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Vie de château

Mémoire(s) de Château : "Conservateur du château de Versailles"

Mémoire(s) de Château : "Conservateur du château de Versailles"

29min |07/05/2025
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Description

A l’origine de Mémoire(s) de Château, la volonté du château de Versailles de laisser la parole à celles et ceux qui ont fait l’histoire du lieu ...

Dans cet épisode un peu particulier, Mémoire(s) de Château donne la parole à Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et à Charles Mauricheau-Beaupré (1889-1953), conservateur en chef du château de Versailles de 1941 à 1953, à travers une archive sonore inédite.


Mémoire(s) de château - Conserver l’esprit de Versailles

Et si le château de Versailles n’était pas un musée comme les autres, mais une maison vivante ? Dans cet épisode passionnant de Mémoires de château, Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, partage sa vision intime et engagée d’un lieu unique au monde.

À travers anecdotes historiques et réflexions sensibles, il raconte les défis quotidiens de la conservation : restaurer sans trahir, remeubler avec rigueur, replanter sans briser l’harmonie. Il évoque aussi ses prédécesseurs - comme Charles Mauricheau-Beaupré ou Gérald Van der Kemp - qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ont sauvé Versailles de la ruine. On découvre le long travail de restitution de la chambre de la Reine, les trésors retrouvés à Lyon, ou encore les dilemmes face à l’usure du temps et à l’afflux des visiteurs.

Ce podcast est aussi une méditation sur ce qui fait la magie de Versailles : son unité, son souffle, sa poésie. De la galerie des Glaces à l’étoile royale, des parquets du XVIIIe aux bosquets dessinés pour être vus du ciel, c’est une œuvre d’art totale que l’on cherche à préserver, sans jamais l’enfermer. Une plongée dans les coulisses d’un monument qui fascine le monde entier et qui appartient à chacun.


Retrouvez l'ensemble des contenus complémentaires sur le site officiel du château de Versailles : https://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/memoires-chateau#conservateur-du-chateau-de-versailles


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le château de Versailles présente Mémoires de châteaux.

  • Speaker #1

    Je suis Laurent Salomé et je suis directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. J'ai été nommé à la fin de l'année 2016 par le ministre de la Culture. Et j'ai commencé en fait en janvier 2017. Ma spécialité d'origine c'est le XVIIe siècle français, plus précisément le dessin français du XVIIe. Donc c'est vrai que le XVIIe étant un peu la période de naissance du château de Versailles, ça me donne un contexte propice, même si en fait ma période de prédilection était plutôt tout ce qui précède Louis XIV. Et maintenant je me sens... plus vraiment un spécialiste, même si le XVIIe siècle français, c'est ma base, ce sont mes racines. Versailles, c'est une institution, un musée, qui regroupe ces trois châteaux et tout ce qu'ils contiennent, qui accueille du public, et donc le directeur est un conservateur qui a la responsabilité globale des activités de ce musée, avec une équipe d'une quinzaine de conservateurs et de beaucoup d'autres personnes. En tout, il y a plus de 1000 personnes qui travaillent au château. Mais ma fonction, c'est plutôt le travail scientifique, la programmation des expositions, les acquisitions, les restaurations. Vraiment, c'est veiller sur ce château et le partager avec le public. C'est un lieu qui non seulement est gigantesque, très riche, très divers, mais qui en plus a une histoire, une fierté, des enjeux peut-être plus forts qu'ailleurs. Il faut connaître la grande histoire de France, la grande histoire du château, mais aussi la petite histoire récente de Versailles, savoir pourquoi on est là, comment les choses se font, qu'est-ce qui a été fait ces 20 dernières années, ces 3, 4, 5 dernières années. Il y a beaucoup de choses comme ça qui ne sont pas évidentes à deviner. Et puis, simplement domestiquer ce monstre, c'est très compliqué. Avant de s'y retrouver avec toutes les clés, les escaliers, les ascenseurs et les petits passages obscurs. Il faut s'accrocher pendant un moment. Et maintenant, naturellement, il serait peut-être bon de consacrer la majeure partie de notre entretien, si vous le voulez bien, à ce musée vraiment extraordinaire, l'autre, celui du château de Versailles.

  • Speaker #0

    Eh bien, heureusement, ce n'est pas un musée. Et c'est pour cela que je l'aime. C'est une maison qui est restée vivante. Ce n'est pas... Le musée est au fond une chose terrible, n'est-ce pas ? Le musée, c'est la collection de papillons que l'on a commencé par tuer et que l'on a fixé ensuite avec une épingle. Les œuvres d'art ont été faites pour quelque chose. Un tableau religieux est un tableau d'hôtel, souvent, un ex-voto. Une œuvre d'art est faite pour une certaine hauteur, pour être un fragment d'une composition générale, une sculpture. par exemple, monumentales. Et à partir du moment où nous les mettons dans des salles de musée, nous les tuons. Tandis que Versailles est restée une œuvre d'art complète,

  • Speaker #1

    vivante. Charles-Maurice Chaubopré, c'est le conservateur qui a connu le château dans la guerre, qui a connu la sauvegarde, qui a orchestré la sauvegarde du château après la guerre. Donc il a été directeur entre 1941 et 1953, la date de sa mort accidentelle. Pour moi, Mauricio Beaupré, c'est un nom très important dans la grande lignée des conservateurs de Versailles, parce qu'il représente vraiment le passage vers notre époque contemporaine, c'est-à-dire vraiment le milieu du XXe siècle. Il est vraiment l'héritier de ce grand essor scientifique de la conservation du château à la fin du XIXe siècle. En gros, Pierre de Nolac, qu'on cite toujours comme étant le fondateur de la vision moderne du musée de Versailles, celui qui a recréé Tellement d'appartements, d'anciens régimes, qui a pris un peu le contre-pied du musée de Louis-Philippe et qui a fait revivre ce mythe de Versailles. Mais Mauricio Beaupré a en plus la particularité d'avoir été là au moment critique de la Deuxième Guerre mondiale, d'avoir du coup contribué très concrètement à la sauvegarde du château, d'avoir été le conservateur qui au lendemain de la guerre a orchestré un peu ce grand élan de renaissance. du château qui renaissait presque de ses ruines. Il y a eu vraiment des dégâts considérables pendant la guerre. Pas de bombardements, pas vraiment beaucoup de vandalisme. Mais les effets du manque de chauffage, toutes les mesures de prévention qu'il a fallu prendre, tout ce qu'on a dû démonter et emmener dans toutes sortes de dépôts par-ci par-là en France, tout ça a fait beaucoup de dégâts. Et c'est vrai que le château avait une tête un petit peu terrible au sortir de la guerre. Il y a eu grand appel de corps nus.

  • Speaker #0

    Je viens jeter un cri d'alarme et faire appel à tous les Français. pour qu'ils mettent à sauver de la ruine leur bien commun le plus prestigieux, le château de Versailles.

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment comme ça dans lequel Charles-Maurice Chaubopré était vraiment à la manœuvre. Et puis je pense qu'en termes de collection aussi, c'était un homme très intéressant qui a théorisé un peu l'évolution des collections du musée, puisque on n'est pas seulement ce palais royal, on est aussi devenu un musée historique sous Louis-Philippe. Et ce musée, il a été continué. étendu, diversifié à la fin du XIXe siècle et beaucoup au XXe siècle et beaucoup sous l'impulsion de Mauricio Beaupré. Il y a des œuvres très originales et puis en matière de remeublement, retissage, études des états anciens pour les recréer, ça a aussi été un des pionniers. Ensuite, Gérard Van Der Kemp a beaucoup fait dans la deuxième partie du XXe siècle, mais Mauricio Beaupré a vraiment été fondateur pour ça. Je sais que vous voulez reconstituer, par exemple, les appartements du roi de la même manière qu'ils étaient, ces appartements, au moment où le roi l'habitait. Est-ce que vous pourriez nous dire comment...

  • Speaker #0

    J'ai déjà commencé, d'ailleurs, sans attendre la campagne présente, laquelle ne vise que les travaux urgents, les travaux indispensables. Elle veut empêcher les toits de laisser passer l'eau. Elle veut remplacer les poutres pourries. Elle veut faire du travail strictement utile et indispensable. Mais en dehors de ces travaux urgents, de ces 5 milliards de travaux urgents, qui, je l'espère, seront presque entièrement assumés par le gouvernement et par des tranches de loterie ou des sources de revenus de cette sorte, il y a véritablement, et tout à fait en dehors, la restitution des États anciens de Versailles, leur maintien et même leur amélioration. Par exemple, nous avons tous les plafonds et tous les décors intérieurs existants qui ont beaucoup souffert du manque de chauffage pendant les années de l'occupation, pendant les hivers assez durs de l'occupation et tout de suite après la libération.

  • Speaker #1

    Conserver, c'est une noble tâche qui est beaucoup plus compliquée qu'on pourrait le croire. Ce n'est pas du tout un métier passif. En fait, il faut sans arrêt innover et agir pour éviter qu'un patrimoine soit s'abîme, soit finalement exclu du regard du public, de la connaissance, du champ, de la culture. Si on ne fait pas des efforts sans arrêt, si on ne fait pas des expositions, des recherches pour comprendre le patrimoine dont on est chargé, finalement il périclite, il meurt. D'abord il faut convaincre pour le sauver, parce que ça coûte très cher. et donc on ne peut pas peut faire vivre ces grandes institutions que parce qu'elles ont un rayonnement, une fascination, et donc c'est aussi par la séduction qu'on arrive à faire les choses sérieuses, c'est-à-dire protéger, entretenir, restaurer, acquérir pour recréer, ça c'est très important à Versailles, la fonction acquisition est vraiment essentielle, beaucoup plus que dans d'autres musées, c'est vital, c'est comme ça qu'on fait notre travail, c'est aussi beaucoup en enrichissant les collections et en remeublant le château, en recréant un tout cohérent qui, d'un seul coup, puisse prendre vie pour le visiteur. On est surpris au premier abord en entrant à Versailles de voir qu'elles ne sont pas meublées.

  • Speaker #0

    Oui, il ne faut pas penser que Versailles était très meublée parce qu'à Versailles, on vivait debout. Le roi, seul de par l'étiquette, s'asseyait. La reine participait à très peu de cérémonies publiques. Et le reste des courtisans étaient debout. Il y avait juste quelques duchesses qui avaient droit à des tabourets. On dit un tabouret de déchets, elle n'avait donc même pas de fauteuil. Dans les grands appartements, il n'y avait ni canapé ni fauteuil.

  • Speaker #1

    Mais tout de même, lorsqu'on visite les appartements privés...

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est très différent. C'est très différent. Alors là, chaque fois que nous le pouvons, nous rachetons les meubles. Quand nous les retrouvons, malheureusement, il y en a beaucoup qui ont disparu ou qui sont dans des musées ou dans des collections royales ou princières d'où ils ne sortiront jamais.

  • Speaker #1

    On oublie peut-être le visiteur aujourd'hui, ça n'en rend pas compte, mais ce château, il a été complètement vidé après la Révolution. Il aurait pu disparaître, il en a été question plusieurs fois. Heureusement, il a été sauvé, il n'a jamais brûlé, on n'a jamais décidé de le détruire. Il a échappé aux deux guerres mondiales, surtout à la deuxième guerre mondiale, où la question de son bombardement s'est probablement posée très nettement. Donc ce château, il revient de rien. Et tout ce qu'on voit aujourd'hui, qui a l'air tellement impeccable, comme si rien ne s'était passé, a été recréé patiemment, pas à pas. On a fait revenir chaque objet, chaque siège, chaque console, chaque commode. Tous les tissus, évidemment, ont été retissés. La passementerie, tout, en fait, a été recréé, soit par fabrication, quand on parle de textile, par exemple, soit en faisant revenir au château les objets authentiques qui s'y trouvèrent dans la Révolution et qui ont été dispersés. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu le processus, justement, M. Brouillard ? Vous voyez qu'à quel moment commencent les travaux, par exemple, il faut tout de même que vous fassiez des recherches dans les archives pour retrouver le dessin exact.

  • Speaker #0

    Bien entendu, je vais vous donner un exemple avec la Chambre de la Reine. Je me suis attaché, comme toutes les études de Versailles, plus particulièrement à l'étude de la Chambre de la Reine, et j'ai essayé de l'amener à une réalisation il y a 17 ans. Il m'a fallu 17 ans, j'avais trouvé à ce moment-là, j'avais réussi à identifier d'après les inventaires, des fragments d'étoffes et de soieries, de ces belles soies brochées, qui avaient orné à la chambre de Marie-Antoinette pour son meuble d'été, son dernier meuble d'été. Vous savez qu'il y avait toujours meuble d'hiver et meuble d'été, on détendait les tentures de l'alcove, les rideaux du lit. On changeait les étoffes des sièges au changement de saison, c'est-à-dire à Pâques et à la Toussaint. Et ce meuble d'été, qui est une magnifique soie brochée composée de lilas, de roses et de bouquets noués par des rubans argent et lit de vin, ce meuble d'été, j'en avais retrouvé à Lyon, chez des fabricants de Lyon, des fragments. Les fabricants ne savaient plus que c'était le meuble de Marie-Antoinette, que ça avait été fait pour Marie-Antoinette. C'est moi qui leur ai appris.

  • Speaker #1

    Parce qu'ils en avaient gardé ?

  • Speaker #0

    Ils en avaient gardé quelques échantillons, ils ne savaient plus ce que c'était. Mais ils avaient encore les cartons. Ils ont retrouvé les cartons. La soie brochée sur fond blanc, qui valait en 1948, au moment où j'ai pu la faire refaire, 50 000 francs le mètre. en petite largeur, c'est-à-dire en 54 cm de large, cette étoffe, pour la fabriquer, pour la retisser, il faut utiliser 108 364 cartons. Le métier à tisser comprend, comme les cartons perforés des pianos mécaniques, une série de 108 364 cartons pour faire le dessin. N'est-ce pas ? Eh bien, je suis arrivé à faire offrir à Versailles, par la Fédération de la Soirie de Lyon, cette étoffe. Et j'ai pu replacer cette étoffe dans l'alcove de la Chambre de la Reine, qui remet un peu du luxe, vous l'avez vu d'ailleurs, du luxe d'une étoffe fragile avec toutes ses couleurs, dans ce cadre admirable de boiserie dorée que j'ai pu reconstituer, dont toute une partie était en magasin. La cheminée était perdue, je l'ai retrouvée. Je l'ai identifié, je l'ai remis à sa place et la chambre ainsi a revécu. J'ai replacé le meuble à bijoux à la place qu'il avait. Tout cela est conforme aux documents d'archives, aux inventaires et également Lyon. a refait les étoffes telles qu'elles étaient en s'échantillonnant sur les vieilles soies, à l'envers des fragments d'étoffes qui étaient passés, n'est-ce pas ? Je leur ai fait recommencer peut-être 20 fois l'échantillonnage des couleurs. Ils me trouvaient difficile, mais enfin, nous travaillons pour la perfection. J'ai fait la même chose au cabinet du conseil, j'ai pu vous le montrer hier, dans une photographie, dans un cliché de la conférence d'hier soir. Et ces lampas bleu et or ont été tissés pour Louis XV à Lyon pour l'arrangement du cabinet du conseil en 1755.

