undefined cover
undefined cover
Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature cover
Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature cover
Vie de château

Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature

Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature

13min |25/07/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature cover
Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature cover
Vie de château

Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature

Alain Baraton : Jardinier à Versailles, un art de cultiver la mémoire du Château et de la nature

13min |25/07/2025
Play

Description

Êtes-vous prêt à plonger dans l'univers fascinant du jardinage au cœur du château de Versailles ? Dans cet épisode captivant de Vie de château, Alain Baraton, le jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles, nous invite à découvrir son parcours unique et son amour indéfectible pour l'art du jardinage. Né dans une famille nombreuse, Alain ne s'était pas destiné à cette carrière prestigieuse, mais un tournant décisif de sa vie l'a conduit à travailler dans les jardins emblématiques de Versailles.



Au fil de notre conversation, Baraton partage les défis quotidiens de la gestion d'un domaine aussi vaste et historique que Versailles. Il évoque l'importance de transmettre cet héritage culturel aux générations futures, en comparant son rôle à celui d'un chef d'orchestre, où chaque jardinier devient un musicien, jouant une symphonie de nature. À travers ses mots, nous ressentons la passion et la dévotion qu'il met dans chaque parcelle de terre, chaque fleur et chaque arbre du domaine.



Dans un contexte où le réchauffement climatique impacte de plus en plus notre environnement, Alain aborde la nécessité de diversifier les espèces plantées et de respecter l'esprit du lieu tout en intégrant une touche de modernité. Il nous rappelle que le jardin est un art à part entière, un lieu où tradition et innovation se rencontrent pour préserver la beauté intemporelle de Versailles.



Ce dialogue enrichissant ne se limite pas seulement au jardinage : il touche également à l'histoire de France, à la culture, et à la mémoire du château de Versailles. Que vous soyez passionné de photographie à Versailles, amateur d'histoire de l'art, ou simplement curieux des événements au château, cet épisode de Vie de château vous offre une perspective inédite sur le patrimoine culturel français.



