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Le château de Versailles présente
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Mémoires de château. Je suis Christian Millet, je suis photographe et j'ai été photographe au château de Versailles pendant 42 ans. Alors je suis arrivé par l'intermédiaire de mon père qui était tapissier au château de Versailles, je suis arrivé en 64. Donc j'avais trois ans. Alors il était tapissier surtout en revêtement et en meubles. La spécialité, c'était tout ce qui était tenture murale. Il a refait Trianon, il a refait plein de pièces au château, au niveau tapisserie. Alors l'atelier de mon papa était situé derrière la salle des croisades. Et d'ailleurs, pour passer de son atelier au musée, on passait par une petite trappe qui est sous un tableau et qui permettait... Pour un enfant, c'était absolument génial. Et à l'époque, c'était le jeudi, n'est-ce pas, qu'on avait le repos des écoliers. Et je passais tous mes jeudis à repasser, à coudre, parce que mon père m'a appris son métier un petit peu quand même. Et après, on allait dans le château, j'allais l'aider, je portais les caisses à outils, voilà.
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Je suis Thomas Garnier, je suis photographe au château de Versailles depuis 12 ans. Aujourd'hui, je ne suis pas... que photographe, je suis également vidéaste, télépilote, chef du service autovisuel et je m'occupe depuis une dizaine d'années aussi des réseaux sociaux du château de Versailles en tant que community manager.
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Quand je suis arrivé au château de Versailles, j'habitais à l'ancienne laiterie qui se trouve près du Grand Trianon. On pouvait faire plein de choses. des choses que peu d'enfants peuvent faire. C'était grimper aux arbres, c'était grimper sur les murs, c'était des choses évidemment qu'on n'avait en principe pas le droit de faire. On avait aussi un amusement qui était assez rigolo, au niveau du grand Trianon, vous avez un centaure qui est un Trianon sous bois, et juste au-dessus vous avez un mur. Et à l'époque, quand j'étais petit, il y avait une grande cabane de jardiniers qui était derrière ce mur. Et donc on montait sur le toit de la cabane de jardinier, et quand il y avait des gens qui étaient assis sur les bancs où il y a le centaure en bas, on s'amusait à jeter des petits cailloux sur le chapeau des messieurs et des dames. Et évidemment on partait après en rigolant. Mais c'était aussi des parties de cache-cache. Le buffet d'eau par exemple servait de cache régulièrement, ou avec les copains c'était aussi des espèces d'endroits où on était en dehors du monde.
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Quand j'étais enfant, mon père et ma sœur faisaient de la photographie. Ils photographiaient les voyages familiaux. Du coup, moi, je n'en faisais pas, puisque deux photographes dans la famille, ça suffisait pour immortaliser les souvenirs familiaux.
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Je découvre la photo à 12 ans, d'abord avec mon père, puisque mon père, très rapidement, m'a acheté un appareil photo, des petits Kodak en plastique. Ce qu'on faisait, c'est que je faisais beaucoup de photos dans le parc. d'arrêt d'essai si je puis dire, c'était des tests, c'était tester le matériel. Et en plus j'avais un copain, Charles, qui lui était de la même classe que moi, et il adorait la photo. Et ensemble on a fait plein plein de photos sur le parc. Et on les développait et on les tirait le week-end dans la cuisine. Donc j'interdisais à ma mère de rentrer dans la cuisine pendant deux jours, et on faisait le développement et le tirage. On avait le droit qu'à deux jours, mais on calfeutrait tout. Et c'était à No Man's Land, donc ma mère était priée de faire des repas froids pendant le week-end.
