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Un poing c'est tout - Les violences conjugales

Épisode n°16 - Groupe de parole : 4 femmes victimes de violences conjugales nous racontent la même histoire !

Épisode n°16 - Groupe de parole : 4 femmes victimes de violences conjugales nous racontent la même histoire !

57min |25/11/2025
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Épisode n°16 - Groupe de parole : 4 femmes victimes de violences conjugales nous racontent la même histoire !

57min |25/11/2025
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Description

4 femmes victimes de violences conjugales nous partagent leurs histoires, sous forme de groupe de parole enregistré et anonymisé. Nous voyons, à travers leurs parcours, la force incroyable qu'elles ont eue pour se sortir du schéma de violences qu'elles subissaient avec leurs enfants. Leurs chemins de vie sont différents, pourtant leurs histoires sont très semblables. Cet épisode permet notamment de prendre conscience des schémas récurrents et quasiment identiques employés par les auteurs de violences, et la façon dont on peut s'en sortir.


"Un poing c'est tout !" est un podcast créé bénévolement par Heyu, société de conseil dans le monde du travail pour contribuer à libérer la parole et accompagner les victimes de violences.

Suivez-nous sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/adrien-roland-boulogne-%F0%9F%A4%9D-11493bab/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles.

  • Speaker #1

    Le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. Elle m'a dit que j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit « Courage, fuyons » .

  • Speaker #2

    Le travail, c'était une bulle, il ne m'atteignait pas.

  • Speaker #3

    Comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp.

  • Speaker #4

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Bienvenue dans ce nouvel épisode qui est assez particulier puisqu'aujourd'hui il va prendre la forme d'un groupe de parole. Nous avons donc avec nous quatre femmes, quatre femmes qui vont nous partager leur vécu de violence conjugale. Tout l'intérêt de ce groupe de paroles, il va être d'une part de voir les points en commun entre vos histoires, car on sait qu'il y a beaucoup de faits communs dans la construction du cycle de violence conjugale et de l'emprise. Et puis nous verrons aussi bien sûr les singularités, les spécificités de vos vécus, pour que nos auditeurs et auditrices puissent s'identifier plus précisément à vos histoires. Alors pour commencer, je vais laisser la parole à qui le souhaite. Qui veut prendre la parole en premier ?

  • Speaker #2

    Je vais me lancer. Je m'appelle Charlotte, j'ai 34 ans et j'ai vécu 7 ans de violence conjugale entre 2015, date de mon mariage, et 2021, l'année où j'ai réussi à fuir un mari qui était violent, d'abord psychologiquement, puis verbalement, physiquement, et puis j'ai vécu aussi des violences sexuelles et financières. J'ai eu deux enfants qui ont... 7 ans et 6 ans. J'ai réussi donc, entre autres grâce à eux, à partir avec eux et depuis, j'ai entamé un chemin de reconstruction pour aller mieux, pour réaliser et pour me reconstruire de façon générale. Par ailleurs, sinon je suis ingénieure dans l'industrie. Je travaille depuis 10 ans dans la même entreprise où je travaille toujours.

  • Speaker #4

    Je vous remercie Charlotte et je laisse aux trois autres personnes la possibilité de continuer.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Fanny, j'ai 51 ans, je suis sage-femme. J'ai vécu des violences conjugales entre 1999-2000, année de mon mariage, et de la naissance de notre premier enfant, jusqu'en 2019, année où j'ai réussi à fuir. une énorme fuite d'ailleurs, puisque c'était en Outre-mer. Donc voilà, j'ai réussi à partir avec mes deux enfants mineurs. L'enfant majeur était resté dans l'île où nous vivions. Et aujourd'hui encore, je suis encore dans un bas, puisque à nouveau, il y a une procédure judiciaire en cours pour des violences sur la petite dernière. et aussi des violences financières. J'ai vécu des violences psychologiques assez importantes, des violences physiques, des coups dans les murs, des objets lancés, des violences sexuelles avec des rapports non consentis, et des violences financières. J'ai un processus très long de reconstruction qui est encore en cours, évidemment, avec des thérapies assez importantes. avec beaucoup d'aide finalement aujourd'hui, parce que je suis accompagnée par une association, un travail sur les énergies aussi, pour essayer de pouvoir continuer de comprendre le sens d'être sur Terre aussi, parfois, ça peut m'arriver, mais voilà, je le fais aussi pour mes enfants, tout simplement.

  • Speaker #4

    Merci, et je laisse Sarah et Louise pour finir.

  • Speaker #0

    Donc moi c'est Louise, j'ai 41 ans, je suis modéliste. J'ai vécu avec mon ex-mari de 2003 à 2019. Je l'ai rencontré, j'avais 18 ans. Et assez rapidement, il m'a fait un chantage. Il me tenait beaucoup par la culpabilisation. Il me menaçait régulièrement de me quitter. Et donc, il fallait à tout prix avoir un enfant ensemble. Donc, je suis tombée enceinte très rapidement. Et les violences ont commencé pendant ma grossesse, ma première grossesse. Comme Fanny et Charlotte. Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles, principalement psychologiques, mais à une tenue assez physique, sexuellement, donc je le comprends actuellement. Toute ma vie avec lui, en fait, je n'ai subi que des viols. Et donc en 2019, la justice m'a aidée à me sauver. J'ai demandé le divorce en 2018, j'ai vécu un an en enfer avec lui. parce que je ne voulais pas quitter notre logement que je payais, et lui non plus. Et la justice l'a contraint de quitter notre logement, donc un an plus tard. Et on a enfin pu se reconstruire avec mes enfants. C'est encore en cours. C'est loin d'être fini. Mais ça prend plutôt bonne forme. Et le fait de savoir que la justice, en fait, en tout cas pour ma part, Merci. nous soutient. Ça fait du bien, on est entendus, on est compris, en fait.

  • Speaker #4

    Merci. Sarah, pour finir.

  • Speaker #3

    Moi, je m'appelle Sarah, j'ai 36 ans et j'ai une histoire qui rejoint l'histoire des dames qui ont parlé avant moi, à la différence que moi, j'ai compris que j'étais victime de violence une fois la relation terminée, une relation qui a duré 7 ans. Et je dirais qu'encore aujourd'hui, j'ai du mal à parler de violence sexuelle, violence financière, violence physique, alors que... J'ai vécu tout ça aussi et j'avais consulté une association, le CIDFF, qui m'avait dit « quand ça ne va vraiment pas, vous pouvez appeler le 3919 » . Et j'ai fait ça un soir après avoir reçu un message encore atroce. Et la dame que j'ai eue au téléphone m'a écoutée longuement et m'a dit « en fait, ce qui manque, le seul maillon qui manque dans votre raisonnement, c'est le fait de comprendre que vous êtes victime de violences conjugales » . Et je lui ai dit « ce n'est pas possible puisqu'on est séparés » . Elle m'a dit « si, si, madame, les violences conjugales, ça peut continuer » . après la séparation, ça peut durer très longtemps. Alors de mon côté, j'ai été très aidée par les associations locales. Par contre, au niveau de la justice, moi je n'ai pas forcément trouvé de réponse. J'ai même eu, je pense, un rendez-vous au commissariat qui a été assez traumatisant. Donc je pense que c'est important peut-être de libérer la parole sur ce sujet et de pouvoir parler de notre vécu pour que tout le monde puisse aussi s'identifier.

  • Speaker #4

    Eh bien tout à fait, c'est exactement ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui. Merci beaucoup à vous quatre d'avoir le courage de témoigner. C'est pas facile sur ce sujet qui est encore très tabou. J'observe déjà quelques similitudes dans vos histoires avec, je dirais en chapeau, les violences psychologiques. Et on voit qu'il y a d'autres types de violences en oeuvre, très souvent cumulées d'ailleurs. Nous allons aborder aujourd'hui trois grands thèmes. Le premier, c'est la façon dont s'est mise en place l'emprise, le système coercitif dans vos histoires. Après, nous irons sur les conséquences des violences conjugales dans votre vie et les différents retentissements pour enfin faire un point sur le rapport au travail. Vous nous direz si cela s'est perçu ou non chez vous et comment vous l'avez vécu. Mais déjà, une première question pour commencer. À qui souhaite prendre la parole, comment se sont mises en place les violences conjugales chez vous ?

  • Speaker #3

    Alors chez moi, je dirais que ça a été très insidieux. Au tout début de la relation... Moi, j'avais un tempérament que je suis certainement toujours assez anxieux. Je n'aime pas les conflits, je préfère tout arrondir. Donc, au tout début, c'est vrai qu'il était assez contrôlant, mais finalement, ça me rassurait aussi. Et puis, il y a plein de choses que j'ai laissées passer, où j'acceptais, où j'arrondissais les angles. Et puis, le jour où on a eu des enfants, ça a un peu changé parce que notre fils a eu des problèmes de santé. Et du coup, j'ai dû un peu plus m'imposer dans ma vision des choses. Et là, j'ai trouvé face à moi quelqu'un de très rigide, de très... Il ne tolérait pas du tout, en fait, que je puisse avoir mon point de vue sur la situation, que je puisse être en désaccord avec lui. Et donc, c'est devenu beaucoup plus compliqué. Et ensuite, on a eu une fille qui est arrivée un peu par surprise. Et là, à nouveau, en fait, c'était de pire en pire. J'en parlais très peu. parce que je pense que j'avais honte et je ne voulais pas du tout détruire l'image qu'on pouvait donner à l'extérieur ou inquiéter les gens. Donc je gardais beaucoup de choses pour moi et surtout je me m'auto-persuadais que c'était de ma faute. Donc je cherchais toujours à faire toutes sortes de thérapies pour aller mieux, pour que ça se passe bien à la maison, pour que jusqu'au jour où, avec l'arrivée de ma fille, j'ai compris que ce n'était peut-être pas moi le problème.

  • Speaker #2

    Le mot insidieux, il est parfait pour décrire la mise en place aussi de l'emprise que j'ai vécue. De mon côté, ça a commencé un peu comme un conte de fées, avec un bon coup de foudre. J'ai été très éblouie par sa droiture, sa beauté. Il était médecin, il avait le sens de la famille, le sens du travail. Lui, par ailleurs, savait me dire exactement les compliments. Il me choisissait, ça me valorisait beaucoup. j'étais J'ai été conquise en fait très vite. Et c'est qu'après notre mariage qu'en fait, petit à petit, il y a eu des moments, par exemple, de colère. Là aussi, c'est insidieux parce que la première, ça va. On se dit que nous, on ne fonctionne pas comme ça, mais que lui, il est un peu plus sans bien. Et puis finalement, ça fait peur, ça fait peur à tel point qu'on se soumet. Et que finalement, moi, c'était plus... Si vous voulez, si je rangeais un torchon dans la cuisine, ce n'était plus pour que la cuisine soit rangée, ou pour moi, c'était pour éviter que ça se transforme en un grain de sable qui entraîne une colère de son côté. Et après, petit à petit, les colères se sont accompagnées aussi de culpabilisation, il soufflait le chaud et le froid. Un jour, j'étais très très belle, le lendemain, très très laide. Et ça rejoint aussi ce que disait Sarah, c'est que tout était de ma faute. à la première violence physique, entre guillemets, c'était trop tard. C'est-à-dire que mon cerveau s'est déconnecté, s'est dissocié. Et je n'ai pas accepté de voir que c'était de la violence physique. Ça a enclenché un système de cycle avec des périodes de lune de miel qui étaient longues, entre guillemets, de trois mois, où tout se passait bien, tout était merveilleux. On formait un très beau couple et à la maison, ponctuellement, de façon incontrôlable, des violences. psychologique reprenait, verbale, physique.

  • Speaker #4

    Est-ce que vous aussi, Louise et Fanny, les violences se sont installées de façon progressive et insidieuse ?

  • Speaker #0

    Il a commencé d'abord à m'isoler. Avant tout, en fait, il a commencé petit à petit à critiquer chacune des personnes de mon entourage qui étaient importantes, puis à tenir des propos, alors je pense maintenant, avec le recul qui était sans doute parfois faux, pour que je sois en conflit, en fait. Et petit à petit, je me suis isolée de tout le monde. J'étais vraiment seule de mes amis. Je me suis isolée de la plupart des membres de ma famille aussi. Moi, j'habitais en Belgique, j'ai quitté mon pays. En fait, souvent, il me répétait que j'étais seule, que je n'avais que lui. Alors moi, ces propos, c'était parce que j'étais quelqu'un de déguestable. Il n'y avait que lui qui était capable de m'aimer. Et ensuite, la seconde phrase que j'ai entendue très régulièrement, c'est « c'est pas moi, c'est toi » . Ça, c'était son cadeau. Donc, je me suis transformée, adaptée pour lui convenir, pour être comme lui voulait que je sois. Je ne savais plus comment être, en fait. C'est comme ça que l'emprise a pris place.

  • Speaker #1

    C'est exactement la même chose pour moi. Le fait que ce soit insidieux, tout simplement. Évidemment, je suis tombée sous le charme immédiatement, j'ai tout plaqué. J'avais 24 ans, j'étais encore étudiante et il m'a emmenée dans un rêve extraordinaire. Je n'avais jamais voyagé, là il m'emmenait dans des voyages extraordinaires, j'ai été éblouie comme Charlotte. par sa profession aussi, de par sa profession, il était médecin, que voilà, j'étais complètement sous le charme. Et peu à peu, en fait, la violence, des colères en fait, qui sont apparues, des tentatives d'intimidation aussi pas mal, avec un isolement qui s'est produit peu à peu. On a même fini ensemble par partir de l'autre côté du monde. Évidemment, ça s'est accentué, il m'a isolée de ma famille. Il disait des choses intolérables sur ma famille, sur mes amis. J'ai laissé tous mes amis qui, d'ailleurs, à 25 ans, c'était mes amis étudiants qui, un jour, m'avaient dit « mais tu vis dans un placard » . Donc, il y a eu quand même des phrases qui ont résonné des années après. Et peu à peu, c'est monté, c'est monté, pareil, des violences psychologiques très, très, très importantes qui, à chaque fois que j'étais enceinte, il allait… dragué des femmes, il m'a trompé pendant mes grossesses. La vraie emprise, je pense, vraiment d'une puissance absolue, c'était le... Un adultère en fait, au bout de, allez on va dire dix ans de vie commune, un adultère avec une de mes amies. Et là en fait, il a inversé le processus complètement et je suis devenue totalement soumise à lui, en fait à me dire que c'était de ma faute s'il m'avait trompé. Et du coup là, il m'a même donné des médicaments pour que je dorme, enfin bref, c'était terrible. Et surtout cette sensation de devenir folle, je ne savais plus qui j'étais, j'étais dans le brouillard.

  • Speaker #4

    C'est d'ailleurs un mot brouillard qui ressort très souvent dans les témoignages. Merci Fanny. Est-ce que vous avez vécu, mesdames, ces manipulations permanentes et ce sentiment de ne plus être vous-même ?

  • Speaker #3

    Oui, parce qu'en fait, il y a un jour où ça se passe bien. C'est-à-dire que tout va bien, la personne va bien le matin. Donc, c'est des journées extraordinaires. Du coup, nous, on est rassurés. Enfin, moi, pour ma part, j'étais complètement rassurée. Je me disais, voilà, ça y est, c'est fini, on a passé un cap. Maintenant, tout va bien se passer. J'y croyais dur comme fer. J'étais repartie contente. Je retrouvais toute mon énergie. J'avais cette force-là de toujours rebondir et aller bien. Et puis en fait, soit histoire de rien du tout, d'un seul coup, c'était la tempête. Et du coup, c'est un sentiment constant de peur. On ne sait pas comment ça va se passer. C'est ça qui est absolument terrible. C'est que rien n'est prévisible. Tout est incontrôlable. Et ça, c'est... absolument atroce à vivre et c'est complètement destructeur parce qu'on est persuadé que c'est nous qui sommes folles et qu'on déclenche chez la personne des comportements improbables. C'est ça qui est atroce.

  • Speaker #4

    D'ailleurs Charlotte nous disait tout à l'heure que son ex-compagnon soufflait sans cesse le chaud et le froid et ça ressort beaucoup dans vos témoignages. Est-ce que cela vous parle aussi aux autres ?

  • Speaker #1

    Oui, moi par exemple pendant mes grossesses il me disait Vous avez les... Les femmes enceintes l'aident. Et à côté de ça, il me disait, ouais, mais t'es une épouse formidable. Ou sans toi, je suis rien. Faut jamais que tu meurs, parce que sinon, je vais pas y arriver avec les enfants. Voilà, des choses vraiment qui nous mettent dans un climat d'incertitude permanente, avec une adaptation, une suradaptation qui nous épuise, évidemment. Pour protéger nos enfants, évidemment, aussi. Et de lui aussi, moi j'essayais de comprendre pourquoi il réagissait comme ça. Tout simplement, je me disais que j'allais le soigner.

  • Speaker #4

    Oui, j'imagine que tout cela rend difficile la prise de conscience de votre situation, d'autant plus que vous avez évoqué l'isolement qui se met en place. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous ont bloqué dans la conscientisation du phénomène ?

  • Speaker #0

    Pour ma part, je me qualifiais de robot. Mais c'était vraiment ce que j'étais devenue en fait. J'étais en pilote automatique. Je savais qu'il fallait que je tienne pour les enfants, mais je n'éprouvais plus rien, en fait, à part la peur. Et moi, je tenais grâce au travail, parce que, contrairement à vos mesdames, ils vivaient à mes crochets. Les violences financières, c'est en fait, ils dépensaient l'argent que je ramenais à la maison. Donc, il fallait que je travaille. J'ai travaillé pendant mes grossesses jusqu'au bout. Et c'était vraiment, moi, c'était ma bouffée d'oxygène. Mais à côté de ça, moi, il me tenait, par exemple, sur mes temps de trajet. Le soir, il chronométrait mon temps. Ce n'était pas normal qu'il y ait des bouchons. Bon, petit à petit, il a fait installer un traceur sur ma voiture. Donc, ça a été plus simple aussi de contrôler mes déplacements. Mais voilà, j'étais vraiment en pilote automatique, en fait.

  • Speaker #2

    Il y a une chose que j'ai entendue chez Fanny, qui a résonné en moi, c'est… La notion de culpabilité, parce que là aussi, dans mon histoire, parfois dans ces moments un peu de lucidité, j'ai réussi à lui dire que ce n'était pas normal ce qu'on vivait, sans mettre le mot de violence. Lui me faisait croire que grâce à moi, il allait mieux. Mais que grâce à mon amour, grâce à ma tendresse, il allait mieux. Ça appuyait sur le bouton sauveur. Moi, je parle un peu de dissociation, mais je suis sûre d'avoir vécu ça. qui est que... que depuis la première violence physique en 2016, mon cerveau était incapable de réaliser que j'avais vécu des violences physiques. Et j'ai dans la tête encore, enfin encore, j'avais à l'époque une marmite, si vous voulez, une marmite noire. Je savais qu'il y avait les violences physiques à l'intérieur, mais j'étais assise sur le couvercle et incapable de réaliser qu'il y avait cette marmite et encore moins capable évidemment de l'ouvrir pour comprendre que c'était des violences.

  • Speaker #4

    Merci Charlotte, d'autant plus que vous nous amenez sur la question des conséquences physiques et psychiques. Alors, quelles ont été ces conséquences chez vous ?

  • Speaker #2

    parce qu'une perte totale d'estime de soi. Enfin, j'étais rien. J'étais l'ombre de quelqu'un. J'étais dans le brouillard, pour reprendre encore un mot utilisé. Je ne savais plus complètement. Je ne savais plus ce que j'aimais, ce que je n'aimais pas. Qui j'étais ? Enfin, qui est-ce qui me définissait ?

  • Speaker #3

    Moi, c'était un peu la même chose. Et physiquement, j'ai une amie qui m'a dit un jour « C'est bizarre, Sarah, parce que tu aimes toujours mettre… Enfin, tu as toujours aimé mettre des bijoux qui brillent. Tu t'habillais toujours bien. je sais pas là maintenant tu mets que des trucs tu ne mets plus trop de bijoux, tu n'es pas comme avant. Et lui, il me disait des choses qui étaient très, très dures. Il me disait, tu vois, c'est fou quand je regarde des photos de toi avant, tu étais belle. Enfin, on voyait, je ne sais pas, là maintenant, tu n'es plus pareil, même sur les photos et tout. Tu es moins belle, tu es moins rayonnante. Il y a un truc qui a changé. Je me disais, bah oui, c'est vrai, mais toujours complètement sous l'emprise des violences et toujours pas consciente de ce que je vivais. Je me disais, bah oui, qu'est-ce qui m'arrive ? Après, il était dans un des principes aussi très écologiques et j'ai développé une espèce d'éco-anxiété énorme. Je m'habillais plus qu'en seconde main, je ne laissais plus un grain de riz dans la casserole parce que je me disais que pour les gens qui étaient dans les rizières, c'était atroce. Enfin, je me faisais un monde de l'écologie qui était devenu complètement anxiogène. Et du coup, forcément, j'avais aussi des habitudes de vie qui faisaient que j'étais complètement minimaliste. Et puis, les gens qui me connaissaient, donc cette amie et puis aussi ma nourrice, Un jour, ma vie, celle que j'avais quand j'étais petite et avec qui on est resté très en contact, elle m'a dit « mais qu'est-ce que t'as ça ? Je te retrouve pas du tout, tu ris plus comme avant, j'ai toujours aimé rire, faire des spectacles, faire rire les gens. » Et là, j'avais plus ça en fait, j'étais épuisée.

  • Speaker #1

    Alors moi, tous vos discours évidemment résonnent de façon assez violente. J'ai entendu tout à l'heure une histoire de chronomètre. Moi aussi, j'ai vécu le chrono. Quand ils gardaient les enfants, en fait, quand je travaillais, parce qu'ils voulaient absolument que j'arrête mon travail. Et moi, j'ai maintenu, maintenu, maintenu mon travail le plus possible. Mais quand même, j'avais la pression. Je devais rentrer le plus vite possible pour garder les enfants, m'occuper des enfants, parce qu'ils ne supportaient pas de s'occuper des enfants. Et une fois, j'étais rentrée, ils m'avaient dit, ça va, j'ai gardé la petite 2h51. Je pense que c'est bon. Enfin, bref, tout ça, ça résonne. Et pour les conséquences sur ma santé, en fait... Tout pendant que j'étais avec lui, j'avais des coliques néphritiques qui ont démarré. Et ça, ça a été assez violent. Et dès que je l'ai quitté, je n'ai plus du tout, du tout eu ce genre de symptômes. Au niveau de ma santé physique, j'étais lessivée, vidée, morte à l'intérieur de moi. Je me regardais dans la glace, évidemment. J'étais l'ombre de moi-même. En plus, comme il me disait assez régulièrement. que j'étais belle et le lendemain, elle me disait que j'étais moche puisque je ressemblais à ma mère et que ma mère était moche. Enfin bref, c'était ça devant les enfants, évidemment. Au niveau de ma santé mentale, évidemment, alors là, ça a été terrible à remonter. Je suis rentrée en France, puisque quand je l'ai quittée, je suis rentrée en France. Je ne savais même plus m'habiller, je ne savais plus prendre soin de moi, je ne savais, je dormais. J'étais... On va dire, je pense, une serpillière. Je ne sais pas. J'avais complètement perdu toute mon identité. Et peu à peu, c'est remonté. Mais j'ai toujours des traces du stress post-traumatique important que j'ai vécu. C'est-à-dire que je supporte difficilement la surcharge mentale. Donc, j'ai appris à le gérer. Je sais que je dois me protéger de ça. Et cette peur qui est quand même restée, parce que j'ai eu vraiment très, très, très peur, puisque j'ai eu pas mal de menaces de mort. Cette peur est inscrite corporellement, donc j'essaye de trouver un moyen de l'évacuer. Là, par exemple, actuellement, il voit encore ma fille en visite médiatisée. Et à chaque fois, quand je pense à la visite, j'ai peur au niveau corporel. Et ça, je pense que c'est très, très, très important d'écouter son corps.

  • Speaker #4

    Et Louise, justement, vous nous disiez tout à l'heure que vous aviez le sentiment d'être un robot. Chez vous, quelles ont été les conséquences physiques et psychiques ?

  • Speaker #0

    Je réfléchissais même plus, en fait, je subissais. Et en fait, je faisais juste en sorte que la vie continue, que la maison tourne, que les enfants soient correctement habillés. Surtout pas que ça se remarque. Donc, à l'époque, moi, j'étais responsable de magasin en plus. Donc, il ne fallait pas que ça se voit. Donc, je m'apprêtais vraiment énormément, justement. Je me maquillais beaucoup. Et ça ne plaisait pas à monsieur, du coup. Donc forcément, ça exacerbait. Lui, ça jalousie ma maladie. Et quand je suis sortie de cette relation, j'ai eu une période un peu euphorique. Libérée, j'ai été libérée, je pouvais faire ce que je voulais, sortir quand je veux avec mes enfants, ne pas rendre de compte. Ça a été libérateur pendant tout un temps où on a fait plein d'activités, il fallait vraiment tout le temps s'occuper. Avec le recul maintenant, je sais que c'est juste que j'avais peur d'être inactive et de repenser à pas mal de choses. J'étais vraiment dans l'évitement complet. Et ensuite, je suis retombée dans une forme d'emprise via les enfants. Monsieur décidait quand il avait envie de prendre les enfants. Il ne respectait pas le jugement et du coup, je subissais, je vivais de nouveau. À travers lui, à ce moment-là, je me suis de nouveau retrouvée dans un état d'hypervigilance, à ne pas savoir s'il allait être dans les environs, si j'allais tomber sur lui. Il apparaissait n'importe quand, quand il voulait. Et du coup, je me suis retrouvée dans un état de fatigue physique, psychologique. J'ai perdu 15 kilos comme ça en quelques semaines. Ça a été très, très compliqué. physiquement et psychologiquement, même après.

  • Speaker #3

    Moi, je rebondis sur ce que dit Louise parce que j'ai vécu exactement la même chose cette période d'euphorie. J'ai fait les magasins, je me suis acheté plein d'habits, je suis allée à McDo parce que c'était interdit. J'étais trop contente, vraiment. Je me suis dit, ça y est, j'ai retrouvé ma liberté pour toujours. J'étais hyper fière d'avoir réussi à partir. Et puis, j'ai eu l'effet boomerang exactement comme Louise, c'est-à-dire que très rapidement, Il m'a fait comprendre que non, ça n'allait pas se passer comme ça, que ma liberté, elle allait être conditionnelle, et que même si on était séparés, qu'on habitait chacun dans nos maisons, il était toujours là derrière et que je n'étais absolument pas libre. Et du coup, c'est très compliqué parce qu'on est dans une cage avec une porte semi-ouverte, mais il continue de la fermer quand il a envie. Et moi aussi, j'ai perdu énormément de poids, j'ai perdu des cheveux, je suis allée chez le médecin en disant « j'ai quelque chose de grave là » . Et en fait, elle a fait plein d'examens. Fort heureusement, je n'avais rien de grave. Mais elle m'a dit, vous êtes dans un état d'épuisement extrême. Qu'est-ce qui se passe ? Et donc, je lui ai raconté ma vie. Et du coup, j'ai compris au fur et à mesure des mois, des semaines et des jours que c'était moi qui allais devoir me défendre et que juste partir, ça n'allait pas être suffisant. Et un jour, mon père m'a dit, je crois qu'il va falloir qu'après, il va montrer les crocs parce que j'ai toujours été très gentille. et je m'imagine que tout le monde est beau, tout le monde est gentil, ce n'est pas du tout le cas. Et du coup, le point positif que moi, je tire de toute cette situation, c'est que ça m'a appris à me défendre, ça m'a appris à poser des limites, ça m'a appris à sortir une force que j'ai en moi, mais que je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai jamais osé exprimer. Et là, ça fait des mois que je suis obligée de me battre et dans un sens, ça me renforce parce que je le fais aussi pour mes enfants et ça rejoint ce que disent les dames aussi qui parlent et qui témoignent aujourd'hui. que nos enfants nous donnent une force terrible, c'est eux qui commencent à nous dire… « Maman, pourquoi tes yeux sont tristes quand on est encore dans le foyer ? » « Papa, pourquoi tu grandes maman ? » C'était des paroles où je me disais « Mais ce n'est pas possible, je ne veux pas élever mes enfants dans un contexte pareil. » Donc voilà, ça m'a donné une puissance et une force qui étaient en moi, mais qui ne s'étaient jamais révélées. Donc c'est difficile, mais il y a aussi moyen de trouver ce chemin en nous.

