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Ville de Grenoble

Et si nous vivions à nos propres rythmes ?

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1h37 |10/03/2025
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Description

L’histoire de la modernité est celle de l’économie du temps, et aussi celle de sa raréfaction. Le temps nous presse de plus en plus : les heures et les minutes filent entre nos doigts. Nous multiplions les activités chaque jour, les exécutant à un rythme effréné.
Pourtant, jamais nous n'avons eu autant l’impression de courir après lui. Cette organisation temporelle moderne n’est pas sans conséquence sur notre santé, ni sur celle de notre environnement.

Et si, nous nous éloignions des structures temporelles de la modernité pour les réinventer ?
Et si, nous abolissions le temps horaire au profit d’un temps en phase avec nos propres rythmes ?

Cette rencontre Grenoble 2040 explore cette idée à travers une soirée immersive unique.


Avec Christian Clot, explorateur et directeur du Human Adaptation Institute, et Nicolas Fieulaine, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales, expert des perspectives temporelles.

Ces intervenants partagent leurs travaux, de l’expérience hors-norme Deep Time (40 jours sans aucune notion de temps dans une grotte !) aux impacts sociétaux des structures temporelles modernes.

Ensemble, réfléchissons à une société plus harmonieuse.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si chacun et chacune vivait à son propre rythme, à quoi pourrait ressembler notre quotidien si nous n'étions plus l'imprise des informations temporelles ? Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast où nous explorons un futur collectif juste et désirable. Le temps nous échappe, il nous presse. Les heures et les minutes filent entre nos doigts, et dans cette course effrénée, nous multiplions les activités, sans jamais réussir à nous sentir vraiment en phase avec lui. Pourtant, cette organisation temporelle a un coût, sur notre santé, mais également sur celle de notre planète. Le temps, c'est le thème de ce troisième épisode des Rencontres Grenoble 2020. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux invités d'exception. Christian Clot, explorateur-chercheur. et directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute, spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Il nous parlera des défis du temps face aux environnements changeants. Nicolas Fiolel, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales à l'Université Lyon 2 ainsi qu'à l'INSP. Expert des perspectives temporelles, il nous apportera un éclairage précieux sur la construction moderne du temps et ses impacts sur nos comportements. En somme, nous allons réfléchir à un autre rapport au temps. non linéaire, en harmonie avec nos rythmes naturels, et porteur d'une attention renouvelée vers la nature. Alors, embarquez avec nous dans cette exploration d'un futur où le temps ne nous contrôle plus, mais où nous apprenons à l'habiter autrement.

  • Speaker #1

    Bonsoir à toutes et tous, je suis Antoine Bach, adjoint au maire de Grenoble, en charge de la prospective et de la résilience territoriale. Vous êtes ce soir dans un événement Grenoble 2040. Grenoble 2040, c'est une démarche qui a été lancée en 2022 pour se donner le droit, les outils et le goût de penser l'avenir. Parce que climat, géopolitique, société, chaque jour porte son lot de nouvelles qui ne sont pas souvent très bonnes. C'est même mauvaise, je crois qu'on peut se le dire entre nous. Et nos réflexions, toutes nos actions du quotidien sont mobilisées par des réponses immédiates à nos problèmes. Et souvent, on n'a pas le temps et on n'a pas l'envie de... Penser à l'avenir parce que cet avenir, il est trop incertain et parfois, il est trop effrayant. Et pour se le dire entre nous, les grands bipèdes humains, comme les grands mammifères en général, nous avons toujours peur de ce que l'on ne connaît pas. Pourtant, penser le monde de demain en s'appuyant autant sur l'état des connaissances scientifiques que sur le pouvoir de nos imaginaires, c'est se donner, c'est se redonner une capacité d'action. S'autoriser à penser l'avenir, c'est se projeter dans l'action. ou pour le dire avec Gaston Berger, le père de la prospective à la française en 1959, voir loin, voir large, analyser en profondeur, prendre des risques et penser à l'humain. Dans le cadre de Grenoble 2040, nous organisons entre autres choses des cycles de rencontres. Nous avions rencontré le 11 juin dernier Arthur Keller, qui était venu nous parler des risques systémiques et des stratégies de résilience collective. Et le 18 décembre dernier, nous avions rencontré Olivier Hamand, qui était venu nous parler de la robustesse comme préférable, voire comme antidote à la performance. Aujourd'hui, dans cette rencontre, nous explorons deux spécificités, deux singularités, deux nouveautés. Déjà, nous allons faire dialoguer deux intervenants. Et nous allons aussi mobiliser des outils du design fiction. Je ne sais pas si je l'ai bien dit, mais on me le dira. Ce sont des outils d'exploration des futurs à travers des scénarios fictifs. et qui permettent de se projeter concrètement. Le temps, c'est une dimension fondamentale dans notre quotidien, dans notre organisation personnelle, notre organisation familiale, notre organisation professionnelle, notre organisation sociale. On parle d'urgence écologique, on parle d'urgence sociale. Toutes ces urgences que nous connaissons bien, elles interpellent même la notion d'urgence. Une urgence qui dure, est-ce que c'est toujours une urgence ? Les crises, la permanence des crises, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus vraiment de fin réelle, on sait quand elles commencent, on ne sait pas quand elles se terminent, elles s'enchaînent. Le jour du dépassement. des limites planétaires. En 1970, c'était le 29 décembre. En 2024, l'année dernière, c'est le 1er août. On a aussi un sentiment d'accélération. L'impression que le temps s'accélère. Quelle est la base réelle de ce sentiment ? Tout cela interpelle la construction de la notion de temps, notre rapport au temps actuel, et toutes les difficultés qui sont liées aux synchronisations. Il y a aussi des problématiques de santé liées au temps. Tout cela, on va l'aborder ce soir. Le temps, faut-il le prendre pour mieux s'en libérer ? Pour apporter un peu d'eau au moulin, nous aurons besoin d'au moins trois personnes. Donc, tout d'abord, Marie Leroy, qui est archéologue des futurs et qui a rapporté des éléments du futur que vous avez pu voir exposés dans l'entrée. Alors, comment elle l'a fait, ça, elle n'a pas voulu me le dire. Sans doute, elle n'a pas la permission pour me le dire. Mais en tout cas, elle essaie de comprendre ces éléments, de les décrypter à partir de nos connaissances actuelles. Et elle animera cette table ronde. Merci, madame. Christian Clot, vous êtes explorateur et chercheur. Donc, vous explorez. Et vous cherchez. Vous nous direz si vous avez trouvé, ce serait intéressant de savoir. Vous êtes directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute. Vous êtes spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Et vous partagerez votre expérience avec Deep Time, une mission un peu hors norme, durant laquelle 15 personnes ont vécu 40 jours dans une grotte, isolées de toute indication temporelle. Vous nous expliquerez comment le cerveau réagit face à un temps qui est incertain et comment est-ce qu'un groupe s'organise. sans les repères temporels. Bref, le monsieur qui enferme des gens dans des grottes, il est ici, donc je nous engage à être quand même plutôt prudent dans nos questions et dans nos rapports avec lui, il a l'air tout à fait aimable, mais bon, méfions-nous tout de même. Nicolas Fiolenne, vous êtes ici, merci beaucoup d'être présent. Vous êtes professeur et chercheur en psychologie sociale et en sciences comportementales à l'Université Lyon 2 et à l'Institut National du Service Public, l'INSP, anciennement l'ENA. Vous êtes expert des perspectives temporelles et du changement de comportement. Vous êtes fondateur. du Réseau international des perspectives temporelles. Je dis en français parce qu'il a un nom en anglais, je crois, mais c'est mieux en français. Vous accompagnez les collectivités et les organisations dans la transformation de leurs pratiques. Ça peut nous intéresser, la ville de Grenoble, je ne vous cache pas. C'est un petit clin d'œil pour le directeur général des services qui se cache tout au fond, merci. Et vous avez votre thèse, elle portait sur le rôle joué par le rapport au temps dans les problématiques de santé, très bien, et les processus de vulnérabilisation liés au contexte de précarité.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup pour l'introduction, Antoine. Bonsoir à toutes et à tous, je vous remercie au nom du groupement des archéologues du futur de la ville de Grenoble de votre présence ce soir. Comme vous l'avez compris, nous sommes regroupés ici pour découvrir et décrypter un futur de Grenoble que nous avons découvert lors de notre dernière expédition temporelle. Durant le temps à venir, nous allons vous partager des fragments de ce futur que vous avez déjà vu pendant l'exposition et vous faire un état des lieux de nos dernières interprétations. Au bout de cette rencontre, nous ne répondrons pas à toutes nos questions. Mais nous espérons repartir avec une meilleure compréhension de notre rapport au temps. Car en effet, dans ce futur, c'est bien notre rapport au temps qui est remis en cause, puisque nos successeurs ont semble-t-il décidé d'abandonner la montre et l'horloge. Aussi curieux que cela puisse paraître. Alors, comme je vous le disais, dans le futur que nous observons, il n'y a donc plus aucun signe des outils de mesure du temps que nous utilisons aujourd'hui. Ces personnages ne parlent d'ailleurs plus d'heures ou de minutes, ils parlent de cycles. Nous avons retrouvé d'ailleurs la notice de l'accessoire porté par la jeune femme que nous voyons dans la vidéo, qui est d'ailleurs ici sur la table. Apparemment, cet appareil s'appelle le septième sens et permettrait à deux individus de se synchroniser, par exemple pour organiser une rencontre. Parce qu'en effet, comment fait-on pour se retrouver s'il n'est plus possible de communiquer une heure de rendez-vous précise ? Je me tourne maintenant vers mes deux intervenants pour vous poser une première série de questions. Comment s'est construit notre rapport au temps tel que nous le connaissons ? Est-ce que les humains se sont toujours synchronisés avec des horloges et des montres ? Et dans quels objectifs ?

  • Speaker #3

    Merci pour la question qui est extrêmement vaste. Et merci pour l'invitation à parler de ce sujet. Alors, on parle de rapport au temps, on parle de notre rapport au temps. Je vais questionner la question, mais c'est le réflexe du chercheur, évidemment. Le nôtre, c'est-à-dire que quand on utilise ce pluriel pour le rapport au temps, on va faire référence à des... construction culturelle, bien évidemment, qui aujourd'hui nous amène à porter un certain regard sur notre rapport au temps et quand on dit nôtre, c'est des aires culturelles qui peuvent être très étroites, tellement étroites que j'ai mon rapport au temps qui va devenir individuel, qui est construit un peu collectivement, mais qui va devenir individuel. Donc cette question du nôtre, déjà, elle pose question de qui on parle, de quelle aire culturelle on parle, et est-ce qu'on risque pas de parler du rapport au temps d'une manière générale, alors qu'en fait on en a un regard très particulier. Le besoin de se projeter, le besoin de se synchroniser, le besoin de régularité, le besoin de certitude, tout ça peut nous apparaître évident, mais il n'est peut-être pas tant que ça. Et puis quand on parle de rapport au temps, on parle de rapport à quelque chose qui nous est presque extérieur. C'est-à-dire qu'on postule que le temps serait quelque part en dehors de nous et qu'on le percevrait. Ça, c'est un sujet qui est en débat depuis très longtemps. Aristote et Saint-Augustin en ont débattu à sept siècles d'écart sur... L'ontologie, c'est-à-dire est-ce que le temps existe ? Si oui, comment on en atteste ? Quelle expérience on en fait ? De quelle temporalité du coup on parle ? Est-ce qu'on parle de la durée ? Est-ce qu'on parle des rythmes ? Est-ce qu'on parle de l'espace qui s'ouvre devant nous ? Possiblement, sauf si on est renversé par un camion immédiatement, mais normalement on a un espace devant nous qui nous permet de nous projeter. De quoi on parle ? Et ça, ça amène des sujets qui sont passionnants puisqu'on se rend compte que ce rapport au temps dont on parle, c'est quelque part la domestication de quelque chose qui a été étrange. On domestique l'étrange par des récits et on domestique l'étrange par de la mesure. Et il y a un livre récent qui s'appelle « L'histoire de demain » , une courte histoire de demain, et qui montre comment on a progressivement eu cette envie de prévoir demain et de s'organiser pour pouvoir prévoir. Parce que quand on parle d'un rendez-vous, on parle de prévision. Et en fait, ce rapport au temps dont on parle, il existe depuis longtemps, dans le sens où on a toujours voulu trouver de la certitude pour trouver de l'organisation, et on ne peut pas. pouvoir prévoir, mais à différentes échelles. Donc quand on parle de rapport au temps, dans le domaine par exemple de la psychologie, on va parler de perception du temps. Ça, ça postule qu'il y a un temps qu'on va percevoir de manière plus ou moins juste. Est-ce que je vais savoir repérer si une durée est de 15 secondes ou de 20 secondes ? On parle de l'expérience du temps, de l'ennui que peut-être certains d'entre vous ressentent déjà pendant que je parle. Ça, c'est une expérience du temps. Donc le temps s'allonge ou alors il s'accélère, je sais pas. Il y a la représentation du temps, donc les métaphores qu'on va utiliser. Pour moi, c'est un cheval au galop. Pour d'autres, c'est un poisson dans l'eau. Pour des troisièmes, c'est un nuage. Bref, on a tous nos représentations du temps. Et puis, on a nos pratiques du temps. Et notre façon de mettre des choses dans nos agendas, de se préparer, etc. Et tout ça est chaque fois différent. Nos représentations du temps n'expliquent pas tout à fait nos pratiques et nos perceptions n'expliquent pas tout à fait nos représentations. Donc, ça veut dire que quand on parle de nos rapports au temps, c'est plutôt du pluriel. Donc tous ces différents rapports au temps qu'on peut avoir. Et il y a des aspects qui sont très sociaux, où on a besoin de se synchroniser, effectivement de s'organiser. Et si on cherche absolument à prévoir, il faut pouvoir prévoir. Et si on cherche à produire, il faut une organisation encore supplémentaire. Donc je dirais que ce qu'on voit dans ce qui est projeté, dans cette idée de perdre les horloges et de se synchroniser, je dirais que moi je vois très spontanément. Par exemple, j'ai dû enlever toutes les horloges de chez moi parce que mon fils est trop anxieux pour dormir. Donc on m'a dit, il faut enlever toute représentation du temps, toute présence du temps, tout, tout, tout, il faut tout enlever. Donc il a fallu enlever toutes les horloges, supprimer l'horloge sur le four, etc. Et ça, c'est quelque chose de, qu'est-ce que nous ferait la disparition du temps ? Et moi, j'assure la direction scientifique à la SNCF sur les sujets de psychologie sociale, j'essaye de faire supprimer des indices de temps. Parce qu'on est... tyrannisé par ces indices de temps parce que le temps s'impose comme extérieur et qu'il est tout le temps en train de nous projeter au passé, au futur et nous faire oublier le présent. Donc la disparition des horloges, je trouve que c'est presque une utopie très positive. La resynchronisation qui nous amène à nous mettre dans une forme de dépendance à l'autre par le biais d'un artefact technologique, c'est une réapparition d'une autre forme d'horloge qui pose un sujet intéressant, je trouve, qui est que ... On a eu besoin de se synchroniser pour être ensemble. La pandémie l'a montré, le confinement l'a montré. Dans nos études sur le confinement, il y a quand même 72% des gens qui ne savaient pas dire quel jour on était, spontanément comme ça. Donc ils étaient un peu perdus dans leur temps parce qu'on s'est désynchronisés. Donc ça montre le rôle des autres dans cette synchronisation, son intérêt pour avoir des œuvres collectives, mais aussi sa limite quand cette synchronisation, elle vise à produire, produire, produire, produire et à réduire le temps à une... quantité et à en oublier la qualité. Et ça, c'est un peu ce qui s'est passé. C'est pour ça que notre rapport au temps, je dirais qu'il a été d'abord très qualitatif et dans la vie d'un individu, il est d'abord qualitatif. Un enfant, un bébé a un rapport très qualitatif au temps, puis petit à petit, les répétitions vont construire un rapport plus quantitatif. Et puis on va lui apprendre l'heure, et puis on va lui apprendre à être à l'heure, et puis on va lui apprendre à respecter, à ne pas faire attendre, et donc on va quantifier petit à petit le temps. le spatialiser aussi, parce qu'on va commencer à le faire comme si c'était une unité linéaire, continue, etc. Et donc comme ça, on construit nos rapports au temps. Et on y reviendra, j'imagine, mais ça construit et ça rejoint une histoire de la modernité aussi, qui a voulu construire un rapport plutôt linéaire, promethéen au temps, pour pouvoir prévoir, pour pouvoir parier, pour pouvoir investir, pour pouvoir assurer, pour pouvoir faire marcher un modèle économique. qu'il ne marche que s'il y a ce rapport au temps très quantifié, très linéaire. Donc nos rapports au temps, ils se basent sur des indices qui sont des indices extérieurs évidemment, des régularités naturelles, qui parfois bâtissent une base de confiance qui fait qu'on peut jouir du présent, et qui parfois bâtissent des formes d'incertitude qui nous donnent envie de nous projeter vers demain. Je crois qu'on a fait des allers-retours dans l'histoire, il n'y a qu'à voir les outils de mesure du temps, on a fait des allers-retours jusqu'au moment où dans les monastères sont nés... Ces systèmes mécaniques de mesure du temps qui se sont déployés en même temps qu'une forme de modernité qui cherchait à produire beaucoup quelque chose et à faire du temps une valeur quelque part marchande. Donc voilà, nos représentations du temps, ça dépend des moments de l'histoire, ça dépend des aires culturelles, ça dépend à quel niveau on se situe. J'ai le mien, vous avez le vôtre. Collectivement, on peut en construire un par des formes de synchronisation. Mais c'est surtout cette immense... diversité, complexité qui est intéressante et qui fait que le temps est partout. et qu'à force d'être partout, à un moment donné, il disparaît. Dans mes travaux, c'est un peu ce qui s'est passé, c'est un peu la critique, c'est que pour un chercheur, le plus facile, c'est de travailler sur le temps, parce qu'on peut toujours la ramener, on peut toujours parler de tout, parce que le temps est absolument partout, à tel point que des fois, il disparaît un peu comme objet de recherche.

  • Speaker #4

    Il y a quand même un rapport très concret au temps pour nous, humains, c'est celui du temps cognitif d'utilisation de l'information qu'on reçoit. C'est-à-dire que quand vous recevez une information, votre cerveau, il met un temps à la traiter. Et ce temps de traitement, c'est quelque chose qui est... Vous ne percevez pas, quand vous avez un bip sur votre téléphone portable, vous ne dites pas, tiens, mon cerveau a mis trois secondes pour le comprendre, pour savoir ce qui se passait, tout ça. Pourtant, votre cerveau, lui, il le fait. C'est-à-dire que lui, il quantifie effectivement le besoin d'assimiler une information et de la gérer. Et une des choses qui explique, entre autres, cette difficulté qu'on a aujourd'hui de rapport au temps, c'est que la quantité d'informations que reçoit le cerveau aujourd'hui en rapport à ce qu'il recevait il y a un certain temps, est devenue considérable. On a fait une petite étude... qui est un peu compliqué, qu'on n'a pas tout à fait terminé, mais qu'on va publier en fin d'année, je pense, c'est que dans les années 1800, une personne recevait, en dehors des indicateurs profonds, le soleil, le réveil, la faim, tout ça, qui sont des indicateurs que tout le monde reçoit de manière similaire, on recevait chaque jour environ quatre injonctions temporelles dans le cerveau. Donc le cerveau, il les traitait. Aujourd'hui, on en a 2800 par jour. Vous voyez quand même la différence. de ce que le cerveau doit traiter. Donc ça, c'est très concret dans le cerveau, cette notion du temps. C'est-à-dire que ce n'est plus une notion effectivement évanescente qui est un concept qu'on a construit au fil du temps, comme ça vient d'être dit. Et ce basculement, il est intéressant parce qu'il y a eu quand même, dans les années 60, un basculement intellectuel du rapport au temps pour les humains qui a été assez important, qui paraît infime comme ça, mais qui va quand même redéfinir beaucoup de choses. C'est que jusque dans les années 60, 1962 pour être précis, le temps est déterminé. par les cycles naturels. C'est-à-dire qu'on a regardé le soleil qui se lève et qui se couche, puis petit à petit on a regardé à peu près comment on découpait le timing dans ce temps du soleil qui se lève et qui se couche, dans le temps de la Terre qui tourne autour du soleil et tout ça. Puis on a construit petit à petit d'abord les heures, puis ensuite on a trouvé que les heures c'était plus assez précis, on a construit les minutes, les secondes, et c'était toujours un découpage de ce temps naturel. Et puis dans les années 60, 62, il y a un grand congrès qui travaille sur... toutes les mesures du monde, qui travaille sur les mesures du mètre, du décimètre, tout ça, et puis qui se dit mais en fait, ce temps, qu'est-ce que c'est vraiment qu'une seconde ? Ce n'est pas assez précis parce que le temps de rotation de la Terre, il n'est pas exactement similaire tout le temps parce qu'il y a des petites modifications, ça nous embête un peu. Donc, il faut qu'on inverse les choses. Vous savez ce que c'est une seconde aujourd'hui pour la détermination d'une seconde ? C'est plusieurs millions d'oscillations de l'atome de césium. Voilà. Donc maintenant, une seconde, c'est plusieurs millions, c'est presque un milliard, d'oscillations de l'atome de césium qui définit une seconde. À partir de là, inversé, ce n'est plus la nature qui définit le temps, c'est nous qui avons imposé un temps à la seconde. Et on a reconstruit toute notre temporalité par rapport à ça. À partir de là, on a commencé à considérer qu'on était en maîtrise du temps, puisqu'on était capable de définir, déjà, qui peut compter quelques millions d'oscillations de l'atome de césium en une seconde. Si je vous dis ça, c'est quand même intellectuellement aberrant. On sait pas où on en est avec ça. Et donc, en fait, on s'est mis à... penser qu'on avait une maîtrise du temps. Ce qui n'est pas faux, mais qui n'est pas tout à fait juste non plus. Donc c'est vrai que ce temps, aujourd'hui, on essaye sans cesse de se le réapproprier. Et si je pose la question dans la salle, à main levée, comme ça, qui estime que vous avez toujours le temps de faire ce que vous voulez ? Ah, quand même, deux, trois mains qui se lèvent. À main levée toujours, on a cinq mains qui se lèvent. Qui estime dans cette salle encore que le temps va un peu trop vite aujourd'hui ? Un peu plus de mains qui se lèvent, merci beaucoup. Quand on regarde les sondages mondiaux aujourd'hui, quand on commence à travailler un petit peu là-dessus, notamment, il y a des grands champs d'études qui sont en cours et qui publient des grands rapports une fois tous les 15 ans sur la perception temporelle, sur des choses comme ça. Aujourd'hui, on a quasiment 80%, on a 79% de gens dans le monde, que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, qui considèrent que le temps va un peu trop vite, qu'on n'arrive plus à suivre. et qu'on nous demande un peu trop souvent de faire plus avec moins. Ça, je pense que dans les entreprises, vous avez déjà entendu ça, on en reparlera pour la ville de Grenoble. Donc, tout ça, ça devient des rapports au temps qui se sont déréglés un petit peu, parce qu'en fait, on n'est plus tout à fait capable de sentir ce qu'on fait. Et ça s'explique en partie, alors pas que, j'insiste, mais en partie, par cette quantité d'informations que reçoivent chacun de nos cerveaux, qu'on doit traiter. Le moindre petit bip sur un téléphone portable, le moindre petite notification, c'est un temps cognitif. Il n'y a pas de miracle. Vous pouvez dire non, non, mais ce n'est pas grave, c'est juste un bip, je m'en fous. Mais ce n'est pas vrai. Le cerveau, il ne s'en fout pas. Il entend un bip. Qu'est-ce qu'il se dit le cerveau ? Il se dit tiens, est-ce que c'est ma mère qui encore une fois me dit viens dîner ce soir ? Ou est-ce que c'est ma banque qui m'appelle pour me dire « On vient de vous prélever l'ensemble de votre compte et vous n'avez plus d'argent. » Le cerveau, il se dit tout ça, donc il doit contrôler à un moment donné. Il ne peut pas faire autrement. Il a ce besoin de se dire « Mais c'est quoi ce bip ? C'est quoi cette lumière ? C'est quoi ce son ? C'est quoi cette information ? » Et en fait, il est tout le temps en train de faire ce calcul. Et s'il y en a trop, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Pour finir, on ne s'en sort plus et notre rapport au temps se dérègle parce qu'on n'est plus capable de faire ce dont on a fondamentalement besoin. Le cerveau a besoin de ça. Ce n'est pas... quelque chose, c'est de ne pas avoir d'injonction. C'est-à-dire de se laisser aller. Ce côté de se laisser penser, de ne rien faire, de laisser le cerveau en free-floating, comme on dit, est une nécessité à la construction mentale. Quand on n'a plus ça, on ne développe plus de compétences à l'imaginaire, on ne développe plus de compétences à créer le futur. Et une des choses intéressantes avec la Covid, comme ça a été cité tout à l'heure, c'est cette perte de notion du temps. Il y a une deuxième perte qui a été fondamentale, c'est pour ça qu'on a monté l'expérience Deep Time, perdre de la projection future. Les gens n'arrivaient plus à se dire j'ai envie d'un futur. Et ça, c'est tout à fait lié au temps. On pourra peut-être en reparler un peu, mais c'est déjà très long nos réponses.

  • Speaker #2

    Je vous remercie pour ces premiers éclairages. Et donc, avant de passer à d'autres questions, je souhaitais revenir sur le test de chronocompatibilité. Il semblerait que dans ce futur, le rythme de chacun chacune soit donc pris en compte lorsqu'il ou elle rejoint une nouvelle équipe de travail. Et ce test semble permettre de comprendre si une personne se sent mieux et donc travaille mieux le matin, le soir ou à d'autres rythmes moins traditionnels. Il semblerait également que dans ce futur, les équipes de travail soient composées en fonction de leur compatibilité de rythme de travail. Et donc, la synchronisation devient finalement un enjeu central du monde du travail. Alors, je me tourne une nouvelle fois vers vous pour vous demander, existent-ils différents modes de synchronisation et comment un groupe... peut-il se synchroniser lorsqu'il n'a plus accès à des informations temporelles ?

  • Speaker #4

    Bien ! Non, c'est intéressant parce que ça relie un tout petit peu à ce qu'on a fait avec l'expérience Deep Time où on s'est mis pendant 40 jours dans une grotte à 15 personnes. Et puis c'est vrai que là, vous coupez toute information. Le basculement, il est intéressant. Vous vous retrouvez dans un monde où vous ne savez plus où vous en êtes. Et dans l'histoire de ce genre d'études qui a commencé dans les années 60, avec... Vous avez sûrement entendu parler de Michel Siffre. C'était quelque chose de terrifiant, en fait. C'est-à-dire que les gens faisaient plutôt des dépressions quand ils sortaient. C'était difficile de gérer ça. Alors, on ne sait pas trop pourquoi. Il y a plein de choses qui sont au-delà de la notion du temps. Alors qu'aujourd'hui, quand on se met à 15 dans cette grotte, finalement, au bout d'un moment, on ne se sent pas si mal, voire même plutôt bien. Et c'est vrai qu'il y a des cycles. Alors, je ne vais pas vous parler des cycles adaptatifs parce que c'est un autre sujet et puis on n'a pas le temps aujourd'hui. Il y a des cycles qui vont se mettre en place, qui vont faire que chacune et chacun va à un moment donné avoir besoin, mais fondamentalement besoin, de se réapproprier cognitivement sa propre temporalité. Et ça se fait plus ou moins bien dans un temps plus ou moins court, plus ou moins long. Ça dépend des cadres, ça dépend des gens. Sur les 15 personnes, on a 15 typos chronobiologiques différents, un petit peu. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment donné, on va effectivement quand même se coucher quand on est fatigué. On se lève quand on a assez dormi, on mange quand on a faim. petit en fait on est de moins en moins fatigué dans un certain sens votre cerveau reprend cette maîtrise dont je vous parlais et vous vous sentez bien parce que finalement vous êtes dans un univers qui vous laisse le temps de cette génération mentale donc du coup vous recréer de la création d'imaginaire de la projection et petit à petit vous retrouver une marque qui est la vôtre et après effectivement faut que cette marque est la vôtre puisse aller vers celle des autres alors quand on n'a rien à faire finalement c'est pas très grave Quand on a un travail à constituer, on constate qu'il faut arriver à trouver les marqueurs qui permettent à chacun de faire ce travail. Et une des choses qui va se marquer, c'est qu'on ne peut plus forcément fonctionner en se disant « toi, tu as ce travail, toi tu as ce travail, toi tu as ce travail » . Parce que si vous devez travailler ensemble et que vous n'êtes pas au même moment, au même endroit, c'est compliqué, on ne peut pas se donner rendez-vous. Donc il vaut mieux avoir des personnes qui sont capables de faire différentes choses, avec différentes personnes qui sont capables de faire la même chose. Et puis finalement, le travail se fait parce qu'au moment où les gens sont là, ils sont capables de travailler ensemble. Et en fait, on a un travail qui est quasiment aussi qualitatif. Alors, il faut un peu de temps pour que ça se mette en place. Ce n'est pas immédiat, mais quand on arrive à mettre en place ce travail, le travail est très qualitatif. Donc, en fait, on peut faire plein de choses. Alors, je ne prétends pas qu'on puisse vivre totalement. Moi, j'y crois. Enfin, l'histoire qu'on va pouvoir tout fonctionner sur une synchronisation. D'ailleurs, ça me terrifierait ce que vous montrez là. À chaque fois qu'on a voulu... Trouver des solutions pour mettre des gens ensemble sur des bases similaires. Il y a un mec qui a essayé en 1940 sur les blancs caucasiens et compagnie. Jusqu'où on va dans la capacité de se dire, toi tu as le même profil que l'autre, donc on te met ensemble, si tu n'as pas le même profil, tu ne peux pas aller avec l'autre. Ce serait terrifiant intellectuellement. Et ce serait même aberrant parce que ce qu'on constate, c'est que... avec des personnes dont on n'a pas le même profil de chronotype, finalement, on se voit à des moments différents. Mais le moment où on se voit, c'est très qualitatif, potentiellement. Et c'est dans ces échanges-là qu'on crée quelque chose de merveilleux. Donc, je pense que ce que nous apprend ce genre d'expérience, ce n'est pas tellement de vouloir déterminer les gens par leur chronotype ou leur chronophysiologie, c'est de constater un besoin fondamental sur lequel tout le monde sera d'accord dans cette salle, ou presque. qu'on doit réussir à réduire un peu le nombre d'injonctions qu'on reçoit quotidiennement. C'est intéressant. Peut-être qu'on en parlera un petit peu sur ce travail avec la SNCF. Alors, eux, ils ont quand même assez bien compris de free floating à la SNCF. Je veux dire, ils arrivent quand ils veulent quand même. Donc, ils ont pas mal compris ton système, finalement. Surtout à Grenoble. Mais on en parlera un peu parce que je trouve ça extraordinaire de commencer à redéfinir un tout petit peu ce besoin constant. d'avoir quelque chose à faire ou de se faire imposer quelque chose à faire. Ça c'est un vrai sujet et vraiment, dans la grotte, en tout cas c'est ce qui ressort de nos travaux scientifiques aujourd'hui, on va bientôt les publier, il y a une évidence que nous avons régénéré des fonctions cognitives de par le fait d'avoir moins d'imposition temporelle. Ça c'est, aujourd'hui on a les données scientifiques pour le dire. Donc c'est quand même super intéressant. C'est-à-dire que je ne suis pas en train de dire qu'il faut couper la technologie, moi je ne me passerai pas de mon téléphone parce que c'est nos vies, on en a besoin, on communique d'ailleurs. Même là, on communique avec ses parents, tout ça. Mais on doit se poser la question de savoir quand est-ce qu'on utilise ces outils et qu'ils sont merveilleux, et quand est-ce qu'on ne les utilise plus. Quand est-ce qu'encore une fois, dans une entreprise, on décide de mettre tout le monde dans la même boucle, quand c'est qu'on décide qu'on n'a pas forcément besoin que tout le monde soit au courant de tout. Toutes ces notions-là, c'est plutôt là-dessus, je pense, qu'on doit travailler pour redéfinir ce rapport aux besoins du temps.

  • Speaker #3

    Non, je trouve que les expériences de privation sensorielle sont toujours très intéressantes. Il y en a beaucoup et elles relèvent à la fois de stratégies méditatives, de méditation, de focalisation, d'essayer de retenir toutes les sollicitations extérieures par des formes aussi internes, de réduction des rythmes, etc. Donc, il y a quelque chose qui aujourd'hui fait l'objet d'une vogue aussi, que les gens recherchent de sortir du temps. de trouver des expériences hors du temps. On a pu le chercher longtemps avec la drogue, parfois avec l'alcool, parfois avec des grottes,

  • Speaker #4

    parfois avec...

