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Un poing c'est tout - Les violences conjugales

Épisode n°15 : Sylvie Ruiz, juriste, nous partage des conseils concrets pour se sortir des violences conjugales.

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52min |03/07/2025
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Description

Sylvie Ruiz est une juriste spécialisée en victimologie qui conseille les personnes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent s'approprier et utiliser les outils juridiques pour se sortir des violences. Elle forme aussi les professionnels à l'accompagnement des victimes de violences conjugales.

Cette épisode donne des pistes concrètes pour mieux utiliser le cadre légal, en comprendre les tenants et aboutissants et finalement être plus encore acteur de la sortie des violences.


Pour plus d'informations, le site de Sylvie Ruiz : https://srv-juriste-victimes.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Aujourd'hui, nous recevons Sylvie Ruiz. Elle est juriste spécialisée en victimologie et elle propose un accompagnement de proximité aux personnes victimes et aux professionnels. Alors bonjour Sylvie. Bonjour. Et merci d'être présente aujourd'hui. Est-ce que pour commencer, vous pouvez simplement nous dire qui vous êtes et qu'est-ce qui vous a amené sur le sujet des violences conjugales ? Quels accompagnements vous menez auprès des victimes et des professionnels ?

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir, Adrien. C'est vraiment un plaisir de pouvoir expliquer un petit peu ce que je fais. Mon engagement dans le droit a commencé très tôt. J'ai grandi dans une famille qui a été marquée par la migration en Espagne, en Algérie, avec les traumas post-migration dans ma famille qui ont parfois entraîné des comportements qui n'étaient pas forcément adaptés dans ma famille. Et ça m'a plutôt marquée cela déjà. J'ai eu un déclic en troisième. J'ai voulu faire un exposé sur l'apartheid. Je me suis dit à ce moment-là que je voulais être avocate pour défendre les plus démunis, parce que ça me semblait tellement injuste que des populations puissent être mises à mal. En tout cas, l'injustice est arrivée très tôt dans ma vie. Ensuite, j'ai fait le choix par rapport à tout cela de faire du droit et j'ai découvert le droit pénal que j'ai adoré, une science humaine que j'ai adoré, le droit de la famille. J'ai découvert du droit qui m'a beaucoup parlé et je me suis ensuite spécialisée en criminologie, en victimologie. et j'ai intégré à l'époque un master en droit des victimes à Pau, qui était le premier master qui a été créé par… par Robert Cariot, un grand criminologue qui est un ami aujourd'hui, avec qui j'ai eu la chance de pouvoir écrire un ouvrage. Et donc, comment j'en arrive aux violences conjugales ? J'en arrive donc que je choisis, dans le cas de mes études, de faire un stage au conseil départemental sur la protection de l'enfant, sur les incestes, clairement. Et là, je découvre ce que peuvent vivre du coup les enfants dans les familles avec du coup un regard plutôt systémique de la famille, où je me rends compte qu'il y a des violences conjugales. plus dans ces familles-là et que du coup, les enfants ne sont pas forcément protégés parce que les mamans vivent donc de la violence conjugale. Et j'ai également donc eu un mandat d'administrateur ad hoc chez France Victime. L'administrateur ad hoc, c'est celui qui représente un enfant qui est victime de maltraitance dans sa famille et là, une fois de plus, ça m'a confortée dans l'idée que ces enfants-là qui vivent des violences intrafamiliales, eh bien, ont des parents qui vont mal, donc dont un est agresseur et l'autre est victime. Et chez France Victimes, en fait, on accueille des victimes de tous genres. Donc, moi, en tant que juriste, j'ai accueilli des tas de victimes pendant sept ans, notamment des victimes de violences conjugales. Et là, j'ai effectivement vu ce qui pouvait se jouer pour elles, concrètement, dans leur quotidien avec leurs enfants. Pour terminer sur mon parcours, en fait, je suis plutôt quelqu'un d'engagée. Donc, j'ai travaillé également au CIDFF, le Centre d'information pour le droit des femmes et des familles, où j'ai pu aussi répondre aux questions juridiques. Et j'ai aussi créé un groupe de paroles qui s'appelle Un Temps pour Soi, qui est dédié aux mamans qui vivent des violences post-séparation. Ce groupe de paroles, je l'ai créé sous la demande des mamans que j'accompagnais, qui se trouvent un petit peu partout dans la France. Et donc, elles me faisaient part de leur solitude, en fait. Se dire ce qu'elles vivent dans leur quotidien, si elles ont eu des moments difficiles, et ce qu'elles ont mis en place comme stratégie, comme comportement, ou comme outil, en fait, pour aller mieux. Et je trouve que vraiment, ce groupe-là, au début, je voyais des mamans qui étaient plutôt réservées, qui n'osaient pas s'exprimer. Je suis très honorée d'être là dans ce groupe de parole et c'est grâce à elle que ce groupe de parole vit et fonctionne très bien. Et j'apprends à chaque fois tellement de choses avec elle. Voilà, c'est ce que je voulais leur rendre hommage. Et je dirais pour terminer que moi, je me considère comme étant une humaniste dans l'âme. J'ai été inspirée très grandement par Robert Bonnenter dans ma carrière et en fait pour pouvoir accompagner au mieux les victimes, je vous dirai un petit peu ce que je fais avec elles, je détache l'acte de l'être humain, c'est-à-dire que je ne considère pas les victimes comme des pauvres petites choses qui ne savent pas faire ce qu'il faut pour aller mieux, je les considère comme des êtres humains. et donc ça me permet en fait de ne pas pas avoir un biais cognitif dès le départ et donc c'est pour ça que j'arrive à proposer des accompagnements qui sont des accompagnements de proximité adaptés et qui... vraiment valorise ces personnes-là qui me font confiance.

  • Speaker #0

    C'est parfait, on comprend tout le sens du terme systémique et humaniste. Alors comment ces mots se matérialisent dans les accompagnements que vous réalisez ?

  • Speaker #1

    Systémique, en fait, moi je reçois des personnes qui viennent me voir pour des questions juridiques en droit de la famille, en droit pénal, même en droit du travail, je vous expliquerai un petit peu en quoi le droit du travail aussi est présent. dans les violences conjugales, même si on ne voit pas trop le rapport dès le départ. Eh bien, déjà, au niveau systémique, dans mes accompagnements, je pose toujours des questions de la famille, de ce qui s'est joué aussi dans l'enfance, même si je ne suis pas psychologue, pour autant, je suis formée en victimologie. Et donc, j'ai des entretiens qui sont plutôt globaux dès le départ, pour pouvoir ensuite répondre à la question juridique et la question de droit. Donc, la systémie, c'est vraiment, je fais un point sur l'environnement familial, sur aussi, en fait, l'isolement ou pas des personnes, ce qui est quand même très fréquent dans les violences conjugales, pour en fait ne pas réduire la violence conjugale à la personne et pour avoir vraiment un regard bien plus large. Et c'est important pour moi d'avoir ce regard-là parce que je me rends compte parfois qu'il y a des victimes qui se qualifient de victimes à part entière et qu'elles se sentent responsables de tout. et donc le fait de pouvoir en fait avoir un regard plus élevé et systémique ça permet aussi pour moi d'avoir je vous dis de ne pas avoir ce biais cognitif de dire en fait c'est la personne qui peut-être n'a pas fait ce qu'il fallait faire ou voilà c'est vraiment d'avoir un regard plus global et de prendre en compte évidemment et les enfants et la famille Énargie et aussi les collègues et aussi les amis pour que vraiment je vois comment se positionne finalement la personne. Et humaniste, alors pour moi c'est extrêmement important, parce que parfois on peut me taxer de féminisme, alors certes je suis une femme et je suis sensible à la cause des femmes, ça c'est indéniable, pour autant, je considère que les violences conjugales ne sont pas genrées, même si les chiffres montrent qu'il y a plus de femmes qui sont victimes de violences conjugales, et c'est vrai que je reçois plus de femmes qui vivent des violences conjugales, pour autant. il y a un chiffre noir au niveau des hommes qui vivent en se conjugale. Et moi, mon accompagnement est exactement pareil sur ma posture, en tout cas, quand je reçois un homme. Et j'en reçois aujourd'hui des hommes parce que mon accompagnement est un accompagnement qui peut se faire à distance, qui peut se faire en présentiel, qui peut se faire à des horaires aussi adaptés par rapport à mes clients. Et en fait, parfois, pour des hommes, c'est plus facile de me solliciter. à distance, même sans caméra parfois, parce qu'ils n'ont pas à pousser une porte d'une association qui, en fait, serait connotée féministe. Où on voit quand même que dans les affiches, le 39-19, c'est pour les femmes, tout est fait pour les femmes, et évidemment, c'est très, très important. Pour autant, pour moi, l'humanisme va dans ce sens-là. J'accueille les hommes et les femmes.

  • Speaker #0

    Et je rebondis sur ce que vous disiez en premier lieu, c'est que sur la notion de statut de victime, effectivement, c'est absolument essentiel. de le qualifier ce statut-ci, mais pour autant il n'est pas suffisant pour s'en sortir en quelque sorte. Et j'ai remarqué parmi toutes les interviews que j'ai faites auprès de victimes que s'identifier uniquement à cette position-là ne suffit pas pour aller au-delà. Et vous parliez de la notion de culpabilité. Justement, est-ce que vous pourriez revenir un peu sur ce sujet-là ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci pour vos précisions. Il y a donc un auteur et une victime. Quand moi, j'ai commencé à étudier la criminologie, le pendant, c'était la victimologie. Donc, on étudie ce qui se passe pour celui ou celle qui passe à l'acte et celui ou celle qui le vit, qui le subit, en fait. Pour autant, réduire une personne à cette notion de victime, ça ne lui permet pas de pouvoir prendre conscience qu'elle est un être humain, à part entière, avec des capacités de résilience, des capacités à faire… à faire des choses pour elle. Et donc, ça la réduit pour moi parfois à un objet. Objet qu'elle est parfois dans la relation effectivement conjugale. Et donc, j'ai remarqué aussi comme vous, Adrien, que j'ai parfois des victimes qui me disent « J'ai rencontré un pervers narcissique, qu'est-ce que je peux faire au niveau juridique ? » Et en fait, réduire l'homme qu'elles ont aimé à un pervers narcissique et se réduire à être une victime, ça ne permet pas pas du tout, mais du tout, d'avancer parce qu'elles se mettent dans des cases et moi, je refuse de les mettre dans des cases. Pour moi, ce sont des personnes qui ont vécu dans leur parcours conjugal des choses, des événements terribles, mais pour autant, elles ne sont pas... que cet événement-là. C'est pour ça que je détache l'acte de l'être humain. Elles ont vécu des situations qui relèvent effectivement du droit pénal, qui doivent être réprimées, mais pour autant, elles ne sont pas que ça. Et la culpabilité, elle est très très présente, c'est constamment le discours que j'ai, c'est « oui, mais bon, c'est de ma faute, c'est parce que j'aurais dû, mais pourquoi je suis restée, et pourquoi j'ai accepté, et je ne pouvais pas, et je ne savais pas, et j'essaye, en tout cas dans mon accompagnement, de... de toujours revenir au fait que ce qu'elles ont vécu, c'est interdit par le code pénal français. Quelles que soient les motivations, quels que soient les motifs de l'agresseur, c'est interdit en France. Et ce n'est pas pour rien que c'est interdit en France. Par conséquent, la culpabilité, elles peuvent l'avoir. C'est un travail thérapeutique qui va se faire avec quelqu'un qui est spécialisé, certes, mais pour autant, le comportement objectif est interdit et doit être réprimé en France. Donc je reviens sur des éléments qui sont objectifs sur l'interdiction des violences conjugales en France.

  • Speaker #0

    Tout à fait, c'est vrai que la culpabilité, elle pétrifie, elle immobilise. Mais ce n'est pas simple et c'est bien là tout l'enjeu, puisque quand on est une personne victime, on subit beaucoup d'injonctions. Et justement, en parlant d'injonctions, quel est le parcours un peu classique d'une personne qui vient vous voir ? Est-ce que c'est clair pour elle ce qu'elle vit ou justement, est-ce qu'il y a des choses qui se battent un peu en duel ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, comme je vous l'ai expliqué, je propose l'accompagnement juridique en présentiel ou à distance, adapté aux horaires des personnes déjà. Donc, c'est important. Moi, j'ai choisi, ça s'est imposé un petit peu à moi, d'accompagner à distance ce que je ne pensais pas faire parce que pour moi, j'ai vraiment besoin de voir les personnes. Mais pour autant, je me rends compte que c'est quand même adapté pour des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Donc, en fait, déjà, la flexibilité rassure les personnes parce que… il n'y a pas cette injonction d'horaire, en fait. Alors, certes, il y a des horaires qui sont les horaires de bureau, mais pour autant, on peut avoir un entretien à midi 30, à midi 45, à 18 heures, en visio. Donc, déjà, pour elle, ça permet effectivement de pouvoir être à l'aise par rapport à l'entretien. Je me rends compte que, quand on vient me voir, c'est pour des questions souvent juridiques avant de prendre un avocat ou quand il y a un avocat. Je vous expliquais un petit peu la différence. mais... En tout cas, c'est des questions sur le droit de la famille. C'est par exemple, je veux me séparer, je veux divorcer. Qu'est-ce que je peux faire ? Je n'y connais rien en droit. Je sais que vous êtes spécialisée en victimologie, mais bon, moi, je ne suis pas victime. Voilà, déjà, il y a des carcans comme ça qui commencent où je me dis, oh là là, tu veux te séparer à l'amiable, mais pour autant, tu me dis que dans ton couple, c'est difficile. C'est souvent ça que j'ai. Je veux me séparer à l'amiable, mais c'est compliqué dans mon couple. Donc du coup... Ça n'est pas clair pour les victimes. Et souvent, en fait, elles veulent se séparer à la miable pour avoir la paix. Sauf que ce que je leur dis, c'est qu'en fait, elles n'auront pas la paix. Parce que se séparer à la miable, ça veut dire qu'elles vont accepter des choses qui sont complètement disproportionnées. Et donc, il y aura dans tous les cas un contentieux plus tard parce qu'il y a de l'emprise et que du coup, elles vont vouloir accepter des choses pour avoir la paix, mais elles seront embêtées par la suite. Donc... Ça, c'est très confus pour les personnes qui viennent me voir pour me dire « je veux divorcer à la miable, mais ce n'est pas terrible dans mon couple, mais je divorce à la miable » . Également sur les questions pénales aussi. Je vis des choses difficiles, je ne sais pas trop quoi faire, mais je ne veux pas déposer le plaintre. Qu'est-ce que je peux faire, mais je ne veux pas ? Qu'est-ce que je peux faire ? Je veux faire quelque chose, mais je ne veux pas le faire non plus. Alors là, j'ai bien conscience que dans les violences conjugales, il y a un phénomène d'emprise. Il y a de la dissociation, il y a de la sidération, il y a des stress post-traumatiques. Donc, tous ces comportements-là, moi, je les maîtrise, je les connais. Et par conséquent, je ne juge pas ces personnes. Donc, j'essaye avec elles d'avancer petit à petit dans leurs demandes, sans les brusquer, sans proposer d'injonction, mais de poser un petit peu à plat ce qu'elles vivent. Et donc, je leur propose, par exemple, un outil qui s'appelle « Mémo de vie » , qui permet de noter ce qu'elles vivent dans leur quotidien. Pour qu'elles puissent conscientiser que ce qu'elles vivent leur fait du mal et compliqué pour elles. Et puis moi, je rajoute une couche en disant que c'est interdit par la loi. Donc, quand je vois que c'est confus, je repars sur les personnes, sur leur ressenti, ce qu'elles vivent, pour petit à petit répondre à leurs questions pour que ça soit plus clair pour elles. Donc, je respecte leur temporalité, clairement. Et ça, c'est extrêmement important. dès lors que que l'on va plus vite que la musique, eh bien c'est très violent pour les victimes parce que elles ne sont pas prêtes à entendre des choses. Donc moi, en fait, si vous voulez, la loi, le droit me permet en fait de pouvoir avoir des propos plutôt objectifs, non jugeants, et peut-être que je l'ai été et j'en suis navrée si je l'ai été parfois, pour en fait vraiment prendre en compte la temporalité des victimes par rapport à leur demande. Donc oui, Adrien, Il y a beaucoup de confusion parce qu'il y a beaucoup d'injonctions paradoxales dans les violences conjugales. Et ça rend fou en fait, les injonctions paradoxales. Donc du coup, il y a de l'amnésie traumatique, il y a des troubles cognitifs. J'ai beaucoup de personnes, de victimes qui vont me dire qu'elles n'arrivent plus à se concentrer, qu'elles n'arrivent plus à dormir, qu'elles ne dorment pas bien, qu'au travail c'est compliqué pour elles, qu'elles ont des troubles de la mémoire. et grâce aux formations que je dispense beaucoup dans les hôpitaux, j'apprends aussi beaucoup des conséquences des violences conjugales au niveau psychologique et médical, clairement. Et je le vois clairement dans mes accompagnements, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est très important, effectivement, de s'adapter au niveau et au rythme de chacun. Vous avez bien raison. J'imagine aussi que le cadre juridique, comme il est strict, même s'il est neutre, parfois peut un peu secouer des personnes qui n'ont pas conscience de leur vécu.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, c'est pour ça que j'y vais tout tranquillement. Mais parfois, il m'est nécessaire de mettre des mots sur les mots parce que dès lors qu'une personne veut déposer une plainte, je vous dirai un petit peu ce que je propose comme accompagnement précisément. dès qu'elle veut déposer une plainte ou dès qu'elle veut faire une action en justice, eh bien en fait, en tout cas au niveau du pénal, pour qualifier l'infraction, il faut bien qu'il y ait des éléments factuels, des éléments… des conséquences qui sont en lien avec l'infraction, les éléments intentionnels par rapport à l'auteur. Et donc, je suis obligée, moi, de mettre des mots qui sont parfois difficiles. Alors, je mesure mes mots, j'essaye en tout cas, mais pour autant, je dis tout le temps à la personne que j'accompagne que si c'est compliqué pour elle, je l'entends, et que du coup, on peut aussi prendre un temps, le temps qu'elle digère les choses, et donc, on peut en reparler plus tard. Je respecte leur temporalité, sauf dans le cas où il y a de la protection de l'enfance, il y a un enfant qui est en danger, ou s'il y a une urgence vitale. Dans ces cas-là, la temporalité, je ne peux pas la respecter en tant que juriste.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Maintenant, si on va un petit peu plus dans le détail de l'accompagnement, pour l'instant, des victimes, parce que je sais aussi que vous accompagnez les professionnels, comment ça se passe concrètement ? Quels outils vous sollicitez ?

  • Speaker #1

    Je travaille en réseau avec des partenaires pluridisciplinaires, psychologues, travailleurs sociaux, associations, avocats. Ce que je propose, c'est déjà pour les victimes de l'information juridique claire et pédagogique sur leurs droits et leurs démarches, notamment en droit de la famille, séparation, divorce, garde-enfant, autorité parentale, droit pénal, en droit pénal, dépôt de plainte, main courante, constitution de partie civile. audience, pénal, droit du travail, j'accompagne sur le droit du travail, sur tout ce qui est en fait la reconnaissance des violences au sein de l'entreprise aussi, tout ce qui est harcèlement. Il faut savoir que les victimes, les personnes qui vivent des violences conjugales sont aussi malheureusement plus à même de vivre du harcèlement aussi au travail parce qu'elles ont un comportement qui n'est pas toujours adapté de par leur souffrance et donc c'est la double peine. Donc j'accompagne aussi effectivement ces personnes-là sur les violences sexuelles et sexistes, sur le harcèlement qu'elles pourraient aussi vivre. Donc, au travail. J'accompagne aussi dans l'accompagnement et la rédaction de documents juridiques. Ça s'est aussi imposé à moi. Je ne pensais pas le faire, mais pour autant, j'ai eu beaucoup de demandes en ce sens. Donc, je me suis dit que j'allais du coup accompagner sur le sujet. Donc, j'aide à rédiger les dépôts de plaintes et les mains courantes pour éviter les classements sans suite. parce qu'il faut savoir que dès lors qu'une plainte est classée sans suite, ça accroît la violence de l'agresseur. Donc j'essaye, toujours avec les victimes, ça n'est pas moi qui rédige pour elle, mais pour autant on travaille ensemble main dans la main pour avoir donc des plaines qui sont qui soient plus structurées, plus élaborées, pour en fait qu'il y ait plus d'éléments pour qu'il y ait moins de classements sans suite. Je propose aussi, j'accompagne donc dans les courriers administratifs en fait qui sont en lien avec le juridique et dès lors qu'il faut saisir, faire une demande d'aide juridictionnelle. de protection juridique, répondre aux conclusions des avocats, faire des commentaires sur les conclusions de la partie adverse, par exemple. J'accompagne sur ce volet-là, rédactionnel, que je ne pensais pas faire, mais qui s'est imposé à moi. J'accompagne sur le mémo de vie aussi. Le mémo de vie, c'est un outil extrêmement intéressant et puissant qui permet de noter au jour le jour ce que vivent les victimes.

  • Speaker #0

    Et il me semble aussi que sur le mémo de vie, on peut charger tous les justificatifs, les pièces médicales, juridiques et autres pour avoir une sorte de coffre-fort.

  • Speaker #1

    Exactement. Le mémo de vie, en fait, c'est un coffre-fort numérisé, sécurisé, qui permet d'y mettre tous les documents essentiels à la vie conjugale. C'est extrêmement important ce mémo de vie. Moi, je le propose quasiment systématiquement à toutes les victimes. On sait que dans les violences conjugales, il y a beaucoup de contrôle et que du coup, le fait d'avoir un mémo de vie, ça permet vraiment de sécuriser les documents qui vont servir à la procédure judiciaire. Moi, je propose toujours aussi d'envoyer le mémo de vie à une personne de confiance, à minima une fois par mois, de le convertir en PDF et de l'envoyer à cette personne-là au cas où il se passerait quelque chose, malheureusement de terrible, avec une mort, pour que ce témoin-là puisse effectivement le revendiquer en justice. J'accompagne également dans les procédures judiciaires, même s'il y a des avocats. Pourquoi ? Parce qu'en fait, je traduis le langage juridique auprès des victimes. Je traduis les décisions de justice qui ne sont pas toujours bien expliquées aux victimes ou en tout cas pas bien comprises. Je prépare aussi en amont les audiences, les audiences JAF, les audiences juge et enfant, les audiences au niveau du pénal. et donc j'explique aussi les droits et les obligations qui arrivent suite aux décisions judiciaires où en fait les victimes ne savent pas toujours comment récupérer les dommages et intérêts, comment récupérer les pensions alimentaires, s'il y a des fonds de garantie, donc j'accompagne sur le sujet. Je coordonne aussi évidemment les victimes vers des partenaires que je choisis, je suis très claire avec ça. Pour moi, les partenaires avec qui je travaille, c'est des partenaires dont je connais leur compétence, leur qualité humaine et leur compétence en termes de victimologie, de droit des victimes. Donc pour moi, ce sont des référents en violence conjugale, que ce soit des avocats. Des psychologues, travailleurs sociaux, des kinés, des ostéopathes, des dentistes, ce sont des personnes qui ont des qualités humaines d'accueil qui sont essentielles pour ces victimes-là et qui en plus ont été formées à l'accueil des victimes. Pourquoi ? Parce que je retrouve tellement de victimes qui vivent des accueils qui sont terribles de la part de tas de professionnels que ça leur fait vivre une victimisation secondaire et que... Et ça, ce n'est pas acceptable pour moi. Donc, je choisis des partenaires avec qui je travaille. Et j'en suis ravie. Voilà. J'interviens aussi, pour terminer, sur les urgences. Clairement, dès lors qu'il y a une situation de danger immédiat ou de crise, par exemple, le retour des enfants chez un parent violent, un parent qui ne va pas remettre des enfants, un parent qui va intimider Madame devant les enfants, qui va menacer de mort. Donc, une convocation aussi intempestive. Moi, j'ai déjà eu des convocations chez des policiers, chez des faux policiers, en fait, des personnes, des victimes, qui m'appellent en me disant « j'ai été convoquée chez un policier, mais je crois que ce n'est pas un vrai policier » . Et finalement, ce n'était pas un vrai policier. Donc, on a des stratégies, parfois des agresseurs, assez folles, qui font que dans l'urgence, les victimes peuvent me solliciter. Alors, évidemment, je ne travaille pas la nuit. Et les week-ends, pour autant, s'il y a une urgence, je peux répondre. Voilà, je propose de répondre parce que les avocats ne sont pas forcément disponibles. Et dans un moment de panique, je peux en tout cas apporter une réponse juridique immédiate pour avoir les bons réflexes. Voilà, évidemment, il y a les numéros d'urgence, le 17, le 15, ça c'est sûr. Mais pour autant, je peux répondre et j'ai eu beaucoup de cas, j'ai eu beaucoup de situations, notamment en période de Noël, d'urgence, des situations au niveau des grandes vacances. et le vendredi soir, dès lors que les enfants doivent aller chez papa, chez maman. Voilà, donc je sais qu'à ces périodes-là, je vais être sollicité.