  • Speaker #4

    Oui, les enfants sont effectivement souvent un déclic. Y a-t-il eu des conséquences sur leur santé, des retentissements sur leur vie du fait des violences ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi, je prends la parole. Oui, moi, j'ai eu des conséquences énormes, puisque mon fils aîné, il a absorbé beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de violences de la part de son père. Et d'ailleurs, il a toujours des traces, évidemment, au niveau d'une dépendance affective. Enfin bref, c'est compliqué, mais il s'en sort, il est très courageux. Le deuxième enfant a beaucoup absorbé aussi, puisqu'il a été protecteur de sa petite sœur. avec des scènes improbables à la maison où il prenait la petite dans ses bras, il l'emmenait dans la chambre quand ça explosait à la maison. Et aujourd'hui, il s'en sort, il est très courageux, mais il a gardé une trace et une colère assez profonde en lui, même s'il ne parle pas beaucoup, mais on sent qu'il y a un potentiel de colère. Et la petite, elle est encore malheureusement dans une...

  • Speaker #0

    une manipulation avec son père, avec des visites médiatisées qui ont pris place. Et elle, par contre, elle a un sacré caractère et une énergie incroyable. Le gros déclic, ça a été qu'il a lancé un objet dans une pièce et j'avais la petite dans les bras. Et du coup, je me suis pris l'objet dans la figure. Et ce jour-là, je me suis dit que ce n'était plus possible. Je me suis cachée dans la chambre avec elle. Mais voilà, nos enfants ont des séquelles. Ils sont co-victimes de tout ça. Et ça, je pense que ce n'est pas encore assez. assez... ils sont pas encore assez considérés.

  • Speaker #1

    De mon côté je revendique sur ce que tu dis Samy, les séquelles sont là, les violences psychologiques, il les subissait par la tension qui s'installait et dont on apprenait au début. La tension qui systématiquement s'installait dès lors que moi je ressentais que là il n'était pas de bonne humeur et que ça allait mal se passer. Il le subissait aussi quand mon ex-mari nous quittait au milieu d'une balade. m'engueuler également, etc.

  • Speaker #2

    Alors moi, je rejoins ce qui a déjà été dit. Et de mon côté, les conséquences ont été terribles parce que l'année dernière, leur père a téléphoné au 119 pour tenter de me faire passer pour une mère irresponsable qui ne savait pas s'occuper de ses enfants. Et j'ai su des mois plus tard que c'était lui. Il m'a accusée de plein de choses, d'inceste. Enfin, c'est passé vraiment par tous les stades. Et les enfants ont été confrontés à énormément de rendez-vous. Donc à la maison, dans les services sociaux, via des psychologues. Et un jour, ils m'ont dit, on en a marre de rencontrer des dames, on ne veut plus. Mon fils m'a dit, moi je veux aller à mes entraînements de foot, je ne veux pas aller chez la psychologue, je ne veux pas. Et donc tout ça, ça a été compliqué. Après, comme on dit là, dans le parcours actuel, c'est que je ne peux pas parler de violences, puisque les violences ne sont pas identifiées par la justice juridiquement parlant. J'ai posé une plainte qui a été classée sans suite. Et le policier que j'ai vu plusieurs fois, dans des entretiens absolument atroces, m'a dit « en fait, je ne sais même pas pourquoi vous êtes là, je ne sais pas ce que vous faites là, ici c'est le pénal madame, c'est la police, on n'est pas là pour gérer les conflits de cours de récréation, qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur, il est comme ça, vous avez des problèmes pour vous parler, c'est difficile, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, on ne va pas le changer ? » Et il me disait « je ne sais pas moi, régler les conflits avec monsieur » . Je lui dis « mais moi je ne fais pas de conflits » . Et du coup, on ne peut pas parler de violence parce qu'elles ne sont pas identifiées par la justice. dans le parcours actuel avec toutes ces histoires du 119, j'ai l'impression que tout le monde me comprend, tout le monde voit bien ce que je subis, tout le monde... Mais personne ne peut rien faire à leur niveau, au niveau de la justice, et ben ils ne peuvent pas le faire non plus. Et je rejoins ce que disait tout à l'heure Fanny, c'est-à-dire que il y a un impact sur les enfants qui est absolument considérable et qu'on en parle très très peu aujourd'hui, et qu'il faut qu'on agisse parce que c'est la société de demain et qu'ils ont besoin aussi d'être accompagnés dans toutes ces violences intrafamiliales.

  • Speaker #3

    C'est intéressant, comme vous le faites, de faire la différence entre la violence conjugale et le conflit de couple. En fait, ce qui va distinguer ces deux notions, c'est le fait que dans un conflit de couple, on aura la possibilité de répondre sur un plan égalitaire, et la violence, elle va être liée à une situation précise. Tandis que dans les violences conjugales, l'auteur, lui, va chercher à dominer la personne dans sa globalité de façon complètement unilatérale. Est-ce que, pour continuer sur la question des enfants, vous souhaitez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #4

    Pour moi, mes enfants, ils sont encore pris en charge aussi... psychologiquement. Il arrive à faire la part des choses, je pense. Mais il a une hypersensibilité vraiment exacerbée. Il a une peur du conflit. Et puis quand il me parle, en fait, il a encore une voix d'enfant. Il n'est pas encore... C'est comme si avec moi il n'arrivait pas à grandir. Alors qu'avec d'autres, je l'entends et je vois qu'il est bien et ça me rassure en fait. Mais avec moi, c'est encore un enfant apeuré. Pour mes deux plus jeunes, ils ont connu avec moi les violences conjugales, mais ils les ont vécues avec leur belle-mère. Ils ont vu certaines choses, enfin une scène qui a été le déclic d'ailleurs pour moi, pour porter plainte. Et donc mon deuxième garçon a développé une phobie des couteaux. On doit le prévenir. Si je veux couper un légume, je le préviens, je sors le couteau. Il faut qu'il soit à distance, raisonnable. Il y a vraiment cette crainte. Et pour ma fille, elle garde en tête ce que son père lui a répété les rares fois où il la voyait, qui était « n'écoute pas ta mère » . Donc on est en conflit permanent. Elle m'en a parlé, c'est bien le post-démo. Mais voilà, ce que moi je dis, peu importe quoi, elle ne va jamais me croire de suite. Pour nous, les choses sont différentes parce que les enfants ne voient plus leur père depuis maintenant deux ans. Donc quand je disais, moi j'ai vraiment été écoutée par la justice, quand j'ai appris qu'il y avait encore de la violence au sein du couple que formait mon ex-mari et sa concubine, j'ai fait une demande auprès du juge. aux affaires familiales, demandant le retrait de droits de visite que j'ai obtenu par la suite. J'ai porté plainte pour mes violences. Et la chance que j'ai eue, c'est que la belle-mère des enfants a porté plainte également pour les violences qu'elle a subies peu de temps après, parce qu'en fait, je pense que, c'est ce qu'elle me dit, on est encore en contact, elle a compris qu'elle n'était pas toute seule. Et là, en fait, à l'heure actuelle, leur papa est en sursis probatoire. Donc plus de droits de visite, plus d'autorité parentale. Et ça nous permet d'avancer plus sereinement. Et également parce qu'en fait, c'est compliqué pour les enfants. Parce que, et je leur dis, ils ont le droit. En fait, ils ont ce conflit de loyauté. Ils ne savent plus trop comment se positionner. Est-ce qu'on a le droit d'aimer notre papa avec tout ce qu'il a fait ? Et effectivement, moi, je leur dis que oui. Oui, c'est leur père. Mais que leur père est puni, il a fait quelque chose de mal, il a refait quelque chose de mal et les conséquences sont là.

  • Speaker #3

    Oui, au moins de cette manière, les choses sont posées clairement pour eux. D'ailleurs, vous avez été plusieurs à aborder la question du déclic. Pour vous, quel a été le déclic qui vous a aidé à vous en sortir ?

  • Speaker #4

    Il a levé la main sur mon fils aîné. Et il n'aurait pas dû. Une semaine après, j'étais... auprès de mon avocate pour demander le divorce.

  • Speaker #2

    Moi, le déclic, ça a été, on est partis en vacances en famille dans un contexte déjà très, très compliqué. Les grossesses ont été très compliquées. La grossesse de ma fille a été atroce. Il me faisait des chantageaux suicides, qu'il allait partir, qu'on ne pouvait pas rester avec moi, que j'étais folle, que je lui mettais trop de pression. Enfin, bon, toujours des détails, mais dans les jours noirs et sombres, c'était toujours comme ça. Et on est partis en vacances en famille. Les enfants, dès le matin, ils fonçaient dans le mobilum de mes parents, c'est-à-dire qu'ils se réveillaient et on ne les voyait plus de la journée, parce que dans le mobilum de mes parents, c'était une super ambiance, et dans le nôtre, c'était absolument atroce. Et puis un jour, un matin, j'arrive moi aussi, et je m'assois à côté de mon père, j'ai toujours été très proche de mon père, et il m'a dit « est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et j'ai dit « de quoi tu parles ? » Il me dit « Sarah, fais pas semblant, est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et donc je lui ai dit « oui » . Et il m'a dit « ok » . Mon père a été marié avant de rencontrer ma mère et a vécu des choses très difficiles avec son ex-femme. Il m'a dit que ça me rappelait des mauvais souvenirs. J'ai dit comment on fait pour s'en sortir ? Il m'a dit qu'il fallait partir, qu'il n'y avait pas d'autre choix, qu'il fallait en aller. Il a un problème et il ne changera jamais. J'ai dit d'accord, mais mes enfants sont tout petits. Il m'a dit que je n'avais pas le choix.

  • Speaker #0

    Les déclics, pour moi, il y en a eu plusieurs aussi. Déjà, j'ai retrouvé un pistolet caché à la maison. Ça a été assez... percutant pour moi et il m'a dit qu'il avait peur qu'il voulait se protéger fin c'était c'était pas possible de jeu là je me suis dit il ya quelque chose qui cloche et les violences qui étaient de plus en plus de plus en plus de plus en plus forte dont une fois dans une dans la voiture où il avait tapé dans la voiture et il m'avait regardé dans les yeux j'étais derrière avec la petite qui était bébé je la laitais on roulait pas enfin bref il m'avait hurlé dessus en disant tout ça c'est de ta faute bon Et puis, une soirée aussi où on avait passé un moment ensemble. On était dans un hôtel. Enfin, c'était un peu glauque. Et là, on avait eu un rapport sexuel. Et la soirée avait été perverse, en fait. Et je m'étais écoeurée de moi-même. Ça, c'était un énorme déclic. Et puis, la dernière, vraiment le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. qui m'a accueillie chez elle. Et je lui ai dit, écoute, je pense que je suis en train de subir des violences. Et elle m'a dit, oui, tout à fait. Comme on vivait dans une petite île. Elle m'a dit, j'ai rarement, elle le connaissait, elle m'a dit, j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Donc je vais t'aider, parce que sinon tu vas mourir. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit, courage, fluyant. Et là, il y a eu le déroulé de toute ma vie, un espèce de ticket de caisse qui est sorti, plong, vraiment, où j'ai compris. qu'en fait, il était complètement fou. Et ça a été le déclic. Le grand, grand déclic, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en fait, il y en a eu plusieurs. Il y a eu les violences physiques devant mes enfants, ce qui me concerne aussi. Et en fait, grâce à ces deux éléments-là, un soir, après une violence physique, au lieu de pleurer, je suis allée sur Internet. Et pour la première fois, parce que dans ma tête, je n'étais absolument pas une femme battue. Pour moi, une femme battue, c'était un œil au beurre noir donné par un mari qui a bu dans un milieu populaire. Et je sais que ce n'est pas du tout ça aujourd'hui, mais malheureusement, à l'époque, c'est l'image que j'en avais. Et là, pour une fois sur Internet, j'ai dû cliquer « violence femme » , quelque chose comme ça. Mais je sais que je suis tombée sur ma vie qui avait été écrite par quelqu'un d'autre. Donc là, je ne comprenais pas, mais tout était là. Donc, ce dont on a parlé au début, toute la mise en place de l'emprise. les reproches, l'isolement que j'avais vécu aussi, la culpabilisation, le chaud et le froid, etc. Le problème de cet article, c'est que la solution, la seule, il faut partir. Et là, le problème, c'est que je fais que mon cerveau a bugué aussi, parce que je refusais cette solution, c'était pas possible de partir. J'étais aussi dans un milieu catholique pour lequel le divorce, il n'est pas tout à fait courant. De fait, l'Église catholique, ça c'est après que j'ai découvert ça. nous donne le devoir de partir dans les cas de violences conjugales. Mais à l'époque, je ne trouvais rien sur Internet à ce sujet-là et c'était plutôt un frein plutôt qu'une aide pour partir. Donc voilà, toujours est-il qu'à la fin de cet article sur Internet, il y avait écrit de partir. Il y avait heureusement une espèce d'exercice qu'ils conseillaient de faire et c'était en fait une prise de recul. Ils appelaient ça un peu le théâtre. Ils conseillaient de faire semblant d'être au théâtre, de se dire qu'on était au théâtre. Et donc pendant deux semaines j'ai fait ça, c'est-à-dire qu'au travail j'étais dans ma bulle et tout allait bien. Sur le chemin du retour, tu es au théâtre, tu regardes ce qui se passe. Et là, ce qui se passait c'est quand je l'attendais, quand il rentrait du travail, je me disais « Ah tiens, comment va être l'acteur ? Est-ce qu'il va être de bonne humeur ou de mauvaise humeur ? Comment il va être ? » Et moi pendant ce temps-là, je sais que j'arrivais à avoir des pensées qui étaient les miennes, qui n'étaient pas dépendantes de son humeur, qui étaient... Est-ce que j'ai passé une bonne journée au travail ? Chose que je ne me demandais plus. Comment allait être ma journée de demain ? Est-ce que mes enfants allaient bien ? C'était des choses qui étaient à moi grâce au fait que j'avais cette prise de recul. Et le seul problème de l'exercice, c'est qu'avoir une relation sexuelle, là, ce n'était plus possible. Puisque si j'en avais, je n'étais plus au théâtre. J'étais sur scène. si vous voulez donc je Je refusais d'avoir des relations sexuelles, j'ai refusé pendant deux semaines, ce qui est énorme. En revanche, au bout de deux semaines, il m'a forcé et puis il est parti dans une colère paroussime qui a entraîné encore une violence physique. Mais pour une fois, j'avais compris un peu le mécanisme et c'est pour ça, entre autres, grâce à ce troisième déclic que j'ai réussi à partir en vacances chez mes parents sans mon ex-mari, avec seulement mes deux enfants. Et que là, au bout de trois jours, j'ai réussi à dire à ma mère les violences que je subissais. Et là, alors ce n'était pas un ticket de caisse, moi c'est un barrage, c'est l'image que j'ai. C'est tout, tout, tout, tout est sorti. C'était la première fois. Et toute ma vie, j'ai pu raconter tout ce que je vivais pour la première fois et mettre des paroles dessus. Je changeais tout puisque je réalisais en disant les choses. que ce que j'avais vécu n'était absolument pas normal. Et après ça, je ne suis pas revenue. Et puis, avocat, tout s'en est suivi ensuite.

  • Speaker #3

    Et vous citez le travail comme une bulle, comme une parenthèse. Déjà, dans quelle mesure ça l'a été ? Et quelles ont été les conséquences sur votre activité professionnelle ?

  • Speaker #1

    Le travail, c'était une bulle. Il ne m'atteignait pas. Alors, il m'atteignait dans la mesure quand même où... Oui, il fallait que je sois à la maison pour m'occuper des enfants en permanence, mais non, il fallait que je travaille, travaille très bien, que j'ai une carrière incroyable pour gagner beaucoup d'argent. Donc, je pense que lui-même était bloqué entre ces deux injonctions contradictoires, mais il me les faisait vivre et c'était abominable parce qu'il fallait que j'ai une carrière incroyable. Et en même temps, je ne pouvais pas, puisqu'il fallait que je parte pour m'occuper de mes enfants en permanence. De fait, c'était quand même... Un endroit où d'ailleurs mes collègues ne savaient pas, je donnais beaucoup de change, mais c'était un endroit où j'avais le droit d'être moi-même, donc je continuais à l'être, et c'était une chance finalement, si je devais arrêter de travailler, ça aurait été encore plus dur. D'une part j'ai changé, j'ai eu beaucoup de changements dans ma vie, donc l'employeur perçoit parfois les conséquences de tropage d'hommes basques. Et puis, par ailleurs, j'ai des conséquences psychologiques qui se voyaient un minimum. C'est-à-dire quand on pleure, quand on a des couches par la nuit, quand on a peur. C'est des choses... Moi, je n'ai pas réussi en permanence à... Parce que ça ne se voit pas au travail. J'ai trouvé que... J'avais plutôt un bon cadre. Les gens étaient compréhensifs. Mais en fait, il y avait plutôt une ignorance. Donc, j'ai raconté mon histoire, que ce soit à l'ARH, à l'assistante sociale au travail. à mon manager, à mon manager direct, mais aussi à mon manager au-dessus, parce qu'en fait, quand on n'a pas vécu ça, c'est quand même pas facile d'expliquer, si je me mets à la place de mon manager direct, je peux aller vite dessus, mais les arrêts de travail, j'en ai eu énormément, des périodes d'arrêts de travail de trois, quatre mois, ou des périodes de temps partiel thérapeutique, qui là aussi n'est pas tout à fait connu comme mécanisme, pas tout à fait compris. qui sont de bonnes choses, mais qui sont assez inconnues, donc pour lesquelles il faut en permanence communiquer et expliquer. Enfin, c'est mon expérience, en tout cas.

  • Speaker #3

    Et vous, Sarah et Louise, est-ce que vous avez eu des conséquences dans votre activité professionnelle ? Est-ce que vous avez abordé la question au travail ?

  • Speaker #2

    Oui, moi, j'ai eu des conséquences quand même assez importantes parce que je travaillais en salariat au moment où les violences se sont exacerbées et en fait, je n'ai plus supporté. l'autorité un peu patriarcale qui régnait dans les deux établissements dans lesquels je travaillais. C'était très dur et en fait à travers ça je rejouais un peu la bataille que je menais à la maison pour me faire entendre. J'en avais marre d'être un paillasson au travail et à la maison et je me suis dit mais on ne mérite pas ça. Enfin je voyais mes collègues et tout ce qu'on mettait en place. Bon j'ai fini par démissionner et retourner dans le libéral parce que c'est très très compliqué de faire changer la direction avec les politiques actuelles mais ça c'est un autre sujet. Du coup, c'est vrai que je me suis dit... D'un point de vue financier, ce n'était pas possible pour moi de rester en salariat parce qu'on est très peu payé. Et je ne voulais absolument pas dépendre de lui. J'avais travaillé en libéral plus tôt et je savais que si je travaillais plus, je gagnerais plus. Parce que je me suis dit, en fait, je ne vais pas rester dans cette boucle-là. Je ne veux pas dépendre financièrement de lui. Je ne veux pas de pension alimentaire. Je ne veux rien du tout. Je ne veux absolument pas avoir de comptes à lui rendre. Donc j'ai changé aussi parce que je ne supportais plus l'autorité, vraiment ce n'était plus possible pour moi. Alors pas l'autorité de mes chefs qui était tout à fait normale, ce n'est pas que je refuse de me plier à des conditions, mais je me refusais de me plier à des choses insensées et qui n'étaient pas dans l'intérêt des patients. Et en fait ça a été une vraie bouffée d'oxygène parce que j'ai pu refaire mon travail, certainement comme je l'entendais moi, et j'ai eu des retours absolument extraordinaires des familles que j'accompagne. Elles ne peuvent pas savoir qu'elles m'ont aidée énormément parce que personne ne sait ce que je vivais chez moi. Mais ils m'écrivaient des cartes, je recevais des messages et des témoignages qui étaient extrêmement touchants par rapport au travail que je mène. Et je me disais, mais s'ils savaient ce que je suis en train de vivre dans ma vie personnelle. Et moi, ça m'a sauvée. Et je pense que jusqu'à la fin de ma vie, je dirais que mon métier m'a sauvée parce que... Ce retour des gens et cet investissement que je mets dans l'humain, mais qui ne m'était pas du tout rendue dans mon foyer avec la personne avec qui je vivais, pour moi, ça a été une bénédiction dans ce chemin-là, parce que sans ça, je ne sais pas du tout dans quel état j'aurais été. Vraiment, le travail, c'était ma bulle.

  • Speaker #0

    Pour moi, le travail, ça m'a sauvée aussi. Par contre, ça a été très, très difficile, puisque j'étais installée en libérale, en Outre-mer, avec une amie. Et comme j'ai dû quitter l'île pour m'enfuir, j'ai dû quitter ce cabinet dans lequel c'était très chouette de travailler là-bas. J'avais une patientelle qui était très sympathique et ça a été un renoncement. D'abord de quitter cette île, ça a été un renoncement, mais en plus. De quitter ce travail, vraiment, je suis partie à regret. Alors, en effet, moi aussi, le salariat, après, c'est compliqué, c'est encore compliqué. Maintenant, j'y suis parce que, aussi, j'ai la... J'ai ma fille à gérer, donc au niveau des horaires, je suis salariée, mais c'est vrai que l'autorité, c'est un problème aussi pour moi. Je pense que je suis bien dans mon travail, mais il y a toujours cette fatigue quand même qui est là. Et j'avoue que moi aussi, j'ai pris un mi-temps thérapeutique à un moment, parce que j'étais en état d'épuisement très avancé. J'ai fait un burn-out aussi, entre deux. parce que je n'avais pas du tout la capacité psychique de gérer. J'ai été cadre, enfin bref, c'était une erreur de parcours. Mais voilà, il y a des moments où quand il y a des procédures judiciaires ou des choses qui approchent, ou des visites médiatisées qui approchent, à chaque fois je me dis que je suis épuisée et que je devrais me reposer. Mais en même temps, quand je suis à mon travail, je suis en équipe, je suis bien. Et c'est ma vie, en fait, qui se remplit comme ça. Et puis, j'adore mon travail.

  • Speaker #4

    Donc, à l'époque des faits, quand j'ai quitté le père de mes enfants, j'étais encore responsable de magasin. Et pareil, en fait, c'était travailler dans une petite boutique. de fil à tricoter avec ma petite clientèle. On se connaissait par les prénoms, c'était que des habitués. Et en fait, c'était pareil, ma bouffée d'oxygène. J'étais heureuse d'aller au travail, j'étais heureuse de retrouver mon équipe, j'étais heureuse de voir mes petites clientes qui m'attendaient parfois avant l'ouverture pour que je les dépanne parce qu'elles sont en manque de plottes. C'était vraiment... Et puis, je me sentais reconnue, je me sentais vivante, voire aimée, en fait, comme j'étais, sans jouer de rôle. Et ça, ça a été salvateur pour moi, vraiment. Et même après, lorsque j'ai demandé le divorce... où on a vécu un an encore ensemble, où je devais gérer ces crises de colère, ces périodes de manipulation pour que je change d'avis. J'étais vraiment avec un personnage qui faisait volte-face. C'était des larmes et juste après, des hurlements, où j'ai cru à un moment donné que j'allais basculer dans sa folie et pouvoir juste aller travailler et être... normal, ça m'a sauvée. En fait, ça m'a sauvée psychologiquement, ça m'a permis de tenir, ça m'a permis de tenir bon pour moi, d'être encore là maintenant. En tout cas, moi, ça a vraiment été le travail qui m'a permis de tenir.

  • Speaker #3

    On voit effectivement dans votre discours la question du sens et de la valorisation au travail qui est essentielle. Et d'ailleurs je tenais à avoir une pensée pour les personnes qui ne sont pas en emploi et qui sont victimes de violences conjugales. Elles représentent 40% de l'ensemble des victimes à peu près et qui sont d'autant plus isolées. Autrement, nous avons abordé trois grands thèmes aujourd'hui et je note que vos histoires, elles se recoupent de bien des manières. Maintenant j'aimerais pour terminer vous demander à chacune un conseil simple pour aider une personne à se sortir d'un schéma de violences conjugales au regard de vos expériences chacune. Que pouvez-vous dire aux femmes et aussi aux hommes victimes qui se sont concernés et qui vous écoutent aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Alors de mon côté, je leur dis de parler, de surtout ne pas avoir honte. Un peu comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp. C'est-à-dire qu'on est victime et on met du temps à le comprendre. Mais en fait, dès qu'on commence à sentir qu'il y a des choses pas normales qui se passent, il faut oser se confier, parce que je pense que c'est en parlant qu'on se libère et qu'après on guérit et qu'on ose... On ne sera pas seul. En fait, moi, mon angoisse, c'était d'être seule. J'avais tellement entendu, tu ne pourras pas vivre seule, tu ne sais pas t'organiser seule, tu ne sais pas. J'en étais presque persuadée. C'est faux parce qu'on n'est pas seul. Moi, le jour où je l'ai quitté, j'ai tous mes amis qui sont arrivés. On m'a apporté des meubles, des télés, des fourchettes, des assiettes. Donc voilà, osez partir et entourez-vous des gens qui sont bienveillants et qui vous aiment et tout ira bien.

  • Speaker #0

    C'est un long processus parce qu'il faut apprendre à s'aimer. d'abord et à prendre soin de soi et il faut être doux avec soi-même pas trop exigeant très tendre avec soi même se faire des petits câlins régulièrement à soi même et à prendre doucement oui à s'aimer tout doucement prendre soin de soi C'est super difficile, mais c'est quand même mieux que de vivre l'enfer.

  • Speaker #1

    Et de même côté, malgré l'isolement, le soutien de vos proches, il sera là. Il faut essayer de le ressentir. Il est là, il sera là. Donc s'accrocher à ça, à ce petit ressenti, même si à cause du fait qu'on n'a pas encore parlé, par exemple, on ne sait pas et on a peur et on se dit qu'on ne l'aura pas. Se dire qu'en fait, il existe et s'y accrocher. Là, surtout si vous n'avez pas encore... parler pas encore réaliser votre proche il peut pas forcément faire grand chose mais dès que vous le solliciterait et c'est ce qui s'est passé du coup pour plusieurs d'entre nous il sera il sera là il sera même là en quantité bien au delà de ce que vous avez espéré et

  • Speaker #4

    ça faut s'y accrocher ça et ça fonctionne oui je vous rejoins tout d'exploit mais surtout surtout surtout arrêter d'avoir honte Parce que ce n'est pas de notre faute. C'est la personne violente qui doit avoir honte et vraiment oser en parler, trouver une oreille, quelle qu'elle soit. Ne pas avoir peur d'être jugée parce qu'effectivement, la parole se libère. Et on constate bien que ça touche tous les milieux. Et vraiment parler, parler. trouver quelqu'un. Et surtout, arrêter d'avoir honte.

  • Speaker #3

    Je rajoute un dernier conseil qui fait un peu la synthèse de tout cela, c'est écouter des témoignages comme ceci, et surtout la force qui en découle. Souvent, les personnes victimes ont du mal à se considérer positivement et pour autant, vos parcours nous montrent qu'il est possible de dépasser cela, même si bien sûr c'est très difficile, et de se reconstruire. D'une certaine manière, être capable de subir un tel schéma de violence, ça traduit une grande force au fond. En tout cas, merci beaucoup à toutes les cas de nous avoir partagé vos chemins de vie qui se recoupent d'ailleurs. On a vu que vous aviez vécu un schéma d'emprise, presque même si j'ose dire de dépossession de vous-même, qu'il s'était mis en place progressivement et qu'il continuait malgré la séparation, via les enfants notamment, en tant qu'outil de manipulation. Nous avons vu aussi que votre travail a été une bouffée d'oxygène et qu'il vous a aidé à vous en sortir. En tout cas, merci beaucoup pour vos témoignages et peut-être à une prochaine pour continuer cet échange.

  • Speaker #1

    Vous voulez témoigner en tant qu'experts de violence ou bien victime que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.eu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé.