  • Speaker #1

    Ça peut être évident quand on a la certitude de voir surgir sur le marché un objet qui vient de Versailles. Ça arrive quand même relativement souvent. Quand on a vraiment la documentation, la certitude, à ce moment-là, on n'a pas d'hésitation. On fait revenir l'objet, surtout quand on a encore l'espace qui l'attend. Ce qui peut arriver malheureusement, c'est qu'on retrouve un objet de Versailles qui était dans un appartement qui n'existe plus aujourd'hui. Alors à ce moment-là, est-ce qu'on va l'acquérir ou pas ? Là intervient un autre critère qui est celui de la cohérence et de l'opportunité, c'est-à-dire que si on trouve par exemple un très beau meuble qui a appartenu à la comtesse de Provence, la belle-sœur de Marie-Antoinette... On sait qu'elle avait des goûts très proches de ceux de la reine, qu'elle avait les mêmes fournisseurs. Donc un objet de la comtesse de Provence, on va l'utiliser pour remeubler un des appartements de la reine, par exemple. Tout ce qui n'existe plus, c'est-à-dire qui a vraiment été détruit ou dont on n'a que des bribes, par exemple le textile qui évidemment n'est presque plus jamais le textile original du XVIIIe siècle, ou alors quand on en conserve, ils sont en très mauvais état, il faut refabriquer. Et là, la méthode, c'est plutôt d'utiliser exactement les mêmes métiers qu'autrefois. D'où l'importance d'entretenir cette relation avec les entreprises des métiers d'art qui existent encore en France aujourd'hui. On a aussi nos propres ateliers au château qui font des choses extraordinaires, mais qui ne tissent pas des soirées par exemple. Ça, on travaille avec les grands soyeux lyonnais. Donc ça, c'est le travail de restitution. On essaie d'être le plus proche possible. Alors quelquefois, c'est vraiment près de la perfection. On arrive à retisser des choses qui sont pratiquement ce qui était fait au XVIIIe siècle. Pour d'autres cas, c'est plus dur. On se rend compte qu'il y a toujours un petit quelque chose qui manque. La recréation contemporaine n'a jamais exactement la sensibilité, la souplesse, le naturel de ce qu'on faisait au XVIIIe, malheureusement. D'une certaine façon, tant mieux, parce que c'est aussi ce qui justifie notre travail. C'est qu'à ces époques-là... Il y avait une sorte de savoir-faire suprême, de magie dans les métiers d'art qui n'existe plus. Ça, il faut bien se résigner. Mais je trouve qu'il y a une certaine jubilation à se dire que ça n'existe plus. C'est d'autant plus précieux de conserver les témoignages de ces époques.

  • Speaker #0

    Les jardins de Versailles, l'aspect y est encore excellent. Le visiteur qui passe vite, quand il vient en été, a une impression... d'émerveillement car les parterres que nos jardiniers fleurissent comme autrefois resplendissent avec toutes ces fleurs, toutes ces couleurs. On a l'impression de marcher sur un tapis de la savonnerie qui serait fait avec les fleurs elles-mêmes, n'est-ce pas ? Il ne faut pas trop s'attarder comme toujours à Versailles car au milieu de ces parterres fleuries, si l'on regarde bien, il y a des bassins qui ne gardent plus l'eau. À l'entour, il y a des treillages qui sont ruinés ou qui sont en train de se ruiner. Ces treillages qui forment justement la géométrie de Versailles, n'est-ce pas ? Et ces lignes et ces proportions qui limitent les espaces. Et les arbres eux-mêmes souffrent d'une vétusté commençante et quelquefois déclinante.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'il n'y a pas un travail de reboisement qui se fait constamment dans les jardins de vert ?

  • Speaker #0

    Oui, que nous commençons à pouvoir faire méthodiquement, n'est-ce pas ? On replante des allées et des allées, mais vous comprendrez que c'est un problème très grave parce qu'il touche à l'esthétique et il touche, si je puis dire, au culte du public pour ces lieux. On ne peut pas remplacer dans les jardins ces arbres qui ont toutes leurs beautés. toutes leurs tailles qui s'épanouissent par-dessus les murailles de charmilles. On ne peut pas les remplacer par de petits arbres. C'est un des très grands problèmes.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'à ce moment-là, on brise l'harmonie.

  • Speaker #0

    On brise l'harmonie. Et je me rappelle des drames qui avaient eu lieu il y a quelques années parce qu'il y avait un arbre qui menaçait de tomber sur les statues. Et les peintres qui sont nombreux à Versailles ne voulaient pas qu'on coupe cet arbre parce qu'ils estimaient qu'ils ne pourraient plus peindre ce coin qui était particulièrement beau. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Versailles, c'est un lieu qui, bien sûr, s'abîme très vite, comme toutes les grandes maisons, comme tous les châteaux. Il faut y faire des travaux absolument en permanence. Si on s'arrête, si on essaie de faire des économies, si pendant une période, ça a existé, bien sûr, dans l'histoire, si on n'a plus les moyens d'avoir ce rythme effréné de travaux, on voit... le château s'abîmer très très vite une toiture, ça se refait régulièrement il y a ce fameux rythme de 50 ans qui existe pour beaucoup de types de travaux, aussi bien des textiles par exemple qu'on va refaire et qui au bout de 50 ans seront complètement fanés, qu'une toiture qui au bout de 50 ou 60 ou 70 ans va commencer aussi à être fragile, la pierre qu'on restaure, qui se ravine qui s'abîme donc ce sont des cycles de vie Merci. Et puis il y a aussi l'usage du château, il y a les visiteurs qu'on adore mais qui abîment beaucoup. Les parquets sont remplacés. Il y a quelques endroits encore dans le château où on a des parquets du XVIIIe siècle, voire du XVIIe siècle, il n'y en a plus beaucoup. Parce que dans les grands appartements qui ont vu passer des millions et des millions de visiteurs, bien sûr le parquet s'use presque à vue d'œil et il y a X générations de parquets qui se sont succédés. Il y a un moment qui me restera certainement toujours, qui était à la fois merveilleux et tragique. C'est une grande inauguration qu'on a organisée à Versailles pour la fin des travaux du corps central sud, c'est-à-dire l'appartement de la Reine. 2019, mois d'avril, on sortait de 5-6 ans de travaux énormes. On inaugure, c'était splendide, tout le monde était là, il y avait un monde fou, le ministre de la Culture était là. Et puis petit à petit, on voit tout le monde commencer à regarder son téléphone. C'était assez bizarre. Et puis en fait, je sors mon propre téléphone et on était tous en train de regarder les vidéos de Notre-Dame qui était en train de brûler le soir précis de l'inauguration, qui était en plus un chantier en grande partie de mise en sécurité à incendie, puisqu'on avait fait tout ça aussi pour protéger le château de l'incendie. Et là, la soirée s'est finie de façon tragique. Je me revois encore en larmes dans la galerie des glaces, alors qu'on avait fait tellement de travail. C'était vraiment une fête pour nous. Et là, c'était horrible. Il y avait un magnifique soleil couchant qui entrait dans la galerie des glaces. Tout était beau, tout était sublime. Et pendant ce temps-là, Notre-Dame de Paris était en train de s'effondrer. Donc ça, effectivement, c'est une soirée que je ne risque pas d'oublier. Vous ne prévoyez pas non plus une reconstitution de ces meubles ? Non,

  • Speaker #0

    je ne suis entièrement opposé à cela parce que je trouve que nous devons rester dans notre rôle de conservateur. La conservation du passé et d'un passé aussi riche que celui de la France demande de la mesure. Nous ne pouvons pas sacrifier le présent, les années où nous vivons, et l'art vivant de notre temps à des reconstitutions de passé. Quand nous retrouvons un noble, C'est très bien que nous le rachetions, c'est même très bien que nous le fassions restaurer s'il lui manque un détail. Nous ne devons pas le refaire. Il faut penser que l'art pensé de 1953 est un art vivant qui doit être encouragé et que beaucoup d'argent doit aller à nos artistes vivants.

  • Speaker #1

    Il faut évidemment préserver la magie de Versailles puisque c'est un témoignage d'un moment extraordinaire de civilisation. On est tous encore fascinés, il ne s'agit pas d'être fascinés par la monarchie absolue, évidemment personne ne veut rétablir la tyrannie. Mais ce que ça a pu produire comme rêve poétique, cette espèce d'œuvre d'art total qu'est Versailles, avec ses références cosmiques, mythologiques, le jour, la nuit, la lune, le soleil, ce rapport avec la nature, avec la mythologie antique, les métamorphoses d'Ovid, tout ça c'est une telle poésie que Le plus important, c'est que ça continue à vivre. Et pour ça, il faut être très fidèle, très juste. Si vous commencez à mélanger tout et n'importe quoi à l'intérieur d'un lieu comme celui-là, la magie, tout simplement, elle peut s'éteindre. Une faute, dans ce qu'on fait dans l'entretien du château, peut faire disparaître cet esprit, ce souffle, cette magie. Et ça, c'est une chose à laquelle je suis très sensible et attentif. quelquefois, il suffit de supprimer une erreur ancienne. pour que ça revienne. À une époque, on a voulu mettre trop de lumière à Versailles parce qu'il y avait cette hantise d'un château complètement à l'abandon, parce qu'il y a eu des périodes moins brillantes qu'aujourd'hui. Versailles pouvait avoir un air assez tristounet, vide. Gérald van der Kem, qui a été nommé directeur du musée en 1953, a dit qu'il l'avait trouvé vide, dégoûtant et mort. Et on s'est mis à réinstaller des luminaires, des lustres, des lanternes un peu partout, et trop. Je pense aux galeries de pierres par exemple, on est en train d'y travailler, on n'a pas encore enlevé ces lanternes qui ne devraient pas y être, qui y sont depuis assez longtemps, depuis la fin du XXe siècle. Et il faut retrouver cette atmosphère un petit peu de vieux château, de vieille forteresse qu'on trouve dans ces galeries de pierres.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier... que les jardins de Versailles sont quelque chose d'extraordinaire. Je ne voudrais pas me servir de la comparaison de musée, puisque je viens de faire la critique des musées. C'est beaucoup mieux qu'un musée. Il y a toute une floraison admirable de sculptures françaises dans les jardins de Versailles, dans ces statues de marbre, dans ces statues de plomb des Fontaines, dans ces groupes des Fontaines. Et il faut à tout prix conserver cet ensemble. On n'a jamais revu depuis l'Antiquité un ensemble pareil. Louis XIV. a eu l'équivalent, et en beaucoup plus somptueux, en beaucoup plus basse, des plus somptueuses, des plus magnifiques villas antiques, des empereurs romains par exemple. La villa Adriana à Tivoli était quelque chose de tout à fait inferdieur en dimension, en qualité, à Versailles. Versailles, à cet égard, est véritablement une des merveilles du monde moderne.

  • Speaker #1

    J'ai un souvenir de Versailles très précis, qui n'est peut-être pas le premier. parce que je l'ai visité étant enfant, mais là c'est plus flou. Mais je suis venu, quand j'étais étudiant en histoire de l'art, et que je préparais le concours de conservateur, avec mon appareil photo bien avant, évidemment la photo numérique, pour utiliser des dizaines et des dizaines de pellicules à photographier toutes les sculptures des jardins dans les moindres détails, chaque marmousée, chaque petit poteau de chaque bassin, parce qu'on bachotait un petit peu à l'époque. C'était une passion en fait, on avait envie de connaître chaque détail. de chaque monument de chaque musée et donc par un hiver glacial je me souviens d'avoir fait des quantités de photos à l'époque on ne bâchait pas toutes les sculptures pendant l'hiver de ce château ça je me souviens bien de ce moment là parce que c'était un peu douloureux aussi pour les doigts c'est

  • Speaker #0

    un ensemble unique dans le monde et c'est pour cela que c'est beau vers paris et pour cela que c'est vivant c'est parce que tout se tient n'est pas le domaine Le château, les jardins, le parc, c'est de songer que cet ensemble qui a fixé en quelque sorte la géométrie humaine et l'emprise humaine, n'est-ce pas, sur tout un paysage, s'étend sur un axe de plus de 14 kilomètres. La composition rayonnante de Versailles s'étend sur 14 kilomètres.

  • Speaker #1

    En effet, quand on voit les photos... en fait de Versailles vu par exemple un vol d'oiseaux, on voit, on réalise immédiatement toute cette harmonie.

  • Speaker #0

    Ah, c'est d'Avignon qu'il faut voir Versailles. Oui, c'est vraiment... C'est là que c'est le plus beau. Cela se dessine d'une façon étonnante. Et enfin, il n'y a pas au monde un paysage d'une telle ampleur, une vallée d'une telle ampleur, qui soit ainsi remodelée par la logique humaine.

  • Speaker #1

    Et alors ces grandes avenues, là, ce triangle de...

  • Speaker #0

    trois grandes avenues qui viennent nourrir. Il y a tout bien convergé à Versailles, le monde entier vient converger à Versailles et au-delà, à la fin du parc, il y a une nouvelle étoile qui s'appelle l'étoile royale et dont les rayons s'étendent à travers la campagne. C'était autrefois le parc de chasse, le grand parc de chasse.

  • Speaker #1

    C'est vraiment extraordinaire la fascination pour Versailles dans tous les pays du monde, vraiment tous. En ce moment, je n'arrête pas de voyager en Chine. les Chinois adorent Versailles, mais c'est la même chose dans toute l'Asie, c'est la même chose évidemment en Amérique, dans toute l'Europe, les pays du nord, les pays du sud, en fait, Versailles c'est une sorte de rêve universel, non seulement c'est un lieu qui fait rêver tout le monde, mais qui garde quelque chose de sympathique, et ça on le voit quand les visiteurs arrivent, qu'ils soient chiliens ou russes ou américains, ils se sentent un peu chez eux à Versailles, tout le monde se sent à la maison parce que c'est un peu le palais idéal. Ces belles allées, ces perspectives, les bosquets dans les jardins, la galerie des glaces, les petits appartements, Marie-Antoinette. En fait, tout le monde se sent très à l'aise avec ça, qu'on soit européen ou non-européen, ça appartient à tout le monde.

