faisais tout pour essayer de le satisfaire. Il y avait ce fameux livre des cinq langages de l'amour qui m'avait expliqué que si j'étais une bonne épouse qui lui parlait son bon langage, il allait changer. Je l'aimais de la façon dont il me demandait de l'aimer, c'est-à-dire d'être à son service. Il était tout à fait féministe avant notre mariage. Après, il m'avait dit, j'assume une vision traditionnelle où c'est à toi de gérer le ménage. Donc j'avais vraiment l'impression de... de faire tout ce que je pouvais pour l'aimer, que lui essaie de m'aimer aussi. Il me disait quand même des choses très positives aussi. En fait, c'est ce qu'on appelle le cycle de la violence. On sent les choses monter, on s'adapte tout le temps parce qu'on a peur de l'explosion. Et puis, l'explosion arrive quand même parce qu'il n'y a rien qu'on peut faire, il n'y a rien que la victime peut faire. C'est lui qui choisit, en fait, de se défouler. Et puis, une fois qu'il s'est défoulé, il redevient gentil, il redevient valorisant. donc c'est à ce moment là, en fait on a été tellement terrifié que tout à coup, il est gentil, il est la personne qui console. Et donc, ça a été prouvé en neurosciences, ça crée un lien plus fort, en fait. Quand on a eu peur comme ça, et quelqu'un prend soin de vous, ça crée un attachement très fort. Et donc, je me disais, il est tellement extraordinaire, il a tout compris à la vie, il m'apprend cette vision que je comprenais pas, des relations sociales, moi qui voulais toujours dire aussi ce qui me déplaisait, ce qui me blessait. En fait, j'apprends qu'il faut sans arrêt montrer une image positive. Tout ça, je m'apprends à être meilleure avec les autres. J'avais l'impression d'être avec quelqu'un d'extraordinaire qui avait tout compris à la vie. Puis tous les soirs, on se mettait à genoux et on disait une petite prière. Donc j'avais vraiment l'impression de vivre une vie un peu idéale. Et puis en même temps, je me sentais quand même extrêmement seule. Il me disait des choses très négatives de mes amis proches, de ma famille.

  • Anne-Françoise

    Tu disais que tu avais quand même eu des réactions un peu autour de toi. Comment est-ce que tu étais accompagnée ? Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais aimé recevoir dans cette période de tes proches ou de personnes qui vous accompagnaient ?

  • Bérénice

    C'est sûr que j'en ai parlé à une copine. Je lui ai dit qu'il était très colérique. Elle m'a répondu, je ne peux rien te dire. Moi aussi, il crie beaucoup. Il faut déjà, pour accompagner, avoir une capacité à poser des limites et à dire, c'est inacceptable. Crier, c'est déjà une grande violence psychologique. Si tu as peur de lui, ce n'est pas une relation d'amour. Il aurait fallu que quelqu'un soit capable de poser ces limites précises en rentrant dans le détail des comportements qui ne sont pas acceptables. Il y a une chose que je n'avais pas comprise, c'est que C'est pas grave si on en discute après et que même qu'il demande pardon, ça change rien. Si son comportement ne change pas, il n'y a pas de relation en fait. Il n'y a rien qu'on puisse faire en s'adaptant qui puisse l'empêcher d'être violent. Moi, je faisais très attention à ce que quand il rentre, tout soit propre. Je repassais son linge, voilà, toutes ces choses-là. Et en fait, il n'y avait rien que je pouvais faire parce que sa violence venait de lui. il en était intégralement responsable. Et il aurait fallu que quelqu'un me pose ces limites-là précisément. Pas juste en me disant « t'as peur de lui , c'est surprenant », mais en rentrant dans le détail de ce qui n'est pas acceptable.

  • Anne-Françoise

    Donc tu disais que le jour du mariage et ensuite le voyage de noces étaient difficiles ?