  • Speaker #0

    En tout cas, en vous écoutant, je vois qu'on est vraiment dans le concret, dans des questions très pratico-pratiques et qui nécessitent d'agir parfois aussi rapidement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, moi c'est dans le concret, c'est les vacances arrivent, voilà, là aussi c'est les vacances arrivent, le juge des affaires familiales a rendu une décision, il me dit que je dois donner les enfants à telle date, et moi, dans le jugement, je vois une autre date. donc je ne comprends pas, je n'arrive pas à comprendre le jugement. Qu'est-ce que je fais ? Parce qu'il me menace de déposer une plainte contre moi si je n'amène pas les enfants à telle date. Et bien là, voilà, je reprends effectivement le jugement. On voit ensemble, il y a un outil aussi qui est très bien fait sur, donc pour savoir la date exacte de la moitié des vacances, par exemple. Donc, je propose comme outil, effectivement, pour que ces mamans ou ces papas puissent savoir exactement, selon un outil objectif. quelle est la moitié en fait et parfois c'est à la minute près, vous voyez, c'est terrible, il faut en arriver à ça. Donc en fait, les outils que je propose en urgence ou dans ces questions-là, j'en ai plusieurs, mais je les propose comme ça me semble efficient en fait. Parfois le mémo de vie, je le propose alors qu'il n'est pas là et que pour moi il n'est pas nécessaire. Parfois je le propose pour en fait… que les parents qui vivent de la violence conjugale à travers leurs enfants puissent noter au fur et à mesure ce que les enfants vivent, en fait, aussi, pour pouvoir ensuite faire une action en justice si nécessaire. Parce que, comme je vous dis, il y a souvent l'anésie traumatique, il y a la confusion, il y a tout ça qui fait que… Donc, c'est vrai que l'outil que je propose le plus, c'est mes mots de vie. Je propose aussi, donc, le violentomètre, clairement. pour identifier les violences qui sont vécues par les personnes en répondant à des questions. Et je propose aujourd'hui un outil qui est extrêmement puissant et très bien fait, le diagnostic d'Opale créé par Vigdis Maurice Herrera, qui est une victime de violences conjugales, qui a créé un diagnostic avec près de 200 questions posées aux victimes, qui est bien plus étayé que le violentomètre. Donc selon effectivement... les victimes, donc des personnes que j'ai en face de moi, je propose donc le violentomètre ou le diagnostic opale pour en fait que les personnes puissent prendre conscience de ce qu'elles vivent. Parce qu'il y a souvent une minimisation des violences subies et vous savez, le stéréotype de la femme battue est encore très très prégnant chez les victimes de violences conjugales. Pour elles, si elles ne sont pas battues, et bien ce qu'elles vivent c'est effectivement de la des choses qui sont très difficiles, mais d'avance psychologique, sexuelle, administrative, économique, la cyber-violence est minimisée, voire n'est pas connue des victimes. Mon rôle aussi en tant que juriste, c'est de dire que toutes ces violences-là, elles sont réprimées par la loi, et donc grâce à des outils tels que le violentomètre ou le diagnostic opale, il y a une prise de conscience, et il y a aussi une première prise de conscience, et le fait qu'on peut faire une action en justice dans ces cas-là, parce que la loi elle interdit ces comportements-là et elle les réprime.

  • Speaker #0

    Vous avez abordé de plusieurs manières les conséquences sur les enfants. De fait, j'ai l'impression que vous travaillez indirectement à les protéger en conseillant les personnes qui sont victimes de violences.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, j'ai une sensibilité par rapport à la protection de l'enfance. Comme je vous l'ai indiqué, j'ai travaillé auprès du conseil départemental dans le service de la ZEU et j'ai travaillé sur notamment les incestes. L'idée, en fait, comme je vous dis, d'un regard systémique sur la famille et sur les violences intrafamiliales. On parle de violences conjugales, mais on peut parler de violences de vif, de violences intrafamiliales, des violences qui se passent au cœur de la famille et qui touchent, pour le coup, les enfants, qui sont en fait témoins, mais pour moi, qui sont des victimes directes de ce qui est vécu dans la famille. Dès lors qu'un enfant entend des cris, se positionne comme un sauveur de sa maman, et dévalorisée, dénigrée dans la famille et instrumentalisée par l'auteur des violences conjugales via les séparations, pour moi c'est un enfant qui vit clairement des maltraitances et qui doit être protégé. Alors c'est vrai que pour ces mamans c'est parfois très compliqué parce qu'il y a un phénomène d'emprise qui est présent et parfois la protection n'est pas forcément présente au moment où il le faudrait. Je suis très au clair avec ça. pour ma part, quand j'accompagne du coup les mamans, c'est que je me dois en tant que professionnelle de la justice, mais aussi en tant que citoyen, de faire remonter les situations, à minima via une information préoccupante. L'information préoccupante, c'est dès lors que je suis au courant d'une situation où un enfant, qu'un enfant vit, et que la situation est préoccupante, j'ai l'obligation, en fait, ce n'est pas une option, de faire remonter cet élément-là à la CRIP, à la cellule de recueil des informations préoccupantes qui dépend du conseil départemental, pour qu'il y ait une évaluation sociale qui soit faite. Si en plus de ça, si...

  • Speaker #0

    Pour moi, l'enfant est clairement en danger parce que j'ai une maman ou un papa qui me dit que l'enfant est violenté physiquement, est violenté sexuellement ou en tout cas est violenté directement. Je me dois également de faire un signalement auprès du procuré de la République. C'était un stade supérieur. Le parquet se saisit du dossier et va mener une enquête et va saisir le jus des enfants par rapport à cela. Donc, ou renvoyer au conseil départemental pour évaluation et ensuite… Il peut y avoir donc des poursuites. Donc c'est vrai que, bien sûr, à travers les vifs, les violences intrafamiliales, à travers mes accompagnants, je me dois de protéger les enfants, même si je suis très touchée par ce que m'évoquent les mamans. Pour autant, ça n'est pas une option que de protéger les enfants. Et les enfants sont souvent dans un conflit de loyauté, donc c'est très compliqué pour eux aussi, ce qu'ils vivent. Ils veulent protéger maman ou ils en veulent à maman de ne pas se protéger, de ne pas les protéger. Ils veulent être des sauveurs de maman et donc ils se mettent en danger, clairement. Et même j'ai des enfants qui sont tout petits. Clairement, les mamans que j'accompagne, la plupart de leurs enfants ont des troubles du comportement. Ils sont soit diagnostiqués TDAH, soit ils ont des DINST. Alors je ne sais pas si c'est en lien avec les violences conjugales qui sont présentes dans la famille, qui ont été là. Mais pour autant, ça n'est pas anodin pour moi. Aujourd'hui, j'accompagne beaucoup de mamans en violence conjugale post-séparation. Alors là, on parle très peu, mais il faut savoir que dès lors que quelqu'un se sépare dans l'ambiance conjugale, l'enfer n'est pas terminé. C'est-à-dire qu'à travers les enfants, à travers la justice, à travers la pension alimentaire, à travers des tas de mécanismes de démarche, l'agresseur va continuer via un contrôle, notamment le contrôle coercitif, via un contrôle. permanent du coup de la victime va continuer à exercer les violences. Donc moi aujourd'hui, dans mes accompagnements, j'ai beaucoup de violences post-séparation où les enfants sont clairement instrumentalisés. Et là, c'est une bataille avec le juge des enfants, avec le JAF, avec le procureur, parce que ces violences-là post-séparation ne sont pas reconnues, en tout cas très peu reconnues, par notamment les juges aux affaires familiales où je suis très démunie moi. Et je vous dirai pourquoi, si on aborde le volet juridique, le regard de la justice par rapport aux violences conjugales, parce qu'il y a des décisions qui sont rendues qui sont juste incompréhensibles et qui mettent clairement en danger les enfants et les mamans.

  • Speaker #1

    Oui, souvent, là où beaucoup d'auteurs ont plutôt des facilités, ou en tout cas se servent des outils juridiques, souvent les personnes qui sont victimes, elles, attendent. Et j'imagine que quand on vient vous voir, on a un peu ce sentiment d'avoir la montagne juridique administrative qui est de plus en plus haute. et donc de plus en plus difficile à gravir.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, on me dit toujours, c'est très fréquent, on me dit, bon, c'est très compliqué, c'est très compliqué, je ne sais pas quoi faire, je suis perdue. Alors moi, j'essaye de vraiment, pour moi, le droit, c'est vraiment une source d'émancipation, vous voyez. Pour moi, l'accès au droit, ça permet en fait aux personnes, j'ai fait du droit pour ça aussi, je reviens sur Mandela, Bad Inter, ces grands humanistes. En fait, l'accès au droit permet de faire des choix éclairés dès lors que l'on connaît ses droits. Alors moi, je m'astreins vraiment à proposer une pédagogie, une vulgarisation du droit, en expliquant les différentes procédures qui sont possibles, tout en respectant la temporalité. Ça c'est évident, mais en tout cas, j'explique que dans ce dossier-là, il peut y avoir, j'informe sur les droits, le volet. pénale, le volet familial, le volet protection d'enfance, le volet droit du travail aussi, j'en parlerai tout à l'heure plus tard. Et donc je permets vraiment, je fais des schémas, je propose des schémas, je propose de reformuler avec elle ce que j'ai dit pour voir si c'est bien clair en fait. Et j'espère en tout cas arriver à leur permettre de faire des choix éclairés tout en leur disant qu'il peut y avoir des obstacles et il y a des obstacles. dans le parcours judiciaire, c'est évident, donc je ne vais pas faire croire que ça va être facile. Pour autant, ce que je leur dis, c'est qu'elles seront accompagnées, elles seront bien accompagnées à chaque étape, à chaque silence de la justice. Je pourrais leur expliquer pourquoi la justice est silencieuse, qu'est-ce que l'on peut faire pour effectivement avoir une information, comment faire en attendant et compagnie, avec aussi, comme je vous l'ai expliqué, des partenaires avec qui je travaille qui sont là pour les accompagner au niveau thérapeutique, au niveau médical. au niveau, voilà, au niveau, j'aurais dit qu'il y avait les avocats, bien évidemment. Donc l'idée, c'est de leur dire, je vous traduis les droits, je vous dis quels sont les droits possibles, quel est le parcours aussi qui peut s'imposer à vous, les délais aussi procéduraux, mais vous n'êtes pas seul. Et vous ne serez jamais seul jusqu'au bout. Ça, c'est très important.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Avant de parler de l'état de la justice, vous avez beaucoup évoqué la démarche systémique. Et justement, comment vous accompagnez par ailleurs les professionnels ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'accompagne les professionnels sur plusieurs volets. Déjà, je propose de la sensibilisation et de la formation-action. sur les violences conjugales auprès des professionnels qui reçoivent des personnes qui sont susceptibles de vivre des violences conjugales. Donc, j'interviens énormément, je suis beaucoup, beaucoup sollicitée dans les hôpitaux, pour que ces professionnels qui reçoivent déjà des personnes qui sont en soins, qui en plus vivent des violences conjugales, puissent être accueillis au mieux. Donc, via la sensibilisation... et donc qui est plutôt global où je sensibilise en fait tous les équipes, tout le monde en fait. Pour moi, il n'y a pas que les RH, les managers, les référents qui doivent être sensibilisés. Tout le monde doit être sensibilisé aux violences conjugales pour savoir de quoi on parle, faire tomber les stéréotypes sur les femmes battues, clairement, savoir effectivement que l'on peut donc avoir un collègue, un ami, un membre de la famille qui vit violences conjugales pour connaître effectivement, savoir repérer les signaux faibles et les signaux forts dans les violences conjugales. Et c'est les signaux faibles qui sont difficiles à repérer. Et c'est cela dont je parle dans mes interventions. Ces professionnels peuvent se dire qu'elles ont connu, elles connaissent les personnes qui vivent des violences conjugales. Il y a une prise de conscience du fait que les violences conjugales, ça touche quand même une femme sur dix. Ça va très vite en fait. Donc, via les sensibilisations, je propose des éléments très généraux. pour une prise de conscience. Via les formations, en fait, j'accompagne pendant 3-4 jours les professionnels en les mettant en situation, en leur expliquant en détail ce qui se passe pour les victimes, quels sont les différents types de violences conjugales, comment réagir, comment agir, quoi mettre en place. J'aborde aussi, ça c'est très important dans les signaux faibles et les signaux forts, j'aborde aussi les traumas vicariants. C'est très tabou aujourd'hui le fait de se dire que les professionnels qui accompagnent les victimes peuvent aussi développer un trauma du fait de ce qu'ils entendent qui est traumatique pour eux. Donc j'aborde dans mes interventions aussi les traumas vicariants pour voir un petit peu comment ça va pour eux. Parce que le constat que je fais depuis une dizaine d'années où je forme du coup les professionnels et dans la sphère publique et dans la sphère privée, donc dans les entreprises aussi, et bien c'est que sur les douze professionnels, j'en ai trois, quatre qui craquent en formation parce que soit ils ont vécu des violences conjugales, soit la problématique est trop lourde pour eux. Donc, en fait, j'en reviens dans ces formations à aborder les risques psychosociaux, parce que je me rends compte qu'accompagner, repérer les victimes d'évidence conjugale, c'est extrêmement lourd. Et une bonne volonté n'est pas suffisante, clairement. Et donc, je vois des professionnels qui sont en souffrance parce qu'ils veulent bien faire, mais ils n'y arrivent plus, clairement. Soit parce qu'ils ont vécu des violences conjugales ou ils en vivent. Soit parce qu'ils ont connu quelqu'un qui en a vécu, du coup ça fait tellement écho en eux que c'est compliqué d'accompagner. Soit c'est parce que c'est trop lourd ce qu'ils entendent.

  • Speaker #1

    Exactement. Et d'ailleurs, est-ce que le travail, c'est un sujet qui revient dans les échanges que vous avez avec les personnes victimes ?

  • Speaker #0

    Complètement. Aujourd'hui, j'accompagne des personnes qui travaillent. Quand je travaillais chez France Victime ou CIDFF, elles ne travaillaient pas toujours ces personnes-là. Aujourd'hui, en travaillant en libéral, j'ai des personnes qui peuvent payer mes accompagnements et qui du coup travaillent. Eh bien... c'est terrible. Les conséquences que l'on peut voir des violences conjugales au travail, elles sont terribles et elles sont constantes. Ce que je peux voir, c'est d'une part des personnes qui ont des troubles de la concentration, des personnes qui font des erreurs, des personnes qui doivent se mettre en arrêt perlé, comme on dit, des arrêts perlés, c'est-à-dire qu'elles vont s'arrêter le lundi matin parce que le week-end a été terrible, elles vont s'arrêter le vendredi, elles vont s'arrêter Merci. un jour par-ci par-là alors qu'elles sont épuisées parce qu'elles ne peuvent pas se permettre effectivement de s'arrêter trop longtemps parce que financièrement ça n'est pas possible mais c'est des personnes qui ont des insomnies, qui ne dorment pas toujours bien la nuit, qui donc à l'approche des audiences ou des convocations ou des événements donc que les auteurs leur font vivre n'arrivent plus à travailler correctement c'est des personnes qui veulent se confier au travail mais qui ont honte de se confier, qui ont peur d'être jugés, parce qu'au travail on a toujours le cliché de la femme battue, s'il n'y a pas un coquard au niveau de l'œil, du coup l'évidence conjugale ça n'existe pas. Donc, en fait, la double peine pour les victimes c'est quoi ? Les violences conjugales au niveau du travail, c'est que d'une part, elles sont décrédibilisées au niveau du travail parce qu'elles travaillent moins bien que les autres, parce qu'elles sont fatiguées, épuisées, elles n'y arrivent plus, elles ont des comportements qui ne sont pas adaptés. Parfois, elles sont agressives, elles sont sur la défensive, elles sont épuisées ou elles sont inhibées, elles sont mises à mal par les collègues ou par le manager ou par l'employeur. Elles peuvent aussi, moi j'ai vu des personnes qui ont été sanctionnées, clairement, qui ont eu donc... un amortissement par leurs erreurs commises ou qui ont même pu être licenciés, ou qui ont vécu du harcèlement parce que leur comportement n'était pas adapté au travail, ce qui est juste inacceptable. Donc, ça coûte beaucoup d'argent aux employeurs de ne pas repérer ces victimes d'influence conjugale. Ça coûte bien plus cher aux employeurs que ces arrêts perlés, ces baisses de de travail, ces baisses effectivement de réactivité, ces baisses de concentration, le fait aussi d'embarquer parfois les collègues dans leurs discours parfois moi je vois aussi des victimes qui vont parler de ce qu'elles vivent au travail et ça va impacter les collègues en fait qui vont être aussi à mal. J'ai aussi clairement, si on parle de concret, moi j'ai des personnes qui ont vécu des agressions sur leur de travail. J'ai des auteurs qui viennent au travail pour agresser Madame et pour montrer à tout le monde qu'en fait, c'est elle qui fait n'importe quoi. J'ai des agresseurs qui vont envoyer des mails, des vidéos aux employeurs pour montrer que Madame, au niveau intime, elle fait n'importe quoi pour qu'elle soit sanctionnée. J'ai même malheureusement avec l'IA, donc on parle de la cyberviolence, je commence à avoir effectivement des agresseurs qui vont même inventer des images. avec madame dans des scènes plutôt érotiques, qui vont transférer à l'employeur pour la mettre à mal au niveau des mœurs. C'est terrible. Au travail, je vois des tas de comportements et de l'agresseur et des conséquences pour les victimes qui sont présentes. Pour moi, c'est juste indéniable qu'aujourd'hui, l'employeur, via les risques psychosociaux, il faut savoir que l'employeur a une obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés. Et donc, parmi les risques psychosociaux que l'on retrouve, nous avons le stress et le harcèlement, les violences internes et externes. Pour moi, dans les violences conjugales, il y a des violences externes qui sont le fruit de l'agresseur, qui doivent être pris en charge. Donc, on a clairement des salariés qui ne sont pas pris en charge, qui ne sont pas repérés, qui coûtent cher à l'entreprise. Et là, il faut que ça s'arrête. Clairement, il faut que ça s'arrête. Il faut que l'entreprise soit un lieu de sécurité. C'est parfois un lieu refuge. Moi, je l'ai vu aussi au niveau du télétravail. Le télétravail qui a été proposé à outrance pendant le confinement et qui est parfois encore proposé, attention, attention, parce que quand on est en télétravail, on est à la maison. Et quand il y a des violences conjugales, il faut comprendre que les victimes ne veulent pas rester à la maison. Et donc ça, s'il n'y a pas de repérage dans les entreprises des violences conjugales, c'est une incompréhension des employeurs par rapport à ce dispositif de télétravail. Et donc, on peut avoir des sanctions de l'ISA. ou des comportements hostiles de l'employeur, alors qu'en fait, clairement, c'est parce que au travail, elles sont en sécurité, ces personnes-là, et pas à la maison. Il y a beaucoup de travail à faire sur le sujet. Je crois que vous travaillez aussi, Adrien, sur le sujet. Et pour moi, c'est indéniable que l'entreprise, en tout cas l'employeur avec un grand E, doit intervenir, doit agir, tout en étant accompagné.

  • Speaker #1

    Tout à fait, on voit que toutes les sphères de la société sont touchées, que c'est un phénomène... Mondial, je dirais. Alors pour terminer, quelle est votre vue sur l'évolution des mentalités sur le sujet des violences conjugales et puis aussi sur le plan juridique ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les mentalités, moi je dirais qu'il y a beaucoup de résistance encore, je trouve, à notamment considérer les violences sexuelles au sein du couple et les violences psychologiques. Tout récemment, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en 2025 parce que des juges encore considèrent que le devoir de cohabitation lorsqu'on est marié se conjugue avec un devoir conjugal. Des juges ont considéré que le fait qu'une dame ne veuille pas avoir de rapport sexuel avec son époux alors qu'elle vit des violences conjugales, elle doit être sanctionnée sur la base d'un divorce pour faute, ce qui est juste mais lunaire. C'est hallucinant qu'en fait, alors que le viol conjugal est réprimé depuis une vingtaine d'années, et que des juges considèrent encore aujourd'hui que le devoir conjugal existe. Donc les mentalités, il y a encore du travail. Les rapports sont alarmants sur les résistances, notamment des jeunes et des plus âgés, et de tout le monde finalement. Quand on voit le procès de M. Pellicot, on voit les résistances par rapport aux violences sexuelles, avec des réactions qui sont juste incroyables, où j'ai pu entendre à mes interventions même sur les violences sexuelles, J'ai pu entendre des personnes qui ont pu dire « mais est-ce qu'on est vraiment sûr que l'un des co-dormés, est-ce qu'on est vraiment sûr que c'était pas un trip de couple, est-ce qu'on est vraiment sûr de quoi ? » Mais voyons, arrêtons avec ça, arrêtons aussi de considérer que dès lors qu'il y a une violence sexuelle, la victime est coupable. Il y a une inversion de la culpabilité en fait, de la responsabilité dès lors qu'il y a une violence sexuelle. Donc je trouve qu'au niveau des mentalités, les bons pères de famille qui se considèrent comme étant des super… hommes qui sont dans le droit chemin, ils sont à côté de la plaque. Et le procès de M. Pellicot l'a bien montré. En fait, les 50 agresseurs, ce sont des bons pères de famille. Le bon père de famille, ça vient du code de Napoléon, de 1800K, du code civil, où en fait, on considérait que le bon père de famille avait un droit sur toute la famille et un droit de cuissage. Donc, arrêtons avec ça. Je trouve qu'au niveau des mentalités, on avance très, très, très doucement. Donc on voit qu'il y a beaucoup de résistance et du législateur et des mentalités. Et au niveau du droit, je dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire encore aujourd'hui. Je suis parfois en difficulté. Au niveau du droit pénal, je vais être très courte par rapport à ça, très succincte. Il y a trop de classements sans suite, notamment sur les violences psychologiques et sur les violences sexuelles. Le viol conjugal n'est pas reconnu, clairement. Et la définition du viol n'est pas du tout adéquate pour moi. pour que ça puisse être reconnu, et les violences psychologiques. Alors là, n'en parlons même pas, là, même au niveau des médecins légistes, les violences psychologiques n'entraînent pas forcément d'ITT, en fait, pour les victimes, et donc il n'y a pas forcément de grandes conséquences, alors qu'il faut savoir que le suicide post-violence psychologique est reconnu en droit. C'est une circonstance aggravante des violences psychologiques. Et ça, c'est un chiffre noir que l'on ne connaît pas. ne comptabilisent pas dans les morts violentes au sein du couple. Le droit de la famille, il faut savoir qu'au niveau des JAF, des juges aux affaires familiales, les audiences sont expéditives, elles durent 15 minutes, s'il vous plaît, un quart d'heure pour exposer l'avis des personnes, sans que parfois même les personnes soient entendues dans ce qu'elles ont à dire alors qu'il va y avoir une décision qui va être prise par rapport à la famille et par rapport aux enfants. C'est inacceptable. Il y a des gades alternées qui sont proposées dans les situations de violences conjugales. Alors qu'en fait, on voit des juges qui sont dans une confusion entre conflit conjugal et violence conjugale. Ils ne savent pas la différence pour eux, ce qui se passe. Dès lors qu'il n'y a pas de poursuite pénale au niveau familial, c'est un conflit conjugal. Et on demande à Madame de se calmer un peu et de confier l'enfant à Monsieur, alors qu'elle vit des violences conjugales et que l'enfant en vit aussi des violences intrafamiliales. C'est inacceptable. Au niveau du jeu des enfants, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Raison de plus pour se faire accompagner, déjà par des personnes comme vous, par des associations, et se faire informer par l'employeur, parce que ça permettra d'y voir un petit peu plus clair. J'ai une dernière double question pour conclure cet échange. Si vous deviez donner un conseil simple et facile à mettre en place à une personne qui est victime de violences conjugales, quel serait-il ? Puis la deuxième partie, c'est à un professionnel.

  • Speaker #0

    Alors, à une victime, je dirais que... déjà de s'écouter et d'oser en parler à une personne de confiance, que ce soit au travail, dans son entourage, que ce soit chez son médecin, un pharmacien, un boulanger, qu'en fait, elle n'est pas seule, ces personnes-là ne sont pas seules, même si elles ont parfois l'impression qu'elles le sont. Une écoute bienveillante peut être le premier pas vers la sortie de l'isolement pour les victimes, en fait. Très clairement, ce que je dis dans les formations, c'est que dès lors que l'on tend la main à une personne qui, en fait, nous tient, ou témoigne de sa confiance, dès lors que l'on ne la juge pas, et qu'on a une posture empathique, on sort une personne de l'isolement, et on peut effectivement l'orienter vers des personnes qui sont formées à l'accompagnement des victimes. Et c'est le début, effectivement, de la sortie des violences conjugales. On sait que sortir des violences conjugales ne se fait pas du jour au lendemain. On sait que ça va prendre du temps. Mais dès lors qu'il y a une main tendue, une écoute... bienveillante et de l'or que les victimes osent en parler en disant que ce qu'elle dit ça n'est pas normal et bien il peut y avoir tout un réseau de soutien pluridisciplinaire donc qui va permettre aux victimes d'avancer étape par étape pour on l'espère, donc avoir une vie plus plus paisible. Pour les professionnels, ce que je dirais, c'est d'oser dire que ce qu'ils entendent, c'est compliqué pour eux. Pourquoi je dis ça ? Parce que comme je vous l'ai abordé, les traumas vicariants, les violences vicariantes, en fait, auprès des professionnels sont tellement présentes que dès lors qu'ils vont dire qu'ils sont en difficulté pour accompagner les victimes, eh bien, en fait, on va leur dire c'est ton travail et c'est ainsi. On ne va pas les écouter. Sauf qu'en fait, ils accompagnent mal les victimes parce qu'ils sont pris dans les émotions, pris dans leur souffrance au travail et donc l'accompagnement se fait mal. Et l'accompagnement va se faire dans l'émotion parfois, voire dans la surréaction et l'accompagnement se fera mal, ce qui va ensuite renvoyer au professionnel un sentiment de culpabilité aussi, de ne pas avoir fait comme il le voudrait. Donc moi je dis aussi aux professionnels de s'entourer. de professionnels qui peuvent les accompagner, qui peuvent, moi souvent je leur dis, appeler la CRIP, la cellule de recueil des informations préoccupantes, pour si vous ne savez pas s'il faut faire une information préoccupante pour les enfants, appeler le 119 pour faire un signalement, pour avoir en fait qu'ils puissent vous dire si vous pouvez le faire ou pas, appeler des partenaires pour vous faire accompagner dans ces situations de violence conjugale et intrafamiliale, parce que... Comme pour les victimes, quand on est seul dans ces accompagnements-là, c'est extrêmement complexe et on accompagne mal et on se brûle les ailes, clairement.

  • Speaker #1

    Merci d'évoquer le sujet de l'accompagnement et des souffrances des professionnels qui est beaucoup trop peu abordé. Puis finalement, un grand merci au Global, parce que vous nous avez transmis des conseils qui sont très précis, des cas concrets. Et on sait bien que c'est difficile de se projeter quand on est victime de violence ou quand on s'intéresse à la question, c'est difficile de se la figurer. Donc un grand merci Sylvie pour votre partage.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Au revoir. Vous voulez témoigner en tant qu'experte de violence ou bien victime, que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.hu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé. Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

Description

Sylvie Ruiz est une juriste spécialisée en victimologie qui conseille les personnes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent s'approprier et utiliser les outils juridiques pour se sortir des violences. Elle forme aussi les professionnels à l'accompagnement des victimes de violences conjugales.