  • Speaker #0

    Mémoire de château, une série de podcasts proposés par le château de Versailles. Sur une idée de Claire Bonnot-Kellil, collaboratrice scientifique au château de Versailles et de Nejma Zegaoula. chef de projet audiovisuel au Château de Versailles. Écriture, prise de son et montage, Louise Réjean. Réalisation, musique et design sonore, Opixido. Mémoire de Château se décline aussi en vidéo. Retrouvez tous les épisodes de la série et les contenus complémentaires sur le site officiel du Château de Versailles. Les podcasts du Château de Versailles sont disponibles sur toutes les plateformes d'écoute, dans l'application mobile du Château et sur châteauversailles.fr.

Description

A l’origine de Mémoire(s) de Château, la volonté du château de Versailles de laisser la parole à celles et ceux qui ont fait l’histoire du lieu ...

Dans cet épisode un peu particulier, Mémoire(s) de Château donne la parole à Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et à Charles Mauricheau-Beaupré (1889-1953), conservateur en chef du château de Versailles de 1941 à 1953, à travers une archive sonore inédite.


Mémoire(s) de château - Conserver l’esprit de Versailles

Et si le château de Versailles n’était pas un musée comme les autres, mais une maison vivante ? Dans cet épisode passionnant de Mémoires de château, Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, partage sa vision intime et engagée d’un lieu unique au monde.

À travers anecdotes historiques et réflexions sensibles, il raconte les défis quotidiens de la conservation : restaurer sans trahir, remeubler avec rigueur, replanter sans briser l’harmonie. Il évoque aussi ses prédécesseurs - comme Charles Mauricheau-Beaupré ou Gérald Van der Kemp - qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ont sauvé Versailles de la ruine. On découvre le long travail de restitution de la chambre de la Reine, les trésors retrouvés à Lyon, ou encore les dilemmes face à l’usure du temps et à l’afflux des visiteurs.

Ce podcast est aussi une méditation sur ce qui fait la magie de Versailles : son unité, son souffle, sa poésie. De la galerie des Glaces à l’étoile royale, des parquets du XVIIIe aux bosquets dessinés pour être vus du ciel, c’est une œuvre d’art totale que l’on cherche à préserver, sans jamais l’enfermer. Une plongée dans les coulisses d’un monument qui fascine le monde entier et qui appartient à chacun.


Retrouvez l'ensemble des contenus complémentaires sur le site officiel du château de Versailles : https://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/memoires-chateau#conservateur-du-chateau-de-versailles


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Transcription

  • Speaker #0

    Le château de Versailles présente Mémoires de châteaux.

  • Speaker #1

    Je suis Laurent Salomé et je suis directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. J'ai été nommé à la fin de l'année 2016 par le ministre de la Culture. Et j'ai commencé en fait en janvier 2017. Ma spécialité d'origine c'est le XVIIe siècle français, plus précisément le dessin français du XVIIe. Donc c'est vrai que le XVIIe étant un peu la période de naissance du château de Versailles, ça me donne un contexte propice, même si en fait ma période de prédilection était plutôt tout ce qui précède Louis XIV. Et maintenant je me sens... plus vraiment un spécialiste, même si le XVIIe siècle français, c'est ma base, ce sont mes racines. Versailles, c'est une institution, un musée, qui regroupe ces trois châteaux et tout ce qu'ils contiennent, qui accueille du public, et donc le directeur est un conservateur qui a la responsabilité globale des activités de ce musée, avec une équipe d'une quinzaine de conservateurs et de beaucoup d'autres personnes. En tout, il y a plus de 1000 personnes qui travaillent au château. Mais ma fonction, c'est plutôt le travail scientifique, la programmation des expositions, les acquisitions, les restaurations. Vraiment, c'est veiller sur ce château et le partager avec le public. C'est un lieu qui non seulement est gigantesque, très riche, très divers, mais qui en plus a une histoire, une fierté, des enjeux peut-être plus forts qu'ailleurs. Il faut connaître la grande histoire de France, la grande histoire du château, mais aussi la petite histoire récente de Versailles, savoir pourquoi on est là, comment les choses se font, qu'est-ce qui a été fait ces 20 dernières années, ces 3, 4, 5 dernières années. Il y a beaucoup de choses comme ça qui ne sont pas évidentes à deviner. Et puis, simplement domestiquer ce monstre, c'est très compliqué. Avant de s'y retrouver avec toutes les clés, les escaliers, les ascenseurs et les petits passages obscurs. Il faut s'accrocher pendant un moment. Et maintenant, naturellement, il serait peut-être bon de consacrer la majeure partie de notre entretien, si vous le voulez bien, à ce musée vraiment extraordinaire, l'autre, celui du château de Versailles.

  • Speaker #0

    Eh bien, heureusement, ce n'est pas un musée. Et c'est pour cela que je l'aime. C'est une maison qui est restée vivante. Ce n'est pas... Le musée est au fond une chose terrible, n'est-ce pas ? Le musée, c'est la collection de papillons que l'on a commencé par tuer et que l'on a fixé ensuite avec une épingle. Les œuvres d'art ont été faites pour quelque chose. Un tableau religieux est un tableau d'hôtel, souvent, un ex-voto. Une œuvre d'art est faite pour une certaine hauteur, pour être un fragment d'une composition générale, une sculpture. par exemple, monumentales. Et à partir du moment où nous les mettons dans des salles de musée, nous les tuons. Tandis que Versailles est restée une œuvre d'art complète,

  • Speaker #1

    vivante. Charles-Maurice Chaubopré, c'est le conservateur qui a connu le château dans la guerre, qui a connu la sauvegarde, qui a orchestré la sauvegarde du château après la guerre. Donc il a été directeur entre 1941 et 1953, la date de sa mort accidentelle. Pour moi, Mauricio Beaupré, c'est un nom très important dans la grande lignée des conservateurs de Versailles, parce qu'il représente vraiment le passage vers notre époque contemporaine, c'est-à-dire vraiment le milieu du XXe siècle. Il est vraiment l'héritier de ce grand essor scientifique de la conservation du château à la fin du XIXe siècle. En gros, Pierre de Nolac, qu'on cite toujours comme étant le fondateur de la vision moderne du musée de Versailles, celui qui a recréé Tellement d'appartements, d'anciens régimes, qui a pris un peu le contre-pied du musée de Louis-Philippe et qui a fait revivre ce mythe de Versailles. Mais Mauricio Beaupré a en plus la particularité d'avoir été là au moment critique de la Deuxième Guerre mondiale, d'avoir du coup contribué très concrètement à la sauvegarde du château, d'avoir été le conservateur qui au lendemain de la guerre a orchestré un peu ce grand élan de renaissance. du château qui renaissait presque de ses ruines. Il y a eu vraiment des dégâts considérables pendant la guerre. Pas de bombardements, pas vraiment beaucoup de vandalisme. Mais les effets du manque de chauffage, toutes les mesures de prévention qu'il a fallu prendre, tout ce qu'on a dû démonter et emmener dans toutes sortes de dépôts par-ci par-là en France, tout ça a fait beaucoup de dégâts. Et c'est vrai que le château avait une tête un petit peu terrible au sortir de la guerre. Il y a eu grand appel de corps nus.

  • Speaker #0

    Je viens jeter un cri d'alarme et faire appel à tous les Français. pour qu'ils mettent à sauver de la ruine leur bien commun le plus prestigieux, le château de Versailles.

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment comme ça dans lequel Charles-Maurice Chaubopré était vraiment à la manœuvre. Et puis je pense qu'en termes de collection aussi, c'était un homme très intéressant qui a théorisé un peu l'évolution des collections du musée, puisque on n'est pas seulement ce palais royal, on est aussi devenu un musée historique sous Louis-Philippe. Et ce musée, il a été continué. étendu, diversifié à la fin du XIXe siècle et beaucoup au XXe siècle et beaucoup sous l'impulsion de Mauricio Beaupré. Il y a des œuvres très originales et puis en matière de remeublement, retissage, études des états anciens pour les recréer, ça a aussi été un des pionniers. Ensuite, Gérard Van Der Kemp a beaucoup fait dans la deuxième partie du XXe siècle, mais Mauricio Beaupré a vraiment été fondateur pour ça. Je sais que vous voulez reconstituer, par exemple, les appartements du roi de la même manière qu'ils étaient, ces appartements, au moment où le roi l'habitait. Est-ce que vous pourriez nous dire comment...

  • Speaker #0

    J'ai déjà commencé, d'ailleurs, sans attendre la campagne présente, laquelle ne vise que les travaux urgents, les travaux indispensables. Elle veut empêcher les toits de laisser passer l'eau. Elle veut remplacer les poutres pourries. Elle veut faire du travail strictement utile et indispensable. Mais en dehors de ces travaux urgents, de ces 5 milliards de travaux urgents, qui, je l'espère, seront presque entièrement assumés par le gouvernement et par des tranches de loterie ou des sources de revenus de cette sorte, il y a véritablement, et tout à fait en dehors, la restitution des États anciens de Versailles, leur maintien et même leur amélioration. Par exemple, nous avons tous les plafonds et tous les décors intérieurs existants qui ont beaucoup souffert du manque de chauffage pendant les années de l'occupation, pendant les hivers assez durs de l'occupation et tout de suite après la libération.

  • Speaker #1

    Conserver, c'est une noble tâche qui est beaucoup plus compliquée qu'on pourrait le croire. Ce n'est pas du tout un métier passif. En fait, il faut sans arrêt innover et agir pour éviter qu'un patrimoine soit s'abîme, soit finalement exclu du regard du public, de la connaissance, du champ, de la culture. Si on ne fait pas des efforts sans arrêt, si on ne fait pas des expositions, des recherches pour comprendre le patrimoine dont on est chargé, finalement il périclite, il meurt. D'abord il faut convaincre pour le sauver, parce que ça coûte très cher. et donc on ne peut pas peut faire vivre ces grandes institutions que parce qu'elles ont un rayonnement, une fascination, et donc c'est aussi par la séduction qu'on arrive à faire les choses sérieuses, c'est-à-dire protéger, entretenir, restaurer, acquérir pour recréer, ça c'est très important à Versailles, la fonction acquisition est vraiment essentielle, beaucoup plus que dans d'autres musées, c'est vital, c'est comme ça qu'on fait notre travail, c'est aussi beaucoup en enrichissant les collections et en remeublant le château, en recréant un tout cohérent qui, d'un seul coup, puisse prendre vie pour le visiteur. On est surpris au premier abord en entrant à Versailles de voir qu'elles ne sont pas meublées.

  • Speaker #0

    Oui, il ne faut pas penser que Versailles était très meublée parce qu'à Versailles, on vivait debout. Le roi, seul de par l'étiquette, s'asseyait. La reine participait à très peu de cérémonies publiques. Et le reste des courtisans étaient debout. Il y avait juste quelques duchesses qui avaient droit à des tabourets. On dit un tabouret de déchets, elle n'avait donc même pas de fauteuil. Dans les grands appartements, il n'y avait ni canapé ni fauteuil.

  • Speaker #1

    Mais tout de même, lorsqu'on visite les appartements privés...

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est très différent. C'est très différent. Alors là, chaque fois que nous le pouvons, nous rachetons les meubles. Quand nous les retrouvons, malheureusement, il y en a beaucoup qui ont disparu ou qui sont dans des musées ou dans des collections royales ou princières d'où ils ne sortiront jamais.

  • Speaker #1

    On oublie peut-être le visiteur aujourd'hui, ça n'en rend pas compte, mais ce château, il a été complètement vidé après la Révolution. Il aurait pu disparaître, il en a été question plusieurs fois. Heureusement, il a été sauvé, il n'a jamais brûlé, on n'a jamais décidé de le détruire. Il a échappé aux deux guerres mondiales, surtout à la deuxième guerre mondiale, où la question de son bombardement s'est probablement posée très nettement. Donc ce château, il revient de rien. Et tout ce qu'on voit aujourd'hui, qui a l'air tellement impeccable, comme si rien ne s'était passé, a été recréé patiemment, pas à pas. On a fait revenir chaque objet, chaque siège, chaque console, chaque commode. Tous les tissus, évidemment, ont été retissés. La passementerie, tout, en fait, a été recréé, soit par fabrication, quand on parle de textile, par exemple, soit en faisant revenir au château les objets authentiques qui s'y trouvèrent dans la Révolution et qui ont été dispersés. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu le processus, justement, M. Brouillard ? Vous voyez qu'à quel moment commencent les travaux, par exemple, il faut tout de même que vous fassiez des recherches dans les archives pour retrouver le dessin exact.

  • Speaker #0

    Bien entendu, je vais vous donner un exemple avec la Chambre de la Reine. Je me suis attaché, comme toutes les études de Versailles, plus particulièrement à l'étude de la Chambre de la Reine, et j'ai essayé de l'amener à une réalisation il y a 17 ans. Il m'a fallu 17 ans, j'avais trouvé à ce moment-là, j'avais réussi à identifier d'après les inventaires, des fragments d'étoffes et de soieries, de ces belles soies brochées, qui avaient orné à la chambre de Marie-Antoinette pour son meuble d'été, son dernier meuble d'été. Vous savez qu'il y avait toujours meuble d'hiver et meuble d'été, on détendait les tentures de l'alcove, les rideaux du lit. On changeait les étoffes des sièges au changement de saison, c'est-à-dire à Pâques et à la Toussaint. Et ce meuble d'été, qui est une magnifique soie brochée composée de lilas, de roses et de bouquets noués par des rubans argent et lit de vin, ce meuble d'été, j'en avais retrouvé à Lyon, chez des fabricants de Lyon, des fragments. Les fabricants ne savaient plus que c'était le meuble de Marie-Antoinette, que ça avait été fait pour Marie-Antoinette. C'est moi qui leur ai appris.

  • Speaker #1

    Parce qu'ils en avaient gardé ?

  • Speaker #0

    Ils en avaient gardé quelques échantillons, ils ne savaient plus ce que c'était. Mais ils avaient encore les cartons. Ils ont retrouvé les cartons. La soie brochée sur fond blanc, qui valait en 1948, au moment où j'ai pu la faire refaire, 50 000 francs le mètre. en petite largeur, c'est-à-dire en 54 cm de large, cette étoffe, pour la fabriquer, pour la retisser, il faut utiliser 108 364 cartons. Le métier à tisser comprend, comme les cartons perforés des pianos mécaniques, une série de 108 364 cartons pour faire le dessin. N'est-ce pas ? Eh bien, je suis arrivé à faire offrir à Versailles, par la Fédération de la Soirie de Lyon, cette étoffe. Et j'ai pu replacer cette étoffe dans l'alcove de la Chambre de la Reine, qui remet un peu du luxe, vous l'avez vu d'ailleurs, du luxe d'une étoffe fragile avec toutes ses couleurs, dans ce cadre admirable de boiserie dorée que j'ai pu reconstituer, dont toute une partie était en magasin. La cheminée était perdue, je l'ai retrouvée. Je l'ai identifié, je l'ai remis à sa place et la chambre ainsi a revécu. J'ai replacé le meuble à bijoux à la place qu'il avait. Tout cela est conforme aux documents d'archives, aux inventaires et également Lyon. a refait les étoffes telles qu'elles étaient en s'échantillonnant sur les vieilles soies, à l'envers des fragments d'étoffes qui étaient passés, n'est-ce pas ? Je leur ai fait recommencer peut-être 20 fois l'échantillonnage des couleurs. Ils me trouvaient difficile, mais enfin, nous travaillons pour la perfection. J'ai fait la même chose au cabinet du conseil, j'ai pu vous le montrer hier, dans une photographie, dans un cliché de la conférence d'hier soir. Et ces lampas bleu et or ont été tissés pour Louis XV à Lyon pour l'arrangement du cabinet du conseil en 1755.