  • Bérénice

    Je voudrais parler d'un sujet qui n'est pas évident et sur lequel je voudrais vraiment rester respectueuse et pas blessante pour les gens qui nous écoutent. Mais il faut quand même parler du consentement. C'est pas parce qu'on dit oui le jour de son mariage qu'on dit oui toujours. Moi, j'ai beaucoup entendu dans le monde catho que la femme a parfois pas envie et qu'il faut aussi qu'elle travaille un peu sur elle pour avoir envie de se donner. Je pense que c'est pas vrai. Je pense que si on n'a pas envie, il faut surtout réfléchir. Qu'est-ce qui fait que j'ai pas envie ? Est-ce que ça viendrait pas du fret que la relation est pas belle en ce moment, qu'il me parle pas bien ? Évidemment qu'on peut pas désirer quelqu'un qui... parle pas bien. Et plusieurs fois, j'ai cédé parce que je sentais qu'il allait s'énerver. Je vois aussi des femmes qui me disent que comme c'est les seuls moments où il est gentil, elles cherchent ces moments beaucoup et elles sont prêtes à céder quand ils manifestent le désir de le faire, même si de fait, elles ont pas forcément de désir. Je pense que ça, c'est vraiment de la violence. Ce n'est pas parce que ces moments peuvent être doux, peuvent être de l'intimité, que c'est acceptable que ce soit les seuls moments heureux, par exemple. Et donc, oui, le voyage de Noce a été difficile, mais aussi simplement parce que j'étais seule avec lui et que là, il pouvait vraiment se déchaîner. Je me souviens qu'on gravissait des montagnes ensemble et puis il trouvait que j'allais trop lentement. Donc, il montait et puis il m'attendait là-haut.