Cette épisode donne des pistes concrètes pour mieux utiliser le cadre légal, en comprendre les tenants et aboutissants et finalement être plus encore acteur de la sortie des violences.


Pour plus d'informations, le site de Sylvie Ruiz : https://srv-juriste-victimes.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Aujourd'hui, nous recevons Sylvie Ruiz. Elle est juriste spécialisée en victimologie et elle propose un accompagnement de proximité aux personnes victimes et aux professionnels. Alors bonjour Sylvie. Bonjour. Et merci d'être présente aujourd'hui. Est-ce que pour commencer, vous pouvez simplement nous dire qui vous êtes et qu'est-ce qui vous a amené sur le sujet des violences conjugales ? Quels accompagnements vous menez auprès des victimes et des professionnels ?

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir, Adrien. C'est vraiment un plaisir de pouvoir expliquer un petit peu ce que je fais. Mon engagement dans le droit a commencé très tôt. J'ai grandi dans une famille qui a été marquée par la migration en Espagne, en Algérie, avec les traumas post-migration dans ma famille qui ont parfois entraîné des comportements qui n'étaient pas forcément adaptés dans ma famille. Et ça m'a plutôt marquée cela déjà. J'ai eu un déclic en troisième. J'ai voulu faire un exposé sur l'apartheid. Je me suis dit à ce moment-là que je voulais être avocate pour défendre les plus démunis, parce que ça me semblait tellement injuste que des populations puissent être mises à mal. En tout cas, l'injustice est arrivée très tôt dans ma vie. Ensuite, j'ai fait le choix par rapport à tout cela de faire du droit et j'ai découvert le droit pénal que j'ai adoré, une science humaine que j'ai adoré, le droit de la famille. J'ai découvert du droit qui m'a beaucoup parlé et je me suis ensuite spécialisée en criminologie, en victimologie. et j'ai intégré à l'époque un master en droit des victimes à Pau, qui était le premier master qui a été créé par… par Robert Cariot, un grand criminologue qui est un ami aujourd'hui, avec qui j'ai eu la chance de pouvoir écrire un ouvrage. Et donc, comment j'en arrive aux violences conjugales ? J'en arrive donc que je choisis, dans le cas de mes études, de faire un stage au conseil départemental sur la protection de l'enfant, sur les incestes, clairement. Et là, je découvre ce que peuvent vivre du coup les enfants dans les familles avec du coup un regard plutôt systémique de la famille, où je me rends compte qu'il y a des violences conjugales. plus dans ces familles-là et que du coup, les enfants ne sont pas forcément protégés parce que les mamans vivent donc de la violence conjugale. Et j'ai également donc eu un mandat d'administrateur ad hoc chez France Victime. L'administrateur ad hoc, c'est celui qui représente un enfant qui est victime de maltraitance dans sa famille et là, une fois de plus, ça m'a confortée dans l'idée que ces enfants-là qui vivent des violences intrafamiliales, eh bien, ont des parents qui vont mal, donc dont un est agresseur et l'autre est victime. Et chez France Victimes, en fait, on accueille des victimes de tous genres. Donc, moi, en tant que juriste, j'ai accueilli des tas de victimes pendant sept ans, notamment des victimes de violences conjugales. Et là, j'ai effectivement vu ce qui pouvait se jouer pour elles, concrètement, dans leur quotidien avec leurs enfants. Pour terminer sur mon parcours, en fait, je suis plutôt quelqu'un d'engagée. Donc, j'ai travaillé également au CIDFF, le Centre d'information pour le droit des femmes et des familles, où j'ai pu aussi répondre aux questions juridiques. Et j'ai aussi créé un groupe de paroles qui s'appelle Un Temps pour Soi, qui est dédié aux mamans qui vivent des violences post-séparation. Ce groupe de paroles, je l'ai créé sous la demande des mamans que j'accompagnais, qui se trouvent un petit peu partout dans la France. Et donc, elles me faisaient part de leur solitude, en fait. Se dire ce qu'elles vivent dans leur quotidien, si elles ont eu des moments difficiles, et ce qu'elles ont mis en place comme stratégie, comme comportement, ou comme outil, en fait, pour aller mieux. Et je trouve que vraiment, ce groupe-là, au début, je voyais des mamans qui étaient plutôt réservées, qui n'osaient pas s'exprimer. Je suis très honorée d'être là dans ce groupe de parole et c'est grâce à elle que ce groupe de parole vit et fonctionne très bien. Et j'apprends à chaque fois tellement de choses avec elle. Voilà, c'est ce que je voulais leur rendre hommage. Et je dirais pour terminer que moi, je me considère comme étant une humaniste dans l'âme. J'ai été inspirée très grandement par Robert Bonnenter dans ma carrière et en fait pour pouvoir accompagner au mieux les victimes, je vous dirai un petit peu ce que je fais avec elles, je détache l'acte de l'être humain, c'est-à-dire que je ne considère pas les victimes comme des pauvres petites choses qui ne savent pas faire ce qu'il faut pour aller mieux, je les considère comme des êtres humains. et donc ça me permet en fait de ne pas pas avoir un biais cognitif dès le départ et donc c'est pour ça que j'arrive à proposer des accompagnements qui sont des accompagnements de proximité adaptés et qui... vraiment valorise ces personnes-là qui me font confiance.

  • Speaker #0

    C'est parfait, on comprend tout le sens du terme systémique et humaniste. Alors comment ces mots se matérialisent dans les accompagnements que vous réalisez ?

  • Speaker #1

    Systémique, en fait, moi je reçois des personnes qui viennent me voir pour des questions juridiques en droit de la famille, en droit pénal, même en droit du travail, je vous expliquerai un petit peu en quoi le droit du travail aussi est présent. dans les violences conjugales, même si on ne voit pas trop le rapport dès le départ. Eh bien, déjà, au niveau systémique, dans mes accompagnements, je pose toujours des questions de la famille, de ce qui s'est joué aussi dans l'enfance, même si je ne suis pas psychologue, pour autant, je suis formée en victimologie. Et donc, j'ai des entretiens qui sont plutôt globaux dès le départ, pour pouvoir ensuite répondre à la question juridique et la question de droit. Donc, la systémie, c'est vraiment, je fais un point sur l'environnement familial, sur aussi, en fait, l'isolement ou pas des personnes, ce qui est quand même très fréquent dans les violences conjugales, pour en fait ne pas réduire la violence conjugale à la personne et pour avoir vraiment un regard bien plus large. Et c'est important pour moi d'avoir ce regard-là parce que je me rends compte parfois qu'il y a des victimes qui se qualifient de victimes à part entière et qu'elles se sentent responsables de tout. et donc le fait de pouvoir en fait avoir un regard plus élevé et systémique ça permet aussi pour moi d'avoir je vous dis de ne pas avoir ce biais cognitif de dire en fait c'est la personne qui peut-être n'a pas fait ce qu'il fallait faire ou voilà c'est vraiment d'avoir un regard plus global et de prendre en compte évidemment et les enfants et la famille Énargie et aussi les collègues et aussi les amis pour que vraiment je vois comment se positionne finalement la personne. Et humaniste, alors pour moi c'est extrêmement important, parce que parfois on peut me taxer de féminisme, alors certes je suis une femme et je suis sensible à la cause des femmes, ça c'est indéniable, pour autant, je considère que les violences conjugales ne sont pas genrées, même si les chiffres montrent qu'il y a plus de femmes qui sont victimes de violences conjugales, et c'est vrai que je reçois plus de femmes qui vivent des violences conjugales, pour autant. il y a un chiffre noir au niveau des hommes qui vivent en se conjugale. Et moi, mon accompagnement est exactement pareil sur ma posture, en tout cas, quand je reçois un homme. Et j'en reçois aujourd'hui des hommes parce que mon accompagnement est un accompagnement qui peut se faire à distance, qui peut se faire en présentiel, qui peut se faire à des horaires aussi adaptés par rapport à mes clients. Et en fait, parfois, pour des hommes, c'est plus facile de me solliciter. à distance, même sans caméra parfois, parce qu'ils n'ont pas à pousser une porte d'une association qui, en fait, serait connotée féministe. Où on voit quand même que dans les affiches, le 39-19, c'est pour les femmes, tout est fait pour les femmes, et évidemment, c'est très, très important. Pour autant, pour moi, l'humanisme va dans ce sens-là. J'accueille les hommes et les femmes.

  • Speaker #0

    Et je rebondis sur ce que vous disiez en premier lieu, c'est que sur la notion de statut de victime, effectivement, c'est absolument essentiel. de le qualifier ce statut-ci, mais pour autant il n'est pas suffisant pour s'en sortir en quelque sorte. Et j'ai remarqué parmi toutes les interviews que j'ai faites auprès de victimes que s'identifier uniquement à cette position-là ne suffit pas pour aller au-delà. Et vous parliez de la notion de culpabilité. Justement, est-ce que vous pourriez revenir un peu sur ce sujet-là ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci pour vos précisions. Il y a donc un auteur et une victime. Quand moi, j'ai commencé à étudier la criminologie, le pendant, c'était la victimologie. Donc, on étudie ce qui se passe pour celui ou celle qui passe à l'acte et celui ou celle qui le vit, qui le subit, en fait. Pour autant, réduire une personne à cette notion de victime, ça ne lui permet pas de pouvoir prendre conscience qu'elle est un être humain, à part entière, avec des capacités de résilience, des capacités à faire… à faire des choses pour elle. Et donc, ça la réduit pour moi parfois à un objet. Objet qu'elle est parfois dans la relation effectivement conjugale. Et donc, j'ai remarqué aussi comme vous, Adrien, que j'ai parfois des victimes qui me disent « J'ai rencontré un pervers narcissique, qu'est-ce que je peux faire au niveau juridique ? » Et en fait, réduire l'homme qu'elles ont aimé à un pervers narcissique et se réduire à être une victime, ça ne permet pas pas du tout, mais du tout, d'avancer parce qu'elles se mettent dans des cases et moi, je refuse de les mettre dans des cases. Pour moi, ce sont des personnes qui ont vécu dans leur parcours conjugal des choses, des événements terribles, mais pour autant, elles ne sont pas... que cet événement-là. C'est pour ça que je détache l'acte de l'être humain. Elles ont vécu des situations qui relèvent effectivement du droit pénal, qui doivent être réprimées, mais pour autant, elles ne sont pas que ça. Et la culpabilité, elle est très très présente, c'est constamment le discours que j'ai, c'est « oui, mais bon, c'est de ma faute, c'est parce que j'aurais dû, mais pourquoi je suis restée, et pourquoi j'ai accepté, et je ne pouvais pas, et je ne savais pas, et j'essaye, en tout cas dans mon accompagnement, de... de toujours revenir au fait que ce qu'elles ont vécu, c'est interdit par le code pénal français. Quelles que soient les motivations, quels que soient les motifs de l'agresseur, c'est interdit en France. Et ce n'est pas pour rien que c'est interdit en France. Par conséquent, la culpabilité, elles peuvent l'avoir. C'est un travail thérapeutique qui va se faire avec quelqu'un qui est spécialisé, certes, mais pour autant, le comportement objectif est interdit et doit être réprimé en France. Donc je reviens sur des éléments qui sont objectifs sur l'interdiction des violences conjugales en France.

  • Speaker #0

    Tout à fait, c'est vrai que la culpabilité, elle pétrifie, elle immobilise. Mais ce n'est pas simple et c'est bien là tout l'enjeu, puisque quand on est une personne victime, on subit beaucoup d'injonctions. Et justement, en parlant d'injonctions, quel est le parcours un peu classique d'une personne qui vient vous voir ? Est-ce que c'est clair pour elle ce qu'elle vit ou justement, est-ce qu'il y a des choses qui se battent un peu en duel ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, comme je vous l'ai expliqué, je propose l'accompagnement juridique en présentiel ou à distance, adapté aux horaires des personnes déjà. Donc, c'est important. Moi, j'ai choisi, ça s'est imposé un petit peu à moi, d'accompagner à distance ce que je ne pensais pas faire parce que pour moi, j'ai vraiment besoin de voir les personnes. Mais pour autant, je me rends compte que c'est quand même adapté pour des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Donc, en fait, déjà, la flexibilité rassure les personnes parce que… il n'y a pas cette injonction d'horaire, en fait. Alors, certes, il y a des horaires qui sont les horaires de bureau, mais pour autant, on peut avoir un entretien à midi 30, à midi 45, à 18 heures, en visio. Donc, déjà, pour elle, ça permet effectivement de pouvoir être à l'aise par rapport à l'entretien. Je me rends compte que, quand on vient me voir, c'est pour des questions souvent juridiques avant de prendre un avocat ou quand il y a un avocat. Je vous expliquais un petit peu la différence. mais... En tout cas, c'est des questions sur le droit de la famille. C'est par exemple, je veux me séparer, je veux divorcer. Qu'est-ce que je peux faire ? Je n'y connais rien en droit. Je sais que vous êtes spécialisée en victimologie, mais bon, moi, je ne suis pas victime. Voilà, déjà, il y a des carcans comme ça qui commencent où je me dis, oh là là, tu veux te séparer à l'amiable, mais pour autant, tu me dis que dans ton couple, c'est difficile. C'est souvent ça que j'ai. Je veux me séparer à l'amiable, mais c'est compliqué dans mon couple. Donc du coup... Ça n'est pas clair pour les victimes. Et souvent, en fait, elles veulent se séparer à la miable pour avoir la paix. Sauf que ce que je leur dis, c'est qu'en fait, elles n'auront pas la paix. Parce que se séparer à la miable, ça veut dire qu'elles vont accepter des choses qui sont complètement disproportionnées. Et donc, il y aura dans tous les cas un contentieux plus tard parce qu'il y a de l'emprise et que du coup, elles vont vouloir accepter des choses pour avoir la paix, mais elles seront embêtées par la suite. Donc... Ça, c'est très confus pour les personnes qui viennent me voir pour me dire « je veux divorcer à la miable, mais ce n'est pas terrible dans mon couple, mais je divorce à la miable » . Également sur les questions pénales aussi. Je vis des choses difficiles, je ne sais pas trop quoi faire, mais je ne veux pas déposer le plaintre. Qu'est-ce que je peux faire, mais je ne veux pas ? Qu'est-ce que je peux faire ? Je veux faire quelque chose, mais je ne veux pas le faire non plus. Alors là, j'ai bien conscience que dans les violences conjugales, il y a un phénomène d'emprise. Il y a de la dissociation, il y a de la sidération, il y a des stress post-traumatiques. Donc, tous ces comportements-là, moi, je les maîtrise, je les connais. Et par conséquent, je ne juge pas ces personnes. Donc, j'essaye avec elles d'avancer petit à petit dans leurs demandes, sans les brusquer, sans proposer d'injonction, mais de poser un petit peu à plat ce qu'elles vivent. Et donc, je leur propose, par exemple, un outil qui s'appelle « Mémo de vie » , qui permet de noter ce qu'elles vivent dans leur quotidien. Pour qu'elles puissent conscientiser que ce qu'elles vivent leur fait du mal et compliqué pour elles. Et puis moi, je rajoute une couche en disant que c'est interdit par la loi. Donc, quand je vois que c'est confus, je repars sur les personnes, sur leur ressenti, ce qu'elles vivent, pour petit à petit répondre à leurs questions pour que ça soit plus clair pour elles. Donc, je respecte leur temporalité, clairement. Et ça, c'est extrêmement important. dès lors que que l'on va plus vite que la musique, eh bien c'est très violent pour les victimes parce que elles ne sont pas prêtes à entendre des choses. Donc moi, en fait, si vous voulez, la loi, le droit me permet en fait de pouvoir avoir des propos plutôt objectifs, non jugeants, et peut-être que je l'ai été et j'en suis navrée si je l'ai été parfois, pour en fait vraiment prendre en compte la temporalité des victimes par rapport à leur demande. Donc oui, Adrien, Il y a beaucoup de confusion parce qu'il y a beaucoup d'injonctions paradoxales dans les violences conjugales. Et ça rend fou en fait, les injonctions paradoxales. Donc du coup, il y a de l'amnésie traumatique, il y a des troubles cognitifs. J'ai beaucoup de personnes, de victimes qui vont me dire qu'elles n'arrivent plus à se concentrer, qu'elles n'arrivent plus à dormir, qu'elles ne dorment pas bien, qu'au travail c'est compliqué pour elles, qu'elles ont des troubles de la mémoire. et grâce aux formations que je dispense beaucoup dans les hôpitaux, j'apprends aussi beaucoup des conséquences des violences conjugales au niveau psychologique et médical, clairement. Et je le vois clairement dans mes accompagnements, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est très important, effectivement, de s'adapter au niveau et au rythme de chacun. Vous avez bien raison. J'imagine aussi que le cadre juridique, comme il est strict, même s'il est neutre, parfois peut un peu secouer des personnes qui n'ont pas conscience de leur vécu.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, c'est pour ça que j'y vais tout tranquillement. Mais parfois, il m'est nécessaire de mettre des mots sur les mots parce que dès lors qu'une personne veut déposer une plainte, je vous dirai un petit peu ce que je propose comme accompagnement précisément. dès qu'elle veut déposer une plainte ou dès qu'elle veut faire une action en justice, eh bien en fait, en tout cas au niveau du pénal, pour qualifier l'infraction, il faut bien qu'il y ait des éléments factuels, des éléments… des conséquences qui sont en lien avec l'infraction, les éléments intentionnels par rapport à l'auteur. Et donc, je suis obligée, moi, de mettre des mots qui sont parfois difficiles. Alors, je mesure mes mots, j'essaye en tout cas, mais pour autant, je dis tout le temps à la personne que j'accompagne que si c'est compliqué pour elle, je l'entends, et que du coup, on peut aussi prendre un temps, le temps qu'elle digère les choses, et donc, on peut en reparler plus tard. Je respecte leur temporalité, sauf dans le cas où il y a de la protection de l'enfance, il y a un enfant qui est en danger, ou s'il y a une urgence vitale. Dans ces cas-là, la temporalité, je ne peux pas la respecter en tant que juriste.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Maintenant, si on va un petit peu plus dans le détail de l'accompagnement, pour l'instant, des victimes, parce que je sais aussi que vous accompagnez les professionnels, comment ça se passe concrètement ? Quels outils vous sollicitez ?

  • Speaker #1

    Je travaille en réseau avec des partenaires pluridisciplinaires, psychologues, travailleurs sociaux, associations, avocats. Ce que je propose, c'est déjà pour les victimes de l'information juridique claire et pédagogique sur leurs droits et leurs démarches, notamment en droit de la famille, séparation, divorce, garde-enfant, autorité parentale, droit pénal, en droit pénal, dépôt de plainte, main courante, constitution de partie civile. audience, pénal, droit du travail, j'accompagne sur le droit du travail, sur tout ce qui est en fait la reconnaissance des violences au sein de l'entreprise aussi, tout ce qui est harcèlement. Il faut savoir que les victimes, les personnes qui vivent des violences conjugales sont aussi malheureusement plus à même de vivre du harcèlement aussi au travail parce qu'elles ont un comportement qui n'est pas toujours adapté de par leur souffrance et donc c'est la double peine. Donc j'accompagne aussi effectivement ces personnes-là sur les violences sexuelles et sexistes, sur le harcèlement qu'elles pourraient aussi vivre. Donc, au travail. J'accompagne aussi dans l'accompagnement et la rédaction de documents juridiques. Ça s'est aussi imposé à moi. Je ne pensais pas le faire, mais pour autant, j'ai eu beaucoup de demandes en ce sens. Donc, je me suis dit que j'allais du coup accompagner sur le sujet. Donc, j'aide à rédiger les dépôts de plaintes et les mains courantes pour éviter les classements sans suite. parce qu'il faut savoir que dès lors qu'une plainte est classée sans suite, ça accroît la violence de l'agresseur. Donc j'essaye, toujours avec les victimes, ça n'est pas moi qui rédige pour elle, mais pour autant on travaille ensemble main dans la main pour avoir donc des plaines qui sont qui soient plus structurées, plus élaborées, pour en fait qu'il y ait plus d'éléments pour qu'il y ait moins de classements sans suite. Je propose aussi, j'accompagne donc dans les courriers administratifs en fait qui sont en lien avec le juridique et dès lors qu'il faut saisir, faire une demande d'aide juridictionnelle. de protection juridique, répondre aux conclusions des avocats, faire des commentaires sur les conclusions de la partie adverse, par exemple. J'accompagne sur ce volet-là, rédactionnel, que je ne pensais pas faire, mais qui s'est imposé à moi. J'accompagne sur le mémo de vie aussi. Le mémo de vie, c'est un outil extrêmement intéressant et puissant qui permet de noter au jour le jour ce que vivent les victimes.

  • Speaker #0

    Et il me semble aussi que sur le mémo de vie, on peut charger tous les justificatifs, les pièces médicales, juridiques et autres pour avoir une sorte de coffre-fort.

  • Speaker #1

    Exactement. Le mémo de vie, en fait, c'est un coffre-fort numérisé, sécurisé, qui permet d'y mettre tous les documents essentiels à la vie conjugale. C'est extrêmement important ce mémo de vie. Moi, je le propose quasiment systématiquement à toutes les victimes. On sait que dans les violences conjugales, il y a beaucoup de contrôle et que du coup, le fait d'avoir un mémo de vie, ça permet vraiment de sécuriser les documents qui vont servir à la procédure judiciaire. Moi, je propose toujours aussi d'envoyer le mémo de vie à une personne de confiance, à minima une fois par mois, de le convertir en PDF et de l'envoyer à cette personne-là au cas où il se passerait quelque chose, malheureusement de terrible, avec une mort, pour que ce témoin-là puisse effectivement le revendiquer en justice. J'accompagne également dans les procédures judiciaires, même s'il y a des avocats. Pourquoi ? Parce qu'en fait, je traduis le langage juridique auprès des victimes. Je traduis les décisions de justice qui ne sont pas toujours bien expliquées aux victimes ou en tout cas pas bien comprises. Je prépare aussi en amont les audiences, les audiences JAF, les audiences juge et enfant, les audiences au niveau du pénal. et donc j'explique aussi les droits et les obligations qui arrivent suite aux décisions judiciaires où en fait les victimes ne savent pas toujours comment récupérer les dommages et intérêts, comment récupérer les pensions alimentaires, s'il y a des fonds de garantie, donc j'accompagne sur le sujet. Je coordonne aussi évidemment les victimes vers des partenaires que je choisis, je suis très claire avec ça. Pour moi, les partenaires avec qui je travaille, c'est des partenaires dont je connais leur compétence, leur qualité humaine et leur compétence en termes de victimologie, de droit des victimes. Donc pour moi, ce sont des référents en violence conjugale, que ce soit des avocats. Des psychologues, travailleurs sociaux, des kinés, des ostéopathes, des dentistes, ce sont des personnes qui ont des qualités humaines d'accueil qui sont essentielles pour ces victimes-là et qui en plus ont été formées à l'accueil des victimes. Pourquoi ? Parce que je retrouve tellement de victimes qui vivent des accueils qui sont terribles de la part de tas de professionnels que ça leur fait vivre une victimisation secondaire et que... Et ça, ce n'est pas acceptable pour moi. Donc, je choisis des partenaires avec qui je travaille. Et j'en suis ravie. Voilà. J'interviens aussi, pour terminer, sur les urgences. Clairement, dès lors qu'il y a une situation de danger immédiat ou de crise, par exemple, le retour des enfants chez un parent violent, un parent qui ne va pas remettre des enfants, un parent qui va intimider Madame devant les enfants, qui va menacer de mort. Donc, une convocation aussi intempestive. Moi, j'ai déjà eu des convocations chez des policiers, chez des faux policiers, en fait, des personnes, des victimes, qui m'appellent en me disant « j'ai été convoquée chez un policier, mais je crois que ce n'est pas un vrai policier » . Et finalement, ce n'était pas un vrai policier. Donc, on a des stratégies, parfois des agresseurs, assez folles, qui font que dans l'urgence, les victimes peuvent me solliciter. Alors, évidemment, je ne travaille pas la nuit. Et les week-ends, pour autant, s'il y a une urgence, je peux répondre. Voilà, je propose de répondre parce que les avocats ne sont pas forcément disponibles. Et dans un moment de panique, je peux en tout cas apporter une réponse juridique immédiate pour avoir les bons réflexes. Voilà, évidemment, il y a les numéros d'urgence, le 17, le 15, ça c'est sûr. Mais pour autant, je peux répondre et j'ai eu beaucoup de cas, j'ai eu beaucoup de situations, notamment en période de Noël, d'urgence, des situations au niveau des grandes vacances. et le vendredi soir, dès lors que les enfants doivent aller chez papa, chez maman. Voilà, donc je sais qu'à ces périodes-là, je vais être sollicité.