Rejoignez-nous pour une exploration fascinante de l'art et de la nature, et laissez-vous inspirer par les projets artistiques qui prennent vie dans ce cadre exceptionnel. Écoutez dès maintenant cet épisode et découvrez comment l'amour du jardinage peut transformer notre rapport à la nature et à notre histoire.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alain Baraton, je suis jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles et je suis né le 10 septembre 1957 à la Selle-Saint-Cloud. Dans une famille nombreuse, j'étais le cinquième d'une famille de sept enfants et je ne me destinais pas du tout au métier du jardinage, mon rêve était d'être photographe et j'envisageais pour la suite de parcourir le monde avec un appareil photo. Et puis la vie en a décidé autrement, mes résultats scolaires n'étaient pas très brillants, il faut bien le reconnaître. Et mes parents m'ont inscrit d'autorité à une école horticole. Je vais donc pendant trois ans sur la petite commune du Tremblay-sur-Maudre, c'est encore dans les Iluines, donc je suis vraiment un enfant de la région. Et je vais ressortir de ce lieu avec un petit BEP et rentrer à Versailles, très exactement en juillet 1976, comme, excusez du peu, percepteur des droits d'entrée, en fait caissier. dans le parc de Versailles. Je fais payer les voitures qui veulent rentrer dans les jardins. Je découvre un parc extraordinaire, avec surtout des arbres fabuleux. Moi, ma passion, ce sont les arbres. Et j'ai toujours envie d'être photographe, mais l'attrait des jardins devient assez important. Et le jardinier en chef de l'époque, qui s'appelait M. Choron, me propose un emploi dans les jardins, un emploi d'aide jardinier stagiaire. Ça ne me tente que moyennement, mais il accompagne sa proposition d'une proposition de logement. dans le parc de Versailles. Je suis donc rentré à Versailles cette année-là, et je n'en suis plus jamais reparti. S'occuper d'un domaine comme celui-ci, c'est un peu comme un grand chef cuisinier, c'est pas seulement mélanger les produits pour que le plat soit bon, il faut connaître l'origine des produits, associer les goûts, pour que le plat soit vraiment beau et agréable à déguster. Versailles, c'est un lieu qu'il faut d'abord apprivoiser, s'approprier, afin de pouvoir vraiment le transformer. Quand je suis arrivé à Versailles, les pelouses étaient tondues façon golf, les parterres n'étaient plantées que de sans-péternel bégonia, les voitures roulaient partout dans les jardins, il a fallu apporter pas mal de modifications. Alors les choses ont changé. Ensuite j'ai été nommé également responsable du domaine de Marly, puis conseiller du ministre Jean-Jacques Ayagon, membre du Conseil national des parcs quevalins. Donc je n'ai eu de cesse d'évoluer pour que mon métier redevienne ce qu'il était du temps de Louis XV, le plus noble des métiers. L'un de mes objectifs est vraiment de lui rendre toutes ses lettres de noblesse. J'ai un métier que je compare souvent à celui d'un chef d'orchestre. Il y a un compositeur qui a écrit une symphonie, une œuvre, et ce chef d'orchestre peut s'appeler André Lenautre, Jean-Baptiste de la Quintigny ou Antoine Richard. Ce sont les jardiniers en chef qui ont conçu ce domaine. Et puis, il y a les musiciens. Les musiciens, ce sont les jardiniers. Et mon rôle à moi... et de faire en sorte que les musiciens puissent interpréter au mieux l'œuvre créée quelques siècles plus tôt, en leur donnant des moyens de jouer le mieux possible. Voilà, mon rôle à moi, c'est donc de diriger les travaux d'embellissement, de conservation et de transmission des jardins. Le rôle d'un jardinier à Versailles aujourd'hui est simple, c'est entretenir, mais transmettre aux générations futures ce domaine qui est le témoignage d'un temps passé et le témoignage d'un art, car je suis de ceux qui pensent que le jardin est un art à part entière. Alors, Versailles est un domaine très vaste, 850 hectares, 43 kilomètres d'allées, 350 000 arbres et plusieurs centaines de milliers de fleurs installées chaque année dans les parterres. Donc, chaque jardinier travaille dans un secteur en fonction de son talent, dans un domaine précis. La tonte, par exemple, les lagages, la plantation, le parc est réparti avec des secteurs, à la tête de chaque secteur un responsable, puis une responsable du fleurissement, Elena Segundo. un adjoint, Giovanni Delu, et moi-même, donc qui m'occupe de ce domaine. Pour entretenir un jardin comme celui de Trianon, il faut déjà s'inspirer du passé. Il y a un mot que l'on emploie trop peu, c'est le mot que j'insuffle à mes collaborateurs tous les jours ou presque, c'est l'esprit d'un lieu. Que l'on soit persuadé, si l'on veut croiser par exemple Marie-Antoinette, qu'elle pourrait presque surgir d'un bosquet. Il faut donc accompagner la nature. Il ne faut pas la bousculer, mais il ne faut pas non plus la laisser faire tout et n'importe quoi. Il faut être capable également de faire preuve d'un petit peu de fantaisie. Il faut être capable d'embellir le site, et puis il faut être capable également de temps en temps de se lâcher et de se faire plaisir. Il y a de temps en temps des plantations un petit peu anachroniques, qui vont pendant l'espace d'une saison donner de la couleur, qui ne vont pas dénaturer le site, mais qui auront au moins pendant quelques temps donné un petit peu de fantaisie. Ça c'est un Magnolia grandiflora, un arbre merveilleux pour la couleur de cette fleur. Et voilà un exemple typique d'un arbre qui montre qu'il y a bien un réchauffement climatique. Cet arbre n'aurait jamais pu vivre normalement du temps de Marie-Antoinette. Il était cultivé en caisse et depuis quelques années, nous pouvons en planter dans les jardins parce que les hivers ne sont pas suffisamment frileux pour venir à bout de leur santé, pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons été obligés d'adopter une nouvelle politique qui dit réchauffement climatique, dit difficulté pour les arbres de supporter l'élévation des températures, mais aussi de lutter contre des insectes ou des champignons qui, grâce à cette élévation de température, sont devenus de véritables fléaux. Et pour lutter contre les dégâts causés par ce dérèglement, nous diversifions la quantité d'essence plantée, davantage d'essence pour éviter que si une maladie s'abattait, l'ensemble du parc soit affecté. Nous mettons prioritairement des végétaux connus pour leur résistance à telle ou telle maladie ou des arbres qui sont moins gourmands en eau que d'autres arbres. Mais de là à ne planter que des figuiers ou des baobabs à Versailles, il n'y a qu'un pas, nous en sommes encore loin. Arbre à perruque, c'est son nom. tulipier de Virginie. Cette feuille déjà de l'arbre, elle a une feuille très particulière, elle ne ressemble à aucun arbre. Et pour la petite anecdote, quand j'étais à l'école, on me disait que c'était le portrait en nombre chinoise de Gros Minet. Lorsqu'il y a eu la tempête de 99, un tulipier planté en l'honneur de la reine a été abattu par les vents furieux. Et cet arbre est devenu le symbole même de la tempête de 1999, ce qui veut dire qu'il est devenu l'arbre le plus connu, le plus populaire dans les années 2000. Et aujourd'hui, partout, partout en France, on en a planté, en hommage peut-être à cet arbre détruit par la tempête. Nous sommes dans les parterres du Petit Trianon, dans un jardin qui a été dessiné sous Louis XV. Et la particularité de ce jardin, c'est que nous avons voulu respecter la méthode employée à l'époque, la plante en pot. Il cite... Toutes les plantes sont en pot sans aucune exception, ce qui nous permet déjà d'avoir une très grande diversité végétale. On peut parfaitement mettre des plantes qui ne vivent pas d'ordinaire dans le même sol, vu qu'ils sont séparés dans des pots. Ça nous permet également de mettre des plantes qui s'arrosent quand d'autres n'ont pas besoin d'eau. On y va à la sélection. Lorsqu'un végétal meurt, quelle qu'en soit la raison, on retire le pot et on remplace immédiatement la plante par un autre pot. En un mot, ce parterre est fleuri 12 mois sur 12. Il est de conception moderne, bien qu'en fait, l'idée de cultiver en pot soit née sous Louis XIV. Il se dit que les rois aimaient de temps en temps d'un claquement de doigts, changer la composition des parterres en une nuit à peine. Eh bien, nous, aujourd'hui à Versailles, nous serions capables, si on nous le demandait, d'un claquement de doigts, de changer la composition de ces parterres. Les Dahlia, par exemple, sont en train de refaire leur retour à Versailles. parce que c'est une plante que j'aime beaucoup. La matricaire, c'est cette plante qui ressemble à une marguerite blanche, qui était très employée du temps des rois. Les rudbeckia jaunes, c'est merveilleux, le jaune dans les jardins. Et puis des sauges, des cléomes, du tabac. La beauté d'un jardin, c'est bien sûr la beauté de la fleur, mais c'est aussi la diversité et l'art de composer des bouquets, je dirais, fleuris, de la reine marguerite blanche. La reine marguerite blanche inventée ici même. par le jardinier de Louis XV, Claude Richard. Et puis nous mettons quantité d'autres plantes, très symboliques, comme le lys. On ne peut pas envisager un parterre à verser sans la flore royale, bien évidemment. La nature, pour moi, c'est un refus. La nature, c'est ce qui me permet de vivre et je dirais d'espérer. J'observe que dans les villes, là où il y a des jardins, c'est prioritairement dans les parcs que les gens vont lorsqu'ils sont confrontés. à des difficultés. C'est dans un jardin que l'on va réfléchir à sa vie passée. Donc la nature, c'est bien plus qu'un encadrement, je dirais, de verdure, c'est un état d'esprit, c'est un lieu merveilleux où l'on peut réfléchir, respirer, se reposer, dormir. À l'époque où l'on glorifie les réseaux sociaux, est-il utile de rappeler que le premier réseau social jamais inventé, c'est le banc, le banc qui permettait, depuis la nuit des temps, ... à plusieurs fessiers d'être côte à côte et de converser. C'est merveilleux un banc. Ce sont les bancs publics de Georges Brassens, ce sont les bancs qui permettent à des personnes fatiguées de s'allonger et de dormir. C'est là où les amoureux s'embrassent. Et au moment où je vous parle, je vois devant moi, par exemple, une équipe de Jarny en train de faire une meule de foin. Si Van Gogh était à ma place un siècle plus tôt, il y a fort à parier qu'il aurait sorti son chevalet et il ne les aurait pas. C'est ça, le hameau de la reine, un lieu qui défie les siècles avec, je dirais, presque insolence, un lieu hors du temps, un lieu où il fait bon vivre tout simplement. J'ai pris soin, à Versailles, de faire en sorte que quand on ouvre une fenêtre, ce que l'on voit depuis le salon corresponde. Là, par exemple, nous sommes dans un lieu où les arbres sont tous des arbres que Marie-Antoinette aurait pu voir. Comme sur la gauche, un catalpa, qui est donc un très vieil arbre, ou mieux encore, le sophora du petit triomphe qui est juste derrière moi, qui est là. Et ce sophora est un arbre qui est né sous Louis XV et planté sous Marie-Antoinette. Nous sommes en 1798, et un jardinier, paraît-il quelque peu révolutionnaire, souhaite détruire une perspective qui permettait depuis le... petit trianon et depuis la chambre de la reine d'apercevoir son village à travers un champ de céréales. Et pour briser cette perspective royale, il décide de planter ce platane. C'est le platane à pied d'éléphant. Ce platane se plaît sous le ciel versaillais. Aujourd'hui, il est superbe. La circonférence de sa souche au niveau du sol est de 13 mètres. C'est considérable. Mais ce qui me plaît dans ce végétal, c'est qu'il est le témoin. Il est le témoin de la révolution. Il est le témoin des tempêtes, des grands bouleversements de Versailles, des froids terribles, de la tempête de 1999. Il a défié le temps, il est là, il est toujours magnifique. Dans ce parc, il y a une vie assez incroyable. Il y a deux catégories d'animaux, ceux que l'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Ceux que l'on voit ou que l'on entend, ce sont les oiseaux, les poissons, les insectes, les papillons. Et puis il y a toute cette faune discrète qui n'apparaît généralement que le soir. après la fermeture du domaine. Ce sont des lapins, il y a des lapins énormes, des faisans, des chevreuils. Quel beau spectacle que de voir ici même un chevreuil accompagné de ses petits, quelques sangliers, bien tranquilles, au fond du domaine. C'est extraordinaire de savoir que Versailles est en quelque sorte un refuge pour hérissons, des renards. Donc ce parc est également un conservatoire pour le monde animalier, important quand on sait qu'on est quoi ? À une petite vingtaine de kilomètres, gare d'avantage de Paris. J'ai la chance, moi, depuis que je suis à Versailles, d'avoir peut-être dépassé le cadre du million d'arbres plantés, c'est absolument considérable. Et puis maintenant, nous voulons également donner à notre travail un sens, honorer la planète dans son intégralité. Comme sur les parterres du Grand Trianon où nous sommes, où nous souhaitons nous aussi nous associer à l'année sur les océans. Les océans, on le sait, sont en danger. Eh bien, nous avons recréé le parterre des océans, un parterre qui symbolise la beauté aquatique, mais également toute sa fragilité. Aujourd'hui, j'ai 68 ans, je pars dans un an ou deux, et j'estime avoir pour mission, pour devoir, de transmettre aux générations futures ce que moi-même j'ai appris de mes prédécesseurs. La transmission d'un savoir-faire, c'est également rappeler qu'un parc comme Versailles est un parc fragile, que les arbres sont des êtres fragiles, massifs mais fragiles, et qu'il faut garder toujours le respect de la nature, l'amour de la nature et l'envie de toujours mieux faire.