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Mon premier job à l'âge de 18 ans a été d'être assistant photographe auprès du photographe des archives départementales de Réloir. Grâce à cette expérience, j'ai vraiment appris ce qu'était la photo, appris ce qu'était la retouche d'image. puisque je l'accompagnais sur les reportages, on photographiait, et ensuite je devais retouter les photos, et notamment, il avait un très gros appareil photo, un dos numérique, avec des appareils photos avec énormément de pixels, et on photographiait des tissus, et on voyait la moindre maille, c'était des tissus un peu dorés, comme j'en retrouve aujourd'hui au château de Versailles, et c'est vrai que cette... Ce côté zoom à 200% pour découvrir la matière m'a fasciné. Et je crois qu'ensuite, quand j'ai commencé à travailler au Château de Versailles, ce qui, disons, a défini un peu mon... Mon style, ou ce que j'aime faire, c'est des photos de détails. Des passementeries, ces sculptures de fils en forme de pompons qui sont sur les lits ou les rideaux. Et d'ailleurs, les autres photographes m'appelaient pour me charrier le photographe des pompons. Ça m'a donné goût à la photo. J'ai commencé à faire de la photo en amateur. Pour moi, la photographie, c'est vraiment... Je suis quelqu'un qui a de très mauvaises mémoires et je me suis servi beaucoup de la photographie pour créer des souvenirs.
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L'avantage d'être gamin dans le parc, c'est qu'habitant juste à côté du Grand Trianon, quand il y avait une visite officielle, tous les gamins du parc, on se mettait juste dans un petit coin pour permettre de voir les hélicoptères arriver, puisque le président de la République arrivait en hélicoptère. Donc c'était notre grande euphorie et surtout on avait l'avantage que le président de la République et ses hôtes passaient pour aller à Triomphe-sous-Bois par le chemin creux, donc à quelques mètres de nous. Et j'avais trouvé un magasin qui voulait bien me louer des optiques, j'avais surtout de l'argentique puisqu'à l'époque il n'y avait que ça qui existait. Et j'ai essayé plusieurs formats, du 120, du 135, parce qu'à l'époque on arrivait à trouver des appareils photo pas très chers. le Nord et Blanc a quand même un petit un petit une petite saveur supplémentaire. Et il ne faut pas oublier que souvent la couleur fait passer, sur beaucoup de photos, fait passer les choses, que le noir et blanc, le sujet est intéressant, le sujet n'est pas intéressant. Et donc j'ai plein de photos de visites officielles, alors évidemment vues par un gamin. Donc c'était intéressant au niveau, c'était de connaître un peu des gens qu'on ne voyait qu'à la télé. Ça m'a permis de voir Zitrone de près, ça m'a permis de voir plein de gens.
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Je suis allé un an en Argentine à l'âge de 23 ans, et j'ai fait le tour de l'Argentine et de l'Amérique latine, et j'ai beaucoup photographié dans ce cadre-là. Et ce jour-là, j'étais en Bolivie, au Salar de Uyuni, et il y avait un flamant rose. Le Salar de Uyuni, c'est une grande mer de sel, mais à certains endroits, il y a de l'eau. Et donc ça fait comme un miroir du ciel, sans horizon. Il y avait juste un flamant rose qui était sur ce salard. Je me suis approché, il ne bougeait pas. Je me suis approché, il ne bougeait pas. Et d'un seul coup, il s'est envolé. Et là, j'ai cliqué. Et au moment du clic, je savais que j'avais la photo de mes rêves. Et mon cœur battait très fort. Et je me suis dit, c'est ça que je veux faire de ma vie.