  • Speaker #3

    Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

Description

4 femmes victimes de violences conjugales nous partagent leurs histoires, sous forme de groupe de parole enregistré et anonymisé. Nous voyons, à travers leurs parcours, la force incroyable qu'elles ont eue pour se sortir du schéma de violences qu'elles subissaient avec leurs enfants. Leurs chemins de vie sont différents, pourtant leurs histoires sont très semblables. Cet épisode permet notamment de prendre conscience des schémas récurrents et quasiment identiques employés par les auteurs de violences, et la façon dont on peut s'en sortir.


"Un poing c'est tout !" est un podcast créé bénévolement par Heyu, société de conseil dans le monde du travail pour contribuer à libérer la parole et accompagner les victimes de violences.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles.

  • Speaker #1

    Le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. Elle m'a dit que j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit « Courage, fuyons » .

  • Speaker #2

    Le travail, c'était une bulle, il ne m'atteignait pas.

  • Speaker #3

    Comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp.

  • Speaker #4

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Bienvenue dans ce nouvel épisode qui est assez particulier puisqu'aujourd'hui il va prendre la forme d'un groupe de parole. Nous avons donc avec nous quatre femmes, quatre femmes qui vont nous partager leur vécu de violence conjugale. Tout l'intérêt de ce groupe de paroles, il va être d'une part de voir les points en commun entre vos histoires, car on sait qu'il y a beaucoup de faits communs dans la construction du cycle de violence conjugale et de l'emprise. Et puis nous verrons aussi bien sûr les singularités, les spécificités de vos vécus, pour que nos auditeurs et auditrices puissent s'identifier plus précisément à vos histoires. Alors pour commencer, je vais laisser la parole à qui le souhaite. Qui veut prendre la parole en premier ?

  • Speaker #2

    Je vais me lancer. Je m'appelle Charlotte, j'ai 34 ans et j'ai vécu 7 ans de violence conjugale entre 2015, date de mon mariage, et 2021, l'année où j'ai réussi à fuir un mari qui était violent, d'abord psychologiquement, puis verbalement, physiquement, et puis j'ai vécu aussi des violences sexuelles et financières. J'ai eu deux enfants qui ont... 7 ans et 6 ans. J'ai réussi donc, entre autres grâce à eux, à partir avec eux et depuis, j'ai entamé un chemin de reconstruction pour aller mieux, pour réaliser et pour me reconstruire de façon générale. Par ailleurs, sinon je suis ingénieure dans l'industrie. Je travaille depuis 10 ans dans la même entreprise où je travaille toujours.

  • Speaker #4

    Je vous remercie Charlotte et je laisse aux trois autres personnes la possibilité de continuer.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Fanny, j'ai 51 ans, je suis sage-femme. J'ai vécu des violences conjugales entre 1999-2000, année de mon mariage, et de la naissance de notre premier enfant, jusqu'en 2019, année où j'ai réussi à fuir. une énorme fuite d'ailleurs, puisque c'était en Outre-mer. Donc voilà, j'ai réussi à partir avec mes deux enfants mineurs. L'enfant majeur était resté dans l'île où nous vivions. Et aujourd'hui encore, je suis encore dans un bas, puisque à nouveau, il y a une procédure judiciaire en cours pour des violences sur la petite dernière. et aussi des violences financières. J'ai vécu des violences psychologiques assez importantes, des violences physiques, des coups dans les murs, des objets lancés, des violences sexuelles avec des rapports non consentis, et des violences financières. J'ai un processus très long de reconstruction qui est encore en cours, évidemment, avec des thérapies assez importantes. avec beaucoup d'aide finalement aujourd'hui, parce que je suis accompagnée par une association, un travail sur les énergies aussi, pour essayer de pouvoir continuer de comprendre le sens d'être sur Terre aussi, parfois, ça peut m'arriver, mais voilà, je le fais aussi pour mes enfants, tout simplement.

  • Speaker #4

    Merci, et je laisse Sarah et Louise pour finir.

  • Speaker #0

    Donc moi c'est Louise, j'ai 41 ans, je suis modéliste. J'ai vécu avec mon ex-mari de 2003 à 2019. Je l'ai rencontré, j'avais 18 ans. Et assez rapidement, il m'a fait un chantage. Il me tenait beaucoup par la culpabilisation. Il me menaçait régulièrement de me quitter. Et donc, il fallait à tout prix avoir un enfant ensemble. Donc, je suis tombée enceinte très rapidement. Et les violences ont commencé pendant ma grossesse, ma première grossesse. Comme Fanny et Charlotte. Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles, principalement psychologiques, mais à une tenue assez physique, sexuellement, donc je le comprends actuellement. Toute ma vie avec lui, en fait, je n'ai subi que des viols. Et donc en 2019, la justice m'a aidée à me sauver. J'ai demandé le divorce en 2018, j'ai vécu un an en enfer avec lui. parce que je ne voulais pas quitter notre logement que je payais, et lui non plus. Et la justice l'a contraint de quitter notre logement, donc un an plus tard. Et on a enfin pu se reconstruire avec mes enfants. C'est encore en cours. C'est loin d'être fini. Mais ça prend plutôt bonne forme. Et le fait de savoir que la justice, en fait, en tout cas pour ma part, Merci. nous soutient. Ça fait du bien, on est entendus, on est compris, en fait.

  • Speaker #4

    Merci. Sarah, pour finir.

  • Speaker #3

    Moi, je m'appelle Sarah, j'ai 36 ans et j'ai une histoire qui rejoint l'histoire des dames qui ont parlé avant moi, à la différence que moi, j'ai compris que j'étais victime de violence une fois la relation terminée, une relation qui a duré 7 ans. Et je dirais qu'encore aujourd'hui, j'ai du mal à parler de violence sexuelle, violence financière, violence physique, alors que... J'ai vécu tout ça aussi et j'avais consulté une association, le CIDFF, qui m'avait dit « quand ça ne va vraiment pas, vous pouvez appeler le 3919 » . Et j'ai fait ça un soir après avoir reçu un message encore atroce. Et la dame que j'ai eue au téléphone m'a écoutée longuement et m'a dit « en fait, ce qui manque, le seul maillon qui manque dans votre raisonnement, c'est le fait de comprendre que vous êtes victime de violences conjugales » . Et je lui ai dit « ce n'est pas possible puisqu'on est séparés » . Elle m'a dit « si, si, madame, les violences conjugales, ça peut continuer » . après la séparation, ça peut durer très longtemps. Alors de mon côté, j'ai été très aidée par les associations locales. Par contre, au niveau de la justice, moi je n'ai pas forcément trouvé de réponse. J'ai même eu, je pense, un rendez-vous au commissariat qui a été assez traumatisant. Donc je pense que c'est important peut-être de libérer la parole sur ce sujet et de pouvoir parler de notre vécu pour que tout le monde puisse aussi s'identifier.

  • Speaker #4

    Eh bien tout à fait, c'est exactement ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui. Merci beaucoup à vous quatre d'avoir le courage de témoigner. C'est pas facile sur ce sujet qui est encore très tabou. J'observe déjà quelques similitudes dans vos histoires avec, je dirais en chapeau, les violences psychologiques. Et on voit qu'il y a d'autres types de violences en oeuvre, très souvent cumulées d'ailleurs. Nous allons aborder aujourd'hui trois grands thèmes. Le premier, c'est la façon dont s'est mise en place l'emprise, le système coercitif dans vos histoires. Après, nous irons sur les conséquences des violences conjugales dans votre vie et les différents retentissements pour enfin faire un point sur le rapport au travail. Vous nous direz si cela s'est perçu ou non chez vous et comment vous l'avez vécu. Mais déjà, une première question pour commencer. À qui souhaite prendre la parole, comment se sont mises en place les violences conjugales chez vous ?

  • Speaker #3

    Alors chez moi, je dirais que ça a été très insidieux. Au tout début de la relation... Moi, j'avais un tempérament que je suis certainement toujours assez anxieux. Je n'aime pas les conflits, je préfère tout arrondir. Donc, au tout début, c'est vrai qu'il était assez contrôlant, mais finalement, ça me rassurait aussi. Et puis, il y a plein de choses que j'ai laissées passer, où j'acceptais, où j'arrondissais les angles. Et puis, le jour où on a eu des enfants, ça a un peu changé parce que notre fils a eu des problèmes de santé. Et du coup, j'ai dû un peu plus m'imposer dans ma vision des choses. Et là, j'ai trouvé face à moi quelqu'un de très rigide, de très... Il ne tolérait pas du tout, en fait, que je puisse avoir mon point de vue sur la situation, que je puisse être en désaccord avec lui. Et donc, c'est devenu beaucoup plus compliqué. Et ensuite, on a eu une fille qui est arrivée un peu par surprise. Et là, à nouveau, en fait, c'était de pire en pire. J'en parlais très peu. parce que je pense que j'avais honte et je ne voulais pas du tout détruire l'image qu'on pouvait donner à l'extérieur ou inquiéter les gens. Donc je gardais beaucoup de choses pour moi et surtout je me m'auto-persuadais que c'était de ma faute. Donc je cherchais toujours à faire toutes sortes de thérapies pour aller mieux, pour que ça se passe bien à la maison, pour que jusqu'au jour où, avec l'arrivée de ma fille, j'ai compris que ce n'était peut-être pas moi le problème.

  • Speaker #2

    Le mot insidieux, il est parfait pour décrire la mise en place aussi de l'emprise que j'ai vécue. De mon côté, ça a commencé un peu comme un conte de fées, avec un bon coup de foudre. J'ai été très éblouie par sa droiture, sa beauté. Il était médecin, il avait le sens de la famille, le sens du travail. Lui, par ailleurs, savait me dire exactement les compliments. Il me choisissait, ça me valorisait beaucoup. j'étais J'ai été conquise en fait très vite. Et c'est qu'après notre mariage qu'en fait, petit à petit, il y a eu des moments, par exemple, de colère. Là aussi, c'est insidieux parce que la première, ça va. On se dit que nous, on ne fonctionne pas comme ça, mais que lui, il est un peu plus sans bien. Et puis finalement, ça fait peur, ça fait peur à tel point qu'on se soumet. Et que finalement, moi, c'était plus... Si vous voulez, si je rangeais un torchon dans la cuisine, ce n'était plus pour que la cuisine soit rangée, ou pour moi, c'était pour éviter que ça se transforme en un grain de sable qui entraîne une colère de son côté. Et après, petit à petit, les colères se sont accompagnées aussi de culpabilisation, il soufflait le chaud et le froid. Un jour, j'étais très très belle, le lendemain, très très laide. Et ça rejoint aussi ce que disait Sarah, c'est que tout était de ma faute. à la première violence physique, entre guillemets, c'était trop tard. C'est-à-dire que mon cerveau s'est déconnecté, s'est dissocié. Et je n'ai pas accepté de voir que c'était de la violence physique. Ça a enclenché un système de cycle avec des périodes de lune de miel qui étaient longues, entre guillemets, de trois mois, où tout se passait bien, tout était merveilleux. On formait un très beau couple et à la maison, ponctuellement, de façon incontrôlable, des violences. psychologique reprenait, verbale, physique.

  • Speaker #4

    Est-ce que vous aussi, Louise et Fanny, les violences se sont installées de façon progressive et insidieuse ?

  • Speaker #0

    Il a commencé d'abord à m'isoler. Avant tout, en fait, il a commencé petit à petit à critiquer chacune des personnes de mon entourage qui étaient importantes, puis à tenir des propos, alors je pense maintenant, avec le recul qui était sans doute parfois faux, pour que je sois en conflit, en fait. Et petit à petit, je me suis isolée de tout le monde. J'étais vraiment seule de mes amis. Je me suis isolée de la plupart des membres de ma famille aussi. Moi, j'habitais en Belgique, j'ai quitté mon pays. En fait, souvent, il me répétait que j'étais seule, que je n'avais que lui. Alors moi, ces propos, c'était parce que j'étais quelqu'un de déguestable. Il n'y avait que lui qui était capable de m'aimer. Et ensuite, la seconde phrase que j'ai entendue très régulièrement, c'est « c'est pas moi, c'est toi » . Ça, c'était son cadeau. Donc, je me suis transformée, adaptée pour lui convenir, pour être comme lui voulait que je sois. Je ne savais plus comment être, en fait. C'est comme ça que l'emprise a pris place.

  • Speaker #1

    C'est exactement la même chose pour moi. Le fait que ce soit insidieux, tout simplement. Évidemment, je suis tombée sous le charme immédiatement, j'ai tout plaqué. J'avais 24 ans, j'étais encore étudiante et il m'a emmenée dans un rêve extraordinaire. Je n'avais jamais voyagé, là il m'emmenait dans des voyages extraordinaires, j'ai été éblouie comme Charlotte. par sa profession aussi, de par sa profession, il était médecin, que voilà, j'étais complètement sous le charme. Et peu à peu, en fait, la violence, des colères en fait, qui sont apparues, des tentatives d'intimidation aussi pas mal, avec un isolement qui s'est produit peu à peu. On a même fini ensemble par partir de l'autre côté du monde. Évidemment, ça s'est accentué, il m'a isolée de ma famille. Il disait des choses intolérables sur ma famille, sur mes amis. J'ai laissé tous mes amis qui, d'ailleurs, à 25 ans, c'était mes amis étudiants qui, un jour, m'avaient dit « mais tu vis dans un placard » . Donc, il y a eu quand même des phrases qui ont résonné des années après. Et peu à peu, c'est monté, c'est monté, pareil, des violences psychologiques très, très, très importantes qui, à chaque fois que j'étais enceinte, il allait… dragué des femmes, il m'a trompé pendant mes grossesses. La vraie emprise, je pense, vraiment d'une puissance absolue, c'était le... Un adultère en fait, au bout de, allez on va dire dix ans de vie commune, un adultère avec une de mes amies. Et là en fait, il a inversé le processus complètement et je suis devenue totalement soumise à lui, en fait à me dire que c'était de ma faute s'il m'avait trompé. Et du coup là, il m'a même donné des médicaments pour que je dorme, enfin bref, c'était terrible. Et surtout cette sensation de devenir folle, je ne savais plus qui j'étais, j'étais dans le brouillard.

  • Speaker #4

    C'est d'ailleurs un mot brouillard qui ressort très souvent dans les témoignages. Merci Fanny. Est-ce que vous avez vécu, mesdames, ces manipulations permanentes et ce sentiment de ne plus être vous-même ?

  • Speaker #3

    Oui, parce qu'en fait, il y a un jour où ça se passe bien. C'est-à-dire que tout va bien, la personne va bien le matin. Donc, c'est des journées extraordinaires. Du coup, nous, on est rassurés. Enfin, moi, pour ma part, j'étais complètement rassurée. Je me disais, voilà, ça y est, c'est fini, on a passé un cap. Maintenant, tout va bien se passer. J'y croyais dur comme fer. J'étais repartie contente. Je retrouvais toute mon énergie. J'avais cette force-là de toujours rebondir et aller bien. Et puis en fait, soit histoire de rien du tout, d'un seul coup, c'était la tempête. Et du coup, c'est un sentiment constant de peur. On ne sait pas comment ça va se passer. C'est ça qui est absolument terrible. C'est que rien n'est prévisible. Tout est incontrôlable. Et ça, c'est... absolument atroce à vivre et c'est complètement destructeur parce qu'on est persuadé que c'est nous qui sommes folles et qu'on déclenche chez la personne des comportements improbables. C'est ça qui est atroce.

  • Speaker #4

    D'ailleurs Charlotte nous disait tout à l'heure que son ex-compagnon soufflait sans cesse le chaud et le froid et ça ressort beaucoup dans vos témoignages. Est-ce que cela vous parle aussi aux autres ?

  • Speaker #1

    Oui, moi par exemple pendant mes grossesses il me disait Vous avez les... Les femmes enceintes l'aident. Et à côté de ça, il me disait, ouais, mais t'es une épouse formidable. Ou sans toi, je suis rien. Faut jamais que tu meurs, parce que sinon, je vais pas y arriver avec les enfants. Voilà, des choses vraiment qui nous mettent dans un climat d'incertitude permanente, avec une adaptation, une suradaptation qui nous épuise, évidemment. Pour protéger nos enfants, évidemment, aussi. Et de lui aussi, moi j'essayais de comprendre pourquoi il réagissait comme ça. Tout simplement, je me disais que j'allais le soigner.

  • Speaker #4

    Oui, j'imagine que tout cela rend difficile la prise de conscience de votre situation, d'autant plus que vous avez évoqué l'isolement qui se met en place. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous ont bloqué dans la conscientisation du phénomène ?

  • Speaker #0

    Pour ma part, je me qualifiais de robot. Mais c'était vraiment ce que j'étais devenue en fait. J'étais en pilote automatique. Je savais qu'il fallait que je tienne pour les enfants, mais je n'éprouvais plus rien, en fait, à part la peur. Et moi, je tenais grâce au travail, parce que, contrairement à vos mesdames, ils vivaient à mes crochets. Les violences financières, c'est en fait, ils dépensaient l'argent que je ramenais à la maison. Donc, il fallait que je travaille. J'ai travaillé pendant mes grossesses jusqu'au bout. Et c'était vraiment, moi, c'était ma bouffée d'oxygène. Mais à côté de ça, moi, il me tenait, par exemple, sur mes temps de trajet. Le soir, il chronométrait mon temps. Ce n'était pas normal qu'il y ait des bouchons. Bon, petit à petit, il a fait installer un traceur sur ma voiture. Donc, ça a été plus simple aussi de contrôler mes déplacements. Mais voilà, j'étais vraiment en pilote automatique, en fait.

  • Speaker #2

    Il y a une chose que j'ai entendue chez Fanny, qui a résonné en moi, c'est… La notion de culpabilité, parce que là aussi, dans mon histoire, parfois dans ces moments un peu de lucidité, j'ai réussi à lui dire que ce n'était pas normal ce qu'on vivait, sans mettre le mot de violence. Lui me faisait croire que grâce à moi, il allait mieux. Mais que grâce à mon amour, grâce à ma tendresse, il allait mieux. Ça appuyait sur le bouton sauveur. Moi, je parle un peu de dissociation, mais je suis sûre d'avoir vécu ça. qui est que... que depuis la première violence physique en 2016, mon cerveau était incapable de réaliser que j'avais vécu des violences physiques. Et j'ai dans la tête encore, enfin encore, j'avais à l'époque une marmite, si vous voulez, une marmite noire. Je savais qu'il y avait les violences physiques à l'intérieur, mais j'étais assise sur le couvercle et incapable de réaliser qu'il y avait cette marmite et encore moins capable évidemment de l'ouvrir pour comprendre que c'était des violences.

  • Speaker #4

    Merci Charlotte, d'autant plus que vous nous amenez sur la question des conséquences physiques et psychiques. Alors, quelles ont été ces conséquences chez vous ?

  • Speaker #2

    parce qu'une perte totale d'estime de soi. Enfin, j'étais rien. J'étais l'ombre de quelqu'un. J'étais dans le brouillard, pour reprendre encore un mot utilisé. Je ne savais plus complètement. Je ne savais plus ce que j'aimais, ce que je n'aimais pas. Qui j'étais ? Enfin, qui est-ce qui me définissait ?

  • Speaker #3

    Moi, c'était un peu la même chose. Et physiquement, j'ai une amie qui m'a dit un jour « C'est bizarre, Sarah, parce que tu aimes toujours mettre… Enfin, tu as toujours aimé mettre des bijoux qui brillent. Tu t'habillais toujours bien. je sais pas là maintenant tu mets que des trucs tu ne mets plus trop de bijoux, tu n'es pas comme avant. Et lui, il me disait des choses qui étaient très, très dures. Il me disait, tu vois, c'est fou quand je regarde des photos de toi avant, tu étais belle. Enfin, on voyait, je ne sais pas, là maintenant, tu n'es plus pareil, même sur les photos et tout. Tu es moins belle, tu es moins rayonnante. Il y a un truc qui a changé. Je me disais, bah oui, c'est vrai, mais toujours complètement sous l'emprise des violences et toujours pas consciente de ce que je vivais. Je me disais, bah oui, qu'est-ce qui m'arrive ? Après, il était dans un des principes aussi très écologiques et j'ai développé une espèce d'éco-anxiété énorme. Je m'habillais plus qu'en seconde main, je ne laissais plus un grain de riz dans la casserole parce que je me disais que pour les gens qui étaient dans les rizières, c'était atroce. Enfin, je me faisais un monde de l'écologie qui était devenu complètement anxiogène. Et du coup, forcément, j'avais aussi des habitudes de vie qui faisaient que j'étais complètement minimaliste. Et puis, les gens qui me connaissaient, donc cette amie et puis aussi ma nourrice, Un jour, ma vie, celle que j'avais quand j'étais petite et avec qui on est resté très en contact, elle m'a dit « mais qu'est-ce que t'as ça ? Je te retrouve pas du tout, tu ris plus comme avant, j'ai toujours aimé rire, faire des spectacles, faire rire les gens. » Et là, j'avais plus ça en fait, j'étais épuisée.

  • Speaker #1

    Alors moi, tous vos discours évidemment résonnent de façon assez violente. J'ai entendu tout à l'heure une histoire de chronomètre. Moi aussi, j'ai vécu le chrono. Quand ils gardaient les enfants, en fait, quand je travaillais, parce qu'ils voulaient absolument que j'arrête mon travail. Et moi, j'ai maintenu, maintenu, maintenu mon travail le plus possible. Mais quand même, j'avais la pression. Je devais rentrer le plus vite possible pour garder les enfants, m'occuper des enfants, parce qu'ils ne supportaient pas de s'occuper des enfants. Et une fois, j'étais rentrée, ils m'avaient dit, ça va, j'ai gardé la petite 2h51. Je pense que c'est bon. Enfin, bref, tout ça, ça résonne. Et pour les conséquences sur ma santé, en fait... Tout pendant que j'étais avec lui, j'avais des coliques néphritiques qui ont démarré. Et ça, ça a été assez violent. Et dès que je l'ai quitté, je n'ai plus du tout, du tout eu ce genre de symptômes. Au niveau de ma santé physique, j'étais lessivée, vidée, morte à l'intérieur de moi. Je me regardais dans la glace, évidemment. J'étais l'ombre de moi-même. En plus, comme il me disait assez régulièrement. que j'étais belle et le lendemain, elle me disait que j'étais moche puisque je ressemblais à ma mère et que ma mère était moche. Enfin bref, c'était ça devant les enfants, évidemment. Au niveau de ma santé mentale, évidemment, alors là, ça a été terrible à remonter. Je suis rentrée en France, puisque quand je l'ai quittée, je suis rentrée en France. Je ne savais même plus m'habiller, je ne savais plus prendre soin de moi, je ne savais, je dormais. J'étais... On va dire, je pense, une serpillière. Je ne sais pas. J'avais complètement perdu toute mon identité. Et peu à peu, c'est remonté. Mais j'ai toujours des traces du stress post-traumatique important que j'ai vécu. C'est-à-dire que je supporte difficilement la surcharge mentale. Donc, j'ai appris à le gérer. Je sais que je dois me protéger de ça. Et cette peur qui est quand même restée, parce que j'ai eu vraiment très, très, très peur, puisque j'ai eu pas mal de menaces de mort. Cette peur est inscrite corporellement, donc j'essaye de trouver un moyen de l'évacuer. Là, par exemple, actuellement, il voit encore ma fille en visite médiatisée. Et à chaque fois, quand je pense à la visite, j'ai peur au niveau corporel. Et ça, je pense que c'est très, très, très important d'écouter son corps.

  • Speaker #4

    Et Louise, justement, vous nous disiez tout à l'heure que vous aviez le sentiment d'être un robot. Chez vous, quelles ont été les conséquences physiques et psychiques ?

  • Speaker #0

    Je réfléchissais même plus, en fait, je subissais. Et en fait, je faisais juste en sorte que la vie continue, que la maison tourne, que les enfants soient correctement habillés. Surtout pas que ça se remarque. Donc, à l'époque, moi, j'étais responsable de magasin en plus. Donc, il ne fallait pas que ça se voit. Donc, je m'apprêtais vraiment énormément, justement. Je me maquillais beaucoup. Et ça ne plaisait pas à monsieur, du coup. Donc forcément, ça exacerbait. Lui, ça jalousie ma maladie. Et quand je suis sortie de cette relation, j'ai eu une période un peu euphorique. Libérée, j'ai été libérée, je pouvais faire ce que je voulais, sortir quand je veux avec mes enfants, ne pas rendre de compte. Ça a été libérateur pendant tout un temps où on a fait plein d'activités, il fallait vraiment tout le temps s'occuper. Avec le recul maintenant, je sais que c'est juste que j'avais peur d'être inactive et de repenser à pas mal de choses. J'étais vraiment dans l'évitement complet. Et ensuite, je suis retombée dans une forme d'emprise via les enfants. Monsieur décidait quand il avait envie de prendre les enfants. Il ne respectait pas le jugement et du coup, je subissais, je vivais de nouveau. À travers lui, à ce moment-là, je me suis de nouveau retrouvée dans un état d'hypervigilance, à ne pas savoir s'il allait être dans les environs, si j'allais tomber sur lui. Il apparaissait n'importe quand, quand il voulait. Et du coup, je me suis retrouvée dans un état de fatigue physique, psychologique. J'ai perdu 15 kilos comme ça en quelques semaines. Ça a été très, très compliqué. physiquement et psychologiquement, même après.

  • Speaker #3

    Moi, je rebondis sur ce que dit Louise parce que j'ai vécu exactement la même chose cette période d'euphorie. J'ai fait les magasins, je me suis acheté plein d'habits, je suis allée à McDo parce que c'était interdit. J'étais trop contente, vraiment. Je me suis dit, ça y est, j'ai retrouvé ma liberté pour toujours. J'étais hyper fière d'avoir réussi à partir. Et puis, j'ai eu l'effet boomerang exactement comme Louise, c'est-à-dire que très rapidement, Il m'a fait comprendre que non, ça n'allait pas se passer comme ça, que ma liberté, elle allait être conditionnelle, et que même si on était séparés, qu'on habitait chacun dans nos maisons, il était toujours là derrière et que je n'étais absolument pas libre. Et du coup, c'est très compliqué parce qu'on est dans une cage avec une porte semi-ouverte, mais il continue de la fermer quand il a envie. Et moi aussi, j'ai perdu énormément de poids, j'ai perdu des cheveux, je suis allée chez le médecin en disant « j'ai quelque chose de grave là » . Et en fait, elle a fait plein d'examens. Fort heureusement, je n'avais rien de grave. Mais elle m'a dit, vous êtes dans un état d'épuisement extrême. Qu'est-ce qui se passe ? Et donc, je lui ai raconté ma vie. Et du coup, j'ai compris au fur et à mesure des mois, des semaines et des jours que c'était moi qui allais devoir me défendre et que juste partir, ça n'allait pas être suffisant. Et un jour, mon père m'a dit, je crois qu'il va falloir qu'après, il va montrer les crocs parce que j'ai toujours été très gentille. et je m'imagine que tout le monde est beau, tout le monde est gentil, ce n'est pas du tout le cas. Et du coup, le point positif que moi, je tire de toute cette situation, c'est que ça m'a appris à me défendre, ça m'a appris à poser des limites, ça m'a appris à sortir une force que j'ai en moi, mais que je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai jamais osé exprimer. Et là, ça fait des mois que je suis obligée de me battre et dans un sens, ça me renforce parce que je le fais aussi pour mes enfants et ça rejoint ce que disent les dames aussi qui parlent et qui témoignent aujourd'hui. que nos enfants nous donnent une force terrible, c'est eux qui commencent à nous dire… « Maman, pourquoi tes yeux sont tristes quand on est encore dans le foyer ? » « Papa, pourquoi tu grandes maman ? » C'était des paroles où je me disais « Mais ce n'est pas possible, je ne veux pas élever mes enfants dans un contexte pareil. » Donc voilà, ça m'a donné une puissance et une force qui étaient en moi, mais qui ne s'étaient jamais révélées. Donc c'est difficile, mais il y a aussi moyen de trouver ce chemin en nous.