Chapters

  • Introduction d'Alain Baraton et son parcours

    00:10

  • Arrivée à Versailles et découverte du parc

    00:50

  • Transformation des jardins de Versailles

    01:56

  • Le rôle du jardinier à Versailles aujourd'hui

    03:18

  • Impact du réchauffement climatique sur les jardins

    05:11

  • Méthodes modernes de jardinage à Versailles

    07:12

  • La nature comme état d'esprit et réflexion personnelle

    09:09

  • Transmission et préservation de l'héritage de Versailles

    12:35

Description

Êtes-vous prêt à plonger dans l'univers fascinant du jardinage au cœur du château de Versailles ? Dans cet épisode captivant de Vie de château, Alain Baraton, le jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles, nous invite à découvrir son parcours unique et son amour indéfectible pour l'art du jardinage. Né dans une famille nombreuse, Alain ne s'était pas destiné à cette carrière prestigieuse, mais un tournant décisif de sa vie l'a conduit à travailler dans les jardins emblématiques de Versailles.



Au fil de notre conversation, Baraton partage les défis quotidiens de la gestion d'un domaine aussi vaste et historique que Versailles. Il évoque l'importance de transmettre cet héritage culturel aux générations futures, en comparant son rôle à celui d'un chef d'orchestre, où chaque jardinier devient un musicien, jouant une symphonie de nature. À travers ses mots, nous ressentons la passion et la dévotion qu'il met dans chaque parcelle de terre, chaque fleur et chaque arbre du domaine.



Dans un contexte où le réchauffement climatique impacte de plus en plus notre environnement, Alain aborde la nécessité de diversifier les espèces plantées et de respecter l'esprit du lieu tout en intégrant une touche de modernité. Il nous rappelle que le jardin est un art à part entière, un lieu où tradition et innovation se rencontrent pour préserver la beauté intemporelle de Versailles.



Ce dialogue enrichissant ne se limite pas seulement au jardinage : il touche également à l'histoire de France, à la culture, et à la mémoire du château de Versailles. Que vous soyez passionné de photographie à Versailles, amateur d'histoire de l'art, ou simplement curieux des événements au château, cet épisode de Vie de château vous offre une perspective inédite sur le patrimoine culturel français.