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Mesdames, Messieurs, bonsoir. Un attentat écœurant, écœurant de gratuité et d'ignorance. Ce qui s'est passé cette nuit à Versailles révoltera tous les Français, d'une manière générale, tous les amateurs d'art et d'histoire. Il y a eu un attentat en juin 78 au château de Versailles. C'était une bombe qui avait été mise par des Bretons et ça avait été mis aux salles de l'Empire, qui venait juste d'être inaugurée depuis très peu de temps. et donc c'était un lundi je ne travaillais pas et mon père me dit écoute tu viens tu vas me faire des photos parce qu'il n'y a pas de photographe sur place et on veut quelqu'un interne pour pas abîmer les oeuvres ou faire des bêtises le but des photos c'était surtout d'avoir un dossier pour la restauration puisque comme il était tapissier il avait besoin de voir un peu les dégâts et puis de faire un dossier de restauration Merci. Mais j'en ai profité pour faire plein de photos. Étant le seul photographe à bord, j'en ai profité un peu. Il y avait aussi la galerie des batailles qui avait été soufflée sur quelques mètres carrés. Ça avait été quand même quelque chose d'impressionnant. Il y avait des morceaux même qui avaient traversé les fenêtres et qui avaient été se mettre dans le jardin. C'était très impressionnant. Alors ces photos ont d'abord atterri dans le bureau de mon père puisque c'était le but. Et quand mon père a présenté le dossier de restauration à monsieur Van Der Ken, qui était le conservateur en chef et donc celui qui dirigeait l'établissement à l'époque, qui a été enchanté de voir les photos et m'a demandé si je pouvais venir pour négocier ces photos puisqu'il en voulait un jeu pour les archives du château. Donc il m'a fait venir dans son bureau. C'était impressionnant parce que j'avais 17 ans à l'époque. Monsieur Van Der Keen était quelqu'un de très grand déjà, très imposant. Il avait une stature un peu à la Sacha Guitry, qui est un conservateur classique. Il m'a demandé un jeu de photo et moi, du haut de mes 17 ans, je lui ai dit, moi, je veux bien, mais ça se paye. Est-ce que vous avez de quoi me payer ? Et alors, il m'a regardé, il m'a fait, oui, c'est pas possible. Dans l'administration, c'est un peu compliqué de sortir de l'argent. On n'achète pas comme ça des choses. Mais par contre, j'ai une solution pour vous, c'est d'être photographe du château de Versailles. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ? Alors, j'ai dit, écoutez, est-ce qu'on peut se revoir dans une semaine ? Parce que j'ai besoin de réfléchir. C'est inutile de dire que dans ma tête, c'était tout réfléchi, mais du haut de mes 17 ans, je n'avais pas envie d'avouer que c'était un truc trop important. J'ai toujours été comme ça. Je ne veux pas montrer d'un seul coup que c'est trop fantastique, parce qu'il n'y a pas d'autre mot. Donc, la semaine d'après, je suis arrivé chez lui, toujours, un matin, et il m'a dit « Alors, qu'est-ce que vous avez décidé ? » Alors, j'ai dit « Quelles sont vos conditions ? » Il m'a dit « C'est simple, vous rentrez comme gardien détaché, » puisqu'à l'époque on appelait ça comme ça. des gardiens détachés dans les ateliers pour avoir un poste de photographe. Par contre, je vous oblige à suivre des cours du soir. J'ai dit OK parce que franchement, je pense que même ils m'auraient demandé une autre condition. Je pense que j'aurais dit oui aussi parce que c'était vraiment trop fantastique. Et après, la première chose que j'ai fait, je me suis engagé pour les cours du soir à l'école Louis Lumière à Paris. Et donc, j'ai fait cinq ans. Donc, j'ai fait CAP, brevet professionnel. pour pouvoir avoir des diplômes et surtout pour avoir le côté professionnel et du travail.
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Alors, je suis arrivé au Château de Versailles en 2008, mais en tant que médiateur culturel. Je faisais des visites... au jeune public et aux familles. J'ai fait ça pendant deux ans. À cette occasion, j'ai rencontré Christian Millet, le photographe du château. On a pu échanger sur le travail de photographe et je lui montrais les photos que je faisais en amateur. Après ces deux années de médiation culturelle, j'ai repris mes études, j'ai fait un master Management de la culture, des arts et du patrimoine, mention technologie numérique. Et je me suis spécialisé dans la prise de vue et à la fin de ce master, ... J'avais un stage à faire et j'ai candidaté auprès de Christian pour pouvoir intégrer son service. Et donc Christian a accepté ma candidature. J'étais super content, c'était incroyable. Et on a pu commencer à travailler ensemble. Christian, il m'a vraiment pris sous son aile. Il m'a appris mon métier. Et quelques temps après, je suis devenu officiellement un des photographes du château de Versailles.