  • Speaker #1

    Ça peut être évident quand on a la certitude de voir surgir sur le marché un objet qui vient de Versailles. Ça arrive quand même relativement souvent. Quand on a vraiment la documentation, la certitude, à ce moment-là, on n'a pas d'hésitation. On fait revenir l'objet, surtout quand on a encore l'espace qui l'attend. Ce qui peut arriver malheureusement, c'est qu'on retrouve un objet de Versailles qui était dans un appartement qui n'existe plus aujourd'hui. Alors à ce moment-là, est-ce qu'on va l'acquérir ou pas ? Là intervient un autre critère qui est celui de la cohérence et de l'opportunité, c'est-à-dire que si on trouve par exemple un très beau meuble qui a appartenu à la comtesse de Provence, la belle-sœur de Marie-Antoinette... On sait qu'elle avait des goûts très proches de ceux de la reine, qu'elle avait les mêmes fournisseurs. Donc un objet de la comtesse de Provence, on va l'utiliser pour remeubler un des appartements de la reine, par exemple. Tout ce qui n'existe plus, c'est-à-dire qui a vraiment été détruit ou dont on n'a que des bribes, par exemple le textile qui évidemment n'est presque plus jamais le textile original du XVIIIe siècle, ou alors quand on en conserve, ils sont en très mauvais état, il faut refabriquer. Et là, la méthode, c'est plutôt d'utiliser exactement les mêmes métiers qu'autrefois. D'où l'importance d'entretenir cette relation avec les entreprises des métiers d'art qui existent encore en France aujourd'hui. On a aussi nos propres ateliers au château qui font des choses extraordinaires, mais qui ne tissent pas des soirées par exemple. Ça, on travaille avec les grands soyeux lyonnais. Donc ça, c'est le travail de restitution. On essaie d'être le plus proche possible. Alors quelquefois, c'est vraiment près de la perfection. On arrive à retisser des choses qui sont pratiquement ce qui était fait au XVIIIe siècle. Pour d'autres cas, c'est plus dur. On se rend compte qu'il y a toujours un petit quelque chose qui manque. La recréation contemporaine n'a jamais exactement la sensibilité, la souplesse, le naturel de ce qu'on faisait au XVIIIe, malheureusement. D'une certaine façon, tant mieux, parce que c'est aussi ce qui justifie notre travail. C'est qu'à ces époques-là... Il y avait une sorte de savoir-faire suprême, de magie dans les métiers d'art qui n'existe plus. Ça, il faut bien se résigner. Mais je trouve qu'il y a une certaine jubilation à se dire que ça n'existe plus. C'est d'autant plus précieux de conserver les témoignages de ces époques.

  • Speaker #0

    Les jardins de Versailles, l'aspect y est encore excellent. Le visiteur qui passe vite, quand il vient en été, a une impression... d'émerveillement car les parterres que nos jardiniers fleurissent comme autrefois resplendissent avec toutes ces fleurs, toutes ces couleurs. On a l'impression de marcher sur un tapis de la savonnerie qui serait fait avec les fleurs elles-mêmes, n'est-ce pas ? Il ne faut pas trop s'attarder comme toujours à Versailles car au milieu de ces parterres fleuries, si l'on regarde bien, il y a des bassins qui ne gardent plus l'eau. À l'entour, il y a des treillages qui sont ruinés ou qui sont en train de se ruiner. Ces treillages qui forment justement la géométrie de Versailles, n'est-ce pas ? Et ces lignes et ces proportions qui limitent les espaces. Et les arbres eux-mêmes souffrent d'une vétusté commençante et quelquefois déclinante.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'il n'y a pas un travail de reboisement qui se fait constamment dans les jardins de vert ?

  • Speaker #0

    Oui, que nous commençons à pouvoir faire méthodiquement, n'est-ce pas ? On replante des allées et des allées, mais vous comprendrez que c'est un problème très grave parce qu'il touche à l'esthétique et il touche, si je puis dire, au culte du public pour ces lieux. On ne peut pas remplacer dans les jardins ces arbres qui ont toutes leurs beautés. toutes leurs tailles qui s'épanouissent par-dessus les murailles de charmilles. On ne peut pas les remplacer par de petits arbres. C'est un des très grands problèmes.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'à ce moment-là, on brise l'harmonie.

  • Speaker #0

    On brise l'harmonie. Et je me rappelle des drames qui avaient eu lieu il y a quelques années parce qu'il y avait un arbre qui menaçait de tomber sur les statues. Et les peintres qui sont nombreux à Versailles ne voulaient pas qu'on coupe cet arbre parce qu'ils estimaient qu'ils ne pourraient plus peindre ce coin qui était particulièrement beau. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Versailles, c'est un lieu qui, bien sûr, s'abîme très vite, comme toutes les grandes maisons, comme tous les châteaux. Il faut y faire des travaux absolument en permanence. Si on s'arrête, si on essaie de faire des économies, si pendant une période, ça a existé, bien sûr, dans l'histoire, si on n'a plus les moyens d'avoir ce rythme effréné de travaux, on voit... le château s'abîmer très très vite une toiture, ça se refait régulièrement il y a ce fameux rythme de 50 ans qui existe pour beaucoup de types de travaux, aussi bien des textiles par exemple qu'on va refaire et qui au bout de 50 ans seront complètement fanés, qu'une toiture qui au bout de 50 ou 60 ou 70 ans va commencer aussi à être fragile, la pierre qu'on restaure, qui se ravine qui s'abîme donc ce sont des cycles de vie Merci. Et puis il y a aussi l'usage du château, il y a les visiteurs qu'on adore mais qui abîment beaucoup. Les parquets sont remplacés. Il y a quelques endroits encore dans le château où on a des parquets du XVIIIe siècle, voire du XVIIe siècle, il n'y en a plus beaucoup. Parce que dans les grands appartements qui ont vu passer des millions et des millions de visiteurs, bien sûr le parquet s'use presque à vue d'œil et il y a X générations de parquets qui se sont succédés. Il y a un moment qui me restera certainement toujours, qui était à la fois merveilleux et tragique. C'est une grande inauguration qu'on a organisée à Versailles pour la fin des travaux du corps central sud, c'est-à-dire l'appartement de la Reine. 2019, mois d'avril, on sortait de 5-6 ans de travaux énormes. On inaugure, c'était splendide, tout le monde était là, il y avait un monde fou, le ministre de la Culture était là. Et puis petit à petit, on voit tout le monde commencer à regarder son téléphone. C'était assez bizarre. Et puis en fait, je sors mon propre téléphone et on était tous en train de regarder les vidéos de Notre-Dame qui était en train de brûler le soir précis de l'inauguration, qui était en plus un chantier en grande partie de mise en sécurité à incendie, puisqu'on avait fait tout ça aussi pour protéger le château de l'incendie. Et là, la soirée s'est finie de façon tragique. Je me revois encore en larmes dans la galerie des glaces, alors qu'on avait fait tellement de travail. C'était vraiment une fête pour nous. Et là, c'était horrible. Il y avait un magnifique soleil couchant qui entrait dans la galerie des glaces. Tout était beau, tout était sublime. Et pendant ce temps-là, Notre-Dame de Paris était en train de s'effondrer. Donc ça, effectivement, c'est une soirée que je ne risque pas d'oublier. Vous ne prévoyez pas non plus une reconstitution de ces meubles ? Non,

  • Speaker #0

    je ne suis entièrement opposé à cela parce que je trouve que nous devons rester dans notre rôle de conservateur. La conservation du passé et d'un passé aussi riche que celui de la France demande de la mesure. Nous ne pouvons pas sacrifier le présent, les années où nous vivons, et l'art vivant de notre temps à des reconstitutions de passé. Quand nous retrouvons un noble, C'est très bien que nous le rachetions, c'est même très bien que nous le fassions restaurer s'il lui manque un détail. Nous ne devons pas le refaire. Il faut penser que l'art pensé de 1953 est un art vivant qui doit être encouragé et que beaucoup d'argent doit aller à nos artistes vivants.

  • Speaker #1

    Il faut évidemment préserver la magie de Versailles puisque c'est un témoignage d'un moment extraordinaire de civilisation. On est tous encore fascinés, il ne s'agit pas d'être fascinés par la monarchie absolue, évidemment personne ne veut rétablir la tyrannie. Mais ce que ça a pu produire comme rêve poétique, cette espèce d'œuvre d'art total qu'est Versailles, avec ses références cosmiques, mythologiques, le jour, la nuit, la lune, le soleil, ce rapport avec la nature, avec la mythologie antique, les métamorphoses d'Ovid, tout ça c'est une telle poésie que Le plus important, c'est que ça continue à vivre. Et pour ça, il faut être très fidèle, très juste. Si vous commencez à mélanger tout et n'importe quoi à l'intérieur d'un lieu comme celui-là, la magie, tout simplement, elle peut s'éteindre. Une faute, dans ce qu'on fait dans l'entretien du château, peut faire disparaître cet esprit, ce souffle, cette magie. Et ça, c'est une chose à laquelle je suis très sensible et attentif. quelquefois, il suffit de supprimer une erreur ancienne. pour que ça revienne. À une époque, on a voulu mettre trop de lumière à Versailles parce qu'il y avait cette hantise d'un château complètement à l'abandon, parce qu'il y a eu des périodes moins brillantes qu'aujourd'hui. Versailles pouvait avoir un air assez tristounet, vide. Gérald van der Kem, qui a été nommé directeur du musée en 1953, a dit qu'il l'avait trouvé vide, dégoûtant et mort. Et on s'est mis à réinstaller des luminaires, des lustres, des lanternes un peu partout, et trop. Je pense aux galeries de pierres par exemple, on est en train d'y travailler, on n'a pas encore enlevé ces lanternes qui ne devraient pas y être, qui y sont depuis assez longtemps, depuis la fin du XXe siècle. Et il faut retrouver cette atmosphère un petit peu de vieux château, de vieille forteresse qu'on trouve dans ces galeries de pierres.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier... que les jardins de Versailles sont quelque chose d'extraordinaire. Je ne voudrais pas me servir de la comparaison de musée, puisque je viens de faire la critique des musées. C'est beaucoup mieux qu'un musée. Il y a toute une floraison admirable de sculptures françaises dans les jardins de Versailles, dans ces statues de marbre, dans ces statues de plomb des Fontaines, dans ces groupes des Fontaines. Et il faut à tout prix conserver cet ensemble. On n'a jamais revu depuis l'Antiquité un ensemble pareil. Louis XIV. a eu l'équivalent, et en beaucoup plus somptueux, en beaucoup plus basse, des plus somptueuses, des plus magnifiques villas antiques, des empereurs romains par exemple. La villa Adriana à Tivoli était quelque chose de tout à fait inferdieur en dimension, en qualité, à Versailles. Versailles, à cet égard, est véritablement une des merveilles du monde moderne.

  • Speaker #1

    J'ai un souvenir de Versailles très précis, qui n'est peut-être pas le premier. parce que je l'ai visité étant enfant, mais là c'est plus flou. Mais je suis venu, quand j'étais étudiant en histoire de l'art, et que je préparais le concours de conservateur, avec mon appareil photo bien avant, évidemment la photo numérique, pour utiliser des dizaines et des dizaines de pellicules à photographier toutes les sculptures des jardins dans les moindres détails, chaque marmousée, chaque petit poteau de chaque bassin, parce qu'on bachotait un petit peu à l'époque. C'était une passion en fait, on avait envie de connaître chaque détail. de chaque monument de chaque musée et donc par un hiver glacial je me souviens d'avoir fait des quantités de photos à l'époque on ne bâchait pas toutes les sculptures pendant l'hiver de ce château ça je me souviens bien de ce moment là parce que c'était un peu douloureux aussi pour les doigts c'est

  • Speaker #0

    un ensemble unique dans le monde et c'est pour cela que c'est beau vers paris et pour cela que c'est vivant c'est parce que tout se tient n'est pas le domaine Le château, les jardins, le parc, c'est de songer que cet ensemble qui a fixé en quelque sorte la géométrie humaine et l'emprise humaine, n'est-ce pas, sur tout un paysage, s'étend sur un axe de plus de 14 kilomètres. La composition rayonnante de Versailles s'étend sur 14 kilomètres.

  • Speaker #1

    En effet, quand on voit les photos... en fait de Versailles vu par exemple un vol d'oiseaux, on voit, on réalise immédiatement toute cette harmonie.

  • Speaker #0

    Ah, c'est d'Avignon qu'il faut voir Versailles. Oui, c'est vraiment... C'est là que c'est le plus beau. Cela se dessine d'une façon étonnante. Et enfin, il n'y a pas au monde un paysage d'une telle ampleur, une vallée d'une telle ampleur, qui soit ainsi remodelée par la logique humaine.

  • Speaker #1

    Et alors ces grandes avenues, là, ce triangle de...

  • Speaker #0

    trois grandes avenues qui viennent nourrir. Il y a tout bien convergé à Versailles, le monde entier vient converger à Versailles et au-delà, à la fin du parc, il y a une nouvelle étoile qui s'appelle l'étoile royale et dont les rayons s'étendent à travers la campagne. C'était autrefois le parc de chasse, le grand parc de chasse.

  • Speaker #1

    C'est vraiment extraordinaire la fascination pour Versailles dans tous les pays du monde, vraiment tous. En ce moment, je n'arrête pas de voyager en Chine. les Chinois adorent Versailles, mais c'est la même chose dans toute l'Asie, c'est la même chose évidemment en Amérique, dans toute l'Europe, les pays du nord, les pays du sud, en fait, Versailles c'est une sorte de rêve universel, non seulement c'est un lieu qui fait rêver tout le monde, mais qui garde quelque chose de sympathique, et ça on le voit quand les visiteurs arrivent, qu'ils soient chiliens ou russes ou américains, ils se sentent un peu chez eux à Versailles, tout le monde se sent à la maison parce que c'est un peu le palais idéal. Ces belles allées, ces perspectives, les bosquets dans les jardins, la galerie des glaces, les petits appartements, Marie-Antoinette. En fait, tout le monde se sent très à l'aise avec ça, qu'on soit européen ou non-européen, ça appartient à tout le monde.