  • Speaker #3

    Chacun trouve son... Et puis, il y a par ailleurs, de la même façon, cette privation sensorielle est aussi une technique très connue de torture qui, à Guantanamo, a beaucoup servi avec cette privation sensorielle qui était organisée. Il y a des psychologues qui ont publié là-dedans pour expliquer à quel point c'était bien pour mettre quelqu'un en vulnérabilité. Et c'est une vraie stratégie parce qu'elle génère aussi des sentiments d'incertitude, surtout quand des événements peuvent apparaître.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire hors d'un contexte très contrôlé. Être dans une privation des repères, etc., ce n'est pas si grave, sauf au moment où un événement surgit qu'on ne peut pas s'expliquer, où là, le caractère traumatique est encore plus fort, parce que ce qui va nous permettre de réagir à une incertitude, c'est justement de se projeter dans le temps. Un danger, ne pas activer que des automatismes, c'est pouvoir élargir l'espace temporel dans lequel on pense, pouvoir l'élargir vers le futur, vers le passé. et l'élargir aussi vers les autres. Ça va ensemble, ces formes de distance, et du coup, trouver de la marge de manœuvre. Et du coup, cette question des repères temporels, c'est un fragile équilibre entre une sécurité collective, on a besoin d'un temps collectif, on a besoin d'un temps qui ne soit pas purement individuel, mais où on s'accorde un peu avec les autres, et c'est aussi des plaisirs qu'on va chercher dans des concerts, dans des rituels, et depuis toujours, les sociétés ont organisé des rituels pour trouver ces temporalités collectives. qui rassurent et en même temps ne pas être dans ce qu'on a fabriqué aujourd'hui, c'est-à-dire ces sur-sollicitations permanentes qui font qu'en fait ce temps est devenu une véritable prison dans lesquelles on a tellement de repères. C'est un peu comme au Covid et je peux parler de la SNCF, tous ces marques qu'on a mis au sol et qu'on faisait dans l'espace, ce qu'on a fait avant dans le temps, on a mis des repères partout et il fallait se mettre dans les cercles pour éviter d'être trop près des autres. Et ça, je trouve que ça pose la question aussi, non seulement de la quantité du temps, temps qui est importante, mais une fois de plus, la qualité des expériences, c'est-à-dire des émotions que le temps évoque, qui ne se partagent pas toujours de la même façon et où un temps du plaisir ne va pas du tout ressembler à un temps de la peine ou à un temps de la peur. Et que je crois que là encore, il y a ce caractère très sensible, très incarné du rapport au temps. Je pense que parfois, on a des expériences du temps, enfin je pense, on sait qu'on a des expériences du temps qui sont d'abord physiologiques. et qui ne sont représentés qu'ensuite. Je parlais de l'ennui, ça peut être de ce sentiment de pression temporelle, ça peut être le sentiment d'impatience, etc. Et c'est des choses qui arrivent avant même qu'on ait pu vraiment se représenter de quoi il s'agissait. Et donc ça montre aussi que ces signes temporels qu'on a tout le temps, ils visent aussi à dompter quelque part, à domestiquer une fois de plus, des choses assez spontanées qu'on peut avoir. d'envie de ne plus penser au futur, d'envie de passer du temps à penser au passé, etc. Et je crois que les signaux qu'on a sur nos téléphones, c'est rarement des signaux pour nous dire « Où es-tu ici, maintenant ? Est-ce que tu es dans le présent ? » C'est toujours des choses pour nous dire « Qu'est-ce que tu pourras faire ? » « Qu'est-ce que tu as fait ? » « Qu'est-ce que tu vas faire ? » etc. Donc ça cherche à nous faire sortir du présent la plupart du temps pour essayer de nous emmener vers le passé ou vers le futur. Et donc ces rapports au temps et ces enjeux de synchronisation, je pense qu'aujourd'hui on a... Un vrai problème avec la quantité d'informations temporelles. Je suis tout à fait d'accord. On travaille avec la métropole de Lille, par exemple, sur la sobriété informationnelle et une forme de sobriété cognitive. L'organisation essaye de se mettre en ordre de marche pour créer de la sobriété cognitive. Donc, on va enlever des informations le plus possible. On le fait effectivement à la SNCF. On l'a fait. On a enlevé des informations temporelles. On a essayé de voir entre une information d'une heure d'arrivée et une information... qui est de durer avant l'arrivée, qu'est-ce qui est le plus intéressant ? Est-ce qu'il faut aussi dire l'heure depuis combien de temps un autre train est parti, etc. ? Parce que toutes ces informations temporelles, elles créent effectivement ce sentiment d'urgence ou de rapidité. Il faut savoir que de toute façon, plus la vie avance, plus le temps passe vite. Donc ça, dites-le vous, plus vous vieillirez, plus le temps passera vite. Et ça, c'est un mécanisme absolument inévitable qui est dû à plein de choses. Mais il faut se le dire, moi je le vis, à quelle vitesse ça va, c'est incroyable. Bref,

  • Speaker #1

    tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a cette accélération, cette accélération pour moi ça tient à cette multiplicité des signes, ça tient aussi à l'absence de perspective, c'est-à-dire qu'on est dans un monde qui est de plus en plus incertain, on a parlé des crises, et évidemment quelque chose dans lequel on ne peut pas se projeter vers l'avant donne le sentiment qu'il passe plus vite. Parce que quand on ne peut plus se projeter loin, quand on n'a plus de distance devant soi, on va prendre des repères qui sont immédiats et ces repères s'enchaînent très vite. C'est-à-dire que tout ce qui était de l'ordre de la transcendance et de la métaphysique, c'est-à-dire ce qu'on ne voit pas, le futur lointain, au-delà de l'horizon, des choses plus grandes que nous, qui nous donnaient le sentiment d'un monde large, toutes ces choses-là se sont refermées. Donc on refermait ce qu'on appelle l'espace psychologique, la distance psychologique avec laquelle on envisage nos vies au quotidien. Et évidemment, quand le regard est étroit, quand le champ de perception est étroit, les choses passent tac, tac, tac, tac, tac, tac, comme ça. C'est comme si vous regardez par la fenêtre d'une voiture, vous regardez les arbres, ils passent très vite. Si vous commencez à regarder le bout de la route... Les choses ne sont pas à la même vitesse. Et on a un vrai enjeu, je trouve, on le sait, de court-termisme, d'urgence permanente, de centration sur le présent, de difficulté à lever le regard et à retrouver de l'espace, de l'espace pour penser. Dans les organisations, tout le monde dit qu'on manque de recul. On a le nez dans le guidon. Ça veut exactement dire ça. Et ça, je pense que c'est une question de multiplication de l'information, mais c'est aussi une question de... des formes de stabilité qui se sont effondrées. Des fois, on parle des récits collectifs, des fois, on parle des formes collectives d'organisation, etc. Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui se soutenaient et dans les études dont tu parlais, nous, on fait des enquêtes au niveau international, donc c'est 142 pays, c'est vraiment sur tous les continents, sur ce qu'on appelle les perspectives temporelles. Les perspectives temporelles, c'est à combien on se projette, à quelle distance on se projette. Et est-ce que ce qui est dominant, c'est notre projection dans le futur, notre projection dans le passé ou alors notre centration sur le présent ? Et on voit les espaces se refermer, on le voit. C'est-à-dire que ça fait des dizaines d'années qu'on voit le temps dans lequel les gens se projettent en certitude qui se réduit de plus en plus. Et ça, ça arrive à un moment où dans nos sociétés, on continue à survaloriser tout ce qui concerne la projection dans le futur. C'est-à-dire qu'on est dans une situation où tout le monde nous demande de faire des projets dans un contexte qui est parfaitement incertain. Et ça, ça produit des injonctions contradictoires qui sont difficiles à tenir. Et je crois que la crise climatique, les différentes crises qui s'annoncent, vont rendre le futur encore plus incertain. Et que si on ne bâtit pas des formes différentes, des rapports autant différents, on n'arrivera pas à s'adapter à ces situations de crise ou à se réadapter à ces situations de crise, qui sont des situations effectivement de surcharge d'informations, mais aussi d'extrêmement grandes incertitudes. Comment on se projette dans le futur quand ce futur est parfaitement incertain ? Et est-ce qu'il ne faut pas que ce futur redevienne de l'avenir ? Parce que les mots sont importants. Entre le futur et l'avenir, il y a une grande différence. Le futur, c'est ce vers quoi on va. L'avenir, c'est ce qui vient vers nous. Le futur, c'est l'horizon vers lequel on se projette. L'avenir, c'est ce qui nous arrive en face dans l'horizon. Et on a un peu trop pris l'habitude d'en quelque sorte coloniser l'avenir par le futur. C'est-à-dire que dans ce qui vient, je vais mettre du projet plutôt que de laisser venir. Et ça, ça produit trop d'informations, ça produit un sentiment de contrôle qui est trompeur et ça produit une forme d'accélération et de mise sous dépendance. Et c'est extractiviste comme mode de pensée aussi, parce que s'il faut que l'avenir ressemble au futur qu'on a décidé, on va faire la place pour que ça existe. On va prendre les ressources qu'il faut pour que ça existe. Les relations de domination entre personnes, c'est avoir un projet pour l'autre plutôt qu'accepter son avenir. Et il y a tout un tas de choses comme ça qui sont inscrites au cœur de nos représentations du temps, qu'il faudrait qu'on questionne aujourd'hui. On pourra revenir sur la logique de récit, par exemple, qu'il faudrait qu'on questionne. Mais cette question du rapport au futur et à l'avenir, je crois qu'elle est vraiment, vraiment, comment dire, tellement piégeuse, tellement pleine de pièges, parce qu'il y a des choses qu'on pense sans même savoir d'où vient cette pensée. Et ce que je disais au début sur cette construction d'un rapport à l'avenir qui est en fait devenu un rapport au futur, et que ce rapport au futur nous piège tous dans des modes qui sont des modes de domination de l'environnement. de prise de possession sur ce qui nous entoure, ils sont quand même un peu à la source des problèmes qu'on a. Puisque quand on regarde, par exemple, l'historique de la notion de projet, l'historique de la notion même de projet, ça suit l'historique de nos émissions carbone. C'est quand même intéressant.

  • Speaker #1

    Il y a une chose assez fondamentale qui se joue là, dans tout ce qui vient d'être dit. Il y a une chose assez extraordinaire, c'est qu'on a ce... ce besoin, et il y a un vrai besoin très marqué chez beaucoup de gens, de la réappropriation du temps présent. C'est vrai avec le yoga, c'est vrai avec la mindfulness, avec la méditation, toutes ces choses-là. Il y a des vrais mouvements de dire qu'on doit se réapproprier notre présent. Et pourtant, il y a cette notion, on est toujours le nez dans le guidon. En fait, le présent nous fait peur et à la fois, on veut se le réapproprier. Donc en fait, c'est une vraie difficulté aujourd'hui mentale qu'on impose aux gens. C'est une sorte d'ajonction contradictoire aussi d'être capable aujourd'hui de se redéfinir dans son temps présent. Tout en effectivement acceptant que, n'ayant pas de maîtrise idéale sur un futur, on doit laisser aussi ce futur vivre pour ce qu'il va être. Et ça, c'est quelque chose qu'on n'est plus tout à fait capable de faire. Je ne sais pas si on l'a été par le passé. Je ne suis pas archéologue du futur ou de l'ancien, mais on a toujours eu ce besoin-là. C'est vrai qu'on doit se redéfinir par rapport à ça. Et je pense que le niveau intéressant pour le faire, là où la temporalité est la plus intéressante, C'est clairement dans les communautés d'une ville, d'un espace, d'une municipalité, parce que là, finalement, il y a besoin de prendre des décisions à long terme. C'est comme dans les SNCF, elle ne peut pas prévoir de construire une ligne de chemin de fer en 5 minutes. On sait que ce sera des travaux très longs. Et pourtant, on doit offrir à nos populations, populations qui nous entourent, des capacités de se réapproprier un temps court. Donc on a vraiment cette double nécessité intéressante, avec une chose qui me paraît fondamentale dans deux mots. qu'on utilise beaucoup, collaboration, coopération. La collaboration, c'est on fait ensemble. La collaboration est une définition même du temps. C'est-à-dire que pour faire ensemble, on doit avoir une temporalité qui nous convient. C'est-à-dire, je te donne un rendez-vous, on fait ensemble. Si je viens chez toi pour acheter du pain, on passe quelques secondes ensemble, on fait un truc. C'est le geste et l'acte. La coopération, c'est la volonté de réussir ensemble quelque chose. Elle s'absout de ce besoin de temporalité obligatoire. C'est la notion qu'on doit faire ensemble pour réussir quelque chose. Et on n'a pas réussi si tout le monde n'a pas réussi. Ce n'est pas juste moi je réussis et les autres iront bien s'ils allaient me suivre. C'est ensemble. Et pour ça, ça nécessite du temps. Ça nécessite une resynchronisation de nos différentes personnalités. Et c'est d'une puissance qui est extraordinaire en fait. Parce qu'on fait énormément de choses avec cette coopération. Là où on est condamné à être dans une course en avant avec la collaboration. Je vous invite dans vos entreprises, dans vos municipalités, un peu partout, à plus coopérer et peut-être un peu moins collaborer. Merci pour ces précisions. Je vous demande donc, est-ce que certaines personnes ou groupes de personnes rencontrent plus de difficultés à se synchroniser que d'autres ? Existe-t-il des inégalités face à notre rapport au temps ?

  • Speaker #0

    Oui, alors à plein de niveaux. Moi, je suis rentré dans la question du temps par l'expérience de la précarité dans ma famille, l'expérience de cette incertitude tout le temps. Cette expérience d'agence intérime qui disait le temporaire en permanence, avec un point d'exclamation, comme un idéal, etc. Et effectivement, et ça a été écrit récemment par Nicolas Duvoux, qui est le directeur de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, l'avenir confisqué, dans le sens où effectivement, il y a des conditions de vie qui rendent ce futur, qui est pourtant survalorisé, nécessaire, etc. Impossible à... percevoir et à anticiper de manière sereine. Parce qu'on ne sait jamais de quoi demain sera fait, parce que le budget n'est jamais bouclé, parce que l'emploi n'est jamais garanti, parce que la santé est vacillante, parce que le logement n'est peut-être pas garanti non plus, etc. Et les précarités se multiplient, s'ajoutent les unes aux autres, etc. Et évidemment, dans ces contextes-là, faire un projet comme le demande n'importe quel service social, c'est infaisable. Donc on a quelque chose qui est... qui est une inégalité, mais qui n'est pas une inégalité tellement parce que les gens n'auraient pas les ressources pour se projeter dans le futur. C'est une inégalité qui se construit par le fait qu'on valorise le futur parce qu'il n'est accessible qu'à une partie de la population. C'est ce que j'appelle un privilège. Le futur est un privilège, il a été construit comme un privilège. Et donc, un enfant qui doit réussir à l'école, ça doit être un enfant qui accepte de se tenir assis, de ne pas bouger, de ne rien vivre au présent. que quelque chose qui peut-être lui ramènera quelque chose dans le futur. Un demandeur d'emploi qui essaie d'avoir de l'aide et du soutien, il doit d'abord faire un projet, donc il doit d'abord attendre, se projeter dans le futur et à cette condition-là, peut-être qu'il arrivera quelque chose. Un étudiant qui réussit, c'est un étudiant dont on perçoit qu'il a un projet. Un étudiant sans projet, on n'a presque pas envie de le prendre et de le sélectionner. On a eu des études intéressantes là-dessus. On a montré à des étudiants en psychologie, ils sont gentils comme tout. Ils sont là pour aider les autres, donc ils sont vraiment adorables. Les étudiants en psychologie, on leur montrait des questionnaires sur le temps déjà remplis. Parce qu'il y a une échelle de mesure du temps qui s'appelle la ZTPI, qui permet de mesurer les perspectives temporelles dans des organisations, chez des gens, etc. Et donc, on leur montrait des questionnaires déjà pré-remplis en leur disant « ça, c'est le questionnaire d'un étudiant, qu'est-ce que vous en pensez ? » Il y avait des questionnaires qui étaient remplis avec des réponses du type « j'aime me projeter dans le futur, je fais des projets, je fais aboutir mes projets. » Un autre qui était... Je vis au jour le jour, je vis dans le présent, je ne me soucie pas trop du futur. Et on leur demandait de juger. Alors, celui qui était dans le futur était jugé plus intelligent que celui qui était dans le présent. Celui qui était dans le futur avait de meilleures chances de réussite que celui qui était dans le présent. Quand on prenait quelqu'un dans son groupe, on prenait plutôt celui qui était dans le futur. Et quand on décidait d'aider quelqu'un, on décidait plutôt d'aider celui qui était dans le futur. Donc, ça veut dire qu'en fait, de manière implicite, on a totalement... assimiler une norme du futur qui fait que tous ceux qui n'ont pas les ressources, les conditions de vie qui rendent ce futur-là facilement appropriable, facilement bâtisseur de confiance, etc., tout cela sont exclus. Et on va reparler de la transition écologique, si on veut, on peut en reparler, la transition écologique, 90% du temps, elle consiste à dire, faites des efforts aujourd'hui, ça payera demain. Rien ne nous oblige à l'avoir comme ça, rien. En fait, la transition écologique, ça peut être un plaisir aujourd'hui, et ça va être plein de soucis demain, on pourrait le dire comme ça. Sauf qu'on a, et c'est pareil dans le domaine de la santé, il y a plein d'études qui montrent que la plupart des communications en santé, je vais prendre l'exemple que je prends souvent, le dépistage du cancer colorectal. Le dispositif de prévention consiste à dire que ce n'est pas très agréable sur le moment, mais faites un effort, ça va préserver votre santé future. Et donc, en fait, quand on se rend compte de ce que produit, par exemple, l'action publique, la communication, c'est tout le temps sous les mêmes registres temporels. C'est faisons un effort aujourd'hui, ça payera demain. Ça, ça demande à penser que demain va arriver, déjà. Ce n'est pas si facile dans la vie d'un individu, d'un humain. C'est long de percevoir demain. Un bébé, il n'y a pas de demain. C'est ici, maintenant, tout de suite. C'est des tyrans. parce qu'ils n'ont pas de sens du futur. Donc, ça met du temps à se construire. Et il y a plein de choses dans notre vie qui démentent cette capacité à prédire demain. Parce que souvent, demain ne se passe pas du tout comme c'était prévu. Et dans des vies où le demain n'arrête pas de démentir la prévision qu'on a fait, parce qu'on veut aller tirer de l'argent pour acheter une pizza. Finalement, on n'a pas d'argent. Les enfants sont derrière à attendre pour aller à la pizzeria. Il ne se passera rien. Au bout d'un moment, on arrête. On arrête. C'est le futur pas possible. Et là-dessus... Il se pourrait que des gens viennent en disant « et si on pensait à la ville de dans 20 ans, dans 30 ans, etc. » Ça active des régimes de temporalité qui peuvent être des régimes qui sont perçus en eux-mêmes comme un peu violents. C'est dire « mais attendez, vous êtes en train de me parler d'un espace, d'un horizon que je ne peux pas me payer. Je ne peux pas me payer votre futur. Ce n'est pas possible. Et ce n'est pas par manque de compétences, etc. C'est juste que toute ma condition de vie m'emporte. empêche de ça. Alors en plus, quand on va parler d'un futur meilleur, c'est encore plus difficile parce que je passe ma vie à essayer d'éviter les problèmes. J'en suis pas du tout à essayer d'atteindre du meilleur. Et on se rend compte comme ça qu'il y a une action publique, des normes, etc. qui sont excluantes par leur régime de temporalité. Parce qu'elles n'acceptent pas l'urgence, parce qu'elles n'acceptent pas une forme de précarité, parce qu'elles ne laissent pas place au présent, parce qu'elles ont l'impression que si on leur enlève le futur, l'optimisme, le projet, elles n'auront plus rien. Et je plaide sans cesse à tous les niveaux pour qu'une action publique, qu'elle soit administrative ou d'un collectif habitant, etc., se construise certes dans l'optimisme, mais dans l'optimisme du présent. Et là, je voudrais proposer quelque chose, c'est qu'on arrête de mettre le présent au singulier et qu'on parle des présents, la pluralité des présents. Allons chercher l'imaginaire là. dans la pluralité des présents, dans les mille façons qu'on a tous de vivre le moment ici, maintenant, c'est porteur d'imaginaire, c'est porteur de rêve, c'est porteur de créativité, et c'est un peu moins porteur d'exclusion par anticipation, qui serait dire, ici, on va parler du futur, donc tous ceux pour qui le futur est un espace d'anxiété, vous ne serez pas, vous ne ferez pas partie de la discussion. Et ça, j'en parle d'autant mieux, je vais prendre mon autre fils, qui, lui, ne veut plus penser au futur. Du tout, du tout. Et ils ont fait une tribune dans leur lycée. Ils ont interpellé le conseil d'administration en disant, faites quelque chose parce qu'on ne peut pas continuer des études comme ça alors qu'on ne peut pas penser au futur, qu'on en a tous peur. Tous peur et on a le sentiment que vous ne faites rien. Et ils étaient en train de dire, prenez soin de notre présent, de nos présents. Arrêtez de nous pousser là avec les parcours sup, etc. Arrêtez de nous pousser vers le futur. Prenez soin. de notre présent ou prenez soin de nos présents. Ça, je pense que c'est vraiment, pour moi, quelque chose d'important. Et la logique des récits, parfois, ou ces démarches qui consistent à dire on va imaginer la vie dans 50 ans, des fois, il faudrait rééquilibrer avec prenons conscience de la pluralité de la vie ici et maintenant. Et construisons des endroits où ça peut s'exprimer. Et je rejoindrai pour finir vraiment ce qui a été dit sur... Tant court, tant long, l'idée n'est pas de choisir l'un plutôt que de l'autre, mais d'être capable de naviguer entre les deux. Ce qu'on appelle la flexibilité cognitive, ce qui aujourd'hui est au cœur d'un certain nombre de travaux pour dire qu'il faudrait qu'on soit capable de naviguer entre les distances, de tenir compte du petit présent dans lequel on est, au rapport de quelque chose de plus vaste, d'un présent plus global, éventuellement d'un avenir. Et ça, je pense que c'est quelque chose de vraiment important parce que dans la compréhension de l'autre, dans l'empathie de la temporalité de l'autre, parce qu'aujourd'hui, il y a des hypothèses d'intelligence temporelle. Vous connaissez peut-être l'intelligence émotionnelle. Il y a plein d'endroits et plein d'organisations où il faudrait de l'intelligence temporelle, c'est-à-dire un manager qui voit un agent arriver dans un certain état qui ne comprend pas qu'en fait, l'agent était en train de traiter une urgence et qu'il est dans un état d'esprit d'urgence et qui lui dit « Attends, je vais aller en parler, on va faire une note, on va faire une réunion et on verra plus tard sans accueillir l'urgence. » Donc, cette idée d'intelligence temporelle, elle provient beaucoup de la capacité à... à se mettre dans un état d'esprit d'immédiateté, d'urgence, ou peut-être l'autre, de rentrer dedans. d'être capable de l'accepter, de ne pas se sentir stressé soi-même, d'être capable de l'accepter comme une pluralité temporelle et éventuellement d'accompagner vers soi, c'est-à-dire de faire venir, etc. Et ces jeux de distance sont intéressants. Je reprends l'exemple de la métropole de Lille, puisqu'on a fait toute une recherche-action avec les managers de la métropole. Et en fait, le cœur du sujet, on est venu à ça, sur le sujet du temps et le sujet de ces distances. Je pense que ça passe aussi par une prise de conscience des dimensions interculturelles du temps, des variétés. Et je recommande à tout le monde les tribulations d'un psychologue social du temps, de Robert Lévin, et qui explique comment il y a plein d'endroits où on ne se donnera jamais une heure. Ce n'est pas vrai, on ne se donnera pas rendez-vous avec une heure. On se donnera un indice vague, mais extrêmement vague, et on a 3-4 heures pour arriver. Et ce n'est pas grave. Voir, on arrive sans jamais avoir rien prévu. Et j'ai des amis qui n'ont pas tout à fait le même régime temporel que moi. Moi, il faut que ce soit comme ça. Encore, quand je vais au Danemark, je suis en retard tout le temps. Je ne suis jamais à l'heure. Quand je vais dans d'autres pays, c'est un peu l'inverse. Et donc, il y a des régimes aussi. Cette pluralité-là, elle est aussi importante parce que dans nos vies, on sait qu'il y a des moments où être à l'heure va être tellement important et on va en jouer et ça va être important. Et si quelqu'un est en retard, on va le prendre très mal. Et il y a d'autres moments au milieu de l'été, en pente douce, à la fin du jour, quand il s'agit d'un apéro, qu'on soit là à l'heure ou pas, on n'a plus rien à faire. Donc ça montre aussi à la fois les variations culturelles, les variations situationnelles, et comment en fait il y a une forme de flexibilité, d'acceptation, de non-jugement, de psychologie. Je pense qu'il faudrait qu'on soit tous un peu plus psychologues dans le sens de comprendre un peu tout ça, pour accepter aussi qu'il n'y a rien de complètement déterminé tout le temps, qu'il n'y a pas de règles, et que les... C'est ce que disait, c'est essayer de montrer d'Ali, il faut que les horloges se liquéfient. Elles peuvent rester, mais qu'elles deviennent molles. Ça, ça nous arrangerait tous, je pense.

  • Speaker #1

    C'est une question qui peut se poser, je ne sais pas si ça serait la réponse à tout. Ce qui est certain, pour répondre déjà à la question, et après essayer d'aller sur des notions plus générales, si on avait tous la même synchronicité, ce serait un enfer. C'est très clair. C'est-à-dire que l'idée même que vous vous réveillez toujours exactement au même... à la même seconde que toutes les autres personnes autour de vous, que vous alliez toujours au même endroit, au même moment, exactement de la manière similaire et tout ça, ça se fait dans certains endroits, mais on est tous d'accord, c'est non seulement un enfer intellectuel, mais c'est aussi un appauvrissement terrifiant de notre capacité à faire société. Parce que faire société, ce n'est pas être toujours au même endroit, avec les mêmes personnes, au même moment. C'est avoir la capacité d'être ce soir ici, puis on ne se connaît pas toutes et tous, mais on se rencontre, on va parler un peu. Enfin, là, c'est plutôt nous qui parlons. L'idée est là, on vous écoute, à notre manière, et demain ce sera autre chose. Et cette notion que nous ne sommes pas sur la même synchronicité et que ça nous fait du bien, ça c'est une nécessité absolue. Ce serait la pire des choses qu'on puisse faire, de vouloir synchroniser de manière absolue un système social. Ça a été essayé, et ça a été des échecs patants. Donc on n'est pas là-dedans. Donc c'est très bien d'avoir des différences. Après, se pose la question d'une société qui doit vivre en commun. Et effectivement, de cette nécessité ou non de se dire, la vie en commune, est-ce qu'on a besoin de se donner des rendez-vous ou pas ? Je ne sais pas. En tout cas, on doit se définir dans un système comme une capacité à faire sens dans ce que nous nous sommes représentés les uns les autres. Et ça, c'est fondamental. C'est-à-dire que le décalage d'un système social vient quand on a des personnes qui voudraient un système temporel, et d'autres personnes qui voudraient un autre système temporel et qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord ensemble. Mais à un moment donné, ça ne marche plus. Donc, il faut trouver cette fluidité entre nous. Et ce qui est intéressant avec le temps, parce qu'on en a beaucoup parlé comme un objet philosophique, comme un objet générique, comme cette notion qui passe ou qui s'arrête, mais c'est surtout un pouvoir. Alors, c'est un mot qu'on n'aime pas toujours utiliser, mais pensez juste à quelque chose. Aujourd'hui, on demande aux gens, effectivement, de faire des efforts sur la notion du climat de demain, de l'environnement de demain et tout ça. C'est une notion qu'on doit construire demain par des actions d'aujourd'hui. C'est bien, pas bien, je ne vais pas juger ça. C'est des demandes. Et en fait, quand on demande aux gens, mais qu'est-ce que vous pouvez faire ? La plupart du temps, les gens ne savent pas trop. Parce que la réalité, c'est que pour construire un changement, un changement de système comportemental, ça ne se fait pas en cinq minutes. Le cerveau ne se transforme pas en cinq minutes. Il a besoin d'avoir un temps de compréhension de sa nouvelle donnée. Il a besoin d'un temps de mise en œuvre. Il a besoin d'un temps où il n'est plus d'accord avec sa mise en œuvre. Puis il a besoin d'un temps où il est de nouveau d'accord avec sa mise en œuvre, et ainsi de suite. Ça prend plusieurs jours, plusieurs semaines, ça dépend. Ce qui est certain, c'est que dans un monde d'hyperactivité et d'hypertemporalité, ce temps cognitif, cet espace cognitif pour prendre une décision de changement volontaire est quasiment nul. Donc on n'arrête pas de dire aux gens « changez » sans jamais donner de l'espace pour ce changement. Donc ça ne marche pas. Et on a tendance au contraire à dire aux gens « si on allait un petit peu plus vite, ce serait quand même super chouette » . Mais regardez, il n'y a pas si longtemps, on se faisait livrer en une semaine. Ou plutôt même, on allait soi-même acheter la chose dont on avait besoin. Aujourd'hui, il y a des gens qui vous disent « on va vous livrer en deux heures » . Ça ne marche plus. Ça veut dire qu'on n'arrive plus à faire la distanciation entre le désir de quelque chose et l'obtention de ce quelque chose. La plupart du temps, quand vous avez un désir et que vous mettez deux ou trois jours à le laisser vivre, vous allez réaliser que ce désir, d'abord, il a changé, il a évolué, peut-être même qu'il a disparu ou alors il a un autre besoin. Et vous allez agir différemment. Alors que là, si votre désir est tout de suite répondu de manière instantanée, finalement, c'est d'abord extrêmement coûteux. coûteux pour l'environnement et pour le système. Mais en plus, ça ne veut pas dire que ça répond à votre désir. Parce que justement, ce désir instantané que vous avez d'une commande, d'un besoin, d'une envie, n'est qu'une instantanéité cognitive qui va se modifier par définition avec le temps qui va passer. Donc, le premier pouvoir qu'on a de changement, en fait, par rapport à notre climat, par rapport à l'environnement et tout ça, ce qui coûte extrêmement cher aujourd'hui au système environnemental actuel, c'est la volonté de vitesse. Parce qu'il n'y a aucune façon d'accélérer quelque chose sans utiliser de l'énergie. Soit c'est de l'énergie physique, pétrole, électricité ou autre, soit c'est de l'énergie cognitive. Dès qu'on va aller plus vite, il faut utiliser plus d'énergie. C'est une loi physique sur laquelle on ne peut rien faire. Et donc la question c'est, a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ce n'est pas intéressant, chacun et chacune à notre échelle, de définir la vitesse à laquelle on veut quelque chose ? Est-ce que ce n'est pas intéressant de se dire, quand j'ai envie de quelque chose, je prends la décision d'attendre un ou deux jours avant de prendre la décision de l'avoir ? Mais rien qu'en faisant ça, faites un calcul sur 8 milliards de personnes sur cette planète. Parce que ce phénomène-là, on dit que c'est très occidental, mais ce n'est pas vrai, c'est partout. J'ai travaillé dans 60 pays. partout on a cette même envie donc ça veut dire que c'est vraiment une réappropriation personnelle déjà sans demander que ce soit les autres qui le fassent pour vous, une réappropriation personnelle de votre décision à utiliser le temps comme un pouvoir que vous avez pour décider de vos fonctionnements. Et là, si on commence à faire ça, si on commence à... Alors peut-être que dans cette salle, vous êtes déjà tous déconvaincus. Parce qu'on a tous ces besoins, on a tous ces désirs, on a tous ces envies. Enfin, on fait partie des humains. On a tous des hormones, on a tous la dopamine, on a tous la sérotonine, on a tous tout ça dans le cerveau. On ne va pas faire un cours sur les hormones aujourd'hui. Mais enfin, ils sont actifs. On est capable de les activer, de les désactiver. Mais c'est vraiment des décisions qu'on peut prendre. Donc moi, je vous invite aujourd'hui, c'est peut-être la chose la plus simple qu'on peut vous dire de tout ce qu'on vient de vous dire ce soir, parce qu'on part très loin. C'est vrai que nous, on aime bien théoriser le temps, mais à un moment donné, il redevient concret et il redevient concret dans la manière que nous avons de décider de l'utiliser ou pas, de temporiser. D'offrir aux autres, comme ça vient d'être dit par Nicolas, la temporisation auxquelles ils ont potentiellement droit. Et quand on commence à fonctionner comme ça, on constate que tout d'abord nous-mêmes on se sent petit à petit un peu mieux. C'est un effort, je vous le dis tout de suite, c'est un effort. Moi pourtant je travaille là-dessus, j'ai passé 40 jours dans une grotte où quand je suis sorti je me suis dit non mais plus jamais ce machin ! Bon, ça n'a pas mis longtemps. Il est revenu, tel la tante à cul, il était là. Mais par contre voilà, il m'a fallu un peu de temps pour dire ok, t'es là, mais c'est moi qui décide. Quand je t'allume, quand je t'éteins et tout ça. On fait des pas comme ça. On fait des petits pas. Mais il faut accepter le petit pas aussi. Ça ne sert à rien de se dire, moi, je vais tout changer tout de suite. Non. Prenez une chose sur laquelle vous avez un acte possible qui correspond à votre capacité temporelle et mettez-le en œuvre. Et c'est cette notion-là de se réapproprier petit à petit sa capacité à faire sens avec son propre temps qui d'abord nous fait du bien et de manière assez étonnante, fait un bien fou aussi à la nature et aux équilibres naturels. Donc c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai envie de vous dire ce soir, c'est cette réappropriation qui est la vôtre, et que vraiment, à un avantage, elle ne coûte rien, elle ne demande finalement pas beaucoup d'efforts, et on peut tous se l'accorder à soi-même et aux autres.