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Monsieur Meliani, c'était un photographe à l'ancienne, qui avait des habitudes qui étaient un peu, pour moi, étant à l'école et puis étant jeune, je me suis dit, mais sur quoi je suis tombé ? En gros, il avait tendance déjà à travailler à la chambre pour développer ses films, il les développait à la lueur d'une cigarette. Il était à l'ancienne, c'est-à-dire qu'il regardait son image latente monter. Et quand il trouvait qu'elle était bien, hop, il mettait dans le fixateur et elle était toujours impeccable. Il n'était pas du genre à chercher la température, à changer. Et moi, quand j'allais à l'école, on me disait, attention, c'est tant de degrés, tant d'usure, etc. Et donc, il faisait ça. Et après, deuxième surprise, c'est quand il commençait à goûter le fixateur, c'est-à-dire qu'il mettait son doigt dans le fixateur, il le mettait dans la bouche, il disait, Non, celui-là, il n'est pas bon, il faut le changer. Et là, je me suis dit aussi, ça, je ne me vois pas manger, boire du fixateur, parce que c'est quand même des produits qui sont quand même assez nocifs. C'est le moins qu'on puisse dire.
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Christian, il m'a complètement appris à me servir d'un appareil photo. Les réglages, c'est vraiment lui qui m'a confié des appareils photos professionnels entre les mains. Mais c'est vrai que Christian, en plus de m'avoir appris la photographie, il m'a aussi appris Versailles, puisque c'est le premier photographe titulaire du château de Versailles. Donc c'est un peu le premier photographe de l'histoire du château de Versailles. Il a passé plus de 40 ans à travailler ici. Et c'est vrai qu'en plus de ça, il m'a appris une éthique de travail, une humilité. par rapport à ces photos qu'on fait d'un lieu exceptionnel. Et voilà, c'est quelqu'un qui m'a beaucoup apporté, qui a été mon mentor.
- Speaker #1
J'ai fait cinq ans de cours du soir, mais en même temps, dans la journée, je travaillais au château, je faisais des tableaux, des sculptures. J'aidais M. Meliani à faire ses photos et il m'a appris plein de combines assez rigolotes, qui permettaient de, par exemple, un tableau, pour qu'il soit droit face à vous, vous prenez une ficelle, vous la mettez autour de l'objectif et vous tirez la ficelle jusqu'au coin des tableaux. Et si la ficelle, elle est de même distance au coin du tableau, c'est votre tableau, il est en face. A l'époque, la chambre photographique, c'était une prise de vue, voire deux si vraiment on n'était pas sûr, mais ça coûtait très cher. Donc, on n'était pas sur des systèmes numériques où là, on peut faire 15 ou 20 photos. Et c'était une époque aussi où les ulcères à l'estomac des photographes allaient bon train. Parce qu'on était toujours dans l'angoisse de se demander si la photo était bonne ou pas bonne. Imaginez, vous partez en reportage, là maintenant vous savez tout de suite si c'est bon ou si c'est pas bon. Là vous reveniez, après trois jours, vous vous disiez bon, est-ce que j'ai tout foiré ou est-ce que c'est bon ? Ça m'est déjà arrivé, j'ai un collègue qui était là à une époque, qui lui un jour me dit tiens, je pars en vacances, je te laisse l'appareil photo, tu développes ce qu'il y a dedans, et puis tu donnes aux conservateurs les photos. Je dis « Ok, d'accord, il part aux vacances. » Et moi, j'ouvre la pareille photo et je vois que dedans, il n'y avait pas de pellicule. Il avait oublié de mettre la pellicule. Donc, comme quoi, des fois, on peut avoir des stress qui montent comme ça et ce n'était plus possible de refaire les photos.
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La photo au château de Versailles, c'est quelque chose de difficile à appréhender parce que tout a déjà été fait. Le château de Versailles, c'est vraiment un lieu qui a été photographié sous tous les angles depuis la création de la photographie. Et il est très difficile de faire quelque chose de neuf au château de Versailles en tant que photographe. Et c'est vrai que je raconte toujours cette anecdote avec Christian de mes premiers jours au château de Versailles où je mets mes jambières pour aller dans une fontaine pour essayer de faire une prise de vue d'une fontaine sous un angle incroyable, enfin sous un angle en tout cas nouveau. Je rentre au bureau, je montre la photo à Christian en lui disant « Tu l'as pas celle-là ! » Et Christian, en trois clics, me trouve exactement le même angle dans ses photos. Et le jour même, je vais aux archives du château et je trouve une photo des années 1930 qui avait exactement le même angle. Donc ça m'a tout de suite posé le décor du fait qu'il fallait appréhender Versailles avec une certaine humilité. parce que faire quelque chose de neuf au château de Versailles, ça serait compliqué.