  • Speaker #0

    En tout cas, en vous écoutant, je vois qu'on est vraiment dans le concret, dans des questions très pratico-pratiques et qui nécessitent d'agir parfois aussi rapidement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, moi c'est dans le concret, c'est les vacances arrivent, voilà, là aussi c'est les vacances arrivent, le juge des affaires familiales a rendu une décision, il me dit que je dois donner les enfants à telle date, et moi, dans le jugement, je vois une autre date. donc je ne comprends pas, je n'arrive pas à comprendre le jugement. Qu'est-ce que je fais ? Parce qu'il me menace de déposer une plainte contre moi si je n'amène pas les enfants à telle date. Et bien là, voilà, je reprends effectivement le jugement. On voit ensemble, il y a un outil aussi qui est très bien fait sur, donc pour savoir la date exacte de la moitié des vacances, par exemple. Donc, je propose comme outil, effectivement, pour que ces mamans ou ces papas puissent savoir exactement, selon un outil objectif. quelle est la moitié en fait et parfois c'est à la minute près, vous voyez, c'est terrible, il faut en arriver à ça. Donc en fait, les outils que je propose en urgence ou dans ces questions-là, j'en ai plusieurs, mais je les propose comme ça me semble efficient en fait. Parfois le mémo de vie, je le propose alors qu'il n'est pas là et que pour moi il n'est pas nécessaire. Parfois je le propose pour en fait… que les parents qui vivent de la violence conjugale à travers leurs enfants puissent noter au fur et à mesure ce que les enfants vivent, en fait, aussi, pour pouvoir ensuite faire une action en justice si nécessaire. Parce que, comme je vous dis, il y a souvent l'anésie traumatique, il y a la confusion, il y a tout ça qui fait que… Donc, c'est vrai que l'outil que je propose le plus, c'est mes mots de vie. Je propose aussi, donc, le violentomètre, clairement. pour identifier les violences qui sont vécues par les personnes en répondant à des questions. Et je propose aujourd'hui un outil qui est extrêmement puissant et très bien fait, le diagnostic d'Opale créé par Vigdis Maurice Herrera, qui est une victime de violences conjugales, qui a créé un diagnostic avec près de 200 questions posées aux victimes, qui est bien plus étayé que le violentomètre. Donc selon effectivement... les victimes, donc des personnes que j'ai en face de moi, je propose donc le violentomètre ou le diagnostic opale pour en fait que les personnes puissent prendre conscience de ce qu'elles vivent. Parce qu'il y a souvent une minimisation des violences subies et vous savez, le stéréotype de la femme battue est encore très très prégnant chez les victimes de violences conjugales. Pour elles, si elles ne sont pas battues, et bien ce qu'elles vivent c'est effectivement de la des choses qui sont très difficiles, mais d'avance psychologique, sexuelle, administrative, économique, la cyber-violence est minimisée, voire n'est pas connue des victimes. Mon rôle aussi en tant que juriste, c'est de dire que toutes ces violences-là, elles sont réprimées par la loi, et donc grâce à des outils tels que le violentomètre ou le diagnostic opale, il y a une prise de conscience, et il y a aussi une première prise de conscience, et le fait qu'on peut faire une action en justice dans ces cas-là, parce que la loi elle interdit ces comportements-là et elle les réprime.

  • Speaker #0

    Vous avez abordé de plusieurs manières les conséquences sur les enfants. De fait, j'ai l'impression que vous travaillez indirectement à les protéger en conseillant les personnes qui sont victimes de violences.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, j'ai une sensibilité par rapport à la protection de l'enfance. Comme je vous l'ai indiqué, j'ai travaillé auprès du conseil départemental dans le service de la ZEU et j'ai travaillé sur notamment les incestes. L'idée, en fait, comme je vous dis, d'un regard systémique sur la famille et sur les violences intrafamiliales. On parle de violences conjugales, mais on peut parler de violences de vif, de violences intrafamiliales, des violences qui se passent au cœur de la famille et qui touchent, pour le coup, les enfants, qui sont en fait témoins, mais pour moi, qui sont des victimes directes de ce qui est vécu dans la famille. Dès lors qu'un enfant entend des cris, se positionne comme un sauveur de sa maman, et dévalorisée, dénigrée dans la famille et instrumentalisée par l'auteur des violences conjugales via les séparations, pour moi c'est un enfant qui vit clairement des maltraitances et qui doit être protégé. Alors c'est vrai que pour ces mamans c'est parfois très compliqué parce qu'il y a un phénomène d'emprise qui est présent et parfois la protection n'est pas forcément présente au moment où il le faudrait. Je suis très au clair avec ça. pour ma part, quand j'accompagne du coup les mamans, c'est que je me dois en tant que professionnelle de la justice, mais aussi en tant que citoyen, de faire remonter les situations, à minima via une information préoccupante. L'information préoccupante, c'est dès lors que je suis au courant d'une situation où un enfant, qu'un enfant vit, et que la situation est préoccupante, j'ai l'obligation, en fait, ce n'est pas une option, de faire remonter cet élément-là à la CRIP, à la cellule de recueil des informations préoccupantes qui dépend du conseil départemental, pour qu'il y ait une évaluation sociale qui soit faite. Si en plus de ça, si...

  • Speaker #0

    Pour moi, l'enfant est clairement en danger parce que j'ai une maman ou un papa qui me dit que l'enfant est violenté physiquement, est violenté sexuellement ou en tout cas est violenté directement. Je me dois également de faire un signalement auprès du procuré de la République. C'était un stade supérieur. Le parquet se saisit du dossier et va mener une enquête et va saisir le jus des enfants par rapport à cela. Donc, ou renvoyer au conseil départemental pour évaluation et ensuite… Il peut y avoir donc des poursuites. Donc c'est vrai que, bien sûr, à travers les vifs, les violences intrafamiliales, à travers mes accompagnants, je me dois de protéger les enfants, même si je suis très touchée par ce que m'évoquent les mamans. Pour autant, ça n'est pas une option que de protéger les enfants. Et les enfants sont souvent dans un conflit de loyauté, donc c'est très compliqué pour eux aussi, ce qu'ils vivent. Ils veulent protéger maman ou ils en veulent à maman de ne pas se protéger, de ne pas les protéger. Ils veulent être des sauveurs de maman et donc ils se mettent en danger, clairement. Et même j'ai des enfants qui sont tout petits. Clairement, les mamans que j'accompagne, la plupart de leurs enfants ont des troubles du comportement. Ils sont soit diagnostiqués TDAH, soit ils ont des DINST. Alors je ne sais pas si c'est en lien avec les violences conjugales qui sont présentes dans la famille, qui ont été là. Mais pour autant, ça n'est pas anodin pour moi. Aujourd'hui, j'accompagne beaucoup de mamans en violence conjugale post-séparation. Alors là, on parle très peu, mais il faut savoir que dès lors que quelqu'un se sépare dans l'ambiance conjugale, l'enfer n'est pas terminé. C'est-à-dire qu'à travers les enfants, à travers la justice, à travers la pension alimentaire, à travers des tas de mécanismes de démarche, l'agresseur va continuer via un contrôle, notamment le contrôle coercitif, via un contrôle. permanent du coup de la victime va continuer à exercer les violences. Donc moi aujourd'hui, dans mes accompagnements, j'ai beaucoup de violences post-séparation où les enfants sont clairement instrumentalisés. Et là, c'est une bataille avec le juge des enfants, avec le JAF, avec le procureur, parce que ces violences-là post-séparation ne sont pas reconnues, en tout cas très peu reconnues, par notamment les juges aux affaires familiales où je suis très démunie moi. Et je vous dirai pourquoi, si on aborde le volet juridique, le regard de la justice par rapport aux violences conjugales, parce qu'il y a des décisions qui sont rendues qui sont juste incompréhensibles et qui mettent clairement en danger les enfants et les mamans.

  • Speaker #1

    Oui, souvent, là où beaucoup d'auteurs ont plutôt des facilités, ou en tout cas se servent des outils juridiques, souvent les personnes qui sont victimes, elles, attendent. Et j'imagine que quand on vient vous voir, on a un peu ce sentiment d'avoir la montagne juridique administrative qui est de plus en plus haute. et donc de plus en plus difficile à gravir.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, on me dit toujours, c'est très fréquent, on me dit, bon, c'est très compliqué, c'est très compliqué, je ne sais pas quoi faire, je suis perdue. Alors moi, j'essaye de vraiment, pour moi, le droit, c'est vraiment une source d'émancipation, vous voyez. Pour moi, l'accès au droit, ça permet en fait aux personnes, j'ai fait du droit pour ça aussi, je reviens sur Mandela, Bad Inter, ces grands humanistes. En fait, l'accès au droit permet de faire des choix éclairés dès lors que l'on connaît ses droits. Alors moi, je m'astreins vraiment à proposer une pédagogie, une vulgarisation du droit, en expliquant les différentes procédures qui sont possibles, tout en respectant la temporalité. Ça c'est évident, mais en tout cas, j'explique que dans ce dossier-là, il peut y avoir, j'informe sur les droits, le volet. pénale, le volet familial, le volet protection d'enfance, le volet droit du travail aussi, j'en parlerai tout à l'heure plus tard. Et donc je permets vraiment, je fais des schémas, je propose des schémas, je propose de reformuler avec elle ce que j'ai dit pour voir si c'est bien clair en fait. Et j'espère en tout cas arriver à leur permettre de faire des choix éclairés tout en leur disant qu'il peut y avoir des obstacles et il y a des obstacles. dans le parcours judiciaire, c'est évident, donc je ne vais pas faire croire que ça va être facile. Pour autant, ce que je leur dis, c'est qu'elles seront accompagnées, elles seront bien accompagnées à chaque étape, à chaque silence de la justice. Je pourrais leur expliquer pourquoi la justice est silencieuse, qu'est-ce que l'on peut faire pour effectivement avoir une information, comment faire en attendant et compagnie, avec aussi, comme je vous l'ai expliqué, des partenaires avec qui je travaille qui sont là pour les accompagner au niveau thérapeutique, au niveau médical. au niveau, voilà, au niveau, j'aurais dit qu'il y avait les avocats, bien évidemment. Donc l'idée, c'est de leur dire, je vous traduis les droits, je vous dis quels sont les droits possibles, quel est le parcours aussi qui peut s'imposer à vous, les délais aussi procéduraux, mais vous n'êtes pas seul. Et vous ne serez jamais seul jusqu'au bout. Ça, c'est très important.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Avant de parler de l'état de la justice, vous avez beaucoup évoqué la démarche systémique. Et justement, comment vous accompagnez par ailleurs les professionnels ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'accompagne les professionnels sur plusieurs volets. Déjà, je propose de la sensibilisation et de la formation-action. sur les violences conjugales auprès des professionnels qui reçoivent des personnes qui sont susceptibles de vivre des violences conjugales. Donc, j'interviens énormément, je suis beaucoup, beaucoup sollicitée dans les hôpitaux, pour que ces professionnels qui reçoivent déjà des personnes qui sont en soins, qui en plus vivent des violences conjugales, puissent être accueillis au mieux. Donc, via la sensibilisation... et donc qui est plutôt global où je sensibilise en fait tous les équipes, tout le monde en fait. Pour moi, il n'y a pas que les RH, les managers, les référents qui doivent être sensibilisés. Tout le monde doit être sensibilisé aux violences conjugales pour savoir de quoi on parle, faire tomber les stéréotypes sur les femmes battues, clairement, savoir effectivement que l'on peut donc avoir un collègue, un ami, un membre de la famille qui vit violences conjugales pour connaître effectivement, savoir repérer les signaux faibles et les signaux forts dans les violences conjugales. Et c'est les signaux faibles qui sont difficiles à repérer. Et c'est cela dont je parle dans mes interventions. Ces professionnels peuvent se dire qu'elles ont connu, elles connaissent les personnes qui vivent des violences conjugales. Il y a une prise de conscience du fait que les violences conjugales, ça touche quand même une femme sur dix. Ça va très vite en fait. Donc, via les sensibilisations, je propose des éléments très généraux. pour une prise de conscience. Via les formations, en fait, j'accompagne pendant 3-4 jours les professionnels en les mettant en situation, en leur expliquant en détail ce qui se passe pour les victimes, quels sont les différents types de violences conjugales, comment réagir, comment agir, quoi mettre en place. J'aborde aussi, ça c'est très important dans les signaux faibles et les signaux forts, j'aborde aussi les traumas vicariants. C'est très tabou aujourd'hui le fait de se dire que les professionnels qui accompagnent les victimes peuvent aussi développer un trauma du fait de ce qu'ils entendent qui est traumatique pour eux. Donc j'aborde dans mes interventions aussi les traumas vicariants pour voir un petit peu comment ça va pour eux. Parce que le constat que je fais depuis une dizaine d'années où je forme du coup les professionnels et dans la sphère publique et dans la sphère privée, donc dans les entreprises aussi, et bien c'est que sur les douze professionnels, j'en ai trois, quatre qui craquent en formation parce que soit ils ont vécu des violences conjugales, soit la problématique est trop lourde pour eux. Donc, en fait, j'en reviens dans ces formations à aborder les risques psychosociaux, parce que je me rends compte qu'accompagner, repérer les victimes d'évidence conjugale, c'est extrêmement lourd. Et une bonne volonté n'est pas suffisante, clairement. Et donc, je vois des professionnels qui sont en souffrance parce qu'ils veulent bien faire, mais ils n'y arrivent plus, clairement. Soit parce qu'ils ont vécu des violences conjugales ou ils en vivent. Soit parce qu'ils ont connu quelqu'un qui en a vécu, du coup ça fait tellement écho en eux que c'est compliqué d'accompagner. Soit c'est parce que c'est trop lourd ce qu'ils entendent.

  • Speaker #1

    Exactement. Et d'ailleurs, est-ce que le travail, c'est un sujet qui revient dans les échanges que vous avez avec les personnes victimes ?

  • Speaker #0

    Complètement. Aujourd'hui, j'accompagne des personnes qui travaillent. Quand je travaillais chez France Victime ou CIDFF, elles ne travaillaient pas toujours ces personnes-là. Aujourd'hui, en travaillant en libéral, j'ai des personnes qui peuvent payer mes accompagnements et qui du coup travaillent. Eh bien... c'est terrible. Les conséquences que l'on peut voir des violences conjugales au travail, elles sont terribles et elles sont constantes. Ce que je peux voir, c'est d'une part des personnes qui ont des troubles de la concentration, des personnes qui font des erreurs, des personnes qui doivent se mettre en arrêt perlé, comme on dit, des arrêts perlés, c'est-à-dire qu'elles vont s'arrêter le lundi matin parce que le week-end a été terrible, elles vont s'arrêter le vendredi, elles vont s'arrêter Merci. un jour par-ci par-là alors qu'elles sont épuisées parce qu'elles ne peuvent pas se permettre effectivement de s'arrêter trop longtemps parce que financièrement ça n'est pas possible mais c'est des personnes qui ont des insomnies, qui ne dorment pas toujours bien la nuit, qui donc à l'approche des audiences ou des convocations ou des événements donc que les auteurs leur font vivre n'arrivent plus à travailler correctement c'est des personnes qui veulent se confier au travail mais qui ont honte de se confier, qui ont peur d'être jugés, parce qu'au travail on a toujours le cliché de la femme battue, s'il n'y a pas un coquard au niveau de l'œil, du coup l'évidence conjugale ça n'existe pas. Donc, en fait, la double peine pour les victimes c'est quoi ? Les violences conjugales au niveau du travail, c'est que d'une part, elles sont décrédibilisées au niveau du travail parce qu'elles travaillent moins bien que les autres, parce qu'elles sont fatiguées, épuisées, elles n'y arrivent plus, elles ont des comportements qui ne sont pas adaptés. Parfois, elles sont agressives, elles sont sur la défensive, elles sont épuisées ou elles sont inhibées, elles sont mises à mal par les collègues ou par le manager ou par l'employeur. Elles peuvent aussi, moi j'ai vu des personnes qui ont été sanctionnées, clairement, qui ont eu donc... un amortissement par leurs erreurs commises ou qui ont même pu être licenciés, ou qui ont vécu du harcèlement parce que leur comportement n'était pas adapté au travail, ce qui est juste inacceptable. Donc, ça coûte beaucoup d'argent aux employeurs de ne pas repérer ces victimes d'influence conjugale. Ça coûte bien plus cher aux employeurs que ces arrêts perlés, ces baisses de de travail, ces baisses effectivement de réactivité, ces baisses de concentration, le fait aussi d'embarquer parfois les collègues dans leurs discours parfois moi je vois aussi des victimes qui vont parler de ce qu'elles vivent au travail et ça va impacter les collègues en fait qui vont être aussi à mal. J'ai aussi clairement, si on parle de concret, moi j'ai des personnes qui ont vécu des agressions sur leur de travail. J'ai des auteurs qui viennent au travail pour agresser Madame et pour montrer à tout le monde qu'en fait, c'est elle qui fait n'importe quoi. J'ai des agresseurs qui vont envoyer des mails, des vidéos aux employeurs pour montrer que Madame, au niveau intime, elle fait n'importe quoi pour qu'elle soit sanctionnée. J'ai même malheureusement avec l'IA, donc on parle de la cyberviolence, je commence à avoir effectivement des agresseurs qui vont même inventer des images. avec madame dans des scènes plutôt érotiques, qui vont transférer à l'employeur pour la mettre à mal au niveau des mœurs. C'est terrible. Au travail, je vois des tas de comportements et de l'agresseur et des conséquences pour les victimes qui sont présentes. Pour moi, c'est juste indéniable qu'aujourd'hui, l'employeur, via les risques psychosociaux, il faut savoir que l'employeur a une obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés. Et donc, parmi les risques psychosociaux que l'on retrouve, nous avons le stress et le harcèlement, les violences internes et externes. Pour moi, dans les violences conjugales, il y a des violences externes qui sont le fruit de l'agresseur, qui doivent être pris en charge. Donc, on a clairement des salariés qui ne sont pas pris en charge, qui ne sont pas repérés, qui coûtent cher à l'entreprise. Et là, il faut que ça s'arrête. Clairement, il faut que ça s'arrête. Il faut que l'entreprise soit un lieu de sécurité. C'est parfois un lieu refuge. Moi, je l'ai vu aussi au niveau du télétravail. Le télétravail qui a été proposé à outrance pendant le confinement et qui est parfois encore proposé, attention, attention, parce que quand on est en télétravail, on est à la maison. Et quand il y a des violences conjugales, il faut comprendre que les victimes ne veulent pas rester à la maison. Et donc ça, s'il n'y a pas de repérage dans les entreprises des violences conjugales, c'est une incompréhension des employeurs par rapport à ce dispositif de télétravail. Et donc, on peut avoir des sanctions de l'ISA. ou des comportements hostiles de l'employeur, alors qu'en fait, clairement, c'est parce que au travail, elles sont en sécurité, ces personnes-là, et pas à la maison. Il y a beaucoup de travail à faire sur le sujet. Je crois que vous travaillez aussi, Adrien, sur le sujet. Et pour moi, c'est indéniable que l'entreprise, en tout cas l'employeur avec un grand E, doit intervenir, doit agir, tout en étant accompagné.

  • Speaker #1

    Tout à fait, on voit que toutes les sphères de la société sont touchées, que c'est un phénomène... Mondial, je dirais. Alors pour terminer, quelle est votre vue sur l'évolution des mentalités sur le sujet des violences conjugales et puis aussi sur le plan juridique ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les mentalités, moi je dirais qu'il y a beaucoup de résistance encore, je trouve, à notamment considérer les violences sexuelles au sein du couple et les violences psychologiques. Tout récemment, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en 2025 parce que des juges encore considèrent que le devoir de cohabitation lorsqu'on est marié se conjugue avec un devoir conjugal. Des juges ont considéré que le fait qu'une dame ne veuille pas avoir de rapport sexuel avec son époux alors qu'elle vit des violences conjugales, elle doit être sanctionnée sur la base d'un divorce pour faute, ce qui est juste mais lunaire. C'est hallucinant qu'en fait, alors que le viol conjugal est réprimé depuis une vingtaine d'années, et que des juges considèrent encore aujourd'hui que le devoir conjugal existe. Donc les mentalités, il y a encore du travail. Les rapports sont alarmants sur les résistances, notamment des jeunes et des plus âgés, et de tout le monde finalement. Quand on voit le procès de M. Pellicot, on voit les résistances par rapport aux violences sexuelles, avec des réactions qui sont juste incroyables, où j'ai pu entendre à mes interventions même sur les violences sexuelles, J'ai pu entendre des personnes qui ont pu dire « mais est-ce qu'on est vraiment sûr que l'un des co-dormés, est-ce qu'on est vraiment sûr que c'était pas un trip de couple, est-ce qu'on est vraiment sûr de quoi ? » Mais voyons, arrêtons avec ça, arrêtons aussi de considérer que dès lors qu'il y a une violence sexuelle, la victime est coupable. Il y a une inversion de la culpabilité en fait, de la responsabilité dès lors qu'il y a une violence sexuelle. Donc je trouve qu'au niveau des mentalités, les bons pères de famille qui se considèrent comme étant des super… hommes qui sont dans le droit chemin, ils sont à côté de la plaque. Et le procès de M. Pellicot l'a bien montré. En fait, les 50 agresseurs, ce sont des bons pères de famille. Le bon père de famille, ça vient du code de Napoléon, de 1800K, du code civil, où en fait, on considérait que le bon père de famille avait un droit sur toute la famille et un droit de cuissage. Donc, arrêtons avec ça. Je trouve qu'au niveau des mentalités, on avance très, très, très doucement. Donc on voit qu'il y a beaucoup de résistance et du législateur et des mentalités. Et au niveau du droit, je dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire encore aujourd'hui. Je suis parfois en difficulté. Au niveau du droit pénal, je vais être très courte par rapport à ça, très succincte. Il y a trop de classements sans suite, notamment sur les violences psychologiques et sur les violences sexuelles. Le viol conjugal n'est pas reconnu, clairement. Et la définition du viol n'est pas du tout adéquate pour moi. pour que ça puisse être reconnu, et les violences psychologiques. Alors là, n'en parlons même pas, là, même au niveau des médecins légistes, les violences psychologiques n'entraînent pas forcément d'ITT, en fait, pour les victimes, et donc il n'y a pas forcément de grandes conséquences, alors qu'il faut savoir que le suicide post-violence psychologique est reconnu en droit. C'est une circonstance aggravante des violences psychologiques. Et ça, c'est un chiffre noir que l'on ne connaît pas. ne comptabilisent pas dans les morts violentes au sein du couple. Le droit de la famille, il faut savoir qu'au niveau des JAF, des juges aux affaires familiales, les audiences sont expéditives, elles durent 15 minutes, s'il vous plaît, un quart d'heure pour exposer l'avis des personnes, sans que parfois même les personnes soient entendues dans ce qu'elles ont à dire alors qu'il va y avoir une décision qui va être prise par rapport à la famille et par rapport aux enfants. C'est inacceptable. Il y a des gades alternées qui sont proposées dans les situations de violences conjugales. Alors qu'en fait, on voit des juges qui sont dans une confusion entre conflit conjugal et violence conjugale. Ils ne savent pas la différence pour eux, ce qui se passe. Dès lors qu'il n'y a pas de poursuite pénale au niveau familial, c'est un conflit conjugal. Et on demande à Madame de se calmer un peu et de confier l'enfant à Monsieur, alors qu'elle vit des violences conjugales et que l'enfant en vit aussi des violences intrafamiliales. C'est inacceptable. Au niveau du jeu des enfants, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Raison de plus pour se faire accompagner, déjà par des personnes comme vous, par des associations, et se faire informer par l'employeur, parce que ça permettra d'y voir un petit peu plus clair. J'ai une dernière double question pour conclure cet échange. Si vous deviez donner un conseil simple et facile à mettre en place à une personne qui est victime de violences conjugales, quel serait-il ? Puis la deuxième partie, c'est à un professionnel.

  • Speaker #0

    Alors, à une victime, je dirais que... déjà de s'écouter et d'oser en parler à une personne de confiance, que ce soit au travail, dans son entourage, que ce soit chez son médecin, un pharmacien, un boulanger, qu'en fait, elle n'est pas seule, ces personnes-là ne sont pas seules, même si elles ont parfois l'impression qu'elles le sont. Une écoute bienveillante peut être le premier pas vers la sortie de l'isolement pour les victimes, en fait. Très clairement, ce que je dis dans les formations, c'est que dès lors que l'on tend la main à une personne qui, en fait, nous tient, ou témoigne de sa confiance, dès lors que l'on ne la juge pas, et qu'on a une posture empathique, on sort une personne de l'isolement, et on peut effectivement l'orienter vers des personnes qui sont formées à l'accompagnement des victimes. Et c'est le début, effectivement, de la sortie des violences conjugales. On sait que sortir des violences conjugales ne se fait pas du jour au lendemain. On sait que ça va prendre du temps. Mais dès lors qu'il y a une main tendue, une écoute... bienveillante et de l'or que les victimes osent en parler en disant que ce qu'elle dit ça n'est pas normal et bien il peut y avoir tout un réseau de soutien pluridisciplinaire donc qui va permettre aux victimes d'avancer étape par étape pour on l'espère, donc avoir une vie plus plus paisible. Pour les professionnels, ce que je dirais, c'est d'oser dire que ce qu'ils entendent, c'est compliqué pour eux. Pourquoi je dis ça ? Parce que comme je vous l'ai abordé, les traumas vicariants, les violences vicariantes, en fait, auprès des professionnels sont tellement présentes que dès lors qu'ils vont dire qu'ils sont en difficulté pour accompagner les victimes, eh bien, en fait, on va leur dire c'est ton travail et c'est ainsi. On ne va pas les écouter. Sauf qu'en fait, ils accompagnent mal les victimes parce qu'ils sont pris dans les émotions, pris dans leur souffrance au travail et donc l'accompagnement se fait mal. Et l'accompagnement va se faire dans l'émotion parfois, voire dans la surréaction et l'accompagnement se fera mal, ce qui va ensuite renvoyer au professionnel un sentiment de culpabilité aussi, de ne pas avoir fait comme il le voudrait. Donc moi je dis aussi aux professionnels de s'entourer. de professionnels qui peuvent les accompagner, qui peuvent, moi souvent je leur dis, appeler la CRIP, la cellule de recueil des informations préoccupantes, pour si vous ne savez pas s'il faut faire une information préoccupante pour les enfants, appeler le 119 pour faire un signalement, pour avoir en fait qu'ils puissent vous dire si vous pouvez le faire ou pas, appeler des partenaires pour vous faire accompagner dans ces situations de violence conjugale et intrafamiliale, parce que... Comme pour les victimes, quand on est seul dans ces accompagnements-là, c'est extrêmement complexe et on accompagne mal et on se brûle les ailes, clairement.

  • Speaker #1

    Merci d'évoquer le sujet de l'accompagnement et des souffrances des professionnels qui est beaucoup trop peu abordé. Puis finalement, un grand merci au Global, parce que vous nous avez transmis des conseils qui sont très précis, des cas concrets. Et on sait bien que c'est difficile de se projeter quand on est victime de violence ou quand on s'intéresse à la question, c'est difficile de se la figurer. Donc un grand merci Sylvie pour votre partage.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Au revoir. Vous voulez témoigner en tant qu'experte de violence ou bien victime, que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.hu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé. Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

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Description

Sylvie Ruiz est une juriste spécialisée en victimologie qui conseille les personnes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent s'approprier et utiliser les outils juridiques pour se sortir des violences. Elle forme aussi les professionnels à l'accompagnement des victimes de violences conjugales.