  • Speaker #0

    J'ai résolu le problème du climat, c'est bon.

  • Speaker #1

    Je vous remercie pour ces riches discussions et je vous propose de passer à la seconde partie de cette rencontre qui est un temps d'échange et de questions-réponses entre le public et les intervenants. Ce temps fait partie intégrante de la rencontre et va permettre de faire avancer la recherche archéologique. Donc, restez avec nous.

  • Speaker #2

    Pourquoi l'échelle de la ville est-elle particulièrement importante, pertinente pour se réapproprier le présent et comment se réapproprier le présent à cette échelle ? Je peux faire une réponse très rapide. Je ne sais pas si l'échelle de la ville est la meilleure. Je ne suis pas sûr. Quand on travaille par exemple la question de l'attachement, ce rapport un peu affectif qu'on peut avoir à un territoire, à un espace et des gens qui l'habitent, les zones vont être très différentes. Les gens vont dessiner des cercles qui ont une différente largeur. Je pense que ça dépend des sujets. Il y a des sujets où ça va être plutôt le bassin de vie qui va être la meilleure échelle territoriale. Il y en a d'autres, ça va être le quartier. Donc c'est... Il faut plutôt les voir comme des cercles concentriques et que chaque fois qu'on se rapproche de quelque chose qui est vraiment le centre, on se rapproche d'un présent très immédiat et chaque fois qu'on ouvre un petit peu plus, on se rapproche d'un futur. Parce que plus on met du monde, plus il faut du temps, plus il faut se projeter dans ce que veulent les autres, etc. Donc on va sortir un peu du présent. Je ne suis pas sûr que la ville soit forcément la meilleure échelle. Je pense que ça va dépendre. Moi, je crois beaucoup aux échelles... de quartiers, de blocs, de choses où il y a vraiment des liens très très forts et ensuite des échelles d'interdépendance plus grandes, effectivement qui peuvent être des villes ou des métropoles, des choses comme ça. Il y a beaucoup de politiques publiques aujourd'hui qui se bâtissent au niveau du bassin de vie. Donc d'essayer de prendre en compte d'abord les interdépendances territoriales, les interdépendances organiques, énergétiques, alimentaires et de se dire, partons de ces modes de... subsistance, de la façon dont un territoire vit et construisons, plutôt qu'une frontière administrative, quelque chose qui a du sens autour de l'organisation de vie.

  • Speaker #1

    Les éclairages que vous avez donnés sur le temps de cerveau que nous coûtent les notifications, que vous définissez comme des marqueurs de temps, notre cerveau n'étant pas adapté à tout cela, est-ce qu'ils ne sont pas à mettre en lien avec l'apparente explosion des troubles de l'attention, les TDAH et tout ça ?

  • Speaker #0

    Alors... Il faut faire attention avec tout ça parce qu'on déclare aujourd'hui beaucoup de choses qui existent depuis très longtemps et qui, tout d'un coup, sont soit mieux repérées, soit tout d'un coup, on a l'impression que tout le monde est EDH, tout le monde est ci ou ça. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais il faut se méfier un tout petit peu. C'est plus à rapporter à un phénomène qui est aujourd'hui très clair et très prégnant, c'est la fatigue mentale et le nombre de dépressions qui sont en train d'augmenter partout dans le monde aussi. Ça, par contre, on peut le corréler directement. Alors, il n'y a pas que le temps, il y a aussi des informations et tout ça, mais la quantité de traitement du cerveau qui est en fatigue et qui reçoit en plus des informations potentiellement pas toujours super sympas, à un moment donné, ça disjoncte. Il y a ces fameux burn-outs dont on parle beaucoup et on a fait un gros travail là-dessus pour voir, parce qu'il y a aussi beaucoup de théories sur le burn-out, mais il y en a une qui est de plus en plus vraie, c'est que le burn-out vient chez des personnes qui sont très engagées dans ce qu'ils font donc du coup aussi très fatigué et qui à un moment donné reçoivent une information contradictoire avec tout ce qu'ils ont cru. Donc en fait, on est plus dans quelque chose là d'injonction contradictoire que d'injonction de notion temporelle pure. Cela dit, de manière très claire, et ça c'est mesuré aujourd'hui, il y a bien une quantité informative du cerveau qui est trop importante pour la plupart des humains. Le cerveau peut traiter beaucoup plus d'informations que ce qu'on reçoit. Extrêmement performant en réalité. Donc il pourrait traiter plus, mais il doit faire des choix, à un moment donné, par rapport à ce qu'il s'accorde de traitement et la fatigue qu'il considère lui-même. Petit détail, c'est qu'à chaque fois que vous faites fonctionner le cerveau, vous créez du glucomate dans le cerveau, donc vous créez des petits enzymes qui vont se mettre dans les synapses, qui vont boucher petit à petit les interactions avec les synapses. Et à un moment donné, il dit, si j'en ai trop, je veux m'arrêter. C'est ça le marqueur qui nous amène à dormir, par exemple. Aujourd'hui, on constate que, normalement, quand vous dormez, les systèmes... rachidiens, céphaliens, vont nettoyer ce glucomate et puis le lendemain tout va bien. Ce qu'on est en train de constater de plus en plus, c'est que le nettoyage de ce glucomate ne se fait plus correctement chez beaucoup de monde et qu'en fait il y a une sorte d'accumulation et de suraccumulation de quelque chose qui normalement doit se nettoyer naturellement dans la nuit et qui se fait de moins en moins bien pour un certain nombre de populations. Donc là, ça commence à devenir inquiétant. Donc oui, il y a une corrélation. Maintenant, il faut faire attention parce qu'une corrélation n'est pas toujours une causalité non plus. Il y a beaucoup de facteurs en jeu. Donc soyons aussi un tout petit peu méfiants de ce qu'on entend. temps sur ces sujets parce qu'on est dans la recherche. Aujourd'hui, on est encore loin d'avoir tout compris sur ce qu'on appelle les maladies.

  • Speaker #1

    Si on arrête de demander aux gens de faire un effort aujourd'hui pour demain, est-ce qu'on ne risque pas de vivre ? co-présent, seulement au présent, de profiter au max, de profiter de la vie et d'être donc dans une logique un peu individualiste et de cramer toutes les ressources que l'on devrait protéger. Et la deuxième, à quoi ressemblerait une entreprise ou une administration sans projet ? Ça fonctionnerait comment ?

  • Speaker #2

    C'est intéressant comme question. Alors, sur la question du présent, en fait, il faut bien... Le futur ne disparaît pas. Par exemple, la recherche, le dépistage du cancer colorectal... Ça a consisté à construire des messages qui étaient différents et qui consistaient à dire « si vous faites le dépistage en question, vous êtes immédiatement rassuré, par contre vous pouvez être amené à vous inquiéter dans l'avenir » . Des messages qui paraissaient très bizarres, etc. Donc ça ne veut pas dire que le futur disparaît, ça veut dire que le futur n'est pas systématiquement considéré comme la seule zone de motivation et la seule zone de sens. C'est-à-dire qu'on a un peu trop confondu le sens avec la direction, et avec la direction, la distance, et avec la distance, le futur. Et ça, ça veut dire que le sens qu'on va trouver est toujours un cran plus loin, il est toujours un peu plus tard et il n'est jamais immédiatement là. Donc c'est plutôt, c'est un peu comme une barre de métal qu'on a tordue trop longtemps dans un sens, il va falloir la tordre un petit peu dans l'autre sens pour qu'elle redevienne un peu équilibrée. Donc il ne s'agit pas de faire disparaître le futur peut-être un peu quand même. L'avenir, il faut le laisser, les choses vont venir et je pense que ce qui va se passer dans les temps qui viennent, ça va être plus des choses qui nous foncent dessus que des choses vers lesquelles on va. Donc je pense qu'il faut qu'on... même c'est une question d'adaptation, ce rapport au futur, qui est plus un rapport à l'avenir dans un sens d'attente et de renoncer à une partie du contrôle qu'on a pensé avoir et qu'on a eu qu'au prix d'un bilan carbone monstrueux et d'une addiction au carbone, au sucre, à tout ce qu'on veut. Donc oui, il ne faut pas basculer dans un déséquilibre complètement dans l'autre sens. Je pense qu'il y a un droit au futur et à l'avenir, bien sûr. Il y a aussi la place à laisser au présent. Il faut rééquilibrer. Et quand on analyse l'action publique, elle n'est que sur le futur. Elle n'est que sur le futur. Et quand on veut obtenir le RSA, il faut s'orienter vers le futur. Et quand on veut avoir un diplôme, il faut s'orienter vers le futur. Quand on veut avoir un emploi, tout est comme ça. Donc là, il y a quelque chose à retravailler. Et après, est-ce que ce serait une administration sans futur, mais une administration avec l'avenir ? C'est une administration qui se prépare, qui crée des potentiels de réaction, qui crée des communautés qui soient capables de s'adapter plus facilement, sans forcément prendre la forme d'un projet, sans forcément dire on va vous donner une image de l'avenir et on va construire à partir de cette image de l'avenir préconçue, on va au présent développer des capacités, capacités de... de débattre, capacité de décision, capacité de considérer des interdépendances, etc. Et laisser émerger des choses qui sont de l'ordre du moins gouvernable. En fait, une administration, elle peut être un peu moins dans le projet si elle accepte d'un peu moins gouverner. Et si elle laisse de la place à l'ingouvernable. Et on va en avoir besoin, parce que la façon dont on pourra s'adapter aux crises qui viennent et au fait que des réseaux vont être rompus... que des interdépendances formelles vont être rompues, donc ça va être des interdépendances informelles. À la SNCF, on travaille à comment des voyageurs vont devoir se démerder parce que le train va tomber en panne sous les fortes chaleurs. Et la question, ce n'est certainement pas d'avoir un projet, de dire avec un truc tout fait. C'est juste de dire comment on construit des rapports entre voyageurs dans l'immédiat, coincés dans le RER, qui soit autre chose que j'ai envie de taper mon voisin. Il y a du boulot, je suis d'accord, mais ça avance. Mais je crois que c'est créer ces potentialités, et je crois qu'il y a des formes d'action publique qui sont possibles. Il y a des expériences par ailleurs, etc. C'est une action publique qui est possible, mais qui, par contre, demande à mettre la valeur des choses dans l'immédiat, et pas forcément dans le futur.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ferait des réponses pas trop longues, donc je ne vais pas rajouter la réponse, mais moi je suis un peu plus nuancé sur ces notions-là. de par les observations que nous avons faites et des travaux qu'on mène sur le terrain. Déjà, il y a quand même un questionnement. On pourrait se poser la première question, je vais vous la poser, je ne vais pas y répondre, parce que ça prendrait beaucoup trop de temps, et puis finalement, ce sera la vôtre de réponse. Quand on parle de futur, de quoi est-ce qu'on parle ? Est-ce qu'on parle de la prochaine seconde ou de la prochaine année ? La prochaine seconde, c'est déjà un futur potentiel pour nous. Donc, voilà, de quoi parle-t-on quand on parle de futur ? Ça, c'est la première question qu'on peut se poser. Et malgré tout... L'observation que j'ai des travaux qu'on mène montre quand même que ce n'est pas si corrélable avec quelque chose qui est forcément positif que de ne pas avoir de projet. L'humain, quand il est collectif, il peut passer du temps à discuter, c'est nécessaire. vraiment désœuvré, on n'a pas beaucoup d'exemples, d'ailleurs je n'en ai pas dans les recherches qu'on a menées, le désœuvrement intellectuel ne produit pas du positif dans une collectivité. Alors la question c'est est-ce que le faire un projet est un opposé au désœuvrement ? Ça je ne sais pas, je n'ai pas forcément la réponse à ça, ce serait un autre débat. Mais malgré tout rien que de commencer à penser comment les humains pourront fonctionner si un jour le train s'arrête puis qu'il fait trop chaud, alors il va devoir fonctionner un peu différemment. C'est déjà commencer à se poser la question de ce qu'on apporte à l'humain d'aujourd'hui pour qu'il soit capable de faire face à ça demain. Qu'est-ce que le système scolaire apporte ? Je ne vais pas partir là-dessus parce que j'en ai pour des heures sinon, mais changeons l'école, changeons. Voilà, vous avez fait ce que vous voulez. Dès le moment où on décide de préparer quelqu'un à l'avenir de par une formation qu'on lui apporte, on se pose la question de ce qu'on estime nécessaire de lui donner. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on a cette tendance à vouloir absolument donner des faits et des solutions plutôt que de donner des possibilités. Là, je suis complètement d'accord. C'est-à-dire que l'école devrait former à la possibilité plus qu'au savoir absolu.

  • Speaker #3

    De notre côté, une des questions a déjà été répondue. La deuxième, c'était sur le temps comme vecteur de gratification sociale. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans les présentations au début, mais on a tous ces exemples autour de nous, que ce soit au travail, beaucoup, mais aussi dans la vie. « J'ai vraiment pas le temps en ce moment, tu sais ce que c'est ? » Ou alors on ouvre les agendas, puis le défi c'est de trouver une date, et ça fait un petit peu rire. Est-ce que dans la recherche que vous avez menée du côté de Lille, à la métropole, ce sujet-là a été abordé, le temps, justement comme gratification sociale ? Et si oui, qu'est-ce qu'on peut faire en réalité pour venir aussi corriger ça ? Parce que quelque part, il y a quelque chose de plaisant de se sentir emporté, transporté et reconnaître par les autres dans notre... Dans le fait de nous-mêmes avoir le nez dans le guidon. C'est aussi gratifiant. Comment on peut combattre ça ?

  • Speaker #2

    Oui, alors ça qu'on l'ait vu, oui, on l'a vu avec une... En plus, on le voit partout. Il y a un article très, très bien là-dessus qui s'appelle le « Je suis débordé de l'enseignant-chercheur » . C'est excellent, c'est moqueur. C'est écrit par un enseignant-chercheur et qui moque ses collègues. Et il a bien raison sur ce débordement dont on se plaint avec un plaisir immense. Et quel plaisir de dire, je n'ai pas pu répondre à votre mail depuis deux mois parce que vous comprenez, je suis débordé. Ça oui, il y a une valeur symbolique là-dedans qui est je suis très occupé. Et ça, ça correspond à des normes. Ça veut dire qu'il y a une norme sociale qui fait que le désœuvrement est mal vu, désœuvrement qui n'est jamais vraiment réel et que par contre, le suractivisme est bien vu. Et ça, ça ne se réglera jamais au niveau individuel, ça se réglera au niveau des normes d'une organisation. normes qui ont à voir avec ce qu'on fait de la charge de travail, le sens qu'elle peut avoir. Parce que quand on dit j'ai beaucoup, ça ne veut pas dire qu'on dit je fais des choses intéressantes. Ça veut dire je fais plein de trucs absolument inintéressants et par contre ça me déborde, etc. Donc, c'est des questions de normes collectives. Donc, ce qu'on travaille par exemple avec la métropole de Lille, c'est qu'on essaye de repérer où cette norme s'installe. Qui sont les rôles modèles qui commencent par dire « Vous savez, moi je dors très peu » . C'est bizarre, les présidents de la République, ils ne dorment jamais beaucoup. Ils sont toujours là à dire « je dors très peu parce que vous comprenez » , etc. Donc on se rend compte qu'il y a une norme qui est qualitative comme ça. On se rend compte derrière qu'il y a la question des agendas et de la façon dont on remplit les agendas individuels et collectifs où aucun segment libre n'est laissé. Parce que tout segment libre est susceptible d'être une forme de désœuvrement. Pareil dans les premières réactions au télétravail, etc. Donc, je crois que oui, il y a cette valeur symbolique qui fait partie du maniement du temps comme pouvoir symbolique. Bourdieu a beaucoup travaillé dessus. On fait attendre, on fait patienter, on est en retard, etc. Et je le disais tout à l'heure, moi, en tant qu'enseignant, je peux être en retard, mes étudiants, ils ne peuvent pas l'être. Il y a vraiment un... Il y a quelque chose qui est de la pure inégalité. On utilise ça et si je veux vraiment montrer mon pouvoir, je vais vraiment faire attendre. Je vais vraiment être un bon prof, un bon chercheur, etc. Tout ça, si je suis à l'heure... Et ça, il y a vraiment des jeux là-dessus qui sont des jeux qui proviennent d'une part de ces normes et d'autre part du fait que la valeur transite par ça plus que par autre chose. Ça veut dire que c'est ça qui devient la valeur plutôt qu'autre chose. Et ça, ça pose question parce que ça veut dire quel est le type de valeur qu'on amène à une organisation si la seule valeur qu'on a, c'est un activisme dont on quantifie, dont on qualifie même pas le résultat.

  • Speaker #1

    Alors, notre question, elle vient en référence à un livre que l'on conseille à... tous de lire qui s'appelle Paris pour tous et qui est un roman qui notamment questionne la place du travail dans nos vies et propose une organisation tournée autour de 3 heures de travail par jour qui semble suffisant et donc la question c'est est-ce que prendre du temps pour soi permet d'en donner aux autres est-ce que vous avez des références qui peuvent amener des éléments de réponse à ça ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai des liens au fait que prendre du temps pour soi ne donne pas du temps aux autres, pas au fait qu'on n'a pas de référence. Non, parce que c'est tout sauf une évidence. C'est comme de dire, avoir un milliard donne de l'argent aux autres. Le temps est un système qui peut être aussi égoïste que l'argent. Donc il y a des gens qui, avec leur temps, décident d'en donner aux autres parce qu'ils vont, par exemple, travailler avec eux, les aider ou... ou autre, il y a des gens qui vont occuper leur temps pour eux. Je ne fais pas forcément le jugement de valeur, c'est à savoir ce qui c'est mieux ou pas mieux. C'est une réalité. Et dans nos vies, il y a des moments où on a fondamentalement besoin de retrouver du temps pour soi. Et c'est aussi une maladie différente que celle de vouloir, de penser qu'on doit toujours aider l'autre et être au service de l'autre n'est pas fonctionnel cognitivement non plus. C'est-à-dire qu'on est collectif, on est coopératif, mais on doit... trouver son équilibre entre ce que nous avons besoin et ce que nous pouvons donner. Alors là, il y a des gros déséquilibres qui se sont créés, en tout cas sur les aspects financiers, on est bien d'accord. Il y a aussi des gros déséquilibres sur l'aspect temporel, parce que si c'est vrai qu'il y a cette beauté de dire « moi je suis suroccupé alors que toi tu l'as un peu moins, donc je suis plus important que toi » , ça c'est vrai. Il y a aussi des réalités. Aujourd'hui, un médecin, avec la quantité qu'on a de médecins aujourd'hui en France, il peut toujours dire « moi je vais prendre du temps » . La réalité, c'est que s'il le fait, il prend moins de patients. Et donc, c'est mieux parce qu'il est plus qualitatif avec chaque patient. Mais ça veut dire qu'il y a des patients qui ne seront pas soignés. Donc, il faut former plus de médecins. Donc, ce n'est pas si simple de se dire, OK, jusqu'où je décide ? Parce que c'est nécessaire. Et c'est intéressant parce que tout le monde dit, par exemple, ah ouais, mais il y a les nouvelles ailes génératives ou des systèmes, on va faire gagner du temps aux médecins parce qu'ils auront un système d'analyse plus rapide. Ben non, ils prendront juste plus de patients. Parce que voilà, jamais dans l'histoire, jamais dans l'histoire, une technologie n'a fait ralentir. Jamais. Ça veut dire que chaque fois qu'on met une technologie qui est censée nous aider à gagner du temps, on accélère un peu. Ça, c'est un vrai sujet. Donc, dans votre descriptif, non, le fait d'avoir du temps pour soi n'est pas forcément un don pour les autres. En revanche, ce qu'on sait aussi, à l'inverse, c'est qu'il n'y en a aucun temps pour soi. On n'en a non plus jamais pour les autres. Donc, voilà. Il faut trouver cet équilibre.

  • Speaker #1

    Sur la base de vos observations scientifiques, on se demandait quelles sont les choses essentielles selon vous qu'il faudrait mettre en place pour réduire les injonctions temporelles dans notre vie au quotidien ?

  • Speaker #2

    Oui, il y aurait beaucoup de choses. Après, on peut s'arrêter sur les outils électroniques qu'on peut avoir. On sait d'où vient cette fabrication d'injonctions permanentes. On sait quel modèle économique ça sert, donc la captation de la tension. Et cette lutte pour l'attention, les ingénieurs qui ont mis au point les choses qui nous ont accrochées aux écrans sont incapables de mettre en place des choses pour nous décrocher des écrans. Parce que malheureusement, ça ne fonctionne pas en parallèle. C'est-à-dire qu'on a vraiment des formes d'addiction qui sont vraiment compliquées. Parce que beaucoup de ce dont on parle vient de ça. Ça vient beaucoup de là. Après, je pense que... personnellement, évidemment, on peut amener à retirer. Moi, quand on m'a demandé de retirer tous les signes temporels, c'est vrai que ça a eu un effet. Ça a calmé des angoisses, ça a permis de mieux dormir, etc. Tout ça. Donc, je pense qu'il faut se créer, peut-être personnellement ou collectivement, des moments où on se retire le plus possible de ces sollicitations-là. Mais je crois que si on ne prend pas... Et il y a aujourd'hui des démarches de protection des consommateurs qui consistent à quantifier le nombre de... de biais cognitifs, d'automatismes cognitifs qu'utilisent des fabricants d'applications pour scorer le niveau de danger. Et jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait un groupe bipartite ou tripartisan qui travaillait sur des formes de régulation aux États-Unis et en France en disant si on atteint un certain niveau d'utilisation de techniques de manipulation, on interdit. Donc autant vous dire que le vent a tourné total. Mais qu'en fait, on sait, donc on sait, venant de ça, on sait comment se débarrasser d'une partie. Après, je pense qu'il y a aussi la question de la place que ça prend et que prend une information immédiate par rapport à des choses qui devraient capter notre attention sur une plus longue durée. Des pensées profondes, des pensées larges, le rapport à des choses qui sont plus vastes, etc. et où la balance entre les deux et l'impulsivité, tout ce qui a été construit par ça, sous ces formes d'impulsivité, si on s'en écarte, on aura moins de sensibilité immédiate à ça. On peut gagner un tout petit peu en distance. Mais déjà, arriver à supprimer ou à réduire ça, mais moi, je crois assez peu à la volonté individuelle pour ça. Je pense que si les outils ne sont pas faits différemment, ça va vraiment être difficile parce qu'ils sont d'une puissance folle.

  • Speaker #0

    J'en rejoins complètement ça. Je vais... Je vais ajouter deux choses. Moi, je ne suis de loin pas quelqu'un qui pense qu'il faut des lois pour tout et de l'interdiction pour tout, mais je pense qu'il y a un vrai sujet. aujourd'hui sociétale sur ce qu'on accepte ou non des applications, des notifications, des systèmes. Ça, c'est un sujet dont on ne s'empare pas du tout politiquement aujourd'hui, mais qui n'est pas assez en tout cas, qui est une nécessité absolue. Et je dirais, une des premières choses qui serait simple et qui ne coûte pas grand-chose, c'est vraiment, je parle beaucoup des notifications, mais parce que ça, on a démontré que c'était quand même terrifiant. Et aujourd'hui, les applications mettent les notifications par défaut. Alors, on a réussi à faire passer une loi qui, déjà, a empêché de mettre par défaut. Mais bon, maintenant, vous avez régulièrement des applications, des rappels qui vous disent, est-ce que vous voulez brancher des notifications ? Ça, vous l'avez toutes et tous. Donc ça, il faut l'interdire. Parce que c'est des toutes petites choses. Mais on ne pourra pas, de toute façon, on ne pourra pas interdire TikTok. Parce que ce serait, de toute façon, ça a été essayé, ça ne marche pas. Mais on peut aller sur des choses là. Puis, je vais vous donner un autre truc qui pourrait être ultra efficace sur la temporalité et qui réglerait beaucoup de choses, en fait. C'est de passer les temps de garantie des... machiner des objets à 5 ou 10 ans. C'est hallucinant le nombre de choses que vous résolvez avec ça, dans la temporalité, dans ce que ça représente de devoir s'équiper et se rééquiper parce que la télévision, parce que machin, parce que tampane. C'est aussi, alors c'est une économie terrifiante quand les objets ne tomberont pas au bout de deux ans, puis qu'on va les jeter parce qu'aujourd'hui on ne peut plus rien changer. Si vous passez simplement, et ça il y a des calculs qui ont été faits, vous passez à 5 ans le temps de garantie de tout objet que vous achetez, vous changez totalement la face du monde. Voilà, c'est aussi simple que ça. Donc vraiment, je pense qu'il y a un enjeu aujourd'hui politique parmi tous les autres, c'est d'arriver à imposer des normes de garantie des objets qu'on achète à des temps plus longs.

  • Speaker #4

    Dans l'idée de détricoter les liens que nous avons au temps pour mieux se les réapproprier, est-ce que vous pensez que ce serait intéressant de considérer le temps comme un dispositif technique, artifice des sociétés ? Pour faire un petit lien entre le temps et la technique.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que vous pouvez définir ce que vous entendez par là, déjà ?

  • Speaker #4

    Les ingénieurs ont développé tout plein de trucs et seraient incapables de développer d'autres choses pour nous faire prendre de l'écart par rapport à ça. Est-ce qu'on ne peut pas réinterroger, si on veut prendre de l'écart par rapport à un dispositif technique ? Il me semble qu'aujourd'hui, on arrive à réinterroger les liens que les individus créent avec ces objets techniques et de les mettre un peu à plat. Peut-être que ça permet justement de se les réapproprier et de créer un espace des possibles pour les réexplorer. Oui.

  • Speaker #0

    On a passé notre temps, ces dernières décennies, siècles et millénaires, à techniciser le temps. Vraiment, jusqu'à arriver à cette notion qu'une seconde c'est temps d'oscillation. On a passé notre temps à chercher à modéliser une image très technique et technologique du temps. Donc effectivement, on est bien d'accord que c'est un enjeu que de se dire aujourd'hui comment est-ce qu'on désapproprie un peu le temps de la technologie. C'est ce qu'on a dit avant avec les notifications, avec les temps de garantie, tout ça. Ça, c'est une vraie nécessité. On ne pourra pas complètement le faire, mais c'est une vraie nécessité de réapproprier un temps naturel versus un temps technologique. Ça, j'en suis assez persuadé. Ce n'est pas forcément facile à faire. Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, on pourrait aussi... Il y a deux pays qui l'ont mis en place aujourd'hui, c'est les banques du temps. Et je trouve le système extrêmement intéressant parce que là, on utilise une technologie pour justement... déstructurer la technologie du temps. La banque du temps, elle fonctionne sur un système très simple. C'est que si moi, j'ai besoin d'un service de quelqu'un, vous, vous savez peut-être parler italien, vous allez m'apprendre l'italien. Mais moi, j'ai peut-être rien à vous offrir en retour parce que rien de ce que moi, je sais faire ne vous intéresse. Vous allez accumuler un temps pour vous que d'autres personnes pourront utiliser à leur échelle. Vous obtiendrez un service de quelqu'un d'autre différemment. On a mis en place un système ultra-technique pour redonner du temps aux gens. Et ça fonctionne super bien. Ça a été mis au Luxembourg en place aujourd'hui et ça est en train de pas mal changer les choses. Ça est mis en place dans certains pays d'Afrique. Et ça, c'est vraiment intéressant. Et je pense que là, on pourrait commencer à trouver des solutions de réappropriation temporelle par la technologie quand même, mais dans des systèmes un petit peu plus vertueux.

  • Speaker #2

    Après, je répondrai très rapidement en disant que je pense qu'effectivement, il y a quelque chose à déconstruire de nos rapports avec ces dispositifs techniques rapidement. Parce qu'on se met à penser non pas avec eux, mais à partir d'eux. Et c'est très compliqué, parce que ça veut dire que notre manière de construire nos besoins, nos attentes et même la valeur des choses, c'est au travers de la façon dont les objets techniques vont pouvoir y répondre. Donc ça veut dire que le travail sur le deuil qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, le renoncement qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, etc., la tristesse qu'on va avoir à renoncer à un certain nombre de choses, Il faut qu'on apprenne à gérer des émotions. Je pense que ça urge d'autant que ces choses-là intègrent notre schéma corporel. Maintenant, ça fait partie du schéma corporel. Le smartphone, ce n'est plus quelque chose qui est détaché, c'est quelque chose qui y est dedans. Donc ça commence vraiment à intégrer notre incarnation. Et puis la deuxième chose, c'est quand même que je pense qu'il y a un vrai paradoxe dans les modèles économiques qu'on se construit. Et on pourra déconstruire tout ce qu'on veut. Si les modèles économiques continuent à fonctionner sur la base de la captation de l'attention, il n'y aura rien à faire. Parce que plus il y aura d'argent, plus il y aura cette volonté de retenir l'attention absolument pour rien. Donc, je pense que c'est une fois de plus, il y a une part individuelle, évidemment, où il faut essayer de gérer, essayer de travailler cette question du FOMO, par exemple, qui nous emmène tellement, donc cette peur de rater quelque chose, etc. Il faut arriver à travailler là-dessus, mais c'est un travail quand même difficile. Mais c'est surtout ces modèles économiques globaux qui créent de toutes pièces des formes de besoins qui n'en sont pas, mais auxquels on ne peut pas échapper parce que tout s'organise. Et on voit aujourd'hui, par exemple, au niveau de l'IA. Les premiers travaux montrant qu'on commence à formuler nos questions pour qu'elles soient accessibles à l'IA et qu'elles puissent prendre la forme de promptes, ça veut dire qu'on commence à penser à partir de l'outil pour que ça corresponde à l'outil. Donc on est vraiment dans cette logique d'artefact complet, mais ça va à une vitesse qui est assez inquiétante.

  • Speaker #1

    Bon, ça tombe bien, parce que si je n'avais pas de réponse à mes questions, justement, j'allais demander à ChatGPT. Vous avez déjà un peu répondu aux questions, mais une des questions que j'avais suite à votre... Table ronde, c'était comment on fait, je pense qu'il y a beaucoup de gens dans la salle qui ont envie de ralentir, mais comment on fait dans ce monde pour emmener les autres sur ces sujets-là, qui paraissent un peu mystiques, de leur dire, allez dans une grotte, faites l'expérience, vous verrez votre rapport au temps. Donc ça, c'est une première question, c'est un peu dur d'emmener ses collègues là-dedans. Et justement, il y a peut-être une question qui n'a pas été répondue sur la partie comment on sort du mode projet. Et la deuxième question ensuite, ça a été un peu répondu aussi parce que vous avez parlé de votre vie personnelle, mais comment ça a changé votre mode de vie ? de travailler sur votre rapport au temps ?

  • Speaker #2

    Pour avoir fait ce travail avec des administrations, des services, des gens qui bossent avec des publics en situation de précarité, puisqu'on se pose la question de l'accompagnement, c'est un processus. C'est-à-dire qu'il faut... C'est comme la communication non-violente, etc., ou l'approche par les stades de changement. C'est-à-dire qu'en fait, il faut accepter l'urgence et la précipitation dans lesquelles sont les autres rentrés dedans. Si faire sa place, montrer les signes de la compréhension de ça, c'est-à-dire que si on doit marcher avec l'autre, on marche vite. On ne commence pas par le prendre par le col pour le ralentir. C'est souvent ce qui se fait quand même, de dire je vais imposer ma temporalité. Il n'y a rien qui est perçu plus violemment que quelqu'un qui vous impose sa temporalité. C'est un peu comme s'il vous imposait sa présence. Donc ça, je pense que rentrer dans la temporalité et procéder par une forme de transition, de ralentissement qui prend son temps. qui donne des premiers signes. Et je sais que dans le travail d'accompagnement de personnes qui sont éloignées de l'emploi depuis très longtemps, qui vivent très au présent, c'est qu'on ouvre des futurs microscopiques, des futurs, c'est-à-dire du délai, microscopique d'abord, et puis petit à petit, on en vient à quelque chose qui est de l'ordre du ralentissement, de la sortie de ce système d'urgence. Mais je pense que ça commence par l'écoute, la compréhension, se glisser dans le système en question, le comprendre de l'intérieur et petit à petit, le ralentir. Après, je pense que ... Il faut que les contextes nous y aident. Nous, on a refait un couloir de RER, on a diminué le rythme de marge de 20%. Dans un couloir de RER, c'était compliqué. Pourtant, normalement, les gens sont vraiment pressés. Mais en fait, c'est que, par exemple, une façade régulière nous fait marcher plus vite qu'une façade irrégulière. Pourquoi on construit encore des façades régulières ? Pour des questions de budget, etc. Tout ça, on le sait. On sait que la verticalité, des formes de verticalité permettent de réduire la pression du temps et du coup ralentissent. Donc c'est aussi des constructions collectives de nos environnements de vie. Et je crois qu'en fait, il faut qu'on change les contextes dans lesquels on travaille ensemble à con. Parce que quand les gamins sont descendus pendant le confinement dessinés sur les trottoirs, ça a ralenti tout le monde. Ça a créé une forme de temporalité. Le dessin était encore là le lendemain. Quelqu'un ne s'est pas dépêché de l'effacer. Donc il y a toute une reprise de possession. Plutôt que d'essayer de convaincre là. Il vaut mieux essayer de travailler les environnements. Et ça, ça facilite, ça fait œuvre de démonstration, etc. Et ça, quand on commence à décrypter l'espace public ou les espaces partagés, on se rend compte qu'il y a tout le temps des choses qui nous font presser le pas. Et moi, quand les gens de la SNCF, au début, me disaient « les gens sont pressés » , je fais « non, non, ils sont pressés au passif » .