- Speaker #1
Au début, je bossais en argentique et après est arrivé le numérique. Il faut être honnête, de pas très très bonne qualité. Ça a été très compliqué. Dans les musées, on n'était pas pour le numérique au départ sur les allées de l'archive parce que ce n'était pas encore une technique très maîtrisée. Donc, j'avais tendance un peu à tirer la couverture en disant, moi, j'aime bien le numérique. J'aimais bien l'informatique, je me suis dit, il faut rentrer parce que ça sera l'avenir. Et donc au début, tout simplement pour pouvoir faire du numérique, je détournais une caméra, je faisais des arrêts sur image, des captures d'écran, et comme ça, ça faisait une résolution qui était à peu près passable. Et à l'époque... que ça passait très bien. Évidemment, après, très rapidement, quand ils ont vu qu'on pouvait faire des choses intéressantes, on a pu acheter du matériel quand c'est devenu à des prix raisonnables. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'au départ, c'était complètement explosé, les prix.
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J'ai passé mon diplôme de télépilote pour essayer de montrer Versailles autrement, montrer Versailles vue du ciel et en faire une lecture qu'on n'avait jamais vue ou peu vue. Le drone au château de Versailles, pour un photographe, c'est comme une personne qui jouerait à des jeux vidéo, passer de la 2D à la 3D. D'un seul coup, avec le drone, on a toutes les perspectives possibles. C'est presque dur de choisir quel angle on va prendre, parce que vraiment, il y a un infini des possibles avec le drone qui est incroyable. Montrer la forme des bosquets vus du ciel. J'ai aussi fait du drone dans le château pour trouver des perspectives différentes. Au château de Versailles, il y a aussi le Grand Trianon, le Petit Trianon, le Hameau de la Reine. Et c'est vrai qu'avec le drone, on arrive à un peu capter ces ensembles qui ont tous finalement été créés sur le château. plan, donc a été créé un peu vue du ciel. Et c'est vrai que quand on fait des photos des bosquets du château de Versailles, qu'on compare ces photos avec des plans d'archives de la construction de bosquets, on retrouve finalement l'intention initiale du créateur supervisé par le roi généralement. Donc on retrouve l'intention du roi grâce à ces photos aériennes. C'est vraiment une façon de faire vivre le passé dans le présent, grâce à la technologie. Il n'y a que le drone qui peut nous permettre d'avoir ces angles de vue. Donc c'est vraiment une pratique intéressante que j'ai débroussaillée pendant plus de cinq ans pour créer le livre Le Château de Versailles, vue du ciel, que j'ai sorti avec Albert Michel il y a un an.
- Speaker #1
L'avantage de Versailles, c'est qu'on ne fait jamais tous les jours le même travail, c'est jamais les mêmes objectifs à atteindre. J'ai côtoyé les gens de l'Elysée quand il y avait aussi des présidents de la République qui sont venus. J'ai des photos, effectivement, où je suis à 2-3 mètres de M. Hollande, de M. Macron, etc. Et c'est vraiment des moments impressionnants. Après, il y a des moments, si on veut revenir sur le parc, au niveau de la tempête de 1999. J'habitais dans le parc. Donc automatiquement... Je l'ai vraiment vécu de l'intérieur, c'est-à-dire qu'à 3h du matin à peu près, ça a commencé, on a commencé à voir, moi j'avais une fenêtre qui a volé carrément, on avait beau mettre des barils de lessive, des caisses à outils derrière la fenêtre, impossible de la fermer, on voyait les arbres tomber, carrément, et on les entendait, et ça fait un bruit phénoménal. La première réaction, ça a été déjà d'évacuer les voitures, avec les voisins on s'est organisé pour évacuer les voitures, Et après, la deuxième réaction, ça a été, bon, il faut que je retourne au château pour aller chercher mon matériel. Et donc, j'ai fait un film sur la tempête. Il y a des endroits qu'on ne reconnaissait même pas. On ne savait même pas où on est. Quand on regarde les images, on se dit, mais c'est l'apocalypse. C'est vraiment très, très impressionnant.