  • Speaker #4

    Oui, les enfants sont effectivement souvent un déclic. Y a-t-il eu des conséquences sur leur santé, des retentissements sur leur vie du fait des violences ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi, je prends la parole. Oui, moi, j'ai eu des conséquences énormes, puisque mon fils aîné, il a absorbé beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de violences de la part de son père. Et d'ailleurs, il a toujours des traces, évidemment, au niveau d'une dépendance affective. Enfin bref, c'est compliqué, mais il s'en sort, il est très courageux. Le deuxième enfant a beaucoup absorbé aussi, puisqu'il a été protecteur de sa petite sœur. avec des scènes improbables à la maison où il prenait la petite dans ses bras, il l'emmenait dans la chambre quand ça explosait à la maison. Et aujourd'hui, il s'en sort, il est très courageux, mais il a gardé une trace et une colère assez profonde en lui, même s'il ne parle pas beaucoup, mais on sent qu'il y a un potentiel de colère. Et la petite, elle est encore malheureusement dans une...

  • Speaker #0

    une manipulation avec son père, avec des visites médiatisées qui ont pris place. Et elle, par contre, elle a un sacré caractère et une énergie incroyable. Le gros déclic, ça a été qu'il a lancé un objet dans une pièce et j'avais la petite dans les bras. Et du coup, je me suis pris l'objet dans la figure. Et ce jour-là, je me suis dit que ce n'était plus possible. Je me suis cachée dans la chambre avec elle. Mais voilà, nos enfants ont des séquelles. Ils sont co-victimes de tout ça. Et ça, je pense que ce n'est pas encore assez. assez... ils sont pas encore assez considérés.

  • Speaker #1

    De mon côté je revendique sur ce que tu dis Samy, les séquelles sont là, les violences psychologiques, il les subissait par la tension qui s'installait et dont on apprenait au début. La tension qui systématiquement s'installait dès lors que moi je ressentais que là il n'était pas de bonne humeur et que ça allait mal se passer. Il le subissait aussi quand mon ex-mari nous quittait au milieu d'une balade. m'engueuler également, etc.

  • Speaker #2

    Alors moi, je rejoins ce qui a déjà été dit. Et de mon côté, les conséquences ont été terribles parce que l'année dernière, leur père a téléphoné au 119 pour tenter de me faire passer pour une mère irresponsable qui ne savait pas s'occuper de ses enfants. Et j'ai su des mois plus tard que c'était lui. Il m'a accusée de plein de choses, d'inceste. Enfin, c'est passé vraiment par tous les stades. Et les enfants ont été confrontés à énormément de rendez-vous. Donc à la maison, dans les services sociaux, via des psychologues. Et un jour, ils m'ont dit, on en a marre de rencontrer des dames, on ne veut plus. Mon fils m'a dit, moi je veux aller à mes entraînements de foot, je ne veux pas aller chez la psychologue, je ne veux pas. Et donc tout ça, ça a été compliqué. Après, comme on dit là, dans le parcours actuel, c'est que je ne peux pas parler de violences, puisque les violences ne sont pas identifiées par la justice juridiquement parlant. J'ai posé une plainte qui a été classée sans suite. Et le policier que j'ai vu plusieurs fois, dans des entretiens absolument atroces, m'a dit « en fait, je ne sais même pas pourquoi vous êtes là, je ne sais pas ce que vous faites là, ici c'est le pénal madame, c'est la police, on n'est pas là pour gérer les conflits de cours de récréation, qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur, il est comme ça, vous avez des problèmes pour vous parler, c'est difficile, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, on ne va pas le changer ? » Et il me disait « je ne sais pas moi, régler les conflits avec monsieur » . Je lui dis « mais moi je ne fais pas de conflits » . Et du coup, on ne peut pas parler de violence parce qu'elles ne sont pas identifiées par la justice. dans le parcours actuel avec toutes ces histoires du 119, j'ai l'impression que tout le monde me comprend, tout le monde voit bien ce que je subis, tout le monde... Mais personne ne peut rien faire à leur niveau, au niveau de la justice, et ben ils ne peuvent pas le faire non plus. Et je rejoins ce que disait tout à l'heure Fanny, c'est-à-dire que il y a un impact sur les enfants qui est absolument considérable et qu'on en parle très très peu aujourd'hui, et qu'il faut qu'on agisse parce que c'est la société de demain et qu'ils ont besoin aussi d'être accompagnés dans toutes ces violences intrafamiliales.

  • Speaker #3

    C'est intéressant, comme vous le faites, de faire la différence entre la violence conjugale et le conflit de couple. En fait, ce qui va distinguer ces deux notions, c'est le fait que dans un conflit de couple, on aura la possibilité de répondre sur un plan égalitaire, et la violence, elle va être liée à une situation précise. Tandis que dans les violences conjugales, l'auteur, lui, va chercher à dominer la personne dans sa globalité de façon complètement unilatérale. Est-ce que, pour continuer sur la question des enfants, vous souhaitez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #4

    Pour moi, mes enfants, ils sont encore pris en charge aussi... psychologiquement. Il arrive à faire la part des choses, je pense. Mais il a une hypersensibilité vraiment exacerbée. Il a une peur du conflit. Et puis quand il me parle, en fait, il a encore une voix d'enfant. Il n'est pas encore... C'est comme si avec moi il n'arrivait pas à grandir. Alors qu'avec d'autres, je l'entends et je vois qu'il est bien et ça me rassure en fait. Mais avec moi, c'est encore un enfant apeuré. Pour mes deux plus jeunes, ils ont connu avec moi les violences conjugales, mais ils les ont vécues avec leur belle-mère. Ils ont vu certaines choses, enfin une scène qui a été le déclic d'ailleurs pour moi, pour porter plainte. Et donc mon deuxième garçon a développé une phobie des couteaux. On doit le prévenir. Si je veux couper un légume, je le préviens, je sors le couteau. Il faut qu'il soit à distance, raisonnable. Il y a vraiment cette crainte. Et pour ma fille, elle garde en tête ce que son père lui a répété les rares fois où il la voyait, qui était « n'écoute pas ta mère » . Donc on est en conflit permanent. Elle m'en a parlé, c'est bien le post-démo. Mais voilà, ce que moi je dis, peu importe quoi, elle ne va jamais me croire de suite. Pour nous, les choses sont différentes parce que les enfants ne voient plus leur père depuis maintenant deux ans. Donc quand je disais, moi j'ai vraiment été écoutée par la justice, quand j'ai appris qu'il y avait encore de la violence au sein du couple que formait mon ex-mari et sa concubine, j'ai fait une demande auprès du juge. aux affaires familiales, demandant le retrait de droits de visite que j'ai obtenu par la suite. J'ai porté plainte pour mes violences. Et la chance que j'ai eue, c'est que la belle-mère des enfants a porté plainte également pour les violences qu'elle a subies peu de temps après, parce qu'en fait, je pense que, c'est ce qu'elle me dit, on est encore en contact, elle a compris qu'elle n'était pas toute seule. Et là, en fait, à l'heure actuelle, leur papa est en sursis probatoire. Donc plus de droits de visite, plus d'autorité parentale. Et ça nous permet d'avancer plus sereinement. Et également parce qu'en fait, c'est compliqué pour les enfants. Parce que, et je leur dis, ils ont le droit. En fait, ils ont ce conflit de loyauté. Ils ne savent plus trop comment se positionner. Est-ce qu'on a le droit d'aimer notre papa avec tout ce qu'il a fait ? Et effectivement, moi, je leur dis que oui. Oui, c'est leur père. Mais que leur père est puni, il a fait quelque chose de mal, il a refait quelque chose de mal et les conséquences sont là.

  • Speaker #3

    Oui, au moins de cette manière, les choses sont posées clairement pour eux. D'ailleurs, vous avez été plusieurs à aborder la question du déclic. Pour vous, quel a été le déclic qui vous a aidé à vous en sortir ?

  • Speaker #4

    Il a levé la main sur mon fils aîné. Et il n'aurait pas dû. Une semaine après, j'étais... auprès de mon avocate pour demander le divorce.

  • Speaker #2

    Moi, le déclic, ça a été, on est partis en vacances en famille dans un contexte déjà très, très compliqué. Les grossesses ont été très compliquées. La grossesse de ma fille a été atroce. Il me faisait des chantageaux suicides, qu'il allait partir, qu'on ne pouvait pas rester avec moi, que j'étais folle, que je lui mettais trop de pression. Enfin, bon, toujours des détails, mais dans les jours noirs et sombres, c'était toujours comme ça. Et on est partis en vacances en famille. Les enfants, dès le matin, ils fonçaient dans le mobilum de mes parents, c'est-à-dire qu'ils se réveillaient et on ne les voyait plus de la journée, parce que dans le mobilum de mes parents, c'était une super ambiance, et dans le nôtre, c'était absolument atroce. Et puis un jour, un matin, j'arrive moi aussi, et je m'assois à côté de mon père, j'ai toujours été très proche de mon père, et il m'a dit « est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et j'ai dit « de quoi tu parles ? » Il me dit « Sarah, fais pas semblant, est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et donc je lui ai dit « oui » . Et il m'a dit « ok » . Mon père a été marié avant de rencontrer ma mère et a vécu des choses très difficiles avec son ex-femme. Il m'a dit que ça me rappelait des mauvais souvenirs. J'ai dit comment on fait pour s'en sortir ? Il m'a dit qu'il fallait partir, qu'il n'y avait pas d'autre choix, qu'il fallait en aller. Il a un problème et il ne changera jamais. J'ai dit d'accord, mais mes enfants sont tout petits. Il m'a dit que je n'avais pas le choix.

  • Speaker #0

    Les déclics, pour moi, il y en a eu plusieurs aussi. Déjà, j'ai retrouvé un pistolet caché à la maison. Ça a été assez... percutant pour moi et il m'a dit qu'il avait peur qu'il voulait se protéger fin c'était c'était pas possible de jeu là je me suis dit il ya quelque chose qui cloche et les violences qui étaient de plus en plus de plus en plus de plus en plus forte dont une fois dans une dans la voiture où il avait tapé dans la voiture et il m'avait regardé dans les yeux j'étais derrière avec la petite qui était bébé je la laitais on roulait pas enfin bref il m'avait hurlé dessus en disant tout ça c'est de ta faute bon Et puis, une soirée aussi où on avait passé un moment ensemble. On était dans un hôtel. Enfin, c'était un peu glauque. Et là, on avait eu un rapport sexuel. Et la soirée avait été perverse, en fait. Et je m'étais écoeurée de moi-même. Ça, c'était un énorme déclic. Et puis, la dernière, vraiment le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. qui m'a accueillie chez elle. Et je lui ai dit, écoute, je pense que je suis en train de subir des violences. Et elle m'a dit, oui, tout à fait. Comme on vivait dans une petite île. Elle m'a dit, j'ai rarement, elle le connaissait, elle m'a dit, j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Donc je vais t'aider, parce que sinon tu vas mourir. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit, courage, fluyant. Et là, il y a eu le déroulé de toute ma vie, un espèce de ticket de caisse qui est sorti, plong, vraiment, où j'ai compris. qu'en fait, il était complètement fou. Et ça a été le déclic. Le grand, grand déclic, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en fait, il y en a eu plusieurs. Il y a eu les violences physiques devant mes enfants, ce qui me concerne aussi. Et en fait, grâce à ces deux éléments-là, un soir, après une violence physique, au lieu de pleurer, je suis allée sur Internet. Et pour la première fois, parce que dans ma tête, je n'étais absolument pas une femme battue. Pour moi, une femme battue, c'était un œil au beurre noir donné par un mari qui a bu dans un milieu populaire. Et je sais que ce n'est pas du tout ça aujourd'hui, mais malheureusement, à l'époque, c'est l'image que j'en avais. Et là, pour une fois sur Internet, j'ai dû cliquer « violence femme » , quelque chose comme ça. Mais je sais que je suis tombée sur ma vie qui avait été écrite par quelqu'un d'autre. Donc là, je ne comprenais pas, mais tout était là. Donc, ce dont on a parlé au début, toute la mise en place de l'emprise. les reproches, l'isolement que j'avais vécu aussi, la culpabilisation, le chaud et le froid, etc. Le problème de cet article, c'est que la solution, la seule, il faut partir. Et là, le problème, c'est que je fais que mon cerveau a bugué aussi, parce que je refusais cette solution, c'était pas possible de partir. J'étais aussi dans un milieu catholique pour lequel le divorce, il n'est pas tout à fait courant. De fait, l'Église catholique, ça c'est après que j'ai découvert ça. nous donne le devoir de partir dans les cas de violences conjugales. Mais à l'époque, je ne trouvais rien sur Internet à ce sujet-là et c'était plutôt un frein plutôt qu'une aide pour partir. Donc voilà, toujours est-il qu'à la fin de cet article sur Internet, il y avait écrit de partir. Il y avait heureusement une espèce d'exercice qu'ils conseillaient de faire et c'était en fait une prise de recul. Ils appelaient ça un peu le théâtre. Ils conseillaient de faire semblant d'être au théâtre, de se dire qu'on était au théâtre. Et donc pendant deux semaines j'ai fait ça, c'est-à-dire qu'au travail j'étais dans ma bulle et tout allait bien. Sur le chemin du retour, tu es au théâtre, tu regardes ce qui se passe. Et là, ce qui se passait c'est quand je l'attendais, quand il rentrait du travail, je me disais « Ah tiens, comment va être l'acteur ? Est-ce qu'il va être de bonne humeur ou de mauvaise humeur ? Comment il va être ? » Et moi pendant ce temps-là, je sais que j'arrivais à avoir des pensées qui étaient les miennes, qui n'étaient pas dépendantes de son humeur, qui étaient... Est-ce que j'ai passé une bonne journée au travail ? Chose que je ne me demandais plus. Comment allait être ma journée de demain ? Est-ce que mes enfants allaient bien ? C'était des choses qui étaient à moi grâce au fait que j'avais cette prise de recul. Et le seul problème de l'exercice, c'est qu'avoir une relation sexuelle, là, ce n'était plus possible. Puisque si j'en avais, je n'étais plus au théâtre. J'étais sur scène. si vous voulez donc je Je refusais d'avoir des relations sexuelles, j'ai refusé pendant deux semaines, ce qui est énorme. En revanche, au bout de deux semaines, il m'a forcé et puis il est parti dans une colère paroussime qui a entraîné encore une violence physique. Mais pour une fois, j'avais compris un peu le mécanisme et c'est pour ça, entre autres, grâce à ce troisième déclic que j'ai réussi à partir en vacances chez mes parents sans mon ex-mari, avec seulement mes deux enfants. Et que là, au bout de trois jours, j'ai réussi à dire à ma mère les violences que je subissais. Et là, alors ce n'était pas un ticket de caisse, moi c'est un barrage, c'est l'image que j'ai. C'est tout, tout, tout, tout est sorti. C'était la première fois. Et toute ma vie, j'ai pu raconter tout ce que je vivais pour la première fois et mettre des paroles dessus. Je changeais tout puisque je réalisais en disant les choses. que ce que j'avais vécu n'était absolument pas normal. Et après ça, je ne suis pas revenue. Et puis, avocat, tout s'en est suivi ensuite.

  • Speaker #3

    Et vous citez le travail comme une bulle, comme une parenthèse. Déjà, dans quelle mesure ça l'a été ? Et quelles ont été les conséquences sur votre activité professionnelle ?

  • Speaker #1

    Le travail, c'était une bulle. Il ne m'atteignait pas. Alors, il m'atteignait dans la mesure quand même où... Oui, il fallait que je sois à la maison pour m'occuper des enfants en permanence, mais non, il fallait que je travaille, travaille très bien, que j'ai une carrière incroyable pour gagner beaucoup d'argent. Donc, je pense que lui-même était bloqué entre ces deux injonctions contradictoires, mais il me les faisait vivre et c'était abominable parce qu'il fallait que j'ai une carrière incroyable. Et en même temps, je ne pouvais pas, puisqu'il fallait que je parte pour m'occuper de mes enfants en permanence. De fait, c'était quand même... Un endroit où d'ailleurs mes collègues ne savaient pas, je donnais beaucoup de change, mais c'était un endroit où j'avais le droit d'être moi-même, donc je continuais à l'être, et c'était une chance finalement, si je devais arrêter de travailler, ça aurait été encore plus dur. D'une part j'ai changé, j'ai eu beaucoup de changements dans ma vie, donc l'employeur perçoit parfois les conséquences de tropage d'hommes basques. Et puis, par ailleurs, j'ai des conséquences psychologiques qui se voyaient un minimum. C'est-à-dire quand on pleure, quand on a des couches par la nuit, quand on a peur. C'est des choses... Moi, je n'ai pas réussi en permanence à... Parce que ça ne se voit pas au travail. J'ai trouvé que... J'avais plutôt un bon cadre. Les gens étaient compréhensifs. Mais en fait, il y avait plutôt une ignorance. Donc, j'ai raconté mon histoire, que ce soit à l'ARH, à l'assistante sociale au travail. à mon manager, à mon manager direct, mais aussi à mon manager au-dessus, parce qu'en fait, quand on n'a pas vécu ça, c'est quand même pas facile d'expliquer, si je me mets à la place de mon manager direct, je peux aller vite dessus, mais les arrêts de travail, j'en ai eu énormément, des périodes d'arrêts de travail de trois, quatre mois, ou des périodes de temps partiel thérapeutique, qui là aussi n'est pas tout à fait connu comme mécanisme, pas tout à fait compris. qui sont de bonnes choses, mais qui sont assez inconnues, donc pour lesquelles il faut en permanence communiquer et expliquer. Enfin, c'est mon expérience, en tout cas.

  • Speaker #3

    Et vous, Sarah et Louise, est-ce que vous avez eu des conséquences dans votre activité professionnelle ? Est-ce que vous avez abordé la question au travail ?

  • Speaker #2

    Oui, moi, j'ai eu des conséquences quand même assez importantes parce que je travaillais en salariat au moment où les violences se sont exacerbées et en fait, je n'ai plus supporté. l'autorité un peu patriarcale qui régnait dans les deux établissements dans lesquels je travaillais. C'était très dur et en fait à travers ça je rejouais un peu la bataille que je menais à la maison pour me faire entendre. J'en avais marre d'être un paillasson au travail et à la maison et je me suis dit mais on ne mérite pas ça. Enfin je voyais mes collègues et tout ce qu'on mettait en place. Bon j'ai fini par démissionner et retourner dans le libéral parce que c'est très très compliqué de faire changer la direction avec les politiques actuelles mais ça c'est un autre sujet. Du coup, c'est vrai que je me suis dit... D'un point de vue financier, ce n'était pas possible pour moi de rester en salariat parce qu'on est très peu payé. Et je ne voulais absolument pas dépendre de lui. J'avais travaillé en libéral plus tôt et je savais que si je travaillais plus, je gagnerais plus. Parce que je me suis dit, en fait, je ne vais pas rester dans cette boucle-là. Je ne veux pas dépendre financièrement de lui. Je ne veux pas de pension alimentaire. Je ne veux rien du tout. Je ne veux absolument pas avoir de comptes à lui rendre. Donc j'ai changé aussi parce que je ne supportais plus l'autorité, vraiment ce n'était plus possible pour moi. Alors pas l'autorité de mes chefs qui était tout à fait normale, ce n'est pas que je refuse de me plier à des conditions, mais je me refusais de me plier à des choses insensées et qui n'étaient pas dans l'intérêt des patients. Et en fait ça a été une vraie bouffée d'oxygène parce que j'ai pu refaire mon travail, certainement comme je l'entendais moi, et j'ai eu des retours absolument extraordinaires des familles que j'accompagne. Elles ne peuvent pas savoir qu'elles m'ont aidée énormément parce que personne ne sait ce que je vivais chez moi. Mais ils m'écrivaient des cartes, je recevais des messages et des témoignages qui étaient extrêmement touchants par rapport au travail que je mène. Et je me disais, mais s'ils savaient ce que je suis en train de vivre dans ma vie personnelle. Et moi, ça m'a sauvée. Et je pense que jusqu'à la fin de ma vie, je dirais que mon métier m'a sauvée parce que... Ce retour des gens et cet investissement que je mets dans l'humain, mais qui ne m'était pas du tout rendue dans mon foyer avec la personne avec qui je vivais, pour moi, ça a été une bénédiction dans ce chemin-là, parce que sans ça, je ne sais pas du tout dans quel état j'aurais été. Vraiment, le travail, c'était ma bulle.

  • Speaker #0

    Pour moi, le travail, ça m'a sauvée aussi. Par contre, ça a été très, très difficile, puisque j'étais installée en libérale, en Outre-mer, avec une amie. Et comme j'ai dû quitter l'île pour m'enfuir, j'ai dû quitter ce cabinet dans lequel c'était très chouette de travailler là-bas. J'avais une patientelle qui était très sympathique et ça a été un renoncement. D'abord de quitter cette île, ça a été un renoncement, mais en plus. De quitter ce travail, vraiment, je suis partie à regret. Alors, en effet, moi aussi, le salariat, après, c'est compliqué, c'est encore compliqué. Maintenant, j'y suis parce que, aussi, j'ai la... J'ai ma fille à gérer, donc au niveau des horaires, je suis salariée, mais c'est vrai que l'autorité, c'est un problème aussi pour moi. Je pense que je suis bien dans mon travail, mais il y a toujours cette fatigue quand même qui est là. Et j'avoue que moi aussi, j'ai pris un mi-temps thérapeutique à un moment, parce que j'étais en état d'épuisement très avancé. J'ai fait un burn-out aussi, entre deux. parce que je n'avais pas du tout la capacité psychique de gérer. J'ai été cadre, enfin bref, c'était une erreur de parcours. Mais voilà, il y a des moments où quand il y a des procédures judiciaires ou des choses qui approchent, ou des visites médiatisées qui approchent, à chaque fois je me dis que je suis épuisée et que je devrais me reposer. Mais en même temps, quand je suis à mon travail, je suis en équipe, je suis bien. Et c'est ma vie, en fait, qui se remplit comme ça. Et puis, j'adore mon travail.

  • Speaker #4

    Donc, à l'époque des faits, quand j'ai quitté le père de mes enfants, j'étais encore responsable de magasin. Et pareil, en fait, c'était travailler dans une petite boutique. de fil à tricoter avec ma petite clientèle. On se connaissait par les prénoms, c'était que des habitués. Et en fait, c'était pareil, ma bouffée d'oxygène. J'étais heureuse d'aller au travail, j'étais heureuse de retrouver mon équipe, j'étais heureuse de voir mes petites clientes qui m'attendaient parfois avant l'ouverture pour que je les dépanne parce qu'elles sont en manque de plottes. C'était vraiment... Et puis, je me sentais reconnue, je me sentais vivante, voire aimée, en fait, comme j'étais, sans jouer de rôle. Et ça, ça a été salvateur pour moi, vraiment. Et même après, lorsque j'ai demandé le divorce... où on a vécu un an encore ensemble, où je devais gérer ces crises de colère, ces périodes de manipulation pour que je change d'avis. J'étais vraiment avec un personnage qui faisait volte-face. C'était des larmes et juste après, des hurlements, où j'ai cru à un moment donné que j'allais basculer dans sa folie et pouvoir juste aller travailler et être... normal, ça m'a sauvée. En fait, ça m'a sauvée psychologiquement, ça m'a permis de tenir, ça m'a permis de tenir bon pour moi, d'être encore là maintenant. En tout cas, moi, ça a vraiment été le travail qui m'a permis de tenir.

  • Speaker #3

    On voit effectivement dans votre discours la question du sens et de la valorisation au travail qui est essentielle. Et d'ailleurs je tenais à avoir une pensée pour les personnes qui ne sont pas en emploi et qui sont victimes de violences conjugales. Elles représentent 40% de l'ensemble des victimes à peu près et qui sont d'autant plus isolées. Autrement, nous avons abordé trois grands thèmes aujourd'hui et je note que vos histoires, elles se recoupent de bien des manières. Maintenant j'aimerais pour terminer vous demander à chacune un conseil simple pour aider une personne à se sortir d'un schéma de violences conjugales au regard de vos expériences chacune. Que pouvez-vous dire aux femmes et aussi aux hommes victimes qui se sont concernés et qui vous écoutent aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Alors de mon côté, je leur dis de parler, de surtout ne pas avoir honte. Un peu comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp. C'est-à-dire qu'on est victime et on met du temps à le comprendre. Mais en fait, dès qu'on commence à sentir qu'il y a des choses pas normales qui se passent, il faut oser se confier, parce que je pense que c'est en parlant qu'on se libère et qu'après on guérit et qu'on ose... On ne sera pas seul. En fait, moi, mon angoisse, c'était d'être seule. J'avais tellement entendu, tu ne pourras pas vivre seule, tu ne sais pas t'organiser seule, tu ne sais pas. J'en étais presque persuadée. C'est faux parce qu'on n'est pas seul. Moi, le jour où je l'ai quitté, j'ai tous mes amis qui sont arrivés. On m'a apporté des meubles, des télés, des fourchettes, des assiettes. Donc voilà, osez partir et entourez-vous des gens qui sont bienveillants et qui vous aiment et tout ira bien.

  • Speaker #0

    C'est un long processus parce qu'il faut apprendre à s'aimer. d'abord et à prendre soin de soi et il faut être doux avec soi-même pas trop exigeant très tendre avec soi même se faire des petits câlins régulièrement à soi même et à prendre doucement oui à s'aimer tout doucement prendre soin de soi C'est super difficile, mais c'est quand même mieux que de vivre l'enfer.

  • Speaker #1

    Et de même côté, malgré l'isolement, le soutien de vos proches, il sera là. Il faut essayer de le ressentir. Il est là, il sera là. Donc s'accrocher à ça, à ce petit ressenti, même si à cause du fait qu'on n'a pas encore parlé, par exemple, on ne sait pas et on a peur et on se dit qu'on ne l'aura pas. Se dire qu'en fait, il existe et s'y accrocher. Là, surtout si vous n'avez pas encore... parler pas encore réaliser votre proche il peut pas forcément faire grand chose mais dès que vous le solliciterait et c'est ce qui s'est passé du coup pour plusieurs d'entre nous il sera il sera là il sera même là en quantité bien au delà de ce que vous avez espéré et

  • Speaker #4

    ça faut s'y accrocher ça et ça fonctionne oui je vous rejoins tout d'exploit mais surtout surtout surtout arrêter d'avoir honte Parce que ce n'est pas de notre faute. C'est la personne violente qui doit avoir honte et vraiment oser en parler, trouver une oreille, quelle qu'elle soit. Ne pas avoir peur d'être jugée parce qu'effectivement, la parole se libère. Et on constate bien que ça touche tous les milieux. Et vraiment parler, parler. trouver quelqu'un. Et surtout, arrêter d'avoir honte.

  • Speaker #3

    Je rajoute un dernier conseil qui fait un peu la synthèse de tout cela, c'est écouter des témoignages comme ceci, et surtout la force qui en découle. Souvent, les personnes victimes ont du mal à se considérer positivement et pour autant, vos parcours nous montrent qu'il est possible de dépasser cela, même si bien sûr c'est très difficile, et de se reconstruire. D'une certaine manière, être capable de subir un tel schéma de violence, ça traduit une grande force au fond. En tout cas, merci beaucoup à toutes les cas de nous avoir partagé vos chemins de vie qui se recoupent d'ailleurs. On a vu que vous aviez vécu un schéma d'emprise, presque même si j'ose dire de dépossession de vous-même, qu'il s'était mis en place progressivement et qu'il continuait malgré la séparation, via les enfants notamment, en tant qu'outil de manipulation. Nous avons vu aussi que votre travail a été une bouffée d'oxygène et qu'il vous a aidé à vous en sortir. En tout cas, merci beaucoup pour vos témoignages et peut-être à une prochaine pour continuer cet échange.

  • Speaker #1

    Vous voulez témoigner en tant qu'experts de violence ou bien victime que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.eu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé.

  • Speaker #3

    Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

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Description

4 femmes victimes de violences conjugales nous partagent leurs histoires, sous forme de groupe de parole enregistré et anonymisé. Nous voyons, à travers leurs parcours, la force incroyable qu'elles ont eue pour se sortir du schéma de violences qu'elles subissaient avec leurs enfants. Leurs chemins de vie sont différents, pourtant leurs histoires sont très semblables. Cet épisode permet notamment de prendre conscience des schémas récurrents et quasiment identiques employés par les auteurs de violences, et la façon dont on peut s'en sortir.