  • Anne-Françoise

    Et comment, du coup, dans tout ça, tes yeux ont commencé à s'ouvrir sur votre relation ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que c'est un jour dont je me souviendrai toujours. Il y a un an et demi, il n'était pas content de la façon dont j'avais étendu le linge. Il manquait une roulette de l'étendoir et du coup, j'avais empilé des bouquins pour que ça tienne. Et donc, il s'est énervé en me disant, pour une fois, tu vas faire les choses bien. Donc, tu vas chercher la roulette dans le placard. Je n'étais pas très contente. Je trouvais ça ridicule qu'il m'impose ça. Donc, j'ai été voir dans le placard. et puis je suis revenue un peu en me marrant en lui disant écoute Je ne l'ai pas trouvé, donc voilà, maintenant, on accepte ça comme ça. Et là, il s'est vraiment énervé, il m'a prise par les épaules, et il m'a emmenée dans le placard, où il m'a poussée, je suis tombée, et il m'a dit « maintenant, tu cherches la roulette » . Je me suis mise à pleurer, j'avais mal, j'avais des bleus, et puis j'étais dans ce placard où il venait de me projeter, et il m'a dit « non, non, tu arrêtes de faire ton intéressante, c'est des larmes de crocodile et maintenant tu cherches la roulette donc j'ai cherché la roulette Je l'ai mis sur l'étendoir. J'ai étendu le linge en silence, en attendant qu'il se calme. Et puis, je suis allée pleurer dans notre chambre. Et il est revenu en me disant, écoute, je vais être gentille avec toi. Je vais t'apprendre à repasser mon linge. J'ai bien vu que tu ne savais pas repasser mes chemises. Donc, je vais t'expliquer comment on fait. Je lui ai dit non et il s'est énervé en me disant, mais je suis gentille. Je passe au-dessus de ce qui s'est passé. Et je veux t'apprendre quelque chose. Et tu réagis comme ça, c'est quand même pas possible. Et puis, on s'est couché. Et le lendemain matin, il voulait m'embrasser. Il était tout gentil. Et vraiment, ça, c'est le moment où je ne pouvais plus. J'étais glacée. J'avais l'impression d'être dans une mauvaise série télé, donc j'ai fait ce qu'on fait dans une mauvaise série télé. J'ai été chez le médecin et je lui ai demandé un certificat, parce que j'avais des bleus, parce que j'étais vraiment en état de choc. Le médecin m'a fait un petit certificat. Et vraiment là, j'étais désespérée, parce que je lui avais demandé qu'on aille voir un conseiller conjugal, et il refusait absolument, et je ne voyais plus aucun avenir. S'il en venait à la violence physique, S'il avait franchi cette limite-là de plus ? Mon avenir était complètement noir, il n'y avait aucun espoir. Et j'ai appelé une conseillère conjugale que je connaissais. Et je lui ai dit, voilà, il a levé la main sur moi. Comment je peux faire pour le convaincre qu'on aille vous voir ensemble ? Et elle m'a dit, là, ce n'est plus possible. Soit il accepte de venir, soit vous partez. Et en fait, j'y ai pensé toute la journée. Et je me suis dit, je crois que je vais partir. Voilà, j'ai demandé à trois copines si je pouvais dormir chez elles. parce que je me disais peut-être qu'il y en a une qui acceptera. Évidemment, en fait, tout le monde a accepté. J'avais tellement peur de déranger que je dormais chez l'une puis chez l'autre parce que j'avais l'impression de prendre de la place. Donc, il m'appelait en permanence. Il me disait, je veux juste te ramener à la raison. Il m'envoyait des mails très, très en colère en me disant, tu me le dois, je suis ton mari. Il me donnait rendez-vous à un endroit. Je lui disais, je ne veux pas venir tant que tu n'acceptes pas qu'on aille voir un... un conseiller conjugal. Et donc, après, il me répondait, je t'ai attendu pendant des heures là où je t'avais donné rendez-vous, pourtant je t'avais acheté des fleurs. Et j'ai fait ce qui est la grande classique, c'est-à-dire qu'il a accepté finalement d'aller voir un conseiller conjugal, et donc j'ai accepté de revenir. En moyenne, il faut sept fois pour réussir à quitter un homme violent. J'avais cette idée qu'on était mariés pour la vie, et que voilà, j'avais accepté, et j'avais encore cet impératif tellement à la fois de... lui faire comprendre ce que c'était qu'une relation saine et heureuse, parce que c'est tellement merveilleux, et je trouvais ça triste qu'il n'ait pas ça. Et puis, je pensais vraiment que je pouvais le changer, si je m'adaptais, si je lui montrais, si je lui faisais comprendre. Et donc, on a été reçus plusieurs fois par une conseillère conjugale. En petit aparté, c'est inacceptable. La déontologie d'un thérapeute conjugal, c'est qu'il ne faut pas créer l'espace de la violence, et de recevoir ce couple à deux, c'est créer un nouvel espace de violence. C'est des gens qui sont des très bons manipulateurs, donc qui sont vraiment capables d'embarquer avec eux le thérapeute conjugal, par exemple de donner à chacun des exercices à faire. La victime, elle n'a pas à changer, elle n'a pas à s'adapter, elle n'a pas d'exercice à faire. Donc ce qui est important dans ces cas-là, c'est d'avoir un accompagnement personnel et d'être accompagné globalement par un psy et par une association. Et de fait, au bout d'un moment, il a continué à être tellement violent, la violence remontait tout le temps. Donc il m'avait promis qu'il allait changer, que les choses allaient être différentes, qu'il me demandait pardon tous les soirs. Et puis ça n'a pas du tout été le cas. Il continuait à crier, je me souviens de me réveiller au milieu de la nuit en pleurant parce qu'il avait encore été odieux. Et il s'est réveillé et il était fou de rage que je sois en train de pleurer. Il m'a ordonné de me calmer, il me disait que je faisais mon intéressante. Et voilà, au bout d'un moment, il y a un moment où je me suis dit mais en fait j'en peux plus. De toute façon il n'a pas de limite, j'en ai assez. je suis allée me mettre dans un café Et dans ce café, il y avait un concert, il y avait des gens qui jouaient de la guitare et qui chantaient des chants traditionnels. Et tout le monde chantait avec eux. C'était un moment merveilleux. Et j'ai tapé sur Google « violence conjugale » . Je suis tombée sur un livre. Et j'ai lu le livre toute la soirée. Et mes yeux s'ouvraient. Et donc ça nommait les unes après les autres toutes les choses que je vivais. Ça nommait ce cycle de la violence. Ça expliquait que c'était lui qui choisissait d'être violent. qu'en fait... C'était un système de croyance qu'il avait. Voilà, j'étais sa chose qui me regarderait toujours comme une chose parce qu'il ne me voyait jamais comme une personne. En fait, il avait décidé d'être comme ça, au fond. Il ne pouvait pas agir sur cette décision.

  • Anne-Françoise

    Il s'appelait comment ce livre ?