Cette épisode donne des pistes concrètes pour mieux utiliser le cadre légal, en comprendre les tenants et aboutissants et finalement être plus encore acteur de la sortie des violences.


Pour plus d'informations, le site de Sylvie Ruiz : https://srv-juriste-victimes.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Aujourd'hui, nous recevons Sylvie Ruiz. Elle est juriste spécialisée en victimologie et elle propose un accompagnement de proximité aux personnes victimes et aux professionnels. Alors bonjour Sylvie. Bonjour. Et merci d'être présente aujourd'hui. Est-ce que pour commencer, vous pouvez simplement nous dire qui vous êtes et qu'est-ce qui vous a amené sur le sujet des violences conjugales ? Quels accompagnements vous menez auprès des victimes et des professionnels ?

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir, Adrien. C'est vraiment un plaisir de pouvoir expliquer un petit peu ce que je fais. Mon engagement dans le droit a commencé très tôt. J'ai grandi dans une famille qui a été marquée par la migration en Espagne, en Algérie, avec les traumas post-migration dans ma famille qui ont parfois entraîné des comportements qui n'étaient pas forcément adaptés dans ma famille. Et ça m'a plutôt marquée cela déjà. J'ai eu un déclic en troisième. J'ai voulu faire un exposé sur l'apartheid. Je me suis dit à ce moment-là que je voulais être avocate pour défendre les plus démunis, parce que ça me semblait tellement injuste que des populations puissent être mises à mal. En tout cas, l'injustice est arrivée très tôt dans ma vie. Ensuite, j'ai fait le choix par rapport à tout cela de faire du droit et j'ai découvert le droit pénal que j'ai adoré, une science humaine que j'ai adoré, le droit de la famille. J'ai découvert du droit qui m'a beaucoup parlé et je me suis ensuite spécialisée en criminologie, en victimologie. et j'ai intégré à l'époque un master en droit des victimes à Pau, qui était le premier master qui a été créé par… par Robert Cariot, un grand criminologue qui est un ami aujourd'hui, avec qui j'ai eu la chance de pouvoir écrire un ouvrage. Et donc, comment j'en arrive aux violences conjugales ? J'en arrive donc que je choisis, dans le cas de mes études, de faire un stage au conseil départemental sur la protection de l'enfant, sur les incestes, clairement. Et là, je découvre ce que peuvent vivre du coup les enfants dans les familles avec du coup un regard plutôt systémique de la famille, où je me rends compte qu'il y a des violences conjugales. plus dans ces familles-là et que du coup, les enfants ne sont pas forcément protégés parce que les mamans vivent donc de la violence conjugale. Et j'ai également donc eu un mandat d'administrateur ad hoc chez France Victime. L'administrateur ad hoc, c'est celui qui représente un enfant qui est victime de maltraitance dans sa famille et là, une fois de plus, ça m'a confortée dans l'idée que ces enfants-là qui vivent des violences intrafamiliales, eh bien, ont des parents qui vont mal, donc dont un est agresseur et l'autre est victime. Et chez France Victimes, en fait, on accueille des victimes de tous genres. Donc, moi, en tant que juriste, j'ai accueilli des tas de victimes pendant sept ans, notamment des victimes de violences conjugales. Et là, j'ai effectivement vu ce qui pouvait se jouer pour elles, concrètement, dans leur quotidien avec leurs enfants. Pour terminer sur mon parcours, en fait, je suis plutôt quelqu'un d'engagée. Donc, j'ai travaillé également au CIDFF, le Centre d'information pour le droit des femmes et des familles, où j'ai pu aussi répondre aux questions juridiques. Et j'ai aussi créé un groupe de paroles qui s'appelle Un Temps pour Soi, qui est dédié aux mamans qui vivent des violences post-séparation. Ce groupe de paroles, je l'ai créé sous la demande des mamans que j'accompagnais, qui se trouvent un petit peu partout dans la France. Et donc, elles me faisaient part de leur solitude, en fait. Se dire ce qu'elles vivent dans leur quotidien, si elles ont eu des moments difficiles, et ce qu'elles ont mis en place comme stratégie, comme comportement, ou comme outil, en fait, pour aller mieux. Et je trouve que vraiment, ce groupe-là, au début, je voyais des mamans qui étaient plutôt réservées, qui n'osaient pas s'exprimer. Je suis très honorée d'être là dans ce groupe de parole et c'est grâce à elle que ce groupe de parole vit et fonctionne très bien. Et j'apprends à chaque fois tellement de choses avec elle. Voilà, c'est ce que je voulais leur rendre hommage. Et je dirais pour terminer que moi, je me considère comme étant une humaniste dans l'âme. J'ai été inspirée très grandement par Robert Bonnenter dans ma carrière et en fait pour pouvoir accompagner au mieux les victimes, je vous dirai un petit peu ce que je fais avec elles, je détache l'acte de l'être humain, c'est-à-dire que je ne considère pas les victimes comme des pauvres petites choses qui ne savent pas faire ce qu'il faut pour aller mieux, je les considère comme des êtres humains. et donc ça me permet en fait de ne pas pas avoir un biais cognitif dès le départ et donc c'est pour ça que j'arrive à proposer des accompagnements qui sont des accompagnements de proximité adaptés et qui... vraiment valorise ces personnes-là qui me font confiance.

  • Speaker #0

    C'est parfait, on comprend tout le sens du terme systémique et humaniste. Alors comment ces mots se matérialisent dans les accompagnements que vous réalisez ?

  • Speaker #1

    Systémique, en fait, moi je reçois des personnes qui viennent me voir pour des questions juridiques en droit de la famille, en droit pénal, même en droit du travail, je vous expliquerai un petit peu en quoi le droit du travail aussi est présent. dans les violences conjugales, même si on ne voit pas trop le rapport dès le départ. Eh bien, déjà, au niveau systémique, dans mes accompagnements, je pose toujours des questions de la famille, de ce qui s'est joué aussi dans l'enfance, même si je ne suis pas psychologue, pour autant, je suis formée en victimologie. Et donc, j'ai des entretiens qui sont plutôt globaux dès le départ, pour pouvoir ensuite répondre à la question juridique et la question de droit. Donc, la systémie, c'est vraiment, je fais un point sur l'environnement familial, sur aussi, en fait, l'isolement ou pas des personnes, ce qui est quand même très fréquent dans les violences conjugales, pour en fait ne pas réduire la violence conjugale à la personne et pour avoir vraiment un regard bien plus large. Et c'est important pour moi d'avoir ce regard-là parce que je me rends compte parfois qu'il y a des victimes qui se qualifient de victimes à part entière et qu'elles se sentent responsables de tout. et donc le fait de pouvoir en fait avoir un regard plus élevé et systémique ça permet aussi pour moi d'avoir je vous dis de ne pas avoir ce biais cognitif de dire en fait c'est la personne qui peut-être n'a pas fait ce qu'il fallait faire ou voilà c'est vraiment d'avoir un regard plus global et de prendre en compte évidemment et les enfants et la famille Énargie et aussi les collègues et aussi les amis pour que vraiment je vois comment se positionne finalement la personne. Et humaniste, alors pour moi c'est extrêmement important, parce que parfois on peut me taxer de féminisme, alors certes je suis une femme et je suis sensible à la cause des femmes, ça c'est indéniable, pour autant, je considère que les violences conjugales ne sont pas genrées, même si les chiffres montrent qu'il y a plus de femmes qui sont victimes de violences conjugales, et c'est vrai que je reçois plus de femmes qui vivent des violences conjugales, pour autant. il y a un chiffre noir au niveau des hommes qui vivent en se conjugale. Et moi, mon accompagnement est exactement pareil sur ma posture, en tout cas, quand je reçois un homme. Et j'en reçois aujourd'hui des hommes parce que mon accompagnement est un accompagnement qui peut se faire à distance, qui peut se faire en présentiel, qui peut se faire à des horaires aussi adaptés par rapport à mes clients. Et en fait, parfois, pour des hommes, c'est plus facile de me solliciter. à distance, même sans caméra parfois, parce qu'ils n'ont pas à pousser une porte d'une association qui, en fait, serait connotée féministe. Où on voit quand même que dans les affiches, le 39-19, c'est pour les femmes, tout est fait pour les femmes, et évidemment, c'est très, très important. Pour autant, pour moi, l'humanisme va dans ce sens-là. J'accueille les hommes et les femmes.

  • Speaker #0

    Et je rebondis sur ce que vous disiez en premier lieu, c'est que sur la notion de statut de victime, effectivement, c'est absolument essentiel. de le qualifier ce statut-ci, mais pour autant il n'est pas suffisant pour s'en sortir en quelque sorte. Et j'ai remarqué parmi toutes les interviews que j'ai faites auprès de victimes que s'identifier uniquement à cette position-là ne suffit pas pour aller au-delà. Et vous parliez de la notion de culpabilité. Justement, est-ce que vous pourriez revenir un peu sur ce sujet-là ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci pour vos précisions. Il y a donc un auteur et une victime. Quand moi, j'ai commencé à étudier la criminologie, le pendant, c'était la victimologie. Donc, on étudie ce qui se passe pour celui ou celle qui passe à l'acte et celui ou celle qui le vit, qui le subit, en fait. Pour autant, réduire une personne à cette notion de victime, ça ne lui permet pas de pouvoir prendre conscience qu'elle est un être humain, à part entière, avec des capacités de résilience, des capacités à faire… à faire des choses pour elle. Et donc, ça la réduit pour moi parfois à un objet. Objet qu'elle est parfois dans la relation effectivement conjugale. Et donc, j'ai remarqué aussi comme vous, Adrien, que j'ai parfois des victimes qui me disent « J'ai rencontré un pervers narcissique, qu'est-ce que je peux faire au niveau juridique ? » Et en fait, réduire l'homme qu'elles ont aimé à un pervers narcissique et se réduire à être une victime, ça ne permet pas pas du tout, mais du tout, d'avancer parce qu'elles se mettent dans des cases et moi, je refuse de les mettre dans des cases. Pour moi, ce sont des personnes qui ont vécu dans leur parcours conjugal des choses, des événements terribles, mais pour autant, elles ne sont pas... que cet événement-là. C'est pour ça que je détache l'acte de l'être humain. Elles ont vécu des situations qui relèvent effectivement du droit pénal, qui doivent être réprimées, mais pour autant, elles ne sont pas que ça. Et la culpabilité, elle est très très présente, c'est constamment le discours que j'ai, c'est « oui, mais bon, c'est de ma faute, c'est parce que j'aurais dû, mais pourquoi je suis restée, et pourquoi j'ai accepté, et je ne pouvais pas, et je ne savais pas, et j'essaye, en tout cas dans mon accompagnement, de... de toujours revenir au fait que ce qu'elles ont vécu, c'est interdit par le code pénal français. Quelles que soient les motivations, quels que soient les motifs de l'agresseur, c'est interdit en France. Et ce n'est pas pour rien que c'est interdit en France. Par conséquent, la culpabilité, elles peuvent l'avoir. C'est un travail thérapeutique qui va se faire avec quelqu'un qui est spécialisé, certes, mais pour autant, le comportement objectif est interdit et doit être réprimé en France. Donc je reviens sur des éléments qui sont objectifs sur l'interdiction des violences conjugales en France.

  • Speaker #0

    Tout à fait, c'est vrai que la culpabilité, elle pétrifie, elle immobilise. Mais ce n'est pas simple et c'est bien là tout l'enjeu, puisque quand on est une personne victime, on subit beaucoup d'injonctions. Et justement, en parlant d'injonctions, quel est le parcours un peu classique d'une personne qui vient vous voir ? Est-ce que c'est clair pour elle ce qu'elle vit ou justement, est-ce qu'il y a des choses qui se battent un peu en duel ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, comme je vous l'ai expliqué, je propose l'accompagnement juridique en présentiel ou à distance, adapté aux horaires des personnes déjà. Donc, c'est important. Moi, j'ai choisi, ça s'est imposé un petit peu à moi, d'accompagner à distance ce que je ne pensais pas faire parce que pour moi, j'ai vraiment besoin de voir les personnes. Mais pour autant, je me rends compte que c'est quand même adapté pour des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Donc, en fait, déjà, la flexibilité rassure les personnes parce que… il n'y a pas cette injonction d'horaire, en fait. Alors, certes, il y a des horaires qui sont les horaires de bureau, mais pour autant, on peut avoir un entretien à midi 30, à midi 45, à 18 heures, en visio. Donc, déjà, pour elle, ça permet effectivement de pouvoir être à l'aise par rapport à l'entretien. Je me rends compte que, quand on vient me voir, c'est pour des questions souvent juridiques avant de prendre un avocat ou quand il y a un avocat. Je vous expliquais un petit peu la différence. mais... En tout cas, c'est des questions sur le droit de la famille. C'est par exemple, je veux me séparer, je veux divorcer. Qu'est-ce que je peux faire ? Je n'y connais rien en droit. Je sais que vous êtes spécialisée en victimologie, mais bon, moi, je ne suis pas victime. Voilà, déjà, il y a des carcans comme ça qui commencent où je me dis, oh là là, tu veux te séparer à l'amiable, mais pour autant, tu me dis que dans ton couple, c'est difficile. C'est souvent ça que j'ai. Je veux me séparer à l'amiable, mais c'est compliqué dans mon couple. Donc du coup... Ça n'est pas clair pour les victimes. Et souvent, en fait, elles veulent se séparer à la miable pour avoir la paix. Sauf que ce que je leur dis, c'est qu'en fait, elles n'auront pas la paix. Parce que se séparer à la miable, ça veut dire qu'elles vont accepter des choses qui sont complètement disproportionnées. Et donc, il y aura dans tous les cas un contentieux plus tard parce qu'il y a de l'emprise et que du coup, elles vont vouloir accepter des choses pour avoir la paix, mais elles seront embêtées par la suite. Donc... Ça, c'est très confus pour les personnes qui viennent me voir pour me dire « je veux divorcer à la miable, mais ce n'est pas terrible dans mon couple, mais je divorce à la miable » . Également sur les questions pénales aussi. Je vis des choses difficiles, je ne sais pas trop quoi faire, mais je ne veux pas déposer le plaintre. Qu'est-ce que je peux faire, mais je ne veux pas ? Qu'est-ce que je peux faire ? Je veux faire quelque chose, mais je ne veux pas le faire non plus. Alors là, j'ai bien conscience que dans les violences conjugales, il y a un phénomène d'emprise. Il y a de la dissociation, il y a de la sidération, il y a des stress post-traumatiques. Donc, tous ces comportements-là, moi, je les maîtrise, je les connais. Et par conséquent, je ne juge pas ces personnes. Donc, j'essaye avec elles d'avancer petit à petit dans leurs demandes, sans les brusquer, sans proposer d'injonction, mais de poser un petit peu à plat ce qu'elles vivent. Et donc, je leur propose, par exemple, un outil qui s'appelle « Mémo de vie » , qui permet de noter ce qu'elles vivent dans leur quotidien. Pour qu'elles puissent conscientiser que ce qu'elles vivent leur fait du mal et compliqué pour elles. Et puis moi, je rajoute une couche en disant que c'est interdit par la loi. Donc, quand je vois que c'est confus, je repars sur les personnes, sur leur ressenti, ce qu'elles vivent, pour petit à petit répondre à leurs questions pour que ça soit plus clair pour elles. Donc, je respecte leur temporalité, clairement. Et ça, c'est extrêmement important. dès lors que que l'on va plus vite que la musique, eh bien c'est très violent pour les victimes parce que elles ne sont pas prêtes à entendre des choses. Donc moi, en fait, si vous voulez, la loi, le droit me permet en fait de pouvoir avoir des propos plutôt objectifs, non jugeants, et peut-être que je l'ai été et j'en suis navrée si je l'ai été parfois, pour en fait vraiment prendre en compte la temporalité des victimes par rapport à leur demande. Donc oui, Adrien, Il y a beaucoup de confusion parce qu'il y a beaucoup d'injonctions paradoxales dans les violences conjugales. Et ça rend fou en fait, les injonctions paradoxales. Donc du coup, il y a de l'amnésie traumatique, il y a des troubles cognitifs. J'ai beaucoup de personnes, de victimes qui vont me dire qu'elles n'arrivent plus à se concentrer, qu'elles n'arrivent plus à dormir, qu'elles ne dorment pas bien, qu'au travail c'est compliqué pour elles, qu'elles ont des troubles de la mémoire. et grâce aux formations que je dispense beaucoup dans les hôpitaux, j'apprends aussi beaucoup des conséquences des violences conjugales au niveau psychologique et médical, clairement. Et je le vois clairement dans mes accompagnements, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est très important, effectivement, de s'adapter au niveau et au rythme de chacun. Vous avez bien raison. J'imagine aussi que le cadre juridique, comme il est strict, même s'il est neutre, parfois peut un peu secouer des personnes qui n'ont pas conscience de leur vécu.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, c'est pour ça que j'y vais tout tranquillement. Mais parfois, il m'est nécessaire de mettre des mots sur les mots parce que dès lors qu'une personne veut déposer une plainte, je vous dirai un petit peu ce que je propose comme accompagnement précisément. dès qu'elle veut déposer une plainte ou dès qu'elle veut faire une action en justice, eh bien en fait, en tout cas au niveau du pénal, pour qualifier l'infraction, il faut bien qu'il y ait des éléments factuels, des éléments… des conséquences qui sont en lien avec l'infraction, les éléments intentionnels par rapport à l'auteur. Et donc, je suis obligée, moi, de mettre des mots qui sont parfois difficiles. Alors, je mesure mes mots, j'essaye en tout cas, mais pour autant, je dis tout le temps à la personne que j'accompagne que si c'est compliqué pour elle, je l'entends, et que du coup, on peut aussi prendre un temps, le temps qu'elle digère les choses, et donc, on peut en reparler plus tard. Je respecte leur temporalité, sauf dans le cas où il y a de la protection de l'enfance, il y a un enfant qui est en danger, ou s'il y a une urgence vitale. Dans ces cas-là, la temporalité, je ne peux pas la respecter en tant que juriste.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Maintenant, si on va un petit peu plus dans le détail de l'accompagnement, pour l'instant, des victimes, parce que je sais aussi que vous accompagnez les professionnels, comment ça se passe concrètement ? Quels outils vous sollicitez ?

  • Speaker #1

    Je travaille en réseau avec des partenaires pluridisciplinaires, psychologues, travailleurs sociaux, associations, avocats. Ce que je propose, c'est déjà pour les victimes de l'information juridique claire et pédagogique sur leurs droits et leurs démarches, notamment en droit de la famille, séparation, divorce, garde-enfant, autorité parentale, droit pénal, en droit pénal, dépôt de plainte, main courante, constitution de partie civile. audience, pénal, droit du travail, j'accompagne sur le droit du travail, sur tout ce qui est en fait la reconnaissance des violences au sein de l'entreprise aussi, tout ce qui est harcèlement. Il faut savoir que les victimes, les personnes qui vivent des violences conjugales sont aussi malheureusement plus à même de vivre du harcèlement aussi au travail parce qu'elles ont un comportement qui n'est pas toujours adapté de par leur souffrance et donc c'est la double peine. Donc j'accompagne aussi effectivement ces personnes-là sur les violences sexuelles et sexistes, sur le harcèlement qu'elles pourraient aussi vivre. Donc, au travail. J'accompagne aussi dans l'accompagnement et la rédaction de documents juridiques. Ça s'est aussi imposé à moi. Je ne pensais pas le faire, mais pour autant, j'ai eu beaucoup de demandes en ce sens. Donc, je me suis dit que j'allais du coup accompagner sur le sujet. Donc, j'aide à rédiger les dépôts de plaintes et les mains courantes pour éviter les classements sans suite. parce qu'il faut savoir que dès lors qu'une plainte est classée sans suite, ça accroît la violence de l'agresseur. Donc j'essaye, toujours avec les victimes, ça n'est pas moi qui rédige pour elle, mais pour autant on travaille ensemble main dans la main pour avoir donc des plaines qui sont qui soient plus structurées, plus élaborées, pour en fait qu'il y ait plus d'éléments pour qu'il y ait moins de classements sans suite. Je propose aussi, j'accompagne donc dans les courriers administratifs en fait qui sont en lien avec le juridique et dès lors qu'il faut saisir, faire une demande d'aide juridictionnelle. de protection juridique, répondre aux conclusions des avocats, faire des commentaires sur les conclusions de la partie adverse, par exemple. J'accompagne sur ce volet-là, rédactionnel, que je ne pensais pas faire, mais qui s'est imposé à moi. J'accompagne sur le mémo de vie aussi. Le mémo de vie, c'est un outil extrêmement intéressant et puissant qui permet de noter au jour le jour ce que vivent les victimes.

  • Speaker #0

    Et il me semble aussi que sur le mémo de vie, on peut charger tous les justificatifs, les pièces médicales, juridiques et autres pour avoir une sorte de coffre-fort.

  • Speaker #1

    Exactement. Le mémo de vie, en fait, c'est un coffre-fort numérisé, sécurisé, qui permet d'y mettre tous les documents essentiels à la vie conjugale. C'est extrêmement important ce mémo de vie. Moi, je le propose quasiment systématiquement à toutes les victimes. On sait que dans les violences conjugales, il y a beaucoup de contrôle et que du coup, le fait d'avoir un mémo de vie, ça permet vraiment de sécuriser les documents qui vont servir à la procédure judiciaire. Moi, je propose toujours aussi d'envoyer le mémo de vie à une personne de confiance, à minima une fois par mois, de le convertir en PDF et de l'envoyer à cette personne-là au cas où il se passerait quelque chose, malheureusement de terrible, avec une mort, pour que ce témoin-là puisse effectivement le revendiquer en justice. J'accompagne également dans les procédures judiciaires, même s'il y a des avocats. Pourquoi ? Parce qu'en fait, je traduis le langage juridique auprès des victimes. Je traduis les décisions de justice qui ne sont pas toujours bien expliquées aux victimes ou en tout cas pas bien comprises. Je prépare aussi en amont les audiences, les audiences JAF, les audiences juge et enfant, les audiences au niveau du pénal. et donc j'explique aussi les droits et les obligations qui arrivent suite aux décisions judiciaires où en fait les victimes ne savent pas toujours comment récupérer les dommages et intérêts, comment récupérer les pensions alimentaires, s'il y a des fonds de garantie, donc j'accompagne sur le sujet. Je coordonne aussi évidemment les victimes vers des partenaires que je choisis, je suis très claire avec ça. Pour moi, les partenaires avec qui je travaille, c'est des partenaires dont je connais leur compétence, leur qualité humaine et leur compétence en termes de victimologie, de droit des victimes. Donc pour moi, ce sont des référents en violence conjugale, que ce soit des avocats. Des psychologues, travailleurs sociaux, des kinés, des ostéopathes, des dentistes, ce sont des personnes qui ont des qualités humaines d'accueil qui sont essentielles pour ces victimes-là et qui en plus ont été formées à l'accueil des victimes. Pourquoi ? Parce que je retrouve tellement de victimes qui vivent des accueils qui sont terribles de la part de tas de professionnels que ça leur fait vivre une victimisation secondaire et que... Et ça, ce n'est pas acceptable pour moi. Donc, je choisis des partenaires avec qui je travaille. Et j'en suis ravie. Voilà. J'interviens aussi, pour terminer, sur les urgences. Clairement, dès lors qu'il y a une situation de danger immédiat ou de crise, par exemple, le retour des enfants chez un parent violent, un parent qui ne va pas remettre des enfants, un parent qui va intimider Madame devant les enfants, qui va menacer de mort. Donc, une convocation aussi intempestive. Moi, j'ai déjà eu des convocations chez des policiers, chez des faux policiers, en fait, des personnes, des victimes, qui m'appellent en me disant « j'ai été convoquée chez un policier, mais je crois que ce n'est pas un vrai policier » . Et finalement, ce n'était pas un vrai policier. Donc, on a des stratégies, parfois des agresseurs, assez folles, qui font que dans l'urgence, les victimes peuvent me solliciter. Alors, évidemment, je ne travaille pas la nuit. Et les week-ends, pour autant, s'il y a une urgence, je peux répondre. Voilà, je propose de répondre parce que les avocats ne sont pas forcément disponibles. Et dans un moment de panique, je peux en tout cas apporter une réponse juridique immédiate pour avoir les bons réflexes. Voilà, évidemment, il y a les numéros d'urgence, le 17, le 15, ça c'est sûr. Mais pour autant, je peux répondre et j'ai eu beaucoup de cas, j'ai eu beaucoup de situations, notamment en période de Noël, d'urgence, des situations au niveau des grandes vacances. et le vendredi soir, dès lors que les enfants doivent aller chez papa, chez maman. Voilà, donc je sais qu'à ces périodes-là, je vais être sollicité.