  • Speaker #0

    vous les pressez. Ils ne sont pas pressés, c'est pas vrai. Vous les pressez tout le temps, en faisant des couloirs comme vous le faites, avec des lignes comme vous les faites, avec l'information que vous donnez. Donc ça, je crois que ça peut vraiment être quelque chose qui aide beaucoup. Et votre deuxième question, c'était ? Après, je passerai le micro. Ah, non, rien. Je suis vraiment la démonstration parfaite du cordonnier, moi. Je suis un cordonnier. Voilà. Donc, il n'y a personne qui gère aussi mal son temps que moi. Je prends très peu de temps. de temps pour moi, si j'en prends de temps en temps. Je commence là, ça doit être le grand âge, mais je commence à trouver des espaces de temps vraiment denses, où il y a une forme de densité et où j'arrive à ralentir. Mais ça amène à quelque chose, et je pense que c'est crucial et en tout cas dans les consultations en psychologie on le voit, ralentir ça demande à avoir du poids, de l'inertie. Ça veut dire qu'à l'intérieur, il faut avoir quelque chose de lourd. Parce que si on veut résister à la force du vent, il ne faut pas être une feuille. Si on doit être une feuille, il faut rester attaché à son arbre. Donc ça veut dire qu'en interne, tout ce que le marketing, le capitalisme, tous ces choses-là nous vident, parce qu'on cherche à se nourrir, mais on n'a plus rien qui vient de l'intérieur. Et ce n'est pas mystique ce que je dis. C'est-à-dire que par exemple, quand on mesure le caractère consolidé d'une identité personnelle, on se rend compte qu'elle est liée à des capacités à résister à des formes d'accélération, d'impulsivité, etc. Donc ça veut dire quelque part, il faut trouver des éléments qui font un peu poids, qui créent une inertie et qui font qu'on est moins sujet à être emmené par le courant, etc. Et ça, c'est dans nos sociétés aujourd'hui, c'est un peu difficile parce qu'il y a plein de choses qui nous vident.

  • Speaker #1

    Personnellement, je pense que se faire emporter par le vent, c'est plutôt bien aussi. Il faut savoir se laisser aller avec le vent. Juste une chose importante, quand on veut amener une personne, là on est plus sur mon terrain de spécialité, parce que moi je travaille vraiment sur l'adaptation et sa capacité de faire changer un comportement. On s'est quand même beaucoup trompé pendant quelques décennies sur ce qui permet à une personne de changer. C'est-à-dire qu'il y a deux choses qui sont fondamentales aujourd'hui, qui ont été démontrées entre autres en 2017 et 2019. La première, c'est que maintenant, il n'y a plus de doute là-dessus. C'est-à-dire que nos décisions sont basées sur nos émotions. C'est-à-dire que c'est l'émotion qui provoque la décision, ce n'est pas le contraire. Ça veut dire que, quelle est l'émotion qu'une personne ressent par rapport à son état ? C'est-à-dire que si vous voulez faire changer quelqu'un, c'est déjà à comprendre l'émotion que son état lui provoque. Si quelqu'un a besoin d'aller très vite, quelle est la raison pour laquelle il a besoin d'aller très vite ? Qu'est-ce qui le pousse à ça ou la pousse à ça ? Et si on veut aider une personne à changer, c'est en tout cas pas en lui disant qu'il faut ralentir, accélérer ou quoi que ce soit. C'est comprendre pourquoi l'émotion qu'elle ressent la pousse cette personne à aller dans certaines directions. Et ça va sur les liens de confiance. On dit « faites-moi confiance » , mais la confiance dans le cerveau n'est pas reliée au système auditif. Elle est principalement reliée au système visuel. Donc c'est ce que vous faites sera vu. Donc en fait, on voit souvent des gens qui demandent à quelqu'un de changer, alors qu'eux-mêmes ne le font pas. Et ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas demander à quelqu'un de faire quelque chose qu'on ne fait pas nous-mêmes. Donc c'est là les enjeux. C'est aller chercher les émotions et être soi-même le démonstrateur de ce qu'on demande aux autres. Et quand on commence à travailler comme ça, D'abord, on donne un message politique. C'est-à-dire que je te montre ce dont on a besoin. On peut peut-être faire un petit lien avec ce qui se passe aujourd'hui, mais je ne le ferai pas, ce serait trop facile. Et après, c'est vrai que sur le changement de ce qu'on ressent, nous, on est souvent pris dans nos propres recherches, dans nos propres temps. Moi, j'ai cette chance qui a été extraordinaire dans ma vie de faire des expéditions. de terrain. Et j'ai commencé très tôt dans ma vie. Et en fait, on est par définition dans une temporalité qui change totalement. C'est-à-dire que quand vous partez au fin fond d'une chaîne de montagne des Andes, vous avez des vents qui sont terrifiants. C'est pour ça que j'aime bien le vent. À un moment donné, vous savez que vous ne pouvez pas avancer. Le vent te dit non. Si tu dois traverser une rivière en furie, tu sais que si tu essaies de remonter le courant de la rivière, tu ne vas pas y arriver. Et que tu dois te laisser accompagner par la rivière. Donc en fait, cette nature nous rappelle au quotidien, seconde après seconde, que ce qu'on croit vouloir faire n'est dépendant que de ce qu'elle accepte de nous laisser faire. Et ça, c'est extraordinaire. J'invite vraiment tout le monde à aller faire des expéditions extrêmes. Il n'y a pas besoin d'extrême pour ça. Mais à minima, de passer une semaine dans les bois. Juste une fois dans sa vie. parce que tout d'un coup, les choses sont différentes de ce qu'on aurait voulu. Et si on ne l'accepte pas, c'est certain qu'on n'aura pas le dessus. C'est certain. La nature, le vent, quand vous avez 200 km heure de vent, vous pouvez dire au vent, tu m'emmerdes, ça ne marche pas, il s'en fout lui. Donc, on est vraiment dans un moment de l'histoire humaine, je pense, où on s'est décorrélé de la nature, ça, ça fait très longtemps. Mais on a passé le cap supplémentaire de la décorrélation avec la nature, c'est qu'on n'est même plus capable d'accepter À un moment donné, c'est elle qui nous dictera des règles de temporalité. Malheureusement, c'est terrible, parce qu'il y a des éclosions, des tremblements de terre, des incendies, tout ça. Évidemment, on ne va pas se réjouir, c'est terrifiant. Mais c'est des marqueurs qui nous rappellent quand même un petit peu qu'on peut construire la digue la plus haute du monde, le barrage le plus merveilleux. À un moment donné, ça n'arrêtera jamais une nature qui va avancer. Donc c'est maintenant, on doit redéfinir cet espace-temps. Et je pense que passer un peu de temps... Le temps dans la nature est la meilleure solution aujourd'hui à offrir aux gens pour se réapproprier cette notion. Pouvez-vous faire un rapport entre le temps et l'éternité ? Vous voyez une réponse courte ?

  • Speaker #0

    Saint-Augustin a déjà fait le boulot, donc je laisserai Saint-Augustin répondre. Il a fait tout le trajet de quitter l'éternité, de l'intemporalité pour y revenir. Il a trouvé un compromis qui marche plutôt bien. Voilà, après je pourrais répondre sur d'autres théories qui montrent qu'avec l'éternité, il n'y aurait pas de sens du futur. Par exemple, la terror management théorie, qui est une théorie de cognition sociale, mais autour de comment la mort, ce qui était l'hypothèse d'Heidegger, mais qui maintenant est validée à un niveau plus cognitif ou psychologique, comment la présence de la mort, donc cette activation de pensée parfois de l'imminence de la mort, est une des conditions pour que se développe... un sens du futur qui est vraiment celui qu'on remplit de projets etc tout ça donc l'éternité on a du mal à l'attester parce qu'on a encore jamais eu quelqu'un d'éternel mais que quand on amène à désactiver le plus possible quand on compare un groupe où a été activée cette idée de la mort à celui où a été moins activé on se rend bien compte que cette non éternité est assez fondamentale pour structurer notre rapport au temps donc c'est du C'est de la pensée contrefactuelle, c'est de l'exercice de pensée que d'imaginer ce que produirait l'éternité dans le sens d'une vie éternelle. Et sinon, on bascule effectivement dans des modes qui assurent une disparition du temps, c'est l'intemporel. Les premières réflexions sur le temps sont un peu venues de ça aussi.

  • Speaker #1

    Si vous voulez questionner le temps, je vous recommande, d'ailleurs on fait de la pub, mais... Sur YouTube, on a un film qui s'appelle 40 jours en dehors du temps, qui raconte l'histoire de notre expérience dans la grotte de l'Embrive. C'est intéressant d'aller regarder ce film, non pas parce qu'il est gratuit, c'est la plupart des trucs que je ne vends pas, il est gratuit, mais parce qu'en fait, quand on voit les réflexions des unes et des autres, d'ailleurs on a la chance d'avoir, si vous avez des questions, il y a Tiffaine qui est là, qui est une grenobloise maintenant et qui a fait partie de l'expérience aussi. Quand on entend les réflexions des unes et des autres, En fait, il y a une profondeur assez hallucinante dans tout ce qui est dit et ça invite vraiment à réfléchir à plein de choses. Donc, je vous recommande vraiment d'aller écouter les paroles de ces personnes au fur et à mesure de cette expérience, parce que c'est, à mon sens, on a quasiment toutes les réponses à nos besoins aujourd'hui dans ce que ça représente.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous permettre de nous en extraire, au moins pour un temps. Il n'est point de bonnes sociétés qui ne se quittent. Donc, je tiens à vous remercier, vous évidemment, mais aussi Marie Leroy, notre... archéologue des futurs. Merci aussi le collectif Futuron qui a assisté Marie pour aller collecter ses souvenirs du futur, ses vestiges du futur. Bravo à LE pour leur production. Et merci aussi à Coralie Simet, j'avais peur de décorcher votre nom, qui a croqué toute cette soirée et dont les illustrations viendront abonder, seront disponibles sur le site grenoble.fr slash 2040 dans les jours à venir. Il y a une pointe bonne société qui ne se quitte, certes, mais c'est pour mieux se retrouver. Du 10 au 17 mai prochain, lors de la prochaine Biennale des villes en transition de Grenoble, il y aura tout un arc d'événements Grenoble 2040 qui nous permettra de nous projeter dans les futurs, de nous projeter sans nous ségréguer, partir du sensible pour penser soit les futurs, soit l'avenir. En tout cas, je vous donne rendez-vous à toutes et tous du 10 au 17 mai à Grenoble pour la Biennale des villes en transition.

  • Speaker #3

    Belle fin de soirée à tous et à bientôt. Bon futur !

Description

L’histoire de la modernité est celle de l’économie du temps, et aussi celle de sa raréfaction. Le temps nous presse de plus en plus : les heures et les minutes filent entre nos doigts. Nous multiplions les activités chaque jour, les exécutant à un rythme effréné.
Pourtant, jamais nous n'avons eu autant l’impression de courir après lui. Cette organisation temporelle moderne n’est pas sans conséquence sur notre santé, ni sur celle de notre environnement.

Et si, nous nous éloignions des structures temporelles de la modernité pour les réinventer ?
Et si, nous abolissions le temps horaire au profit d’un temps en phase avec nos propres rythmes ?

Cette rencontre Grenoble 2040 explore cette idée à travers une soirée immersive unique.


Avec Christian Clot, explorateur et directeur du Human Adaptation Institute, et Nicolas Fieulaine, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales, expert des perspectives temporelles.

Ces intervenants partagent leurs travaux, de l’expérience hors-norme Deep Time (40 jours sans aucune notion de temps dans une grotte !) aux impacts sociétaux des structures temporelles modernes.

Ensemble, réfléchissons à une société plus harmonieuse.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si chacun et chacune vivait à son propre rythme, à quoi pourrait ressembler notre quotidien si nous n'étions plus l'imprise des informations temporelles ? Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast où nous explorons un futur collectif juste et désirable. Le temps nous échappe, il nous presse. Les heures et les minutes filent entre nos doigts, et dans cette course effrénée, nous multiplions les activités, sans jamais réussir à nous sentir vraiment en phase avec lui. Pourtant, cette organisation temporelle a un coût, sur notre santé, mais également sur celle de notre planète. Le temps, c'est le thème de ce troisième épisode des Rencontres Grenoble 2020. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux invités d'exception. Christian Clot, explorateur-chercheur. et directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute, spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Il nous parlera des défis du temps face aux environnements changeants. Nicolas Fiolel, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales à l'Université Lyon 2 ainsi qu'à l'INSP. Expert des perspectives temporelles, il nous apportera un éclairage précieux sur la construction moderne du temps et ses impacts sur nos comportements. En somme, nous allons réfléchir à un autre rapport au temps. non linéaire, en harmonie avec nos rythmes naturels, et porteur d'une attention renouvelée vers la nature. Alors, embarquez avec nous dans cette exploration d'un futur où le temps ne nous contrôle plus, mais où nous apprenons à l'habiter autrement.

  • Speaker #1

    Bonsoir à toutes et tous, je suis Antoine Bach, adjoint au maire de Grenoble, en charge de la prospective et de la résilience territoriale. Vous êtes ce soir dans un événement Grenoble 2040. Grenoble 2040, c'est une démarche qui a été lancée en 2022 pour se donner le droit, les outils et le goût de penser l'avenir. Parce que climat, géopolitique, société, chaque jour porte son lot de nouvelles qui ne sont pas souvent très bonnes. C'est même mauvaise, je crois qu'on peut se le dire entre nous. Et nos réflexions, toutes nos actions du quotidien sont mobilisées par des réponses immédiates à nos problèmes. Et souvent, on n'a pas le temps et on n'a pas l'envie de... Penser à l'avenir parce que cet avenir, il est trop incertain et parfois, il est trop effrayant. Et pour se le dire entre nous, les grands bipèdes humains, comme les grands mammifères en général, nous avons toujours peur de ce que l'on ne connaît pas. Pourtant, penser le monde de demain en s'appuyant autant sur l'état des connaissances scientifiques que sur le pouvoir de nos imaginaires, c'est se donner, c'est se redonner une capacité d'action. S'autoriser à penser l'avenir, c'est se projeter dans l'action. ou pour le dire avec Gaston Berger, le père de la prospective à la française en 1959, voir loin, voir large, analyser en profondeur, prendre des risques et penser à l'humain. Dans le cadre de Grenoble 2040, nous organisons entre autres choses des cycles de rencontres. Nous avions rencontré le 11 juin dernier Arthur Keller, qui était venu nous parler des risques systémiques et des stratégies de résilience collective. Et le 18 décembre dernier, nous avions rencontré Olivier Hamand, qui était venu nous parler de la robustesse comme préférable, voire comme antidote à la performance. Aujourd'hui, dans cette rencontre, nous explorons deux spécificités, deux singularités, deux nouveautés. Déjà, nous allons faire dialoguer deux intervenants. Et nous allons aussi mobiliser des outils du design fiction. Je ne sais pas si je l'ai bien dit, mais on me le dira. Ce sont des outils d'exploration des futurs à travers des scénarios fictifs. et qui permettent de se projeter concrètement. Le temps, c'est une dimension fondamentale dans notre quotidien, dans notre organisation personnelle, notre organisation familiale, notre organisation professionnelle, notre organisation sociale. On parle d'urgence écologique, on parle d'urgence sociale. Toutes ces urgences que nous connaissons bien, elles interpellent même la notion d'urgence. Une urgence qui dure, est-ce que c'est toujours une urgence ? Les crises, la permanence des crises, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus vraiment de fin réelle, on sait quand elles commencent, on ne sait pas quand elles se terminent, elles s'enchaînent. Le jour du dépassement. des limites planétaires. En 1970, c'était le 29 décembre. En 2024, l'année dernière, c'est le 1er août. On a aussi un sentiment d'accélération. L'impression que le temps s'accélère. Quelle est la base réelle de ce sentiment ? Tout cela interpelle la construction de la notion de temps, notre rapport au temps actuel, et toutes les difficultés qui sont liées aux synchronisations. Il y a aussi des problématiques de santé liées au temps. Tout cela, on va l'aborder ce soir. Le temps, faut-il le prendre pour mieux s'en libérer ? Pour apporter un peu d'eau au moulin, nous aurons besoin d'au moins trois personnes. Donc, tout d'abord, Marie Leroy, qui est archéologue des futurs et qui a rapporté des éléments du futur que vous avez pu voir exposés dans l'entrée. Alors, comment elle l'a fait, ça, elle n'a pas voulu me le dire. Sans doute, elle n'a pas la permission pour me le dire. Mais en tout cas, elle essaie de comprendre ces éléments, de les décrypter à partir de nos connaissances actuelles. Et elle animera cette table ronde. Merci, madame. Christian Clot, vous êtes explorateur et chercheur. Donc, vous explorez. Et vous cherchez. Vous nous direz si vous avez trouvé, ce serait intéressant de savoir. Vous êtes directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute. Vous êtes spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Et vous partagerez votre expérience avec Deep Time, une mission un peu hors norme, durant laquelle 15 personnes ont vécu 40 jours dans une grotte, isolées de toute indication temporelle. Vous nous expliquerez comment le cerveau réagit face à un temps qui est incertain et comment est-ce qu'un groupe s'organise. sans les repères temporels. Bref, le monsieur qui enferme des gens dans des grottes, il est ici, donc je nous engage à être quand même plutôt prudent dans nos questions et dans nos rapports avec lui, il a l'air tout à fait aimable, mais bon, méfions-nous tout de même. Nicolas Fiolenne, vous êtes ici, merci beaucoup d'être présent. Vous êtes professeur et chercheur en psychologie sociale et en sciences comportementales à l'Université Lyon 2 et à l'Institut National du Service Public, l'INSP, anciennement l'ENA. Vous êtes expert des perspectives temporelles et du changement de comportement. Vous êtes fondateur. du Réseau international des perspectives temporelles. Je dis en français parce qu'il a un nom en anglais, je crois, mais c'est mieux en français. Vous accompagnez les collectivités et les organisations dans la transformation de leurs pratiques. Ça peut nous intéresser, la ville de Grenoble, je ne vous cache pas. C'est un petit clin d'œil pour le directeur général des services qui se cache tout au fond, merci. Et vous avez votre thèse, elle portait sur le rôle joué par le rapport au temps dans les problématiques de santé, très bien, et les processus de vulnérabilisation liés au contexte de précarité.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup pour l'introduction, Antoine. Bonsoir à toutes et à tous, je vous remercie au nom du groupement des archéologues du futur de la ville de Grenoble de votre présence ce soir. Comme vous l'avez compris, nous sommes regroupés ici pour découvrir et décrypter un futur de Grenoble que nous avons découvert lors de notre dernière expédition temporelle. Durant le temps à venir, nous allons vous partager des fragments de ce futur que vous avez déjà vu pendant l'exposition et vous faire un état des lieux de nos dernières interprétations. Au bout de cette rencontre, nous ne répondrons pas à toutes nos questions. Mais nous espérons repartir avec une meilleure compréhension de notre rapport au temps. Car en effet, dans ce futur, c'est bien notre rapport au temps qui est remis en cause, puisque nos successeurs ont semble-t-il décidé d'abandonner la montre et l'horloge. Aussi curieux que cela puisse paraître. Alors, comme je vous le disais, dans le futur que nous observons, il n'y a donc plus aucun signe des outils de mesure du temps que nous utilisons aujourd'hui. Ces personnages ne parlent d'ailleurs plus d'heures ou de minutes, ils parlent de cycles. Nous avons retrouvé d'ailleurs la notice de l'accessoire porté par la jeune femme que nous voyons dans la vidéo, qui est d'ailleurs ici sur la table. Apparemment, cet appareil s'appelle le septième sens et permettrait à deux individus de se synchroniser, par exemple pour organiser une rencontre. Parce qu'en effet, comment fait-on pour se retrouver s'il n'est plus possible de communiquer une heure de rendez-vous précise ? Je me tourne maintenant vers mes deux intervenants pour vous poser une première série de questions. Comment s'est construit notre rapport au temps tel que nous le connaissons ? Est-ce que les humains se sont toujours synchronisés avec des horloges et des montres ? Et dans quels objectifs ?

  • Speaker #3

    Merci pour la question qui est extrêmement vaste. Et merci pour l'invitation à parler de ce sujet. Alors, on parle de rapport au temps, on parle de notre rapport au temps. Je vais questionner la question, mais c'est le réflexe du chercheur, évidemment. Le nôtre, c'est-à-dire que quand on utilise ce pluriel pour le rapport au temps, on va faire référence à des... construction culturelle, bien évidemment, qui aujourd'hui nous amène à porter un certain regard sur notre rapport au temps et quand on dit nôtre, c'est des aires culturelles qui peuvent être très étroites, tellement étroites que j'ai mon rapport au temps qui va devenir individuel, qui est construit un peu collectivement, mais qui va devenir individuel. Donc cette question du nôtre, déjà, elle pose question de qui on parle, de quelle aire culturelle on parle, et est-ce qu'on risque pas de parler du rapport au temps d'une manière générale, alors qu'en fait on en a un regard très particulier. Le besoin de se projeter, le besoin de se synchroniser, le besoin de régularité, le besoin de certitude, tout ça peut nous apparaître évident, mais il n'est peut-être pas tant que ça. Et puis quand on parle de rapport au temps, on parle de rapport à quelque chose qui nous est presque extérieur. C'est-à-dire qu'on postule que le temps serait quelque part en dehors de nous et qu'on le percevrait. Ça, c'est un sujet qui est en débat depuis très longtemps. Aristote et Saint-Augustin en ont débattu à sept siècles d'écart sur... L'ontologie, c'est-à-dire est-ce que le temps existe ? Si oui, comment on en atteste ? Quelle expérience on en fait ? De quelle temporalité du coup on parle ? Est-ce qu'on parle de la durée ? Est-ce qu'on parle des rythmes ? Est-ce qu'on parle de l'espace qui s'ouvre devant nous ? Possiblement, sauf si on est renversé par un camion immédiatement, mais normalement on a un espace devant nous qui nous permet de nous projeter. De quoi on parle ? Et ça, ça amène des sujets qui sont passionnants puisqu'on se rend compte que ce rapport au temps dont on parle, c'est quelque part la domestication de quelque chose qui a été étrange. On domestique l'étrange par des récits et on domestique l'étrange par de la mesure. Et il y a un livre récent qui s'appelle « L'histoire de demain » , une courte histoire de demain, et qui montre comment on a progressivement eu cette envie de prévoir demain et de s'organiser pour pouvoir prévoir. Parce que quand on parle d'un rendez-vous, on parle de prévision. Et en fait, ce rapport au temps dont on parle, il existe depuis longtemps, dans le sens où on a toujours voulu trouver de la certitude pour trouver de l'organisation, et on ne peut pas. pouvoir prévoir, mais à différentes échelles. Donc quand on parle de rapport au temps, dans le domaine par exemple de la psychologie, on va parler de perception du temps. Ça, ça postule qu'il y a un temps qu'on va percevoir de manière plus ou moins juste. Est-ce que je vais savoir repérer si une durée est de 15 secondes ou de 20 secondes ? On parle de l'expérience du temps, de l'ennui que peut-être certains d'entre vous ressentent déjà pendant que je parle. Ça, c'est une expérience du temps. Donc le temps s'allonge ou alors il s'accélère, je sais pas. Il y a la représentation du temps, donc les métaphores qu'on va utiliser. Pour moi, c'est un cheval au galop. Pour d'autres, c'est un poisson dans l'eau. Pour des troisièmes, c'est un nuage. Bref, on a tous nos représentations du temps. Et puis, on a nos pratiques du temps. Et notre façon de mettre des choses dans nos agendas, de se préparer, etc. Et tout ça est chaque fois différent. Nos représentations du temps n'expliquent pas tout à fait nos pratiques et nos perceptions n'expliquent pas tout à fait nos représentations. Donc, ça veut dire que quand on parle de nos rapports au temps, c'est plutôt du pluriel. Donc tous ces différents rapports au temps qu'on peut avoir. Et il y a des aspects qui sont très sociaux, où on a besoin de se synchroniser, effectivement de s'organiser. Et si on cherche absolument à prévoir, il faut pouvoir prévoir. Et si on cherche à produire, il faut une organisation encore supplémentaire. Donc je dirais que ce qu'on voit dans ce qui est projeté, dans cette idée de perdre les horloges et de se synchroniser, je dirais que moi je vois très spontanément. Par exemple, j'ai dû enlever toutes les horloges de chez moi parce que mon fils est trop anxieux pour dormir. Donc on m'a dit, il faut enlever toute représentation du temps, toute présence du temps, tout, tout, tout, il faut tout enlever. Donc il a fallu enlever toutes les horloges, supprimer l'horloge sur le four, etc. Et ça, c'est quelque chose de, qu'est-ce que nous ferait la disparition du temps ? Et moi, j'assure la direction scientifique à la SNCF sur les sujets de psychologie sociale, j'essaye de faire supprimer des indices de temps. Parce qu'on est... tyrannisé par ces indices de temps parce que le temps s'impose comme extérieur et qu'il est tout le temps en train de nous projeter au passé, au futur et nous faire oublier le présent. Donc la disparition des horloges, je trouve que c'est presque une utopie très positive. La resynchronisation qui nous amène à nous mettre dans une forme de dépendance à l'autre par le biais d'un artefact technologique, c'est une réapparition d'une autre forme d'horloge qui pose un sujet intéressant, je trouve, qui est que ... On a eu besoin de se synchroniser pour être ensemble. La pandémie l'a montré, le confinement l'a montré. Dans nos études sur le confinement, il y a quand même 72% des gens qui ne savaient pas dire quel jour on était, spontanément comme ça. Donc ils étaient un peu perdus dans leur temps parce qu'on s'est désynchronisés. Donc ça montre le rôle des autres dans cette synchronisation, son intérêt pour avoir des œuvres collectives, mais aussi sa limite quand cette synchronisation, elle vise à produire, produire, produire, produire et à réduire le temps à une... quantité et à en oublier la qualité. Et ça, c'est un peu ce qui s'est passé. C'est pour ça que notre rapport au temps, je dirais qu'il a été d'abord très qualitatif et dans la vie d'un individu, il est d'abord qualitatif. Un enfant, un bébé a un rapport très qualitatif au temps, puis petit à petit, les répétitions vont construire un rapport plus quantitatif. Et puis on va lui apprendre l'heure, et puis on va lui apprendre à être à l'heure, et puis on va lui apprendre à respecter, à ne pas faire attendre, et donc on va quantifier petit à petit le temps. le spatialiser aussi, parce qu'on va commencer à le faire comme si c'était une unité linéaire, continue, etc. Et donc comme ça, on construit nos rapports au temps. Et on y reviendra, j'imagine, mais ça construit et ça rejoint une histoire de la modernité aussi, qui a voulu construire un rapport plutôt linéaire, promethéen au temps, pour pouvoir prévoir, pour pouvoir parier, pour pouvoir investir, pour pouvoir assurer, pour pouvoir faire marcher un modèle économique. qu'il ne marche que s'il y a ce rapport au temps très quantifié, très linéaire. Donc nos rapports au temps, ils se basent sur des indices qui sont des indices extérieurs évidemment, des régularités naturelles, qui parfois bâtissent une base de confiance qui fait qu'on peut jouir du présent, et qui parfois bâtissent des formes d'incertitude qui nous donnent envie de nous projeter vers demain. Je crois qu'on a fait des allers-retours dans l'histoire, il n'y a qu'à voir les outils de mesure du temps, on a fait des allers-retours jusqu'au moment où dans les monastères sont nés... Ces systèmes mécaniques de mesure du temps qui se sont déployés en même temps qu'une forme de modernité qui cherchait à produire beaucoup quelque chose et à faire du temps une valeur quelque part marchande. Donc voilà, nos représentations du temps, ça dépend des moments de l'histoire, ça dépend des aires culturelles, ça dépend à quel niveau on se situe. J'ai le mien, vous avez le vôtre. Collectivement, on peut en construire un par des formes de synchronisation. Mais c'est surtout cette immense... diversité, complexité qui est intéressante et qui fait que le temps est partout. et qu'à force d'être partout, à un moment donné, il disparaît. Dans mes travaux, c'est un peu ce qui s'est passé, c'est un peu la critique, c'est que pour un chercheur, le plus facile, c'est de travailler sur le temps, parce qu'on peut toujours la ramener, on peut toujours parler de tout, parce que le temps est absolument partout, à tel point que des fois, il disparaît un peu comme objet de recherche.

  • Speaker #4

    Il y a quand même un rapport très concret au temps pour nous, humains, c'est celui du temps cognitif d'utilisation de l'information qu'on reçoit. C'est-à-dire que quand vous recevez une information, votre cerveau, il met un temps à la traiter. Et ce temps de traitement, c'est quelque chose qui est... Vous ne percevez pas, quand vous avez un bip sur votre téléphone portable, vous ne dites pas, tiens, mon cerveau a mis trois secondes pour le comprendre, pour savoir ce qui se passait, tout ça. Pourtant, votre cerveau, lui, il le fait. C'est-à-dire que lui, il quantifie effectivement le besoin d'assimiler une information et de la gérer. Et une des choses qui explique, entre autres, cette difficulté qu'on a aujourd'hui de rapport au temps, c'est que la quantité d'informations que reçoit le cerveau aujourd'hui en rapport à ce qu'il recevait il y a un certain temps, est devenue considérable. On a fait une petite étude... qui est un peu compliqué, qu'on n'a pas tout à fait terminé, mais qu'on va publier en fin d'année, je pense, c'est que dans les années 1800, une personne recevait, en dehors des indicateurs profonds, le soleil, le réveil, la faim, tout ça, qui sont des indicateurs que tout le monde reçoit de manière similaire, on recevait chaque jour environ quatre injonctions temporelles dans le cerveau. Donc le cerveau, il les traitait. Aujourd'hui, on en a 2800 par jour. Vous voyez quand même la différence. de ce que le cerveau doit traiter. Donc ça, c'est très concret dans le cerveau, cette notion du temps. C'est-à-dire que ce n'est plus une notion effectivement évanescente qui est un concept qu'on a construit au fil du temps, comme ça vient d'être dit. Et ce basculement, il est intéressant parce qu'il y a eu quand même, dans les années 60, un basculement intellectuel du rapport au temps pour les humains qui a été assez important, qui paraît infime comme ça, mais qui va quand même redéfinir beaucoup de choses. C'est que jusque dans les années 60, 1962 pour être précis, le temps est déterminé. par les cycles naturels. C'est-à-dire qu'on a regardé le soleil qui se lève et qui se couche, puis petit à petit on a regardé à peu près comment on découpait le timing dans ce temps du soleil qui se lève et qui se couche, dans le temps de la Terre qui tourne autour du soleil et tout ça. Puis on a construit petit à petit d'abord les heures, puis ensuite on a trouvé que les heures c'était plus assez précis, on a construit les minutes, les secondes, et c'était toujours un découpage de ce temps naturel. Et puis dans les années 60, 62, il y a un grand congrès qui travaille sur... toutes les mesures du monde, qui travaille sur les mesures du mètre, du décimètre, tout ça, et puis qui se dit mais en fait, ce temps, qu'est-ce que c'est vraiment qu'une seconde ? Ce n'est pas assez précis parce que le temps de rotation de la Terre, il n'est pas exactement similaire tout le temps parce qu'il y a des petites modifications, ça nous embête un peu. Donc, il faut qu'on inverse les choses. Vous savez ce que c'est une seconde aujourd'hui pour la détermination d'une seconde ? C'est plusieurs millions d'oscillations de l'atome de césium. Voilà. Donc maintenant, une seconde, c'est plusieurs millions, c'est presque un milliard, d'oscillations de l'atome de césium qui définit une seconde. À partir de là, inversé, ce n'est plus la nature qui définit le temps, c'est nous qui avons imposé un temps à la seconde. Et on a reconstruit toute notre temporalité par rapport à ça. À partir de là, on a commencé à considérer qu'on était en maîtrise du temps, puisqu'on était capable de définir, déjà, qui peut compter quelques millions d'oscillations de l'atome de césium en une seconde. Si je vous dis ça, c'est quand même intellectuellement aberrant. On sait pas où on en est avec ça. Et donc, en fait, on s'est mis à... penser qu'on avait une maîtrise du temps. Ce qui n'est pas faux, mais qui n'est pas tout à fait juste non plus. Donc c'est vrai que ce temps, aujourd'hui, on essaye sans cesse de se le réapproprier. Et si je pose la question dans la salle, à main levée, comme ça, qui estime que vous avez toujours le temps de faire ce que vous voulez ? Ah, quand même, deux, trois mains qui se lèvent. À main levée toujours, on a cinq mains qui se lèvent. Qui estime dans cette salle encore que le temps va un peu trop vite aujourd'hui ? Un peu plus de mains qui se lèvent, merci beaucoup. Quand on regarde les sondages mondiaux aujourd'hui, quand on commence à travailler un petit peu là-dessus, notamment, il y a des grands champs d'études qui sont en cours et qui publient des grands rapports une fois tous les 15 ans sur la perception temporelle, sur des choses comme ça. Aujourd'hui, on a quasiment 80%, on a 79% de gens dans le monde, que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, qui considèrent que le temps va un peu trop vite, qu'on n'arrive plus à suivre. et qu'on nous demande un peu trop souvent de faire plus avec moins. Ça, je pense que dans les entreprises, vous avez déjà entendu ça, on en reparlera pour la ville de Grenoble. Donc, tout ça, ça devient des rapports au temps qui se sont déréglés un petit peu, parce qu'en fait, on n'est plus tout à fait capable de sentir ce qu'on fait. Et ça s'explique en partie, alors pas que, j'insiste, mais en partie, par cette quantité d'informations que reçoivent chacun de nos cerveaux, qu'on doit traiter. Le moindre petit bip sur un téléphone portable, le moindre petite notification, c'est un temps cognitif. Il n'y a pas de miracle. Vous pouvez dire non, non, mais ce n'est pas grave, c'est juste un bip, je m'en fous. Mais ce n'est pas vrai. Le cerveau, il ne s'en fout pas. Il entend un bip. Qu'est-ce qu'il se dit le cerveau ? Il se dit tiens, est-ce que c'est ma mère qui encore une fois me dit viens dîner ce soir ? Ou est-ce que c'est ma banque qui m'appelle pour me dire « On vient de vous prélever l'ensemble de votre compte et vous n'avez plus d'argent. » Le cerveau, il se dit tout ça, donc il doit contrôler à un moment donné. Il ne peut pas faire autrement. Il a ce besoin de se dire « Mais c'est quoi ce bip ? C'est quoi cette lumière ? C'est quoi ce son ? C'est quoi cette information ? » Et en fait, il est tout le temps en train de faire ce calcul. Et s'il y en a trop, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Pour finir, on ne s'en sort plus et notre rapport au temps se dérègle parce qu'on n'est plus capable de faire ce dont on a fondamentalement besoin. Le cerveau a besoin de ça. Ce n'est pas... quelque chose, c'est de ne pas avoir d'injonction. C'est-à-dire de se laisser aller. Ce côté de se laisser penser, de ne rien faire, de laisser le cerveau en free-floating, comme on dit, est une nécessité à la construction mentale. Quand on n'a plus ça, on ne développe plus de compétences à l'imaginaire, on ne développe plus de compétences à créer le futur. Et une des choses intéressantes avec la Covid, comme ça a été cité tout à l'heure, c'est cette perte de notion du temps. Il y a une deuxième perte qui a été fondamentale, c'est pour ça qu'on a monté l'expérience Deep Time, perdre de la projection future. Les gens n'arrivaient plus à se dire j'ai envie d'un futur. Et ça, c'est tout à fait lié au temps. On pourra peut-être en reparler un peu, mais c'est déjà très long nos réponses.