"Un poing c'est tout !" est un podcast créé bénévolement par Heyu, société de conseil dans le monde du travail pour contribuer à libérer la parole et accompagner les victimes de violences.

Suivez-nous sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/adrien-roland-boulogne-%F0%9F%A4%9D-11493bab/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles.

  • Speaker #1

    Le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. Elle m'a dit que j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit « Courage, fuyons » .

  • Speaker #2

    Le travail, c'était une bulle, il ne m'atteignait pas.

  • Speaker #3

    Comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp.

  • Speaker #4

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Bienvenue dans ce nouvel épisode qui est assez particulier puisqu'aujourd'hui il va prendre la forme d'un groupe de parole. Nous avons donc avec nous quatre femmes, quatre femmes qui vont nous partager leur vécu de violence conjugale. Tout l'intérêt de ce groupe de paroles, il va être d'une part de voir les points en commun entre vos histoires, car on sait qu'il y a beaucoup de faits communs dans la construction du cycle de violence conjugale et de l'emprise. Et puis nous verrons aussi bien sûr les singularités, les spécificités de vos vécus, pour que nos auditeurs et auditrices puissent s'identifier plus précisément à vos histoires. Alors pour commencer, je vais laisser la parole à qui le souhaite. Qui veut prendre la parole en premier ?

  • Speaker #2

    Je vais me lancer. Je m'appelle Charlotte, j'ai 34 ans et j'ai vécu 7 ans de violence conjugale entre 2015, date de mon mariage, et 2021, l'année où j'ai réussi à fuir un mari qui était violent, d'abord psychologiquement, puis verbalement, physiquement, et puis j'ai vécu aussi des violences sexuelles et financières. J'ai eu deux enfants qui ont... 7 ans et 6 ans. J'ai réussi donc, entre autres grâce à eux, à partir avec eux et depuis, j'ai entamé un chemin de reconstruction pour aller mieux, pour réaliser et pour me reconstruire de façon générale. Par ailleurs, sinon je suis ingénieure dans l'industrie. Je travaille depuis 10 ans dans la même entreprise où je travaille toujours.

  • Speaker #4

    Je vous remercie Charlotte et je laisse aux trois autres personnes la possibilité de continuer.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Fanny, j'ai 51 ans, je suis sage-femme. J'ai vécu des violences conjugales entre 1999-2000, année de mon mariage, et de la naissance de notre premier enfant, jusqu'en 2019, année où j'ai réussi à fuir. une énorme fuite d'ailleurs, puisque c'était en Outre-mer. Donc voilà, j'ai réussi à partir avec mes deux enfants mineurs. L'enfant majeur était resté dans l'île où nous vivions. Et aujourd'hui encore, je suis encore dans un bas, puisque à nouveau, il y a une procédure judiciaire en cours pour des violences sur la petite dernière. et aussi des violences financières. J'ai vécu des violences psychologiques assez importantes, des violences physiques, des coups dans les murs, des objets lancés, des violences sexuelles avec des rapports non consentis, et des violences financières. J'ai un processus très long de reconstruction qui est encore en cours, évidemment, avec des thérapies assez importantes. avec beaucoup d'aide finalement aujourd'hui, parce que je suis accompagnée par une association, un travail sur les énergies aussi, pour essayer de pouvoir continuer de comprendre le sens d'être sur Terre aussi, parfois, ça peut m'arriver, mais voilà, je le fais aussi pour mes enfants, tout simplement.

  • Speaker #4

    Merci, et je laisse Sarah et Louise pour finir.

  • Speaker #0

    Donc moi c'est Louise, j'ai 41 ans, je suis modéliste. J'ai vécu avec mon ex-mari de 2003 à 2019. Je l'ai rencontré, j'avais 18 ans. Et assez rapidement, il m'a fait un chantage. Il me tenait beaucoup par la culpabilisation. Il me menaçait régulièrement de me quitter. Et donc, il fallait à tout prix avoir un enfant ensemble. Donc, je suis tombée enceinte très rapidement. Et les violences ont commencé pendant ma grossesse, ma première grossesse. Comme Fanny et Charlotte. Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles, principalement psychologiques, mais à une tenue assez physique, sexuellement, donc je le comprends actuellement. Toute ma vie avec lui, en fait, je n'ai subi que des viols. Et donc en 2019, la justice m'a aidée à me sauver. J'ai demandé le divorce en 2018, j'ai vécu un an en enfer avec lui. parce que je ne voulais pas quitter notre logement que je payais, et lui non plus. Et la justice l'a contraint de quitter notre logement, donc un an plus tard. Et on a enfin pu se reconstruire avec mes enfants. C'est encore en cours. C'est loin d'être fini. Mais ça prend plutôt bonne forme. Et le fait de savoir que la justice, en fait, en tout cas pour ma part, Merci. nous soutient. Ça fait du bien, on est entendus, on est compris, en fait.

  • Speaker #4

    Merci. Sarah, pour finir.

  • Speaker #3

    Moi, je m'appelle Sarah, j'ai 36 ans et j'ai une histoire qui rejoint l'histoire des dames qui ont parlé avant moi, à la différence que moi, j'ai compris que j'étais victime de violence une fois la relation terminée, une relation qui a duré 7 ans. Et je dirais qu'encore aujourd'hui, j'ai du mal à parler de violence sexuelle, violence financière, violence physique, alors que... J'ai vécu tout ça aussi et j'avais consulté une association, le CIDFF, qui m'avait dit « quand ça ne va vraiment pas, vous pouvez appeler le 3919 » . Et j'ai fait ça un soir après avoir reçu un message encore atroce. Et la dame que j'ai eue au téléphone m'a écoutée longuement et m'a dit « en fait, ce qui manque, le seul maillon qui manque dans votre raisonnement, c'est le fait de comprendre que vous êtes victime de violences conjugales » . Et je lui ai dit « ce n'est pas possible puisqu'on est séparés » . Elle m'a dit « si, si, madame, les violences conjugales, ça peut continuer » . après la séparation, ça peut durer très longtemps. Alors de mon côté, j'ai été très aidée par les associations locales. Par contre, au niveau de la justice, moi je n'ai pas forcément trouvé de réponse. J'ai même eu, je pense, un rendez-vous au commissariat qui a été assez traumatisant. Donc je pense que c'est important peut-être de libérer la parole sur ce sujet et de pouvoir parler de notre vécu pour que tout le monde puisse aussi s'identifier.

  • Speaker #4

    Eh bien tout à fait, c'est exactement ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui. Merci beaucoup à vous quatre d'avoir le courage de témoigner. C'est pas facile sur ce sujet qui est encore très tabou. J'observe déjà quelques similitudes dans vos histoires avec, je dirais en chapeau, les violences psychologiques. Et on voit qu'il y a d'autres types de violences en oeuvre, très souvent cumulées d'ailleurs. Nous allons aborder aujourd'hui trois grands thèmes. Le premier, c'est la façon dont s'est mise en place l'emprise, le système coercitif dans vos histoires. Après, nous irons sur les conséquences des violences conjugales dans votre vie et les différents retentissements pour enfin faire un point sur le rapport au travail. Vous nous direz si cela s'est perçu ou non chez vous et comment vous l'avez vécu. Mais déjà, une première question pour commencer. À qui souhaite prendre la parole, comment se sont mises en place les violences conjugales chez vous ?

  • Speaker #3

    Alors chez moi, je dirais que ça a été très insidieux. Au tout début de la relation... Moi, j'avais un tempérament que je suis certainement toujours assez anxieux. Je n'aime pas les conflits, je préfère tout arrondir. Donc, au tout début, c'est vrai qu'il était assez contrôlant, mais finalement, ça me rassurait aussi. Et puis, il y a plein de choses que j'ai laissées passer, où j'acceptais, où j'arrondissais les angles. Et puis, le jour où on a eu des enfants, ça a un peu changé parce que notre fils a eu des problèmes de santé. Et du coup, j'ai dû un peu plus m'imposer dans ma vision des choses. Et là, j'ai trouvé face à moi quelqu'un de très rigide, de très... Il ne tolérait pas du tout, en fait, que je puisse avoir mon point de vue sur la situation, que je puisse être en désaccord avec lui. Et donc, c'est devenu beaucoup plus compliqué. Et ensuite, on a eu une fille qui est arrivée un peu par surprise. Et là, à nouveau, en fait, c'était de pire en pire. J'en parlais très peu. parce que je pense que j'avais honte et je ne voulais pas du tout détruire l'image qu'on pouvait donner à l'extérieur ou inquiéter les gens. Donc je gardais beaucoup de choses pour moi et surtout je me m'auto-persuadais que c'était de ma faute. Donc je cherchais toujours à faire toutes sortes de thérapies pour aller mieux, pour que ça se passe bien à la maison, pour que jusqu'au jour où, avec l'arrivée de ma fille, j'ai compris que ce n'était peut-être pas moi le problème.

  • Speaker #2

    Le mot insidieux, il est parfait pour décrire la mise en place aussi de l'emprise que j'ai vécue. De mon côté, ça a commencé un peu comme un conte de fées, avec un bon coup de foudre. J'ai été très éblouie par sa droiture, sa beauté. Il était médecin, il avait le sens de la famille, le sens du travail. Lui, par ailleurs, savait me dire exactement les compliments. Il me choisissait, ça me valorisait beaucoup. j'étais J'ai été conquise en fait très vite. Et c'est qu'après notre mariage qu'en fait, petit à petit, il y a eu des moments, par exemple, de colère. Là aussi, c'est insidieux parce que la première, ça va. On se dit que nous, on ne fonctionne pas comme ça, mais que lui, il est un peu plus sans bien. Et puis finalement, ça fait peur, ça fait peur à tel point qu'on se soumet. Et que finalement, moi, c'était plus... Si vous voulez, si je rangeais un torchon dans la cuisine, ce n'était plus pour que la cuisine soit rangée, ou pour moi, c'était pour éviter que ça se transforme en un grain de sable qui entraîne une colère de son côté. Et après, petit à petit, les colères se sont accompagnées aussi de culpabilisation, il soufflait le chaud et le froid. Un jour, j'étais très très belle, le lendemain, très très laide. Et ça rejoint aussi ce que disait Sarah, c'est que tout était de ma faute. à la première violence physique, entre guillemets, c'était trop tard. C'est-à-dire que mon cerveau s'est déconnecté, s'est dissocié. Et je n'ai pas accepté de voir que c'était de la violence physique. Ça a enclenché un système de cycle avec des périodes de lune de miel qui étaient longues, entre guillemets, de trois mois, où tout se passait bien, tout était merveilleux. On formait un très beau couple et à la maison, ponctuellement, de façon incontrôlable, des violences. psychologique reprenait, verbale, physique.

  • Speaker #4

    Est-ce que vous aussi, Louise et Fanny, les violences se sont installées de façon progressive et insidieuse ?

  • Speaker #0

    Il a commencé d'abord à m'isoler. Avant tout, en fait, il a commencé petit à petit à critiquer chacune des personnes de mon entourage qui étaient importantes, puis à tenir des propos, alors je pense maintenant, avec le recul qui était sans doute parfois faux, pour que je sois en conflit, en fait. Et petit à petit, je me suis isolée de tout le monde. J'étais vraiment seule de mes amis. Je me suis isolée de la plupart des membres de ma famille aussi. Moi, j'habitais en Belgique, j'ai quitté mon pays. En fait, souvent, il me répétait que j'étais seule, que je n'avais que lui. Alors moi, ces propos, c'était parce que j'étais quelqu'un de déguestable. Il n'y avait que lui qui était capable de m'aimer. Et ensuite, la seconde phrase que j'ai entendue très régulièrement, c'est « c'est pas moi, c'est toi » . Ça, c'était son cadeau. Donc, je me suis transformée, adaptée pour lui convenir, pour être comme lui voulait que je sois. Je ne savais plus comment être, en fait. C'est comme ça que l'emprise a pris place.

  • Speaker #1

    C'est exactement la même chose pour moi. Le fait que ce soit insidieux, tout simplement. Évidemment, je suis tombée sous le charme immédiatement, j'ai tout plaqué. J'avais 24 ans, j'étais encore étudiante et il m'a emmenée dans un rêve extraordinaire. Je n'avais jamais voyagé, là il m'emmenait dans des voyages extraordinaires, j'ai été éblouie comme Charlotte. par sa profession aussi, de par sa profession, il était médecin, que voilà, j'étais complètement sous le charme. Et peu à peu, en fait, la violence, des colères en fait, qui sont apparues, des tentatives d'intimidation aussi pas mal, avec un isolement qui s'est produit peu à peu. On a même fini ensemble par partir de l'autre côté du monde. Évidemment, ça s'est accentué, il m'a isolée de ma famille. Il disait des choses intolérables sur ma famille, sur mes amis. J'ai laissé tous mes amis qui, d'ailleurs, à 25 ans, c'était mes amis étudiants qui, un jour, m'avaient dit « mais tu vis dans un placard » . Donc, il y a eu quand même des phrases qui ont résonné des années après. Et peu à peu, c'est monté, c'est monté, pareil, des violences psychologiques très, très, très importantes qui, à chaque fois que j'étais enceinte, il allait… dragué des femmes, il m'a trompé pendant mes grossesses. La vraie emprise, je pense, vraiment d'une puissance absolue, c'était le... Un adultère en fait, au bout de, allez on va dire dix ans de vie commune, un adultère avec une de mes amies. Et là en fait, il a inversé le processus complètement et je suis devenue totalement soumise à lui, en fait à me dire que c'était de ma faute s'il m'avait trompé. Et du coup là, il m'a même donné des médicaments pour que je dorme, enfin bref, c'était terrible. Et surtout cette sensation de devenir folle, je ne savais plus qui j'étais, j'étais dans le brouillard.

  • Speaker #4

    C'est d'ailleurs un mot brouillard qui ressort très souvent dans les témoignages. Merci Fanny. Est-ce que vous avez vécu, mesdames, ces manipulations permanentes et ce sentiment de ne plus être vous-même ?

  • Speaker #3

    Oui, parce qu'en fait, il y a un jour où ça se passe bien. C'est-à-dire que tout va bien, la personne va bien le matin. Donc, c'est des journées extraordinaires. Du coup, nous, on est rassurés. Enfin, moi, pour ma part, j'étais complètement rassurée. Je me disais, voilà, ça y est, c'est fini, on a passé un cap. Maintenant, tout va bien se passer. J'y croyais dur comme fer. J'étais repartie contente. Je retrouvais toute mon énergie. J'avais cette force-là de toujours rebondir et aller bien. Et puis en fait, soit histoire de rien du tout, d'un seul coup, c'était la tempête. Et du coup, c'est un sentiment constant de peur. On ne sait pas comment ça va se passer. C'est ça qui est absolument terrible. C'est que rien n'est prévisible. Tout est incontrôlable. Et ça, c'est... absolument atroce à vivre et c'est complètement destructeur parce qu'on est persuadé que c'est nous qui sommes folles et qu'on déclenche chez la personne des comportements improbables. C'est ça qui est atroce.

  • Speaker #4

    D'ailleurs Charlotte nous disait tout à l'heure que son ex-compagnon soufflait sans cesse le chaud et le froid et ça ressort beaucoup dans vos témoignages. Est-ce que cela vous parle aussi aux autres ?

  • Speaker #1

    Oui, moi par exemple pendant mes grossesses il me disait Vous avez les... Les femmes enceintes l'aident. Et à côté de ça, il me disait, ouais, mais t'es une épouse formidable. Ou sans toi, je suis rien. Faut jamais que tu meurs, parce que sinon, je vais pas y arriver avec les enfants. Voilà, des choses vraiment qui nous mettent dans un climat d'incertitude permanente, avec une adaptation, une suradaptation qui nous épuise, évidemment. Pour protéger nos enfants, évidemment, aussi. Et de lui aussi, moi j'essayais de comprendre pourquoi il réagissait comme ça. Tout simplement, je me disais que j'allais le soigner.

  • Speaker #4

    Oui, j'imagine que tout cela rend difficile la prise de conscience de votre situation, d'autant plus que vous avez évoqué l'isolement qui se met en place. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous ont bloqué dans la conscientisation du phénomène ?

  • Speaker #0

    Pour ma part, je me qualifiais de robot. Mais c'était vraiment ce que j'étais devenue en fait. J'étais en pilote automatique. Je savais qu'il fallait que je tienne pour les enfants, mais je n'éprouvais plus rien, en fait, à part la peur. Et moi, je tenais grâce au travail, parce que, contrairement à vos mesdames, ils vivaient à mes crochets. Les violences financières, c'est en fait, ils dépensaient l'argent que je ramenais à la maison. Donc, il fallait que je travaille. J'ai travaillé pendant mes grossesses jusqu'au bout. Et c'était vraiment, moi, c'était ma bouffée d'oxygène. Mais à côté de ça, moi, il me tenait, par exemple, sur mes temps de trajet. Le soir, il chronométrait mon temps. Ce n'était pas normal qu'il y ait des bouchons. Bon, petit à petit, il a fait installer un traceur sur ma voiture. Donc, ça a été plus simple aussi de contrôler mes déplacements. Mais voilà, j'étais vraiment en pilote automatique, en fait.

  • Speaker #2

    Il y a une chose que j'ai entendue chez Fanny, qui a résonné en moi, c'est… La notion de culpabilité, parce que là aussi, dans mon histoire, parfois dans ces moments un peu de lucidité, j'ai réussi à lui dire que ce n'était pas normal ce qu'on vivait, sans mettre le mot de violence. Lui me faisait croire que grâce à moi, il allait mieux. Mais que grâce à mon amour, grâce à ma tendresse, il allait mieux. Ça appuyait sur le bouton sauveur. Moi, je parle un peu de dissociation, mais je suis sûre d'avoir vécu ça. qui est que... que depuis la première violence physique en 2016, mon cerveau était incapable de réaliser que j'avais vécu des violences physiques. Et j'ai dans la tête encore, enfin encore, j'avais à l'époque une marmite, si vous voulez, une marmite noire. Je savais qu'il y avait les violences physiques à l'intérieur, mais j'étais assise sur le couvercle et incapable de réaliser qu'il y avait cette marmite et encore moins capable évidemment de l'ouvrir pour comprendre que c'était des violences.

  • Speaker #4

    Merci Charlotte, d'autant plus que vous nous amenez sur la question des conséquences physiques et psychiques. Alors, quelles ont été ces conséquences chez vous ?

  • Speaker #2

    parce qu'une perte totale d'estime de soi. Enfin, j'étais rien. J'étais l'ombre de quelqu'un. J'étais dans le brouillard, pour reprendre encore un mot utilisé. Je ne savais plus complètement. Je ne savais plus ce que j'aimais, ce que je n'aimais pas. Qui j'étais ? Enfin, qui est-ce qui me définissait ?

  • Speaker #3

    Moi, c'était un peu la même chose. Et physiquement, j'ai une amie qui m'a dit un jour « C'est bizarre, Sarah, parce que tu aimes toujours mettre… Enfin, tu as toujours aimé mettre des bijoux qui brillent. Tu t'habillais toujours bien. je sais pas là maintenant tu mets que des trucs tu ne mets plus trop de bijoux, tu n'es pas comme avant. Et lui, il me disait des choses qui étaient très, très dures. Il me disait, tu vois, c'est fou quand je regarde des photos de toi avant, tu étais belle. Enfin, on voyait, je ne sais pas, là maintenant, tu n'es plus pareil, même sur les photos et tout. Tu es moins belle, tu es moins rayonnante. Il y a un truc qui a changé. Je me disais, bah oui, c'est vrai, mais toujours complètement sous l'emprise des violences et toujours pas consciente de ce que je vivais. Je me disais, bah oui, qu'est-ce qui m'arrive ? Après, il était dans un des principes aussi très écologiques et j'ai développé une espèce d'éco-anxiété énorme. Je m'habillais plus qu'en seconde main, je ne laissais plus un grain de riz dans la casserole parce que je me disais que pour les gens qui étaient dans les rizières, c'était atroce. Enfin, je me faisais un monde de l'écologie qui était devenu complètement anxiogène. Et du coup, forcément, j'avais aussi des habitudes de vie qui faisaient que j'étais complètement minimaliste. Et puis, les gens qui me connaissaient, donc cette amie et puis aussi ma nourrice, Un jour, ma vie, celle que j'avais quand j'étais petite et avec qui on est resté très en contact, elle m'a dit « mais qu'est-ce que t'as ça ? Je te retrouve pas du tout, tu ris plus comme avant, j'ai toujours aimé rire, faire des spectacles, faire rire les gens. » Et là, j'avais plus ça en fait, j'étais épuisée.

  • Speaker #1

    Alors moi, tous vos discours évidemment résonnent de façon assez violente. J'ai entendu tout à l'heure une histoire de chronomètre. Moi aussi, j'ai vécu le chrono. Quand ils gardaient les enfants, en fait, quand je travaillais, parce qu'ils voulaient absolument que j'arrête mon travail. Et moi, j'ai maintenu, maintenu, maintenu mon travail le plus possible. Mais quand même, j'avais la pression. Je devais rentrer le plus vite possible pour garder les enfants, m'occuper des enfants, parce qu'ils ne supportaient pas de s'occuper des enfants. Et une fois, j'étais rentrée, ils m'avaient dit, ça va, j'ai gardé la petite 2h51. Je pense que c'est bon. Enfin, bref, tout ça, ça résonne. Et pour les conséquences sur ma santé, en fait... Tout pendant que j'étais avec lui, j'avais des coliques néphritiques qui ont démarré. Et ça, ça a été assez violent. Et dès que je l'ai quitté, je n'ai plus du tout, du tout eu ce genre de symptômes. Au niveau de ma santé physique, j'étais lessivée, vidée, morte à l'intérieur de moi. Je me regardais dans la glace, évidemment. J'étais l'ombre de moi-même. En plus, comme il me disait assez régulièrement. que j'étais belle et le lendemain, elle me disait que j'étais moche puisque je ressemblais à ma mère et que ma mère était moche. Enfin bref, c'était ça devant les enfants, évidemment. Au niveau de ma santé mentale, évidemment, alors là, ça a été terrible à remonter. Je suis rentrée en France, puisque quand je l'ai quittée, je suis rentrée en France. Je ne savais même plus m'habiller, je ne savais plus prendre soin de moi, je ne savais, je dormais. J'étais... On va dire, je pense, une serpillière. Je ne sais pas. J'avais complètement perdu toute mon identité. Et peu à peu, c'est remonté. Mais j'ai toujours des traces du stress post-traumatique important que j'ai vécu. C'est-à-dire que je supporte difficilement la surcharge mentale. Donc, j'ai appris à le gérer. Je sais que je dois me protéger de ça. Et cette peur qui est quand même restée, parce que j'ai eu vraiment très, très, très peur, puisque j'ai eu pas mal de menaces de mort. Cette peur est inscrite corporellement, donc j'essaye de trouver un moyen de l'évacuer. Là, par exemple, actuellement, il voit encore ma fille en visite médiatisée. Et à chaque fois, quand je pense à la visite, j'ai peur au niveau corporel. Et ça, je pense que c'est très, très, très important d'écouter son corps.

  • Speaker #4

    Et Louise, justement, vous nous disiez tout à l'heure que vous aviez le sentiment d'être un robot. Chez vous, quelles ont été les conséquences physiques et psychiques ?

  • Speaker #0

    Je réfléchissais même plus, en fait, je subissais. Et en fait, je faisais juste en sorte que la vie continue, que la maison tourne, que les enfants soient correctement habillés. Surtout pas que ça se remarque. Donc, à l'époque, moi, j'étais responsable de magasin en plus. Donc, il ne fallait pas que ça se voit. Donc, je m'apprêtais vraiment énormément, justement. Je me maquillais beaucoup. Et ça ne plaisait pas à monsieur, du coup. Donc forcément, ça exacerbait. Lui, ça jalousie ma maladie. Et quand je suis sortie de cette relation, j'ai eu une période un peu euphorique. Libérée, j'ai été libérée, je pouvais faire ce que je voulais, sortir quand je veux avec mes enfants, ne pas rendre de compte. Ça a été libérateur pendant tout un temps où on a fait plein d'activités, il fallait vraiment tout le temps s'occuper. Avec le recul maintenant, je sais que c'est juste que j'avais peur d'être inactive et de repenser à pas mal de choses. J'étais vraiment dans l'évitement complet. Et ensuite, je suis retombée dans une forme d'emprise via les enfants. Monsieur décidait quand il avait envie de prendre les enfants. Il ne respectait pas le jugement et du coup, je subissais, je vivais de nouveau. À travers lui, à ce moment-là, je me suis de nouveau retrouvée dans un état d'hypervigilance, à ne pas savoir s'il allait être dans les environs, si j'allais tomber sur lui. Il apparaissait n'importe quand, quand il voulait. Et du coup, je me suis retrouvée dans un état de fatigue physique, psychologique. J'ai perdu 15 kilos comme ça en quelques semaines. Ça a été très, très compliqué. physiquement et psychologiquement, même après.

  • Speaker #3

    Moi, je rebondis sur ce que dit Louise parce que j'ai vécu exactement la même chose cette période d'euphorie. J'ai fait les magasins, je me suis acheté plein d'habits, je suis allée à McDo parce que c'était interdit. J'étais trop contente, vraiment. Je me suis dit, ça y est, j'ai retrouvé ma liberté pour toujours. J'étais hyper fière d'avoir réussi à partir. Et puis, j'ai eu l'effet boomerang exactement comme Louise, c'est-à-dire que très rapidement, Il m'a fait comprendre que non, ça n'allait pas se passer comme ça, que ma liberté, elle allait être conditionnelle, et que même si on était séparés, qu'on habitait chacun dans nos maisons, il était toujours là derrière et que je n'étais absolument pas libre. Et du coup, c'est très compliqué parce qu'on est dans une cage avec une porte semi-ouverte, mais il continue de la fermer quand il a envie. Et moi aussi, j'ai perdu énormément de poids, j'ai perdu des cheveux, je suis allée chez le médecin en disant « j'ai quelque chose de grave là » . Et en fait, elle a fait plein d'examens. Fort heureusement, je n'avais rien de grave. Mais elle m'a dit, vous êtes dans un état d'épuisement extrême. Qu'est-ce qui se passe ? Et donc, je lui ai raconté ma vie. Et du coup, j'ai compris au fur et à mesure des mois, des semaines et des jours que c'était moi qui allais devoir me défendre et que juste partir, ça n'allait pas être suffisant. Et un jour, mon père m'a dit, je crois qu'il va falloir qu'après, il va montrer les crocs parce que j'ai toujours été très gentille. et je m'imagine que tout le monde est beau, tout le monde est gentil, ce n'est pas du tout le cas. Et du coup, le point positif que moi, je tire de toute cette situation, c'est que ça m'a appris à me défendre, ça m'a appris à poser des limites, ça m'a appris à sortir une force que j'ai en moi, mais que je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai jamais osé exprimer. Et là, ça fait des mois que je suis obligée de me battre et dans un sens, ça me renforce parce que je le fais aussi pour mes enfants et ça rejoint ce que disent les dames aussi qui parlent et qui témoignent aujourd'hui. que nos enfants nous donnent une force terrible, c'est eux qui commencent à nous dire… « Maman, pourquoi tes yeux sont tristes quand on est encore dans le foyer ? » « Papa, pourquoi tu grandes maman ? » C'était des paroles où je me disais « Mais ce n'est pas possible, je ne veux pas élever mes enfants dans un contexte pareil. » Donc voilà, ça m'a donné une puissance et une force qui étaient en moi, mais qui ne s'étaient jamais révélées. Donc c'est difficile, mais il y a aussi moyen de trouver ce chemin en nous.

  • Speaker #4

    Oui, les enfants sont effectivement souvent un déclic. Y a-t-il eu des conséquences sur leur santé, des retentissements sur leur vie du fait des violences ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi, je prends la parole. Oui, moi, j'ai eu des conséquences énormes, puisque mon fils aîné, il a absorbé beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de violences de la part de son père. Et d'ailleurs, il a toujours des traces, évidemment, au niveau d'une dépendance affective. Enfin bref, c'est compliqué, mais il s'en sort, il est très courageux. Le deuxième enfant a beaucoup absorbé aussi, puisqu'il a été protecteur de sa petite sœur. avec des scènes improbables à la maison où il prenait la petite dans ses bras, il l'emmenait dans la chambre quand ça explosait à la maison. Et aujourd'hui, il s'en sort, il est très courageux, mais il a gardé une trace et une colère assez profonde en lui, même s'il ne parle pas beaucoup, mais on sent qu'il y a un potentiel de colère. Et la petite, elle est encore malheureusement dans une...