  • Speaker #0

    Mémoire de château, une série de podcasts proposés par le château de Versailles. Sur une idée de Claire Bonnot-Kellil, collaboratrice scientifique au château de Versailles et de Nejma Zegaoula. chef de projet audiovisuel au Château de Versailles. Écriture, prise de son et montage, Louise Réjean. Réalisation, musique et design sonore, Opixido. Mémoire de Château se décline aussi en vidéo. Retrouvez tous les épisodes de la série et les contenus complémentaires sur le site officiel du Château de Versailles. Les podcasts du Château de Versailles sont disponibles sur toutes les plateformes d'écoute, dans l'application mobile du Château et sur châteauversailles.fr.

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Description

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Dans cet épisode un peu particulier, Mémoire(s) de Château donne la parole à Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et à Charles Mauricheau-Beaupré (1889-1953), conservateur en chef du château de Versailles de 1941 à 1953, à travers une archive sonore inédite.


Mémoire(s) de château - Conserver l’esprit de Versailles

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  • Speaker #0

    Le château de Versailles présente Mémoires de châteaux.

  • Speaker #1

    Je suis Laurent Salomé et je suis directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. J'ai été nommé à la fin de l'année 2016 par le ministre de la Culture. Et j'ai commencé en fait en janvier 2017. Ma spécialité d'origine c'est le XVIIe siècle français, plus précisément le dessin français du XVIIe. Donc c'est vrai que le XVIIe étant un peu la période de naissance du château de Versailles, ça me donne un contexte propice, même si en fait ma période de prédilection était plutôt tout ce qui précède Louis XIV. Et maintenant je me sens... plus vraiment un spécialiste, même si le XVIIe siècle français, c'est ma base, ce sont mes racines. Versailles, c'est une institution, un musée, qui regroupe ces trois châteaux et tout ce qu'ils contiennent, qui accueille du public, et donc le directeur est un conservateur qui a la responsabilité globale des activités de ce musée, avec une équipe d'une quinzaine de conservateurs et de beaucoup d'autres personnes. En tout, il y a plus de 1000 personnes qui travaillent au château. Mais ma fonction, c'est plutôt le travail scientifique, la programmation des expositions, les acquisitions, les restaurations. Vraiment, c'est veiller sur ce château et le partager avec le public. C'est un lieu qui non seulement est gigantesque, très riche, très divers, mais qui en plus a une histoire, une fierté, des enjeux peut-être plus forts qu'ailleurs. Il faut connaître la grande histoire de France, la grande histoire du château, mais aussi la petite histoire récente de Versailles, savoir pourquoi on est là, comment les choses se font, qu'est-ce qui a été fait ces 20 dernières années, ces 3, 4, 5 dernières années. Il y a beaucoup de choses comme ça qui ne sont pas évidentes à deviner. Et puis, simplement domestiquer ce monstre, c'est très compliqué. Avant de s'y retrouver avec toutes les clés, les escaliers, les ascenseurs et les petits passages obscurs. Il faut s'accrocher pendant un moment. Et maintenant, naturellement, il serait peut-être bon de consacrer la majeure partie de notre entretien, si vous le voulez bien, à ce musée vraiment extraordinaire, l'autre, celui du château de Versailles.

  • Speaker #0

    Eh bien, heureusement, ce n'est pas un musée. Et c'est pour cela que je l'aime. C'est une maison qui est restée vivante. Ce n'est pas... Le musée est au fond une chose terrible, n'est-ce pas ? Le musée, c'est la collection de papillons que l'on a commencé par tuer et que l'on a fixé ensuite avec une épingle. Les œuvres d'art ont été faites pour quelque chose. Un tableau religieux est un tableau d'hôtel, souvent, un ex-voto. Une œuvre d'art est faite pour une certaine hauteur, pour être un fragment d'une composition générale, une sculpture. par exemple, monumentales. Et à partir du moment où nous les mettons dans des salles de musée, nous les tuons. Tandis que Versailles est restée une œuvre d'art complète,

  • Speaker #1

    vivante. Charles-Maurice Chaubopré, c'est le conservateur qui a connu le château dans la guerre, qui a connu la sauvegarde, qui a orchestré la sauvegarde du château après la guerre. Donc il a été directeur entre 1941 et 1953, la date de sa mort accidentelle. Pour moi, Mauricio Beaupré, c'est un nom très important dans la grande lignée des conservateurs de Versailles, parce qu'il représente vraiment le passage vers notre époque contemporaine, c'est-à-dire vraiment le milieu du XXe siècle. Il est vraiment l'héritier de ce grand essor scientifique de la conservation du château à la fin du XIXe siècle. En gros, Pierre de Nolac, qu'on cite toujours comme étant le fondateur de la vision moderne du musée de Versailles, celui qui a recréé Tellement d'appartements, d'anciens régimes, qui a pris un peu le contre-pied du musée de Louis-Philippe et qui a fait revivre ce mythe de Versailles. Mais Mauricio Beaupré a en plus la particularité d'avoir été là au moment critique de la Deuxième Guerre mondiale, d'avoir du coup contribué très concrètement à la sauvegarde du château, d'avoir été le conservateur qui au lendemain de la guerre a orchestré un peu ce grand élan de renaissance. du château qui renaissait presque de ses ruines. Il y a eu vraiment des dégâts considérables pendant la guerre. Pas de bombardements, pas vraiment beaucoup de vandalisme. Mais les effets du manque de chauffage, toutes les mesures de prévention qu'il a fallu prendre, tout ce qu'on a dû démonter et emmener dans toutes sortes de dépôts par-ci par-là en France, tout ça a fait beaucoup de dégâts. Et c'est vrai que le château avait une tête un petit peu terrible au sortir de la guerre. Il y a eu grand appel de corps nus.

  • Speaker #0

    Je viens jeter un cri d'alarme et faire appel à tous les Français. pour qu'ils mettent à sauver de la ruine leur bien commun le plus prestigieux, le château de Versailles.

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment comme ça dans lequel Charles-Maurice Chaubopré était vraiment à la manœuvre. Et puis je pense qu'en termes de collection aussi, c'était un homme très intéressant qui a théorisé un peu l'évolution des collections du musée, puisque on n'est pas seulement ce palais royal, on est aussi devenu un musée historique sous Louis-Philippe. Et ce musée, il a été continué. étendu, diversifié à la fin du XIXe siècle et beaucoup au XXe siècle et beaucoup sous l'impulsion de Mauricio Beaupré. Il y a des œuvres très originales et puis en matière de remeublement, retissage, études des états anciens pour les recréer, ça a aussi été un des pionniers. Ensuite, Gérard Van Der Kemp a beaucoup fait dans la deuxième partie du XXe siècle, mais Mauricio Beaupré a vraiment été fondateur pour ça. Je sais que vous voulez reconstituer, par exemple, les appartements du roi de la même manière qu'ils étaient, ces appartements, au moment où le roi l'habitait. Est-ce que vous pourriez nous dire comment...

  • Speaker #0

    J'ai déjà commencé, d'ailleurs, sans attendre la campagne présente, laquelle ne vise que les travaux urgents, les travaux indispensables. Elle veut empêcher les toits de laisser passer l'eau. Elle veut remplacer les poutres pourries. Elle veut faire du travail strictement utile et indispensable. Mais en dehors de ces travaux urgents, de ces 5 milliards de travaux urgents, qui, je l'espère, seront presque entièrement assumés par le gouvernement et par des tranches de loterie ou des sources de revenus de cette sorte, il y a véritablement, et tout à fait en dehors, la restitution des États anciens de Versailles, leur maintien et même leur amélioration. Par exemple, nous avons tous les plafonds et tous les décors intérieurs existants qui ont beaucoup souffert du manque de chauffage pendant les années de l'occupation, pendant les hivers assez durs de l'occupation et tout de suite après la libération.

  • Speaker #1

    Conserver, c'est une noble tâche qui est beaucoup plus compliquée qu'on pourrait le croire. Ce n'est pas du tout un métier passif. En fait, il faut sans arrêt innover et agir pour éviter qu'un patrimoine soit s'abîme, soit finalement exclu du regard du public, de la connaissance, du champ, de la culture. Si on ne fait pas des efforts sans arrêt, si on ne fait pas des expositions, des recherches pour comprendre le patrimoine dont on est chargé, finalement il périclite, il meurt. D'abord il faut convaincre pour le sauver, parce que ça coûte très cher. et donc on ne peut pas peut faire vivre ces grandes institutions que parce qu'elles ont un rayonnement, une fascination, et donc c'est aussi par la séduction qu'on arrive à faire les choses sérieuses, c'est-à-dire protéger, entretenir, restaurer, acquérir pour recréer, ça c'est très important à Versailles, la fonction acquisition est vraiment essentielle, beaucoup plus que dans d'autres musées, c'est vital, c'est comme ça qu'on fait notre travail, c'est aussi beaucoup en enrichissant les collections et en remeublant le château, en recréant un tout cohérent qui, d'un seul coup, puisse prendre vie pour le visiteur. On est surpris au premier abord en entrant à Versailles de voir qu'elles ne sont pas meublées.

  • Speaker #0

    Oui, il ne faut pas penser que Versailles était très meublée parce qu'à Versailles, on vivait debout. Le roi, seul de par l'étiquette, s'asseyait. La reine participait à très peu de cérémonies publiques. Et le reste des courtisans étaient debout. Il y avait juste quelques duchesses qui avaient droit à des tabourets. On dit un tabouret de déchets, elle n'avait donc même pas de fauteuil. Dans les grands appartements, il n'y avait ni canapé ni fauteuil.

  • Speaker #1

    Mais tout de même, lorsqu'on visite les appartements privés...

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est très différent. C'est très différent. Alors là, chaque fois que nous le pouvons, nous rachetons les meubles. Quand nous les retrouvons, malheureusement, il y en a beaucoup qui ont disparu ou qui sont dans des musées ou dans des collections royales ou princières d'où ils ne sortiront jamais.

  • Speaker #1

    On oublie peut-être le visiteur aujourd'hui, ça n'en rend pas compte, mais ce château, il a été complètement vidé après la Révolution. Il aurait pu disparaître, il en a été question plusieurs fois. Heureusement, il a été sauvé, il n'a jamais brûlé, on n'a jamais décidé de le détruire. Il a échappé aux deux guerres mondiales, surtout à la deuxième guerre mondiale, où la question de son bombardement s'est probablement posée très nettement. Donc ce château, il revient de rien. Et tout ce qu'on voit aujourd'hui, qui a l'air tellement impeccable, comme si rien ne s'était passé, a été recréé patiemment, pas à pas. On a fait revenir chaque objet, chaque siège, chaque console, chaque commode. Tous les tissus, évidemment, ont été retissés. La passementerie, tout, en fait, a été recréé, soit par fabrication, quand on parle de textile, par exemple, soit en faisant revenir au château les objets authentiques qui s'y trouvèrent dans la Révolution et qui ont été dispersés. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu le processus, justement, M. Brouillard ? Vous voyez qu'à quel moment commencent les travaux, par exemple, il faut tout de même que vous fassiez des recherches dans les archives pour retrouver le dessin exact.

  • Speaker #0

    Bien entendu, je vais vous donner un exemple avec la Chambre de la Reine. Je me suis attaché, comme toutes les études de Versailles, plus particulièrement à l'étude de la Chambre de la Reine, et j'ai essayé de l'amener à une réalisation il y a 17 ans. Il m'a fallu 17 ans, j'avais trouvé à ce moment-là, j'avais réussi à identifier d'après les inventaires, des fragments d'étoffes et de soieries, de ces belles soies brochées, qui avaient orné à la chambre de Marie-Antoinette pour son meuble d'été, son dernier meuble d'été. Vous savez qu'il y avait toujours meuble d'hiver et meuble d'été, on détendait les tentures de l'alcove, les rideaux du lit. On changeait les étoffes des sièges au changement de saison, c'est-à-dire à Pâques et à la Toussaint. Et ce meuble d'été, qui est une magnifique soie brochée composée de lilas, de roses et de bouquets noués par des rubans argent et lit de vin, ce meuble d'été, j'en avais retrouvé à Lyon, chez des fabricants de Lyon, des fragments. Les fabricants ne savaient plus que c'était le meuble de Marie-Antoinette, que ça avait été fait pour Marie-Antoinette. C'est moi qui leur ai appris.

  • Speaker #1

    Parce qu'ils en avaient gardé ?

  • Speaker #0

    Ils en avaient gardé quelques échantillons, ils ne savaient plus ce que c'était. Mais ils avaient encore les cartons. Ils ont retrouvé les cartons. La soie brochée sur fond blanc, qui valait en 1948, au moment où j'ai pu la faire refaire, 50 000 francs le mètre. en petite largeur, c'est-à-dire en 54 cm de large, cette étoffe, pour la fabriquer, pour la retisser, il faut utiliser 108 364 cartons. Le métier à tisser comprend, comme les cartons perforés des pianos mécaniques, une série de 108 364 cartons pour faire le dessin. N'est-ce pas ? Eh bien, je suis arrivé à faire offrir à Versailles, par la Fédération de la Soirie de Lyon, cette étoffe. Et j'ai pu replacer cette étoffe dans l'alcove de la Chambre de la Reine, qui remet un peu du luxe, vous l'avez vu d'ailleurs, du luxe d'une étoffe fragile avec toutes ses couleurs, dans ce cadre admirable de boiserie dorée que j'ai pu reconstituer, dont toute une partie était en magasin. La cheminée était perdue, je l'ai retrouvée. Je l'ai identifié, je l'ai remis à sa place et la chambre ainsi a revécu. J'ai replacé le meuble à bijoux à la place qu'il avait. Tout cela est conforme aux documents d'archives, aux inventaires et également Lyon. a refait les étoffes telles qu'elles étaient en s'échantillonnant sur les vieilles soies, à l'envers des fragments d'étoffes qui étaient passés, n'est-ce pas ? Je leur ai fait recommencer peut-être 20 fois l'échantillonnage des couleurs. Ils me trouvaient difficile, mais enfin, nous travaillons pour la perfection. J'ai fait la même chose au cabinet du conseil, j'ai pu vous le montrer hier, dans une photographie, dans un cliché de la conférence d'hier soir. Et ces lampas bleu et or ont été tissés pour Louis XV à Lyon pour l'arrangement du cabinet du conseil en 1755.