Rejoignez-nous pour une exploration fascinante de l'art et de la nature, et laissez-vous inspirer par les projets artistiques qui prennent vie dans ce cadre exceptionnel. Écoutez dès maintenant cet épisode et découvrez comment l'amour du jardinage peut transformer notre rapport à la nature et à notre histoire.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alain Baraton, je suis jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles et je suis né le 10 septembre 1957 à la Selle-Saint-Cloud. Dans une famille nombreuse, j'étais le cinquième d'une famille de sept enfants et je ne me destinais pas du tout au métier du jardinage, mon rêve était d'être photographe et j'envisageais pour la suite de parcourir le monde avec un appareil photo. Et puis la vie en a décidé autrement, mes résultats scolaires n'étaient pas très brillants, il faut bien le reconnaître. Et mes parents m'ont inscrit d'autorité à une école horticole. Je vais donc pendant trois ans sur la petite commune du Tremblay-sur-Maudre, c'est encore dans les Iluines, donc je suis vraiment un enfant de la région. Et je vais ressortir de ce lieu avec un petit BEP et rentrer à Versailles, très exactement en juillet 1976, comme, excusez du peu, percepteur des droits d'entrée, en fait caissier. dans le parc de Versailles. Je fais payer les voitures qui veulent rentrer dans les jardins. Je découvre un parc extraordinaire, avec surtout des arbres fabuleux. Moi, ma passion, ce sont les arbres. Et j'ai toujours envie d'être photographe, mais l'attrait des jardins devient assez important. Et le jardinier en chef de l'époque, qui s'appelait M. Choron, me propose un emploi dans les jardins, un emploi d'aide jardinier stagiaire. Ça ne me tente que moyennement, mais il accompagne sa proposition d'une proposition de logement. dans le parc de Versailles. Je suis donc rentré à Versailles cette année-là, et je n'en suis plus jamais reparti. S'occuper d'un domaine comme celui-ci, c'est un peu comme un grand chef cuisinier, c'est pas seulement mélanger les produits pour que le plat soit bon, il faut connaître l'origine des produits, associer les goûts, pour que le plat soit vraiment beau et agréable à déguster. Versailles, c'est un lieu qu'il faut d'abord apprivoiser, s'approprier, afin de pouvoir vraiment le transformer. Quand je suis arrivé à Versailles, les pelouses étaient tondues façon golf, les parterres n'étaient plantées que de sans-péternel bégonia, les voitures roulaient partout dans les jardins, il a fallu apporter pas mal de modifications. Alors les choses ont changé. Ensuite j'ai été nommé également responsable du domaine de Marly, puis conseiller du ministre Jean-Jacques Ayagon, membre du Conseil national des parcs quevalins. Donc je n'ai eu de cesse d'évoluer pour que mon métier redevienne ce qu'il était du temps de Louis XV, le plus noble des métiers. L'un de mes objectifs est vraiment de lui rendre toutes ses lettres de noblesse. J'ai un métier que je compare souvent à celui d'un chef d'orchestre. Il y a un compositeur qui a écrit une symphonie, une œuvre, et ce chef d'orchestre peut s'appeler André Lenautre, Jean-Baptiste de la Quintigny ou Antoine Richard. Ce sont les jardiniers en chef qui ont conçu ce domaine. Et puis, il y a les musiciens. Les musiciens, ce sont les jardiniers. Et mon rôle à moi... et de faire en sorte que les musiciens puissent interpréter au mieux l'œuvre créée quelques siècles plus tôt, en leur donnant des moyens de jouer le mieux possible. Voilà, mon rôle à moi, c'est donc de diriger les travaux d'embellissement, de conservation et de transmission des jardins. Le rôle d'un jardinier à Versailles aujourd'hui est simple, c'est entretenir, mais transmettre aux générations futures ce domaine qui est le témoignage d'un temps passé et le témoignage d'un art, car je suis de ceux qui pensent que le jardin est un art à part entière. Alors, Versailles est un domaine très vaste, 850 hectares, 43 kilomètres d'allées, 350 000 arbres et plusieurs centaines de milliers de fleurs installées chaque année dans les parterres. Donc, chaque jardinier travaille dans un secteur en fonction de son talent, dans un domaine précis. La tonte, par exemple, les lagages, la plantation, le parc est réparti avec des secteurs, à la tête de chaque secteur un responsable, puis une responsable du fleurissement, Elena Segundo. un adjoint, Giovanni Delu, et moi-même, donc qui m'occupe de ce domaine. Pour entretenir un jardin comme celui de Trianon, il faut déjà s'inspirer du passé. Il y a un mot que l'on emploie trop peu, c'est le mot que j'insuffle à mes collaborateurs tous les jours ou presque, c'est l'esprit d'un lieu. Que l'on soit persuadé, si l'on veut croiser par exemple Marie-Antoinette, qu'elle pourrait presque surgir d'un bosquet. Il faut donc accompagner la nature. Il ne faut pas la bousculer, mais il ne faut pas non plus la laisser faire tout et n'importe quoi. Il faut être capable également de faire preuve d'un petit peu de fantaisie. Il faut être capable d'embellir le site, et puis il faut être capable également de temps en temps de se lâcher et de se faire plaisir. Il y a de temps en temps des plantations un petit peu anachroniques, qui vont pendant l'espace d'une saison donner de la couleur, qui ne vont pas dénaturer le site, mais qui auront au moins pendant quelques temps donné un petit peu de fantaisie. Ça c'est un Magnolia grandiflora, un arbre merveilleux pour la couleur de cette fleur. Et voilà un exemple typique d'un arbre qui montre qu'il y a bien un réchauffement climatique. Cet arbre n'aurait jamais pu vivre normalement du temps de Marie-Antoinette. Il était cultivé en caisse et depuis quelques années, nous pouvons en planter dans les jardins parce que les hivers ne sont pas suffisamment frileux pour venir à bout de leur santé, pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons été obligés d'adopter une nouvelle politique qui dit réchauffement climatique, dit difficulté pour les arbres de supporter l'élévation des températures, mais aussi de lutter contre des insectes ou des champignons qui, grâce à cette élévation de température, sont devenus de véritables fléaux. Et pour lutter contre les dégâts causés par ce dérèglement, nous diversifions la quantité d'essence plantée, davantage d'essence pour éviter que si une maladie s'abattait, l'ensemble du parc soit affecté. Nous mettons prioritairement des végétaux connus pour leur résistance à telle ou telle maladie ou des arbres qui sont moins gourmands en eau que d'autres arbres. Mais de là à ne planter que des figuiers ou des baobabs à Versailles, il n'y a qu'un pas, nous en sommes encore loin. Arbre à perruque, c'est son nom. tulipier de Virginie. Cette feuille déjà de l'arbre, elle a une feuille très particulière, elle ne ressemble à aucun arbre. Et pour la petite anecdote, quand j'étais à l'école, on me disait que c'était le portrait en nombre chinoise de Gros Minet. Lorsqu'il y a eu la tempête de 99, un tulipier planté en l'honneur de la reine a été abattu par les vents furieux. Et cet arbre est devenu le symbole même de la tempête de 1999, ce qui veut dire qu'il est devenu l'arbre le plus connu, le plus populaire dans les années 2000. Et aujourd'hui, partout, partout en France, on en a planté, en hommage peut-être à cet arbre détruit par la tempête. Nous sommes dans les parterres du Petit Trianon, dans un jardin qui a été dessiné sous Louis XV. Et la particularité de ce jardin, c'est que nous avons voulu respecter la méthode employée à l'époque, la plante en pot. Il cite... Toutes les plantes sont en pot sans aucune exception, ce qui nous permet déjà d'avoir une très grande diversité végétale. On peut parfaitement mettre des plantes qui ne vivent pas d'ordinaire dans le même sol, vu qu'ils sont séparés dans des pots. Ça nous permet également de mettre des plantes qui s'arrosent quand d'autres n'ont pas besoin d'eau. On y va à la sélection. Lorsqu'un végétal meurt, quelle qu'en soit la raison, on retire le pot et on remplace immédiatement la plante par un autre pot. En un mot, ce parterre est fleuri 12 mois sur 12. Il est de conception moderne, bien qu'en fait, l'idée de cultiver en pot soit née sous Louis XIV. Il se dit que les rois aimaient de temps en temps d'un claquement de doigts, changer la composition des parterres en une nuit à peine. Eh bien, nous, aujourd'hui à Versailles, nous serions capables, si on nous le demandait, d'un claquement de doigts, de changer la composition de ces parterres. Les Dahlia, par exemple, sont en train de refaire leur retour à Versailles. parce que c'est une plante que j'aime beaucoup. La matricaire, c'est cette plante qui ressemble à une marguerite blanche, qui était très employée du temps des rois. Les rudbeckia jaunes, c'est merveilleux, le jaune dans les jardins. Et puis des sauges, des cléomes, du tabac. La beauté d'un jardin, c'est bien sûr la beauté de la fleur, mais c'est aussi la diversité et l'art de composer des bouquets, je dirais, fleuris, de la reine marguerite blanche. La reine marguerite blanche inventée ici même. par le jardinier de Louis XV, Claude Richard. Et puis nous mettons quantité d'autres plantes, très symboliques, comme le lys. On ne peut pas envisager un parterre à verser sans la flore royale, bien évidemment. La nature, pour moi, c'est un refus. La nature, c'est ce qui me permet de vivre et je dirais d'espérer. J'observe que dans les villes, là où il y a des jardins, c'est prioritairement dans les parcs que les gens vont lorsqu'ils sont confrontés. à des difficultés. C'est dans un jardin que l'on va réfléchir à sa vie passée. Donc la nature, c'est bien plus qu'un encadrement, je dirais, de verdure, c'est un état d'esprit, c'est un lieu merveilleux où l'on peut réfléchir, respirer, se reposer, dormir. À l'époque où l'on glorifie les réseaux sociaux, est-il utile de rappeler que le premier réseau social jamais inventé, c'est le banc, le banc qui permettait, depuis la nuit des temps, ... à plusieurs fessiers d'être côte à côte et de converser. C'est merveilleux un banc. Ce sont les bancs publics de Georges Brassens, ce sont les bancs qui permettent à des personnes fatiguées de s'allonger et de dormir. C'est là où les amoureux s'embrassent. Et au moment où je vous parle, je vois devant moi, par exemple, une équipe de Jarny en train de faire une meule de foin. Si Van Gogh était à ma place un siècle plus tôt, il y a fort à parier qu'il aurait sorti son chevalet et il ne les aurait pas. C'est ça, le hameau de la reine, un lieu qui défie les siècles avec, je dirais, presque insolence, un lieu hors du temps, un lieu où il fait bon vivre tout simplement. J'ai pris soin, à Versailles, de faire en sorte que quand on ouvre une fenêtre, ce que l'on voit depuis le salon corresponde. Là, par exemple, nous sommes dans un lieu où les arbres sont tous des arbres que Marie-Antoinette aurait pu voir. Comme sur la gauche, un catalpa, qui est donc un très vieil arbre, ou mieux encore, le sophora du petit triomphe qui est juste derrière moi, qui est là. Et ce sophora est un arbre qui est né sous Louis XV et planté sous Marie-Antoinette. Nous sommes en 1798, et un jardinier, paraît-il quelque peu révolutionnaire, souhaite détruire une perspective qui permettait depuis le... petit trianon et depuis la chambre de la reine d'apercevoir son village à travers un champ de céréales. Et pour briser cette perspective royale, il décide de planter ce platane. C'est le platane à pied d'éléphant. Ce platane se plaît sous le ciel versaillais. Aujourd'hui, il est superbe. La circonférence de sa souche au niveau du sol est de 13 mètres. C'est considérable. Mais ce qui me plaît dans ce végétal, c'est qu'il est le témoin. Il est le témoin de la révolution. Il est le témoin des tempêtes, des grands bouleversements de Versailles, des froids terribles, de la tempête de 1999. Il a défié le temps, il est là, il est toujours magnifique. Dans ce parc, il y a une vie assez incroyable. Il y a deux catégories d'animaux, ceux que l'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Ceux que l'on voit ou que l'on entend, ce sont les oiseaux, les poissons, les insectes, les papillons. Et puis il y a toute cette faune discrète qui n'apparaît généralement que le soir. après la fermeture du domaine. Ce sont des lapins, il y a des lapins énormes, des faisans, des chevreuils. Quel beau spectacle que de voir ici même un chevreuil accompagné de ses petits, quelques sangliers, bien tranquilles, au fond du domaine. C'est extraordinaire de savoir que Versailles est en quelque sorte un refuge pour hérissons, des renards. Donc ce parc est également un conservatoire pour le monde animalier, important quand on sait qu'on est quoi ? À une petite vingtaine de kilomètres, gare d'avantage de Paris. J'ai la chance, moi, depuis que je suis à Versailles, d'avoir peut-être dépassé le cadre du million d'arbres plantés, c'est absolument considérable. Et puis maintenant, nous voulons également donner à notre travail un sens, honorer la planète dans son intégralité. Comme sur les parterres du Grand Trianon où nous sommes, où nous souhaitons nous aussi nous associer à l'année sur les océans. Les océans, on le sait, sont en danger. Eh bien, nous avons recréé le parterre des océans, un parterre qui symbolise la beauté aquatique, mais également toute sa fragilité. Aujourd'hui, j'ai 68 ans, je pars dans un an ou deux, et j'estime avoir pour mission, pour devoir, de transmettre aux générations futures ce que moi-même j'ai appris de mes prédécesseurs. La transmission d'un savoir-faire, c'est également rappeler qu'un parc comme Versailles est un parc fragile, que les arbres sont des êtres fragiles, massifs mais fragiles, et qu'il faut garder toujours le respect de la nature, l'amour de la nature et l'envie de toujours mieux faire.