  • Speaker #2

    Je vous remercie pour ces premiers éclairages. Et donc, avant de passer à d'autres questions, je souhaitais revenir sur le test de chronocompatibilité. Il semblerait que dans ce futur, le rythme de chacun chacune soit donc pris en compte lorsqu'il ou elle rejoint une nouvelle équipe de travail. Et ce test semble permettre de comprendre si une personne se sent mieux et donc travaille mieux le matin, le soir ou à d'autres rythmes moins traditionnels. Il semblerait également que dans ce futur, les équipes de travail soient composées en fonction de leur compatibilité de rythme de travail. Et donc, la synchronisation devient finalement un enjeu central du monde du travail. Alors, je me tourne une nouvelle fois vers vous pour vous demander, existent-ils différents modes de synchronisation et comment un groupe... peut-il se synchroniser lorsqu'il n'a plus accès à des informations temporelles ?

  • Speaker #4

    Bien ! Non, c'est intéressant parce que ça relie un tout petit peu à ce qu'on a fait avec l'expérience Deep Time où on s'est mis pendant 40 jours dans une grotte à 15 personnes. Et puis c'est vrai que là, vous coupez toute information. Le basculement, il est intéressant. Vous vous retrouvez dans un monde où vous ne savez plus où vous en êtes. Et dans l'histoire de ce genre d'études qui a commencé dans les années 60, avec... Vous avez sûrement entendu parler de Michel Siffre. C'était quelque chose de terrifiant, en fait. C'est-à-dire que les gens faisaient plutôt des dépressions quand ils sortaient. C'était difficile de gérer ça. Alors, on ne sait pas trop pourquoi. Il y a plein de choses qui sont au-delà de la notion du temps. Alors qu'aujourd'hui, quand on se met à 15 dans cette grotte, finalement, au bout d'un moment, on ne se sent pas si mal, voire même plutôt bien. Et c'est vrai qu'il y a des cycles. Alors, je ne vais pas vous parler des cycles adaptatifs parce que c'est un autre sujet et puis on n'a pas le temps aujourd'hui. Il y a des cycles qui vont se mettre en place, qui vont faire que chacune et chacun va à un moment donné avoir besoin, mais fondamentalement besoin, de se réapproprier cognitivement sa propre temporalité. Et ça se fait plus ou moins bien dans un temps plus ou moins court, plus ou moins long. Ça dépend des cadres, ça dépend des gens. Sur les 15 personnes, on a 15 typos chronobiologiques différents, un petit peu. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment donné, on va effectivement quand même se coucher quand on est fatigué. On se lève quand on a assez dormi, on mange quand on a faim. petit en fait on est de moins en moins fatigué dans un certain sens votre cerveau reprend cette maîtrise dont je vous parlais et vous vous sentez bien parce que finalement vous êtes dans un univers qui vous laisse le temps de cette génération mentale donc du coup vous recréer de la création d'imaginaire de la projection et petit à petit vous retrouver une marque qui est la vôtre et après effectivement faut que cette marque est la vôtre puisse aller vers celle des autres alors quand on n'a rien à faire finalement c'est pas très grave Quand on a un travail à constituer, on constate qu'il faut arriver à trouver les marqueurs qui permettent à chacun de faire ce travail. Et une des choses qui va se marquer, c'est qu'on ne peut plus forcément fonctionner en se disant « toi, tu as ce travail, toi tu as ce travail, toi tu as ce travail » . Parce que si vous devez travailler ensemble et que vous n'êtes pas au même moment, au même endroit, c'est compliqué, on ne peut pas se donner rendez-vous. Donc il vaut mieux avoir des personnes qui sont capables de faire différentes choses, avec différentes personnes qui sont capables de faire la même chose. Et puis finalement, le travail se fait parce qu'au moment où les gens sont là, ils sont capables de travailler ensemble. Et en fait, on a un travail qui est quasiment aussi qualitatif. Alors, il faut un peu de temps pour que ça se mette en place. Ce n'est pas immédiat, mais quand on arrive à mettre en place ce travail, le travail est très qualitatif. Donc, en fait, on peut faire plein de choses. Alors, je ne prétends pas qu'on puisse vivre totalement. Moi, j'y crois. Enfin, l'histoire qu'on va pouvoir tout fonctionner sur une synchronisation. D'ailleurs, ça me terrifierait ce que vous montrez là. À chaque fois qu'on a voulu... Trouver des solutions pour mettre des gens ensemble sur des bases similaires. Il y a un mec qui a essayé en 1940 sur les blancs caucasiens et compagnie. Jusqu'où on va dans la capacité de se dire, toi tu as le même profil que l'autre, donc on te met ensemble, si tu n'as pas le même profil, tu ne peux pas aller avec l'autre. Ce serait terrifiant intellectuellement. Et ce serait même aberrant parce que ce qu'on constate, c'est que... avec des personnes dont on n'a pas le même profil de chronotype, finalement, on se voit à des moments différents. Mais le moment où on se voit, c'est très qualitatif, potentiellement. Et c'est dans ces échanges-là qu'on crée quelque chose de merveilleux. Donc, je pense que ce que nous apprend ce genre d'expérience, ce n'est pas tellement de vouloir déterminer les gens par leur chronotype ou leur chronophysiologie, c'est de constater un besoin fondamental sur lequel tout le monde sera d'accord dans cette salle, ou presque. qu'on doit réussir à réduire un peu le nombre d'injonctions qu'on reçoit quotidiennement. C'est intéressant. Peut-être qu'on en parlera un petit peu sur ce travail avec la SNCF. Alors, eux, ils ont quand même assez bien compris de free floating à la SNCF. Je veux dire, ils arrivent quand ils veulent quand même. Donc, ils ont pas mal compris ton système, finalement. Surtout à Grenoble. Mais on en parlera un peu parce que je trouve ça extraordinaire de commencer à redéfinir un tout petit peu ce besoin constant. d'avoir quelque chose à faire ou de se faire imposer quelque chose à faire. Ça c'est un vrai sujet et vraiment, dans la grotte, en tout cas c'est ce qui ressort de nos travaux scientifiques aujourd'hui, on va bientôt les publier, il y a une évidence que nous avons régénéré des fonctions cognitives de par le fait d'avoir moins d'imposition temporelle. Ça c'est, aujourd'hui on a les données scientifiques pour le dire. Donc c'est quand même super intéressant. C'est-à-dire que je ne suis pas en train de dire qu'il faut couper la technologie, moi je ne me passerai pas de mon téléphone parce que c'est nos vies, on en a besoin, on communique d'ailleurs. Même là, on communique avec ses parents, tout ça. Mais on doit se poser la question de savoir quand est-ce qu'on utilise ces outils et qu'ils sont merveilleux, et quand est-ce qu'on ne les utilise plus. Quand est-ce qu'encore une fois, dans une entreprise, on décide de mettre tout le monde dans la même boucle, quand c'est qu'on décide qu'on n'a pas forcément besoin que tout le monde soit au courant de tout. Toutes ces notions-là, c'est plutôt là-dessus, je pense, qu'on doit travailler pour redéfinir ce rapport aux besoins du temps.

  • Speaker #3

    Non, je trouve que les expériences de privation sensorielle sont toujours très intéressantes. Il y en a beaucoup et elles relèvent à la fois de stratégies méditatives, de méditation, de focalisation, d'essayer de retenir toutes les sollicitations extérieures par des formes aussi internes, de réduction des rythmes, etc. Donc, il y a quelque chose qui aujourd'hui fait l'objet d'une vogue aussi, que les gens recherchent de sortir du temps. de trouver des expériences hors du temps. On a pu le chercher longtemps avec la drogue, parfois avec l'alcool, parfois avec des grottes,

  • Speaker #4

    parfois avec...

  • Speaker #3

    Chacun trouve son... Et puis, il y a par ailleurs, de la même façon, cette privation sensorielle est aussi une technique très connue de torture qui, à Guantanamo, a beaucoup servi avec cette privation sensorielle qui était organisée. Il y a des psychologues qui ont publié là-dedans pour expliquer à quel point c'était bien pour mettre quelqu'un en vulnérabilité. Et c'est une vraie stratégie parce qu'elle génère aussi des sentiments d'incertitude, surtout quand des événements peuvent apparaître.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire hors d'un contexte très contrôlé. Être dans une privation des repères, etc., ce n'est pas si grave, sauf au moment où un événement surgit qu'on ne peut pas s'expliquer, où là, le caractère traumatique est encore plus fort, parce que ce qui va nous permettre de réagir à une incertitude, c'est justement de se projeter dans le temps. Un danger, ne pas activer que des automatismes, c'est pouvoir élargir l'espace temporel dans lequel on pense, pouvoir l'élargir vers le futur, vers le passé. et l'élargir aussi vers les autres. Ça va ensemble, ces formes de distance, et du coup, trouver de la marge de manœuvre. Et du coup, cette question des repères temporels, c'est un fragile équilibre entre une sécurité collective, on a besoin d'un temps collectif, on a besoin d'un temps qui ne soit pas purement individuel, mais où on s'accorde un peu avec les autres, et c'est aussi des plaisirs qu'on va chercher dans des concerts, dans des rituels, et depuis toujours, les sociétés ont organisé des rituels pour trouver ces temporalités collectives. qui rassurent et en même temps ne pas être dans ce qu'on a fabriqué aujourd'hui, c'est-à-dire ces sur-sollicitations permanentes qui font qu'en fait ce temps est devenu une véritable prison dans lesquelles on a tellement de repères. C'est un peu comme au Covid et je peux parler de la SNCF, tous ces marques qu'on a mis au sol et qu'on faisait dans l'espace, ce qu'on a fait avant dans le temps, on a mis des repères partout et il fallait se mettre dans les cercles pour éviter d'être trop près des autres. Et ça, je trouve que ça pose la question aussi, non seulement de la quantité du temps, temps qui est importante, mais une fois de plus, la qualité des expériences, c'est-à-dire des émotions que le temps évoque, qui ne se partagent pas toujours de la même façon et où un temps du plaisir ne va pas du tout ressembler à un temps de la peine ou à un temps de la peur. Et que je crois que là encore, il y a ce caractère très sensible, très incarné du rapport au temps. Je pense que parfois, on a des expériences du temps, enfin je pense, on sait qu'on a des expériences du temps qui sont d'abord physiologiques. et qui ne sont représentés qu'ensuite. Je parlais de l'ennui, ça peut être de ce sentiment de pression temporelle, ça peut être le sentiment d'impatience, etc. Et c'est des choses qui arrivent avant même qu'on ait pu vraiment se représenter de quoi il s'agissait. Et donc ça montre aussi que ces signes temporels qu'on a tout le temps, ils visent aussi à dompter quelque part, à domestiquer une fois de plus, des choses assez spontanées qu'on peut avoir. d'envie de ne plus penser au futur, d'envie de passer du temps à penser au passé, etc. Et je crois que les signaux qu'on a sur nos téléphones, c'est rarement des signaux pour nous dire « Où es-tu ici, maintenant ? Est-ce que tu es dans le présent ? » C'est toujours des choses pour nous dire « Qu'est-ce que tu pourras faire ? » « Qu'est-ce que tu as fait ? » « Qu'est-ce que tu vas faire ? » etc. Donc ça cherche à nous faire sortir du présent la plupart du temps pour essayer de nous emmener vers le passé ou vers le futur. Et donc ces rapports au temps et ces enjeux de synchronisation, je pense qu'aujourd'hui on a... Un vrai problème avec la quantité d'informations temporelles. Je suis tout à fait d'accord. On travaille avec la métropole de Lille, par exemple, sur la sobriété informationnelle et une forme de sobriété cognitive. L'organisation essaye de se mettre en ordre de marche pour créer de la sobriété cognitive. Donc, on va enlever des informations le plus possible. On le fait effectivement à la SNCF. On l'a fait. On a enlevé des informations temporelles. On a essayé de voir entre une information d'une heure d'arrivée et une information... qui est de durer avant l'arrivée, qu'est-ce qui est le plus intéressant ? Est-ce qu'il faut aussi dire l'heure depuis combien de temps un autre train est parti, etc. ? Parce que toutes ces informations temporelles, elles créent effectivement ce sentiment d'urgence ou de rapidité. Il faut savoir que de toute façon, plus la vie avance, plus le temps passe vite. Donc ça, dites-le vous, plus vous vieillirez, plus le temps passera vite. Et ça, c'est un mécanisme absolument inévitable qui est dû à plein de choses. Mais il faut se le dire, moi je le vis, à quelle vitesse ça va, c'est incroyable. Bref,

  • Speaker #1

    tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a cette accélération, cette accélération pour moi ça tient à cette multiplicité des signes, ça tient aussi à l'absence de perspective, c'est-à-dire qu'on est dans un monde qui est de plus en plus incertain, on a parlé des crises, et évidemment quelque chose dans lequel on ne peut pas se projeter vers l'avant donne le sentiment qu'il passe plus vite. Parce que quand on ne peut plus se projeter loin, quand on n'a plus de distance devant soi, on va prendre des repères qui sont immédiats et ces repères s'enchaînent très vite. C'est-à-dire que tout ce qui était de l'ordre de la transcendance et de la métaphysique, c'est-à-dire ce qu'on ne voit pas, le futur lointain, au-delà de l'horizon, des choses plus grandes que nous, qui nous donnaient le sentiment d'un monde large, toutes ces choses-là se sont refermées. Donc on refermait ce qu'on appelle l'espace psychologique, la distance psychologique avec laquelle on envisage nos vies au quotidien. Et évidemment, quand le regard est étroit, quand le champ de perception est étroit, les choses passent tac, tac, tac, tac, tac, tac, comme ça. C'est comme si vous regardez par la fenêtre d'une voiture, vous regardez les arbres, ils passent très vite. Si vous commencez à regarder le bout de la route... Les choses ne sont pas à la même vitesse. Et on a un vrai enjeu, je trouve, on le sait, de court-termisme, d'urgence permanente, de centration sur le présent, de difficulté à lever le regard et à retrouver de l'espace, de l'espace pour penser. Dans les organisations, tout le monde dit qu'on manque de recul. On a le nez dans le guidon. Ça veut exactement dire ça. Et ça, je pense que c'est une question de multiplication de l'information, mais c'est aussi une question de... des formes de stabilité qui se sont effondrées. Des fois, on parle des récits collectifs, des fois, on parle des formes collectives d'organisation, etc. Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui se soutenaient et dans les études dont tu parlais, nous, on fait des enquêtes au niveau international, donc c'est 142 pays, c'est vraiment sur tous les continents, sur ce qu'on appelle les perspectives temporelles. Les perspectives temporelles, c'est à combien on se projette, à quelle distance on se projette. Et est-ce que ce qui est dominant, c'est notre projection dans le futur, notre projection dans le passé ou alors notre centration sur le présent ? Et on voit les espaces se refermer, on le voit. C'est-à-dire que ça fait des dizaines d'années qu'on voit le temps dans lequel les gens se projettent en certitude qui se réduit de plus en plus. Et ça, ça arrive à un moment où dans nos sociétés, on continue à survaloriser tout ce qui concerne la projection dans le futur. C'est-à-dire qu'on est dans une situation où tout le monde nous demande de faire des projets dans un contexte qui est parfaitement incertain. Et ça, ça produit des injonctions contradictoires qui sont difficiles à tenir. Et je crois que la crise climatique, les différentes crises qui s'annoncent, vont rendre le futur encore plus incertain. Et que si on ne bâtit pas des formes différentes, des rapports autant différents, on n'arrivera pas à s'adapter à ces situations de crise ou à se réadapter à ces situations de crise, qui sont des situations effectivement de surcharge d'informations, mais aussi d'extrêmement grandes incertitudes. Comment on se projette dans le futur quand ce futur est parfaitement incertain ? Et est-ce qu'il ne faut pas que ce futur redevienne de l'avenir ? Parce que les mots sont importants. Entre le futur et l'avenir, il y a une grande différence. Le futur, c'est ce vers quoi on va. L'avenir, c'est ce qui vient vers nous. Le futur, c'est l'horizon vers lequel on se projette. L'avenir, c'est ce qui nous arrive en face dans l'horizon. Et on a un peu trop pris l'habitude d'en quelque sorte coloniser l'avenir par le futur. C'est-à-dire que dans ce qui vient, je vais mettre du projet plutôt que de laisser venir. Et ça, ça produit trop d'informations, ça produit un sentiment de contrôle qui est trompeur et ça produit une forme d'accélération et de mise sous dépendance. Et c'est extractiviste comme mode de pensée aussi, parce que s'il faut que l'avenir ressemble au futur qu'on a décidé, on va faire la place pour que ça existe. On va prendre les ressources qu'il faut pour que ça existe. Les relations de domination entre personnes, c'est avoir un projet pour l'autre plutôt qu'accepter son avenir. Et il y a tout un tas de choses comme ça qui sont inscrites au cœur de nos représentations du temps, qu'il faudrait qu'on questionne aujourd'hui. On pourra revenir sur la logique de récit, par exemple, qu'il faudrait qu'on questionne. Mais cette question du rapport au futur et à l'avenir, je crois qu'elle est vraiment, vraiment, comment dire, tellement piégeuse, tellement pleine de pièges, parce qu'il y a des choses qu'on pense sans même savoir d'où vient cette pensée. Et ce que je disais au début sur cette construction d'un rapport à l'avenir qui est en fait devenu un rapport au futur, et que ce rapport au futur nous piège tous dans des modes qui sont des modes de domination de l'environnement. de prise de possession sur ce qui nous entoure, ils sont quand même un peu à la source des problèmes qu'on a. Puisque quand on regarde, par exemple, l'historique de la notion de projet, l'historique de la notion même de projet, ça suit l'historique de nos émissions carbone. C'est quand même intéressant.

  • Speaker #1

    Il y a une chose assez fondamentale qui se joue là, dans tout ce qui vient d'être dit. Il y a une chose assez extraordinaire, c'est qu'on a ce... ce besoin, et il y a un vrai besoin très marqué chez beaucoup de gens, de la réappropriation du temps présent. C'est vrai avec le yoga, c'est vrai avec la mindfulness, avec la méditation, toutes ces choses-là. Il y a des vrais mouvements de dire qu'on doit se réapproprier notre présent. Et pourtant, il y a cette notion, on est toujours le nez dans le guidon. En fait, le présent nous fait peur et à la fois, on veut se le réapproprier. Donc en fait, c'est une vraie difficulté aujourd'hui mentale qu'on impose aux gens. C'est une sorte d'ajonction contradictoire aussi d'être capable aujourd'hui de se redéfinir dans son temps présent. Tout en effectivement acceptant que, n'ayant pas de maîtrise idéale sur un futur, on doit laisser aussi ce futur vivre pour ce qu'il va être. Et ça, c'est quelque chose qu'on n'est plus tout à fait capable de faire. Je ne sais pas si on l'a été par le passé. Je ne suis pas archéologue du futur ou de l'ancien, mais on a toujours eu ce besoin-là. C'est vrai qu'on doit se redéfinir par rapport à ça. Et je pense que le niveau intéressant pour le faire, là où la temporalité est la plus intéressante, C'est clairement dans les communautés d'une ville, d'un espace, d'une municipalité, parce que là, finalement, il y a besoin de prendre des décisions à long terme. C'est comme dans les SNCF, elle ne peut pas prévoir de construire une ligne de chemin de fer en 5 minutes. On sait que ce sera des travaux très longs. Et pourtant, on doit offrir à nos populations, populations qui nous entourent, des capacités de se réapproprier un temps court. Donc on a vraiment cette double nécessité intéressante, avec une chose qui me paraît fondamentale dans deux mots. qu'on utilise beaucoup, collaboration, coopération. La collaboration, c'est on fait ensemble. La collaboration est une définition même du temps. C'est-à-dire que pour faire ensemble, on doit avoir une temporalité qui nous convient. C'est-à-dire, je te donne un rendez-vous, on fait ensemble. Si je viens chez toi pour acheter du pain, on passe quelques secondes ensemble, on fait un truc. C'est le geste et l'acte. La coopération, c'est la volonté de réussir ensemble quelque chose. Elle s'absout de ce besoin de temporalité obligatoire. C'est la notion qu'on doit faire ensemble pour réussir quelque chose. Et on n'a pas réussi si tout le monde n'a pas réussi. Ce n'est pas juste moi je réussis et les autres iront bien s'ils allaient me suivre. C'est ensemble. Et pour ça, ça nécessite du temps. Ça nécessite une resynchronisation de nos différentes personnalités. Et c'est d'une puissance qui est extraordinaire en fait. Parce qu'on fait énormément de choses avec cette coopération. Là où on est condamné à être dans une course en avant avec la collaboration. Je vous invite dans vos entreprises, dans vos municipalités, un peu partout, à plus coopérer et peut-être un peu moins collaborer. Merci pour ces précisions. Je vous demande donc, est-ce que certaines personnes ou groupes de personnes rencontrent plus de difficultés à se synchroniser que d'autres ? Existe-t-il des inégalités face à notre rapport au temps ?

  • Speaker #0

    Oui, alors à plein de niveaux. Moi, je suis rentré dans la question du temps par l'expérience de la précarité dans ma famille, l'expérience de cette incertitude tout le temps. Cette expérience d'agence intérime qui disait le temporaire en permanence, avec un point d'exclamation, comme un idéal, etc. Et effectivement, et ça a été écrit récemment par Nicolas Duvoux, qui est le directeur de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, l'avenir confisqué, dans le sens où effectivement, il y a des conditions de vie qui rendent ce futur, qui est pourtant survalorisé, nécessaire, etc. Impossible à... percevoir et à anticiper de manière sereine. Parce qu'on ne sait jamais de quoi demain sera fait, parce que le budget n'est jamais bouclé, parce que l'emploi n'est jamais garanti, parce que la santé est vacillante, parce que le logement n'est peut-être pas garanti non plus, etc. Et les précarités se multiplient, s'ajoutent les unes aux autres, etc. Et évidemment, dans ces contextes-là, faire un projet comme le demande n'importe quel service social, c'est infaisable. Donc on a quelque chose qui est... qui est une inégalité, mais qui n'est pas une inégalité tellement parce que les gens n'auraient pas les ressources pour se projeter dans le futur. C'est une inégalité qui se construit par le fait qu'on valorise le futur parce qu'il n'est accessible qu'à une partie de la population. C'est ce que j'appelle un privilège. Le futur est un privilège, il a été construit comme un privilège. Et donc, un enfant qui doit réussir à l'école, ça doit être un enfant qui accepte de se tenir assis, de ne pas bouger, de ne rien vivre au présent. que quelque chose qui peut-être lui ramènera quelque chose dans le futur. Un demandeur d'emploi qui essaie d'avoir de l'aide et du soutien, il doit d'abord faire un projet, donc il doit d'abord attendre, se projeter dans le futur et à cette condition-là, peut-être qu'il arrivera quelque chose. Un étudiant qui réussit, c'est un étudiant dont on perçoit qu'il a un projet. Un étudiant sans projet, on n'a presque pas envie de le prendre et de le sélectionner. On a eu des études intéressantes là-dessus. On a montré à des étudiants en psychologie, ils sont gentils comme tout. Ils sont là pour aider les autres, donc ils sont vraiment adorables. Les étudiants en psychologie, on leur montrait des questionnaires sur le temps déjà remplis. Parce qu'il y a une échelle de mesure du temps qui s'appelle la ZTPI, qui permet de mesurer les perspectives temporelles dans des organisations, chez des gens, etc. Et donc, on leur montrait des questionnaires déjà pré-remplis en leur disant « ça, c'est le questionnaire d'un étudiant, qu'est-ce que vous en pensez ? » Il y avait des questionnaires qui étaient remplis avec des réponses du type « j'aime me projeter dans le futur, je fais des projets, je fais aboutir mes projets. » Un autre qui était... Je vis au jour le jour, je vis dans le présent, je ne me soucie pas trop du futur. Et on leur demandait de juger. Alors, celui qui était dans le futur était jugé plus intelligent que celui qui était dans le présent. Celui qui était dans le futur avait de meilleures chances de réussite que celui qui était dans le présent. Quand on prenait quelqu'un dans son groupe, on prenait plutôt celui qui était dans le futur. Et quand on décidait d'aider quelqu'un, on décidait plutôt d'aider celui qui était dans le futur. Donc, ça veut dire qu'en fait, de manière implicite, on a totalement... assimiler une norme du futur qui fait que tous ceux qui n'ont pas les ressources, les conditions de vie qui rendent ce futur-là facilement appropriable, facilement bâtisseur de confiance, etc., tout cela sont exclus. Et on va reparler de la transition écologique, si on veut, on peut en reparler, la transition écologique, 90% du temps, elle consiste à dire, faites des efforts aujourd'hui, ça payera demain. Rien ne nous oblige à l'avoir comme ça, rien. En fait, la transition écologique, ça peut être un plaisir aujourd'hui, et ça va être plein de soucis demain, on pourrait le dire comme ça. Sauf qu'on a, et c'est pareil dans le domaine de la santé, il y a plein d'études qui montrent que la plupart des communications en santé, je vais prendre l'exemple que je prends souvent, le dépistage du cancer colorectal. Le dispositif de prévention consiste à dire que ce n'est pas très agréable sur le moment, mais faites un effort, ça va préserver votre santé future. Et donc, en fait, quand on se rend compte de ce que produit, par exemple, l'action publique, la communication, c'est tout le temps sous les mêmes registres temporels. C'est faisons un effort aujourd'hui, ça payera demain. Ça, ça demande à penser que demain va arriver, déjà. Ce n'est pas si facile dans la vie d'un individu, d'un humain. C'est long de percevoir demain. Un bébé, il n'y a pas de demain. C'est ici, maintenant, tout de suite. C'est des tyrans. parce qu'ils n'ont pas de sens du futur. Donc, ça met du temps à se construire. Et il y a plein de choses dans notre vie qui démentent cette capacité à prédire demain. Parce que souvent, demain ne se passe pas du tout comme c'était prévu. Et dans des vies où le demain n'arrête pas de démentir la prévision qu'on a fait, parce qu'on veut aller tirer de l'argent pour acheter une pizza. Finalement, on n'a pas d'argent. Les enfants sont derrière à attendre pour aller à la pizzeria. Il ne se passera rien. Au bout d'un moment, on arrête. On arrête. C'est le futur pas possible. Et là-dessus... Il se pourrait que des gens viennent en disant « et si on pensait à la ville de dans 20 ans, dans 30 ans, etc. » Ça active des régimes de temporalité qui peuvent être des régimes qui sont perçus en eux-mêmes comme un peu violents. C'est dire « mais attendez, vous êtes en train de me parler d'un espace, d'un horizon que je ne peux pas me payer. Je ne peux pas me payer votre futur. Ce n'est pas possible. Et ce n'est pas par manque de compétences, etc. C'est juste que toute ma condition de vie m'emporte. empêche de ça. Alors en plus, quand on va parler d'un futur meilleur, c'est encore plus difficile parce que je passe ma vie à essayer d'éviter les problèmes. J'en suis pas du tout à essayer d'atteindre du meilleur. Et on se rend compte comme ça qu'il y a une action publique, des normes, etc. qui sont excluantes par leur régime de temporalité. Parce qu'elles n'acceptent pas l'urgence, parce qu'elles n'acceptent pas une forme de précarité, parce qu'elles ne laissent pas place au présent, parce qu'elles ont l'impression que si on leur enlève le futur, l'optimisme, le projet, elles n'auront plus rien. Et je plaide sans cesse à tous les niveaux pour qu'une action publique, qu'elle soit administrative ou d'un collectif habitant, etc., se construise certes dans l'optimisme, mais dans l'optimisme du présent. Et là, je voudrais proposer quelque chose, c'est qu'on arrête de mettre le présent au singulier et qu'on parle des présents, la pluralité des présents. Allons chercher l'imaginaire là. dans la pluralité des présents, dans les mille façons qu'on a tous de vivre le moment ici, maintenant, c'est porteur d'imaginaire, c'est porteur de rêve, c'est porteur de créativité, et c'est un peu moins porteur d'exclusion par anticipation, qui serait dire, ici, on va parler du futur, donc tous ceux pour qui le futur est un espace d'anxiété, vous ne serez pas, vous ne ferez pas partie de la discussion. Et ça, j'en parle d'autant mieux, je vais prendre mon autre fils, qui, lui, ne veut plus penser au futur. Du tout, du tout. Et ils ont fait une tribune dans leur lycée. Ils ont interpellé le conseil d'administration en disant, faites quelque chose parce qu'on ne peut pas continuer des études comme ça alors qu'on ne peut pas penser au futur, qu'on en a tous peur. Tous peur et on a le sentiment que vous ne faites rien. Et ils étaient en train de dire, prenez soin de notre présent, de nos présents. Arrêtez de nous pousser là avec les parcours sup, etc. Arrêtez de nous pousser vers le futur. Prenez soin. de notre présent ou prenez soin de nos présents. Ça, je pense que c'est vraiment, pour moi, quelque chose d'important. Et la logique des récits, parfois, ou ces démarches qui consistent à dire on va imaginer la vie dans 50 ans, des fois, il faudrait rééquilibrer avec prenons conscience de la pluralité de la vie ici et maintenant. Et construisons des endroits où ça peut s'exprimer. Et je rejoindrai pour finir vraiment ce qui a été dit sur... Tant court, tant long, l'idée n'est pas de choisir l'un plutôt que de l'autre, mais d'être capable de naviguer entre les deux. Ce qu'on appelle la flexibilité cognitive, ce qui aujourd'hui est au cœur d'un certain nombre de travaux pour dire qu'il faudrait qu'on soit capable de naviguer entre les distances, de tenir compte du petit présent dans lequel on est, au rapport de quelque chose de plus vaste, d'un présent plus global, éventuellement d'un avenir. Et ça, je pense que c'est quelque chose de vraiment important parce que dans la compréhension de l'autre, dans l'empathie de la temporalité de l'autre, parce qu'aujourd'hui, il y a des hypothèses d'intelligence temporelle. Vous connaissez peut-être l'intelligence émotionnelle. Il y a plein d'endroits et plein d'organisations où il faudrait de l'intelligence temporelle, c'est-à-dire un manager qui voit un agent arriver dans un certain état qui ne comprend pas qu'en fait, l'agent était en train de traiter une urgence et qu'il est dans un état d'esprit d'urgence et qui lui dit « Attends, je vais aller en parler, on va faire une note, on va faire une réunion et on verra plus tard sans accueillir l'urgence. » Donc, cette idée d'intelligence temporelle, elle provient beaucoup de la capacité à... à se mettre dans un état d'esprit d'immédiateté, d'urgence, ou peut-être l'autre, de rentrer dedans. d'être capable de l'accepter, de ne pas se sentir stressé soi-même, d'être capable de l'accepter comme une pluralité temporelle et éventuellement d'accompagner vers soi, c'est-à-dire de faire venir, etc. Et ces jeux de distance sont intéressants. Je reprends l'exemple de la métropole de Lille, puisqu'on a fait toute une recherche-action avec les managers de la métropole. Et en fait, le cœur du sujet, on est venu à ça, sur le sujet du temps et le sujet de ces distances. Je pense que ça passe aussi par une prise de conscience des dimensions interculturelles du temps, des variétés. Et je recommande à tout le monde les tribulations d'un psychologue social du temps, de Robert Lévin, et qui explique comment il y a plein d'endroits où on ne se donnera jamais une heure. Ce n'est pas vrai, on ne se donnera pas rendez-vous avec une heure. On se donnera un indice vague, mais extrêmement vague, et on a 3-4 heures pour arriver. Et ce n'est pas grave. Voir, on arrive sans jamais avoir rien prévu. Et j'ai des amis qui n'ont pas tout à fait le même régime temporel que moi. Moi, il faut que ce soit comme ça. Encore, quand je vais au Danemark, je suis en retard tout le temps. Je ne suis jamais à l'heure. Quand je vais dans d'autres pays, c'est un peu l'inverse. Et donc, il y a des régimes aussi. Cette pluralité-là, elle est aussi importante parce que dans nos vies, on sait qu'il y a des moments où être à l'heure va être tellement important et on va en jouer et ça va être important. Et si quelqu'un est en retard, on va le prendre très mal. Et il y a d'autres moments au milieu de l'été, en pente douce, à la fin du jour, quand il s'agit d'un apéro, qu'on soit là à l'heure ou pas, on n'a plus rien à faire. Donc ça montre aussi à la fois les variations culturelles, les variations situationnelles, et comment en fait il y a une forme de flexibilité, d'acceptation, de non-jugement, de psychologie. Je pense qu'il faudrait qu'on soit tous un peu plus psychologues dans le sens de comprendre un peu tout ça, pour accepter aussi qu'il n'y a rien de complètement déterminé tout le temps, qu'il n'y a pas de règles, et que les... C'est ce que disait, c'est essayer de montrer d'Ali, il faut que les horloges se liquéfient. Elles peuvent rester, mais qu'elles deviennent molles. Ça, ça nous arrangerait tous, je pense.