  • Speaker #1

    Ça peut être évident quand on a la certitude de voir surgir sur le marché un objet qui vient de Versailles. Ça arrive quand même relativement souvent. Quand on a vraiment la documentation, la certitude, à ce moment-là, on n'a pas d'hésitation. On fait revenir l'objet, surtout quand on a encore l'espace qui l'attend. Ce qui peut arriver malheureusement, c'est qu'on retrouve un objet de Versailles qui était dans un appartement qui n'existe plus aujourd'hui. Alors à ce moment-là, est-ce qu'on va l'acquérir ou pas ? Là intervient un autre critère qui est celui de la cohérence et de l'opportunité, c'est-à-dire que si on trouve par exemple un très beau meuble qui a appartenu à la comtesse de Provence, la belle-sœur de Marie-Antoinette... On sait qu'elle avait des goûts très proches de ceux de la reine, qu'elle avait les mêmes fournisseurs. Donc un objet de la comtesse de Provence, on va l'utiliser pour remeubler un des appartements de la reine, par exemple. Tout ce qui n'existe plus, c'est-à-dire qui a vraiment été détruit ou dont on n'a que des bribes, par exemple le textile qui évidemment n'est presque plus jamais le textile original du XVIIIe siècle, ou alors quand on en conserve, ils sont en très mauvais état, il faut refabriquer. Et là, la méthode, c'est plutôt d'utiliser exactement les mêmes métiers qu'autrefois. D'où l'importance d'entretenir cette relation avec les entreprises des métiers d'art qui existent encore en France aujourd'hui. On a aussi nos propres ateliers au château qui font des choses extraordinaires, mais qui ne tissent pas des soirées par exemple. Ça, on travaille avec les grands soyeux lyonnais. Donc ça, c'est le travail de restitution. On essaie d'être le plus proche possible. Alors quelquefois, c'est vraiment près de la perfection. On arrive à retisser des choses qui sont pratiquement ce qui était fait au XVIIIe siècle. Pour d'autres cas, c'est plus dur. On se rend compte qu'il y a toujours un petit quelque chose qui manque. La recréation contemporaine n'a jamais exactement la sensibilité, la souplesse, le naturel de ce qu'on faisait au XVIIIe, malheureusement. D'une certaine façon, tant mieux, parce que c'est aussi ce qui justifie notre travail. C'est qu'à ces époques-là... Il y avait une sorte de savoir-faire suprême, de magie dans les métiers d'art qui n'existe plus. Ça, il faut bien se résigner. Mais je trouve qu'il y a une certaine jubilation à se dire que ça n'existe plus. C'est d'autant plus précieux de conserver les témoignages de ces époques.

  • Speaker #0

    Les jardins de Versailles, l'aspect y est encore excellent. Le visiteur qui passe vite, quand il vient en été, a une impression... d'émerveillement car les parterres que nos jardiniers fleurissent comme autrefois resplendissent avec toutes ces fleurs, toutes ces couleurs. On a l'impression de marcher sur un tapis de la savonnerie qui serait fait avec les fleurs elles-mêmes, n'est-ce pas ? Il ne faut pas trop s'attarder comme toujours à Versailles car au milieu de ces parterres fleuries, si l'on regarde bien, il y a des bassins qui ne gardent plus l'eau. À l'entour, il y a des treillages qui sont ruinés ou qui sont en train de se ruiner. Ces treillages qui forment justement la géométrie de Versailles, n'est-ce pas ? Et ces lignes et ces proportions qui limitent les espaces. Et les arbres eux-mêmes souffrent d'une vétusté commençante et quelquefois déclinante.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'il n'y a pas un travail de reboisement qui se fait constamment dans les jardins de vert ?

  • Speaker #0

    Oui, que nous commençons à pouvoir faire méthodiquement, n'est-ce pas ? On replante des allées et des allées, mais vous comprendrez que c'est un problème très grave parce qu'il touche à l'esthétique et il touche, si je puis dire, au culte du public pour ces lieux. On ne peut pas remplacer dans les jardins ces arbres qui ont toutes leurs beautés. toutes leurs tailles qui s'épanouissent par-dessus les murailles de charmilles. On ne peut pas les remplacer par de petits arbres. C'est un des très grands problèmes.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'à ce moment-là, on brise l'harmonie.

  • Speaker #0

    On brise l'harmonie. Et je me rappelle des drames qui avaient eu lieu il y a quelques années parce qu'il y avait un arbre qui menaçait de tomber sur les statues. Et les peintres qui sont nombreux à Versailles ne voulaient pas qu'on coupe cet arbre parce qu'ils estimaient qu'ils ne pourraient plus peindre ce coin qui était particulièrement beau. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Versailles, c'est un lieu qui, bien sûr, s'abîme très vite, comme toutes les grandes maisons, comme tous les châteaux. Il faut y faire des travaux absolument en permanence. Si on s'arrête, si on essaie de faire des économies, si pendant une période, ça a existé, bien sûr, dans l'histoire, si on n'a plus les moyens d'avoir ce rythme effréné de travaux, on voit... le château s'abîmer très très vite une toiture, ça se refait régulièrement il y a ce fameux rythme de 50 ans qui existe pour beaucoup de types de travaux, aussi bien des textiles par exemple qu'on va refaire et qui au bout de 50 ans seront complètement fanés, qu'une toiture qui au bout de 50 ou 60 ou 70 ans va commencer aussi à être fragile, la pierre qu'on restaure, qui se ravine qui s'abîme donc ce sont des cycles de vie Merci. Et puis il y a aussi l'usage du château, il y a les visiteurs qu'on adore mais qui abîment beaucoup. Les parquets sont remplacés. Il y a quelques endroits encore dans le château où on a des parquets du XVIIIe siècle, voire du XVIIe siècle, il n'y en a plus beaucoup. Parce que dans les grands appartements qui ont vu passer des millions et des millions de visiteurs, bien sûr le parquet s'use presque à vue d'œil et il y a X générations de parquets qui se sont succédés. Il y a un moment qui me restera certainement toujours, qui était à la fois merveilleux et tragique. C'est une grande inauguration qu'on a organisée à Versailles pour la fin des travaux du corps central sud, c'est-à-dire l'appartement de la Reine. 2019, mois d'avril, on sortait de 5-6 ans de travaux énormes. On inaugure, c'était splendide, tout le monde était là, il y avait un monde fou, le ministre de la Culture était là. Et puis petit à petit, on voit tout le monde commencer à regarder son téléphone. C'était assez bizarre. Et puis en fait, je sors mon propre téléphone et on était tous en train de regarder les vidéos de Notre-Dame qui était en train de brûler le soir précis de l'inauguration, qui était en plus un chantier en grande partie de mise en sécurité à incendie, puisqu'on avait fait tout ça aussi pour protéger le château de l'incendie. Et là, la soirée s'est finie de façon tragique. Je me revois encore en larmes dans la galerie des glaces, alors qu'on avait fait tellement de travail. C'était vraiment une fête pour nous. Et là, c'était horrible. Il y avait un magnifique soleil couchant qui entrait dans la galerie des glaces. Tout était beau, tout était sublime. Et pendant ce temps-là, Notre-Dame de Paris était en train de s'effondrer. Donc ça, effectivement, c'est une soirée que je ne risque pas d'oublier. Vous ne prévoyez pas non plus une reconstitution de ces meubles ? Non,

  • Speaker #0

    je ne suis entièrement opposé à cela parce que je trouve que nous devons rester dans notre rôle de conservateur. La conservation du passé et d'un passé aussi riche que celui de la France demande de la mesure. Nous ne pouvons pas sacrifier le présent, les années où nous vivons, et l'art vivant de notre temps à des reconstitutions de passé. Quand nous retrouvons un noble, C'est très bien que nous le rachetions, c'est même très bien que nous le fassions restaurer s'il lui manque un détail. Nous ne devons pas le refaire. Il faut penser que l'art pensé de 1953 est un art vivant qui doit être encouragé et que beaucoup d'argent doit aller à nos artistes vivants.

  • Speaker #1

    Il faut évidemment préserver la magie de Versailles puisque c'est un témoignage d'un moment extraordinaire de civilisation. On est tous encore fascinés, il ne s'agit pas d'être fascinés par la monarchie absolue, évidemment personne ne veut rétablir la tyrannie. Mais ce que ça a pu produire comme rêve poétique, cette espèce d'œuvre d'art total qu'est Versailles, avec ses références cosmiques, mythologiques, le jour, la nuit, la lune, le soleil, ce rapport avec la nature, avec la mythologie antique, les métamorphoses d'Ovid, tout ça c'est une telle poésie que Le plus important, c'est que ça continue à vivre. Et pour ça, il faut être très fidèle, très juste. Si vous commencez à mélanger tout et n'importe quoi à l'intérieur d'un lieu comme celui-là, la magie, tout simplement, elle peut s'éteindre. Une faute, dans ce qu'on fait dans l'entretien du château, peut faire disparaître cet esprit, ce souffle, cette magie. Et ça, c'est une chose à laquelle je suis très sensible et attentif. quelquefois, il suffit de supprimer une erreur ancienne. pour que ça revienne. À une époque, on a voulu mettre trop de lumière à Versailles parce qu'il y avait cette hantise d'un château complètement à l'abandon, parce qu'il y a eu des périodes moins brillantes qu'aujourd'hui. Versailles pouvait avoir un air assez tristounet, vide. Gérald van der Kem, qui a été nommé directeur du musée en 1953, a dit qu'il l'avait trouvé vide, dégoûtant et mort. Et on s'est mis à réinstaller des luminaires, des lustres, des lanternes un peu partout, et trop. Je pense aux galeries de pierres par exemple, on est en train d'y travailler, on n'a pas encore enlevé ces lanternes qui ne devraient pas y être, qui y sont depuis assez longtemps, depuis la fin du XXe siècle. Et il faut retrouver cette atmosphère un petit peu de vieux château, de vieille forteresse qu'on trouve dans ces galeries de pierres.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier... que les jardins de Versailles sont quelque chose d'extraordinaire. Je ne voudrais pas me servir de la comparaison de musée, puisque je viens de faire la critique des musées. C'est beaucoup mieux qu'un musée. Il y a toute une floraison admirable de sculptures françaises dans les jardins de Versailles, dans ces statues de marbre, dans ces statues de plomb des Fontaines, dans ces groupes des Fontaines. Et il faut à tout prix conserver cet ensemble. On n'a jamais revu depuis l'Antiquité un ensemble pareil. Louis XIV. a eu l'équivalent, et en beaucoup plus somptueux, en beaucoup plus basse, des plus somptueuses, des plus magnifiques villas antiques, des empereurs romains par exemple. La villa Adriana à Tivoli était quelque chose de tout à fait inferdieur en dimension, en qualité, à Versailles. Versailles, à cet égard, est véritablement une des merveilles du monde moderne.

  • Speaker #1

    J'ai un souvenir de Versailles très précis, qui n'est peut-être pas le premier. parce que je l'ai visité étant enfant, mais là c'est plus flou. Mais je suis venu, quand j'étais étudiant en histoire de l'art, et que je préparais le concours de conservateur, avec mon appareil photo bien avant, évidemment la photo numérique, pour utiliser des dizaines et des dizaines de pellicules à photographier toutes les sculptures des jardins dans les moindres détails, chaque marmousée, chaque petit poteau de chaque bassin, parce qu'on bachotait un petit peu à l'époque. C'était une passion en fait, on avait envie de connaître chaque détail. de chaque monument de chaque musée et donc par un hiver glacial je me souviens d'avoir fait des quantités de photos à l'époque on ne bâchait pas toutes les sculptures pendant l'hiver de ce château ça je me souviens bien de ce moment là parce que c'était un peu douloureux aussi pour les doigts c'est

  • Speaker #0

    un ensemble unique dans le monde et c'est pour cela que c'est beau vers paris et pour cela que c'est vivant c'est parce que tout se tient n'est pas le domaine Le château, les jardins, le parc, c'est de songer que cet ensemble qui a fixé en quelque sorte la géométrie humaine et l'emprise humaine, n'est-ce pas, sur tout un paysage, s'étend sur un axe de plus de 14 kilomètres. La composition rayonnante de Versailles s'étend sur 14 kilomètres.

  • Speaker #1

    En effet, quand on voit les photos... en fait de Versailles vu par exemple un vol d'oiseaux, on voit, on réalise immédiatement toute cette harmonie.

  • Speaker #0

    Ah, c'est d'Avignon qu'il faut voir Versailles. Oui, c'est vraiment... C'est là que c'est le plus beau. Cela se dessine d'une façon étonnante. Et enfin, il n'y a pas au monde un paysage d'une telle ampleur, une vallée d'une telle ampleur, qui soit ainsi remodelée par la logique humaine.

  • Speaker #1

    Et alors ces grandes avenues, là, ce triangle de...

  • Speaker #0

    trois grandes avenues qui viennent nourrir. Il y a tout bien convergé à Versailles, le monde entier vient converger à Versailles et au-delà, à la fin du parc, il y a une nouvelle étoile qui s'appelle l'étoile royale et dont les rayons s'étendent à travers la campagne. C'était autrefois le parc de chasse, le grand parc de chasse.

  • Speaker #1

    C'est vraiment extraordinaire la fascination pour Versailles dans tous les pays du monde, vraiment tous. En ce moment, je n'arrête pas de voyager en Chine. les Chinois adorent Versailles, mais c'est la même chose dans toute l'Asie, c'est la même chose évidemment en Amérique, dans toute l'Europe, les pays du nord, les pays du sud, en fait, Versailles c'est une sorte de rêve universel, non seulement c'est un lieu qui fait rêver tout le monde, mais qui garde quelque chose de sympathique, et ça on le voit quand les visiteurs arrivent, qu'ils soient chiliens ou russes ou américains, ils se sentent un peu chez eux à Versailles, tout le monde se sent à la maison parce que c'est un peu le palais idéal. Ces belles allées, ces perspectives, les bosquets dans les jardins, la galerie des glaces, les petits appartements, Marie-Antoinette. En fait, tout le monde se sent très à l'aise avec ça, qu'on soit européen ou non-européen, ça appartient à tout le monde.

  • Speaker #0

    Mémoire de château, une série de podcasts proposés par le château de Versailles. Sur une idée de Claire Bonnot-Kellil, collaboratrice scientifique au château de Versailles et de Nejma Zegaoula. chef de projet audiovisuel au Château de Versailles. Écriture, prise de son et montage, Louise Réjean. Réalisation, musique et design sonore, Opixido. Mémoire de Château se décline aussi en vidéo. Retrouvez tous les épisodes de la série et les contenus complémentaires sur le site officiel du Château de Versailles. Les podcasts du Château de Versailles sont disponibles sur toutes les plateformes d'écoute, dans l'application mobile du Château et sur châteauversailles.fr.

Description

A l’origine de Mémoire(s) de Château, la volonté du château de Versailles de laisser la parole à celles et ceux qui ont fait l’histoire du lieu ...

Dans cet épisode un peu particulier, Mémoire(s) de Château donne la parole à Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et à Charles Mauricheau-Beaupré (1889-1953), conservateur en chef du château de Versailles de 1941 à 1953, à travers une archive sonore inédite.