  • Speaker #0

    En tout cas, en vous écoutant, je vois qu'on est vraiment dans le concret, dans des questions très pratico-pratiques et qui nécessitent d'agir parfois aussi rapidement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, moi c'est dans le concret, c'est les vacances arrivent, voilà, là aussi c'est les vacances arrivent, le juge des affaires familiales a rendu une décision, il me dit que je dois donner les enfants à telle date, et moi, dans le jugement, je vois une autre date. donc je ne comprends pas, je n'arrive pas à comprendre le jugement. Qu'est-ce que je fais ? Parce qu'il me menace de déposer une plainte contre moi si je n'amène pas les enfants à telle date. Et bien là, voilà, je reprends effectivement le jugement. On voit ensemble, il y a un outil aussi qui est très bien fait sur, donc pour savoir la date exacte de la moitié des vacances, par exemple. Donc, je propose comme outil, effectivement, pour que ces mamans ou ces papas puissent savoir exactement, selon un outil objectif. quelle est la moitié en fait et parfois c'est à la minute près, vous voyez, c'est terrible, il faut en arriver à ça. Donc en fait, les outils que je propose en urgence ou dans ces questions-là, j'en ai plusieurs, mais je les propose comme ça me semble efficient en fait. Parfois le mémo de vie, je le propose alors qu'il n'est pas là et que pour moi il n'est pas nécessaire. Parfois je le propose pour en fait… que les parents qui vivent de la violence conjugale à travers leurs enfants puissent noter au fur et à mesure ce que les enfants vivent, en fait, aussi, pour pouvoir ensuite faire une action en justice si nécessaire. Parce que, comme je vous dis, il y a souvent l'anésie traumatique, il y a la confusion, il y a tout ça qui fait que… Donc, c'est vrai que l'outil que je propose le plus, c'est mes mots de vie. Je propose aussi, donc, le violentomètre, clairement. pour identifier les violences qui sont vécues par les personnes en répondant à des questions. Et je propose aujourd'hui un outil qui est extrêmement puissant et très bien fait, le diagnostic d'Opale créé par Vigdis Maurice Herrera, qui est une victime de violences conjugales, qui a créé un diagnostic avec près de 200 questions posées aux victimes, qui est bien plus étayé que le violentomètre. Donc selon effectivement... les victimes, donc des personnes que j'ai en face de moi, je propose donc le violentomètre ou le diagnostic opale pour en fait que les personnes puissent prendre conscience de ce qu'elles vivent. Parce qu'il y a souvent une minimisation des violences subies et vous savez, le stéréotype de la femme battue est encore très très prégnant chez les victimes de violences conjugales. Pour elles, si elles ne sont pas battues, et bien ce qu'elles vivent c'est effectivement de la des choses qui sont très difficiles, mais d'avance psychologique, sexuelle, administrative, économique, la cyber-violence est minimisée, voire n'est pas connue des victimes. Mon rôle aussi en tant que juriste, c'est de dire que toutes ces violences-là, elles sont réprimées par la loi, et donc grâce à des outils tels que le violentomètre ou le diagnostic opale, il y a une prise de conscience, et il y a aussi une première prise de conscience, et le fait qu'on peut faire une action en justice dans ces cas-là, parce que la loi elle interdit ces comportements-là et elle les réprime.

  • Speaker #0

    Vous avez abordé de plusieurs manières les conséquences sur les enfants. De fait, j'ai l'impression que vous travaillez indirectement à les protéger en conseillant les personnes qui sont victimes de violences.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, j'ai une sensibilité par rapport à la protection de l'enfance. Comme je vous l'ai indiqué, j'ai travaillé auprès du conseil départemental dans le service de la ZEU et j'ai travaillé sur notamment les incestes. L'idée, en fait, comme je vous dis, d'un regard systémique sur la famille et sur les violences intrafamiliales. On parle de violences conjugales, mais on peut parler de violences de vif, de violences intrafamiliales, des violences qui se passent au cœur de la famille et qui touchent, pour le coup, les enfants, qui sont en fait témoins, mais pour moi, qui sont des victimes directes de ce qui est vécu dans la famille. Dès lors qu'un enfant entend des cris, se positionne comme un sauveur de sa maman, et dévalorisée, dénigrée dans la famille et instrumentalisée par l'auteur des violences conjugales via les séparations, pour moi c'est un enfant qui vit clairement des maltraitances et qui doit être protégé. Alors c'est vrai que pour ces mamans c'est parfois très compliqué parce qu'il y a un phénomène d'emprise qui est présent et parfois la protection n'est pas forcément présente au moment où il le faudrait. Je suis très au clair avec ça. pour ma part, quand j'accompagne du coup les mamans, c'est que je me dois en tant que professionnelle de la justice, mais aussi en tant que citoyen, de faire remonter les situations, à minima via une information préoccupante. L'information préoccupante, c'est dès lors que je suis au courant d'une situation où un enfant, qu'un enfant vit, et que la situation est préoccupante, j'ai l'obligation, en fait, ce n'est pas une option, de faire remonter cet élément-là à la CRIP, à la cellule de recueil des informations préoccupantes qui dépend du conseil départemental, pour qu'il y ait une évaluation sociale qui soit faite. Si en plus de ça, si...

  • Speaker #0

    Pour moi, l'enfant est clairement en danger parce que j'ai une maman ou un papa qui me dit que l'enfant est violenté physiquement, est violenté sexuellement ou en tout cas est violenté directement. Je me dois également de faire un signalement auprès du procuré de la République. C'était un stade supérieur. Le parquet se saisit du dossier et va mener une enquête et va saisir le jus des enfants par rapport à cela. Donc, ou renvoyer au conseil départemental pour évaluation et ensuite… Il peut y avoir donc des poursuites. Donc c'est vrai que, bien sûr, à travers les vifs, les violences intrafamiliales, à travers mes accompagnants, je me dois de protéger les enfants, même si je suis très touchée par ce que m'évoquent les mamans. Pour autant, ça n'est pas une option que de protéger les enfants. Et les enfants sont souvent dans un conflit de loyauté, donc c'est très compliqué pour eux aussi, ce qu'ils vivent. Ils veulent protéger maman ou ils en veulent à maman de ne pas se protéger, de ne pas les protéger. Ils veulent être des sauveurs de maman et donc ils se mettent en danger, clairement. Et même j'ai des enfants qui sont tout petits. Clairement, les mamans que j'accompagne, la plupart de leurs enfants ont des troubles du comportement. Ils sont soit diagnostiqués TDAH, soit ils ont des DINST. Alors je ne sais pas si c'est en lien avec les violences conjugales qui sont présentes dans la famille, qui ont été là. Mais pour autant, ça n'est pas anodin pour moi. Aujourd'hui, j'accompagne beaucoup de mamans en violence conjugale post-séparation. Alors là, on parle très peu, mais il faut savoir que dès lors que quelqu'un se sépare dans l'ambiance conjugale, l'enfer n'est pas terminé. C'est-à-dire qu'à travers les enfants, à travers la justice, à travers la pension alimentaire, à travers des tas de mécanismes de démarche, l'agresseur va continuer via un contrôle, notamment le contrôle coercitif, via un contrôle. permanent du coup de la victime va continuer à exercer les violences. Donc moi aujourd'hui, dans mes accompagnements, j'ai beaucoup de violences post-séparation où les enfants sont clairement instrumentalisés. Et là, c'est une bataille avec le juge des enfants, avec le JAF, avec le procureur, parce que ces violences-là post-séparation ne sont pas reconnues, en tout cas très peu reconnues, par notamment les juges aux affaires familiales où je suis très démunie moi. Et je vous dirai pourquoi, si on aborde le volet juridique, le regard de la justice par rapport aux violences conjugales, parce qu'il y a des décisions qui sont rendues qui sont juste incompréhensibles et qui mettent clairement en danger les enfants et les mamans.

  • Speaker #1

    Oui, souvent, là où beaucoup d'auteurs ont plutôt des facilités, ou en tout cas se servent des outils juridiques, souvent les personnes qui sont victimes, elles, attendent. Et j'imagine que quand on vient vous voir, on a un peu ce sentiment d'avoir la montagne juridique administrative qui est de plus en plus haute. et donc de plus en plus difficile à gravir.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, on me dit toujours, c'est très fréquent, on me dit, bon, c'est très compliqué, c'est très compliqué, je ne sais pas quoi faire, je suis perdue. Alors moi, j'essaye de vraiment, pour moi, le droit, c'est vraiment une source d'émancipation, vous voyez. Pour moi, l'accès au droit, ça permet en fait aux personnes, j'ai fait du droit pour ça aussi, je reviens sur Mandela, Bad Inter, ces grands humanistes. En fait, l'accès au droit permet de faire des choix éclairés dès lors que l'on connaît ses droits. Alors moi, je m'astreins vraiment à proposer une pédagogie, une vulgarisation du droit, en expliquant les différentes procédures qui sont possibles, tout en respectant la temporalité. Ça c'est évident, mais en tout cas, j'explique que dans ce dossier-là, il peut y avoir, j'informe sur les droits, le volet. pénale, le volet familial, le volet protection d'enfance, le volet droit du travail aussi, j'en parlerai tout à l'heure plus tard. Et donc je permets vraiment, je fais des schémas, je propose des schémas, je propose de reformuler avec elle ce que j'ai dit pour voir si c'est bien clair en fait. Et j'espère en tout cas arriver à leur permettre de faire des choix éclairés tout en leur disant qu'il peut y avoir des obstacles et il y a des obstacles. dans le parcours judiciaire, c'est évident, donc je ne vais pas faire croire que ça va être facile. Pour autant, ce que je leur dis, c'est qu'elles seront accompagnées, elles seront bien accompagnées à chaque étape, à chaque silence de la justice. Je pourrais leur expliquer pourquoi la justice est silencieuse, qu'est-ce que l'on peut faire pour effectivement avoir une information, comment faire en attendant et compagnie, avec aussi, comme je vous l'ai expliqué, des partenaires avec qui je travaille qui sont là pour les accompagner au niveau thérapeutique, au niveau médical. au niveau, voilà, au niveau, j'aurais dit qu'il y avait les avocats, bien évidemment. Donc l'idée, c'est de leur dire, je vous traduis les droits, je vous dis quels sont les droits possibles, quel est le parcours aussi qui peut s'imposer à vous, les délais aussi procéduraux, mais vous n'êtes pas seul. Et vous ne serez jamais seul jusqu'au bout. Ça, c'est très important.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Avant de parler de l'état de la justice, vous avez beaucoup évoqué la démarche systémique. Et justement, comment vous accompagnez par ailleurs les professionnels ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'accompagne les professionnels sur plusieurs volets. Déjà, je propose de la sensibilisation et de la formation-action. sur les violences conjugales auprès des professionnels qui reçoivent des personnes qui sont susceptibles de vivre des violences conjugales. Donc, j'interviens énormément, je suis beaucoup, beaucoup sollicitée dans les hôpitaux, pour que ces professionnels qui reçoivent déjà des personnes qui sont en soins, qui en plus vivent des violences conjugales, puissent être accueillis au mieux. Donc, via la sensibilisation... et donc qui est plutôt global où je sensibilise en fait tous les équipes, tout le monde en fait. Pour moi, il n'y a pas que les RH, les managers, les référents qui doivent être sensibilisés. Tout le monde doit être sensibilisé aux violences conjugales pour savoir de quoi on parle, faire tomber les stéréotypes sur les femmes battues, clairement, savoir effectivement que l'on peut donc avoir un collègue, un ami, un membre de la famille qui vit violences conjugales pour connaître effectivement, savoir repérer les signaux faibles et les signaux forts dans les violences conjugales. Et c'est les signaux faibles qui sont difficiles à repérer. Et c'est cela dont je parle dans mes interventions. Ces professionnels peuvent se dire qu'elles ont connu, elles connaissent les personnes qui vivent des violences conjugales. Il y a une prise de conscience du fait que les violences conjugales, ça touche quand même une femme sur dix. Ça va très vite en fait. Donc, via les sensibilisations, je propose des éléments très généraux. pour une prise de conscience. Via les formations, en fait, j'accompagne pendant 3-4 jours les professionnels en les mettant en situation, en leur expliquant en détail ce qui se passe pour les victimes, quels sont les différents types de violences conjugales, comment réagir, comment agir, quoi mettre en place. J'aborde aussi, ça c'est très important dans les signaux faibles et les signaux forts, j'aborde aussi les traumas vicariants. C'est très tabou aujourd'hui le fait de se dire que les professionnels qui accompagnent les victimes peuvent aussi développer un trauma du fait de ce qu'ils entendent qui est traumatique pour eux. Donc j'aborde dans mes interventions aussi les traumas vicariants pour voir un petit peu comment ça va pour eux. Parce que le constat que je fais depuis une dizaine d'années où je forme du coup les professionnels et dans la sphère publique et dans la sphère privée, donc dans les entreprises aussi, et bien c'est que sur les douze professionnels, j'en ai trois, quatre qui craquent en formation parce que soit ils ont vécu des violences conjugales, soit la problématique est trop lourde pour eux. Donc, en fait, j'en reviens dans ces formations à aborder les risques psychosociaux, parce que je me rends compte qu'accompagner, repérer les victimes d'évidence conjugale, c'est extrêmement lourd. Et une bonne volonté n'est pas suffisante, clairement. Et donc, je vois des professionnels qui sont en souffrance parce qu'ils veulent bien faire, mais ils n'y arrivent plus, clairement. Soit parce qu'ils ont vécu des violences conjugales ou ils en vivent. Soit parce qu'ils ont connu quelqu'un qui en a vécu, du coup ça fait tellement écho en eux que c'est compliqué d'accompagner. Soit c'est parce que c'est trop lourd ce qu'ils entendent.

  • Speaker #1

    Exactement. Et d'ailleurs, est-ce que le travail, c'est un sujet qui revient dans les échanges que vous avez avec les personnes victimes ?

  • Speaker #0

    Complètement. Aujourd'hui, j'accompagne des personnes qui travaillent. Quand je travaillais chez France Victime ou CIDFF, elles ne travaillaient pas toujours ces personnes-là. Aujourd'hui, en travaillant en libéral, j'ai des personnes qui peuvent payer mes accompagnements et qui du coup travaillent. Eh bien... c'est terrible. Les conséquences que l'on peut voir des violences conjugales au travail, elles sont terribles et elles sont constantes. Ce que je peux voir, c'est d'une part des personnes qui ont des troubles de la concentration, des personnes qui font des erreurs, des personnes qui doivent se mettre en arrêt perlé, comme on dit, des arrêts perlés, c'est-à-dire qu'elles vont s'arrêter le lundi matin parce que le week-end a été terrible, elles vont s'arrêter le vendredi, elles vont s'arrêter Merci. un jour par-ci par-là alors qu'elles sont épuisées parce qu'elles ne peuvent pas se permettre effectivement de s'arrêter trop longtemps parce que financièrement ça n'est pas possible mais c'est des personnes qui ont des insomnies, qui ne dorment pas toujours bien la nuit, qui donc à l'approche des audiences ou des convocations ou des événements donc que les auteurs leur font vivre n'arrivent plus à travailler correctement c'est des personnes qui veulent se confier au travail mais qui ont honte de se confier, qui ont peur d'être jugés, parce qu'au travail on a toujours le cliché de la femme battue, s'il n'y a pas un coquard au niveau de l'œil, du coup l'évidence conjugale ça n'existe pas. Donc, en fait, la double peine pour les victimes c'est quoi ? Les violences conjugales au niveau du travail, c'est que d'une part, elles sont décrédibilisées au niveau du travail parce qu'elles travaillent moins bien que les autres, parce qu'elles sont fatiguées, épuisées, elles n'y arrivent plus, elles ont des comportements qui ne sont pas adaptés. Parfois, elles sont agressives, elles sont sur la défensive, elles sont épuisées ou elles sont inhibées, elles sont mises à mal par les collègues ou par le manager ou par l'employeur. Elles peuvent aussi, moi j'ai vu des personnes qui ont été sanctionnées, clairement, qui ont eu donc... un amortissement par leurs erreurs commises ou qui ont même pu être licenciés, ou qui ont vécu du harcèlement parce que leur comportement n'était pas adapté au travail, ce qui est juste inacceptable. Donc, ça coûte beaucoup d'argent aux employeurs de ne pas repérer ces victimes d'influence conjugale. Ça coûte bien plus cher aux employeurs que ces arrêts perlés, ces baisses de de travail, ces baisses effectivement de réactivité, ces baisses de concentration, le fait aussi d'embarquer parfois les collègues dans leurs discours parfois moi je vois aussi des victimes qui vont parler de ce qu'elles vivent au travail et ça va impacter les collègues en fait qui vont être aussi à mal. J'ai aussi clairement, si on parle de concret, moi j'ai des personnes qui ont vécu des agressions sur leur de travail. J'ai des auteurs qui viennent au travail pour agresser Madame et pour montrer à tout le monde qu'en fait, c'est elle qui fait n'importe quoi. J'ai des agresseurs qui vont envoyer des mails, des vidéos aux employeurs pour montrer que Madame, au niveau intime, elle fait n'importe quoi pour qu'elle soit sanctionnée. J'ai même malheureusement avec l'IA, donc on parle de la cyberviolence, je commence à avoir effectivement des agresseurs qui vont même inventer des images. avec madame dans des scènes plutôt érotiques, qui vont transférer à l'employeur pour la mettre à mal au niveau des mœurs. C'est terrible. Au travail, je vois des tas de comportements et de l'agresseur et des conséquences pour les victimes qui sont présentes. Pour moi, c'est juste indéniable qu'aujourd'hui, l'employeur, via les risques psychosociaux, il faut savoir que l'employeur a une obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés. Et donc, parmi les risques psychosociaux que l'on retrouve, nous avons le stress et le harcèlement, les violences internes et externes. Pour moi, dans les violences conjugales, il y a des violences externes qui sont le fruit de l'agresseur, qui doivent être pris en charge. Donc, on a clairement des salariés qui ne sont pas pris en charge, qui ne sont pas repérés, qui coûtent cher à l'entreprise. Et là, il faut que ça s'arrête. Clairement, il faut que ça s'arrête. Il faut que l'entreprise soit un lieu de sécurité. C'est parfois un lieu refuge. Moi, je l'ai vu aussi au niveau du télétravail. Le télétravail qui a été proposé à outrance pendant le confinement et qui est parfois encore proposé, attention, attention, parce que quand on est en télétravail, on est à la maison. Et quand il y a des violences conjugales, il faut comprendre que les victimes ne veulent pas rester à la maison. Et donc ça, s'il n'y a pas de repérage dans les entreprises des violences conjugales, c'est une incompréhension des employeurs par rapport à ce dispositif de télétravail. Et donc, on peut avoir des sanctions de l'ISA. ou des comportements hostiles de l'employeur, alors qu'en fait, clairement, c'est parce que au travail, elles sont en sécurité, ces personnes-là, et pas à la maison. Il y a beaucoup de travail à faire sur le sujet. Je crois que vous travaillez aussi, Adrien, sur le sujet. Et pour moi, c'est indéniable que l'entreprise, en tout cas l'employeur avec un grand E, doit intervenir, doit agir, tout en étant accompagné.

  • Speaker #1

    Tout à fait, on voit que toutes les sphères de la société sont touchées, que c'est un phénomène... Mondial, je dirais. Alors pour terminer, quelle est votre vue sur l'évolution des mentalités sur le sujet des violences conjugales et puis aussi sur le plan juridique ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les mentalités, moi je dirais qu'il y a beaucoup de résistance encore, je trouve, à notamment considérer les violences sexuelles au sein du couple et les violences psychologiques. Tout récemment, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en 2025 parce que des juges encore considèrent que le devoir de cohabitation lorsqu'on est marié se conjugue avec un devoir conjugal. Des juges ont considéré que le fait qu'une dame ne veuille pas avoir de rapport sexuel avec son époux alors qu'elle vit des violences conjugales, elle doit être sanctionnée sur la base d'un divorce pour faute, ce qui est juste mais lunaire. C'est hallucinant qu'en fait, alors que le viol conjugal est réprimé depuis une vingtaine d'années, et que des juges considèrent encore aujourd'hui que le devoir conjugal existe. Donc les mentalités, il y a encore du travail. Les rapports sont alarmants sur les résistances, notamment des jeunes et des plus âgés, et de tout le monde finalement. Quand on voit le procès de M. Pellicot, on voit les résistances par rapport aux violences sexuelles, avec des réactions qui sont juste incroyables, où j'ai pu entendre à mes interventions même sur les violences sexuelles, J'ai pu entendre des personnes qui ont pu dire « mais est-ce qu'on est vraiment sûr que l'un des co-dormés, est-ce qu'on est vraiment sûr que c'était pas un trip de couple, est-ce qu'on est vraiment sûr de quoi ? » Mais voyons, arrêtons avec ça, arrêtons aussi de considérer que dès lors qu'il y a une violence sexuelle, la victime est coupable. Il y a une inversion de la culpabilité en fait, de la responsabilité dès lors qu'il y a une violence sexuelle. Donc je trouve qu'au niveau des mentalités, les bons pères de famille qui se considèrent comme étant des super… hommes qui sont dans le droit chemin, ils sont à côté de la plaque. Et le procès de M. Pellicot l'a bien montré. En fait, les 50 agresseurs, ce sont des bons pères de famille. Le bon père de famille, ça vient du code de Napoléon, de 1800K, du code civil, où en fait, on considérait que le bon père de famille avait un droit sur toute la famille et un droit de cuissage. Donc, arrêtons avec ça. Je trouve qu'au niveau des mentalités, on avance très, très, très doucement. Donc on voit qu'il y a beaucoup de résistance et du législateur et des mentalités. Et au niveau du droit, je dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire encore aujourd'hui. Je suis parfois en difficulté. Au niveau du droit pénal, je vais être très courte par rapport à ça, très succincte. Il y a trop de classements sans suite, notamment sur les violences psychologiques et sur les violences sexuelles. Le viol conjugal n'est pas reconnu, clairement. Et la définition du viol n'est pas du tout adéquate pour moi. pour que ça puisse être reconnu, et les violences psychologiques. Alors là, n'en parlons même pas, là, même au niveau des médecins légistes, les violences psychologiques n'entraînent pas forcément d'ITT, en fait, pour les victimes, et donc il n'y a pas forcément de grandes conséquences, alors qu'il faut savoir que le suicide post-violence psychologique est reconnu en droit. C'est une circonstance aggravante des violences psychologiques. Et ça, c'est un chiffre noir que l'on ne connaît pas. ne comptabilisent pas dans les morts violentes au sein du couple. Le droit de la famille, il faut savoir qu'au niveau des JAF, des juges aux affaires familiales, les audiences sont expéditives, elles durent 15 minutes, s'il vous plaît, un quart d'heure pour exposer l'avis des personnes, sans que parfois même les personnes soient entendues dans ce qu'elles ont à dire alors qu'il va y avoir une décision qui va être prise par rapport à la famille et par rapport aux enfants. C'est inacceptable. Il y a des gades alternées qui sont proposées dans les situations de violences conjugales. Alors qu'en fait, on voit des juges qui sont dans une confusion entre conflit conjugal et violence conjugale. Ils ne savent pas la différence pour eux, ce qui se passe. Dès lors qu'il n'y a pas de poursuite pénale au niveau familial, c'est un conflit conjugal. Et on demande à Madame de se calmer un peu et de confier l'enfant à Monsieur, alors qu'elle vit des violences conjugales et que l'enfant en vit aussi des violences intrafamiliales. C'est inacceptable. Au niveau du jeu des enfants, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Raison de plus pour se faire accompagner, déjà par des personnes comme vous, par des associations, et se faire informer par l'employeur, parce que ça permettra d'y voir un petit peu plus clair. J'ai une dernière double question pour conclure cet échange. Si vous deviez donner un conseil simple et facile à mettre en place à une personne qui est victime de violences conjugales, quel serait-il ? Puis la deuxième partie, c'est à un professionnel.

  • Speaker #0

    Alors, à une victime, je dirais que... déjà de s'écouter et d'oser en parler à une personne de confiance, que ce soit au travail, dans son entourage, que ce soit chez son médecin, un pharmacien, un boulanger, qu'en fait, elle n'est pas seule, ces personnes-là ne sont pas seules, même si elles ont parfois l'impression qu'elles le sont. Une écoute bienveillante peut être le premier pas vers la sortie de l'isolement pour les victimes, en fait. Très clairement, ce que je dis dans les formations, c'est que dès lors que l'on tend la main à une personne qui, en fait, nous tient, ou témoigne de sa confiance, dès lors que l'on ne la juge pas, et qu'on a une posture empathique, on sort une personne de l'isolement, et on peut effectivement l'orienter vers des personnes qui sont formées à l'accompagnement des victimes. Et c'est le début, effectivement, de la sortie des violences conjugales. On sait que sortir des violences conjugales ne se fait pas du jour au lendemain. On sait que ça va prendre du temps. Mais dès lors qu'il y a une main tendue, une écoute... bienveillante et de l'or que les victimes osent en parler en disant que ce qu'elle dit ça n'est pas normal et bien il peut y avoir tout un réseau de soutien pluridisciplinaire donc qui va permettre aux victimes d'avancer étape par étape pour on l'espère, donc avoir une vie plus plus paisible. Pour les professionnels, ce que je dirais, c'est d'oser dire que ce qu'ils entendent, c'est compliqué pour eux. Pourquoi je dis ça ? Parce que comme je vous l'ai abordé, les traumas vicariants, les violences vicariantes, en fait, auprès des professionnels sont tellement présentes que dès lors qu'ils vont dire qu'ils sont en difficulté pour accompagner les victimes, eh bien, en fait, on va leur dire c'est ton travail et c'est ainsi. On ne va pas les écouter. Sauf qu'en fait, ils accompagnent mal les victimes parce qu'ils sont pris dans les émotions, pris dans leur souffrance au travail et donc l'accompagnement se fait mal. Et l'accompagnement va se faire dans l'émotion parfois, voire dans la surréaction et l'accompagnement se fera mal, ce qui va ensuite renvoyer au professionnel un sentiment de culpabilité aussi, de ne pas avoir fait comme il le voudrait. Donc moi je dis aussi aux professionnels de s'entourer. de professionnels qui peuvent les accompagner, qui peuvent, moi souvent je leur dis, appeler la CRIP, la cellule de recueil des informations préoccupantes, pour si vous ne savez pas s'il faut faire une information préoccupante pour les enfants, appeler le 119 pour faire un signalement, pour avoir en fait qu'ils puissent vous dire si vous pouvez le faire ou pas, appeler des partenaires pour vous faire accompagner dans ces situations de violence conjugale et intrafamiliale, parce que... Comme pour les victimes, quand on est seul dans ces accompagnements-là, c'est extrêmement complexe et on accompagne mal et on se brûle les ailes, clairement.

  • Speaker #1

    Merci d'évoquer le sujet de l'accompagnement et des souffrances des professionnels qui est beaucoup trop peu abordé. Puis finalement, un grand merci au Global, parce que vous nous avez transmis des conseils qui sont très précis, des cas concrets. Et on sait bien que c'est difficile de se projeter quand on est victime de violence ou quand on s'intéresse à la question, c'est difficile de se la figurer. Donc un grand merci Sylvie pour votre partage.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Au revoir. Vous voulez témoigner en tant qu'experte de violence ou bien victime, que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.hu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé. Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

Description

Sylvie Ruiz est une juriste spécialisée en victimologie qui conseille les personnes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent s'approprier et utiliser les outils juridiques pour se sortir des violences. Elle forme aussi les professionnels à l'accompagnement des victimes de violences conjugales.