  • Speaker #1

    C'est une question qui peut se poser, je ne sais pas si ça serait la réponse à tout. Ce qui est certain, pour répondre déjà à la question, et après essayer d'aller sur des notions plus générales, si on avait tous la même synchronicité, ce serait un enfer. C'est très clair. C'est-à-dire que l'idée même que vous vous réveillez toujours exactement au même... à la même seconde que toutes les autres personnes autour de vous, que vous alliez toujours au même endroit, au même moment, exactement de la manière similaire et tout ça, ça se fait dans certains endroits, mais on est tous d'accord, c'est non seulement un enfer intellectuel, mais c'est aussi un appauvrissement terrifiant de notre capacité à faire société. Parce que faire société, ce n'est pas être toujours au même endroit, avec les mêmes personnes, au même moment. C'est avoir la capacité d'être ce soir ici, puis on ne se connaît pas toutes et tous, mais on se rencontre, on va parler un peu. Enfin, là, c'est plutôt nous qui parlons. L'idée est là, on vous écoute, à notre manière, et demain ce sera autre chose. Et cette notion que nous ne sommes pas sur la même synchronicité et que ça nous fait du bien, ça c'est une nécessité absolue. Ce serait la pire des choses qu'on puisse faire, de vouloir synchroniser de manière absolue un système social. Ça a été essayé, et ça a été des échecs patants. Donc on n'est pas là-dedans. Donc c'est très bien d'avoir des différences. Après, se pose la question d'une société qui doit vivre en commun. Et effectivement, de cette nécessité ou non de se dire, la vie en commune, est-ce qu'on a besoin de se donner des rendez-vous ou pas ? Je ne sais pas. En tout cas, on doit se définir dans un système comme une capacité à faire sens dans ce que nous nous sommes représentés les uns les autres. Et ça, c'est fondamental. C'est-à-dire que le décalage d'un système social vient quand on a des personnes qui voudraient un système temporel, et d'autres personnes qui voudraient un autre système temporel et qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord ensemble. Mais à un moment donné, ça ne marche plus. Donc, il faut trouver cette fluidité entre nous. Et ce qui est intéressant avec le temps, parce qu'on en a beaucoup parlé comme un objet philosophique, comme un objet générique, comme cette notion qui passe ou qui s'arrête, mais c'est surtout un pouvoir. Alors, c'est un mot qu'on n'aime pas toujours utiliser, mais pensez juste à quelque chose. Aujourd'hui, on demande aux gens, effectivement, de faire des efforts sur la notion du climat de demain, de l'environnement de demain et tout ça. C'est une notion qu'on doit construire demain par des actions d'aujourd'hui. C'est bien, pas bien, je ne vais pas juger ça. C'est des demandes. Et en fait, quand on demande aux gens, mais qu'est-ce que vous pouvez faire ? La plupart du temps, les gens ne savent pas trop. Parce que la réalité, c'est que pour construire un changement, un changement de système comportemental, ça ne se fait pas en cinq minutes. Le cerveau ne se transforme pas en cinq minutes. Il a besoin d'avoir un temps de compréhension de sa nouvelle donnée. Il a besoin d'un temps de mise en œuvre. Il a besoin d'un temps où il n'est plus d'accord avec sa mise en œuvre. Puis il a besoin d'un temps où il est de nouveau d'accord avec sa mise en œuvre, et ainsi de suite. Ça prend plusieurs jours, plusieurs semaines, ça dépend. Ce qui est certain, c'est que dans un monde d'hyperactivité et d'hypertemporalité, ce temps cognitif, cet espace cognitif pour prendre une décision de changement volontaire est quasiment nul. Donc on n'arrête pas de dire aux gens « changez » sans jamais donner de l'espace pour ce changement. Donc ça ne marche pas. Et on a tendance au contraire à dire aux gens « si on allait un petit peu plus vite, ce serait quand même super chouette » . Mais regardez, il n'y a pas si longtemps, on se faisait livrer en une semaine. Ou plutôt même, on allait soi-même acheter la chose dont on avait besoin. Aujourd'hui, il y a des gens qui vous disent « on va vous livrer en deux heures » . Ça ne marche plus. Ça veut dire qu'on n'arrive plus à faire la distanciation entre le désir de quelque chose et l'obtention de ce quelque chose. La plupart du temps, quand vous avez un désir et que vous mettez deux ou trois jours à le laisser vivre, vous allez réaliser que ce désir, d'abord, il a changé, il a évolué, peut-être même qu'il a disparu ou alors il a un autre besoin. Et vous allez agir différemment. Alors que là, si votre désir est tout de suite répondu de manière instantanée, finalement, c'est d'abord extrêmement coûteux. coûteux pour l'environnement et pour le système. Mais en plus, ça ne veut pas dire que ça répond à votre désir. Parce que justement, ce désir instantané que vous avez d'une commande, d'un besoin, d'une envie, n'est qu'une instantanéité cognitive qui va se modifier par définition avec le temps qui va passer. Donc, le premier pouvoir qu'on a de changement, en fait, par rapport à notre climat, par rapport à l'environnement et tout ça, ce qui coûte extrêmement cher aujourd'hui au système environnemental actuel, c'est la volonté de vitesse. Parce qu'il n'y a aucune façon d'accélérer quelque chose sans utiliser de l'énergie. Soit c'est de l'énergie physique, pétrole, électricité ou autre, soit c'est de l'énergie cognitive. Dès qu'on va aller plus vite, il faut utiliser plus d'énergie. C'est une loi physique sur laquelle on ne peut rien faire. Et donc la question c'est, a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ce n'est pas intéressant, chacun et chacune à notre échelle, de définir la vitesse à laquelle on veut quelque chose ? Est-ce que ce n'est pas intéressant de se dire, quand j'ai envie de quelque chose, je prends la décision d'attendre un ou deux jours avant de prendre la décision de l'avoir ? Mais rien qu'en faisant ça, faites un calcul sur 8 milliards de personnes sur cette planète. Parce que ce phénomène-là, on dit que c'est très occidental, mais ce n'est pas vrai, c'est partout. J'ai travaillé dans 60 pays. partout on a cette même envie donc ça veut dire que c'est vraiment une réappropriation personnelle déjà sans demander que ce soit les autres qui le fassent pour vous, une réappropriation personnelle de votre décision à utiliser le temps comme un pouvoir que vous avez pour décider de vos fonctionnements. Et là, si on commence à faire ça, si on commence à... Alors peut-être que dans cette salle, vous êtes déjà tous déconvaincus. Parce qu'on a tous ces besoins, on a tous ces désirs, on a tous ces envies. Enfin, on fait partie des humains. On a tous des hormones, on a tous la dopamine, on a tous la sérotonine, on a tous tout ça dans le cerveau. On ne va pas faire un cours sur les hormones aujourd'hui. Mais enfin, ils sont actifs. On est capable de les activer, de les désactiver. Mais c'est vraiment des décisions qu'on peut prendre. Donc moi, je vous invite aujourd'hui, c'est peut-être la chose la plus simple qu'on peut vous dire de tout ce qu'on vient de vous dire ce soir, parce qu'on part très loin. C'est vrai que nous, on aime bien théoriser le temps, mais à un moment donné, il redevient concret et il redevient concret dans la manière que nous avons de décider de l'utiliser ou pas, de temporiser. D'offrir aux autres, comme ça vient d'être dit par Nicolas, la temporisation auxquelles ils ont potentiellement droit. Et quand on commence à fonctionner comme ça, on constate que tout d'abord nous-mêmes on se sent petit à petit un peu mieux. C'est un effort, je vous le dis tout de suite, c'est un effort. Moi pourtant je travaille là-dessus, j'ai passé 40 jours dans une grotte où quand je suis sorti je me suis dit non mais plus jamais ce machin ! Bon, ça n'a pas mis longtemps. Il est revenu, tel la tante à cul, il était là. Mais par contre voilà, il m'a fallu un peu de temps pour dire ok, t'es là, mais c'est moi qui décide. Quand je t'allume, quand je t'éteins et tout ça. On fait des pas comme ça. On fait des petits pas. Mais il faut accepter le petit pas aussi. Ça ne sert à rien de se dire, moi, je vais tout changer tout de suite. Non. Prenez une chose sur laquelle vous avez un acte possible qui correspond à votre capacité temporelle et mettez-le en œuvre. Et c'est cette notion-là de se réapproprier petit à petit sa capacité à faire sens avec son propre temps qui d'abord nous fait du bien et de manière assez étonnante, fait un bien fou aussi à la nature et aux équilibres naturels. Donc c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai envie de vous dire ce soir, c'est cette réappropriation qui est la vôtre, et que vraiment, à un avantage, elle ne coûte rien, elle ne demande finalement pas beaucoup d'efforts, et on peut tous se l'accorder à soi-même et aux autres.

  • Speaker #0

    J'ai résolu le problème du climat, c'est bon.

  • Speaker #1

    Je vous remercie pour ces riches discussions et je vous propose de passer à la seconde partie de cette rencontre qui est un temps d'échange et de questions-réponses entre le public et les intervenants. Ce temps fait partie intégrante de la rencontre et va permettre de faire avancer la recherche archéologique. Donc, restez avec nous.

  • Speaker #2

    Pourquoi l'échelle de la ville est-elle particulièrement importante, pertinente pour se réapproprier le présent et comment se réapproprier le présent à cette échelle ? Je peux faire une réponse très rapide. Je ne sais pas si l'échelle de la ville est la meilleure. Je ne suis pas sûr. Quand on travaille par exemple la question de l'attachement, ce rapport un peu affectif qu'on peut avoir à un territoire, à un espace et des gens qui l'habitent, les zones vont être très différentes. Les gens vont dessiner des cercles qui ont une différente largeur. Je pense que ça dépend des sujets. Il y a des sujets où ça va être plutôt le bassin de vie qui va être la meilleure échelle territoriale. Il y en a d'autres, ça va être le quartier. Donc c'est... Il faut plutôt les voir comme des cercles concentriques et que chaque fois qu'on se rapproche de quelque chose qui est vraiment le centre, on se rapproche d'un présent très immédiat et chaque fois qu'on ouvre un petit peu plus, on se rapproche d'un futur. Parce que plus on met du monde, plus il faut du temps, plus il faut se projeter dans ce que veulent les autres, etc. Donc on va sortir un peu du présent. Je ne suis pas sûr que la ville soit forcément la meilleure échelle. Je pense que ça va dépendre. Moi, je crois beaucoup aux échelles... de quartiers, de blocs, de choses où il y a vraiment des liens très très forts et ensuite des échelles d'interdépendance plus grandes, effectivement qui peuvent être des villes ou des métropoles, des choses comme ça. Il y a beaucoup de politiques publiques aujourd'hui qui se bâtissent au niveau du bassin de vie. Donc d'essayer de prendre en compte d'abord les interdépendances territoriales, les interdépendances organiques, énergétiques, alimentaires et de se dire, partons de ces modes de... subsistance, de la façon dont un territoire vit et construisons, plutôt qu'une frontière administrative, quelque chose qui a du sens autour de l'organisation de vie.

  • Speaker #1

    Les éclairages que vous avez donnés sur le temps de cerveau que nous coûtent les notifications, que vous définissez comme des marqueurs de temps, notre cerveau n'étant pas adapté à tout cela, est-ce qu'ils ne sont pas à mettre en lien avec l'apparente explosion des troubles de l'attention, les TDAH et tout ça ?

  • Speaker #0

    Alors... Il faut faire attention avec tout ça parce qu'on déclare aujourd'hui beaucoup de choses qui existent depuis très longtemps et qui, tout d'un coup, sont soit mieux repérées, soit tout d'un coup, on a l'impression que tout le monde est EDH, tout le monde est ci ou ça. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais il faut se méfier un tout petit peu. C'est plus à rapporter à un phénomène qui est aujourd'hui très clair et très prégnant, c'est la fatigue mentale et le nombre de dépressions qui sont en train d'augmenter partout dans le monde aussi. Ça, par contre, on peut le corréler directement. Alors, il n'y a pas que le temps, il y a aussi des informations et tout ça, mais la quantité de traitement du cerveau qui est en fatigue et qui reçoit en plus des informations potentiellement pas toujours super sympas, à un moment donné, ça disjoncte. Il y a ces fameux burn-outs dont on parle beaucoup et on a fait un gros travail là-dessus pour voir, parce qu'il y a aussi beaucoup de théories sur le burn-out, mais il y en a une qui est de plus en plus vraie, c'est que le burn-out vient chez des personnes qui sont très engagées dans ce qu'ils font donc du coup aussi très fatigué et qui à un moment donné reçoivent une information contradictoire avec tout ce qu'ils ont cru. Donc en fait, on est plus dans quelque chose là d'injonction contradictoire que d'injonction de notion temporelle pure. Cela dit, de manière très claire, et ça c'est mesuré aujourd'hui, il y a bien une quantité informative du cerveau qui est trop importante pour la plupart des humains. Le cerveau peut traiter beaucoup plus d'informations que ce qu'on reçoit. Extrêmement performant en réalité. Donc il pourrait traiter plus, mais il doit faire des choix, à un moment donné, par rapport à ce qu'il s'accorde de traitement et la fatigue qu'il considère lui-même. Petit détail, c'est qu'à chaque fois que vous faites fonctionner le cerveau, vous créez du glucomate dans le cerveau, donc vous créez des petits enzymes qui vont se mettre dans les synapses, qui vont boucher petit à petit les interactions avec les synapses. Et à un moment donné, il dit, si j'en ai trop, je veux m'arrêter. C'est ça le marqueur qui nous amène à dormir, par exemple. Aujourd'hui, on constate que, normalement, quand vous dormez, les systèmes... rachidiens, céphaliens, vont nettoyer ce glucomate et puis le lendemain tout va bien. Ce qu'on est en train de constater de plus en plus, c'est que le nettoyage de ce glucomate ne se fait plus correctement chez beaucoup de monde et qu'en fait il y a une sorte d'accumulation et de suraccumulation de quelque chose qui normalement doit se nettoyer naturellement dans la nuit et qui se fait de moins en moins bien pour un certain nombre de populations. Donc là, ça commence à devenir inquiétant. Donc oui, il y a une corrélation. Maintenant, il faut faire attention parce qu'une corrélation n'est pas toujours une causalité non plus. Il y a beaucoup de facteurs en jeu. Donc soyons aussi un tout petit peu méfiants de ce qu'on entend. temps sur ces sujets parce qu'on est dans la recherche. Aujourd'hui, on est encore loin d'avoir tout compris sur ce qu'on appelle les maladies.

  • Speaker #1

    Si on arrête de demander aux gens de faire un effort aujourd'hui pour demain, est-ce qu'on ne risque pas de vivre ? co-présent, seulement au présent, de profiter au max, de profiter de la vie et d'être donc dans une logique un peu individualiste et de cramer toutes les ressources que l'on devrait protéger. Et la deuxième, à quoi ressemblerait une entreprise ou une administration sans projet ? Ça fonctionnerait comment ?

  • Speaker #2

    C'est intéressant comme question. Alors, sur la question du présent, en fait, il faut bien... Le futur ne disparaît pas. Par exemple, la recherche, le dépistage du cancer colorectal... Ça a consisté à construire des messages qui étaient différents et qui consistaient à dire « si vous faites le dépistage en question, vous êtes immédiatement rassuré, par contre vous pouvez être amené à vous inquiéter dans l'avenir » . Des messages qui paraissaient très bizarres, etc. Donc ça ne veut pas dire que le futur disparaît, ça veut dire que le futur n'est pas systématiquement considéré comme la seule zone de motivation et la seule zone de sens. C'est-à-dire qu'on a un peu trop confondu le sens avec la direction, et avec la direction, la distance, et avec la distance, le futur. Et ça, ça veut dire que le sens qu'on va trouver est toujours un cran plus loin, il est toujours un peu plus tard et il n'est jamais immédiatement là. Donc c'est plutôt, c'est un peu comme une barre de métal qu'on a tordue trop longtemps dans un sens, il va falloir la tordre un petit peu dans l'autre sens pour qu'elle redevienne un peu équilibrée. Donc il ne s'agit pas de faire disparaître le futur peut-être un peu quand même. L'avenir, il faut le laisser, les choses vont venir et je pense que ce qui va se passer dans les temps qui viennent, ça va être plus des choses qui nous foncent dessus que des choses vers lesquelles on va. Donc je pense qu'il faut qu'on... même c'est une question d'adaptation, ce rapport au futur, qui est plus un rapport à l'avenir dans un sens d'attente et de renoncer à une partie du contrôle qu'on a pensé avoir et qu'on a eu qu'au prix d'un bilan carbone monstrueux et d'une addiction au carbone, au sucre, à tout ce qu'on veut. Donc oui, il ne faut pas basculer dans un déséquilibre complètement dans l'autre sens. Je pense qu'il y a un droit au futur et à l'avenir, bien sûr. Il y a aussi la place à laisser au présent. Il faut rééquilibrer. Et quand on analyse l'action publique, elle n'est que sur le futur. Elle n'est que sur le futur. Et quand on veut obtenir le RSA, il faut s'orienter vers le futur. Et quand on veut avoir un diplôme, il faut s'orienter vers le futur. Quand on veut avoir un emploi, tout est comme ça. Donc là, il y a quelque chose à retravailler. Et après, est-ce que ce serait une administration sans futur, mais une administration avec l'avenir ? C'est une administration qui se prépare, qui crée des potentiels de réaction, qui crée des communautés qui soient capables de s'adapter plus facilement, sans forcément prendre la forme d'un projet, sans forcément dire on va vous donner une image de l'avenir et on va construire à partir de cette image de l'avenir préconçue, on va au présent développer des capacités, capacités de... de débattre, capacité de décision, capacité de considérer des interdépendances, etc. Et laisser émerger des choses qui sont de l'ordre du moins gouvernable. En fait, une administration, elle peut être un peu moins dans le projet si elle accepte d'un peu moins gouverner. Et si elle laisse de la place à l'ingouvernable. Et on va en avoir besoin, parce que la façon dont on pourra s'adapter aux crises qui viennent et au fait que des réseaux vont être rompus... que des interdépendances formelles vont être rompues, donc ça va être des interdépendances informelles. À la SNCF, on travaille à comment des voyageurs vont devoir se démerder parce que le train va tomber en panne sous les fortes chaleurs. Et la question, ce n'est certainement pas d'avoir un projet, de dire avec un truc tout fait. C'est juste de dire comment on construit des rapports entre voyageurs dans l'immédiat, coincés dans le RER, qui soit autre chose que j'ai envie de taper mon voisin. Il y a du boulot, je suis d'accord, mais ça avance. Mais je crois que c'est créer ces potentialités, et je crois qu'il y a des formes d'action publique qui sont possibles. Il y a des expériences par ailleurs, etc. C'est une action publique qui est possible, mais qui, par contre, demande à mettre la valeur des choses dans l'immédiat, et pas forcément dans le futur.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ferait des réponses pas trop longues, donc je ne vais pas rajouter la réponse, mais moi je suis un peu plus nuancé sur ces notions-là. de par les observations que nous avons faites et des travaux qu'on mène sur le terrain. Déjà, il y a quand même un questionnement. On pourrait se poser la première question, je vais vous la poser, je ne vais pas y répondre, parce que ça prendrait beaucoup trop de temps, et puis finalement, ce sera la vôtre de réponse. Quand on parle de futur, de quoi est-ce qu'on parle ? Est-ce qu'on parle de la prochaine seconde ou de la prochaine année ? La prochaine seconde, c'est déjà un futur potentiel pour nous. Donc, voilà, de quoi parle-t-on quand on parle de futur ? Ça, c'est la première question qu'on peut se poser. Et malgré tout... L'observation que j'ai des travaux qu'on mène montre quand même que ce n'est pas si corrélable avec quelque chose qui est forcément positif que de ne pas avoir de projet. L'humain, quand il est collectif, il peut passer du temps à discuter, c'est nécessaire. vraiment désœuvré, on n'a pas beaucoup d'exemples, d'ailleurs je n'en ai pas dans les recherches qu'on a menées, le désœuvrement intellectuel ne produit pas du positif dans une collectivité. Alors la question c'est est-ce que le faire un projet est un opposé au désœuvrement ? Ça je ne sais pas, je n'ai pas forcément la réponse à ça, ce serait un autre débat. Mais malgré tout rien que de commencer à penser comment les humains pourront fonctionner si un jour le train s'arrête puis qu'il fait trop chaud, alors il va devoir fonctionner un peu différemment. C'est déjà commencer à se poser la question de ce qu'on apporte à l'humain d'aujourd'hui pour qu'il soit capable de faire face à ça demain. Qu'est-ce que le système scolaire apporte ? Je ne vais pas partir là-dessus parce que j'en ai pour des heures sinon, mais changeons l'école, changeons. Voilà, vous avez fait ce que vous voulez. Dès le moment où on décide de préparer quelqu'un à l'avenir de par une formation qu'on lui apporte, on se pose la question de ce qu'on estime nécessaire de lui donner. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on a cette tendance à vouloir absolument donner des faits et des solutions plutôt que de donner des possibilités. Là, je suis complètement d'accord. C'est-à-dire que l'école devrait former à la possibilité plus qu'au savoir absolu.

  • Speaker #3

    De notre côté, une des questions a déjà été répondue. La deuxième, c'était sur le temps comme vecteur de gratification sociale. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans les présentations au début, mais on a tous ces exemples autour de nous, que ce soit au travail, beaucoup, mais aussi dans la vie. « J'ai vraiment pas le temps en ce moment, tu sais ce que c'est ? » Ou alors on ouvre les agendas, puis le défi c'est de trouver une date, et ça fait un petit peu rire. Est-ce que dans la recherche que vous avez menée du côté de Lille, à la métropole, ce sujet-là a été abordé, le temps, justement comme gratification sociale ? Et si oui, qu'est-ce qu'on peut faire en réalité pour venir aussi corriger ça ? Parce que quelque part, il y a quelque chose de plaisant de se sentir emporté, transporté et reconnaître par les autres dans notre... Dans le fait de nous-mêmes avoir le nez dans le guidon. C'est aussi gratifiant. Comment on peut combattre ça ?

  • Speaker #2

    Oui, alors ça qu'on l'ait vu, oui, on l'a vu avec une... En plus, on le voit partout. Il y a un article très, très bien là-dessus qui s'appelle le « Je suis débordé de l'enseignant-chercheur » . C'est excellent, c'est moqueur. C'est écrit par un enseignant-chercheur et qui moque ses collègues. Et il a bien raison sur ce débordement dont on se plaint avec un plaisir immense. Et quel plaisir de dire, je n'ai pas pu répondre à votre mail depuis deux mois parce que vous comprenez, je suis débordé. Ça oui, il y a une valeur symbolique là-dedans qui est je suis très occupé. Et ça, ça correspond à des normes. Ça veut dire qu'il y a une norme sociale qui fait que le désœuvrement est mal vu, désœuvrement qui n'est jamais vraiment réel et que par contre, le suractivisme est bien vu. Et ça, ça ne se réglera jamais au niveau individuel, ça se réglera au niveau des normes d'une organisation. normes qui ont à voir avec ce qu'on fait de la charge de travail, le sens qu'elle peut avoir. Parce que quand on dit j'ai beaucoup, ça ne veut pas dire qu'on dit je fais des choses intéressantes. Ça veut dire je fais plein de trucs absolument inintéressants et par contre ça me déborde, etc. Donc, c'est des questions de normes collectives. Donc, ce qu'on travaille par exemple avec la métropole de Lille, c'est qu'on essaye de repérer où cette norme s'installe. Qui sont les rôles modèles qui commencent par dire « Vous savez, moi je dors très peu » . C'est bizarre, les présidents de la République, ils ne dorment jamais beaucoup. Ils sont toujours là à dire « je dors très peu parce que vous comprenez » , etc. Donc on se rend compte qu'il y a une norme qui est qualitative comme ça. On se rend compte derrière qu'il y a la question des agendas et de la façon dont on remplit les agendas individuels et collectifs où aucun segment libre n'est laissé. Parce que tout segment libre est susceptible d'être une forme de désœuvrement. Pareil dans les premières réactions au télétravail, etc. Donc, je crois que oui, il y a cette valeur symbolique qui fait partie du maniement du temps comme pouvoir symbolique. Bourdieu a beaucoup travaillé dessus. On fait attendre, on fait patienter, on est en retard, etc. Et je le disais tout à l'heure, moi, en tant qu'enseignant, je peux être en retard, mes étudiants, ils ne peuvent pas l'être. Il y a vraiment un... Il y a quelque chose qui est de la pure inégalité. On utilise ça et si je veux vraiment montrer mon pouvoir, je vais vraiment faire attendre. Je vais vraiment être un bon prof, un bon chercheur, etc. Tout ça, si je suis à l'heure... Et ça, il y a vraiment des jeux là-dessus qui sont des jeux qui proviennent d'une part de ces normes et d'autre part du fait que la valeur transite par ça plus que par autre chose. Ça veut dire que c'est ça qui devient la valeur plutôt qu'autre chose. Et ça, ça pose question parce que ça veut dire quel est le type de valeur qu'on amène à une organisation si la seule valeur qu'on a, c'est un activisme dont on quantifie, dont on qualifie même pas le résultat.

  • Speaker #1

    Alors, notre question, elle vient en référence à un livre que l'on conseille à... tous de lire qui s'appelle Paris pour tous et qui est un roman qui notamment questionne la place du travail dans nos vies et propose une organisation tournée autour de 3 heures de travail par jour qui semble suffisant et donc la question c'est est-ce que prendre du temps pour soi permet d'en donner aux autres est-ce que vous avez des références qui peuvent amener des éléments de réponse à ça ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai des liens au fait que prendre du temps pour soi ne donne pas du temps aux autres, pas au fait qu'on n'a pas de référence. Non, parce que c'est tout sauf une évidence. C'est comme de dire, avoir un milliard donne de l'argent aux autres. Le temps est un système qui peut être aussi égoïste que l'argent. Donc il y a des gens qui, avec leur temps, décident d'en donner aux autres parce qu'ils vont, par exemple, travailler avec eux, les aider ou... ou autre, il y a des gens qui vont occuper leur temps pour eux. Je ne fais pas forcément le jugement de valeur, c'est à savoir ce qui c'est mieux ou pas mieux. C'est une réalité. Et dans nos vies, il y a des moments où on a fondamentalement besoin de retrouver du temps pour soi. Et c'est aussi une maladie différente que celle de vouloir, de penser qu'on doit toujours aider l'autre et être au service de l'autre n'est pas fonctionnel cognitivement non plus. C'est-à-dire qu'on est collectif, on est coopératif, mais on doit... trouver son équilibre entre ce que nous avons besoin et ce que nous pouvons donner. Alors là, il y a des gros déséquilibres qui se sont créés, en tout cas sur les aspects financiers, on est bien d'accord. Il y a aussi des gros déséquilibres sur l'aspect temporel, parce que si c'est vrai qu'il y a cette beauté de dire « moi je suis suroccupé alors que toi tu l'as un peu moins, donc je suis plus important que toi » , ça c'est vrai. Il y a aussi des réalités. Aujourd'hui, un médecin, avec la quantité qu'on a de médecins aujourd'hui en France, il peut toujours dire « moi je vais prendre du temps » . La réalité, c'est que s'il le fait, il prend moins de patients. Et donc, c'est mieux parce qu'il est plus qualitatif avec chaque patient. Mais ça veut dire qu'il y a des patients qui ne seront pas soignés. Donc, il faut former plus de médecins. Donc, ce n'est pas si simple de se dire, OK, jusqu'où je décide ? Parce que c'est nécessaire. Et c'est intéressant parce que tout le monde dit, par exemple, ah ouais, mais il y a les nouvelles ailes génératives ou des systèmes, on va faire gagner du temps aux médecins parce qu'ils auront un système d'analyse plus rapide. Ben non, ils prendront juste plus de patients. Parce que voilà, jamais dans l'histoire, jamais dans l'histoire, une technologie n'a fait ralentir. Jamais. Ça veut dire que chaque fois qu'on met une technologie qui est censée nous aider à gagner du temps, on accélère un peu. Ça, c'est un vrai sujet. Donc, dans votre descriptif, non, le fait d'avoir du temps pour soi n'est pas forcément un don pour les autres. En revanche, ce qu'on sait aussi, à l'inverse, c'est qu'il n'y en a aucun temps pour soi. On n'en a non plus jamais pour les autres. Donc, voilà. Il faut trouver cet équilibre.

  • Speaker #1

    Sur la base de vos observations scientifiques, on se demandait quelles sont les choses essentielles selon vous qu'il faudrait mettre en place pour réduire les injonctions temporelles dans notre vie au quotidien ?

  • Speaker #2

    Oui, il y aurait beaucoup de choses. Après, on peut s'arrêter sur les outils électroniques qu'on peut avoir. On sait d'où vient cette fabrication d'injonctions permanentes. On sait quel modèle économique ça sert, donc la captation de la tension. Et cette lutte pour l'attention, les ingénieurs qui ont mis au point les choses qui nous ont accrochées aux écrans sont incapables de mettre en place des choses pour nous décrocher des écrans. Parce que malheureusement, ça ne fonctionne pas en parallèle. C'est-à-dire qu'on a vraiment des formes d'addiction qui sont vraiment compliquées. Parce que beaucoup de ce dont on parle vient de ça. Ça vient beaucoup de là. Après, je pense que... personnellement, évidemment, on peut amener à retirer. Moi, quand on m'a demandé de retirer tous les signes temporels, c'est vrai que ça a eu un effet. Ça a calmé des angoisses, ça a permis de mieux dormir, etc. Tout ça. Donc, je pense qu'il faut se créer, peut-être personnellement ou collectivement, des moments où on se retire le plus possible de ces sollicitations-là. Mais je crois que si on ne prend pas... Et il y a aujourd'hui des démarches de protection des consommateurs qui consistent à quantifier le nombre de... de biais cognitifs, d'automatismes cognitifs qu'utilisent des fabricants d'applications pour scorer le niveau de danger. Et jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait un groupe bipartite ou tripartisan qui travaillait sur des formes de régulation aux États-Unis et en France en disant si on atteint un certain niveau d'utilisation de techniques de manipulation, on interdit. Donc autant vous dire que le vent a tourné total. Mais qu'en fait, on sait, donc on sait, venant de ça, on sait comment se débarrasser d'une partie. Après, je pense qu'il y a aussi la question de la place que ça prend et que prend une information immédiate par rapport à des choses qui devraient capter notre attention sur une plus longue durée. Des pensées profondes, des pensées larges, le rapport à des choses qui sont plus vastes, etc. et où la balance entre les deux et l'impulsivité, tout ce qui a été construit par ça, sous ces formes d'impulsivité, si on s'en écarte, on aura moins de sensibilité immédiate à ça. On peut gagner un tout petit peu en distance. Mais déjà, arriver à supprimer ou à réduire ça, mais moi, je crois assez peu à la volonté individuelle pour ça. Je pense que si les outils ne sont pas faits différemment, ça va vraiment être difficile parce qu'ils sont d'une puissance folle.