Mémoire(s) de château - Conserver l’esprit de Versailles

Et si le château de Versailles n’était pas un musée comme les autres, mais une maison vivante ? Dans cet épisode passionnant de Mémoires de château, Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, partage sa vision intime et engagée d’un lieu unique au monde.

À travers anecdotes historiques et réflexions sensibles, il raconte les défis quotidiens de la conservation : restaurer sans trahir, remeubler avec rigueur, replanter sans briser l’harmonie. Il évoque aussi ses prédécesseurs - comme Charles Mauricheau-Beaupré ou Gérald Van der Kemp - qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ont sauvé Versailles de la ruine. On découvre le long travail de restitution de la chambre de la Reine, les trésors retrouvés à Lyon, ou encore les dilemmes face à l’usure du temps et à l’afflux des visiteurs.

Ce podcast est aussi une méditation sur ce qui fait la magie de Versailles : son unité, son souffle, sa poésie. De la galerie des Glaces à l’étoile royale, des parquets du XVIIIe aux bosquets dessinés pour être vus du ciel, c’est une œuvre d’art totale que l’on cherche à préserver, sans jamais l’enfermer. Une plongée dans les coulisses d’un monument qui fascine le monde entier et qui appartient à chacun.


Retrouvez l'ensemble des contenus complémentaires sur le site officiel du château de Versailles : https://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/memoires-chateau#conservateur-du-chateau-de-versailles


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Transcription

  • Speaker #0

    Le château de Versailles présente Mémoires de châteaux.

  • Speaker #1

    Je suis Laurent Salomé et je suis directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. J'ai été nommé à la fin de l'année 2016 par le ministre de la Culture. Et j'ai commencé en fait en janvier 2017. Ma spécialité d'origine c'est le XVIIe siècle français, plus précisément le dessin français du XVIIe. Donc c'est vrai que le XVIIe étant un peu la période de naissance du château de Versailles, ça me donne un contexte propice, même si en fait ma période de prédilection était plutôt tout ce qui précède Louis XIV. Et maintenant je me sens... plus vraiment un spécialiste, même si le XVIIe siècle français, c'est ma base, ce sont mes racines. Versailles, c'est une institution, un musée, qui regroupe ces trois châteaux et tout ce qu'ils contiennent, qui accueille du public, et donc le directeur est un conservateur qui a la responsabilité globale des activités de ce musée, avec une équipe d'une quinzaine de conservateurs et de beaucoup d'autres personnes. En tout, il y a plus de 1000 personnes qui travaillent au château. Mais ma fonction, c'est plutôt le travail scientifique, la programmation des expositions, les acquisitions, les restaurations. Vraiment, c'est veiller sur ce château et le partager avec le public. C'est un lieu qui non seulement est gigantesque, très riche, très divers, mais qui en plus a une histoire, une fierté, des enjeux peut-être plus forts qu'ailleurs. Il faut connaître la grande histoire de France, la grande histoire du château, mais aussi la petite histoire récente de Versailles, savoir pourquoi on est là, comment les choses se font, qu'est-ce qui a été fait ces 20 dernières années, ces 3, 4, 5 dernières années. Il y a beaucoup de choses comme ça qui ne sont pas évidentes à deviner. Et puis, simplement domestiquer ce monstre, c'est très compliqué. Avant de s'y retrouver avec toutes les clés, les escaliers, les ascenseurs et les petits passages obscurs. Il faut s'accrocher pendant un moment. Et maintenant, naturellement, il serait peut-être bon de consacrer la majeure partie de notre entretien, si vous le voulez bien, à ce musée vraiment extraordinaire, l'autre, celui du château de Versailles.

  • Speaker #0

    Eh bien, heureusement, ce n'est pas un musée. Et c'est pour cela que je l'aime. C'est une maison qui est restée vivante. Ce n'est pas... Le musée est au fond une chose terrible, n'est-ce pas ? Le musée, c'est la collection de papillons que l'on a commencé par tuer et que l'on a fixé ensuite avec une épingle. Les œuvres d'art ont été faites pour quelque chose. Un tableau religieux est un tableau d'hôtel, souvent, un ex-voto. Une œuvre d'art est faite pour une certaine hauteur, pour être un fragment d'une composition générale, une sculpture. par exemple, monumentales. Et à partir du moment où nous les mettons dans des salles de musée, nous les tuons. Tandis que Versailles est restée une œuvre d'art complète,

  • Speaker #1

    vivante. Charles-Maurice Chaubopré, c'est le conservateur qui a connu le château dans la guerre, qui a connu la sauvegarde, qui a orchestré la sauvegarde du château après la guerre. Donc il a été directeur entre 1941 et 1953, la date de sa mort accidentelle. Pour moi, Mauricio Beaupré, c'est un nom très important dans la grande lignée des conservateurs de Versailles, parce qu'il représente vraiment le passage vers notre époque contemporaine, c'est-à-dire vraiment le milieu du XXe siècle. Il est vraiment l'héritier de ce grand essor scientifique de la conservation du château à la fin du XIXe siècle. En gros, Pierre de Nolac, qu'on cite toujours comme étant le fondateur de la vision moderne du musée de Versailles, celui qui a recréé Tellement d'appartements, d'anciens régimes, qui a pris un peu le contre-pied du musée de Louis-Philippe et qui a fait revivre ce mythe de Versailles. Mais Mauricio Beaupré a en plus la particularité d'avoir été là au moment critique de la Deuxième Guerre mondiale, d'avoir du coup contribué très concrètement à la sauvegarde du château, d'avoir été le conservateur qui au lendemain de la guerre a orchestré un peu ce grand élan de renaissance. du château qui renaissait presque de ses ruines. Il y a eu vraiment des dégâts considérables pendant la guerre. Pas de bombardements, pas vraiment beaucoup de vandalisme. Mais les effets du manque de chauffage, toutes les mesures de prévention qu'il a fallu prendre, tout ce qu'on a dû démonter et emmener dans toutes sortes de dépôts par-ci par-là en France, tout ça a fait beaucoup de dégâts. Et c'est vrai que le château avait une tête un petit peu terrible au sortir de la guerre. Il y a eu grand appel de corps nus.

  • Speaker #0

    Je viens jeter un cri d'alarme et faire appel à tous les Français. pour qu'ils mettent à sauver de la ruine leur bien commun le plus prestigieux, le château de Versailles.

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment comme ça dans lequel Charles-Maurice Chaubopré était vraiment à la manœuvre. Et puis je pense qu'en termes de collection aussi, c'était un homme très intéressant qui a théorisé un peu l'évolution des collections du musée, puisque on n'est pas seulement ce palais royal, on est aussi devenu un musée historique sous Louis-Philippe. Et ce musée, il a été continué. étendu, diversifié à la fin du XIXe siècle et beaucoup au XXe siècle et beaucoup sous l'impulsion de Mauricio Beaupré. Il y a des œuvres très originales et puis en matière de remeublement, retissage, études des états anciens pour les recréer, ça a aussi été un des pionniers. Ensuite, Gérard Van Der Kemp a beaucoup fait dans la deuxième partie du XXe siècle, mais Mauricio Beaupré a vraiment été fondateur pour ça. Je sais que vous voulez reconstituer, par exemple, les appartements du roi de la même manière qu'ils étaient, ces appartements, au moment où le roi l'habitait. Est-ce que vous pourriez nous dire comment...

  • Speaker #0

    J'ai déjà commencé, d'ailleurs, sans attendre la campagne présente, laquelle ne vise que les travaux urgents, les travaux indispensables. Elle veut empêcher les toits de laisser passer l'eau. Elle veut remplacer les poutres pourries. Elle veut faire du travail strictement utile et indispensable. Mais en dehors de ces travaux urgents, de ces 5 milliards de travaux urgents, qui, je l'espère, seront presque entièrement assumés par le gouvernement et par des tranches de loterie ou des sources de revenus de cette sorte, il y a véritablement, et tout à fait en dehors, la restitution des États anciens de Versailles, leur maintien et même leur amélioration. Par exemple, nous avons tous les plafonds et tous les décors intérieurs existants qui ont beaucoup souffert du manque de chauffage pendant les années de l'occupation, pendant les hivers assez durs de l'occupation et tout de suite après la libération.

  • Speaker #1

    Conserver, c'est une noble tâche qui est beaucoup plus compliquée qu'on pourrait le croire. Ce n'est pas du tout un métier passif. En fait, il faut sans arrêt innover et agir pour éviter qu'un patrimoine soit s'abîme, soit finalement exclu du regard du public, de la connaissance, du champ, de la culture. Si on ne fait pas des efforts sans arrêt, si on ne fait pas des expositions, des recherches pour comprendre le patrimoine dont on est chargé, finalement il périclite, il meurt. D'abord il faut convaincre pour le sauver, parce que ça coûte très cher. et donc on ne peut pas peut faire vivre ces grandes institutions que parce qu'elles ont un rayonnement, une fascination, et donc c'est aussi par la séduction qu'on arrive à faire les choses sérieuses, c'est-à-dire protéger, entretenir, restaurer, acquérir pour recréer, ça c'est très important à Versailles, la fonction acquisition est vraiment essentielle, beaucoup plus que dans d'autres musées, c'est vital, c'est comme ça qu'on fait notre travail, c'est aussi beaucoup en enrichissant les collections et en remeublant le château, en recréant un tout cohérent qui, d'un seul coup, puisse prendre vie pour le visiteur. On est surpris au premier abord en entrant à Versailles de voir qu'elles ne sont pas meublées.

  • Speaker #0

    Oui, il ne faut pas penser que Versailles était très meublée parce qu'à Versailles, on vivait debout. Le roi, seul de par l'étiquette, s'asseyait. La reine participait à très peu de cérémonies publiques. Et le reste des courtisans étaient debout. Il y avait juste quelques duchesses qui avaient droit à des tabourets. On dit un tabouret de déchets, elle n'avait donc même pas de fauteuil. Dans les grands appartements, il n'y avait ni canapé ni fauteuil.

  • Speaker #1

    Mais tout de même, lorsqu'on visite les appartements privés...

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est très différent. C'est très différent. Alors là, chaque fois que nous le pouvons, nous rachetons les meubles. Quand nous les retrouvons, malheureusement, il y en a beaucoup qui ont disparu ou qui sont dans des musées ou dans des collections royales ou princières d'où ils ne sortiront jamais.

  • Speaker #1

    On oublie peut-être le visiteur aujourd'hui, ça n'en rend pas compte, mais ce château, il a été complètement vidé après la Révolution. Il aurait pu disparaître, il en a été question plusieurs fois. Heureusement, il a été sauvé, il n'a jamais brûlé, on n'a jamais décidé de le détruire. Il a échappé aux deux guerres mondiales, surtout à la deuxième guerre mondiale, où la question de son bombardement s'est probablement posée très nettement. Donc ce château, il revient de rien. Et tout ce qu'on voit aujourd'hui, qui a l'air tellement impeccable, comme si rien ne s'était passé, a été recréé patiemment, pas à pas. On a fait revenir chaque objet, chaque siège, chaque console, chaque commode. Tous les tissus, évidemment, ont été retissés. La passementerie, tout, en fait, a été recréé, soit par fabrication, quand on parle de textile, par exemple, soit en faisant revenir au château les objets authentiques qui s'y trouvèrent dans la Révolution et qui ont été dispersés. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu le processus, justement, M. Brouillard ? Vous voyez qu'à quel moment commencent les travaux, par exemple, il faut tout de même que vous fassiez des recherches dans les archives pour retrouver le dessin exact.

  • Speaker #0

    Bien entendu, je vais vous donner un exemple avec la Chambre de la Reine. Je me suis attaché, comme toutes les études de Versailles, plus particulièrement à l'étude de la Chambre de la Reine, et j'ai essayé de l'amener à une réalisation il y a 17 ans. Il m'a fallu 17 ans, j'avais trouvé à ce moment-là, j'avais réussi à identifier d'après les inventaires, des fragments d'étoffes et de soieries, de ces belles soies brochées, qui avaient orné à la chambre de Marie-Antoinette pour son meuble d'été, son dernier meuble d'été. Vous savez qu'il y avait toujours meuble d'hiver et meuble d'été, on détendait les tentures de l'alcove, les rideaux du lit. On changeait les étoffes des sièges au changement de saison, c'est-à-dire à Pâques et à la Toussaint. Et ce meuble d'été, qui est une magnifique soie brochée composée de lilas, de roses et de bouquets noués par des rubans argent et lit de vin, ce meuble d'été, j'en avais retrouvé à Lyon, chez des fabricants de Lyon, des fragments. Les fabricants ne savaient plus que c'était le meuble de Marie-Antoinette, que ça avait été fait pour Marie-Antoinette. C'est moi qui leur ai appris.

  • Speaker #1

    Parce qu'ils en avaient gardé ?

  • Speaker #0

    Ils en avaient gardé quelques échantillons, ils ne savaient plus ce que c'était. Mais ils avaient encore les cartons. Ils ont retrouvé les cartons. La soie brochée sur fond blanc, qui valait en 1948, au moment où j'ai pu la faire refaire, 50 000 francs le mètre. en petite largeur, c'est-à-dire en 54 cm de large, cette étoffe, pour la fabriquer, pour la retisser, il faut utiliser 108 364 cartons. Le métier à tisser comprend, comme les cartons perforés des pianos mécaniques, une série de 108 364 cartons pour faire le dessin. N'est-ce pas ? Eh bien, je suis arrivé à faire offrir à Versailles, par la Fédération de la Soirie de Lyon, cette étoffe. Et j'ai pu replacer cette étoffe dans l'alcove de la Chambre de la Reine, qui remet un peu du luxe, vous l'avez vu d'ailleurs, du luxe d'une étoffe fragile avec toutes ses couleurs, dans ce cadre admirable de boiserie dorée que j'ai pu reconstituer, dont toute une partie était en magasin. La cheminée était perdue, je l'ai retrouvée. Je l'ai identifié, je l'ai remis à sa place et la chambre ainsi a revécu. J'ai replacé le meuble à bijoux à la place qu'il avait. Tout cela est conforme aux documents d'archives, aux inventaires et également Lyon. a refait les étoffes telles qu'elles étaient en s'échantillonnant sur les vieilles soies, à l'envers des fragments d'étoffes qui étaient passés, n'est-ce pas ? Je leur ai fait recommencer peut-être 20 fois l'échantillonnage des couleurs. Ils me trouvaient difficile, mais enfin, nous travaillons pour la perfection. J'ai fait la même chose au cabinet du conseil, j'ai pu vous le montrer hier, dans une photographie, dans un cliché de la conférence d'hier soir. Et ces lampas bleu et or ont été tissés pour Louis XV à Lyon pour l'arrangement du cabinet du conseil en 1755.