  • Bérénice

    Il s'appelait « Pourquoi fait-il ça ? » Alors moi, je l'ai lu en anglais « Why does he do that ? » et j'ai trouvé que c'était un mélange magnifique par quelqu'un de fait qui ne se revendique pas comme chrétien mais qui a une vision de la vie et de l'homme qui est... tellement, tellement chrétienne, de fait, tellement belle, du mariage chrétien, d'un mariage heureux, de ce qu'on donne dans une relation, de ce que c'est que se donner, et de ce que c'est aussi de ne pas se donner. Et de fait, il décrivait des types de personnalités violentes. En fait, c'était drôle. Et donc, je me souviens d'être dans ce café, avec cette musique, cette joie, et en fait, je riais, parce que tout à coup, il était démasqué. Et je pense que c'est ça qui m'a le plus aidée. C'est qu'après, quand il tentait ses comportements, je voyais tout, je le voyais, ses manipulations à l'œuvre. c'était mesquin, c'était petit. Et ça ne marchait plus sur moi. Et je crois que ton podcast s'appelle Un beau jour. Vraiment, moi, il y a un jour où les écailles me sont tombées des yeux. Et j'ai compris que tout ce que j'avais toujours appris dans ma famille, dans ma vie, dans cette relation, cette idée que dans la vie, il faut être fort, que le monde est fait de relations de domination. En fait, ce n'est pas vrai. En fait, ça marche en superficialité. C'est ce qu'on appelle le monde, la vie mondaine. Il y a des gens qui fonctionnent dans cette logique, donc si on marche dans cette logique, on pourra gagner du pouvoir. C'est pas ça la vie. C'est l'évangile du dimanche 23 novembre, l'évangile du bon larron. Il y a deux choses qui me frappent là-dedans. La première, c'est qu'en fait, il y a un écriteau sur la croix où il y a écrit « Ici est le roi des Juifs » . Et tous les gens sont en train de crier, de dire à Jésus « Sauve-toi toi-même » . C'est écrit, il n'y a pas de secret, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas de façon de connaître l'univers où tout à coup on découvre le secret de la force et de comment tout gagner, le pouvoir, l'amitié des autres, parce qu'en fait il faut juste être fort. Tout était là, c'est le message que j'avais reçu toute ma vie, je suis doux et humble de cœur. Je me souviens que tout à coup je me suis dit mais Henri n'est pas doux et humble de cœur. Et puis la deuxième chose c'est que Jésus n'ouvre la bouche qu'une fois. C'est quand le bon larron lui parle que le bon larron nomme l'injustice en disant mais voilà un homme qui est innocent. C'est le seul moment où Jésus lui répond et Jésus lui répond pour lui parler du royaume. C'est ça qu'on a envie de créer, c'est le royaume. C'est quelque chose qui m'habite depuis ce jour-là. Le royaume de Dieu c'est rien de plus que ça, c'est juste rentrer en relation avec les autres sans essayer de les manger, sans prendre le pouvoir sur eux, juste en les acceptant là où ils sont. En faisant l'effort de les écouter jusqu'au bout, j'ai pas mal discuté avec un copain qui a des enfants qui font des choix qui pour lui sont terribles, qui sont vraiment tout ce qu'il a. Essayer de ne pas leur transmettre. Et il me disait, je m'assieds avec eux, je leur demande qu'est-ce qui fait que tu décides de faire ça ? Avec un immense respect de choix, de leur conviction. Il va jusqu'au bout. Il n'essaye pas de leur imposer ses idées. Vraiment, ça m'a bouleversée qu'il me raconte ça. Juste en faisant ça... En écoutant les autres et en les recevant là où ils sont, déjà on construit le royaume de Dieu. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas poser de limites, ça ne veut pas dire qu'on laisse les autres nous manger, ça veut juste dire qu'on construit cet espace d'écoute.

  • Anne-Françoise

    Il y a eu un pas en avant après dans ta vision du monde et dans ta façon de vivre ta foi ?

  • Bérénice

    Je dirais que c'était du jour au lendemain. J'ai découvert un mode de relation où je pouvais être totalement authentique, on ne me demandait pas... d'être forte en permanence, de dire que j'allais bien, de raconter que des choses positives. Je pouvais dire globalement à peu près tout ce qui me passait par la tête. En fait, ça faisait rire les gens. Et je pouvais vraiment les accepter jusqu'au bout. Ils n'ont pas les mêmes choix que moi. En fait, c'est intéressant. Ça m'apprend plein de choses. Même si c'est fondamentalement opposé intellectuellement, ça ne veut pas forcément dire qu'on ne se rejoint pas au fond sur le désir de beauté, le désir d'amour. et qu'on ne peut pas se retrouver.

  • Anne-Françoise

    On dirait étonnamment qu'il y a quelque chose qui t'a ouvert le cœur.