Chapters

  • Introduction d'Alain Baraton et son parcours

    00:10

  • Arrivée à Versailles et découverte du parc

    00:50

  • Transformation des jardins de Versailles

    01:56

  • Le rôle du jardinier à Versailles aujourd'hui

    03:18

  • Impact du réchauffement climatique sur les jardins

    05:11

  • Méthodes modernes de jardinage à Versailles

    07:12

  • La nature comme état d'esprit et réflexion personnelle

    09:09

  • Transmission et préservation de l'héritage de Versailles

    12:35

Share

Embed

You may also like

Description

Êtes-vous prêt à plonger dans l'univers fascinant du jardinage au cœur du château de Versailles ? Dans cet épisode captivant de Vie de château, Alain Baraton, le jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles, nous invite à découvrir son parcours unique et son amour indéfectible pour l'art du jardinage. Né dans une famille nombreuse, Alain ne s'était pas destiné à cette carrière prestigieuse, mais un tournant décisif de sa vie l'a conduit à travailler dans les jardins emblématiques de Versailles.



Au fil de notre conversation, Baraton partage les défis quotidiens de la gestion d'un domaine aussi vaste et historique que Versailles. Il évoque l'importance de transmettre cet héritage culturel aux générations futures, en comparant son rôle à celui d'un chef d'orchestre, où chaque jardinier devient un musicien, jouant une symphonie de nature. À travers ses mots, nous ressentons la passion et la dévotion qu'il met dans chaque parcelle de terre, chaque fleur et chaque arbre du domaine.



Dans un contexte où le réchauffement climatique impacte de plus en plus notre environnement, Alain aborde la nécessité de diversifier les espèces plantées et de respecter l'esprit du lieu tout en intégrant une touche de modernité. Il nous rappelle que le jardin est un art à part entière, un lieu où tradition et innovation se rencontrent pour préserver la beauté intemporelle de Versailles.



Ce dialogue enrichissant ne se limite pas seulement au jardinage : il touche également à l'histoire de France, à la culture, et à la mémoire du château de Versailles. Que vous soyez passionné de photographie à Versailles, amateur d'histoire de l'art, ou simplement curieux des événements au château, cet épisode de Vie de château vous offre une perspective inédite sur le patrimoine culturel français.