  • Speaker #1

    Ça peut être évident quand on a la certitude de voir surgir sur le marché un objet qui vient de Versailles. Ça arrive quand même relativement souvent. Quand on a vraiment la documentation, la certitude, à ce moment-là, on n'a pas d'hésitation. On fait revenir l'objet, surtout quand on a encore l'espace qui l'attend. Ce qui peut arriver malheureusement, c'est qu'on retrouve un objet de Versailles qui était dans un appartement qui n'existe plus aujourd'hui. Alors à ce moment-là, est-ce qu'on va l'acquérir ou pas ? Là intervient un autre critère qui est celui de la cohérence et de l'opportunité, c'est-à-dire que si on trouve par exemple un très beau meuble qui a appartenu à la comtesse de Provence, la belle-sœur de Marie-Antoinette... On sait qu'elle avait des goûts très proches de ceux de la reine, qu'elle avait les mêmes fournisseurs. Donc un objet de la comtesse de Provence, on va l'utiliser pour remeubler un des appartements de la reine, par exemple. Tout ce qui n'existe plus, c'est-à-dire qui a vraiment été détruit ou dont on n'a que des bribes, par exemple le textile qui évidemment n'est presque plus jamais le textile original du XVIIIe siècle, ou alors quand on en conserve, ils sont en très mauvais état, il faut refabriquer. Et là, la méthode, c'est plutôt d'utiliser exactement les mêmes métiers qu'autrefois. D'où l'importance d'entretenir cette relation avec les entreprises des métiers d'art qui existent encore en France aujourd'hui. On a aussi nos propres ateliers au château qui font des choses extraordinaires, mais qui ne tissent pas des soirées par exemple. Ça, on travaille avec les grands soyeux lyonnais. Donc ça, c'est le travail de restitution. On essaie d'être le plus proche possible. Alors quelquefois, c'est vraiment près de la perfection. On arrive à retisser des choses qui sont pratiquement ce qui était fait au XVIIIe siècle. Pour d'autres cas, c'est plus dur. On se rend compte qu'il y a toujours un petit quelque chose qui manque. La recréation contemporaine n'a jamais exactement la sensibilité, la souplesse, le naturel de ce qu'on faisait au XVIIIe, malheureusement. D'une certaine façon, tant mieux, parce que c'est aussi ce qui justifie notre travail. C'est qu'à ces époques-là... Il y avait une sorte de savoir-faire suprême, de magie dans les métiers d'art qui n'existe plus. Ça, il faut bien se résigner. Mais je trouve qu'il y a une certaine jubilation à se dire que ça n'existe plus. C'est d'autant plus précieux de conserver les témoignages de ces époques.

  • Speaker #0

    Les jardins de Versailles, l'aspect y est encore excellent. Le visiteur qui passe vite, quand il vient en été, a une impression... d'émerveillement car les parterres que nos jardiniers fleurissent comme autrefois resplendissent avec toutes ces fleurs, toutes ces couleurs. On a l'impression de marcher sur un tapis de la savonnerie qui serait fait avec les fleurs elles-mêmes, n'est-ce pas ? Il ne faut pas trop s'attarder comme toujours à Versailles car au milieu de ces parterres fleuries, si l'on regarde bien, il y a des bassins qui ne gardent plus l'eau. À l'entour, il y a des treillages qui sont ruinés ou qui sont en train de se ruiner. Ces treillages qui forment justement la géométrie de Versailles, n'est-ce pas ? Et ces lignes et ces proportions qui limitent les espaces. Et les arbres eux-mêmes souffrent d'une vétusté commençante et quelquefois déclinante.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'il n'y a pas un travail de reboisement qui se fait constamment dans les jardins de vert ?

  • Speaker #0

    Oui, que nous commençons à pouvoir faire méthodiquement, n'est-ce pas ? On replante des allées et des allées, mais vous comprendrez que c'est un problème très grave parce qu'il touche à l'esthétique et il touche, si je puis dire, au culte du public pour ces lieux. On ne peut pas remplacer dans les jardins ces arbres qui ont toutes leurs beautés. toutes leurs tailles qui s'épanouissent par-dessus les murailles de charmilles. On ne peut pas les remplacer par de petits arbres. C'est un des très grands problèmes.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'à ce moment-là, on brise l'harmonie.

  • Speaker #0

    On brise l'harmonie. Et je me rappelle des drames qui avaient eu lieu il y a quelques années parce qu'il y avait un arbre qui menaçait de tomber sur les statues. Et les peintres qui sont nombreux à Versailles ne voulaient pas qu'on coupe cet arbre parce qu'ils estimaient qu'ils ne pourraient plus peindre ce coin qui était particulièrement beau. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Versailles, c'est un lieu qui, bien sûr, s'abîme très vite, comme toutes les grandes maisons, comme tous les châteaux. Il faut y faire des travaux absolument en permanence. Si on s'arrête, si on essaie de faire des économies, si pendant une période, ça a existé, bien sûr, dans l'histoire, si on n'a plus les moyens d'avoir ce rythme effréné de travaux, on voit... le château s'abîmer très très vite une toiture, ça se refait régulièrement il y a ce fameux rythme de 50 ans qui existe pour beaucoup de types de travaux, aussi bien des textiles par exemple qu'on va refaire et qui au bout de 50 ans seront complètement fanés, qu'une toiture qui au bout de 50 ou 60 ou 70 ans va commencer aussi à être fragile, la pierre qu'on restaure, qui se ravine qui s'abîme donc ce sont des cycles de vie Merci. Et puis il y a aussi l'usage du château, il y a les visiteurs qu'on adore mais qui abîment beaucoup. Les parquets sont remplacés. Il y a quelques endroits encore dans le château où on a des parquets du XVIIIe siècle, voire du XVIIe siècle, il n'y en a plus beaucoup. Parce que dans les grands appartements qui ont vu passer des millions et des millions de visiteurs, bien sûr le parquet s'use presque à vue d'œil et il y a X générations de parquets qui se sont succédés. Il y a un moment qui me restera certainement toujours, qui était à la fois merveilleux et tragique. C'est une grande inauguration qu'on a organisée à Versailles pour la fin des travaux du corps central sud, c'est-à-dire l'appartement de la Reine. 2019, mois d'avril, on sortait de 5-6 ans de travaux énormes. On inaugure, c'était splendide, tout le monde était là, il y avait un monde fou, le ministre de la Culture était là. Et puis petit à petit, on voit tout le monde commencer à regarder son téléphone. C'était assez bizarre. Et puis en fait, je sors mon propre téléphone et on était tous en train de regarder les vidéos de Notre-Dame qui était en train de brûler le soir précis de l'inauguration, qui était en plus un chantier en grande partie de mise en sécurité à incendie, puisqu'on avait fait tout ça aussi pour protéger le château de l'incendie. Et là, la soirée s'est finie de façon tragique. Je me revois encore en larmes dans la galerie des glaces, alors qu'on avait fait tellement de travail. C'était vraiment une fête pour nous. Et là, c'était horrible. Il y avait un magnifique soleil couchant qui entrait dans la galerie des glaces. Tout était beau, tout était sublime. Et pendant ce temps-là, Notre-Dame de Paris était en train de s'effondrer. Donc ça, effectivement, c'est une soirée que je ne risque pas d'oublier. Vous ne prévoyez pas non plus une reconstitution de ces meubles ? Non,

  • Speaker #0

    je ne suis entièrement opposé à cela parce que je trouve que nous devons rester dans notre rôle de conservateur. La conservation du passé et d'un passé aussi riche que celui de la France demande de la mesure. Nous ne pouvons pas sacrifier le présent, les années où nous vivons, et l'art vivant de notre temps à des reconstitutions de passé. Quand nous retrouvons un noble, C'est très bien que nous le rachetions, c'est même très bien que nous le fassions restaurer s'il lui manque un détail. Nous ne devons pas le refaire. Il faut penser que l'art pensé de 1953 est un art vivant qui doit être encouragé et que beaucoup d'argent doit aller à nos artistes vivants.

  • Speaker #1

    Il faut évidemment préserver la magie de Versailles puisque c'est un témoignage d'un moment extraordinaire de civilisation. On est tous encore fascinés, il ne s'agit pas d'être fascinés par la monarchie absolue, évidemment personne ne veut rétablir la tyrannie. Mais ce que ça a pu produire comme rêve poétique, cette espèce d'œuvre d'art total qu'est Versailles, avec ses références cosmiques, mythologiques, le jour, la nuit, la lune, le soleil, ce rapport avec la nature, avec la mythologie antique, les métamorphoses d'Ovid, tout ça c'est une telle poésie que Le plus important, c'est que ça continue à vivre. Et pour ça, il faut être très fidèle, très juste. Si vous commencez à mélanger tout et n'importe quoi à l'intérieur d'un lieu comme celui-là, la magie, tout simplement, elle peut s'éteindre. Une faute, dans ce qu'on fait dans l'entretien du château, peut faire disparaître cet esprit, ce souffle, cette magie. Et ça, c'est une chose à laquelle je suis très sensible et attentif. quelquefois, il suffit de supprimer une erreur ancienne. pour que ça revienne. À une époque, on a voulu mettre trop de lumière à Versailles parce qu'il y avait cette hantise d'un château complètement à l'abandon, parce qu'il y a eu des périodes moins brillantes qu'aujourd'hui. Versailles pouvait avoir un air assez tristounet, vide. Gérald van der Kem, qui a été nommé directeur du musée en 1953, a dit qu'il l'avait trouvé vide, dégoûtant et mort. Et on s'est mis à réinstaller des luminaires, des lustres, des lanternes un peu partout, et trop. Je pense aux galeries de pierres par exemple, on est en train d'y travailler, on n'a pas encore enlevé ces lanternes qui ne devraient pas y être, qui y sont depuis assez longtemps, depuis la fin du XXe siècle. Et il faut retrouver cette atmosphère un petit peu de vieux château, de vieille forteresse qu'on trouve dans ces galeries de pierres.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas oublier... que les jardins de Versailles sont quelque chose d'extraordinaire. Je ne voudrais pas me servir de la comparaison de musée, puisque je viens de faire la critique des musées. C'est beaucoup mieux qu'un musée. Il y a toute une floraison admirable de sculptures françaises dans les jardins de Versailles, dans ces statues de marbre, dans ces statues de plomb des Fontaines, dans ces groupes des Fontaines. Et il faut à tout prix conserver cet ensemble. On n'a jamais revu depuis l'Antiquité un ensemble pareil. Louis XIV. a eu l'équivalent, et en beaucoup plus somptueux, en beaucoup plus basse, des plus somptueuses, des plus magnifiques villas antiques, des empereurs romains par exemple. La villa Adriana à Tivoli était quelque chose de tout à fait inferdieur en dimension, en qualité, à Versailles. Versailles, à cet égard, est véritablement une des merveilles du monde moderne.

  • Speaker #1

    J'ai un souvenir de Versailles très précis, qui n'est peut-être pas le premier. parce que je l'ai visité étant enfant, mais là c'est plus flou. Mais je suis venu, quand j'étais étudiant en histoire de l'art, et que je préparais le concours de conservateur, avec mon appareil photo bien avant, évidemment la photo numérique, pour utiliser des dizaines et des dizaines de pellicules à photographier toutes les sculptures des jardins dans les moindres détails, chaque marmousée, chaque petit poteau de chaque bassin, parce qu'on bachotait un petit peu à l'époque. C'était une passion en fait, on avait envie de connaître chaque détail. de chaque monument de chaque musée et donc par un hiver glacial je me souviens d'avoir fait des quantités de photos à l'époque on ne bâchait pas toutes les sculptures pendant l'hiver de ce château ça je me souviens bien de ce moment là parce que c'était un peu douloureux aussi pour les doigts c'est

  • Speaker #0

    un ensemble unique dans le monde et c'est pour cela que c'est beau vers paris et pour cela que c'est vivant c'est parce que tout se tient n'est pas le domaine Le château, les jardins, le parc, c'est de songer que cet ensemble qui a fixé en quelque sorte la géométrie humaine et l'emprise humaine, n'est-ce pas, sur tout un paysage, s'étend sur un axe de plus de 14 kilomètres. La composition rayonnante de Versailles s'étend sur 14 kilomètres.

  • Speaker #1

    En effet, quand on voit les photos... en fait de Versailles vu par exemple un vol d'oiseaux, on voit, on réalise immédiatement toute cette harmonie.

  • Speaker #0

    Ah, c'est d'Avignon qu'il faut voir Versailles. Oui, c'est vraiment... C'est là que c'est le plus beau. Cela se dessine d'une façon étonnante. Et enfin, il n'y a pas au monde un paysage d'une telle ampleur, une vallée d'une telle ampleur, qui soit ainsi remodelée par la logique humaine.

  • Speaker #1

    Et alors ces grandes avenues, là, ce triangle de...

  • Speaker #0

    trois grandes avenues qui viennent nourrir. Il y a tout bien convergé à Versailles, le monde entier vient converger à Versailles et au-delà, à la fin du parc, il y a une nouvelle étoile qui s'appelle l'étoile royale et dont les rayons s'étendent à travers la campagne. C'était autrefois le parc de chasse, le grand parc de chasse.

  • Speaker #1

    C'est vraiment extraordinaire la fascination pour Versailles dans tous les pays du monde, vraiment tous. En ce moment, je n'arrête pas de voyager en Chine. les Chinois adorent Versailles, mais c'est la même chose dans toute l'Asie, c'est la même chose évidemment en Amérique, dans toute l'Europe, les pays du nord, les pays du sud, en fait, Versailles c'est une sorte de rêve universel, non seulement c'est un lieu qui fait rêver tout le monde, mais qui garde quelque chose de sympathique, et ça on le voit quand les visiteurs arrivent, qu'ils soient chiliens ou russes ou américains, ils se sentent un peu chez eux à Versailles, tout le monde se sent à la maison parce que c'est un peu le palais idéal. Ces belles allées, ces perspectives, les bosquets dans les jardins, la galerie des glaces, les petits appartements, Marie-Antoinette. En fait, tout le monde se sent très à l'aise avec ça, qu'on soit européen ou non-européen, ça appartient à tout le monde.

  • Speaker #0

    Mémoire de château, une série de podcasts proposés par le château de Versailles. Sur une idée de Claire Bonnot-Kellil, collaboratrice scientifique au château de Versailles et de Nejma Zegaoula. chef de projet audiovisuel au Château de Versailles. Écriture, prise de son et montage, Louise Réjean. Réalisation, musique et design sonore, Opixido. Mémoire de Château se décline aussi en vidéo. Retrouvez tous les épisodes de la série et les contenus complémentaires sur le site officiel du Château de Versailles. Les podcasts du Château de Versailles sont disponibles sur toutes les plateformes d'écoute, dans l'application mobile du Château et sur châteauversailles.fr.

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