  • Speaker #0

    J'en rejoins complètement ça. Je vais... Je vais ajouter deux choses. Moi, je ne suis de loin pas quelqu'un qui pense qu'il faut des lois pour tout et de l'interdiction pour tout, mais je pense qu'il y a un vrai sujet. aujourd'hui sociétale sur ce qu'on accepte ou non des applications, des notifications, des systèmes. Ça, c'est un sujet dont on ne s'empare pas du tout politiquement aujourd'hui, mais qui n'est pas assez en tout cas, qui est une nécessité absolue. Et je dirais, une des premières choses qui serait simple et qui ne coûte pas grand-chose, c'est vraiment, je parle beaucoup des notifications, mais parce que ça, on a démontré que c'était quand même terrifiant. Et aujourd'hui, les applications mettent les notifications par défaut. Alors, on a réussi à faire passer une loi qui, déjà, a empêché de mettre par défaut. Mais bon, maintenant, vous avez régulièrement des applications, des rappels qui vous disent, est-ce que vous voulez brancher des notifications ? Ça, vous l'avez toutes et tous. Donc ça, il faut l'interdire. Parce que c'est des toutes petites choses. Mais on ne pourra pas, de toute façon, on ne pourra pas interdire TikTok. Parce que ce serait, de toute façon, ça a été essayé, ça ne marche pas. Mais on peut aller sur des choses là. Puis, je vais vous donner un autre truc qui pourrait être ultra efficace sur la temporalité et qui réglerait beaucoup de choses, en fait. C'est de passer les temps de garantie des... machiner des objets à 5 ou 10 ans. C'est hallucinant le nombre de choses que vous résolvez avec ça, dans la temporalité, dans ce que ça représente de devoir s'équiper et se rééquiper parce que la télévision, parce que machin, parce que tampane. C'est aussi, alors c'est une économie terrifiante quand les objets ne tomberont pas au bout de deux ans, puis qu'on va les jeter parce qu'aujourd'hui on ne peut plus rien changer. Si vous passez simplement, et ça il y a des calculs qui ont été faits, vous passez à 5 ans le temps de garantie de tout objet que vous achetez, vous changez totalement la face du monde. Voilà, c'est aussi simple que ça. Donc vraiment, je pense qu'il y a un enjeu aujourd'hui politique parmi tous les autres, c'est d'arriver à imposer des normes de garantie des objets qu'on achète à des temps plus longs.

  • Speaker #4

    Dans l'idée de détricoter les liens que nous avons au temps pour mieux se les réapproprier, est-ce que vous pensez que ce serait intéressant de considérer le temps comme un dispositif technique, artifice des sociétés ? Pour faire un petit lien entre le temps et la technique.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que vous pouvez définir ce que vous entendez par là, déjà ?

  • Speaker #4

    Les ingénieurs ont développé tout plein de trucs et seraient incapables de développer d'autres choses pour nous faire prendre de l'écart par rapport à ça. Est-ce qu'on ne peut pas réinterroger, si on veut prendre de l'écart par rapport à un dispositif technique ? Il me semble qu'aujourd'hui, on arrive à réinterroger les liens que les individus créent avec ces objets techniques et de les mettre un peu à plat. Peut-être que ça permet justement de se les réapproprier et de créer un espace des possibles pour les réexplorer. Oui.

  • Speaker #0

    On a passé notre temps, ces dernières décennies, siècles et millénaires, à techniciser le temps. Vraiment, jusqu'à arriver à cette notion qu'une seconde c'est temps d'oscillation. On a passé notre temps à chercher à modéliser une image très technique et technologique du temps. Donc effectivement, on est bien d'accord que c'est un enjeu que de se dire aujourd'hui comment est-ce qu'on désapproprie un peu le temps de la technologie. C'est ce qu'on a dit avant avec les notifications, avec les temps de garantie, tout ça. Ça, c'est une vraie nécessité. On ne pourra pas complètement le faire, mais c'est une vraie nécessité de réapproprier un temps naturel versus un temps technologique. Ça, j'en suis assez persuadé. Ce n'est pas forcément facile à faire. Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, on pourrait aussi... Il y a deux pays qui l'ont mis en place aujourd'hui, c'est les banques du temps. Et je trouve le système extrêmement intéressant parce que là, on utilise une technologie pour justement... déstructurer la technologie du temps. La banque du temps, elle fonctionne sur un système très simple. C'est que si moi, j'ai besoin d'un service de quelqu'un, vous, vous savez peut-être parler italien, vous allez m'apprendre l'italien. Mais moi, j'ai peut-être rien à vous offrir en retour parce que rien de ce que moi, je sais faire ne vous intéresse. Vous allez accumuler un temps pour vous que d'autres personnes pourront utiliser à leur échelle. Vous obtiendrez un service de quelqu'un d'autre différemment. On a mis en place un système ultra-technique pour redonner du temps aux gens. Et ça fonctionne super bien. Ça a été mis au Luxembourg en place aujourd'hui et ça est en train de pas mal changer les choses. Ça est mis en place dans certains pays d'Afrique. Et ça, c'est vraiment intéressant. Et je pense que là, on pourrait commencer à trouver des solutions de réappropriation temporelle par la technologie quand même, mais dans des systèmes un petit peu plus vertueux.

  • Speaker #2

    Après, je répondrai très rapidement en disant que je pense qu'effectivement, il y a quelque chose à déconstruire de nos rapports avec ces dispositifs techniques rapidement. Parce qu'on se met à penser non pas avec eux, mais à partir d'eux. Et c'est très compliqué, parce que ça veut dire que notre manière de construire nos besoins, nos attentes et même la valeur des choses, c'est au travers de la façon dont les objets techniques vont pouvoir y répondre. Donc ça veut dire que le travail sur le deuil qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, le renoncement qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, etc., la tristesse qu'on va avoir à renoncer à un certain nombre de choses, Il faut qu'on apprenne à gérer des émotions. Je pense que ça urge d'autant que ces choses-là intègrent notre schéma corporel. Maintenant, ça fait partie du schéma corporel. Le smartphone, ce n'est plus quelque chose qui est détaché, c'est quelque chose qui y est dedans. Donc ça commence vraiment à intégrer notre incarnation. Et puis la deuxième chose, c'est quand même que je pense qu'il y a un vrai paradoxe dans les modèles économiques qu'on se construit. Et on pourra déconstruire tout ce qu'on veut. Si les modèles économiques continuent à fonctionner sur la base de la captation de l'attention, il n'y aura rien à faire. Parce que plus il y aura d'argent, plus il y aura cette volonté de retenir l'attention absolument pour rien. Donc, je pense que c'est une fois de plus, il y a une part individuelle, évidemment, où il faut essayer de gérer, essayer de travailler cette question du FOMO, par exemple, qui nous emmène tellement, donc cette peur de rater quelque chose, etc. Il faut arriver à travailler là-dessus, mais c'est un travail quand même difficile. Mais c'est surtout ces modèles économiques globaux qui créent de toutes pièces des formes de besoins qui n'en sont pas, mais auxquels on ne peut pas échapper parce que tout s'organise. Et on voit aujourd'hui, par exemple, au niveau de l'IA. Les premiers travaux montrant qu'on commence à formuler nos questions pour qu'elles soient accessibles à l'IA et qu'elles puissent prendre la forme de promptes, ça veut dire qu'on commence à penser à partir de l'outil pour que ça corresponde à l'outil. Donc on est vraiment dans cette logique d'artefact complet, mais ça va à une vitesse qui est assez inquiétante.

  • Speaker #1

    Bon, ça tombe bien, parce que si je n'avais pas de réponse à mes questions, justement, j'allais demander à ChatGPT. Vous avez déjà un peu répondu aux questions, mais une des questions que j'avais suite à votre... Table ronde, c'était comment on fait, je pense qu'il y a beaucoup de gens dans la salle qui ont envie de ralentir, mais comment on fait dans ce monde pour emmener les autres sur ces sujets-là, qui paraissent un peu mystiques, de leur dire, allez dans une grotte, faites l'expérience, vous verrez votre rapport au temps. Donc ça, c'est une première question, c'est un peu dur d'emmener ses collègues là-dedans. Et justement, il y a peut-être une question qui n'a pas été répondue sur la partie comment on sort du mode projet. Et la deuxième question ensuite, ça a été un peu répondu aussi parce que vous avez parlé de votre vie personnelle, mais comment ça a changé votre mode de vie ? de travailler sur votre rapport au temps ?

  • Speaker #2

    Pour avoir fait ce travail avec des administrations, des services, des gens qui bossent avec des publics en situation de précarité, puisqu'on se pose la question de l'accompagnement, c'est un processus. C'est-à-dire qu'il faut... C'est comme la communication non-violente, etc., ou l'approche par les stades de changement. C'est-à-dire qu'en fait, il faut accepter l'urgence et la précipitation dans lesquelles sont les autres rentrés dedans. Si faire sa place, montrer les signes de la compréhension de ça, c'est-à-dire que si on doit marcher avec l'autre, on marche vite. On ne commence pas par le prendre par le col pour le ralentir. C'est souvent ce qui se fait quand même, de dire je vais imposer ma temporalité. Il n'y a rien qui est perçu plus violemment que quelqu'un qui vous impose sa temporalité. C'est un peu comme s'il vous imposait sa présence. Donc ça, je pense que rentrer dans la temporalité et procéder par une forme de transition, de ralentissement qui prend son temps. qui donne des premiers signes. Et je sais que dans le travail d'accompagnement de personnes qui sont éloignées de l'emploi depuis très longtemps, qui vivent très au présent, c'est qu'on ouvre des futurs microscopiques, des futurs, c'est-à-dire du délai, microscopique d'abord, et puis petit à petit, on en vient à quelque chose qui est de l'ordre du ralentissement, de la sortie de ce système d'urgence. Mais je pense que ça commence par l'écoute, la compréhension, se glisser dans le système en question, le comprendre de l'intérieur et petit à petit, le ralentir. Après, je pense que ... Il faut que les contextes nous y aident. Nous, on a refait un couloir de RER, on a diminué le rythme de marge de 20%. Dans un couloir de RER, c'était compliqué. Pourtant, normalement, les gens sont vraiment pressés. Mais en fait, c'est que, par exemple, une façade régulière nous fait marcher plus vite qu'une façade irrégulière. Pourquoi on construit encore des façades régulières ? Pour des questions de budget, etc. Tout ça, on le sait. On sait que la verticalité, des formes de verticalité permettent de réduire la pression du temps et du coup ralentissent. Donc c'est aussi des constructions collectives de nos environnements de vie. Et je crois qu'en fait, il faut qu'on change les contextes dans lesquels on travaille ensemble à con. Parce que quand les gamins sont descendus pendant le confinement dessinés sur les trottoirs, ça a ralenti tout le monde. Ça a créé une forme de temporalité. Le dessin était encore là le lendemain. Quelqu'un ne s'est pas dépêché de l'effacer. Donc il y a toute une reprise de possession. Plutôt que d'essayer de convaincre là. Il vaut mieux essayer de travailler les environnements. Et ça, ça facilite, ça fait œuvre de démonstration, etc. Et ça, quand on commence à décrypter l'espace public ou les espaces partagés, on se rend compte qu'il y a tout le temps des choses qui nous font presser le pas. Et moi, quand les gens de la SNCF, au début, me disaient « les gens sont pressés » , je fais « non, non, ils sont pressés au passif » .

  • Speaker #0

    vous les pressez. Ils ne sont pas pressés, c'est pas vrai. Vous les pressez tout le temps, en faisant des couloirs comme vous le faites, avec des lignes comme vous les faites, avec l'information que vous donnez. Donc ça, je crois que ça peut vraiment être quelque chose qui aide beaucoup. Et votre deuxième question, c'était ? Après, je passerai le micro. Ah, non, rien. Je suis vraiment la démonstration parfaite du cordonnier, moi. Je suis un cordonnier. Voilà. Donc, il n'y a personne qui gère aussi mal son temps que moi. Je prends très peu de temps. de temps pour moi, si j'en prends de temps en temps. Je commence là, ça doit être le grand âge, mais je commence à trouver des espaces de temps vraiment denses, où il y a une forme de densité et où j'arrive à ralentir. Mais ça amène à quelque chose, et je pense que c'est crucial et en tout cas dans les consultations en psychologie on le voit, ralentir ça demande à avoir du poids, de l'inertie. Ça veut dire qu'à l'intérieur, il faut avoir quelque chose de lourd. Parce que si on veut résister à la force du vent, il ne faut pas être une feuille. Si on doit être une feuille, il faut rester attaché à son arbre. Donc ça veut dire qu'en interne, tout ce que le marketing, le capitalisme, tous ces choses-là nous vident, parce qu'on cherche à se nourrir, mais on n'a plus rien qui vient de l'intérieur. Et ce n'est pas mystique ce que je dis. C'est-à-dire que par exemple, quand on mesure le caractère consolidé d'une identité personnelle, on se rend compte qu'elle est liée à des capacités à résister à des formes d'accélération, d'impulsivité, etc. Donc ça veut dire quelque part, il faut trouver des éléments qui font un peu poids, qui créent une inertie et qui font qu'on est moins sujet à être emmené par le courant, etc. Et ça, c'est dans nos sociétés aujourd'hui, c'est un peu difficile parce qu'il y a plein de choses qui nous vident.

  • Speaker #1

    Personnellement, je pense que se faire emporter par le vent, c'est plutôt bien aussi. Il faut savoir se laisser aller avec le vent. Juste une chose importante, quand on veut amener une personne, là on est plus sur mon terrain de spécialité, parce que moi je travaille vraiment sur l'adaptation et sa capacité de faire changer un comportement. On s'est quand même beaucoup trompé pendant quelques décennies sur ce qui permet à une personne de changer. C'est-à-dire qu'il y a deux choses qui sont fondamentales aujourd'hui, qui ont été démontrées entre autres en 2017 et 2019. La première, c'est que maintenant, il n'y a plus de doute là-dessus. C'est-à-dire que nos décisions sont basées sur nos émotions. C'est-à-dire que c'est l'émotion qui provoque la décision, ce n'est pas le contraire. Ça veut dire que, quelle est l'émotion qu'une personne ressent par rapport à son état ? C'est-à-dire que si vous voulez faire changer quelqu'un, c'est déjà à comprendre l'émotion que son état lui provoque. Si quelqu'un a besoin d'aller très vite, quelle est la raison pour laquelle il a besoin d'aller très vite ? Qu'est-ce qui le pousse à ça ou la pousse à ça ? Et si on veut aider une personne à changer, c'est en tout cas pas en lui disant qu'il faut ralentir, accélérer ou quoi que ce soit. C'est comprendre pourquoi l'émotion qu'elle ressent la pousse cette personne à aller dans certaines directions. Et ça va sur les liens de confiance. On dit « faites-moi confiance » , mais la confiance dans le cerveau n'est pas reliée au système auditif. Elle est principalement reliée au système visuel. Donc c'est ce que vous faites sera vu. Donc en fait, on voit souvent des gens qui demandent à quelqu'un de changer, alors qu'eux-mêmes ne le font pas. Et ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas demander à quelqu'un de faire quelque chose qu'on ne fait pas nous-mêmes. Donc c'est là les enjeux. C'est aller chercher les émotions et être soi-même le démonstrateur de ce qu'on demande aux autres. Et quand on commence à travailler comme ça, D'abord, on donne un message politique. C'est-à-dire que je te montre ce dont on a besoin. On peut peut-être faire un petit lien avec ce qui se passe aujourd'hui, mais je ne le ferai pas, ce serait trop facile. Et après, c'est vrai que sur le changement de ce qu'on ressent, nous, on est souvent pris dans nos propres recherches, dans nos propres temps. Moi, j'ai cette chance qui a été extraordinaire dans ma vie de faire des expéditions. de terrain. Et j'ai commencé très tôt dans ma vie. Et en fait, on est par définition dans une temporalité qui change totalement. C'est-à-dire que quand vous partez au fin fond d'une chaîne de montagne des Andes, vous avez des vents qui sont terrifiants. C'est pour ça que j'aime bien le vent. À un moment donné, vous savez que vous ne pouvez pas avancer. Le vent te dit non. Si tu dois traverser une rivière en furie, tu sais que si tu essaies de remonter le courant de la rivière, tu ne vas pas y arriver. Et que tu dois te laisser accompagner par la rivière. Donc en fait, cette nature nous rappelle au quotidien, seconde après seconde, que ce qu'on croit vouloir faire n'est dépendant que de ce qu'elle accepte de nous laisser faire. Et ça, c'est extraordinaire. J'invite vraiment tout le monde à aller faire des expéditions extrêmes. Il n'y a pas besoin d'extrême pour ça. Mais à minima, de passer une semaine dans les bois. Juste une fois dans sa vie. parce que tout d'un coup, les choses sont différentes de ce qu'on aurait voulu. Et si on ne l'accepte pas, c'est certain qu'on n'aura pas le dessus. C'est certain. La nature, le vent, quand vous avez 200 km heure de vent, vous pouvez dire au vent, tu m'emmerdes, ça ne marche pas, il s'en fout lui. Donc, on est vraiment dans un moment de l'histoire humaine, je pense, où on s'est décorrélé de la nature, ça, ça fait très longtemps. Mais on a passé le cap supplémentaire de la décorrélation avec la nature, c'est qu'on n'est même plus capable d'accepter À un moment donné, c'est elle qui nous dictera des règles de temporalité. Malheureusement, c'est terrible, parce qu'il y a des éclosions, des tremblements de terre, des incendies, tout ça. Évidemment, on ne va pas se réjouir, c'est terrifiant. Mais c'est des marqueurs qui nous rappellent quand même un petit peu qu'on peut construire la digue la plus haute du monde, le barrage le plus merveilleux. À un moment donné, ça n'arrêtera jamais une nature qui va avancer. Donc c'est maintenant, on doit redéfinir cet espace-temps. Et je pense que passer un peu de temps... Le temps dans la nature est la meilleure solution aujourd'hui à offrir aux gens pour se réapproprier cette notion. Pouvez-vous faire un rapport entre le temps et l'éternité ? Vous voyez une réponse courte ?

  • Speaker #0

    Saint-Augustin a déjà fait le boulot, donc je laisserai Saint-Augustin répondre. Il a fait tout le trajet de quitter l'éternité, de l'intemporalité pour y revenir. Il a trouvé un compromis qui marche plutôt bien. Voilà, après je pourrais répondre sur d'autres théories qui montrent qu'avec l'éternité, il n'y aurait pas de sens du futur. Par exemple, la terror management théorie, qui est une théorie de cognition sociale, mais autour de comment la mort, ce qui était l'hypothèse d'Heidegger, mais qui maintenant est validée à un niveau plus cognitif ou psychologique, comment la présence de la mort, donc cette activation de pensée parfois de l'imminence de la mort, est une des conditions pour que se développe... un sens du futur qui est vraiment celui qu'on remplit de projets etc tout ça donc l'éternité on a du mal à l'attester parce qu'on a encore jamais eu quelqu'un d'éternel mais que quand on amène à désactiver le plus possible quand on compare un groupe où a été activée cette idée de la mort à celui où a été moins activé on se rend bien compte que cette non éternité est assez fondamentale pour structurer notre rapport au temps donc c'est du C'est de la pensée contrefactuelle, c'est de l'exercice de pensée que d'imaginer ce que produirait l'éternité dans le sens d'une vie éternelle. Et sinon, on bascule effectivement dans des modes qui assurent une disparition du temps, c'est l'intemporel. Les premières réflexions sur le temps sont un peu venues de ça aussi.

  • Speaker #1

    Si vous voulez questionner le temps, je vous recommande, d'ailleurs on fait de la pub, mais... Sur YouTube, on a un film qui s'appelle 40 jours en dehors du temps, qui raconte l'histoire de notre expérience dans la grotte de l'Embrive. C'est intéressant d'aller regarder ce film, non pas parce qu'il est gratuit, c'est la plupart des trucs que je ne vends pas, il est gratuit, mais parce qu'en fait, quand on voit les réflexions des unes et des autres, d'ailleurs on a la chance d'avoir, si vous avez des questions, il y a Tiffaine qui est là, qui est une grenobloise maintenant et qui a fait partie de l'expérience aussi. Quand on entend les réflexions des unes et des autres, En fait, il y a une profondeur assez hallucinante dans tout ce qui est dit et ça invite vraiment à réfléchir à plein de choses. Donc, je vous recommande vraiment d'aller écouter les paroles de ces personnes au fur et à mesure de cette expérience, parce que c'est, à mon sens, on a quasiment toutes les réponses à nos besoins aujourd'hui dans ce que ça représente.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous permettre de nous en extraire, au moins pour un temps. Il n'est point de bonnes sociétés qui ne se quittent. Donc, je tiens à vous remercier, vous évidemment, mais aussi Marie Leroy, notre... archéologue des futurs. Merci aussi le collectif Futuron qui a assisté Marie pour aller collecter ses souvenirs du futur, ses vestiges du futur. Bravo à LE pour leur production. Et merci aussi à Coralie Simet, j'avais peur de décorcher votre nom, qui a croqué toute cette soirée et dont les illustrations viendront abonder, seront disponibles sur le site grenoble.fr slash 2040 dans les jours à venir. Il y a une pointe bonne société qui ne se quitte, certes, mais c'est pour mieux se retrouver. Du 10 au 17 mai prochain, lors de la prochaine Biennale des villes en transition de Grenoble, il y aura tout un arc d'événements Grenoble 2040 qui nous permettra de nous projeter dans les futurs, de nous projeter sans nous ségréguer, partir du sensible pour penser soit les futurs, soit l'avenir. En tout cas, je vous donne rendez-vous à toutes et tous du 10 au 17 mai à Grenoble pour la Biennale des villes en transition.

  • Speaker #3

    Belle fin de soirée à tous et à bientôt. Bon futur !

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Description

L’histoire de la modernité est celle de l’économie du temps, et aussi celle de sa raréfaction. Le temps nous presse de plus en plus : les heures et les minutes filent entre nos doigts. Nous multiplions les activités chaque jour, les exécutant à un rythme effréné.
Pourtant, jamais nous n'avons eu autant l’impression de courir après lui. Cette organisation temporelle moderne n’est pas sans conséquence sur notre santé, ni sur celle de notre environnement.

Et si, nous nous éloignions des structures temporelles de la modernité pour les réinventer ?
Et si, nous abolissions le temps horaire au profit d’un temps en phase avec nos propres rythmes ?

Cette rencontre Grenoble 2040 explore cette idée à travers une soirée immersive unique.


Avec Christian Clot, explorateur et directeur du Human Adaptation Institute, et Nicolas Fieulaine, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales, expert des perspectives temporelles.

Ces intervenants partagent leurs travaux, de l’expérience hors-norme Deep Time (40 jours sans aucune notion de temps dans une grotte !) aux impacts sociétaux des structures temporelles modernes.

Ensemble, réfléchissons à une société plus harmonieuse.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si chacun et chacune vivait à son propre rythme, à quoi pourrait ressembler notre quotidien si nous n'étions plus l'imprise des informations temporelles ? Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast où nous explorons un futur collectif juste et désirable. Le temps nous échappe, il nous presse. Les heures et les minutes filent entre nos doigts, et dans cette course effrénée, nous multiplions les activités, sans jamais réussir à nous sentir vraiment en phase avec lui. Pourtant, cette organisation temporelle a un coût, sur notre santé, mais également sur celle de notre planète. Le temps, c'est le thème de ce troisième épisode des Rencontres Grenoble 2020. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux invités d'exception. Christian Clot, explorateur-chercheur. et directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute, spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Il nous parlera des défis du temps face aux environnements changeants. Nicolas Fiolel, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales à l'Université Lyon 2 ainsi qu'à l'INSP. Expert des perspectives temporelles, il nous apportera un éclairage précieux sur la construction moderne du temps et ses impacts sur nos comportements. En somme, nous allons réfléchir à un autre rapport au temps. non linéaire, en harmonie avec nos rythmes naturels, et porteur d'une attention renouvelée vers la nature. Alors, embarquez avec nous dans cette exploration d'un futur où le temps ne nous contrôle plus, mais où nous apprenons à l'habiter autrement.

  • Speaker #1

    Bonsoir à toutes et tous, je suis Antoine Bach, adjoint au maire de Grenoble, en charge de la prospective et de la résilience territoriale. Vous êtes ce soir dans un événement Grenoble 2040. Grenoble 2040, c'est une démarche qui a été lancée en 2022 pour se donner le droit, les outils et le goût de penser l'avenir. Parce que climat, géopolitique, société, chaque jour porte son lot de nouvelles qui ne sont pas souvent très bonnes. C'est même mauvaise, je crois qu'on peut se le dire entre nous. Et nos réflexions, toutes nos actions du quotidien sont mobilisées par des réponses immédiates à nos problèmes. Et souvent, on n'a pas le temps et on n'a pas l'envie de... Penser à l'avenir parce que cet avenir, il est trop incertain et parfois, il est trop effrayant. Et pour se le dire entre nous, les grands bipèdes humains, comme les grands mammifères en général, nous avons toujours peur de ce que l'on ne connaît pas. Pourtant, penser le monde de demain en s'appuyant autant sur l'état des connaissances scientifiques que sur le pouvoir de nos imaginaires, c'est se donner, c'est se redonner une capacité d'action. S'autoriser à penser l'avenir, c'est se projeter dans l'action. ou pour le dire avec Gaston Berger, le père de la prospective à la française en 1959, voir loin, voir large, analyser en profondeur, prendre des risques et penser à l'humain. Dans le cadre de Grenoble 2040, nous organisons entre autres choses des cycles de rencontres. Nous avions rencontré le 11 juin dernier Arthur Keller, qui était venu nous parler des risques systémiques et des stratégies de résilience collective. Et le 18 décembre dernier, nous avions rencontré Olivier Hamand, qui était venu nous parler de la robustesse comme préférable, voire comme antidote à la performance. Aujourd'hui, dans cette rencontre, nous explorons deux spécificités, deux singularités, deux nouveautés. Déjà, nous allons faire dialoguer deux intervenants. Et nous allons aussi mobiliser des outils du design fiction. Je ne sais pas si je l'ai bien dit, mais on me le dira. Ce sont des outils d'exploration des futurs à travers des scénarios fictifs. et qui permettent de se projeter concrètement. Le temps, c'est une dimension fondamentale dans notre quotidien, dans notre organisation personnelle, notre organisation familiale, notre organisation professionnelle, notre organisation sociale. On parle d'urgence écologique, on parle d'urgence sociale. Toutes ces urgences que nous connaissons bien, elles interpellent même la notion d'urgence. Une urgence qui dure, est-ce que c'est toujours une urgence ? Les crises, la permanence des crises, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus vraiment de fin réelle, on sait quand elles commencent, on ne sait pas quand elles se terminent, elles s'enchaînent. Le jour du dépassement. des limites planétaires. En 1970, c'était le 29 décembre. En 2024, l'année dernière, c'est le 1er août. On a aussi un sentiment d'accélération. L'impression que le temps s'accélère. Quelle est la base réelle de ce sentiment ? Tout cela interpelle la construction de la notion de temps, notre rapport au temps actuel, et toutes les difficultés qui sont liées aux synchronisations. Il y a aussi des problématiques de santé liées au temps. Tout cela, on va l'aborder ce soir. Le temps, faut-il le prendre pour mieux s'en libérer ? Pour apporter un peu d'eau au moulin, nous aurons besoin d'au moins trois personnes. Donc, tout d'abord, Marie Leroy, qui est archéologue des futurs et qui a rapporté des éléments du futur que vous avez pu voir exposés dans l'entrée. Alors, comment elle l'a fait, ça, elle n'a pas voulu me le dire. Sans doute, elle n'a pas la permission pour me le dire. Mais en tout cas, elle essaie de comprendre ces éléments, de les décrypter à partir de nos connaissances actuelles. Et elle animera cette table ronde. Merci, madame. Christian Clot, vous êtes explorateur et chercheur. Donc, vous explorez. Et vous cherchez. Vous nous direz si vous avez trouvé, ce serait intéressant de savoir. Vous êtes directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute. Vous êtes spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Et vous partagerez votre expérience avec Deep Time, une mission un peu hors norme, durant laquelle 15 personnes ont vécu 40 jours dans une grotte, isolées de toute indication temporelle. Vous nous expliquerez comment le cerveau réagit face à un temps qui est incertain et comment est-ce qu'un groupe s'organise. sans les repères temporels. Bref, le monsieur qui enferme des gens dans des grottes, il est ici, donc je nous engage à être quand même plutôt prudent dans nos questions et dans nos rapports avec lui, il a l'air tout à fait aimable, mais bon, méfions-nous tout de même. Nicolas Fiolenne, vous êtes ici, merci beaucoup d'être présent. Vous êtes professeur et chercheur en psychologie sociale et en sciences comportementales à l'Université Lyon 2 et à l'Institut National du Service Public, l'INSP, anciennement l'ENA. Vous êtes expert des perspectives temporelles et du changement de comportement. Vous êtes fondateur. du Réseau international des perspectives temporelles. Je dis en français parce qu'il a un nom en anglais, je crois, mais c'est mieux en français. Vous accompagnez les collectivités et les organisations dans la transformation de leurs pratiques. Ça peut nous intéresser, la ville de Grenoble, je ne vous cache pas. C'est un petit clin d'œil pour le directeur général des services qui se cache tout au fond, merci. Et vous avez votre thèse, elle portait sur le rôle joué par le rapport au temps dans les problématiques de santé, très bien, et les processus de vulnérabilisation liés au contexte de précarité.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup pour l'introduction, Antoine. Bonsoir à toutes et à tous, je vous remercie au nom du groupement des archéologues du futur de la ville de Grenoble de votre présence ce soir. Comme vous l'avez compris, nous sommes regroupés ici pour découvrir et décrypter un futur de Grenoble que nous avons découvert lors de notre dernière expédition temporelle. Durant le temps à venir, nous allons vous partager des fragments de ce futur que vous avez déjà vu pendant l'exposition et vous faire un état des lieux de nos dernières interprétations. Au bout de cette rencontre, nous ne répondrons pas à toutes nos questions. Mais nous espérons repartir avec une meilleure compréhension de notre rapport au temps. Car en effet, dans ce futur, c'est bien notre rapport au temps qui est remis en cause, puisque nos successeurs ont semble-t-il décidé d'abandonner la montre et l'horloge. Aussi curieux que cela puisse paraître. Alors, comme je vous le disais, dans le futur que nous observons, il n'y a donc plus aucun signe des outils de mesure du temps que nous utilisons aujourd'hui. Ces personnages ne parlent d'ailleurs plus d'heures ou de minutes, ils parlent de cycles. Nous avons retrouvé d'ailleurs la notice de l'accessoire porté par la jeune femme que nous voyons dans la vidéo, qui est d'ailleurs ici sur la table. Apparemment, cet appareil s'appelle le septième sens et permettrait à deux individus de se synchroniser, par exemple pour organiser une rencontre. Parce qu'en effet, comment fait-on pour se retrouver s'il n'est plus possible de communiquer une heure de rendez-vous précise ? Je me tourne maintenant vers mes deux intervenants pour vous poser une première série de questions. Comment s'est construit notre rapport au temps tel que nous le connaissons ? Est-ce que les humains se sont toujours synchronisés avec des horloges et des montres ? Et dans quels objectifs ?