  • Bérénice

    C'est vraiment ça. J'ai une amie psychiatre qui m'expliquait que quand on a une structure de personnalité qui est fondée sur la violence, il faut passer par une étape de déconstruction qui passe souvent par une très forte dépression. De fait, c'est ce que j'ai vécu. J'ai été arrêtée pendant un an. Je n'ai pas pu travailler. Mais cette dépression qui a mis à bas tout ce que j'avais reçu, tous les mauvais réflexes que j'avais. tous ces désirs de paraître, d'être la plus forte, d'être préférée aux autres, tout ça, je ne dis pas que je ne suis pas toujours quelqu'un de terriblement pêcheur et que cette tentation de prendre le dessus sur les autres n'est pas évidemment permanente, mais ça m'a permis aussi de découvrir un mode de relation complètement différent, fondé sur la douceur et vraiment sur l'intérêt pour les autres jusqu'au bout. Je voudrais juste te lire une citation de Simone Veil. C'est rigolo parce que Paris, c'était une citation que je connaissais depuis très longtemps, depuis mes 20 ans, et tout à coup qui m'a éclairée. Elle dit « Les grands fauteurs de violence se sont encouragés eux-mêmes en considérant comment la force mécanique, aveugle et souveraine dans tout l'univers. En regardant le monde mieux qu'il ne fond, nous trouverons un encouragement plus grand si nous considérons comment les forces aveugles innombrables sont limitées, combinées en un équilibre, amenées à concourir à une unité par quelque chose que nous ne comprenons pas, mais que nous aimons et que nous nommons la beauté. » Ça m'émeut énormément cette citation, j'ai des larmes aux yeux. C'est vrai, il y a un royaume de la force. Il existe en ce monde, mais vraiment, si on voit que ça, on a raté toute la vie. Vraiment, ça a été tellement dur cette année de dépression. Je ne pouvais plus travailler. J'étais en révolte contre Dieu. Et en même temps, j'ai beaucoup aimé ce que tu as dit, Anne-Françoise. Ça m'a ouvert le cœur. J'ai vraiment retrouvé une vie de foi dont j'avais été privée. Pourtant, je priais tous les jours avec mon mari, à genoux, devant notre petit crucifix. Mais j'étais tellement loin de Dieu. Et il y a vraiment un... Une source jaillissante, une eau très fraîche qui a changé ma vie. J'ai l'impression que toute ma vie, j'étais comme dans le désert. Et de temps en temps, Dieu me donnait quand même des petites gouttes d'eau, des moments de foi qui me nourrissaient. Mais tout à coup, je suis arrivée dans un pays verdissant. Il faut avoir marché dans le désert. Tout à coup, on trouve une rivière et tout autour, il y a des arbres. C'est tout vert, il y a des fleurs, ça sent bon.

  • Anne-Françoise

    Quelles ont été tes ressources justement pour te reconstruire ?

  • Bérénice

    Ah oui, ça je pense que c'est très important aussi. Moi je suis quelqu'un de très scolaire, comme tu disais, j'ai fait des grandes études. Et donc je savais que quand on est victime de violences, on va avoir une association qui accompagne des victimes de violences. C'est ce que j'ai fait. Attention de terribles féministes ! Parfois, ça fait un peu peur dans certains mondes un peu traditionnels. Je pense que comme dans la parabole du bon samaritain, on peut être aidé par des gens qui ne correspondent pas à ce qu'on attendait. Je n'ai jamais été autant respectée dans ma liberté et dans mon discernement que par ces associations qui m'ont accompagnée, qui n'ont jamais essayé de toucher à quoi que ce soit de ma foi et de mes convictions, qui m'ont juste partagé que ce que faisait mon ex-mari était illégal. que ça dépassait des limites et que ça ne me respectait pas. Je me souviens d'une femme qui m'a dit « ça me fait peur ce que vous me racontez, il me fait peur cet homme » et qui m'a donné quelques clés assez simples. Mais vraiment, si vous êtes victime de violence, si vous n'arrivez pas à partir, si vous ne souhaitez pas partir, si vous avez peur que vous perdiez votre foi, par exemple, souvent on a cette image que si on est victime de violence, on va quitter sa communauté, on va quitter sa foi, on va quitter toutes ses convictions. On devient une divorcée avec un grand D. Et bien, ces gens vous respectent infiniment. Vous n'avez pas besoin de perdre votre foi. Il y a des gens qui vous accueilleront et des gens dans l'église aussi. Donc ça, ça a été une ressource exceptionnelle.

  • Anne-Françoise

    Quelles associations, par exemple ?