Rejoignez-nous pour une exploration fascinante de l'art et de la nature, et laissez-vous inspirer par les projets artistiques qui prennent vie dans ce cadre exceptionnel. Écoutez dès maintenant cet épisode et découvrez comment l'amour du jardinage peut transformer notre rapport à la nature et à notre histoire.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alain Baraton, je suis jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles et je suis né le 10 septembre 1957 à la Selle-Saint-Cloud. Dans une famille nombreuse, j'étais le cinquième d'une famille de sept enfants et je ne me destinais pas du tout au métier du jardinage, mon rêve était d'être photographe et j'envisageais pour la suite de parcourir le monde avec un appareil photo. Et puis la vie en a décidé autrement, mes résultats scolaires n'étaient pas très brillants, il faut bien le reconnaître. Et mes parents m'ont inscrit d'autorité à une école horticole. Je vais donc pendant trois ans sur la petite commune du Tremblay-sur-Maudre, c'est encore dans les Iluines, donc je suis vraiment un enfant de la région. Et je vais ressortir de ce lieu avec un petit BEP et rentrer à Versailles, très exactement en juillet 1976, comme, excusez du peu, percepteur des droits d'entrée, en fait caissier. dans le parc de Versailles. Je fais payer les voitures qui veulent rentrer dans les jardins. Je découvre un parc extraordinaire, avec surtout des arbres fabuleux. Moi, ma passion, ce sont les arbres. Et j'ai toujours envie d'être photographe, mais l'attrait des jardins devient assez important. Et le jardinier en chef de l'époque, qui s'appelait M. Choron, me propose un emploi dans les jardins, un emploi d'aide jardinier stagiaire. Ça ne me tente que moyennement, mais il accompagne sa proposition d'une proposition de logement. dans le parc de Versailles. Je suis donc rentré à Versailles cette année-là, et je n'en suis plus jamais reparti. S'occuper d'un domaine comme celui-ci, c'est un peu comme un grand chef cuisinier, c'est pas seulement mélanger les produits pour que le plat soit bon, il faut connaître l'origine des produits, associer les goûts, pour que le plat soit vraiment beau et agréable à déguster. Versailles, c'est un lieu qu'il faut d'abord apprivoiser, s'approprier, afin de pouvoir vraiment le transformer. Quand je suis arrivé à Versailles, les pelouses étaient tondues façon golf, les parterres n'étaient plantées que de sans-péternel bégonia, les voitures roulaient partout dans les jardins, il a fallu apporter pas mal de modifications. Alors les choses ont changé. Ensuite j'ai été nommé également responsable du domaine de Marly, puis conseiller du ministre Jean-Jacques Ayagon, membre du Conseil national des parcs quevalins. Donc je n'ai eu de cesse d'évoluer pour que mon métier redevienne ce qu'il était du temps de Louis XV, le plus noble des métiers. L'un de mes objectifs est vraiment de lui rendre toutes ses lettres de noblesse. J'ai un métier que je compare souvent à celui d'un chef d'orchestre. Il y a un compositeur qui a écrit une symphonie, une œuvre, et ce chef d'orchestre peut s'appeler André Lenautre, Jean-Baptiste de la Quintigny ou Antoine Richard. Ce sont les jardiniers en chef qui ont conçu ce domaine. Et puis, il y a les musiciens. Les musiciens, ce sont les jardiniers. Et mon rôle à moi... et de faire en sorte que les musiciens puissent interpréter au mieux l'œuvre créée quelques siècles plus tôt, en leur donnant des moyens de jouer le mieux possible. Voilà, mon rôle à moi, c'est donc de diriger les travaux d'embellissement, de conservation et de transmission des jardins. Le rôle d'un jardinier à Versailles aujourd'hui est simple, c'est entretenir, mais transmettre aux générations futures ce domaine qui est le témoignage d'un temps passé et le témoignage d'un art, car je suis de ceux qui pensent que le jardin est un art à part entière. Alors, Versailles est un domaine très vaste, 850 hectares, 43 kilomètres d'allées, 350 000 arbres et plusieurs centaines de milliers de fleurs installées chaque année dans les parterres. Donc, chaque jardinier travaille dans un secteur en fonction de son talent, dans un domaine précis. La tonte, par exemple, les lagages, la plantation, le parc est réparti avec des secteurs, à la tête de chaque secteur un responsable, puis une responsable du fleurissement, Elena Segundo. un adjoint, Giovanni Delu, et moi-même, donc qui m'occupe de ce domaine. Pour entretenir un jardin comme celui de Trianon, il faut déjà s'inspirer du passé. Il y a un mot que l'on emploie trop peu, c'est le mot que j'insuffle à mes collaborateurs tous les jours ou presque, c'est l'esprit d'un lieu. Que l'on soit persuadé, si l'on veut croiser par exemple Marie-Antoinette, qu'elle pourrait presque surgir d'un bosquet. Il faut donc accompagner la nature. Il ne faut pas la bousculer, mais il ne faut pas non plus la laisser faire tout et n'importe quoi. Il faut être capable également de faire preuve d'un petit peu de fantaisie. Il faut être capable d'embellir le site, et puis il faut être capable également de temps en temps de se lâcher et de se faire plaisir. Il y a de temps en temps des plantations un petit peu anachroniques, qui vont pendant l'espace d'une saison donner de la couleur, qui ne vont pas dénaturer le site, mais qui auront au moins pendant quelques temps donné un petit peu de fantaisie. Ça c'est un Magnolia grandiflora, un arbre merveilleux pour la couleur de cette fleur. Et voilà un exemple typique d'un arbre qui montre qu'il y a bien un réchauffement climatique. Cet arbre n'aurait jamais pu vivre normalement du temps de Marie-Antoinette. Il était cultivé en caisse et depuis quelques années, nous pouvons en planter dans les jardins parce que les hivers ne sont pas suffisamment frileux pour venir à bout de leur santé, pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons été obligés d'adopter une nouvelle politique qui dit réchauffement climatique, dit difficulté pour les arbres de supporter l'élévation des températures, mais aussi de lutter contre des insectes ou des champignons qui, grâce à cette élévation de température, sont devenus de véritables fléaux. Et pour lutter contre les dégâts causés par ce dérèglement, nous diversifions la quantité d'essence plantée, davantage d'essence pour éviter que si une maladie s'abattait, l'ensemble du parc soit affecté. Nous mettons prioritairement des végétaux connus pour leur résistance à telle ou telle maladie ou des arbres qui sont moins gourmands en eau que d'autres arbres. Mais de là à ne planter que des figuiers ou des baobabs à Versailles, il n'y a qu'un pas, nous en sommes encore loin. Arbre à perruque, c'est son nom. tulipier de Virginie. Cette feuille déjà de l'arbre, elle a une feuille très particulière, elle ne ressemble à aucun arbre. Et pour la petite anecdote, quand j'étais à l'école, on me disait que c'était le portrait en nombre chinoise de Gros Minet. Lorsqu'il y a eu la tempête de 99, un tulipier planté en l'honneur de la reine a été abattu par les vents furieux. Et cet arbre est devenu le symbole même de la tempête de 1999, ce qui veut dire qu'il est devenu l'arbre le plus connu, le plus populaire dans les années 2000. Et aujourd'hui, partout, partout en France, on en a planté, en hommage peut-être à cet arbre détruit par la tempête. Nous sommes dans les parterres du Petit Trianon, dans un jardin qui a été dessiné sous Louis XV. Et la particularité de ce jardin, c'est que nous avons voulu respecter la méthode employée à l'époque, la plante en pot. Il cite... Toutes les plantes sont en pot sans aucune exception, ce qui nous permet déjà d'avoir une très grande diversité végétale. On peut parfaitement mettre des plantes qui ne vivent pas d'ordinaire dans le même sol, vu qu'ils sont séparés dans des pots. Ça nous permet également de mettre des plantes qui s'arrosent quand d'autres n'ont pas besoin d'eau. On y va à la sélection. Lorsqu'un végétal meurt, quelle qu'en soit la raison, on retire le pot et on remplace immédiatement la plante par un autre pot. En un mot, ce parterre est fleuri 12 mois sur 12. Il est de conception moderne, bien qu'en fait, l'idée de cultiver en pot soit née sous Louis XIV. Il se dit que les rois aimaient de temps en temps d'un claquement de doigts, changer la composition des parterres en une nuit à peine. Eh bien, nous, aujourd'hui à Versailles, nous serions capables, si on nous le demandait, d'un claquement de doigts, de changer la composition de ces parterres. Les Dahlia, par exemple, sont en train de refaire leur retour à Versailles. parce que c'est une plante que j'aime beaucoup. La matricaire, c'est cette plante qui ressemble à une marguerite blanche, qui était très employée du temps des rois. Les rudbeckia jaunes, c'est merveilleux, le jaune dans les jardins. Et puis des sauges, des cléomes, du tabac. La beauté d'un jardin, c'est bien sûr la beauté de la fleur, mais c'est aussi la diversité et l'art de composer des bouquets, je dirais, fleuris, de la reine marguerite blanche. La reine marguerite blanche inventée ici même. par le jardinier de Louis XV, Claude Richard. Et puis nous mettons quantité d'autres plantes, très symboliques, comme le lys. On ne peut pas envisager un parterre à verser sans la flore royale, bien évidemment. La nature, pour moi, c'est un refus. La nature, c'est ce qui me permet de vivre et je dirais d'espérer. J'observe que dans les villes, là où il y a des jardins, c'est prioritairement dans les parcs que les gens vont lorsqu'ils sont confrontés. à des difficultés. C'est dans un jardin que l'on va réfléchir à sa vie passée. Donc la nature, c'est bien plus qu'un encadrement, je dirais, de verdure, c'est un état d'esprit, c'est un lieu merveilleux où l'on peut réfléchir, respirer, se reposer, dormir. À l'époque où l'on glorifie les réseaux sociaux, est-il utile de rappeler que le premier réseau social jamais inventé, c'est le banc, le banc qui permettait, depuis la nuit des temps, ... à plusieurs fessiers d'être côte à côte et de converser. C'est merveilleux un banc. Ce sont les bancs publics de Georges Brassens, ce sont les bancs qui permettent à des personnes fatiguées de s'allonger et de dormir. C'est là où les amoureux s'embrassent. Et au moment où je vous parle, je vois devant moi, par exemple, une équipe de Jarny en train de faire une meule de foin. Si Van Gogh était à ma place un siècle plus tôt, il y a fort à parier qu'il aurait sorti son chevalet et il ne les aurait pas. C'est ça, le hameau de la reine, un lieu qui défie les siècles avec, je dirais, presque insolence, un lieu hors du temps, un lieu où il fait bon vivre tout simplement. J'ai pris soin, à Versailles, de faire en sorte que quand on ouvre une fenêtre, ce que l'on voit depuis le salon corresponde. Là, par exemple, nous sommes dans un lieu où les arbres sont tous des arbres que Marie-Antoinette aurait pu voir. Comme sur la gauche, un catalpa, qui est donc un très vieil arbre, ou mieux encore, le sophora du petit triomphe qui est juste derrière moi, qui est là. Et ce sophora est un arbre qui est né sous Louis XV et planté sous Marie-Antoinette. Nous sommes en 1798, et un jardinier, paraît-il quelque peu révolutionnaire, souhaite détruire une perspective qui permettait depuis le... petit trianon et depuis la chambre de la reine d'apercevoir son village à travers un champ de céréales. Et pour briser cette perspective royale, il décide de planter ce platane. C'est le platane à pied d'éléphant. Ce platane se plaît sous le ciel versaillais. Aujourd'hui, il est superbe. La circonférence de sa souche au niveau du sol est de 13 mètres. C'est considérable. Mais ce qui me plaît dans ce végétal, c'est qu'il est le témoin. Il est le témoin de la révolution. Il est le témoin des tempêtes, des grands bouleversements de Versailles, des froids terribles, de la tempête de 1999. Il a défié le temps, il est là, il est toujours magnifique. Dans ce parc, il y a une vie assez incroyable. Il y a deux catégories d'animaux, ceux que l'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Ceux que l'on voit ou que l'on entend, ce sont les oiseaux, les poissons, les insectes, les papillons. Et puis il y a toute cette faune discrète qui n'apparaît généralement que le soir. après la fermeture du domaine. Ce sont des lapins, il y a des lapins énormes, des faisans, des chevreuils. Quel beau spectacle que de voir ici même un chevreuil accompagné de ses petits, quelques sangliers, bien tranquilles, au fond du domaine. C'est extraordinaire de savoir que Versailles est en quelque sorte un refuge pour hérissons, des renards. Donc ce parc est également un conservatoire pour le monde animalier, important quand on sait qu'on est quoi ? À une petite vingtaine de kilomètres, gare d'avantage de Paris. J'ai la chance, moi, depuis que je suis à Versailles, d'avoir peut-être dépassé le cadre du million d'arbres plantés, c'est absolument considérable. Et puis maintenant, nous voulons également donner à notre travail un sens, honorer la planète dans son intégralité. Comme sur les parterres du Grand Trianon où nous sommes, où nous souhaitons nous aussi nous associer à l'année sur les océans. Les océans, on le sait, sont en danger. Eh bien, nous avons recréé le parterre des océans, un parterre qui symbolise la beauté aquatique, mais également toute sa fragilité. Aujourd'hui, j'ai 68 ans, je pars dans un an ou deux, et j'estime avoir pour mission, pour devoir, de transmettre aux générations futures ce que moi-même j'ai appris de mes prédécesseurs. La transmission d'un savoir-faire, c'est également rappeler qu'un parc comme Versailles est un parc fragile, que les arbres sont des êtres fragiles, massifs mais fragiles, et qu'il faut garder toujours le respect de la nature, l'amour de la nature et l'envie de toujours mieux faire.

Chapters

  • Introduction d'Alain Baraton et son parcours

    00:10

  • Arrivée à Versailles et découverte du parc

    00:50

  • Transformation des jardins de Versailles

    01:56

  • Le rôle du jardinier à Versailles aujourd'hui

    03:18

  • Impact du réchauffement climatique sur les jardins

    05:11

  • Méthodes modernes de jardinage à Versailles

    07:12

  • La nature comme état d'esprit et réflexion personnelle

    09:09

  • Transmission et préservation de l'héritage de Versailles

    12:35

Description

Êtes-vous prêt à plonger dans l'univers fascinant du jardinage au cœur du château de Versailles ? Dans cet épisode captivant de Vie de château, Alain Baraton, le jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles, nous invite à découvrir son parcours unique et son amour indéfectible pour l'art du jardinage. Né dans une famille nombreuse, Alain ne s'était pas destiné à cette carrière prestigieuse, mais un tournant décisif de sa vie l'a conduit à travailler dans les jardins emblématiques de Versailles.