  • Speaker #0

    une manipulation avec son père, avec des visites médiatisées qui ont pris place. Et elle, par contre, elle a un sacré caractère et une énergie incroyable. Le gros déclic, ça a été qu'il a lancé un objet dans une pièce et j'avais la petite dans les bras. Et du coup, je me suis pris l'objet dans la figure. Et ce jour-là, je me suis dit que ce n'était plus possible. Je me suis cachée dans la chambre avec elle. Mais voilà, nos enfants ont des séquelles. Ils sont co-victimes de tout ça. Et ça, je pense que ce n'est pas encore assez. assez... ils sont pas encore assez considérés.

  • Speaker #1

    De mon côté je revendique sur ce que tu dis Samy, les séquelles sont là, les violences psychologiques, il les subissait par la tension qui s'installait et dont on apprenait au début. La tension qui systématiquement s'installait dès lors que moi je ressentais que là il n'était pas de bonne humeur et que ça allait mal se passer. Il le subissait aussi quand mon ex-mari nous quittait au milieu d'une balade. m'engueuler également, etc.

  • Speaker #2

    Alors moi, je rejoins ce qui a déjà été dit. Et de mon côté, les conséquences ont été terribles parce que l'année dernière, leur père a téléphoné au 119 pour tenter de me faire passer pour une mère irresponsable qui ne savait pas s'occuper de ses enfants. Et j'ai su des mois plus tard que c'était lui. Il m'a accusée de plein de choses, d'inceste. Enfin, c'est passé vraiment par tous les stades. Et les enfants ont été confrontés à énormément de rendez-vous. Donc à la maison, dans les services sociaux, via des psychologues. Et un jour, ils m'ont dit, on en a marre de rencontrer des dames, on ne veut plus. Mon fils m'a dit, moi je veux aller à mes entraînements de foot, je ne veux pas aller chez la psychologue, je ne veux pas. Et donc tout ça, ça a été compliqué. Après, comme on dit là, dans le parcours actuel, c'est que je ne peux pas parler de violences, puisque les violences ne sont pas identifiées par la justice juridiquement parlant. J'ai posé une plainte qui a été classée sans suite. Et le policier que j'ai vu plusieurs fois, dans des entretiens absolument atroces, m'a dit « en fait, je ne sais même pas pourquoi vous êtes là, je ne sais pas ce que vous faites là, ici c'est le pénal madame, c'est la police, on n'est pas là pour gérer les conflits de cours de récréation, qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur, il est comme ça, vous avez des problèmes pour vous parler, c'est difficile, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, on ne va pas le changer ? » Et il me disait « je ne sais pas moi, régler les conflits avec monsieur » . Je lui dis « mais moi je ne fais pas de conflits » . Et du coup, on ne peut pas parler de violence parce qu'elles ne sont pas identifiées par la justice. dans le parcours actuel avec toutes ces histoires du 119, j'ai l'impression que tout le monde me comprend, tout le monde voit bien ce que je subis, tout le monde... Mais personne ne peut rien faire à leur niveau, au niveau de la justice, et ben ils ne peuvent pas le faire non plus. Et je rejoins ce que disait tout à l'heure Fanny, c'est-à-dire que il y a un impact sur les enfants qui est absolument considérable et qu'on en parle très très peu aujourd'hui, et qu'il faut qu'on agisse parce que c'est la société de demain et qu'ils ont besoin aussi d'être accompagnés dans toutes ces violences intrafamiliales.

  • Speaker #3

    C'est intéressant, comme vous le faites, de faire la différence entre la violence conjugale et le conflit de couple. En fait, ce qui va distinguer ces deux notions, c'est le fait que dans un conflit de couple, on aura la possibilité de répondre sur un plan égalitaire, et la violence, elle va être liée à une situation précise. Tandis que dans les violences conjugales, l'auteur, lui, va chercher à dominer la personne dans sa globalité de façon complètement unilatérale. Est-ce que, pour continuer sur la question des enfants, vous souhaitez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #4

    Pour moi, mes enfants, ils sont encore pris en charge aussi... psychologiquement. Il arrive à faire la part des choses, je pense. Mais il a une hypersensibilité vraiment exacerbée. Il a une peur du conflit. Et puis quand il me parle, en fait, il a encore une voix d'enfant. Il n'est pas encore... C'est comme si avec moi il n'arrivait pas à grandir. Alors qu'avec d'autres, je l'entends et je vois qu'il est bien et ça me rassure en fait. Mais avec moi, c'est encore un enfant apeuré. Pour mes deux plus jeunes, ils ont connu avec moi les violences conjugales, mais ils les ont vécues avec leur belle-mère. Ils ont vu certaines choses, enfin une scène qui a été le déclic d'ailleurs pour moi, pour porter plainte. Et donc mon deuxième garçon a développé une phobie des couteaux. On doit le prévenir. Si je veux couper un légume, je le préviens, je sors le couteau. Il faut qu'il soit à distance, raisonnable. Il y a vraiment cette crainte. Et pour ma fille, elle garde en tête ce que son père lui a répété les rares fois où il la voyait, qui était « n'écoute pas ta mère » . Donc on est en conflit permanent. Elle m'en a parlé, c'est bien le post-démo. Mais voilà, ce que moi je dis, peu importe quoi, elle ne va jamais me croire de suite. Pour nous, les choses sont différentes parce que les enfants ne voient plus leur père depuis maintenant deux ans. Donc quand je disais, moi j'ai vraiment été écoutée par la justice, quand j'ai appris qu'il y avait encore de la violence au sein du couple que formait mon ex-mari et sa concubine, j'ai fait une demande auprès du juge. aux affaires familiales, demandant le retrait de droits de visite que j'ai obtenu par la suite. J'ai porté plainte pour mes violences. Et la chance que j'ai eue, c'est que la belle-mère des enfants a porté plainte également pour les violences qu'elle a subies peu de temps après, parce qu'en fait, je pense que, c'est ce qu'elle me dit, on est encore en contact, elle a compris qu'elle n'était pas toute seule. Et là, en fait, à l'heure actuelle, leur papa est en sursis probatoire. Donc plus de droits de visite, plus d'autorité parentale. Et ça nous permet d'avancer plus sereinement. Et également parce qu'en fait, c'est compliqué pour les enfants. Parce que, et je leur dis, ils ont le droit. En fait, ils ont ce conflit de loyauté. Ils ne savent plus trop comment se positionner. Est-ce qu'on a le droit d'aimer notre papa avec tout ce qu'il a fait ? Et effectivement, moi, je leur dis que oui. Oui, c'est leur père. Mais que leur père est puni, il a fait quelque chose de mal, il a refait quelque chose de mal et les conséquences sont là.

  • Speaker #3

    Oui, au moins de cette manière, les choses sont posées clairement pour eux. D'ailleurs, vous avez été plusieurs à aborder la question du déclic. Pour vous, quel a été le déclic qui vous a aidé à vous en sortir ?

  • Speaker #4

    Il a levé la main sur mon fils aîné. Et il n'aurait pas dû. Une semaine après, j'étais... auprès de mon avocate pour demander le divorce.

  • Speaker #2

    Moi, le déclic, ça a été, on est partis en vacances en famille dans un contexte déjà très, très compliqué. Les grossesses ont été très compliquées. La grossesse de ma fille a été atroce. Il me faisait des chantageaux suicides, qu'il allait partir, qu'on ne pouvait pas rester avec moi, que j'étais folle, que je lui mettais trop de pression. Enfin, bon, toujours des détails, mais dans les jours noirs et sombres, c'était toujours comme ça. Et on est partis en vacances en famille. Les enfants, dès le matin, ils fonçaient dans le mobilum de mes parents, c'est-à-dire qu'ils se réveillaient et on ne les voyait plus de la journée, parce que dans le mobilum de mes parents, c'était une super ambiance, et dans le nôtre, c'était absolument atroce. Et puis un jour, un matin, j'arrive moi aussi, et je m'assois à côté de mon père, j'ai toujours été très proche de mon père, et il m'a dit « est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et j'ai dit « de quoi tu parles ? » Il me dit « Sarah, fais pas semblant, est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et donc je lui ai dit « oui » . Et il m'a dit « ok » . Mon père a été marié avant de rencontrer ma mère et a vécu des choses très difficiles avec son ex-femme. Il m'a dit que ça me rappelait des mauvais souvenirs. J'ai dit comment on fait pour s'en sortir ? Il m'a dit qu'il fallait partir, qu'il n'y avait pas d'autre choix, qu'il fallait en aller. Il a un problème et il ne changera jamais. J'ai dit d'accord, mais mes enfants sont tout petits. Il m'a dit que je n'avais pas le choix.

  • Speaker #0

    Les déclics, pour moi, il y en a eu plusieurs aussi. Déjà, j'ai retrouvé un pistolet caché à la maison. Ça a été assez... percutant pour moi et il m'a dit qu'il avait peur qu'il voulait se protéger fin c'était c'était pas possible de jeu là je me suis dit il ya quelque chose qui cloche et les violences qui étaient de plus en plus de plus en plus de plus en plus forte dont une fois dans une dans la voiture où il avait tapé dans la voiture et il m'avait regardé dans les yeux j'étais derrière avec la petite qui était bébé je la laitais on roulait pas enfin bref il m'avait hurlé dessus en disant tout ça c'est de ta faute bon Et puis, une soirée aussi où on avait passé un moment ensemble. On était dans un hôtel. Enfin, c'était un peu glauque. Et là, on avait eu un rapport sexuel. Et la soirée avait été perverse, en fait. Et je m'étais écoeurée de moi-même. Ça, c'était un énorme déclic. Et puis, la dernière, vraiment le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. qui m'a accueillie chez elle. Et je lui ai dit, écoute, je pense que je suis en train de subir des violences. Et elle m'a dit, oui, tout à fait. Comme on vivait dans une petite île. Elle m'a dit, j'ai rarement, elle le connaissait, elle m'a dit, j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Donc je vais t'aider, parce que sinon tu vas mourir. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit, courage, fluyant. Et là, il y a eu le déroulé de toute ma vie, un espèce de ticket de caisse qui est sorti, plong, vraiment, où j'ai compris. qu'en fait, il était complètement fou. Et ça a été le déclic. Le grand, grand déclic, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en fait, il y en a eu plusieurs. Il y a eu les violences physiques devant mes enfants, ce qui me concerne aussi. Et en fait, grâce à ces deux éléments-là, un soir, après une violence physique, au lieu de pleurer, je suis allée sur Internet. Et pour la première fois, parce que dans ma tête, je n'étais absolument pas une femme battue. Pour moi, une femme battue, c'était un œil au beurre noir donné par un mari qui a bu dans un milieu populaire. Et je sais que ce n'est pas du tout ça aujourd'hui, mais malheureusement, à l'époque, c'est l'image que j'en avais. Et là, pour une fois sur Internet, j'ai dû cliquer « violence femme » , quelque chose comme ça. Mais je sais que je suis tombée sur ma vie qui avait été écrite par quelqu'un d'autre. Donc là, je ne comprenais pas, mais tout était là. Donc, ce dont on a parlé au début, toute la mise en place de l'emprise. les reproches, l'isolement que j'avais vécu aussi, la culpabilisation, le chaud et le froid, etc. Le problème de cet article, c'est que la solution, la seule, il faut partir. Et là, le problème, c'est que je fais que mon cerveau a bugué aussi, parce que je refusais cette solution, c'était pas possible de partir. J'étais aussi dans un milieu catholique pour lequel le divorce, il n'est pas tout à fait courant. De fait, l'Église catholique, ça c'est après que j'ai découvert ça. nous donne le devoir de partir dans les cas de violences conjugales. Mais à l'époque, je ne trouvais rien sur Internet à ce sujet-là et c'était plutôt un frein plutôt qu'une aide pour partir. Donc voilà, toujours est-il qu'à la fin de cet article sur Internet, il y avait écrit de partir. Il y avait heureusement une espèce d'exercice qu'ils conseillaient de faire et c'était en fait une prise de recul. Ils appelaient ça un peu le théâtre. Ils conseillaient de faire semblant d'être au théâtre, de se dire qu'on était au théâtre. Et donc pendant deux semaines j'ai fait ça, c'est-à-dire qu'au travail j'étais dans ma bulle et tout allait bien. Sur le chemin du retour, tu es au théâtre, tu regardes ce qui se passe. Et là, ce qui se passait c'est quand je l'attendais, quand il rentrait du travail, je me disais « Ah tiens, comment va être l'acteur ? Est-ce qu'il va être de bonne humeur ou de mauvaise humeur ? Comment il va être ? » Et moi pendant ce temps-là, je sais que j'arrivais à avoir des pensées qui étaient les miennes, qui n'étaient pas dépendantes de son humeur, qui étaient... Est-ce que j'ai passé une bonne journée au travail ? Chose que je ne me demandais plus. Comment allait être ma journée de demain ? Est-ce que mes enfants allaient bien ? C'était des choses qui étaient à moi grâce au fait que j'avais cette prise de recul. Et le seul problème de l'exercice, c'est qu'avoir une relation sexuelle, là, ce n'était plus possible. Puisque si j'en avais, je n'étais plus au théâtre. J'étais sur scène. si vous voulez donc je Je refusais d'avoir des relations sexuelles, j'ai refusé pendant deux semaines, ce qui est énorme. En revanche, au bout de deux semaines, il m'a forcé et puis il est parti dans une colère paroussime qui a entraîné encore une violence physique. Mais pour une fois, j'avais compris un peu le mécanisme et c'est pour ça, entre autres, grâce à ce troisième déclic que j'ai réussi à partir en vacances chez mes parents sans mon ex-mari, avec seulement mes deux enfants. Et que là, au bout de trois jours, j'ai réussi à dire à ma mère les violences que je subissais. Et là, alors ce n'était pas un ticket de caisse, moi c'est un barrage, c'est l'image que j'ai. C'est tout, tout, tout, tout est sorti. C'était la première fois. Et toute ma vie, j'ai pu raconter tout ce que je vivais pour la première fois et mettre des paroles dessus. Je changeais tout puisque je réalisais en disant les choses. que ce que j'avais vécu n'était absolument pas normal. Et après ça, je ne suis pas revenue. Et puis, avocat, tout s'en est suivi ensuite.

  • Speaker #3

    Et vous citez le travail comme une bulle, comme une parenthèse. Déjà, dans quelle mesure ça l'a été ? Et quelles ont été les conséquences sur votre activité professionnelle ?

  • Speaker #1

    Le travail, c'était une bulle. Il ne m'atteignait pas. Alors, il m'atteignait dans la mesure quand même où... Oui, il fallait que je sois à la maison pour m'occuper des enfants en permanence, mais non, il fallait que je travaille, travaille très bien, que j'ai une carrière incroyable pour gagner beaucoup d'argent. Donc, je pense que lui-même était bloqué entre ces deux injonctions contradictoires, mais il me les faisait vivre et c'était abominable parce qu'il fallait que j'ai une carrière incroyable. Et en même temps, je ne pouvais pas, puisqu'il fallait que je parte pour m'occuper de mes enfants en permanence. De fait, c'était quand même... Un endroit où d'ailleurs mes collègues ne savaient pas, je donnais beaucoup de change, mais c'était un endroit où j'avais le droit d'être moi-même, donc je continuais à l'être, et c'était une chance finalement, si je devais arrêter de travailler, ça aurait été encore plus dur. D'une part j'ai changé, j'ai eu beaucoup de changements dans ma vie, donc l'employeur perçoit parfois les conséquences de tropage d'hommes basques. Et puis, par ailleurs, j'ai des conséquences psychologiques qui se voyaient un minimum. C'est-à-dire quand on pleure, quand on a des couches par la nuit, quand on a peur. C'est des choses... Moi, je n'ai pas réussi en permanence à... Parce que ça ne se voit pas au travail. J'ai trouvé que... J'avais plutôt un bon cadre. Les gens étaient compréhensifs. Mais en fait, il y avait plutôt une ignorance. Donc, j'ai raconté mon histoire, que ce soit à l'ARH, à l'assistante sociale au travail. à mon manager, à mon manager direct, mais aussi à mon manager au-dessus, parce qu'en fait, quand on n'a pas vécu ça, c'est quand même pas facile d'expliquer, si je me mets à la place de mon manager direct, je peux aller vite dessus, mais les arrêts de travail, j'en ai eu énormément, des périodes d'arrêts de travail de trois, quatre mois, ou des périodes de temps partiel thérapeutique, qui là aussi n'est pas tout à fait connu comme mécanisme, pas tout à fait compris. qui sont de bonnes choses, mais qui sont assez inconnues, donc pour lesquelles il faut en permanence communiquer et expliquer. Enfin, c'est mon expérience, en tout cas.

  • Speaker #3

    Et vous, Sarah et Louise, est-ce que vous avez eu des conséquences dans votre activité professionnelle ? Est-ce que vous avez abordé la question au travail ?

  • Speaker #2

    Oui, moi, j'ai eu des conséquences quand même assez importantes parce que je travaillais en salariat au moment où les violences se sont exacerbées et en fait, je n'ai plus supporté. l'autorité un peu patriarcale qui régnait dans les deux établissements dans lesquels je travaillais. C'était très dur et en fait à travers ça je rejouais un peu la bataille que je menais à la maison pour me faire entendre. J'en avais marre d'être un paillasson au travail et à la maison et je me suis dit mais on ne mérite pas ça. Enfin je voyais mes collègues et tout ce qu'on mettait en place. Bon j'ai fini par démissionner et retourner dans le libéral parce que c'est très très compliqué de faire changer la direction avec les politiques actuelles mais ça c'est un autre sujet. Du coup, c'est vrai que je me suis dit... D'un point de vue financier, ce n'était pas possible pour moi de rester en salariat parce qu'on est très peu payé. Et je ne voulais absolument pas dépendre de lui. J'avais travaillé en libéral plus tôt et je savais que si je travaillais plus, je gagnerais plus. Parce que je me suis dit, en fait, je ne vais pas rester dans cette boucle-là. Je ne veux pas dépendre financièrement de lui. Je ne veux pas de pension alimentaire. Je ne veux rien du tout. Je ne veux absolument pas avoir de comptes à lui rendre. Donc j'ai changé aussi parce que je ne supportais plus l'autorité, vraiment ce n'était plus possible pour moi. Alors pas l'autorité de mes chefs qui était tout à fait normale, ce n'est pas que je refuse de me plier à des conditions, mais je me refusais de me plier à des choses insensées et qui n'étaient pas dans l'intérêt des patients. Et en fait ça a été une vraie bouffée d'oxygène parce que j'ai pu refaire mon travail, certainement comme je l'entendais moi, et j'ai eu des retours absolument extraordinaires des familles que j'accompagne. Elles ne peuvent pas savoir qu'elles m'ont aidée énormément parce que personne ne sait ce que je vivais chez moi. Mais ils m'écrivaient des cartes, je recevais des messages et des témoignages qui étaient extrêmement touchants par rapport au travail que je mène. Et je me disais, mais s'ils savaient ce que je suis en train de vivre dans ma vie personnelle. Et moi, ça m'a sauvée. Et je pense que jusqu'à la fin de ma vie, je dirais que mon métier m'a sauvée parce que... Ce retour des gens et cet investissement que je mets dans l'humain, mais qui ne m'était pas du tout rendue dans mon foyer avec la personne avec qui je vivais, pour moi, ça a été une bénédiction dans ce chemin-là, parce que sans ça, je ne sais pas du tout dans quel état j'aurais été. Vraiment, le travail, c'était ma bulle.

  • Speaker #0

    Pour moi, le travail, ça m'a sauvée aussi. Par contre, ça a été très, très difficile, puisque j'étais installée en libérale, en Outre-mer, avec une amie. Et comme j'ai dû quitter l'île pour m'enfuir, j'ai dû quitter ce cabinet dans lequel c'était très chouette de travailler là-bas. J'avais une patientelle qui était très sympathique et ça a été un renoncement. D'abord de quitter cette île, ça a été un renoncement, mais en plus. De quitter ce travail, vraiment, je suis partie à regret. Alors, en effet, moi aussi, le salariat, après, c'est compliqué, c'est encore compliqué. Maintenant, j'y suis parce que, aussi, j'ai la... J'ai ma fille à gérer, donc au niveau des horaires, je suis salariée, mais c'est vrai que l'autorité, c'est un problème aussi pour moi. Je pense que je suis bien dans mon travail, mais il y a toujours cette fatigue quand même qui est là. Et j'avoue que moi aussi, j'ai pris un mi-temps thérapeutique à un moment, parce que j'étais en état d'épuisement très avancé. J'ai fait un burn-out aussi, entre deux. parce que je n'avais pas du tout la capacité psychique de gérer. J'ai été cadre, enfin bref, c'était une erreur de parcours. Mais voilà, il y a des moments où quand il y a des procédures judiciaires ou des choses qui approchent, ou des visites médiatisées qui approchent, à chaque fois je me dis que je suis épuisée et que je devrais me reposer. Mais en même temps, quand je suis à mon travail, je suis en équipe, je suis bien. Et c'est ma vie, en fait, qui se remplit comme ça. Et puis, j'adore mon travail.

  • Speaker #4

    Donc, à l'époque des faits, quand j'ai quitté le père de mes enfants, j'étais encore responsable de magasin. Et pareil, en fait, c'était travailler dans une petite boutique. de fil à tricoter avec ma petite clientèle. On se connaissait par les prénoms, c'était que des habitués. Et en fait, c'était pareil, ma bouffée d'oxygène. J'étais heureuse d'aller au travail, j'étais heureuse de retrouver mon équipe, j'étais heureuse de voir mes petites clientes qui m'attendaient parfois avant l'ouverture pour que je les dépanne parce qu'elles sont en manque de plottes. C'était vraiment... Et puis, je me sentais reconnue, je me sentais vivante, voire aimée, en fait, comme j'étais, sans jouer de rôle. Et ça, ça a été salvateur pour moi, vraiment. Et même après, lorsque j'ai demandé le divorce... où on a vécu un an encore ensemble, où je devais gérer ces crises de colère, ces périodes de manipulation pour que je change d'avis. J'étais vraiment avec un personnage qui faisait volte-face. C'était des larmes et juste après, des hurlements, où j'ai cru à un moment donné que j'allais basculer dans sa folie et pouvoir juste aller travailler et être... normal, ça m'a sauvée. En fait, ça m'a sauvée psychologiquement, ça m'a permis de tenir, ça m'a permis de tenir bon pour moi, d'être encore là maintenant. En tout cas, moi, ça a vraiment été le travail qui m'a permis de tenir.

  • Speaker #3

    On voit effectivement dans votre discours la question du sens et de la valorisation au travail qui est essentielle. Et d'ailleurs je tenais à avoir une pensée pour les personnes qui ne sont pas en emploi et qui sont victimes de violences conjugales. Elles représentent 40% de l'ensemble des victimes à peu près et qui sont d'autant plus isolées. Autrement, nous avons abordé trois grands thèmes aujourd'hui et je note que vos histoires, elles se recoupent de bien des manières. Maintenant j'aimerais pour terminer vous demander à chacune un conseil simple pour aider une personne à se sortir d'un schéma de violences conjugales au regard de vos expériences chacune. Que pouvez-vous dire aux femmes et aussi aux hommes victimes qui se sont concernés et qui vous écoutent aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Alors de mon côté, je leur dis de parler, de surtout ne pas avoir honte. Un peu comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp. C'est-à-dire qu'on est victime et on met du temps à le comprendre. Mais en fait, dès qu'on commence à sentir qu'il y a des choses pas normales qui se passent, il faut oser se confier, parce que je pense que c'est en parlant qu'on se libère et qu'après on guérit et qu'on ose... On ne sera pas seul. En fait, moi, mon angoisse, c'était d'être seule. J'avais tellement entendu, tu ne pourras pas vivre seule, tu ne sais pas t'organiser seule, tu ne sais pas. J'en étais presque persuadée. C'est faux parce qu'on n'est pas seul. Moi, le jour où je l'ai quitté, j'ai tous mes amis qui sont arrivés. On m'a apporté des meubles, des télés, des fourchettes, des assiettes. Donc voilà, osez partir et entourez-vous des gens qui sont bienveillants et qui vous aiment et tout ira bien.

  • Speaker #0

    C'est un long processus parce qu'il faut apprendre à s'aimer. d'abord et à prendre soin de soi et il faut être doux avec soi-même pas trop exigeant très tendre avec soi même se faire des petits câlins régulièrement à soi même et à prendre doucement oui à s'aimer tout doucement prendre soin de soi C'est super difficile, mais c'est quand même mieux que de vivre l'enfer.

  • Speaker #1

    Et de même côté, malgré l'isolement, le soutien de vos proches, il sera là. Il faut essayer de le ressentir. Il est là, il sera là. Donc s'accrocher à ça, à ce petit ressenti, même si à cause du fait qu'on n'a pas encore parlé, par exemple, on ne sait pas et on a peur et on se dit qu'on ne l'aura pas. Se dire qu'en fait, il existe et s'y accrocher. Là, surtout si vous n'avez pas encore... parler pas encore réaliser votre proche il peut pas forcément faire grand chose mais dès que vous le solliciterait et c'est ce qui s'est passé du coup pour plusieurs d'entre nous il sera il sera là il sera même là en quantité bien au delà de ce que vous avez espéré et

  • Speaker #4

    ça faut s'y accrocher ça et ça fonctionne oui je vous rejoins tout d'exploit mais surtout surtout surtout arrêter d'avoir honte Parce que ce n'est pas de notre faute. C'est la personne violente qui doit avoir honte et vraiment oser en parler, trouver une oreille, quelle qu'elle soit. Ne pas avoir peur d'être jugée parce qu'effectivement, la parole se libère. Et on constate bien que ça touche tous les milieux. Et vraiment parler, parler. trouver quelqu'un. Et surtout, arrêter d'avoir honte.

  • Speaker #3

    Je rajoute un dernier conseil qui fait un peu la synthèse de tout cela, c'est écouter des témoignages comme ceci, et surtout la force qui en découle. Souvent, les personnes victimes ont du mal à se considérer positivement et pour autant, vos parcours nous montrent qu'il est possible de dépasser cela, même si bien sûr c'est très difficile, et de se reconstruire. D'une certaine manière, être capable de subir un tel schéma de violence, ça traduit une grande force au fond. En tout cas, merci beaucoup à toutes les cas de nous avoir partagé vos chemins de vie qui se recoupent d'ailleurs. On a vu que vous aviez vécu un schéma d'emprise, presque même si j'ose dire de dépossession de vous-même, qu'il s'était mis en place progressivement et qu'il continuait malgré la séparation, via les enfants notamment, en tant qu'outil de manipulation. Nous avons vu aussi que votre travail a été une bouffée d'oxygène et qu'il vous a aidé à vous en sortir. En tout cas, merci beaucoup pour vos témoignages et peut-être à une prochaine pour continuer cet échange.

  • Speaker #1

    Vous voulez témoigner en tant qu'experts de violence ou bien victime que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.eu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé.

  • Speaker #3

    Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

Description

4 femmes victimes de violences conjugales nous partagent leurs histoires, sous forme de groupe de parole enregistré et anonymisé. Nous voyons, à travers leurs parcours, la force incroyable qu'elles ont eue pour se sortir du schéma de violences qu'elles subissaient avec leurs enfants. Leurs chemins de vie sont différents, pourtant leurs histoires sont très semblables. Cet épisode permet notamment de prendre conscience des schémas récurrents et quasiment identiques employés par les auteurs de violences, et la façon dont on peut s'en sortir.


"Un poing c'est tout !" est un podcast créé bénévolement par Heyu, société de conseil dans le monde du travail pour contribuer à libérer la parole et accompagner les victimes de violences.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles.

  • Speaker #1

    Le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. Elle m'a dit que j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit « Courage, fuyons » .

  • Speaker #2

    Le travail, c'était une bulle, il ne m'atteignait pas.