  • Bérénice

    Il y en a énormément. Moi, j'ai été voir une association à Paris qui s'appelle Elles Imaginent. Mais globalement, c'est un esprit qui est vraiment très présent dans la plupart des associations. Et puis, vous avez un discernement si ces associations vous n'aident pas à changer. Il y a une vraie offre. On a beaucoup de chance en France. Même si vous habitez dans le fin fond d'un village, il y aura quelque chose pas trop loin de chez vous. Il y aura une ligne téléphonique, le 3919, que vous pouvez appeler. Moi, il y a une autre chose qui m'a vraiment énormément aidée. Toujours comme dans les mauvaises séries, j'ai porté plainte. J'avais vraiment l'impression de faire mon intéressante. Il ne m'avait pas roué de coups, il ne m'avait pas envoyé à l'hôpital. Qui étais-je pour porter plainte ? Vous savez, on est très, très dévalorisé, on n'a aucune confiance en soi. Et en fait, je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde, mais moi, j'ai été très bien accueillie par des gens qui ont été très respectueux. Il y a eu une confrontation avec lui et c'était extraordinaire parce qu'il se comportait exactement comme s'il s'est toujours comporté avec moi. Mais là, il y avait des extérieurs qui nommaient le fait que c'était inacceptable, qui étaient choqués, qui le voyaient. Et après cette confrontation, ils m'ont dit si jamais ça n'aboutit pas, si cette plainte s'arrête là, ça ne vaudra pas dire qu'on ne vous croit pas. On vous croit. Et de fait, son comportement les a tellement choqués qu'ils ont ouvert une instruction. Donc une instruction, ça veut dire qu'ils ont reconnu les chefs de viol. Et donc ça, je pense quand même que ça doit être su. Aujourd'hui, il est sous contrôle judiciaire, il n'a pas le droit de m'approcher. Oui, j'ai été évidemment accompagnée par une psychologue, personnellement aussi, qui m'a permis de travailler sur toutes ces choses que j'avais reçues, tous ces événements quand même très traumatisants. qui m'empêchait beaucoup de vivre, là aussi qui n'est pas du tout gâteau, mais qui m'a permis aussi de remettre en question. Le fait qu'il y ait beaucoup de choses que j'avais reçues de par mon éducation qui n'avaient rien à voir avec la foi. Rappelons quand même qu'une grosse partie de mon éducation, soit dans le scoutisme ou dans les différents groupes de prière et vœux de formation que j'avais eus, on avait quand même beaucoup beaucoup parlé par exemple des règles autour de la sexualité que je ne remets pas en question. Mais je constate que quand Jésus prend la parole, déjà il n'évoque jamais ces sujets, pas une seule fois, et qu'en revanche, en permanence, il s'attaque aux puissants et aux forts, que les prophètes en permanence ne parlent que de ça. Il y a cette phrase du prophète Amos qui dit « Bientôt la bande des vautrés n'existera plus. Vous les riches, vous allez être abattus. Dieu casse les dents du méchant. » C'est vraiment vrai. La seule chose qu'on peut souhaiter à ces gens violents, c'est que Dieu leur casse les dents pour qu'ils arrêtent de manger les autres et qu'ils puissent rentrer en relation parce qu'ils n'ont plus que des gencives. Du coup, ils vivent ce que c'est que la douceur.

  • Anne-Françoise

    Et toi-même, tu as créé une association pour encourager le dialogue sur ces sujets dans la préparation au mariage catholique, si j'ai bien compris. Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu ?

  • Bérénice

    Tout à fait. Donc j'ai créé avec une équipe d'une dizaine de personnes. On est tout un collectif qui est pluridisciplinaire, avec des sages-femmes, des psychologues, des gens dont c'est vraiment le métier d'accompagner les femmes. Et donc dans cette association, notre objectif, ça n'est pas d'accompagner les femmes victimes de violences, parce qu'il y a des gens qui le font très très bien, et mieux qu'on ne le fera, et qu'on n'a pas les moyens de le faire. Il y a une association exceptionnelle, par exemple, qui s'occupe des femmes catholiques, qui s'appelle l'Étoile du Berger. Nous, notre but, c'est de sensibiliser et de faire connaître ça, notamment dans les préparations au mariage. On a une richesse exceptionnelle dans l'Église catholique en France, c'est qu'on accompagne tous les ans des dizaines de milliers de couples au mariage. Les statistiques sont simples, en fait c'est au moins un couple sur huit où il y a de la violence, donc c'est quand même une responsabilité d'accompagner ces couples. Et pareil, on ne peut pas parler des questions de sexualité si on ne prend pas en compte le fait qu'un enfant sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Et donc l'idée, c'est qu'on propose un atelier, un dîner qu'on peut faire dans une préparation au mariage, dans une soirée de préparation au mariage, pour aborder ces sujets avec une immense délicatesse, un immense respect. Et surtout, surtout, en portant le vrai message de l'Église là-dessus. Parce qu'en fait, c'est des sujets qui sont tellement prégnants dans toute la société. Bien sûr, nous, les cathos, on n'est pas épargnés, mais c'est partout. Il y a des gens qui viennent de partout. de partout pour se préparer au mariage qui ne sont pas spécialement pratiquants et qui ont vécu des choses ou qui vivent des choses. Et nous, l'Église, on a ce devoir de leur porter ce message lumineux, ce message du royaume de relations sans violence. C'est quand même important. On leur dit que c'est possible. Dans l'association, il y a pas mal de femmes qui ont vécu des choses abominables, mais qui ont reconstruit dans des relations où il n'y a pas de violence, en fait. Ça existe. On entend souvent que la première année de mariage, c'est très difficile. Je veux bien. Peut-être que c'est difficile de s'adapter à l'autre. Si on n'avait pas l'habitude de ranger ses chaussettes, je veux bien. Mais ça ne veut pas dire que les assiettes doivent voler. Il y a des limites, en fait. Et tout ça, c'est le cœur du message de Jésus. Le souci des faibles, des victimes. C'est tout ça qu'on a apporté au monde. On a un vrai travail de pouvoir le faire.