Au fil de notre conversation, Baraton partage les défis quotidiens de la gestion d'un domaine aussi vaste et historique que Versailles. Il évoque l'importance de transmettre cet héritage culturel aux générations futures, en comparant son rôle à celui d'un chef d'orchestre, où chaque jardinier devient un musicien, jouant une symphonie de nature. À travers ses mots, nous ressentons la passion et la dévotion qu'il met dans chaque parcelle de terre, chaque fleur et chaque arbre du domaine.



Dans un contexte où le réchauffement climatique impacte de plus en plus notre environnement, Alain aborde la nécessité de diversifier les espèces plantées et de respecter l'esprit du lieu tout en intégrant une touche de modernité. Il nous rappelle que le jardin est un art à part entière, un lieu où tradition et innovation se rencontrent pour préserver la beauté intemporelle de Versailles.



Ce dialogue enrichissant ne se limite pas seulement au jardinage : il touche également à l'histoire de France, à la culture, et à la mémoire du château de Versailles. Que vous soyez passionné de photographie à Versailles, amateur d'histoire de l'art, ou simplement curieux des événements au château, cet épisode de Vie de château vous offre une perspective inédite sur le patrimoine culturel français.



Rejoignez-nous pour une exploration fascinante de l'art et de la nature, et laissez-vous inspirer par les projets artistiques qui prennent vie dans ce cadre exceptionnel. Écoutez dès maintenant cet épisode et découvrez comment l'amour du jardinage peut transformer notre rapport à la nature et à notre histoire.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alain Baraton, je suis jardinier en chef à Trianon et dans le Grand Parc de Versailles et je suis né le 10 septembre 1957 à la Selle-Saint-Cloud. Dans une famille nombreuse, j'étais le cinquième d'une famille de sept enfants et je ne me destinais pas du tout au métier du jardinage, mon rêve était d'être photographe et j'envisageais pour la suite de parcourir le monde avec un appareil photo. Et puis la vie en a décidé autrement, mes résultats scolaires n'étaient pas très brillants, il faut bien le reconnaître. Et mes parents m'ont inscrit d'autorité à une école horticole. Je vais donc pendant trois ans sur la petite commune du Tremblay-sur-Maudre, c'est encore dans les Iluines, donc je suis vraiment un enfant de la région. Et je vais ressortir de ce lieu avec un petit BEP et rentrer à Versailles, très exactement en juillet 1976, comme, excusez du peu, percepteur des droits d'entrée, en fait caissier. dans le parc de Versailles. Je fais payer les voitures qui veulent rentrer dans les jardins. Je découvre un parc extraordinaire, avec surtout des arbres fabuleux. Moi, ma passion, ce sont les arbres. Et j'ai toujours envie d'être photographe, mais l'attrait des jardins devient assez important. Et le jardinier en chef de l'époque, qui s'appelait M. Choron, me propose un emploi dans les jardins, un emploi d'aide jardinier stagiaire. Ça ne me tente que moyennement, mais il accompagne sa proposition d'une proposition de logement. dans le parc de Versailles. Je suis donc rentré à Versailles cette année-là, et je n'en suis plus jamais reparti. S'occuper d'un domaine comme celui-ci, c'est un peu comme un grand chef cuisinier, c'est pas seulement mélanger les produits pour que le plat soit bon, il faut connaître l'origine des produits, associer les goûts, pour que le plat soit vraiment beau et agréable à déguster. Versailles, c'est un lieu qu'il faut d'abord apprivoiser, s'approprier, afin de pouvoir vraiment le transformer. Quand je suis arrivé à Versailles, les pelouses étaient tondues façon golf, les parterres n'étaient plantées que de sans-péternel bégonia, les voitures roulaient partout dans les jardins, il a fallu apporter pas mal de modifications. Alors les choses ont changé. Ensuite j'ai été nommé également responsable du domaine de Marly, puis conseiller du ministre Jean-Jacques Ayagon, membre du Conseil national des parcs quevalins. Donc je n'ai eu de cesse d'évoluer pour que mon métier redevienne ce qu'il était du temps de Louis XV, le plus noble des métiers. L'un de mes objectifs est vraiment de lui rendre toutes ses lettres de noblesse. J'ai un métier que je compare souvent à celui d'un chef d'orchestre. Il y a un compositeur qui a écrit une symphonie, une œuvre, et ce chef d'orchestre peut s'appeler André Lenautre, Jean-Baptiste de la Quintigny ou Antoine Richard. Ce sont les jardiniers en chef qui ont conçu ce domaine. Et puis, il y a les musiciens. Les musiciens, ce sont les jardiniers. Et mon rôle à moi... et de faire en sorte que les musiciens puissent interpréter au mieux l'œuvre créée quelques siècles plus tôt, en leur donnant des moyens de jouer le mieux possible. Voilà, mon rôle à moi, c'est donc de diriger les travaux d'embellissement, de conservation et de transmission des jardins. Le rôle d'un jardinier à Versailles aujourd'hui est simple, c'est entretenir, mais transmettre aux générations futures ce domaine qui est le témoignage d'un temps passé et le témoignage d'un art, car je suis de ceux qui pensent que le jardin est un art à part entière. Alors, Versailles est un domaine très vaste, 850 hectares, 43 kilomètres d'allées, 350 000 arbres et plusieurs centaines de milliers de fleurs installées chaque année dans les parterres. Donc, chaque jardinier travaille dans un secteur en fonction de son talent, dans un domaine précis. La tonte, par exemple, les lagages, la plantation, le parc est réparti avec des secteurs, à la tête de chaque secteur un responsable, puis une responsable du fleurissement, Elena Segundo. un adjoint, Giovanni Delu, et moi-même, donc qui m'occupe de ce domaine. Pour entretenir un jardin comme celui de Trianon, il faut déjà s'inspirer du passé. Il y a un mot que l'on emploie trop peu, c'est le mot que j'insuffle à mes collaborateurs tous les jours ou presque, c'est l'esprit d'un lieu. Que l'on soit persuadé, si l'on veut croiser par exemple Marie-Antoinette, qu'elle pourrait presque surgir d'un bosquet. Il faut donc accompagner la nature. Il ne faut pas la bousculer, mais il ne faut pas non plus la laisser faire tout et n'importe quoi. Il faut être capable également de faire preuve d'un petit peu de fantaisie. Il faut être capable d'embellir le site, et puis il faut être capable également de temps en temps de se lâcher et de se faire plaisir. Il y a de temps en temps des plantations un petit peu anachroniques, qui vont pendant l'espace d'une saison donner de la couleur, qui ne vont pas dénaturer le site, mais qui auront au moins pendant quelques temps donné un petit peu de fantaisie. Ça c'est un Magnolia grandiflora, un arbre merveilleux pour la couleur de cette fleur. Et voilà un exemple typique d'un arbre qui montre qu'il y a bien un réchauffement climatique. Cet arbre n'aurait jamais pu vivre normalement du temps de Marie-Antoinette. Il était cultivé en caisse et depuis quelques années, nous pouvons en planter dans les jardins parce que les hivers ne sont pas suffisamment frileux pour venir à bout de leur santé, pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons été obligés d'adopter une nouvelle politique qui dit réchauffement climatique, dit difficulté pour les arbres de supporter l'élévation des températures, mais aussi de lutter contre des insectes ou des champignons qui, grâce à cette élévation de température, sont devenus de véritables fléaux. Et pour lutter contre les dégâts causés par ce dérèglement, nous diversifions la quantité d'essence plantée, davantage d'essence pour éviter que si une maladie s'abattait, l'ensemble du parc soit affecté. Nous mettons prioritairement des végétaux connus pour leur résistance à telle ou telle maladie ou des arbres qui sont moins gourmands en eau que d'autres