  • Speaker #3

    Comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp.

  • Speaker #4

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans le podcast 1.c'est tout, une émission où j'interroge des personnes victimes de violences conjugales ainsi que des experts. Je suis Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé la société EIU. Nous développons dans le monde du travail des actions de sensibilisation pour informer et accompagner les personnes victimes vers la sortie des violences. C'est l'exemple de notre plateforme d'information unique en son genre qui reprend des conseils sur les questions administratives et juridiques ou de nos actions de formation pour outiller RH et managers à l'accueil de la parole et l'orientation. Et c'est en résonance avec cette activité que nous avons créé cette série de podcasts gratuites qui s'adressent à toute personne concernée ou intéressée par le sujet. Merci de nous écouter, vous êtes désormais plusieurs dizaines de milliers. Bienvenue dans ce nouvel épisode qui est assez particulier puisqu'aujourd'hui il va prendre la forme d'un groupe de parole. Nous avons donc avec nous quatre femmes, quatre femmes qui vont nous partager leur vécu de violence conjugale. Tout l'intérêt de ce groupe de paroles, il va être d'une part de voir les points en commun entre vos histoires, car on sait qu'il y a beaucoup de faits communs dans la construction du cycle de violence conjugale et de l'emprise. Et puis nous verrons aussi bien sûr les singularités, les spécificités de vos vécus, pour que nos auditeurs et auditrices puissent s'identifier plus précisément à vos histoires. Alors pour commencer, je vais laisser la parole à qui le souhaite. Qui veut prendre la parole en premier ?

  • Speaker #2

    Je vais me lancer. Je m'appelle Charlotte, j'ai 34 ans et j'ai vécu 7 ans de violence conjugale entre 2015, date de mon mariage, et 2021, l'année où j'ai réussi à fuir un mari qui était violent, d'abord psychologiquement, puis verbalement, physiquement, et puis j'ai vécu aussi des violences sexuelles et financières. J'ai eu deux enfants qui ont... 7 ans et 6 ans. J'ai réussi donc, entre autres grâce à eux, à partir avec eux et depuis, j'ai entamé un chemin de reconstruction pour aller mieux, pour réaliser et pour me reconstruire de façon générale. Par ailleurs, sinon je suis ingénieure dans l'industrie. Je travaille depuis 10 ans dans la même entreprise où je travaille toujours.

  • Speaker #4

    Je vous remercie Charlotte et je laisse aux trois autres personnes la possibilité de continuer.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Fanny, j'ai 51 ans, je suis sage-femme. J'ai vécu des violences conjugales entre 1999-2000, année de mon mariage, et de la naissance de notre premier enfant, jusqu'en 2019, année où j'ai réussi à fuir. une énorme fuite d'ailleurs, puisque c'était en Outre-mer. Donc voilà, j'ai réussi à partir avec mes deux enfants mineurs. L'enfant majeur était resté dans l'île où nous vivions. Et aujourd'hui encore, je suis encore dans un bas, puisque à nouveau, il y a une procédure judiciaire en cours pour des violences sur la petite dernière. et aussi des violences financières. J'ai vécu des violences psychologiques assez importantes, des violences physiques, des coups dans les murs, des objets lancés, des violences sexuelles avec des rapports non consentis, et des violences financières. J'ai un processus très long de reconstruction qui est encore en cours, évidemment, avec des thérapies assez importantes. avec beaucoup d'aide finalement aujourd'hui, parce que je suis accompagnée par une association, un travail sur les énergies aussi, pour essayer de pouvoir continuer de comprendre le sens d'être sur Terre aussi, parfois, ça peut m'arriver, mais voilà, je le fais aussi pour mes enfants, tout simplement.

  • Speaker #4

    Merci, et je laisse Sarah et Louise pour finir.

  • Speaker #0

    Donc moi c'est Louise, j'ai 41 ans, je suis modéliste. J'ai vécu avec mon ex-mari de 2003 à 2019. Je l'ai rencontré, j'avais 18 ans. Et assez rapidement, il m'a fait un chantage. Il me tenait beaucoup par la culpabilisation. Il me menaçait régulièrement de me quitter. Et donc, il fallait à tout prix avoir un enfant ensemble. Donc, je suis tombée enceinte très rapidement. Et les violences ont commencé pendant ma grossesse, ma première grossesse. Comme Fanny et Charlotte. Je pense que j'ai subi toutes les violences possibles, principalement psychologiques, mais à une tenue assez physique, sexuellement, donc je le comprends actuellement. Toute ma vie avec lui, en fait, je n'ai subi que des viols. Et donc en 2019, la justice m'a aidée à me sauver. J'ai demandé le divorce en 2018, j'ai vécu un an en enfer avec lui. parce que je ne voulais pas quitter notre logement que je payais, et lui non plus. Et la justice l'a contraint de quitter notre logement, donc un an plus tard. Et on a enfin pu se reconstruire avec mes enfants. C'est encore en cours. C'est loin d'être fini. Mais ça prend plutôt bonne forme. Et le fait de savoir que la justice, en fait, en tout cas pour ma part, Merci. nous soutient. Ça fait du bien, on est entendus, on est compris, en fait.

  • Speaker #4

    Merci. Sarah, pour finir.

  • Speaker #3

    Moi, je m'appelle Sarah, j'ai 36 ans et j'ai une histoire qui rejoint l'histoire des dames qui ont parlé avant moi, à la différence que moi, j'ai compris que j'étais victime de violence une fois la relation terminée, une relation qui a duré 7 ans. Et je dirais qu'encore aujourd'hui, j'ai du mal à parler de violence sexuelle, violence financière, violence physique, alors que... J'ai vécu tout ça aussi et j'avais consulté une association, le CIDFF, qui m'avait dit « quand ça ne va vraiment pas, vous pouvez appeler le 3919 » . Et j'ai fait ça un soir après avoir reçu un message encore atroce. Et la dame que j'ai eue au téléphone m'a écoutée longuement et m'a dit « en fait, ce qui manque, le seul maillon qui manque dans votre raisonnement, c'est le fait de comprendre que vous êtes victime de violences conjugales » . Et je lui ai dit « ce n'est pas possible puisqu'on est séparés » . Elle m'a dit « si, si, madame, les violences conjugales, ça peut continuer » . après la séparation, ça peut durer très longtemps. Alors de mon côté, j'ai été très aidée par les associations locales. Par contre, au niveau de la justice, moi je n'ai pas forcément trouvé de réponse. J'ai même eu, je pense, un rendez-vous au commissariat qui a été assez traumatisant. Donc je pense que c'est important peut-être de libérer la parole sur ce sujet et de pouvoir parler de notre vécu pour que tout le monde puisse aussi s'identifier.

  • Speaker #4

    Eh bien tout à fait, c'est exactement ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui. Merci beaucoup à vous quatre d'avoir le courage de témoigner. C'est pas facile sur ce sujet qui est encore très tabou. J'observe déjà quelques similitudes dans vos histoires avec, je dirais en chapeau, les violences psychologiques. Et on voit qu'il y a d'autres types de violences en oeuvre, très souvent cumulées d'ailleurs. Nous allons aborder aujourd'hui trois grands thèmes. Le premier, c'est la façon dont s'est mise en place l'emprise, le système coercitif dans vos histoires. Après, nous irons sur les conséquences des violences conjugales dans votre vie et les différents retentissements pour enfin faire un point sur le rapport au travail. Vous nous direz si cela s'est perçu ou non chez vous et comment vous l'avez vécu. Mais déjà, une première question pour commencer. À qui souhaite prendre la parole, comment se sont mises en place les violences conjugales chez vous ?

  • Speaker #3

    Alors chez moi, je dirais que ça a été très insidieux. Au tout début de la relation... Moi, j'avais un tempérament que je suis certainement toujours assez anxieux. Je n'aime pas les conflits, je préfère tout arrondir. Donc, au tout début, c'est vrai qu'il était assez contrôlant, mais finalement, ça me rassurait aussi. Et puis, il y a plein de choses que j'ai laissées passer, où j'acceptais, où j'arrondissais les angles. Et puis, le jour où on a eu des enfants, ça a un peu changé parce que notre fils a eu des problèmes de santé. Et du coup, j'ai dû un peu plus m'imposer dans ma vision des choses. Et là, j'ai trouvé face à moi quelqu'un de très rigide, de très... Il ne tolérait pas du tout, en fait, que je puisse avoir mon point de vue sur la situation, que je puisse être en désaccord avec lui. Et donc, c'est devenu beaucoup plus compliqué. Et ensuite, on a eu une fille qui est arrivée un peu par surprise. Et là, à nouveau, en fait, c'était de pire en pire. J'en parlais très peu. parce que je pense que j'avais honte et je ne voulais pas du tout détruire l'image qu'on pouvait donner à l'extérieur ou inquiéter les gens. Donc je gardais beaucoup de choses pour moi et surtout je me m'auto-persuadais que c'était de ma faute. Donc je cherchais toujours à faire toutes sortes de thérapies pour aller mieux, pour que ça se passe bien à la maison, pour que jusqu'au jour où, avec l'arrivée de ma fille, j'ai compris que ce n'était peut-être pas moi le problème.

  • Speaker #2

    Le mot insidieux, il est parfait pour décrire la mise en place aussi de l'emprise que j'ai vécue. De mon côté, ça a commencé un peu comme un conte de fées, avec un bon coup de foudre. J'ai été très éblouie par sa droiture, sa beauté. Il était médecin, il avait le sens de la famille, le sens du travail. Lui, par ailleurs, savait me dire exactement les compliments. Il me choisissait, ça me valorisait beaucoup. j'étais J'ai été conquise en fait très vite. Et c'est qu'après notre mariage qu'en fait, petit à petit, il y a eu des moments, par exemple, de colère. Là aussi, c'est insidieux parce que la première, ça va. On se dit que nous, on ne fonctionne pas comme ça, mais que lui, il est un peu plus sans bien. Et puis finalement, ça fait peur, ça fait peur à tel point qu'on se soumet. Et que finalement, moi, c'était plus... Si vous voulez, si je rangeais un torchon dans la cuisine, ce n'était plus pour que la cuisine soit rangée, ou pour moi, c'était pour éviter que ça se transforme en un grain de sable qui entraîne une colère de son côté. Et après, petit à petit, les colères se sont accompagnées aussi de culpabilisation, il soufflait le chaud et le froid. Un jour, j'étais très très belle, le lendemain, très très laide. Et ça rejoint aussi ce que disait Sarah, c'est que tout était de ma faute. à la première violence physique, entre guillemets, c'était trop tard. C'est-à-dire que mon cerveau s'est déconnecté, s'est dissocié. Et je n'ai pas accepté de voir que c'était de la violence physique. Ça a enclenché un système de cycle avec des périodes de lune de miel qui étaient longues, entre guillemets, de trois mois, où tout se passait bien, tout était merveilleux. On formait un très beau couple et à la maison, ponctuellement, de façon incontrôlable, des violences. psychologique reprenait, verbale, physique.

  • Speaker #4

    Est-ce que vous aussi, Louise et Fanny, les violences se sont installées de façon progressive et insidieuse ?

  • Speaker #0

    Il a commencé d'abord à m'isoler. Avant tout, en fait, il a commencé petit à petit à critiquer chacune des personnes de mon entourage qui étaient importantes, puis à tenir des propos, alors je pense maintenant, avec le recul qui était sans doute parfois faux, pour que je sois en conflit, en fait. Et petit à petit, je me suis isolée de tout le monde. J'étais vraiment seule de mes amis. Je me suis isolée de la plupart des membres de ma famille aussi. Moi, j'habitais en Belgique, j'ai quitté mon pays. En fait, souvent, il me répétait que j'étais seule, que je n'avais que lui. Alors moi, ces propos, c'était parce que j'étais quelqu'un de déguestable. Il n'y avait que lui qui était capable de m'aimer. Et ensuite, la seconde phrase que j'ai entendue très régulièrement, c'est « c'est pas moi, c'est toi » . Ça, c'était son cadeau. Donc, je me suis transformée, adaptée pour lui convenir, pour être comme lui voulait que je sois. Je ne savais plus comment être, en fait. C'est comme ça que l'emprise a pris place.

  • Speaker #1

    C'est exactement la même chose pour moi. Le fait que ce soit insidieux, tout simplement. Évidemment, je suis tombée sous le charme immédiatement, j'ai tout plaqué. J'avais 24 ans, j'étais encore étudiante et il m'a emmenée dans un rêve extraordinaire. Je n'avais jamais voyagé, là il m'emmenait dans des voyages extraordinaires, j'ai été éblouie comme Charlotte. par sa profession aussi, de par sa profession, il était médecin, que voilà, j'étais complètement sous le charme. Et peu à peu, en fait, la violence, des colères en fait, qui sont apparues, des tentatives d'intimidation aussi pas mal, avec un isolement qui s'est produit peu à peu. On a même fini ensemble par partir de l'autre côté du monde. Évidemment, ça s'est accentué, il m'a isolée de ma famille. Il disait des choses intolérables sur ma famille, sur mes amis. J'ai laissé tous mes amis qui, d'ailleurs, à 25 ans, c'était mes amis étudiants qui, un jour, m'avaient dit « mais tu vis dans un placard » . Donc, il y a eu quand même des phrases qui ont résonné des années après. Et peu à peu, c'est monté, c'est monté, pareil, des violences psychologiques très, très, très importantes qui, à chaque fois que j'étais enceinte, il allait… dragué des femmes, il m'a trompé pendant mes grossesses. La vraie emprise, je pense, vraiment d'une puissance absolue, c'était le... Un adultère en fait, au bout de, allez on va dire dix ans de vie commune, un adultère avec une de mes amies. Et là en fait, il a inversé le processus complètement et je suis devenue totalement soumise à lui, en fait à me dire que c'était de ma faute s'il m'avait trompé. Et du coup là, il m'a même donné des médicaments pour que je dorme, enfin bref, c'était terrible. Et surtout cette sensation de devenir folle, je ne savais plus qui j'étais, j'étais dans le brouillard.

  • Speaker #4

    C'est d'ailleurs un mot brouillard qui ressort très souvent dans les témoignages. Merci Fanny. Est-ce que vous avez vécu, mesdames, ces manipulations permanentes et ce sentiment de ne plus être vous-même ?

  • Speaker #3

    Oui, parce qu'en fait, il y a un jour où ça se passe bien. C'est-à-dire que tout va bien, la personne va bien le matin. Donc, c'est des journées extraordinaires. Du coup, nous, on est rassurés. Enfin, moi, pour ma part, j'étais complètement rassurée. Je me disais, voilà, ça y est, c'est fini, on a passé un cap. Maintenant, tout va bien se passer. J'y croyais dur comme fer. J'étais repartie contente. Je retrouvais toute mon énergie. J'avais cette force-là de toujours rebondir et aller bien. Et puis en fait, soit histoire de rien du tout, d'un seul coup, c'était la tempête. Et du coup, c'est un sentiment constant de peur. On ne sait pas comment ça va se passer. C'est ça qui est absolument terrible. C'est que rien n'est prévisible. Tout est incontrôlable. Et ça, c'est... absolument atroce à vivre et c'est complètement destructeur parce qu'on est persuadé que c'est nous qui sommes folles et qu'on déclenche chez la personne des comportements improbables. C'est ça qui est atroce.

  • Speaker #4

    D'ailleurs Charlotte nous disait tout à l'heure que son ex-compagnon soufflait sans cesse le chaud et le froid et ça ressort beaucoup dans vos témoignages. Est-ce que cela vous parle aussi aux autres ?

  • Speaker #1

    Oui, moi par exemple pendant mes grossesses il me disait Vous avez les... Les femmes enceintes l'aident. Et à côté de ça, il me disait, ouais, mais t'es une épouse formidable. Ou sans toi, je suis rien. Faut jamais que tu meurs, parce que sinon, je vais pas y arriver avec les enfants. Voilà, des choses vraiment qui nous mettent dans un climat d'incertitude permanente, avec une adaptation, une suradaptation qui nous épuise, évidemment. Pour protéger nos enfants, évidemment, aussi. Et de lui aussi, moi j'essayais de comprendre pourquoi il réagissait comme ça. Tout simplement, je me disais que j'allais le soigner.

  • Speaker #4

    Oui, j'imagine que tout cela rend difficile la prise de conscience de votre situation, d'autant plus que vous avez évoqué l'isolement qui se met en place. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous ont bloqué dans la conscientisation du phénomène ?

  • Speaker #0

    Pour ma part, je me qualifiais de robot. Mais c'était vraiment ce que j'étais devenue en fait. J'étais en pilote automatique. Je savais qu'il fallait que je tienne pour les enfants, mais je n'éprouvais plus rien, en fait, à part la peur. Et moi, je tenais grâce au travail, parce que, contrairement à vos mesdames, ils vivaient à mes crochets. Les violences financières, c'est en fait, ils dépensaient l'argent que je ramenais à la maison. Donc, il fallait que je travaille. J'ai travaillé pendant mes grossesses jusqu'au bout. Et c'était vraiment, moi, c'était ma bouffée d'oxygène. Mais à côté de ça, moi, il me tenait, par exemple, sur mes temps de trajet. Le soir, il chronométrait mon temps. Ce n'était pas normal qu'il y ait des bouchons. Bon, petit à petit, il a fait installer un traceur sur ma voiture. Donc, ça a été plus simple aussi de contrôler mes déplacements. Mais voilà, j'étais vraiment en pilote automatique, en fait.

  • Speaker #2

    Il y a une chose que j'ai entendue chez Fanny, qui a résonné en moi, c'est… La notion de culpabilité, parce que là aussi, dans mon histoire, parfois dans ces moments un peu de lucidité, j'ai réussi à lui dire que ce n'était pas normal ce qu'on vivait, sans mettre le mot de violence. Lui me faisait croire que grâce à moi, il allait mieux. Mais que grâce à mon amour, grâce à ma tendresse, il allait mieux. Ça appuyait sur le bouton sauveur. Moi, je parle un peu de dissociation, mais je suis sûre d'avoir vécu ça. qui est que... que depuis la première violence physique en 2016, mon cerveau était incapable de réaliser que j'avais vécu des violences physiques. Et j'ai dans la tête encore, enfin encore, j'avais à l'époque une marmite, si vous voulez, une marmite noire. Je savais qu'il y avait les violences physiques à l'intérieur, mais j'étais assise sur le couvercle et incapable de réaliser qu'il y avait cette marmite et encore moins capable évidemment de l'ouvrir pour comprendre que c'était des violences.

  • Speaker #4

    Merci Charlotte, d'autant plus que vous nous amenez sur la question des conséquences physiques et psychiques. Alors, quelles ont été ces conséquences chez vous ?

  • Speaker #2

    parce qu'une perte totale d'estime de soi. Enfin, j'étais rien. J'étais l'ombre de quelqu'un. J'étais dans le brouillard, pour reprendre encore un mot utilisé. Je ne savais plus complètement. Je ne savais plus ce que j'aimais, ce que je n'aimais pas. Qui j'étais ? Enfin, qui est-ce qui me définissait ?

  • Speaker #3

    Moi, c'était un peu la même chose. Et physiquement, j'ai une amie qui m'a dit un jour « C'est bizarre, Sarah, parce que tu aimes toujours mettre… Enfin, tu as toujours aimé mettre des bijoux qui brillent. Tu t'habillais toujours bien. je sais pas là maintenant tu mets que des trucs tu ne mets plus trop de bijoux, tu n'es pas comme avant. Et lui, il me disait des choses qui étaient très, très dures. Il me disait, tu vois, c'est fou quand je regarde des photos de toi avant, tu étais belle. Enfin, on voyait, je ne sais pas, là maintenant, tu n'es plus pareil, même sur les photos et tout. Tu es moins belle, tu es moins rayonnante. Il y a un truc qui a changé. Je me disais, bah oui, c'est vrai, mais toujours complètement sous l'emprise des violences et toujours pas consciente de ce que je vivais. Je me disais, bah oui, qu'est-ce qui m'arrive ? Après, il était dans un des principes aussi très écologiques et j'ai développé une espèce d'éco-anxiété énorme. Je m'habillais plus qu'en seconde main, je ne laissais plus un grain de riz dans la casserole parce que je me disais que pour les gens qui étaient dans les rizières, c'était atroce. Enfin, je me faisais un monde de l'écologie qui était devenu complètement anxiogène. Et du coup, forcément, j'avais aussi des habitudes de vie qui faisaient que j'étais complètement minimaliste. Et puis, les gens qui me connaissaient, donc cette amie et puis aussi ma nourrice, Un jour, ma vie, celle que j'avais quand j'étais petite et avec qui on est resté très en contact, elle m'a dit « mais qu'est-ce que t'as ça ? Je te retrouve pas du tout, tu ris plus comme avant, j'ai toujours aimé rire, faire des spectacles, faire rire les gens. » Et là, j'avais plus ça en fait, j'étais épuisée.

  • Speaker #1

    Alors moi, tous vos discours évidemment résonnent de façon assez violente. J'ai entendu tout à l'heure une histoire de chronomètre. Moi aussi, j'ai vécu le chrono. Quand ils gardaient les enfants, en fait, quand je travaillais, parce qu'ils voulaient absolument que j'arrête mon travail. Et moi, j'ai maintenu, maintenu, maintenu mon travail le plus possible. Mais quand même, j'avais la pression. Je devais rentrer le plus vite possible pour garder les enfants, m'occuper des enfants, parce qu'ils ne supportaient pas de s'occuper des enfants. Et une fois, j'étais rentrée, ils m'avaient dit, ça va, j'ai gardé la petite 2h51. Je pense que c'est bon. Enfin, bref, tout ça, ça résonne. Et pour les conséquences sur ma santé, en fait... Tout pendant que j'étais avec lui, j'avais des coliques néphritiques qui ont démarré. Et ça, ça a été assez violent. Et dès que je l'ai quitté, je n'ai plus du tout, du tout eu ce genre de symptômes. Au niveau de ma santé physique, j'étais lessivée, vidée, morte à l'intérieur de moi. Je me regardais dans la glace, évidemment. J'étais l'ombre de moi-même. En plus, comme il me disait assez régulièrement. que j'étais belle et le lendemain, elle me disait que j'étais moche puisque je ressemblais à ma mère et que ma mère était moche. Enfin bref, c'était ça devant les enfants, évidemment. Au niveau de ma santé mentale, évidemment, alors là, ça a été terrible à remonter. Je suis rentrée en France, puisque quand je l'ai quittée, je suis rentrée en France. Je ne savais même plus m'habiller, je ne savais plus prendre soin de moi, je ne savais, je dormais. J'étais... On va dire, je pense, une serpillière. Je ne sais pas. J'avais complètement perdu toute mon identité. Et peu à peu, c'est remonté. Mais j'ai toujours des traces du stress post-traumatique important que j'ai vécu. C'est-à-dire que je supporte difficilement la surcharge mentale. Donc, j'ai appris à le gérer. Je sais que je dois me protéger de ça. Et cette peur qui est quand même restée, parce que j'ai eu vraiment très, très, très peur, puisque j'ai eu pas mal de menaces de mort. Cette peur est inscrite corporellement, donc j'essaye de trouver un moyen de l'évacuer. Là, par exemple, actuellement, il voit encore ma fille en visite médiatisée. Et à chaque fois, quand je pense à la visite, j'ai peur au niveau corporel. Et ça, je pense que c'est très, très, très important d'écouter son corps.

  • Speaker #4

    Et Louise, justement, vous nous disiez tout à l'heure que vous aviez le sentiment d'être un robot. Chez vous, quelles ont été les conséquences physiques et psychiques ?

  • Speaker #0

    Je réfléchissais même plus, en fait, je subissais. Et en fait, je faisais juste en sorte que la vie continue, que la maison tourne, que les enfants soient correctement habillés. Surtout pas que ça se remarque. Donc, à l'époque, moi, j'étais responsable de magasin en plus. Donc, il ne fallait pas que ça se voit. Donc, je m'apprêtais vraiment énormément, justement. Je me maquillais beaucoup. Et ça ne plaisait pas à monsieur, du coup. Donc forcément, ça exacerbait. Lui, ça jalousie ma maladie. Et quand je suis sortie de cette relation, j'ai eu une période un peu euphorique. Libérée, j'ai été libérée, je pouvais faire ce que je voulais, sortir quand je veux avec mes enfants, ne pas rendre de compte. Ça a été libérateur pendant tout un temps où on a fait plein d'activités, il fallait vraiment tout le temps s'occuper. Avec le recul maintenant, je sais que c'est juste que j'avais peur d'être inactive et de repenser à pas mal de choses. J'étais vraiment dans l'évitement complet. Et ensuite, je suis retombée dans une forme d'emprise via les enfants. Monsieur décidait quand il avait envie de prendre les enfants. Il ne respectait pas le jugement et du coup, je subissais, je vivais de nouveau. À travers lui, à ce moment-là, je me suis de nouveau retrouvée dans un état d'hypervigilance, à ne pas savoir s'il allait être dans les environs, si j'allais tomber sur lui. Il apparaissait n'importe quand, quand il voulait. Et du coup, je me suis retrouvée dans un état de fatigue physique, psychologique. J'ai perdu 15 kilos comme ça en quelques semaines. Ça a été très, très compliqué. physiquement et psychologiquement, même après.

  • Speaker #3

    Moi, je rebondis sur ce que dit Louise parce que j'ai vécu exactement la même chose cette période d'euphorie. J'ai fait les magasins, je me suis acheté plein d'habits, je suis allée à McDo parce que c'était interdit. J'étais trop contente, vraiment. Je me suis dit, ça y est, j'ai retrouvé ma liberté pour toujours. J'étais hyper fière d'avoir réussi à partir. Et puis, j'ai eu l'effet boomerang exactement comme Louise, c'est-à-dire que très rapidement, Il m'a fait comprendre que non, ça n'allait pas se passer comme ça, que ma liberté, elle allait être conditionnelle, et que même si on était séparés, qu'on habitait chacun dans nos maisons, il était toujours là derrière et que je n'étais absolument pas libre. Et du coup, c'est très compliqué parce qu'on est dans une cage avec une porte semi-ouverte, mais il continue de la fermer quand il a envie. Et moi aussi, j'ai perdu énormément de poids, j'ai perdu des cheveux, je suis allée chez le médecin en disant « j'ai quelque chose de grave là » . Et en fait, elle a fait plein d'examens. Fort heureusement, je n'avais rien de grave. Mais elle m'a dit, vous êtes dans un état d'épuisement extrême. Qu'est-ce qui se passe ? Et donc, je lui ai raconté ma vie. Et du coup, j'ai compris au fur et à mesure des mois, des semaines et des jours que c'était moi qui allais devoir me défendre et que juste partir, ça n'allait pas être suffisant. Et un jour, mon père m'a dit, je crois qu'il va falloir qu'après, il va montrer les crocs parce que j'ai toujours été très gentille. et je m'imagine que tout le monde est beau, tout le monde est gentil, ce n'est pas du tout le cas. Et du coup, le point positif que moi, je tire de toute cette situation, c'est que ça m'a appris à me défendre, ça m'a appris à poser des limites, ça m'a appris à sortir une force que j'ai en moi, mais que je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai jamais osé exprimer. Et là, ça fait des mois que je suis obligée de me battre et dans un sens, ça me renforce parce que je le fais aussi pour mes enfants et ça rejoint ce que disent les dames aussi qui parlent et qui témoignent aujourd'hui. que nos enfants nous donnent une force terrible, c'est eux qui commencent à nous dire… « Maman, pourquoi tes yeux sont tristes quand on est encore dans le foyer ? » « Papa, pourquoi tu grandes maman ? » C'était des paroles où je me disais « Mais ce n'est pas possible, je ne veux pas élever mes enfants dans un contexte pareil. » Donc voilà, ça m'a donné une puissance et une force qui étaient en moi, mais qui ne s'étaient jamais révélées. Donc c'est difficile, mais il y a aussi moyen de trouver ce chemin en nous.