Cette épisode donne des pistes concrètes pour mieux utiliser le cadre légal, en comprendre les tenants et aboutissants et finalement être plus encore acteur de la sortie des violences.


Pour plus d'informations, le site de Sylvie Ruiz : https://srv-juriste-victimes.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Aujourd'hui, nous recevons Sylvie Ruiz. Elle est juriste spécialisée en victimologie et elle propose un accompagnement de proximité aux personnes victimes et aux professionnels. Alors bonjour Sylvie. Bonjour. Et merci d'être présente aujourd'hui. Est-ce que pour commencer, vous pouvez simplement nous dire qui vous êtes et qu'est-ce qui vous a amené sur le sujet des violences conjugales ? Quels accompagnements vous menez auprès des victimes et des professionnels ?

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir, Adrien. C'est vraiment un plaisir de pouvoir expliquer un petit peu ce que je fais. Mon engagement dans le droit a commencé très tôt. J'ai grandi dans une famille qui a été marquée par la migration en Espagne, en Algérie, avec les traumas post-migration dans ma famille qui ont parfois entraîné des comportements qui n'étaient pas forcément adaptés dans ma famille. Et ça m'a plutôt marquée cela déjà. J'ai eu un déclic en troisième. J'ai voulu faire un exposé sur l'apartheid. Je me suis dit à ce moment-là que je voulais être avocate pour défendre les plus démunis, parce que ça me semblait tellement injuste que des populations puissent être mises à mal. En tout cas, l'injustice est arrivée très tôt dans ma vie. Ensuite, j'ai fait le choix par rapport à tout cela de faire du droit et j'ai découvert le droit pénal que j'ai adoré, une science humaine que j'ai adoré, le droit de la famille. J'ai découvert du droit qui m'a beaucoup parlé et je me suis ensuite spécialisée en criminologie, en victimologie. et j'ai intégré à l'époque un master en droit des victimes à Pau, qui était le premier master qui a été créé par… par Robert Cariot, un grand criminologue qui est un ami aujourd'hui, avec qui j'ai eu la chance de pouvoir écrire un ouvrage. Et donc, comment j'en arrive aux violences conjugales ? J'en arrive donc que je choisis, dans le cas de mes études, de faire un stage au conseil départemental sur la protection de l'enfant, sur les incestes, clairement. Et là, je découvre ce que peuvent vivre du coup les enfants dans les familles avec du coup un regard plutôt systémique de la famille, où je me rends compte qu'il y a des violences conjugales. plus dans ces familles-là et que du coup, les enfants ne sont pas forcément protégés parce que les mamans vivent donc de la violence conjugale. Et j'ai également donc eu un mandat d'administrateur ad hoc chez France Victime. L'administrateur ad hoc, c'est celui qui représente un enfant qui est victime de maltraitance dans sa famille et là, une fois de plus, ça m'a confortée dans l'idée que ces enfants-là qui vivent des violences intrafamiliales, eh bien, ont des parents qui vont mal, donc dont un est agresseur et l'autre est victime. Et chez France Victimes, en fait, on accueille des victimes de tous genres. Donc, moi, en tant que juriste, j'ai accueilli des tas de victimes pendant sept ans, notamment des victimes de violences conjugales. Et là, j'ai effectivement vu ce qui pouvait se jouer pour elles, concrètement, dans leur quotidien avec leurs enfants. Pour terminer sur mon parcours, en fait, je suis plutôt quelqu'un d'engagée. Donc, j'ai travaillé également au CIDFF, le Centre d'information pour le droit des femmes et des familles, où j'ai pu aussi répondre aux questions juridiques. Et j'ai aussi créé un groupe de paroles qui s'appelle Un Temps pour Soi, qui est dédié aux mamans qui vivent des violences post-séparation. Ce groupe de paroles, je l'ai créé sous la demande des mamans que j'accompagnais, qui se trouvent un petit peu partout dans la France. Et donc, elles me faisaient part de leur solitude, en fait. Se dire ce qu'elles vivent dans leur quotidien, si elles ont eu des moments difficiles, et ce qu'elles ont mis en place comme stratégie, comme comportement, ou comme outil, en fait, pour aller mieux. Et je trouve que vraiment, ce groupe-là, au début, je voyais des mamans qui étaient plutôt réservées, qui n'osaient pas s'exprimer. Je suis très honorée d'être là dans ce groupe de parole et c'est grâce à elle que ce groupe de parole vit et fonctionne très bien. Et j'apprends à chaque fois tellement de choses avec elle. Voilà, c'est ce que je voulais leur rendre hommage. Et je dirais pour terminer que moi, je me considère comme étant une humaniste dans l'âme. J'ai été inspirée très grandement par Robert Bonnenter dans ma carrière et en fait pour pouvoir accompagner au mieux les victimes, je vous dirai un petit peu ce que je fais avec elles, je détache l'acte de l'être humain, c'est-à-dire que je ne considère pas les victimes comme des pauvres petites choses qui ne savent pas faire ce qu'il faut pour aller mieux, je les considère comme des êtres humains. et donc ça me permet en fait de ne pas pas avoir un biais cognitif dès le départ et donc c'est pour ça que j'arrive à proposer des accompagnements qui sont des accompagnements de proximité adaptés et qui... vraiment valorise ces personnes-là qui me font confiance.

  • Speaker #0

    C'est parfait, on comprend tout le sens du terme systémique et humaniste. Alors comment ces mots se matérialisent dans les accompagnements que vous réalisez ?

  • Speaker #1

    Systémique, en fait, moi je reçois des personnes qui viennent me voir pour des questions juridiques en droit de la famille, en droit pénal, même en droit du travail, je vous expliquerai un petit peu en quoi le droit du travail aussi est présent. dans les violences conjugales, même si on ne voit pas trop le rapport dès le départ. Eh bien, déjà, au niveau systémique, dans mes accompagnements, je pose toujours des questions de la famille, de ce qui s'est joué aussi dans l'enfance, même si je ne suis pas psychologue, pour autant, je suis formée en victimologie. Et donc, j'ai des entretiens qui sont plutôt globaux dès le départ, pour pouvoir ensuite répondre à la question juridique et la question de droit. Donc, la systémie, c'est vraiment, je fais un point sur l'environnement familial, sur aussi, en fait, l'isolement ou pas des personnes, ce qui est quand même très fréquent dans les violences conjugales, pour en fait ne pas réduire la violence conjugale à la personne et pour avoir vraiment un regard bien plus large. Et c'est important pour moi d'avoir ce regard-là parce que je me rends compte parfois qu'il y a des victimes qui se qualifient de victimes à part entière et qu'elles se sentent responsables de tout. et donc le fait de pouvoir en fait avoir un regard plus élevé et systémique ça permet aussi pour moi d'avoir je vous dis de ne pas avoir ce biais cognitif de dire en fait c'est la personne qui peut-être n'a pas fait ce qu'il fallait faire ou voilà c'est vraiment d'avoir un regard plus global et de prendre en compte évidemment et les enfants et la famille Énargie et aussi les collègues et aussi les amis pour que vraiment je vois comment se positionne finalement la personne. Et humaniste, alors pour moi c'est extrêmement important, parce que parfois on peut me taxer de féminisme, alors certes je suis une femme et je suis sensible à la cause des femmes, ça c'est indéniable, pour autant, je considère que les violences conjugales ne sont pas genrées, même si les chiffres montrent qu'il y a plus de femmes qui sont victimes de violences conjugales, et c'est vrai que je reçois plus de femmes qui vivent des violences conjugales, pour autant. il y a un chiffre noir au niveau des hommes qui vivent en se conjugale. Et moi, mon accompagnement est exactement pareil sur ma posture, en tout cas, quand je reçois un homme. Et j'en reçois aujourd'hui des hommes parce que mon accompagnement est un accompagnement qui peut se faire à distance, qui peut se faire en présentiel, qui peut se faire à des horaires aussi adaptés par rapport à mes clients. Et en fait, parfois, pour des hommes, c'est plus facile de me solliciter. à distance, même sans caméra parfois, parce qu'ils n'ont pas à pousser une porte d'une association qui, en fait, serait connotée féministe. Où on voit quand même que dans les affiches, le 39-19, c'est pour les femmes, tout est fait pour les femmes, et évidemment, c'est très, très important. Pour autant, pour moi, l'humanisme va dans ce sens-là. J'accueille les hommes et les femmes.

  • Speaker #0

    Et je rebondis sur ce que vous disiez en premier lieu, c'est que sur la notion de statut de victime, effectivement, c'est absolument essentiel. de le qualifier ce statut-ci, mais pour autant il n'est pas suffisant pour s'en sortir en quelque sorte. Et j'ai remarqué parmi toutes les interviews que j'ai faites auprès de victimes que s'identifier uniquement à cette position-là ne suffit pas pour aller au-delà. Et vous parliez de la notion de culpabilité. Justement, est-ce que vous pourriez revenir un peu sur ce sujet-là ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci pour vos précisions. Il y a donc un auteur et une victime. Quand moi, j'ai commencé à étudier la criminologie, le pendant, c'était la victimologie. Donc, on étudie ce qui se passe pour celui ou celle qui passe à l'acte et celui ou celle qui le vit, qui le subit, en fait. Pour autant, réduire une personne à cette notion de victime, ça ne lui permet pas de pouvoir prendre conscience qu'elle est un être humain, à part entière, avec des capacités de résilience, des capacités à faire… à faire des choses pour elle. Et donc, ça la réduit pour moi parfois à un objet. Objet qu'elle est parfois dans la relation effectivement conjugale. Et donc, j'ai remarqué aussi comme vous, Adrien, que j'ai parfois des victimes qui me disent « J'ai rencontré un pervers narcissique, qu'est-ce que je peux faire au niveau juridique ? » Et en fait, réduire l'homme qu'elles ont aimé à un pervers narcissique et se réduire à être une victime, ça ne permet pas pas du tout, mais du tout, d'avancer parce qu'elles se mettent dans des cases et moi, je refuse de les mettre dans des cases. Pour moi, ce sont des personnes qui ont vécu dans leur parcours conjugal des choses, des événements terribles, mais pour autant, elles ne sont pas... que cet événement-là. C'est pour ça que je détache l'acte de l'être humain. Elles ont vécu des situations qui relèvent effectivement du droit pénal, qui doivent être réprimées, mais pour autant, elles ne sont pas que ça. Et la culpabilité, elle est très très présente, c'est constamment le discours que j'ai, c'est « oui, mais bon, c'est de ma faute, c'est parce que j'aurais dû, mais pourquoi je suis restée, et pourquoi j'ai accepté, et je ne pouvais pas, et je ne savais pas, et j'essaye, en tout cas dans mon accompagnement, de... de toujours revenir au fait que ce qu'elles ont vécu, c'est interdit par le code pénal français. Quelles que soient les motivations, quels que soient les motifs de l'agresseur, c'est interdit en France. Et ce n'est pas pour rien que c'est interdit en France. Par conséquent, la culpabilité, elles peuvent l'avoir. C'est un travail thérapeutique qui va se faire avec quelqu'un qui est spécialisé, certes, mais pour autant, le comportement objectif est interdit et doit être réprimé en France. Donc je reviens sur des éléments qui sont objectifs sur l'interdiction des violences conjugales en France.

  • Speaker #0

    Tout à fait, c'est vrai que la culpabilité, elle pétrifie, elle immobilise. Mais ce n'est pas simple et c'est bien là tout l'enjeu, puisque quand on est une personne victime, on subit beaucoup d'injonctions. Et justement, en parlant d'injonctions, quel est le parcours un peu classique d'une personne qui vient vous voir ? Est-ce que c'est clair pour elle ce qu'elle vit ou justement, est-ce qu'il y a des choses qui se battent un peu en duel ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, comme je vous l'ai expliqué, je propose l'accompagnement juridique en présentiel ou à distance, adapté aux horaires des personnes déjà. Donc, c'est important. Moi, j'ai choisi, ça s'est imposé un petit peu à moi, d'accompagner à distance ce que je ne pensais pas faire parce que pour moi, j'ai vraiment besoin de voir les personnes. Mais pour autant, je me rends compte que c'est quand même adapté pour des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Donc, en fait, déjà, la flexibilité rassure les personnes parce que… il n'y a pas cette injonction d'horaire, en fait. Alors, certes, il y a des horaires qui sont les horaires de bureau, mais pour autant, on peut avoir un entretien à midi 30, à midi 45, à 18 heures, en visio. Donc, déjà, pour elle, ça permet effectivement de pouvoir être à l'aise par rapport à l'entretien. Je me rends compte que, quand on vient me voir, c'est pour des questions souvent juridiques avant de prendre un avocat ou quand il y a un avocat. Je vous expliquais un petit peu la différence. mais... En tout cas, c'est des questions sur le droit de la famille. C'est par exemple, je veux me séparer, je veux divorcer. Qu'est-ce que je peux faire ? Je n'y connais rien en droit. Je sais que vous êtes spécialisée en victimologie, mais bon, moi, je ne suis pas victime. Voilà, déjà, il y a des carcans comme ça qui commencent où je me dis, oh là là, tu veux te séparer à l'amiable, mais pour autant, tu me dis que dans ton couple, c'est difficile. C'est souvent ça que j'ai. Je veux me séparer à l'amiable, mais c'est compliqué dans mon couple. Donc du coup... Ça n'est pas clair pour les victimes. Et souvent, en fait, elles veulent se séparer à la miable pour avoir la paix. Sauf que ce que je leur dis, c'est qu'en fait, elles n'auront pas la paix. Parce que se séparer à la miable, ça veut dire qu'elles vont accepter des choses qui sont complètement disproportionnées. Et donc, il y aura dans tous les cas un contentieux plus tard parce qu'il y a de l'emprise et que du coup, elles vont vouloir accepter des choses pour avoir la paix, mais elles seront embêtées par la suite. Donc... Ça, c'est très confus pour les personnes qui viennent me voir pour me dire « je veux divorcer à la miable, mais ce n'est pas terrible dans mon couple, mais je divorce à la miable » . Également sur les questions pénales aussi. Je vis des choses difficiles, je ne sais pas trop quoi faire, mais je ne veux pas déposer le plaintre. Qu'est-ce que je peux faire, mais je ne veux pas ? Qu'est-ce que je peux faire ? Je veux faire quelque chose, mais je ne veux pas le faire non plus. Alors là, j'ai bien conscience que dans les violences conjugales, il y a un phénomène d'emprise. Il y a de la dissociation, il y a de la sidération, il y a des stress post-traumatiques. Donc, tous ces comportements-là, moi, je les maîtrise, je les connais. Et par conséquent, je ne juge pas ces personnes. Donc, j'essaye avec elles d'avancer petit à petit dans leurs demandes, sans les brusquer, sans proposer d'injonction, mais de poser un petit peu à plat ce qu'elles vivent. Et donc, je leur propose, par exemple, un outil qui s'appelle « Mémo de vie » , qui permet de noter ce qu'elles vivent dans leur quotidien. Pour qu'elles puissent conscientiser que ce qu'elles vivent leur fait du mal et compliqué pour elles. Et puis moi, je rajoute une couche en disant que c'est interdit par la loi. Donc, quand je vois que c'est confus, je repars sur les personnes, sur leur ressenti, ce qu'elles vivent, pour petit à petit répondre à leurs questions pour que ça soit plus clair pour elles. Donc, je respecte leur temporalité, clairement. Et ça, c'est extrêmement important. dès lors que que l'on va plus vite que la musique, eh bien c'est très violent pour les victimes parce que elles ne sont pas prêtes à entendre des choses. Donc moi, en fait, si vous voulez, la loi, le droit me permet en fait de pouvoir avoir des propos plutôt objectifs, non jugeants, et peut-être que je l'ai été et j'en suis navrée si je l'ai été parfois, pour en fait vraiment prendre en compte la temporalité des victimes par rapport à leur demande. Donc oui, Adrien, Il y a beaucoup de confusion parce qu'il y a beaucoup d'injonctions paradoxales dans les violences conjugales. Et ça rend fou en fait, les injonctions paradoxales. Donc du coup, il y a de l'amnésie traumatique, il y a des troubles cognitifs. J'ai beaucoup de personnes, de victimes qui vont me dire qu'elles n'arrivent plus à se concentrer, qu'elles n'arrivent plus à dormir, qu'elles ne dorment pas bien, qu'au travail c'est compliqué pour elles, qu'elles ont des troubles de la mémoire. et grâce aux formations que je dispense beaucoup dans les hôpitaux, j'apprends aussi beaucoup des conséquences des violences conjugales au niveau psychologique et médical, clairement. Et je le vois clairement dans mes accompagnements, tout à fait.

  • Speaker #0

    C'est très important, effectivement, de s'adapter au niveau et au rythme de chacun. Vous avez bien raison. J'imagine aussi que le cadre juridique, comme il est strict, même s'il est neutre, parfois peut un peu secouer des personnes qui n'ont pas conscience de leur vécu.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Donc, c'est pour ça que j'y vais tout tranquillement. Mais parfois, il m'est nécessaire de mettre des mots sur les mots parce que dès lors qu'une personne veut déposer une plainte, je vous dirai un petit peu ce que je propose comme accompagnement précisément. dès qu'elle veut déposer une plainte ou dès qu'elle veut faire une action en justice, eh bien en fait, en tout cas au niveau du pénal, pour qualifier l'infraction, il faut bien qu'il y ait des éléments factuels, des éléments… des conséquences qui sont en lien avec l'infraction, les éléments intentionnels par rapport à l'auteur. Et donc, je suis obligée, moi, de mettre des mots qui sont parfois difficiles. Alors, je mesure mes mots, j'essaye en tout cas, mais pour autant, je dis tout le temps à la personne que j'accompagne que si c'est compliqué pour elle, je l'entends, et que du coup, on peut aussi prendre un temps, le temps qu'elle digère les choses, et donc, on peut en reparler plus tard. Je respecte leur temporalité, sauf dans le cas où il y a de la protection de l'enfance, il y a un enfant qui est en danger, ou s'il y a une urgence vitale. Dans ces cas-là, la temporalité, je ne peux pas la respecter en tant que juriste.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Maintenant, si on va un petit peu plus dans le détail de l'accompagnement, pour l'instant, des victimes, parce que je sais aussi que vous accompagnez les professionnels, comment ça se passe concrètement ? Quels outils vous sollicitez ?

  • Speaker #1

    Je travaille en réseau avec des partenaires pluridisciplinaires, psychologues, travailleurs sociaux, associations, avocats. Ce que je propose, c'est déjà pour les victimes de l'information juridique claire et pédagogique sur leurs droits et leurs démarches, notamment en droit de la famille, séparation, divorce, garde-enfant, autorité parentale, droit pénal, en droit pénal, dépôt de plainte, main courante, constitution de partie civile. audience, pénal, droit du travail, j'accompagne sur le droit du travail, sur tout ce qui est en fait la reconnaissance des violences au sein de l'entreprise aussi, tout ce qui est harcèlement. Il faut savoir que les victimes, les personnes qui vivent des violences conjugales sont aussi malheureusement plus à même de vivre du harcèlement aussi au travail parce qu'elles ont un comportement qui n'est pas toujours adapté de par leur souffrance et donc c'est la double peine. Donc j'accompagne aussi effectivement ces personnes-là sur les violences sexuelles et sexistes, sur le harcèlement qu'elles pourraient aussi vivre. Donc, au travail. J'accompagne aussi dans l'accompagnement et la rédaction de documents juridiques. Ça s'est aussi imposé à moi. Je ne pensais pas le faire, mais pour autant, j'ai eu beaucoup de demandes en ce sens. Donc, je me suis dit que j'allais du coup accompagner sur le sujet. Donc, j'aide à rédiger les dépôts de plaintes et les mains courantes pour éviter les classements sans suite. parce qu'il faut savoir que dès lors qu'une plainte est classée sans suite, ça accroît la violence de l'agresseur. Donc j'essaye, toujours avec les victimes, ça n'est pas moi qui rédige pour elle, mais pour autant on travaille ensemble main dans la main pour avoir donc des plaines qui sont qui soient plus structurées, plus élaborées, pour en fait qu'il y ait plus d'éléments pour qu'il y ait moins de classements sans suite. Je propose aussi, j'accompagne donc dans les courriers administratifs en fait qui sont en lien avec le juridique et dès lors qu'il faut saisir, faire une demande d'aide juridictionnelle. de protection juridique, répondre aux conclusions des avocats, faire des commentaires sur les conclusions de la partie adverse, par exemple. J'accompagne sur ce volet-là, rédactionnel, que je ne pensais pas faire, mais qui s'est imposé à moi. J'accompagne sur le mémo de vie aussi. Le mémo de vie, c'est un outil extrêmement intéressant et puissant qui permet de noter au jour le jour ce que vivent les victimes.

  • Speaker #0

    Et il me semble aussi que sur le mémo de vie, on peut charger tous les justificatifs, les pièces médicales, juridiques et autres pour avoir une sorte de coffre-fort.

  • Speaker #1

    Exactement. Le mémo de vie, en fait, c'est un coffre-fort numérisé, sécurisé, qui permet d'y mettre tous les documents essentiels à la vie conjugale. C'est extrêmement important ce mémo de vie. Moi, je le propose quasiment systématiquement à toutes les victimes. On sait que dans les violences conjugales, il y a beaucoup de contrôle et que du coup, le fait d'avoir un mémo de vie, ça permet vraiment de sécuriser les documents qui vont servir à la procédure judiciaire. Moi, je propose toujours aussi d'envoyer le mémo de vie à une personne de confiance, à minima une fois par mois, de le convertir en PDF et de l'envoyer à cette personne-là au cas où il se passerait quelque chose, malheureusement de terrible, avec une mort, pour que ce témoin-là puisse effectivement le revendiquer en justice. J'accompagne également dans les procédures judiciaires, même s'il y a des avocats. Pourquoi ? Parce qu'en fait, je traduis le langage juridique auprès des victimes. Je traduis les décisions de justice qui ne sont pas toujours bien expliquées aux victimes ou en tout cas pas bien comprises. Je prépare aussi en amont les audiences, les audiences JAF, les audiences juge et enfant, les audiences au niveau du pénal. et donc j'explique aussi les droits et les obligations qui arrivent suite aux décisions judiciaires où en fait les victimes ne savent pas toujours comment récupérer les dommages et intérêts, comment récupérer les pensions alimentaires, s'il y a des fonds de garantie, donc j'accompagne sur le sujet. Je coordonne aussi évidemment les victimes vers des partenaires que je choisis, je suis très claire avec ça. Pour moi, les partenaires avec qui je travaille, c'est des partenaires dont je connais leur compétence, leur qualité humaine et leur compétence en termes de victimologie, de droit des victimes. Donc pour moi, ce sont des référents en violence conjugale, que ce soit des avocats. Des psychologues, travailleurs sociaux, des kinés, des ostéopathes, des dentistes, ce sont des personnes qui ont des qualités humaines d'accueil qui sont essentielles pour ces victimes-là et qui en plus ont été formées à l'accueil des victimes. Pourquoi ? Parce que je retrouve tellement de victimes qui vivent des accueils qui sont terribles de la part de tas de professionnels que ça leur fait vivre une victimisation secondaire et que... Et ça, ce n'est pas acceptable pour moi. Donc, je choisis des partenaires avec qui je travaille. Et j'en suis ravie. Voilà. J'interviens aussi, pour terminer, sur les urgences. Clairement, dès lors qu'il y a une situation de danger immédiat ou de crise, par exemple, le retour des enfants chez un parent violent, un parent qui ne va pas remettre des enfants, un parent qui va intimider Madame devant les enfants, qui va menacer de mort. Donc, une convocation aussi intempestive. Moi, j'ai déjà eu des convocations chez des policiers, chez des faux policiers, en fait, des personnes, des victimes, qui m'appellent en me disant « j'ai été convoquée chez un policier, mais je crois que ce n'est pas un vrai policier » . Et finalement, ce n'était pas un vrai policier. Donc, on a des stratégies, parfois des agresseurs, assez folles, qui font que dans l'urgence, les victimes peuvent me solliciter. Alors, évidemment, je ne travaille pas la nuit. Et les week-ends, pour autant, s'il y a une urgence, je peux répondre. Voilà, je propose de répondre parce que les avocats ne sont pas forcément disponibles. Et dans un moment de panique, je peux en tout cas apporter une réponse juridique immédiate pour avoir les bons réflexes. Voilà, évidemment, il y a les numéros d'urgence, le 17, le 15, ça c'est sûr. Mais pour autant, je peux répondre et j'ai eu beaucoup de cas, j'ai eu beaucoup de situations, notamment en période de Noël, d'urgence, des situations au niveau des grandes vacances. et le vendredi soir, dès lors que les enfants doivent aller chez papa, chez maman. Voilà, donc je sais qu'à ces périodes-là, je vais être sollicité.

  • Speaker #0

    En tout cas, en vous écoutant, je vois qu'on est vraiment dans le concret, dans des questions très pratico-pratiques et qui nécessitent d'agir parfois aussi rapidement.