  • Anne-Françoise

    Elle s'appelle comment ton association ? Comment est-ce qu'on vous contacte ?

  • Bérénice

    Elle s'appelle Myriam. Myriam, en égyptien ancien, une des étymologies possibles, c'est la bien-aimée. Et donc, on s'appelle Myriam-Bien-Aimer, E-R. C'est ça qu'on veut apprendre ensemble, c'est de bien aimer. Donc, on a un site internet, on a un Instagram. Vous pouvez nous contacter par mail si vous voulez des ressources. Évidemment, si vous vous occupez de préparation au mariage. Si vous voulez vivre ça dans votre préparation au mariage, contactez-nous. Nous, on a vraiment cet objectif de se déployer partout en France, porter ce message de l'Église.

  • Anne-Françoise

    Et donc, quand on accompagne des couples, je pense à des prêtres ou à des personnes qui font de la préparation au mariage ou à même des personnes qui sont proches, qui sont amies de couples où ils perçoivent qu'il y a des difficultés, qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce que toi, tu aurais aimé recevoir ?

  • Bérénice

    Je pense que la première chose, c'est une infinie délicatesse et un immense respect. C'est des gens, il y a déjà quelqu'un qui leur dit tous les jours quoi faire. Vous pouvez proposer des ressources, vous pouvez proposer d'être là, d'accompagner, mais vous ne pouvez pas leur dire quoi faire. D'abord, si vous leur dites de quitter leur mari, elles vont se mettre dans une réaction défensive. Ou de quitter leur femme, ça arrive aussi aux hommes. C'est encore plus tabou, mais ça arrive aussi. Donc, ne leur dictez pas des comportements, mais proposez-leur deux choses. Nommez ce qui n'est pas acceptable et orientez vers des gens qui sauront les accompagner. Donc évidemment, recommander un accompagnement par un psy, un vrai psy, un clinicien. Il y a beaucoup de thérapeutes plus ou moins bien formés à la question de la violence. Je pense qu'il faut se faire accompagner par des vrais professionnels et par des associations qui sauront vraiment avoir des ressources. Un conseiller conjugal, s'il accepte de proposer cet espace-là pour recréer la violence, c'est déjà... totalement contre sa déontologie. Il doit vraiment renvoyer vers un accompagnement individuel.

  • Anne-Françoise

    Et est-ce qu'il y a des conseils que tu arriverais à donner à quelqu'un qui est pris dans ce genre de situation et qui ne sait pas comment en sortir ?

  • Bérénice

    La première chose, c'est que vous êtes infiniment aimé et infiniment aimable. La deuxième chose, c'est que on peut demander de l'aide. Et peut-être qu'il faudra la demander, et la demander, et la demander. Et peut-être qu'il faudra la demander à des gens auxquels vous n'auriez pas pensé. Et l'autre chose que je voudrais dire, c'est qu'un homme violent n'est pas un bon père. Un enfant qui grandit dans une famille où il y a de la violence, je peux en témoigner personnellement, mais les statistiques le disent aussi, c'est un enfant qui est victime aussi. C'est extrêmement traumatisant. Vous ne voulez pas que vos filles se marient elles-mêmes avec un homme violent ? Ou vos fils, bien sûr. Vous ne voulez pas que vos enfants deviennent eux-mêmes des violents ? Donc, protégez-les.

  • Anne-Françoise

    Donc, rester parce qu'on a des enfants, ce n'est pas une bonne idée.