- Speaker #0
L'événement qui m'a le plus marqué à Versailles, j'en ai deux, c'est récemment la visite du roi d'Angleterre Charles III, un moment historique, et les Jeux Olympiques qui ont eu lieu cet été, sur lesquels j'ai eu la chance de pouvoir suivre l'ensemble des épreuves d'équitation qui ont eu lieu au château de Versailles. et ça c'était vraiment quelque chose d'important parce que quand on touche à ce genre d'événement en photographie, déjà c'est des émotions énormes. Quand on photographie une architecture, c'est quelque chose de figé, c'est quelque chose, l'émotion, c'est nous qui la créons à travers l'histoire qu'on a envie de retranscrire. Mais quand on vit des moments d'histoire, comme ces visites de chefs d'État ou ces Jeux Olympiques, on sait que les photos que nous allons faire à ce moment-là... vont finalement être le témoignage de notre travail. Et ça met une pression considérable. Mais c'est des super moments, des moments qu'on n'oublie jamais et qui marquent vraiment notre passage ici.
- Speaker #1
J'avoue que longtemps, mon moment préféré pour prendre des photos, ça a été soit le matin de bonne heure, souvent pour venir au château, je passais par le parc, quand vous venez à 7h. 6h30, 7h, vous avez toute la faune qui est là, donc vous rencontrez des renards, vous rencontrez des écureuils, vous rencontrez des animaux comme ça. Bon après, il faut éviter les sangliers parce que ça, c'est pas très sympathique. Ou alors le soir, le coucher de soleil. Là aussi, vous avez le parc qui est vide et vous avez les animaux qui reprennent le dessus et là, c'est fantastique.
- Speaker #0
Alors mon moment préféré pour prendre des photos, c'est soit le matin ou le soir, puisque c'est vraiment à ce moment-là que les lumières sont les plus belles. Et j'ai une préférence pour le début de l'automne ou le début du printemps, où vraiment les lumières sont très chaudes, la nature soit en automne est très colorée, soit au début du printemps elle est très vert fluo. Et je trouve qu'au château de Versailles, en tout cas, ces deux périodes, sont vraiment pour moi les plus propices. Et je ne parle pas de la neige, puisque ça n'arrive pas tous les ans, mais quand ça arrive, c'est juste féérique au château de Versailles. Quand on photographie Versailles sous la neige, tout est différent.
- Speaker #1
L'inspiration au niveau de la photo, c'est Cartier-Bresson, c'est plein de gens comme ça qui ont bercé mon enfance, parce que moi, je ne suis plus attiré par les photos de rue. J'en fais beaucoup encore actuellement. J'aime ça, voir ce que les autres ne voient pas et faire des instantanées de vie qu'on peut après apprécier tout tranquillement dans son coin.
- Speaker #0
Ce qui m'influence aujourd'hui, c'est surtout toutes les photos que je vois sur Instagram. Parce qu'avant d'être photographe, je suis vraiment un passionné de photographie. Et j'en regarde énormément. Et c'est vrai qu'Instagram a été un lieu d'émulation pour les photographes du monde entier. Je suis très touché par la photo animalière, la photo de nature, la photo de voyage, mais aussi la photo d'architecture. Au Château de Versailles, on rencontre aussi des photographes extérieurs, on rencontre des conservateurs. Je me souviens d'un conservateur qui me disait « À Versailles, tout est droit, mais rien n'est droit. » Et c'est vrai que quand on essaye de faire une perspective au Château de Versailles, on est toujours là à se dire C'est droit là, je suis droit, et on a toujours un doute, et finalement, même avec toute la précaution du monde, le résultat, on le verra que sur l'écran, si on a vraiment réussi à aligner, à être dans une perspective parfaite. Alors le secret pour une photo réussie, c'est en fin de compte, au moment où on déclenche, on doit se dire, voilà, c'est le moment, c'est l'instant. Ce n'est pas avant, ce n'est pas après. Il se passe quelque chose au niveau, dans sa tête, en se disant là, c'est là, c'est le moment. A la limite même, on se dit qu'on n'a presque pas besoin de la développer. Si on pense trop au cadrage et qu'on pense trop à la technique, on ne la fera pas la photo. Si je devais faire une photo... Une seule photo du château de Versailles, ça serait très très compliqué, parce que j'ai des souvenirs dans toutes les pièces. Aussi bien dans les croisades, aussi bien dans les attiques, aussi bien au Grand Trianon, au Petit Trianon, dans le parc. Ça serait impossible de décider pour une seule photo.