  • Speaker #1

    Tout à fait, moi c'est dans le concret, c'est les vacances arrivent, voilà, là aussi c'est les vacances arrivent, le juge des affaires familiales a rendu une décision, il me dit que je dois donner les enfants à telle date, et moi, dans le jugement, je vois une autre date. donc je ne comprends pas, je n'arrive pas à comprendre le jugement. Qu'est-ce que je fais ? Parce qu'il me menace de déposer une plainte contre moi si je n'amène pas les enfants à telle date. Et bien là, voilà, je reprends effectivement le jugement. On voit ensemble, il y a un outil aussi qui est très bien fait sur, donc pour savoir la date exacte de la moitié des vacances, par exemple. Donc, je propose comme outil, effectivement, pour que ces mamans ou ces papas puissent savoir exactement, selon un outil objectif. quelle est la moitié en fait et parfois c'est à la minute près, vous voyez, c'est terrible, il faut en arriver à ça. Donc en fait, les outils que je propose en urgence ou dans ces questions-là, j'en ai plusieurs, mais je les propose comme ça me semble efficient en fait. Parfois le mémo de vie, je le propose alors qu'il n'est pas là et que pour moi il n'est pas nécessaire. Parfois je le propose pour en fait… que les parents qui vivent de la violence conjugale à travers leurs enfants puissent noter au fur et à mesure ce que les enfants vivent, en fait, aussi, pour pouvoir ensuite faire une action en justice si nécessaire. Parce que, comme je vous dis, il y a souvent l'anésie traumatique, il y a la confusion, il y a tout ça qui fait que… Donc, c'est vrai que l'outil que je propose le plus, c'est mes mots de vie. Je propose aussi, donc, le violentomètre, clairement. pour identifier les violences qui sont vécues par les personnes en répondant à des questions. Et je propose aujourd'hui un outil qui est extrêmement puissant et très bien fait, le diagnostic d'Opale créé par Vigdis Maurice Herrera, qui est une victime de violences conjugales, qui a créé un diagnostic avec près de 200 questions posées aux victimes, qui est bien plus étayé que le violentomètre. Donc selon effectivement... les victimes, donc des personnes que j'ai en face de moi, je propose donc le violentomètre ou le diagnostic opale pour en fait que les personnes puissent prendre conscience de ce qu'elles vivent. Parce qu'il y a souvent une minimisation des violences subies et vous savez, le stéréotype de la femme battue est encore très très prégnant chez les victimes de violences conjugales. Pour elles, si elles ne sont pas battues, et bien ce qu'elles vivent c'est effectivement de la des choses qui sont très difficiles, mais d'avance psychologique, sexuelle, administrative, économique, la cyber-violence est minimisée, voire n'est pas connue des victimes. Mon rôle aussi en tant que juriste, c'est de dire que toutes ces violences-là, elles sont réprimées par la loi, et donc grâce à des outils tels que le violentomètre ou le diagnostic opale, il y a une prise de conscience, et il y a aussi une première prise de conscience, et le fait qu'on peut faire une action en justice dans ces cas-là, parce que la loi elle interdit ces comportements-là et elle les réprime.

  • Speaker #0

    Vous avez abordé de plusieurs manières les conséquences sur les enfants. De fait, j'ai l'impression que vous travaillez indirectement à les protéger en conseillant les personnes qui sont victimes de violences.

  • Speaker #1

    Complètement. Moi, j'ai une sensibilité par rapport à la protection de l'enfance. Comme je vous l'ai indiqué, j'ai travaillé auprès du conseil départemental dans le service de la ZEU et j'ai travaillé sur notamment les incestes. L'idée, en fait, comme je vous dis, d'un regard systémique sur la famille et sur les violences intrafamiliales. On parle de violences conjugales, mais on peut parler de violences de vif, de violences intrafamiliales, des violences qui se passent au cœur de la famille et qui touchent, pour le coup, les enfants, qui sont en fait témoins, mais pour moi, qui sont des victimes directes de ce qui est vécu dans la famille. Dès lors qu'un enfant entend des cris, se positionne comme un sauveur de sa maman, et dévalorisée, dénigrée dans la famille et instrumentalisée par l'auteur des violences conjugales via les séparations, pour moi c'est un enfant qui vit clairement des maltraitances et qui doit être protégé. Alors c'est vrai que pour ces mamans c'est parfois très compliqué parce qu'il y a un phénomène d'emprise qui est présent et parfois la protection n'est pas forcément présente au moment où il le faudrait. Je suis très au clair avec ça. pour ma part, quand j'accompagne du coup les mamans, c'est que je me dois en tant que professionnelle de la justice, mais aussi en tant que citoyen, de faire remonter les situations, à minima via une information préoccupante. L'information préoccupante, c'est dès lors que je suis au courant d'une situation où un enfant, qu'un enfant vit, et que la situation est préoccupante, j'ai l'obligation, en fait, ce n'est pas une option, de faire remonter cet élément-là à la CRIP, à la cellule de recueil des informations préoccupantes qui dépend du conseil départemental, pour qu'il y ait une évaluation sociale qui soit faite. Si en plus de ça, si...

  • Speaker #0

    Pour moi, l'enfant est clairement en danger parce que j'ai une maman ou un papa qui me dit que l'enfant est violenté physiquement, est violenté sexuellement ou en tout cas est violenté directement. Je me dois également de faire un signalement auprès du procuré de la République. C'était un stade supérieur. Le parquet se saisit du dossier et va mener une enquête et va saisir le jus des enfants par rapport à cela. Donc, ou renvoyer au conseil départemental pour évaluation et ensuite… Il peut y avoir donc des poursuites. Donc c'est vrai que, bien sûr, à travers les vifs, les violences intrafamiliales, à travers mes accompagnants, je me dois de protéger les enfants, même si je suis très touchée par ce que m'évoquent les mamans. Pour autant, ça n'est pas une option que de protéger les enfants. Et les enfants sont souvent dans un conflit de loyauté, donc c'est très compliqué pour eux aussi, ce qu'ils vivent. Ils veulent protéger maman ou ils en veulent à maman de ne pas se protéger, de ne pas les protéger. Ils veulent être des sauveurs de maman et donc ils se mettent en danger, clairement. Et même j'ai des enfants qui sont tout petits. Clairement, les mamans que j'accompagne, la plupart de leurs enfants ont des troubles du comportement. Ils sont soit diagnostiqués TDAH, soit ils ont des DINST. Alors je ne sais pas si c'est en lien avec les violences conjugales qui sont présentes dans la famille, qui ont été là. Mais pour autant, ça n'est pas anodin pour moi. Aujourd'hui, j'accompagne beaucoup de mamans en violence conjugale post-séparation. Alors là, on parle très peu, mais il faut savoir que dès lors que quelqu'un se sépare dans l'ambiance conjugale, l'enfer n'est pas terminé. C'est-à-dire qu'à travers les enfants, à travers la justice, à travers la pension alimentaire, à travers des tas de mécanismes de démarche, l'agresseur va continuer via un contrôle, notamment le contrôle coercitif, via un contrôle. permanent du coup de la victime va continuer à exercer les violences. Donc moi aujourd'hui, dans mes accompagnements, j'ai beaucoup de violences post-séparation où les enfants sont clairement instrumentalisés. Et là, c'est une bataille avec le juge des enfants, avec le JAF, avec le procureur, parce que ces violences-là post-séparation ne sont pas reconnues, en tout cas très peu reconnues, par notamment les juges aux affaires familiales où je suis très démunie moi. Et je vous dirai pourquoi, si on aborde le volet juridique, le regard de la justice par rapport aux violences conjugales, parce qu'il y a des décisions qui sont rendues qui sont juste incompréhensibles et qui mettent clairement en danger les enfants et les mamans.

  • Speaker #1

    Oui, souvent, là où beaucoup d'auteurs ont plutôt des facilités, ou en tout cas se servent des outils juridiques, souvent les personnes qui sont victimes, elles, attendent. Et j'imagine que quand on vient vous voir, on a un peu ce sentiment d'avoir la montagne juridique administrative qui est de plus en plus haute. et donc de plus en plus difficile à gravir.

  • Speaker #0

    Exactement. En fait, on me dit toujours, c'est très fréquent, on me dit, bon, c'est très compliqué, c'est très compliqué, je ne sais pas quoi faire, je suis perdue. Alors moi, j'essaye de vraiment, pour moi, le droit, c'est vraiment une source d'émancipation, vous voyez. Pour moi, l'accès au droit, ça permet en fait aux personnes, j'ai fait du droit pour ça aussi, je reviens sur Mandela, Bad Inter, ces grands humanistes. En fait, l'accès au droit permet de faire des choix éclairés dès lors que l'on connaît ses droits. Alors moi, je m'astreins vraiment à proposer une pédagogie, une vulgarisation du droit, en expliquant les différentes procédures qui sont possibles, tout en respectant la temporalité. Ça c'est évident, mais en tout cas, j'explique que dans ce dossier-là, il peut y avoir, j'informe sur les droits, le volet. pénale, le volet familial, le volet protection d'enfance, le volet droit du travail aussi, j'en parlerai tout à l'heure plus tard. Et donc je permets vraiment, je fais des schémas, je propose des schémas, je propose de reformuler avec elle ce que j'ai dit pour voir si c'est bien clair en fait. Et j'espère en tout cas arriver à leur permettre de faire des choix éclairés tout en leur disant qu'il peut y avoir des obstacles et il y a des obstacles. dans le parcours judiciaire, c'est évident, donc je ne vais pas faire croire que ça va être facile. Pour autant, ce que je leur dis, c'est qu'elles seront accompagnées, elles seront bien accompagnées à chaque étape, à chaque silence de la justice. Je pourrais leur expliquer pourquoi la justice est silencieuse, qu'est-ce que l'on peut faire pour effectivement avoir une information, comment faire en attendant et compagnie, avec aussi, comme je vous l'ai expliqué, des partenaires avec qui je travaille qui sont là pour les accompagner au niveau thérapeutique, au niveau médical. au niveau, voilà, au niveau, j'aurais dit qu'il y avait les avocats, bien évidemment. Donc l'idée, c'est de leur dire, je vous traduis les droits, je vous dis quels sont les droits possibles, quel est le parcours aussi qui peut s'imposer à vous, les délais aussi procéduraux, mais vous n'êtes pas seul. Et vous ne serez jamais seul jusqu'au bout. Ça, c'est très important.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Avant de parler de l'état de la justice, vous avez beaucoup évoqué la démarche systémique. Et justement, comment vous accompagnez par ailleurs les professionnels ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'accompagne les professionnels sur plusieurs volets. Déjà, je propose de la sensibilisation et de la formation-action. sur les violences conjugales auprès des professionnels qui reçoivent des personnes qui sont susceptibles de vivre des violences conjugales. Donc, j'interviens énormément, je suis beaucoup, beaucoup sollicitée dans les hôpitaux, pour que ces professionnels qui reçoivent déjà des personnes qui sont en soins, qui en plus vivent des violences conjugales, puissent être accueillis au mieux. Donc, via la sensibilisation... et donc qui est plutôt global où je sensibilise en fait tous les équipes, tout le monde en fait. Pour moi, il n'y a pas que les RH, les managers, les référents qui doivent être sensibilisés. Tout le monde doit être sensibilisé aux violences conjugales pour savoir de quoi on parle, faire tomber les stéréotypes sur les femmes battues, clairement, savoir effectivement que l'on peut donc avoir un collègue, un ami, un membre de la famille qui vit violences conjugales pour connaître effectivement, savoir repérer les signaux faibles et les signaux forts dans les violences conjugales. Et c'est les signaux faibles qui sont difficiles à repérer. Et c'est cela dont je parle dans mes interventions. Ces professionnels peuvent se dire qu'elles ont connu, elles connaissent les personnes qui vivent des violences conjugales. Il y a une prise de conscience du fait que les violences conjugales, ça touche quand même une femme sur dix. Ça va très vite en fait. Donc, via les sensibilisations, je propose des éléments très généraux. pour une prise de conscience. Via les formations, en fait, j'accompagne pendant 3-4 jours les professionnels en les mettant en situation, en leur expliquant en détail ce qui se passe pour les victimes, quels sont les différents types de violences conjugales, comment réagir, comment agir, quoi mettre en place. J'aborde aussi, ça c'est très important dans les signaux faibles et les signaux forts, j'aborde aussi les traumas vicariants. C'est très tabou aujourd'hui le fait de se dire que les professionnels qui accompagnent les victimes peuvent aussi développer un trauma du fait de ce qu'ils entendent qui est traumatique pour eux. Donc j'aborde dans mes interventions aussi les traumas vicariants pour voir un petit peu comment ça va pour eux. Parce que le constat que je fais depuis une dizaine d'années où je forme du coup les professionnels et dans la sphère publique et dans la sphère privée, donc dans les entreprises aussi, et bien c'est que sur les douze professionnels, j'en ai trois, quatre qui craquent en formation parce que soit ils ont vécu des violences conjugales, soit la problématique est trop lourde pour eux. Donc, en fait, j'en reviens dans ces formations à aborder les risques psychosociaux, parce que je me rends compte qu'accompagner, repérer les victimes d'évidence conjugale, c'est extrêmement lourd. Et une bonne volonté n'est pas suffisante, clairement. Et donc, je vois des professionnels qui sont en souffrance parce qu'ils veulent bien faire, mais ils n'y arrivent plus, clairement. Soit parce qu'ils ont vécu des violences conjugales ou ils en vivent. Soit parce qu'ils ont connu quelqu'un qui en a vécu, du coup ça fait tellement écho en eux que c'est compliqué d'accompagner. Soit c'est parce que c'est trop lourd ce qu'ils entendent.

  • Speaker #1

    Exactement. Et d'ailleurs, est-ce que le travail, c'est un sujet qui revient dans les échanges que vous avez avec les personnes victimes ?

  • Speaker #0

    Complètement. Aujourd'hui, j'accompagne des personnes qui travaillent. Quand je travaillais chez France Victime ou CIDFF, elles ne travaillaient pas toujours ces personnes-là. Aujourd'hui, en travaillant en libéral, j'ai des personnes qui peuvent payer mes accompagnements et qui du coup travaillent. Eh bien... c'est terrible. Les conséquences que l'on peut voir des violences conjugales au travail, elles sont terribles et elles sont constantes. Ce que je peux voir, c'est d'une part des personnes qui ont des troubles de la concentration, des personnes qui font des erreurs, des personnes qui doivent se mettre en arrêt perlé, comme on dit, des arrêts perlés, c'est-à-dire qu'elles vont s'arrêter le lundi matin parce que le week-end a été terrible, elles vont s'arrêter le vendredi, elles vont s'arrêter Merci. un jour par-ci par-là alors qu'elles sont épuisées parce qu'elles ne peuvent pas se permettre effectivement de s'arrêter trop longtemps parce que financièrement ça n'est pas possible mais c'est des personnes qui ont des insomnies, qui ne dorment pas toujours bien la nuit, qui donc à l'approche des audiences ou des convocations ou des événements donc que les auteurs leur font vivre n'arrivent plus à travailler correctement c'est des personnes qui veulent se confier au travail mais qui ont honte de se confier, qui ont peur d'être jugés, parce qu'au travail on a toujours le cliché de la femme battue, s'il n'y a pas un coquard au niveau de l'œil, du coup l'évidence conjugale ça n'existe pas. Donc, en fait, la double peine pour les victimes c'est quoi ? Les violences conjugales au niveau du travail, c'est que d'une part, elles sont décrédibilisées au niveau du travail parce qu'elles travaillent moins bien que les autres, parce qu'elles sont fatiguées, épuisées, elles n'y arrivent plus, elles ont des comportements qui ne sont pas adaptés. Parfois, elles sont agressives, elles sont sur la défensive, elles sont épuisées ou elles sont inhibées, elles sont mises à mal par les collègues ou par le manager ou par l'employeur. Elles peuvent aussi, moi j'ai vu des personnes qui ont été sanctionnées, clairement, qui ont eu donc... un amortissement par leurs erreurs commises ou qui ont même pu être licenciés, ou qui ont vécu du harcèlement parce que leur comportement n'était pas adapté au travail, ce qui est juste inacceptable. Donc, ça coûte beaucoup d'argent aux employeurs de ne pas repérer ces victimes d'influence conjugale. Ça coûte bien plus cher aux employeurs que ces arrêts perlés, ces baisses de de travail, ces baisses effectivement de réactivité, ces baisses de concentration, le fait aussi d'embarquer parfois les collègues dans leurs discours parfois moi je vois aussi des victimes qui vont parler de ce qu'elles vivent au travail et ça va impacter les collègues en fait qui vont être aussi à mal. J'ai aussi clairement, si on parle de concret, moi j'ai des personnes qui ont vécu des agressions sur leur de travail. J'ai des auteurs qui viennent au travail pour agresser Madame et pour montrer à tout le monde qu'en fait, c'est elle qui fait n'importe quoi. J'ai des agresseurs qui vont envoyer des mails, des vidéos aux employeurs pour montrer que Madame, au niveau intime, elle fait n'importe quoi pour qu'elle soit sanctionnée. J'ai même malheureusement avec l'IA, donc on parle de la cyberviolence, je commence à avoir effectivement des agresseurs qui vont même inventer des images. avec madame dans des scènes plutôt érotiques, qui vont transférer à l'employeur pour la mettre à mal au niveau des mœurs. C'est terrible. Au travail, je vois des tas de comportements et de l'agresseur et des conséquences pour les victimes qui sont présentes. Pour moi, c'est juste indéniable qu'aujourd'hui, l'employeur, via les risques psychosociaux, il faut savoir que l'employeur a une obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés. Et donc, parmi les risques psychosociaux que l'on retrouve, nous avons le stress et le harcèlement, les violences internes et externes. Pour moi, dans les violences conjugales, il y a des violences externes qui sont le fruit de l'agresseur, qui doivent être pris en charge. Donc, on a clairement des salariés qui ne sont pas pris en charge, qui ne sont pas repérés, qui coûtent cher à l'entreprise. Et là, il faut que ça s'arrête. Clairement, il faut que ça s'arrête. Il faut que l'entreprise soit un lieu de sécurité. C'est parfois un lieu refuge. Moi, je l'ai vu aussi au niveau du télétravail. Le télétravail qui a été proposé à outrance pendant le confinement et qui est parfois encore proposé, attention, attention, parce que quand on est en télétravail, on est à la maison. Et quand il y a des violences conjugales, il faut comprendre que les victimes ne veulent pas rester à la maison. Et donc ça, s'il n'y a pas de repérage dans les entreprises des violences conjugales, c'est une incompréhension des employeurs par rapport à ce dispositif de télétravail. Et donc, on peut avoir des sanctions de l'ISA. ou des comportements hostiles de l'employeur, alors qu'en fait, clairement, c'est parce que au travail, elles sont en sécurité, ces personnes-là, et pas à la maison. Il y a beaucoup de travail à faire sur le sujet. Je crois que vous travaillez aussi, Adrien, sur le sujet. Et pour moi, c'est indéniable que l'entreprise, en tout cas l'employeur avec un grand E, doit intervenir, doit agir, tout en étant accompagné.

  • Speaker #1

    Tout à fait, on voit que toutes les sphères de la société sont touchées, que c'est un phénomène... Mondial, je dirais. Alors pour terminer, quelle est votre vue sur l'évolution des mentalités sur le sujet des violences conjugales et puis aussi sur le plan juridique ?

  • Speaker #0

    Alors, sur les mentalités, moi je dirais qu'il y a beaucoup de résistance encore, je trouve, à notamment considérer les violences sexuelles au sein du couple et les violences psychologiques. Tout récemment, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en 2025 parce que des juges encore considèrent que le devoir de cohabitation lorsqu'on est marié se conjugue avec un devoir conjugal. Des juges ont considéré que le fait qu'une dame ne veuille pas avoir de rapport sexuel avec son époux alors qu'elle vit des violences conjugales, elle doit être sanctionnée sur la base d'un divorce pour faute, ce qui est juste mais lunaire. C'est hallucinant qu'en fait, alors que le viol conjugal est réprimé depuis une vingtaine d'années, et que des juges considèrent encore aujourd'hui que le devoir conjugal existe. Donc les mentalités, il y a encore du travail. Les rapports sont alarmants sur les résistances, notamment des jeunes et des plus âgés, et de tout le monde finalement. Quand on voit le procès de M. Pellicot, on voit les résistances par rapport aux violences sexuelles, avec des réactions qui sont juste incroyables, où j'ai pu entendre à mes interventions même sur les violences sexuelles, J'ai pu entendre des personnes qui ont pu dire « mais est-ce qu'on est vraiment sûr que l'un des co-dormés, est-ce qu'on est vraiment sûr que c'était pas un trip de couple, est-ce qu'on est vraiment sûr de quoi ? » Mais voyons, arrêtons avec ça, arrêtons aussi de considérer que dès lors qu'il y a une violence sexuelle, la victime est coupable. Il y a une inversion de la culpabilité en fait, de la responsabilité dès lors qu'il y a une violence sexuelle. Donc je trouve qu'au niveau des mentalités, les bons pères de famille qui se considèrent comme étant des super… hommes qui sont dans le droit chemin, ils sont à côté de la plaque. Et le procès de M. Pellicot l'a bien montré. En fait, les 50 agresseurs, ce sont des bons pères de famille. Le bon père de famille, ça vient du code de Napoléon, de 1800K, du code civil, où en fait, on considérait que le bon père de famille avait un droit sur toute la famille et un droit de cuissage. Donc, arrêtons avec ça. Je trouve qu'au niveau des mentalités, on avance très, très, très doucement. Donc on voit qu'il y a beaucoup de résistance et du législateur et des mentalités. Et au niveau du droit, je dirais qu'il y a beaucoup de travail à faire encore aujourd'hui. Je suis parfois en difficulté. Au niveau du droit pénal, je vais être très courte par rapport à ça, très succincte. Il y a trop de classements sans suite, notamment sur les violences psychologiques et sur les violences sexuelles. Le viol conjugal n'est pas reconnu, clairement. Et la définition du viol n'est pas du tout adéquate pour moi. pour que ça puisse être reconnu, et les violences psychologiques. Alors là, n'en parlons même pas, là, même au niveau des médecins légistes, les violences psychologiques n'entraînent pas forcément d'ITT, en fait, pour les victimes, et donc il n'y a pas forcément de grandes conséquences, alors qu'il faut savoir que le suicide post-violence psychologique est reconnu en droit. C'est une circonstance aggravante des violences psychologiques. Et ça, c'est un chiffre noir que l'on ne connaît pas. ne comptabilisent pas dans les morts violentes au sein du couple. Le droit de la famille, il faut savoir qu'au niveau des JAF, des juges aux affaires familiales, les audiences sont expéditives, elles durent 15 minutes, s'il vous plaît, un quart d'heure pour exposer l'avis des personnes, sans que parfois même les personnes soient entendues dans ce qu'elles ont à dire alors qu'il va y avoir une décision qui va être prise par rapport à la famille et par rapport aux enfants. C'est inacceptable. Il y a des gades alternées qui sont proposées dans les situations de violences conjugales. Alors qu'en fait, on voit des juges qui sont dans une confusion entre conflit conjugal et violence conjugale. Ils ne savent pas la différence pour eux, ce qui se passe. Dès lors qu'il n'y a pas de poursuite pénale au niveau familial, c'est un conflit conjugal. Et on demande à Madame de se calmer un peu et de confier l'enfant à Monsieur, alors qu'elle vit des violences conjugales et que l'enfant en vit aussi des violences intrafamiliales. C'est inacceptable. Au niveau du jeu des enfants, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Raison de plus pour se faire accompagner, déjà par des personnes comme vous, par des associations, et se faire informer par l'employeur, parce que ça permettra d'y voir un petit peu plus clair. J'ai une dernière double question pour conclure cet échange. Si vous deviez donner un conseil simple et facile à mettre en place à une personne qui est victime de violences conjugales, quel serait-il ? Puis la deuxième partie, c'est à un professionnel.

  • Speaker #0

    Alors, à une victime, je dirais que... déjà de s'écouter et d'oser en parler à une personne de confiance, que ce soit au travail, dans son entourage, que ce soit chez son médecin, un pharmacien, un boulanger, qu'en fait, elle n'est pas seule, ces personnes-là ne sont pas seules, même si elles ont parfois l'impression qu'elles le sont. Une écoute bienveillante peut être le premier pas vers la sortie de l'isolement pour les victimes, en fait. Très clairement, ce que je dis dans les formations, c'est que dès lors que l'on tend la main à une personne qui, en fait, nous tient, ou témoigne de sa confiance, dès lors que l'on ne la juge pas, et qu'on a une posture empathique, on sort une personne de l'isolement, et on peut effectivement l'orienter vers des personnes qui sont formées à l'accompagnement des victimes. Et c'est le début, effectivement, de la sortie des violences conjugales. On sait que sortir des violences conjugales ne se fait pas du jour au lendemain. On sait que ça va prendre du temps. Mais dès lors qu'il y a une main tendue, une écoute... bienveillante et de l'or que les victimes osent en parler en disant que ce qu'elle dit ça n'est pas normal et bien il peut y avoir tout un réseau de soutien pluridisciplinaire donc qui va permettre aux victimes d'avancer étape par étape pour on l'espère, donc avoir une vie plus plus paisible. Pour les professionnels, ce que je dirais, c'est d'oser dire que ce qu'ils entendent, c'est compliqué pour eux. Pourquoi je dis ça ? Parce que comme je vous l'ai abordé, les traumas vicariants, les violences vicariantes, en fait, auprès des professionnels sont tellement présentes que dès lors qu'ils vont dire qu'ils sont en difficulté pour accompagner les victimes, eh bien, en fait, on va leur dire c'est ton travail et c'est ainsi. On ne va pas les écouter. Sauf qu'en fait, ils accompagnent mal les victimes parce qu'ils sont pris dans les émotions, pris dans leur souffrance au travail et donc l'accompagnement se fait mal. Et l'accompagnement va se faire dans l'émotion parfois, voire dans la surréaction et l'accompagnement se fera mal, ce qui va ensuite renvoyer au professionnel un sentiment de culpabilité aussi, de ne pas avoir fait comme il le voudrait. Donc moi je dis aussi aux professionnels de s'entourer. de professionnels qui peuvent les accompagner, qui peuvent, moi souvent je leur dis, appeler la CRIP, la cellule de recueil des informations préoccupantes, pour si vous ne savez pas s'il faut faire une information préoccupante pour les enfants, appeler le 119 pour faire un signalement, pour avoir en fait qu'ils puissent vous dire si vous pouvez le faire ou pas, appeler des partenaires pour vous faire accompagner dans ces situations de violence conjugale et intrafamiliale, parce que... Comme pour les victimes, quand on est seul dans ces accompagnements-là, c'est extrêmement complexe et on accompagne mal et on se brûle les ailes, clairement.

  • Speaker #1

    Merci d'évoquer le sujet de l'accompagnement et des souffrances des professionnels qui est beaucoup trop peu abordé. Puis finalement, un grand merci au Global, parce que vous nous avez transmis des conseils qui sont très précis, des cas concrets. Et on sait bien que c'est difficile de se projeter quand on est victime de violence ou quand on s'intéresse à la question, c'est difficile de se la figurer. Donc un grand merci Sylvie pour votre partage.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Au revoir. Vous voulez témoigner en tant qu'experte de violence ou bien victime, que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.hu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé. Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

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