  • Bérénice

    Oui. Un homme violent n'est pas un bon père.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup, Bérenice. Il y a trois questions qu'on a l'habitude de poser à la fin de ce podcast. D'abord, toi, tu lis beaucoup. Tu nous as déjà parlé d'un livre. mais est-ce qu'il y en a un autre ? qui t'a accompagnée dans cette période ?

  • Bérénice

    Oui, d'abord je vous redis, Pourquoi fait-il ça ? Vraiment, c'est une ressource exceptionnelle. Mais il y a un livre qui m'habite énormément. C'est un livre de Nikos Kazantzakis, un des plus grands écrivains grecs du XXe siècle, qui s'appelle Le pauvre d'Assise. C'est une biographie de Saint-François d'Assise, mais ce n'est pas que ça. C'est l'expérience, quand on lit, de vivre ce que c'est que le royaume. Il y a une phrase où il dit « Partout où dans les villages se répandait la bonne odeur du saint » . Il a une plume florissante, on voit qu'il a grandi en crête, on voit les fleurs, les arbres, une nature qui porte la joie de Dieu. Et voilà, en lisant ce livre, en suivant cette figure extraordinaire de Saint-François, bien sûr, on fait vraiment presque physiquement l'expérience de ce que c'est que le royaume. Je vous lis un petit passage. La foule affluait sans cesse des plus lointains villages et des grandes villes. L'odeur du saint les guidait. C'étaient des pèlerins, des malades de l'âme ou du corps. Ils le touchaient et lui baisaient les pieds. François leur disait quelques mots, des mots simples, mais qu'ils avaient oubliés. Amour, union, humilité, espérance, pauvreté. Et ces simples mots prenaient pour la première fois sur ses lèvres Un sens profond, plein de mystère et de certitude. Et les pèlerins se consolaient, surpris de s'apercevoir combien proche et accessible est la béatitude.

  • Anne-Françoise

    Est-ce qu'il y a une prière qui t'a accompagnée ?

  • Bérénice

    Oui, il y a une prière qui m'a beaucoup accompagnée. C'est les litanies de l'humilité du cardinal Merry del Val. Je vous parlais de Jésus... Doux, humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. Ça m'a vraiment permis de sortir de cette vision du monde dans la force et la domination. Je vous en lis un petit passage. Du désir d'être estimé, délivrez-moi Jésus. Du désir d'être honoré, d'être loué, d'être préféré aux autres, d'être consulté, d'être approuvé, délivrez-moi Jésus. Voilà, donnez-moi de ne pas chercher à manger les autres, à être au-dessus, mais donnez-moi votre tranquille sérénité qui permet d'accueillir les autres. Et c'est ok si ça prend du temps. On ne peut pas tout donner tout de suite. On a besoin de se réparer d'abord.

  • Anne-Françoise

    Comment a évolué ta relation à Dieu dans cette histoire ? Et qu'est-ce que tu lui dirais si tu étais en face de lui aujourd'hui ?

  • Bérénice

    Franchement, j'ai d'abord vécu une immense révolte. Je pense que la souffrance n'est jamais acceptable. Vivre ça, ça m'a quand même ouvert les yeux sur l'immensité de la souffrance de ceux qui sont victimes de violences dans leur enfance, de violences sexuelles, de violences dans leur famille. C'est tellement, tellement fréquent. Quand on nous parle du mal, il est sous nos yeux. Et heureux ceux qui ont faim et soif de justice, on en a faim et on en a soif. Et de fait, petit à petit, mais c'est pas venu tout de suite, petit à petit, j'ai pu retrouver ce rapport où Dieu me nourrit. Évidemment, je lui parle déjà, mais ce que je lui dis, c'est soutenez toutes ces personnes qui sont victimes, aidez-les à se protéger, aidez-moi, aidez-nous à construire le royaume.

  • Anne-Françoise

    Merci beaucoup Bérénice et merci à tous pour votre écoute. Merci d'être toujours plus nombreux à écouter Un beau jour, à vous abonner, à partager cet épisode sur les réseaux sociaux et à mettre 5 étoiles et des commentaires sur Apple Podcast et Spotify. Pour découvrir d'autres témoignages, vous pouvez bien sûr écouter les autres épisodes du podcast, mais aussi lire chaque semaine la rencontre avec un témoin dans le magazine Famille Chrétienne. Et enfin, n'hésitez pas à découvrir les autres podcasts de Famille Chrétienne. Toussaint, Maman Prie, Sexo, Sacré Histoire et d'autres encore. Merci et au prochain premier lundi du mois pour un nouvel épisode.

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