arbres. Mais de là à ne planter que des figuiers ou des baobabs à Versailles, il n'y a qu'un pas, nous en sommes encore loin. Arbre à perruque, c'est son nom. tulipier de Virginie. Cette feuille déjà de l'arbre, elle a une feuille très particulière, elle ne ressemble à aucun arbre. Et pour la petite anecdote, quand j'étais à l'école, on me disait que c'était le portrait en nombre chinoise de Gros Minet. Lorsqu'il y a eu la tempête de 99, un tulipier planté en l'honneur de la reine a été abattu par les vents furieux. Et cet arbre est devenu le symbole même de la tempête de 1999, ce qui veut dire qu'il est devenu l'arbre le plus connu, le plus populaire dans les années 2000. Et aujourd'hui, partout, partout en France, on en a planté, en hommage peut-être à cet arbre détruit par la tempête. Nous sommes dans les parterres du Petit Trianon, dans un jardin qui a été dessiné sous Louis XV. Et la particularité de ce jardin, c'est que nous avons voulu respecter la méthode employée à l'époque, la plante en pot. Il cite... Toutes les plantes sont en pot sans aucune exception, ce qui nous permet déjà d'avoir une très grande diversité végétale. On peut parfaitement mettre des plantes qui ne vivent pas d'ordinaire dans le même sol, vu qu'ils sont séparés dans des pots. Ça nous permet également de mettre des plantes qui s'arrosent quand d'autres n'ont pas besoin d'eau. On y va à la sélection. Lorsqu'un végétal meurt, quelle qu'en soit la raison, on retire le pot et on remplace immédiatement la plante par un autre pot. En un mot, ce parterre est fleuri 12 mois sur 12. Il est de conception moderne, bien qu'en fait, l'idée de cultiver en pot soit née sous Louis XIV. Il se dit que les rois aimaient de temps en temps d'un claquement de doigts, changer la composition des parterres en une nuit à peine. Eh bien, nous, aujourd'hui à Versailles, nous serions capables, si on nous le demandait, d'un claquement de doigts, de changer la composition de ces parterres. Les Dahlia, par exemple, sont en train de refaire leur retour à Versailles. parce que c'est une plante que j'aime beaucoup. La matricaire, c'est cette plante qui ressemble à une marguerite blanche, qui était très employée du temps des rois. Les rudbeckia jaunes, c'est merveilleux, le jaune dans les jardins. Et puis des sauges, des cléomes, du tabac. La beauté d'un jardin, c'est bien sûr la beauté de la fleur, mais c'est aussi la diversité et l'art de composer des bouquets, je dirais, fleuris, de la reine marguerite blanche. La reine marguerite blanche inventée ici même. par le jardinier de Louis XV, Claude Richard. Et puis nous mettons quantité d'autres plantes, très symboliques, comme le lys. On ne peut pas envisager un parterre à verser sans la flore royale, bien évidemment. La nature, pour moi, c'est un refus. La nature, c'est ce qui me permet de vivre et je dirais d'espérer. J'observe que dans les villes, là où il y a des jardins, c'est prioritairement dans les parcs que les gens vont lorsqu'ils sont confrontés. à des difficultés. C'est dans un jardin que l'on va réfléchir à sa vie passée. Donc la nature, c'est bien plus qu'un encadrement, je dirais, de verdure, c'est un état d'esprit, c'est un lieu merveilleux où l'on peut réfléchir, respirer, se reposer, dormir. À l'époque où l'on glorifie les réseaux sociaux, est-il utile de rappeler que le premier réseau social jamais inventé, c'est le banc, le banc qui permettait, depuis la nuit des temps, ... à plusieurs fessiers d'être côte à côte et de converser. C'est merveilleux un banc. Ce sont les bancs publics de Georges Brassens, ce sont les bancs qui permettent à des personnes fatiguées de s'allonger et de dormir. C'est là où les amoureux s'embrassent. Et au moment où je vous parle, je vois devant moi, par exemple, une équipe de Jarny en train de faire une meule de foin. Si Van Gogh était à ma place un siècle plus tôt, il y a fort à parier qu'il aurait sorti son chevalet et il ne les aurait pas. C'est ça, le hameau de la reine, un lieu qui défie les siècles avec, je dirais, presque insolence, un lieu hors du temps, un lieu où il fait bon vivre tout simplement. J'ai pris soin, à Versailles, de faire en sorte que quand on ouvre une fenêtre, ce que l'on voit depuis le salon corresponde. Là, par exemple, nous sommes dans un lieu où les arbres sont tous des arbres que Marie-Antoinette aurait pu voir. Comme sur la gauche, un catalpa, qui est donc un très vieil arbre, ou mieux encore, le sophora du petit triomphe qui est juste derrière moi, qui est là. Et ce sophora est un arbre qui est né sous Louis XV et planté sous Marie-Antoinette. Nous sommes en 1798, et un jardinier, paraît-il quelque peu révolutionnaire, souhaite détruire une perspective qui permettait depuis le... petit trianon et depuis la chambre de la reine d'apercevoir son village à travers un champ de céréales. Et pour briser cette perspective royale, il décide de planter ce platane. C'est le platane à pied d'éléphant. Ce platane se plaît sous le ciel versaillais. Aujourd'hui, il est superbe. La circonférence de sa souche au niveau du sol est de 13 mètres. C'est considérable. Mais ce qui me plaît dans ce végétal, c'est qu'il est le témoin. Il est le témoin de la révolution. Il est le témoin des tempêtes, des grands bouleversements de Versailles, des froids terribles, de la tempête de 1999. Il a défié le temps, il est là, il est toujours magnifique. Dans ce parc, il y a une vie assez incroyable. Il y a deux catégories d'animaux, ceux que l'on voit et ceux qu'on ne voit pas. Ceux que l'on voit ou que l'on entend, ce sont les oiseaux, les poissons, les insectes, les papillons. Et puis il y a toute cette faune discrète qui n'apparaît généralement que le soir. après la fermeture du domaine. Ce sont des lapins, il y a des lapins énormes, des faisans, des chevreuils. Quel beau spectacle que de voir ici même un chevreuil accompagné de ses petits, quelques sangliers, bien tranquilles, au fond du domaine. C'est extraordinaire de savoir que Versailles est en quelque sorte un refuge pour hérissons, des renards. Donc ce parc est également un conservatoire pour le monde animalier, important quand on sait qu'on est quoi ? À une petite vingtaine de kilomètres, gare d'avantage de Paris. J'ai la chance, moi, depuis que je suis à Versailles, d'avoir peut-être dépassé le cadre du million d'arbres plantés, c'est absolument considérable. Et puis maintenant, nous voulons également donner à notre travail un sens, honorer la planète dans son intégralité. Comme sur les parterres du Grand Trianon où nous sommes, où nous souhaitons nous aussi nous associer à l'année sur les océans. Les océans, on le sait, sont en danger. Eh bien, nous avons recréé le parterre des océans, un parterre qui symbolise la beauté aquatique, mais également toute sa fragilité. Aujourd'hui, j'ai 68 ans, je pars dans un an ou deux, et j'estime avoir pour mission, pour devoir, de transmettre aux générations futures ce que moi-même j'ai appris de mes prédécesseurs. La transmission d'un savoir-faire, c'est également rappeler qu'un parc comme Versailles est un parc fragile, que les arbres sont des êtres fragiles, massifs mais fragiles, et qu'il faut garder toujours le respect de la nature, l'amour de la nature et l'envie de toujours mieux faire.

Chapters

  • Introduction d'Alain Baraton et son parcours

    00:10

  • Arrivée à Versailles et découverte du parc

    00:50

  • Transformation des jardins de Versailles

    01:56

  • Le rôle du jardinier à Versailles aujourd'hui

    03:18

  • Impact du réchauffement climatique sur les jardins

    05:11

  • Méthodes modernes de jardinage à Versailles

    07:12

  • La nature comme état d'esprit et réflexion personnelle

    09:09

  • Transmission et préservation de l'héritage de Versailles

    12:35

Share

Embed

You may also like