  • Speaker #4

    Oui, les enfants sont effectivement souvent un déclic. Y a-t-il eu des conséquences sur leur santé, des retentissements sur leur vie du fait des violences ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi, je prends la parole. Oui, moi, j'ai eu des conséquences énormes, puisque mon fils aîné, il a absorbé beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de violences de la part de son père. Et d'ailleurs, il a toujours des traces, évidemment, au niveau d'une dépendance affective. Enfin bref, c'est compliqué, mais il s'en sort, il est très courageux. Le deuxième enfant a beaucoup absorbé aussi, puisqu'il a été protecteur de sa petite sœur. avec des scènes improbables à la maison où il prenait la petite dans ses bras, il l'emmenait dans la chambre quand ça explosait à la maison. Et aujourd'hui, il s'en sort, il est très courageux, mais il a gardé une trace et une colère assez profonde en lui, même s'il ne parle pas beaucoup, mais on sent qu'il y a un potentiel de colère. Et la petite, elle est encore malheureusement dans une...

  • Speaker #0

    une manipulation avec son père, avec des visites médiatisées qui ont pris place. Et elle, par contre, elle a un sacré caractère et une énergie incroyable. Le gros déclic, ça a été qu'il a lancé un objet dans une pièce et j'avais la petite dans les bras. Et du coup, je me suis pris l'objet dans la figure. Et ce jour-là, je me suis dit que ce n'était plus possible. Je me suis cachée dans la chambre avec elle. Mais voilà, nos enfants ont des séquelles. Ils sont co-victimes de tout ça. Et ça, je pense que ce n'est pas encore assez. assez... ils sont pas encore assez considérés.

  • Speaker #1

    De mon côté je revendique sur ce que tu dis Samy, les séquelles sont là, les violences psychologiques, il les subissait par la tension qui s'installait et dont on apprenait au début. La tension qui systématiquement s'installait dès lors que moi je ressentais que là il n'était pas de bonne humeur et que ça allait mal se passer. Il le subissait aussi quand mon ex-mari nous quittait au milieu d'une balade. m'engueuler également, etc.

  • Speaker #2

    Alors moi, je rejoins ce qui a déjà été dit. Et de mon côté, les conséquences ont été terribles parce que l'année dernière, leur père a téléphoné au 119 pour tenter de me faire passer pour une mère irresponsable qui ne savait pas s'occuper de ses enfants. Et j'ai su des mois plus tard que c'était lui. Il m'a accusée de plein de choses, d'inceste. Enfin, c'est passé vraiment par tous les stades. Et les enfants ont été confrontés à énormément de rendez-vous. Donc à la maison, dans les services sociaux, via des psychologues. Et un jour, ils m'ont dit, on en a marre de rencontrer des dames, on ne veut plus. Mon fils m'a dit, moi je veux aller à mes entraînements de foot, je ne veux pas aller chez la psychologue, je ne veux pas. Et donc tout ça, ça a été compliqué. Après, comme on dit là, dans le parcours actuel, c'est que je ne peux pas parler de violences, puisque les violences ne sont pas identifiées par la justice juridiquement parlant. J'ai posé une plainte qui a été classée sans suite. Et le policier que j'ai vu plusieurs fois, dans des entretiens absolument atroces, m'a dit « en fait, je ne sais même pas pourquoi vous êtes là, je ne sais pas ce que vous faites là, ici c'est le pénal madame, c'est la police, on n'est pas là pour gérer les conflits de cours de récréation, qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur, il est comme ça, vous avez des problèmes pour vous parler, c'est difficile, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, on ne va pas le changer ? » Et il me disait « je ne sais pas moi, régler les conflits avec monsieur » . Je lui dis « mais moi je ne fais pas de conflits » . Et du coup, on ne peut pas parler de violence parce qu'elles ne sont pas identifiées par la justice. dans le parcours actuel avec toutes ces histoires du 119, j'ai l'impression que tout le monde me comprend, tout le monde voit bien ce que je subis, tout le monde... Mais personne ne peut rien faire à leur niveau, au niveau de la justice, et ben ils ne peuvent pas le faire non plus. Et je rejoins ce que disait tout à l'heure Fanny, c'est-à-dire que il y a un impact sur les enfants qui est absolument considérable et qu'on en parle très très peu aujourd'hui, et qu'il faut qu'on agisse parce que c'est la société de demain et qu'ils ont besoin aussi d'être accompagnés dans toutes ces violences intrafamiliales.

  • Speaker #3

    C'est intéressant, comme vous le faites, de faire la différence entre la violence conjugale et le conflit de couple. En fait, ce qui va distinguer ces deux notions, c'est le fait que dans un conflit de couple, on aura la possibilité de répondre sur un plan égalitaire, et la violence, elle va être liée à une situation précise. Tandis que dans les violences conjugales, l'auteur, lui, va chercher à dominer la personne dans sa globalité de façon complètement unilatérale. Est-ce que, pour continuer sur la question des enfants, vous souhaitez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #4

    Pour moi, mes enfants, ils sont encore pris en charge aussi... psychologiquement. Il arrive à faire la part des choses, je pense. Mais il a une hypersensibilité vraiment exacerbée. Il a une peur du conflit. Et puis quand il me parle, en fait, il a encore une voix d'enfant. Il n'est pas encore... C'est comme si avec moi il n'arrivait pas à grandir. Alors qu'avec d'autres, je l'entends et je vois qu'il est bien et ça me rassure en fait. Mais avec moi, c'est encore un enfant apeuré. Pour mes deux plus jeunes, ils ont connu avec moi les violences conjugales, mais ils les ont vécues avec leur belle-mère. Ils ont vu certaines choses, enfin une scène qui a été le déclic d'ailleurs pour moi, pour porter plainte. Et donc mon deuxième garçon a développé une phobie des couteaux. On doit le prévenir. Si je veux couper un légume, je le préviens, je sors le couteau. Il faut qu'il soit à distance, raisonnable. Il y a vraiment cette crainte. Et pour ma fille, elle garde en tête ce que son père lui a répété les rares fois où il la voyait, qui était « n'écoute pas ta mère » . Donc on est en conflit permanent. Elle m'en a parlé, c'est bien le post-démo. Mais voilà, ce que moi je dis, peu importe quoi, elle ne va jamais me croire de suite. Pour nous, les choses sont différentes parce que les enfants ne voient plus leur père depuis maintenant deux ans. Donc quand je disais, moi j'ai vraiment été écoutée par la justice, quand j'ai appris qu'il y avait encore de la violence au sein du couple que formait mon ex-mari et sa concubine, j'ai fait une demande auprès du juge. aux affaires familiales, demandant le retrait de droits de visite que j'ai obtenu par la suite. J'ai porté plainte pour mes violences. Et la chance que j'ai eue, c'est que la belle-mère des enfants a porté plainte également pour les violences qu'elle a subies peu de temps après, parce qu'en fait, je pense que, c'est ce qu'elle me dit, on est encore en contact, elle a compris qu'elle n'était pas toute seule. Et là, en fait, à l'heure actuelle, leur papa est en sursis probatoire. Donc plus de droits de visite, plus d'autorité parentale. Et ça nous permet d'avancer plus sereinement. Et également parce qu'en fait, c'est compliqué pour les enfants. Parce que, et je leur dis, ils ont le droit. En fait, ils ont ce conflit de loyauté. Ils ne savent plus trop comment se positionner. Est-ce qu'on a le droit d'aimer notre papa avec tout ce qu'il a fait ? Et effectivement, moi, je leur dis que oui. Oui, c'est leur père. Mais que leur père est puni, il a fait quelque chose de mal, il a refait quelque chose de mal et les conséquences sont là.

  • Speaker #3

    Oui, au moins de cette manière, les choses sont posées clairement pour eux. D'ailleurs, vous avez été plusieurs à aborder la question du déclic. Pour vous, quel a été le déclic qui vous a aidé à vous en sortir ?

  • Speaker #4

    Il a levé la main sur mon fils aîné. Et il n'aurait pas dû. Une semaine après, j'étais... auprès de mon avocate pour demander le divorce.

  • Speaker #2

    Moi, le déclic, ça a été, on est partis en vacances en famille dans un contexte déjà très, très compliqué. Les grossesses ont été très compliquées. La grossesse de ma fille a été atroce. Il me faisait des chantageaux suicides, qu'il allait partir, qu'on ne pouvait pas rester avec moi, que j'étais folle, que je lui mettais trop de pression. Enfin, bon, toujours des détails, mais dans les jours noirs et sombres, c'était toujours comme ça. Et on est partis en vacances en famille. Les enfants, dès le matin, ils fonçaient dans le mobilum de mes parents, c'est-à-dire qu'ils se réveillaient et on ne les voyait plus de la journée, parce que dans le mobilum de mes parents, c'était une super ambiance, et dans le nôtre, c'était absolument atroce. Et puis un jour, un matin, j'arrive moi aussi, et je m'assois à côté de mon père, j'ai toujours été très proche de mon père, et il m'a dit « est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et j'ai dit « de quoi tu parles ? » Il me dit « Sarah, fais pas semblant, est-ce que tu vis ça tous les jours ? » Et donc je lui ai dit « oui » . Et il m'a dit « ok » . Mon père a été marié avant de rencontrer ma mère et a vécu des choses très difficiles avec son ex-femme. Il m'a dit que ça me rappelait des mauvais souvenirs. J'ai dit comment on fait pour s'en sortir ? Il m'a dit qu'il fallait partir, qu'il n'y avait pas d'autre choix, qu'il fallait en aller. Il a un problème et il ne changera jamais. J'ai dit d'accord, mais mes enfants sont tout petits. Il m'a dit que je n'avais pas le choix.

  • Speaker #0

    Les déclics, pour moi, il y en a eu plusieurs aussi. Déjà, j'ai retrouvé un pistolet caché à la maison. Ça a été assez... percutant pour moi et il m'a dit qu'il avait peur qu'il voulait se protéger fin c'était c'était pas possible de jeu là je me suis dit il ya quelque chose qui cloche et les violences qui étaient de plus en plus de plus en plus de plus en plus forte dont une fois dans une dans la voiture où il avait tapé dans la voiture et il m'avait regardé dans les yeux j'étais derrière avec la petite qui était bébé je la laitais on roulait pas enfin bref il m'avait hurlé dessus en disant tout ça c'est de ta faute bon Et puis, une soirée aussi où on avait passé un moment ensemble. On était dans un hôtel. Enfin, c'était un peu glauque. Et là, on avait eu un rapport sexuel. Et la soirée avait été perverse, en fait. Et je m'étais écoeurée de moi-même. Ça, c'était un énorme déclic. Et puis, la dernière, vraiment le gros déclic, ça a été quand je suis allée voir la psychologue. qui m'a accueillie chez elle. Et je lui ai dit, écoute, je pense que je suis en train de subir des violences. Et elle m'a dit, oui, tout à fait. Comme on vivait dans une petite île. Elle m'a dit, j'ai rarement, elle le connaissait, elle m'a dit, j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi dangereux psychiquement. Donc je vais t'aider, parce que sinon tu vas mourir. Et elle m'a écrit sur un papier, je m'en souviendrai toute ma vie, elle m'a écrit, courage, fluyant. Et là, il y a eu le déroulé de toute ma vie, un espèce de ticket de caisse qui est sorti, plong, vraiment, où j'ai compris. qu'en fait, il était complètement fou. Et ça a été le déclic. Le grand, grand déclic, c'est celui-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en fait, il y en a eu plusieurs. Il y a eu les violences physiques devant mes enfants, ce qui me concerne aussi. Et en fait, grâce à ces deux éléments-là, un soir, après une violence physique, au lieu de pleurer, je suis allée sur Internet. Et pour la première fois, parce que dans ma tête, je n'étais absolument pas une femme battue. Pour moi, une femme battue, c'était un œil au beurre noir donné par un mari qui a bu dans un milieu populaire. Et je sais que ce n'est pas du tout ça aujourd'hui, mais malheureusement, à l'époque, c'est l'image que j'en avais. Et là, pour une fois sur Internet, j'ai dû cliquer « violence femme » , quelque chose comme ça. Mais je sais que je suis tombée sur ma vie qui avait été écrite par quelqu'un d'autre. Donc là, je ne comprenais pas, mais tout était là. Donc, ce dont on a parlé au début, toute la mise en place de l'emprise. les reproches, l'isolement que j'avais vécu aussi, la culpabilisation, le chaud et le froid, etc. Le problème de cet article, c'est que la solution, la seule, il faut partir. Et là, le problème, c'est que je fais que mon cerveau a bugué aussi, parce que je refusais cette solution, c'était pas possible de partir. J'étais aussi dans un milieu catholique pour lequel le divorce, il n'est pas tout à fait courant. De fait, l'Église catholique, ça c'est après que j'ai découvert ça. nous donne le devoir de partir dans les cas de violences conjugales. Mais à l'époque, je ne trouvais rien sur Internet à ce sujet-là et c'était plutôt un frein plutôt qu'une aide pour partir. Donc voilà, toujours est-il qu'à la fin de cet article sur Internet, il y avait écrit de partir. Il y avait heureusement une espèce d'exercice qu'ils conseillaient de faire et c'était en fait une prise de recul. Ils appelaient ça un peu le théâtre. Ils conseillaient de faire semblant d'être au théâtre, de se dire qu'on était au théâtre. Et donc pendant deux semaines j'ai fait ça, c'est-à-dire qu'au travail j'étais dans ma bulle et tout allait bien. Sur le chemin du retour, tu es au théâtre, tu regardes ce qui se passe. Et là, ce qui se passait c'est quand je l'attendais, quand il rentrait du travail, je me disais « Ah tiens, comment va être l'acteur ? Est-ce qu'il va être de bonne humeur ou de mauvaise humeur ? Comment il va être ? » Et moi pendant ce temps-là, je sais que j'arrivais à avoir des pensées qui étaient les miennes, qui n'étaient pas dépendantes de son humeur, qui étaient... Est-ce que j'ai passé une bonne journée au travail ? Chose que je ne me demandais plus. Comment allait être ma journée de demain ? Est-ce que mes enfants allaient bien ? C'était des choses qui étaient à moi grâce au fait que j'avais cette prise de recul. Et le seul problème de l'exercice, c'est qu'avoir une relation sexuelle, là, ce n'était plus possible. Puisque si j'en avais, je n'étais plus au théâtre. J'étais sur scène. si vous voulez donc je Je refusais d'avoir des relations sexuelles, j'ai refusé pendant deux semaines, ce qui est énorme. En revanche, au bout de deux semaines, il m'a forcé et puis il est parti dans une colère paroussime qui a entraîné encore une violence physique. Mais pour une fois, j'avais compris un peu le mécanisme et c'est pour ça, entre autres, grâce à ce troisième déclic que j'ai réussi à partir en vacances chez mes parents sans mon ex-mari, avec seulement mes deux enfants. Et que là, au bout de trois jours, j'ai réussi à dire à ma mère les violences que je subissais. Et là, alors ce n'était pas un ticket de caisse, moi c'est un barrage, c'est l'image que j'ai. C'est tout, tout, tout, tout est sorti. C'était la première fois. Et toute ma vie, j'ai pu raconter tout ce que je vivais pour la première fois et mettre des paroles dessus. Je changeais tout puisque je réalisais en disant les choses. que ce que j'avais vécu n'était absolument pas normal. Et après ça, je ne suis pas revenue. Et puis, avocat, tout s'en est suivi ensuite.

  • Speaker #3

    Et vous citez le travail comme une bulle, comme une parenthèse. Déjà, dans quelle mesure ça l'a été ? Et quelles ont été les conséquences sur votre activité professionnelle ?

  • Speaker #1

    Le travail, c'était une bulle. Il ne m'atteignait pas. Alors, il m'atteignait dans la mesure quand même où... Oui, il fallait que je sois à la maison pour m'occuper des enfants en permanence, mais non, il fallait que je travaille, travaille très bien, que j'ai une carrière incroyable pour gagner beaucoup d'argent. Donc, je pense que lui-même était bloqué entre ces deux injonctions contradictoires, mais il me les faisait vivre et c'était abominable parce qu'il fallait que j'ai une carrière incroyable. Et en même temps, je ne pouvais pas, puisqu'il fallait que je parte pour m'occuper de mes enfants en permanence. De fait, c'était quand même... Un endroit où d'ailleurs mes collègues ne savaient pas, je donnais beaucoup de change, mais c'était un endroit où j'avais le droit d'être moi-même, donc je continuais à l'être, et c'était une chance finalement, si je devais arrêter de travailler, ça aurait été encore plus dur. D'une part j'ai changé, j'ai eu beaucoup de changements dans ma vie, donc l'employeur perçoit parfois les conséquences de tropage d'hommes basques. Et puis, par ailleurs, j'ai des conséquences psychologiques qui se voyaient un minimum. C'est-à-dire quand on pleure, quand on a des couches par la nuit, quand on a peur. C'est des choses... Moi, je n'ai pas réussi en permanence à... Parce que ça ne se voit pas au travail. J'ai trouvé que... J'avais plutôt un bon cadre. Les gens étaient compréhensifs. Mais en fait, il y avait plutôt une ignorance. Donc, j'ai raconté mon histoire, que ce soit à l'ARH, à l'assistante sociale au travail. à mon manager, à mon manager direct, mais aussi à mon manager au-dessus, parce qu'en fait, quand on n'a pas vécu ça, c'est quand même pas facile d'expliquer, si je me mets à la place de mon manager direct, je peux aller vite dessus, mais les arrêts de travail, j'en ai eu énormément, des périodes d'arrêts de travail de trois, quatre mois, ou des périodes de temps partiel thérapeutique, qui là aussi n'est pas tout à fait connu comme mécanisme, pas tout à fait compris. qui sont de bonnes choses, mais qui sont assez inconnues, donc pour lesquelles il faut en permanence communiquer et expliquer. Enfin, c'est mon expérience, en tout cas.

  • Speaker #3

    Et vous, Sarah et Louise, est-ce que vous avez eu des conséquences dans votre activité professionnelle ? Est-ce que vous avez abordé la question au travail ?

  • Speaker #2

    Oui, moi, j'ai eu des conséquences quand même assez importantes parce que je travaillais en salariat au moment où les violences se sont exacerbées et en fait, je n'ai plus supporté. l'autorité un peu patriarcale qui régnait dans les deux établissements dans lesquels je travaillais. C'était très dur et en fait à travers ça je rejouais un peu la bataille que je menais à la maison pour me faire entendre. J'en avais marre d'être un paillasson au travail et à la maison et je me suis dit mais on ne mérite pas ça. Enfin je voyais mes collègues et tout ce qu'on mettait en place. Bon j'ai fini par démissionner et retourner dans le libéral parce que c'est très très compliqué de faire changer la direction avec les politiques actuelles mais ça c'est un autre sujet. Du coup, c'est vrai que je me suis dit... D'un point de vue financier, ce n'était pas possible pour moi de rester en salariat parce qu'on est très peu payé. Et je ne voulais absolument pas dépendre de lui. J'avais travaillé en libéral plus tôt et je savais que si je travaillais plus, je gagnerais plus. Parce que je me suis dit, en fait, je ne vais pas rester dans cette boucle-là. Je ne veux pas dépendre financièrement de lui. Je ne veux pas de pension alimentaire. Je ne veux rien du tout. Je ne veux absolument pas avoir de comptes à lui rendre. Donc j'ai changé aussi parce que je ne supportais plus l'autorité, vraiment ce n'était plus possible pour moi. Alors pas l'autorité de mes chefs qui était tout à fait normale, ce n'est pas que je refuse de me plier à des conditions, mais je me refusais de me plier à des choses insensées et qui n'étaient pas dans l'intérêt des patients. Et en fait ça a été une vraie bouffée d'oxygène parce que j'ai pu refaire mon travail, certainement comme je l'entendais moi, et j'ai eu des retours absolument extraordinaires des familles que j'accompagne. Elles ne peuvent pas savoir qu'elles m'ont aidée énormément parce que personne ne sait ce que je vivais chez moi. Mais ils m'écrivaient des cartes, je recevais des messages et des témoignages qui étaient extrêmement touchants par rapport au travail que je mène. Et je me disais, mais s'ils savaient ce que je suis en train de vivre dans ma vie personnelle. Et moi, ça m'a sauvée. Et je pense que jusqu'à la fin de ma vie, je dirais que mon métier m'a sauvée parce que... Ce retour des gens et cet investissement que je mets dans l'humain, mais qui ne m'était pas du tout rendue dans mon foyer avec la personne avec qui je vivais, pour moi, ça a été une bénédiction dans ce chemin-là, parce que sans ça, je ne sais pas du tout dans quel état j'aurais été. Vraiment, le travail, c'était ma bulle.

  • Speaker #0

    Pour moi, le travail, ça m'a sauvée aussi. Par contre, ça a été très, très difficile, puisque j'étais installée en libérale, en Outre-mer, avec une amie. Et comme j'ai dû quitter l'île pour m'enfuir, j'ai dû quitter ce cabinet dans lequel c'était très chouette de travailler là-bas. J'avais une patientelle qui était très sympathique et ça a été un renoncement. D'abord de quitter cette île, ça a été un renoncement, mais en plus. De quitter ce travail, vraiment, je suis partie à regret. Alors, en effet, moi aussi, le salariat, après, c'est compliqué, c'est encore compliqué. Maintenant, j'y suis parce que, aussi, j'ai la... J'ai ma fille à gérer, donc au niveau des horaires, je suis salariée, mais c'est vrai que l'autorité, c'est un problème aussi pour moi. Je pense que je suis bien dans mon travail, mais il y a toujours cette fatigue quand même qui est là. Et j'avoue que moi aussi, j'ai pris un mi-temps thérapeutique à un moment, parce que j'étais en état d'épuisement très avancé. J'ai fait un burn-out aussi, entre deux. parce que je n'avais pas du tout la capacité psychique de gérer. J'ai été cadre, enfin bref, c'était une erreur de parcours. Mais voilà, il y a des moments où quand il y a des procédures judiciaires ou des choses qui approchent, ou des visites médiatisées qui approchent, à chaque fois je me dis que je suis épuisée et que je devrais me reposer. Mais en même temps, quand je suis à mon travail, je suis en équipe, je suis bien. Et c'est ma vie, en fait, qui se remplit comme ça. Et puis, j'adore mon travail.

  • Speaker #4

    Donc, à l'époque des faits, quand j'ai quitté le père de mes enfants, j'étais encore responsable de magasin. Et pareil, en fait, c'était travailler dans une petite boutique. de fil à tricoter avec ma petite clientèle. On se connaissait par les prénoms, c'était que des habitués. Et en fait, c'était pareil, ma bouffée d'oxygène. J'étais heureuse d'aller au travail, j'étais heureuse de retrouver mon équipe, j'étais heureuse de voir mes petites clientes qui m'attendaient parfois avant l'ouverture pour que je les dépanne parce qu'elles sont en manque de plottes. C'était vraiment... Et puis, je me sentais reconnue, je me sentais vivante, voire aimée, en fait, comme j'étais, sans jouer de rôle. Et ça, ça a été salvateur pour moi, vraiment. Et même après, lorsque j'ai demandé le divorce... où on a vécu un an encore ensemble, où je devais gérer ces crises de colère, ces périodes de manipulation pour que je change d'avis. J'étais vraiment avec un personnage qui faisait volte-face. C'était des larmes et juste après, des hurlements, où j'ai cru à un moment donné que j'allais basculer dans sa folie et pouvoir juste aller travailler et être... normal, ça m'a sauvée. En fait, ça m'a sauvée psychologiquement, ça m'a permis de tenir, ça m'a permis de tenir bon pour moi, d'être encore là maintenant. En tout cas, moi, ça a vraiment été le travail qui m'a permis de tenir.

  • Speaker #3

    On voit effectivement dans votre discours la question du sens et de la valorisation au travail qui est essentielle. Et d'ailleurs je tenais à avoir une pensée pour les personnes qui ne sont pas en emploi et qui sont victimes de violences conjugales. Elles représentent 40% de l'ensemble des victimes à peu près et qui sont d'autant plus isolées. Autrement, nous avons abordé trois grands thèmes aujourd'hui et je note que vos histoires, elles se recoupent de bien des manières. Maintenant j'aimerais pour terminer vous demander à chacune un conseil simple pour aider une personne à se sortir d'un schéma de violences conjugales au regard de vos expériences chacune. Que pouvez-vous dire aux femmes et aussi aux hommes victimes qui se sont concernés et qui vous écoutent aujourd'hui.

  • Speaker #2

    Alors de mon côté, je leur dis de parler, de surtout ne pas avoir honte. Un peu comme l'a dit Gisèle Pellicot, il faut que la honte change de camp. C'est-à-dire qu'on est victime et on met du temps à le comprendre. Mais en fait, dès qu'on commence à sentir qu'il y a des choses pas normales qui se passent, il faut oser se confier, parce que je pense que c'est en parlant qu'on se libère et qu'après on guérit et qu'on ose... On ne sera pas seul. En fait, moi, mon angoisse, c'était d'être seule. J'avais tellement entendu, tu ne pourras pas vivre seule, tu ne sais pas t'organiser seule, tu ne sais pas. J'en étais presque persuadée. C'est faux parce qu'on n'est pas seul. Moi, le jour où je l'ai quitté, j'ai tous mes amis qui sont arrivés. On m'a apporté des meubles, des télés, des fourchettes, des assiettes. Donc voilà, osez partir et entourez-vous des gens qui sont bienveillants et qui vous aiment et tout ira bien.

  • Speaker #0

    C'est un long processus parce qu'il faut apprendre à s'aimer. d'abord et à prendre soin de soi et il faut être doux avec soi-même pas trop exigeant très tendre avec soi même se faire des petits câlins régulièrement à soi même et à prendre doucement oui à s'aimer tout doucement prendre soin de soi C'est super difficile, mais c'est quand même mieux que de vivre l'enfer.

  • Speaker #1

    Et de même côté, malgré l'isolement, le soutien de vos proches, il sera là. Il faut essayer de le ressentir. Il est là, il sera là. Donc s'accrocher à ça, à ce petit ressenti, même si à cause du fait qu'on n'a pas encore parlé, par exemple, on ne sait pas et on a peur et on se dit qu'on ne l'aura pas. Se dire qu'en fait, il existe et s'y accrocher. Là, surtout si vous n'avez pas encore... parler pas encore réaliser votre proche il peut pas forcément faire grand chose mais dès que vous le solliciterait et c'est ce qui s'est passé du coup pour plusieurs d'entre nous il sera il sera là il sera même là en quantité bien au delà de ce que vous avez espéré et

  • Speaker #4

    ça faut s'y accrocher ça et ça fonctionne oui je vous rejoins tout d'exploit mais surtout surtout surtout arrêter d'avoir honte Parce que ce n'est pas de notre faute. C'est la personne violente qui doit avoir honte et vraiment oser en parler, trouver une oreille, quelle qu'elle soit. Ne pas avoir peur d'être jugée parce qu'effectivement, la parole se libère. Et on constate bien que ça touche tous les milieux. Et vraiment parler, parler. trouver quelqu'un. Et surtout, arrêter d'avoir honte.

  • Speaker #3

    Je rajoute un dernier conseil qui fait un peu la synthèse de tout cela, c'est écouter des témoignages comme ceci, et surtout la force qui en découle. Souvent, les personnes victimes ont du mal à se considérer positivement et pour autant, vos parcours nous montrent qu'il est possible de dépasser cela, même si bien sûr c'est très difficile, et de se reconstruire. D'une certaine manière, être capable de subir un tel schéma de violence, ça traduit une grande force au fond. En tout cas, merci beaucoup à toutes les cas de nous avoir partagé vos chemins de vie qui se recoupent d'ailleurs. On a vu que vous aviez vécu un schéma d'emprise, presque même si j'ose dire de dépossession de vous-même, qu'il s'était mis en place progressivement et qu'il continuait malgré la séparation, via les enfants notamment, en tant qu'outil de manipulation. Nous avons vu aussi que votre travail a été une bouffée d'oxygène et qu'il vous a aidé à vous en sortir. En tout cas, merci beaucoup pour vos témoignages et peut-être à une prochaine pour continuer cet échange.

  • Speaker #1

    Vous voulez témoigner en tant qu'experts de violence ou bien victime que vous soyez une femme ou un homme, alors envoyez-nous un mail à hello.eu.fr. N'hésitez pas à partager ce podcast car en parler c'est déjà avancé.

  • Speaker #3

    Nous allons prochainement étendre les sujets de cette chaîne à d'autres formes de violence, alors restez à l'écoute.

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