- Speaker #1
Je n'ai pas vraiment de photos préférées, mais par contre, j'ai souvent des photos dont je rêve. Et pour que les planètes s'alignent, pour les réussir, des fois ça peut mettre 5 ans. Quand on est photographe au château de Versailles, on est en bout de chaîne du travail de l'ensemble de nos collègues, que ce soit les fontainiers, les jardiniers, les éclairagistes, c'est vraiment des... des alliés dans notre travail, parce qu'ils protègent le patrimoine, ils l'entretiennent, ils le rendent beau. Et finalement, nous, on arrive en bout de chaîne et on doit rendre les honneurs à leur travail. Et c'est quelque chose qui peut être une pression, puisque quand une personne a passé 5 ans à travailler sur une restauration et que... Nous, on a deux petites heures pour l'immortaliser. Il faut vraiment être pertinent. Et souvent, quand quelque chose est très beau, quand vous êtes dans la galerie des glaces, le soir, que tout est allumé, c'est déjà tellement beau. Comment réussir à rendre cette beauté ? Déjà, c'est vraiment quelque chose, un enjeu de notre travail. Mais c'est vrai qu'on se sent responsable du travail de tout le monde. et depuis... tout ce temps, c'est-à-dire tous les artistes qui ont créé Versailles, tous les gens qui se sont succédés pour l'entretenir. Voilà, on est de passage. Christian, c'est quelque chose qu'il disait souvent. On est de passage ici et on essaye juste de faire de notre mieux.
- Speaker #0
La transmission était quelque chose d'important dans mon métier, c'est-à-dire avoir des stagiaires, avoir des gens qui viennent de différents endroits. C'est très intéressant parce que vous, vous leur apportez quelque chose, vous leur apportez de la technicité, vous leur apportez du savoir. Mais eux aussi, étant souvent, c'était des jeunes et donc ils apportaient leur partie de connaissances. Parce que j'avoue que les réseaux sociaux, il a fallu que je parte à la retraite pour m'en occuper parce que ce n'est pas un truc qui me branchait réellement. Donc maintenant, j'ai mon Insta et j'ai mon Facebook, mais il n'y a que trois ans. C'était vraiment un sujet un peu compliqué pour moi. J'ai eu Thomas Carnier comme stagiaire. Lui, par exemple, il m'a apporté l'envie d'avoir un drone. Donc maintenant, chez moi, j'ai un drone et je fais des photos en drone quand je vais dans la Normandie pour avoir des photos différentes. Ce n'est pas seulement de transmettre du savoir, c'est faire des échanges aussi qui est important. Je pense que pour Thomas, je lui ai laissé en héritage un côté visuel, c'est-à-dire une façon de voir. parce que longtemps j'ai insisté pendant le stage pour lui dire il faut que tu regardes autrement, il faut que tu te mettes à la place de quelqu'un qui n'a jamais vu le château. Parce qu'il faut comprendre que c'est très compliqué tous les ans de refaire des photos sur le château. Il y a un moment où vous avez l'impression d'avoir fait le tour. Et lui il arrive par exemple après moi. Donc il faut qu'il refasse des photos comme moi, mais avec son style à lui. Et là je pense qu'il a bien réussi.
- Speaker #2
Mémoire de château, une série de podcasts proposés par le château de Versailles. Sur une idée de Claire Bonnotte-Kellil, collaboratrice scientifique au château de Versailles, et de Nejma Zegaoula, chef de projet audiovisuel au château de Versailles. Écriture, prise de son et montage, Louise Réjean. Réalisation, musique et design sonore, Opixido. Mémoire de château se décline aussi en vidéo. Retrouvez tous les épisodes de la série et les contenus complémentaires sur le site officiel du Château de Versailles. Les podcasts du Château de Versailles sont disponibles sur toutes les plateformes d'écoute, dans l'application mobile du Château et sur châteauversailles.fr.