  • Speaker #3

    Merci pour la question qui est extrêmement vaste. Et merci pour l'invitation à parler de ce sujet. Alors, on parle de rapport au temps, on parle de notre rapport au temps. Je vais questionner la question, mais c'est le réflexe du chercheur, évidemment. Le nôtre, c'est-à-dire que quand on utilise ce pluriel pour le rapport au temps, on va faire référence à des... construction culturelle, bien évidemment, qui aujourd'hui nous amène à porter un certain regard sur notre rapport au temps et quand on dit nôtre, c'est des aires culturelles qui peuvent être très étroites, tellement étroites que j'ai mon rapport au temps qui va devenir individuel, qui est construit un peu collectivement, mais qui va devenir individuel. Donc cette question du nôtre, déjà, elle pose question de qui on parle, de quelle aire culturelle on parle, et est-ce qu'on risque pas de parler du rapport au temps d'une manière générale, alors qu'en fait on en a un regard très particulier. Le besoin de se projeter, le besoin de se synchroniser, le besoin de régularité, le besoin de certitude, tout ça peut nous apparaître évident, mais il n'est peut-être pas tant que ça. Et puis quand on parle de rapport au temps, on parle de rapport à quelque chose qui nous est presque extérieur. C'est-à-dire qu'on postule que le temps serait quelque part en dehors de nous et qu'on le percevrait. Ça, c'est un sujet qui est en débat depuis très longtemps. Aristote et Saint-Augustin en ont débattu à sept siècles d'écart sur... L'ontologie, c'est-à-dire est-ce que le temps existe ? Si oui, comment on en atteste ? Quelle expérience on en fait ? De quelle temporalité du coup on parle ? Est-ce qu'on parle de la durée ? Est-ce qu'on parle des rythmes ? Est-ce qu'on parle de l'espace qui s'ouvre devant nous ? Possiblement, sauf si on est renversé par un camion immédiatement, mais normalement on a un espace devant nous qui nous permet de nous projeter. De quoi on parle ? Et ça, ça amène des sujets qui sont passionnants puisqu'on se rend compte que ce rapport au temps dont on parle, c'est quelque part la domestication de quelque chose qui a été étrange. On domestique l'étrange par des récits et on domestique l'étrange par de la mesure. Et il y a un livre récent qui s'appelle « L'histoire de demain » , une courte histoire de demain, et qui montre comment on a progressivement eu cette envie de prévoir demain et de s'organiser pour pouvoir prévoir. Parce que quand on parle d'un rendez-vous, on parle de prévision. Et en fait, ce rapport au temps dont on parle, il existe depuis longtemps, dans le sens où on a toujours voulu trouver de la certitude pour trouver de l'organisation, et on ne peut pas. pouvoir prévoir, mais à différentes échelles. Donc quand on parle de rapport au temps, dans le domaine par exemple de la psychologie, on va parler de perception du temps. Ça, ça postule qu'il y a un temps qu'on va percevoir de manière plus ou moins juste. Est-ce que je vais savoir repérer si une durée est de 15 secondes ou de 20 secondes ? On parle de l'expérience du temps, de l'ennui que peut-être certains d'entre vous ressentent déjà pendant que je parle. Ça, c'est une expérience du temps. Donc le temps s'allonge ou alors il s'accélère, je sais pas. Il y a la représentation du temps, donc les métaphores qu'on va utiliser. Pour moi, c'est un cheval au galop. Pour d'autres, c'est un poisson dans l'eau. Pour des troisièmes, c'est un nuage. Bref, on a tous nos représentations du temps. Et puis, on a nos pratiques du temps. Et notre façon de mettre des choses dans nos agendas, de se préparer, etc. Et tout ça est chaque fois différent. Nos représentations du temps n'expliquent pas tout à fait nos pratiques et nos perceptions n'expliquent pas tout à fait nos représentations. Donc, ça veut dire que quand on parle de nos rapports au temps, c'est plutôt du pluriel. Donc tous ces différents rapports au temps qu'on peut avoir. Et il y a des aspects qui sont très sociaux, où on a besoin de se synchroniser, effectivement de s'organiser. Et si on cherche absolument à prévoir, il faut pouvoir prévoir. Et si on cherche à produire, il faut une organisation encore supplémentaire. Donc je dirais que ce qu'on voit dans ce qui est projeté, dans cette idée de perdre les horloges et de se synchroniser, je dirais que moi je vois très spontanément. Par exemple, j'ai dû enlever toutes les horloges de chez moi parce que mon fils est trop anxieux pour dormir. Donc on m'a dit, il faut enlever toute représentation du temps, toute présence du temps, tout, tout, tout, il faut tout enlever. Donc il a fallu enlever toutes les horloges, supprimer l'horloge sur le four, etc. Et ça, c'est quelque chose de, qu'est-ce que nous ferait la disparition du temps ? Et moi, j'assure la direction scientifique à la SNCF sur les sujets de psychologie sociale, j'essaye de faire supprimer des indices de temps. Parce qu'on est... tyrannisé par ces indices de temps parce que le temps s'impose comme extérieur et qu'il est tout le temps en train de nous projeter au passé, au futur et nous faire oublier le présent. Donc la disparition des horloges, je trouve que c'est presque une utopie très positive. La resynchronisation qui nous amène à nous mettre dans une forme de dépendance à l'autre par le biais d'un artefact technologique, c'est une réapparition d'une autre forme d'horloge qui pose un sujet intéressant, je trouve, qui est que ... On a eu besoin de se synchroniser pour être ensemble. La pandémie l'a montré, le confinement l'a montré. Dans nos études sur le confinement, il y a quand même 72% des gens qui ne savaient pas dire quel jour on était, spontanément comme ça. Donc ils étaient un peu perdus dans leur temps parce qu'on s'est désynchronisés. Donc ça montre le rôle des autres dans cette synchronisation, son intérêt pour avoir des œuvres collectives, mais aussi sa limite quand cette synchronisation, elle vise à produire, produire, produire, produire et à réduire le temps à une... quantité et à en oublier la qualité. Et ça, c'est un peu ce qui s'est passé. C'est pour ça que notre rapport au temps, je dirais qu'il a été d'abord très qualitatif et dans la vie d'un individu, il est d'abord qualitatif. Un enfant, un bébé a un rapport très qualitatif au temps, puis petit à petit, les répétitions vont construire un rapport plus quantitatif. Et puis on va lui apprendre l'heure, et puis on va lui apprendre à être à l'heure, et puis on va lui apprendre à respecter, à ne pas faire attendre, et donc on va quantifier petit à petit le temps. le spatialiser aussi, parce qu'on va commencer à le faire comme si c'était une unité linéaire, continue, etc. Et donc comme ça, on construit nos rapports au temps. Et on y reviendra, j'imagine, mais ça construit et ça rejoint une histoire de la modernité aussi, qui a voulu construire un rapport plutôt linéaire, promethéen au temps, pour pouvoir prévoir, pour pouvoir parier, pour pouvoir investir, pour pouvoir assurer, pour pouvoir faire marcher un modèle économique. qu'il ne marche que s'il y a ce rapport au temps très quantifié, très linéaire. Donc nos rapports au temps, ils se basent sur des indices qui sont des indices extérieurs évidemment, des régularités naturelles, qui parfois bâtissent une base de confiance qui fait qu'on peut jouir du présent, et qui parfois bâtissent des formes d'incertitude qui nous donnent envie de nous projeter vers demain. Je crois qu'on a fait des allers-retours dans l'histoire, il n'y a qu'à voir les outils de mesure du temps, on a fait des allers-retours jusqu'au moment où dans les monastères sont nés... Ces systèmes mécaniques de mesure du temps qui se sont déployés en même temps qu'une forme de modernité qui cherchait à produire beaucoup quelque chose et à faire du temps une valeur quelque part marchande. Donc voilà, nos représentations du temps, ça dépend des moments de l'histoire, ça dépend des aires culturelles, ça dépend à quel niveau on se situe. J'ai le mien, vous avez le vôtre. Collectivement, on peut en construire un par des formes de synchronisation. Mais c'est surtout cette immense... diversité, complexité qui est intéressante et qui fait que le temps est partout. et qu'à force d'être partout, à un moment donné, il disparaît. Dans mes travaux, c'est un peu ce qui s'est passé, c'est un peu la critique, c'est que pour un chercheur, le plus facile, c'est de travailler sur le temps, parce qu'on peut toujours la ramener, on peut toujours parler de tout, parce que le temps est absolument partout, à tel point que des fois, il disparaît un peu comme objet de recherche.

  • Speaker #4

    Il y a quand même un rapport très concret au temps pour nous, humains, c'est celui du temps cognitif d'utilisation de l'information qu'on reçoit. C'est-à-dire que quand vous recevez une information, votre cerveau, il met un temps à la traiter. Et ce temps de traitement, c'est quelque chose qui est... Vous ne percevez pas, quand vous avez un bip sur votre téléphone portable, vous ne dites pas, tiens, mon cerveau a mis trois secondes pour le comprendre, pour savoir ce qui se passait, tout ça. Pourtant, votre cerveau, lui, il le fait. C'est-à-dire que lui, il quantifie effectivement le besoin d'assimiler une information et de la gérer. Et une des choses qui explique, entre autres, cette difficulté qu'on a aujourd'hui de rapport au temps, c'est que la quantité d'informations que reçoit le cerveau aujourd'hui en rapport à ce qu'il recevait il y a un certain temps, est devenue considérable. On a fait une petite étude... qui est un peu compliqué, qu'on n'a pas tout à fait terminé, mais qu'on va publier en fin d'année, je pense, c'est que dans les années 1800, une personne recevait, en dehors des indicateurs profonds, le soleil, le réveil, la faim, tout ça, qui sont des indicateurs que tout le monde reçoit de manière similaire, on recevait chaque jour environ quatre injonctions temporelles dans le cerveau. Donc le cerveau, il les traitait. Aujourd'hui, on en a 2800 par jour. Vous voyez quand même la différence. de ce que le cerveau doit traiter. Donc ça, c'est très concret dans le cerveau, cette notion du temps. C'est-à-dire que ce n'est plus une notion effectivement évanescente qui est un concept qu'on a construit au fil du temps, comme ça vient d'être dit. Et ce basculement, il est intéressant parce qu'il y a eu quand même, dans les années 60, un basculement intellectuel du rapport au temps pour les humains qui a été assez important, qui paraît infime comme ça, mais qui va quand même redéfinir beaucoup de choses. C'est que jusque dans les années 60, 1962 pour être précis, le temps est déterminé. par les cycles naturels. C'est-à-dire qu'on a regardé le soleil qui se lève et qui se couche, puis petit à petit on a regardé à peu près comment on découpait le timing dans ce temps du soleil qui se lève et qui se couche, dans le temps de la Terre qui tourne autour du soleil et tout ça. Puis on a construit petit à petit d'abord les heures, puis ensuite on a trouvé que les heures c'était plus assez précis, on a construit les minutes, les secondes, et c'était toujours un découpage de ce temps naturel. Et puis dans les années 60, 62, il y a un grand congrès qui travaille sur... toutes les mesures du monde, qui travaille sur les mesures du mètre, du décimètre, tout ça, et puis qui se dit mais en fait, ce temps, qu'est-ce que c'est vraiment qu'une seconde ? Ce n'est pas assez précis parce que le temps de rotation de la Terre, il n'est pas exactement similaire tout le temps parce qu'il y a des petites modifications, ça nous embête un peu. Donc, il faut qu'on inverse les choses. Vous savez ce que c'est une seconde aujourd'hui pour la détermination d'une seconde ? C'est plusieurs millions d'oscillations de l'atome de césium. Voilà. Donc maintenant, une seconde, c'est plusieurs millions, c'est presque un milliard, d'oscillations de l'atome de césium qui définit une seconde. À partir de là, inversé, ce n'est plus la nature qui définit le temps, c'est nous qui avons imposé un temps à la seconde. Et on a reconstruit toute notre temporalité par rapport à ça. À partir de là, on a commencé à considérer qu'on était en maîtrise du temps, puisqu'on était capable de définir, déjà, qui peut compter quelques millions d'oscillations de l'atome de césium en une seconde. Si je vous dis ça, c'est quand même intellectuellement aberrant. On sait pas où on en est avec ça. Et donc, en fait, on s'est mis à... penser qu'on avait une maîtrise du temps. Ce qui n'est pas faux, mais qui n'est pas tout à fait juste non plus. Donc c'est vrai que ce temps, aujourd'hui, on essaye sans cesse de se le réapproprier. Et si je pose la question dans la salle, à main levée, comme ça, qui estime que vous avez toujours le temps de faire ce que vous voulez ? Ah, quand même, deux, trois mains qui se lèvent. À main levée toujours, on a cinq mains qui se lèvent. Qui estime dans cette salle encore que le temps va un peu trop vite aujourd'hui ? Un peu plus de mains qui se lèvent, merci beaucoup. Quand on regarde les sondages mondiaux aujourd'hui, quand on commence à travailler un petit peu là-dessus, notamment, il y a des grands champs d'études qui sont en cours et qui publient des grands rapports une fois tous les 15 ans sur la perception temporelle, sur des choses comme ça. Aujourd'hui, on a quasiment 80%, on a 79% de gens dans le monde, que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, qui considèrent que le temps va un peu trop vite, qu'on n'arrive plus à suivre. et qu'on nous demande un peu trop souvent de faire plus avec moins. Ça, je pense que dans les entreprises, vous avez déjà entendu ça, on en reparlera pour la ville de Grenoble. Donc, tout ça, ça devient des rapports au temps qui se sont déréglés un petit peu, parce qu'en fait, on n'est plus tout à fait capable de sentir ce qu'on fait. Et ça s'explique en partie, alors pas que, j'insiste, mais en partie, par cette quantité d'informations que reçoivent chacun de nos cerveaux, qu'on doit traiter. Le moindre petit bip sur un téléphone portable, le moindre petite notification, c'est un temps cognitif. Il n'y a pas de miracle. Vous pouvez dire non, non, mais ce n'est pas grave, c'est juste un bip, je m'en fous. Mais ce n'est pas vrai. Le cerveau, il ne s'en fout pas. Il entend un bip. Qu'est-ce qu'il se dit le cerveau ? Il se dit tiens, est-ce que c'est ma mère qui encore une fois me dit viens dîner ce soir ? Ou est-ce que c'est ma banque qui m'appelle pour me dire « On vient de vous prélever l'ensemble de votre compte et vous n'avez plus d'argent. » Le cerveau, il se dit tout ça, donc il doit contrôler à un moment donné. Il ne peut pas faire autrement. Il a ce besoin de se dire « Mais c'est quoi ce bip ? C'est quoi cette lumière ? C'est quoi ce son ? C'est quoi cette information ? » Et en fait, il est tout le temps en train de faire ce calcul. Et s'il y en a trop, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Pour finir, on ne s'en sort plus et notre rapport au temps se dérègle parce qu'on n'est plus capable de faire ce dont on a fondamentalement besoin. Le cerveau a besoin de ça. Ce n'est pas... quelque chose, c'est de ne pas avoir d'injonction. C'est-à-dire de se laisser aller. Ce côté de se laisser penser, de ne rien faire, de laisser le cerveau en free-floating, comme on dit, est une nécessité à la construction mentale. Quand on n'a plus ça, on ne développe plus de compétences à l'imaginaire, on ne développe plus de compétences à créer le futur. Et une des choses intéressantes avec la Covid, comme ça a été cité tout à l'heure, c'est cette perte de notion du temps. Il y a une deuxième perte qui a été fondamentale, c'est pour ça qu'on a monté l'expérience Deep Time, perdre de la projection future. Les gens n'arrivaient plus à se dire j'ai envie d'un futur. Et ça, c'est tout à fait lié au temps. On pourra peut-être en reparler un peu, mais c'est déjà très long nos réponses.

  • Speaker #2

    Je vous remercie pour ces premiers éclairages. Et donc, avant de passer à d'autres questions, je souhaitais revenir sur le test de chronocompatibilité. Il semblerait que dans ce futur, le rythme de chacun chacune soit donc pris en compte lorsqu'il ou elle rejoint une nouvelle équipe de travail. Et ce test semble permettre de comprendre si une personne se sent mieux et donc travaille mieux le matin, le soir ou à d'autres rythmes moins traditionnels. Il semblerait également que dans ce futur, les équipes de travail soient composées en fonction de leur compatibilité de rythme de travail. Et donc, la synchronisation devient finalement un enjeu central du monde du travail. Alors, je me tourne une nouvelle fois vers vous pour vous demander, existent-ils différents modes de synchronisation et comment un groupe... peut-il se synchroniser lorsqu'il n'a plus accès à des informations temporelles ?

  • Speaker #4

    Bien ! Non, c'est intéressant parce que ça relie un tout petit peu à ce qu'on a fait avec l'expérience Deep Time où on s'est mis pendant 40 jours dans une grotte à 15 personnes. Et puis c'est vrai que là, vous coupez toute information. Le basculement, il est intéressant. Vous vous retrouvez dans un monde où vous ne savez plus où vous en êtes. Et dans l'histoire de ce genre d'études qui a commencé dans les années 60, avec... Vous avez sûrement entendu parler de Michel Siffre. C'était quelque chose de terrifiant, en fait. C'est-à-dire que les gens faisaient plutôt des dépressions quand ils sortaient. C'était difficile de gérer ça. Alors, on ne sait pas trop pourquoi. Il y a plein de choses qui sont au-delà de la notion du temps. Alors qu'aujourd'hui, quand on se met à 15 dans cette grotte, finalement, au bout d'un moment, on ne se sent pas si mal, voire même plutôt bien. Et c'est vrai qu'il y a des cycles. Alors, je ne vais pas vous parler des cycles adaptatifs parce que c'est un autre sujet et puis on n'a pas le temps aujourd'hui. Il y a des cycles qui vont se mettre en place, qui vont faire que chacune et chacun va à un moment donné avoir besoin, mais fondamentalement besoin, de se réapproprier cognitivement sa propre temporalité. Et ça se fait plus ou moins bien dans un temps plus ou moins court, plus ou moins long. Ça dépend des cadres, ça dépend des gens. Sur les 15 personnes, on a 15 typos chronobiologiques différents, un petit peu. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment donné, on va effectivement quand même se coucher quand on est fatigué. On se lève quand on a assez dormi, on mange quand on a faim. petit en fait on est de moins en moins fatigué dans un certain sens votre cerveau reprend cette maîtrise dont je vous parlais et vous vous sentez bien parce que finalement vous êtes dans un univers qui vous laisse le temps de cette génération mentale donc du coup vous recréer de la création d'imaginaire de la projection et petit à petit vous retrouver une marque qui est la vôtre et après effectivement faut que cette marque est la vôtre puisse aller vers celle des autres alors quand on n'a rien à faire finalement c'est pas très grave Quand on a un travail à constituer, on constate qu'il faut arriver à trouver les marqueurs qui permettent à chacun de faire ce travail. Et une des choses qui va se marquer, c'est qu'on ne peut plus forcément fonctionner en se disant « toi, tu as ce travail, toi tu as ce travail, toi tu as ce travail » . Parce que si vous devez travailler ensemble et que vous n'êtes pas au même moment, au même endroit, c'est compliqué, on ne peut pas se donner rendez-vous. Donc il vaut mieux avoir des personnes qui sont capables de faire différentes choses, avec différentes personnes qui sont capables de faire la même chose. Et puis finalement, le travail se fait parce qu'au moment où les gens sont là, ils sont capables de travailler ensemble. Et en fait, on a un travail qui est quasiment aussi qualitatif. Alors, il faut un peu de temps pour que ça se mette en place. Ce n'est pas immédiat, mais quand on arrive à mettre en place ce travail, le travail est très qualitatif. Donc, en fait, on peut faire plein de choses. Alors, je ne prétends pas qu'on puisse vivre totalement. Moi, j'y crois. Enfin, l'histoire qu'on va pouvoir tout fonctionner sur une synchronisation. D'ailleurs, ça me terrifierait ce que vous montrez là. À chaque fois qu'on a voulu... Trouver des solutions pour mettre des gens ensemble sur des bases similaires. Il y a un mec qui a essayé en 1940 sur les blancs caucasiens et compagnie. Jusqu'où on va dans la capacité de se dire, toi tu as le même profil que l'autre, donc on te met ensemble, si tu n'as pas le même profil, tu ne peux pas aller avec l'autre. Ce serait terrifiant intellectuellement. Et ce serait même aberrant parce que ce qu'on constate, c'est que... avec des personnes dont on n'a pas le même profil de chronotype, finalement, on se voit à des moments différents. Mais le moment où on se voit, c'est très qualitatif, potentiellement. Et c'est dans ces échanges-là qu'on crée quelque chose de merveilleux. Donc, je pense que ce que nous apprend ce genre d'expérience, ce n'est pas tellement de vouloir déterminer les gens par leur chronotype ou leur chronophysiologie, c'est de constater un besoin fondamental sur lequel tout le monde sera d'accord dans cette salle, ou presque. qu'on doit réussir à réduire un peu le nombre d'injonctions qu'on reçoit quotidiennement. C'est intéressant. Peut-être qu'on en parlera un petit peu sur ce travail avec la SNCF. Alors, eux, ils ont quand même assez bien compris de free floating à la SNCF. Je veux dire, ils arrivent quand ils veulent quand même. Donc, ils ont pas mal compris ton système, finalement. Surtout à Grenoble. Mais on en parlera un peu parce que je trouve ça extraordinaire de commencer à redéfinir un tout petit peu ce besoin constant. d'avoir quelque chose à faire ou de se faire imposer quelque chose à faire. Ça c'est un vrai sujet et vraiment, dans la grotte, en tout cas c'est ce qui ressort de nos travaux scientifiques aujourd'hui, on va bientôt les publier, il y a une évidence que nous avons régénéré des fonctions cognitives de par le fait d'avoir moins d'imposition temporelle. Ça c'est, aujourd'hui on a les données scientifiques pour le dire. Donc c'est quand même super intéressant. C'est-à-dire que je ne suis pas en train de dire qu'il faut couper la technologie, moi je ne me passerai pas de mon téléphone parce que c'est nos vies, on en a besoin, on communique d'ailleurs. Même là, on communique avec ses parents, tout ça. Mais on doit se poser la question de savoir quand est-ce qu'on utilise ces outils et qu'ils sont merveilleux, et quand est-ce qu'on ne les utilise plus. Quand est-ce qu'encore une fois, dans une entreprise, on décide de mettre tout le monde dans la même boucle, quand c'est qu'on décide qu'on n'a pas forcément besoin que tout le monde soit au courant de tout. Toutes ces notions-là, c'est plutôt là-dessus, je pense, qu'on doit travailler pour redéfinir ce rapport aux besoins du temps.

  • Speaker #3

    Non, je trouve que les expériences de privation sensorielle sont toujours très intéressantes. Il y en a beaucoup et elles relèvent à la fois de stratégies méditatives, de méditation, de focalisation, d'essayer de retenir toutes les sollicitations extérieures par des formes aussi internes, de réduction des rythmes, etc. Donc, il y a quelque chose qui aujourd'hui fait l'objet d'une vogue aussi, que les gens recherchent de sortir du temps. de trouver des expériences hors du temps. On a pu le chercher longtemps avec la drogue, parfois avec l'alcool, parfois avec des grottes,

  • Speaker #4

    parfois avec...

  • Speaker #3

    Chacun trouve son... Et puis, il y a par ailleurs, de la même façon, cette privation sensorielle est aussi une technique très connue de torture qui, à Guantanamo, a beaucoup servi avec cette privation sensorielle qui était organisée. Il y a des psychologues qui ont publié là-dedans pour expliquer à quel point c'était bien pour mettre quelqu'un en vulnérabilité. Et c'est une vraie stratégie parce qu'elle génère aussi des sentiments d'incertitude, surtout quand des événements peuvent apparaître.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire hors d'un contexte très contrôlé. Être dans une privation des repères, etc., ce n'est pas si grave, sauf au moment où un événement surgit qu'on ne peut pas s'expliquer, où là, le caractère traumatique est encore plus fort, parce que ce qui va nous permettre de réagir à une incertitude, c'est justement de se projeter dans le temps. Un danger, ne pas activer que des automatismes, c'est pouvoir élargir l'espace temporel dans lequel on pense, pouvoir l'élargir vers le futur, vers le passé. et l'élargir aussi vers les autres. Ça va ensemble, ces formes de distance, et du coup, trouver de la marge de manœuvre. Et du coup, cette question des repères temporels, c'est un fragile équilibre entre une sécurité collective, on a besoin d'un temps collectif, on a besoin d'un temps qui ne soit pas purement individuel, mais où on s'accorde un peu avec les autres, et c'est aussi des plaisirs qu'on va chercher dans des concerts, dans des rituels, et depuis toujours, les sociétés ont organisé des rituels pour trouver ces temporalités collectives. qui rassurent et en même temps ne pas être dans ce qu'on a fabriqué aujourd'hui, c'est-à-dire ces sur-sollicitations permanentes qui font qu'en fait ce temps est devenu une véritable prison dans lesquelles on a tellement de repères. C'est un peu comme au Covid et je peux parler de la SNCF, tous ces marques qu'on a mis au sol et qu'on faisait dans l'espace, ce qu'on a fait avant dans le temps, on a mis des repères partout et il fallait se mettre dans les cercles pour éviter d'être trop près des autres. Et ça, je trouve que ça pose la question aussi, non seulement de la quantité du temps, temps qui est importante, mais une fois de plus, la qualité des expériences, c'est-à-dire des émotions que le temps évoque, qui ne se partagent pas toujours de la même façon et où un temps du plaisir ne va pas du tout ressembler à un temps de la peine ou à un temps de la peur. Et que je crois que là encore, il y a ce caractère très sensible, très incarné du rapport au temps. Je pense que parfois, on a des expériences du temps, enfin je pense, on sait qu'on a des expériences du temps qui sont d'abord physiologiques. et qui ne sont représentés qu'ensuite. Je parlais de l'ennui, ça peut être de ce sentiment de pression temporelle, ça peut être le sentiment d'impatience, etc. Et c'est des choses qui arrivent avant même qu'on ait pu vraiment se représenter de quoi il s'agissait. Et donc ça montre aussi que ces signes temporels qu'on a tout le temps, ils visent aussi à dompter quelque part, à domestiquer une fois de plus, des choses assez spontanées qu'on peut avoir. d'envie de ne plus penser au futur, d'envie de passer du temps à penser au passé, etc. Et je crois que les signaux qu'on a sur nos téléphones, c'est rarement des signaux pour nous dire « Où es-tu ici, maintenant ? Est-ce que tu es dans le présent ? » C'est toujours des choses pour nous dire « Qu'est-ce que tu pourras faire ? » « Qu'est-ce que tu as fait ? » « Qu'est-ce que tu vas faire ? » etc. Donc ça cherche à nous faire sortir du présent la plupart du temps pour essayer de nous emmener vers le passé ou vers le futur. Et donc ces rapports au temps et ces enjeux de synchronisation, je pense qu'aujourd'hui on a... Un vrai problème avec la quantité d'informations temporelles. Je suis tout à fait d'accord. On travaille avec la métropole de Lille, par exemple, sur la sobriété informationnelle et une forme de sobriété cognitive. L'organisation essaye de se mettre en ordre de marche pour créer de la sobriété cognitive. Donc, on va enlever des informations le plus possible. On le fait effectivement à la SNCF. On l'a fait. On a enlevé des informations temporelles. On a essayé de voir entre une information d'une heure d'arrivée et une information... qui est de durer avant l'arrivée, qu'est-ce qui est le plus intéressant ? Est-ce qu'il faut aussi dire l'heure depuis combien de temps un autre train est parti, etc. ? Parce que toutes ces informations temporelles, elles créent effectivement ce sentiment d'urgence ou de rapidité. Il faut savoir que de toute façon, plus la vie avance, plus le temps passe vite. Donc ça, dites-le vous, plus vous vieillirez, plus le temps passera vite. Et ça, c'est un mécanisme absolument inévitable qui est dû à plein de choses. Mais il faut se le dire, moi je le vis, à quelle vitesse ça va, c'est incroyable. Bref,

  • Speaker #1

    tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a cette accélération, cette accélération pour moi ça tient à cette multiplicité des signes, ça tient aussi à l'absence de perspective, c'est-à-dire qu'on est dans un monde qui est de plus en plus incertain, on a parlé des crises, et évidemment quelque chose dans lequel on ne peut pas se projeter vers l'avant donne le sentiment qu'il passe plus vite. Parce que quand on ne peut plus se projeter loin, quand on n'a plus de distance devant soi, on va prendre des repères qui sont immédiats et ces repères s'enchaînent très vite. C'est-à-dire que tout ce qui était de l'ordre de la transcendance et de la métaphysique, c'est-à-dire ce qu'on ne voit pas, le futur lointain, au-delà de l'horizon, des choses plus grandes que nous, qui nous donnaient le sentiment d'un monde large, toutes ces choses-là se sont refermées. Donc on refermait ce qu'on appelle l'espace psychologique, la distance psychologique avec laquelle on envisage nos vies au quotidien. Et évidemment, quand le regard est étroit, quand le champ de perception est étroit, les choses passent tac, tac, tac, tac, tac, tac, comme ça. C'est comme si vous regardez par la fenêtre d'une voiture, vous regardez les arbres, ils passent très vite. Si vous commencez à regarder le bout de la route... Les choses ne sont pas à la même vitesse. Et on a un vrai enjeu, je trouve, on le sait, de court-termisme, d'urgence permanente, de centration sur le présent, de difficulté à lever le regard et à retrouver de l'espace, de l'espace pour penser. Dans les organisations, tout le monde dit qu'on manque de recul. On a le nez dans le guidon. Ça veut exactement dire ça. Et ça, je pense que c'est une question de multiplication de l'information, mais c'est aussi une question de... des formes de stabilité qui se sont effondrées. Des fois, on parle des récits collectifs, des fois, on parle des formes collectives d'organisation, etc. Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui se soutenaient et dans les études dont tu parlais, nous, on fait des enquêtes au niveau international, donc c'est 142 pays, c'est vraiment sur tous les continents, sur ce qu'on appelle les perspectives temporelles. Les perspectives temporelles, c'est à combien on se projette, à quelle distance on se projette. Et est-ce que ce qui est dominant, c'est notre projection dans le futur, notre projection dans le passé ou alors notre centration sur le présent ? Et on voit les espaces se refermer, on le voit. C'est-à-dire que ça fait des dizaines d'années qu'on voit le temps dans lequel les gens se projettent en certitude qui se réduit de plus en plus. Et ça, ça arrive à un moment où dans nos sociétés, on continue à survaloriser tout ce qui concerne la projection dans le futur. C'est-à-dire qu'on est dans une situation où tout le monde nous demande de faire des projets dans un contexte qui est parfaitement incertain. Et ça, ça produit des injonctions contradictoires qui sont difficiles à tenir. Et je crois que la crise climatique, les différentes crises qui s'annoncent, vont rendre le futur encore plus incertain. Et que si on ne bâtit pas des formes différentes, des rapports autant différents, on n'arrivera pas à s'adapter à ces situations de crise ou à se réadapter à ces situations de crise, qui sont des situations effectivement de surcharge d'informations, mais aussi d'extrêmement grandes incertitudes. Comment on se projette dans le futur quand ce futur est parfaitement incertain ? Et est-ce qu'il ne faut pas que ce futur redevienne de l'avenir ? Parce que les mots sont importants. Entre le futur et l'avenir, il y a une grande différence. Le futur, c'est ce vers quoi on va. L'avenir, c'est ce qui vient vers nous. Le futur, c'est l'horizon vers lequel on se projette. L'avenir, c'est ce qui nous arrive en face dans l'horizon. Et on a un peu trop pris l'habitude d'en quelque sorte coloniser l'avenir par le futur. C'est-à-dire que dans ce qui vient, je vais mettre du projet plutôt que de laisser venir. Et ça, ça produit trop d'informations, ça produit un sentiment de contrôle qui est trompeur et ça produit une forme d'accélération et de mise sous dépendance. Et c'est extractiviste comme mode de pensée aussi, parce que s'il faut que l'avenir ressemble au futur qu'on a décidé, on va faire la place pour que ça existe. On va prendre les ressources qu'il faut pour que ça existe. Les relations de domination entre personnes, c'est avoir un projet pour l'autre plutôt qu'accepter son avenir. Et il y a tout un tas de choses comme ça qui sont inscrites au cœur de nos représentations du temps, qu'il faudrait qu'on questionne aujourd'hui. On pourra revenir sur la logique de récit, par exemple, qu'il faudrait qu'on questionne. Mais cette question du rapport au futur et à l'avenir, je crois qu'elle est vraiment, vraiment, comment dire, tellement piégeuse, tellement pleine de pièges, parce qu'il y a des choses qu'on pense sans même savoir d'où vient cette pensée. Et ce que je disais au début sur cette construction d'un rapport à l'avenir qui est en fait devenu un rapport au futur, et que ce rapport au futur nous piège tous dans des modes qui sont des modes de domination de l'environnement. de prise de possession sur ce qui nous entoure, ils sont quand même un peu à la source des problèmes qu'on a. Puisque quand on regarde, par exemple, l'historique de la notion de projet, l'historique de la notion même de projet, ça suit l'historique de nos émissions carbone. C'est quand même intéressant.

  • Speaker #1

    Il y a une chose assez fondamentale qui se joue là, dans tout ce qui vient d'être dit. Il y a une chose assez extraordinaire, c'est qu'on a ce... ce besoin, et il y a un vrai besoin très marqué chez beaucoup de gens, de la réappropriation du temps présent. C'est vrai avec le yoga, c'est vrai avec la mindfulness, avec la méditation, toutes ces choses-là. Il y a des vrais mouvements de dire qu'on doit se réapproprier notre présent. Et pourtant, il y a cette notion, on est toujours le nez dans le guidon. En fait, le présent nous fait peur et à la fois, on veut se le réapproprier. Donc en fait, c'est une vraie difficulté aujourd'hui mentale qu'on impose aux gens. C'est une sorte d'ajonction contradictoire aussi d'être capable aujourd'hui de se redéfinir dans son temps présent. Tout en effectivement acceptant que, n'ayant pas de maîtrise idéale sur un futur, on doit laisser aussi ce futur vivre pour ce qu'il va être. Et ça, c'est quelque chose qu'on n'est plus tout à fait capable de faire. Je ne sais pas si on l'a été par le passé. Je ne suis pas archéologue du futur ou de l'ancien, mais on a toujours eu ce besoin-là. C'est vrai qu'on doit se redéfinir par rapport à ça. Et je pense que le niveau intéressant pour le faire, là où la temporalité est la plus intéressante, C'est clairement dans les communautés d'une ville, d'un espace, d'une municipalité, parce que là, finalement, il y a besoin de prendre des décisions à long terme. C'est comme dans les SNCF, elle ne peut pas prévoir de construire une ligne de chemin de fer en 5 minutes. On sait que ce sera des travaux très longs. Et pourtant, on doit offrir à nos populations, populations qui nous entourent, des capacités de se réapproprier un temps court. Donc on a vraiment cette double nécessité intéressante, avec une chose qui me paraît fondamentale dans deux mots. qu'on utilise beaucoup, collaboration, coopération. La collaboration, c'est on fait ensemble. La collaboration est une définition même du temps. C'est-à-dire que pour faire ensemble, on doit avoir une temporalité qui nous convient. C'est-à-dire, je te donne un rendez-vous, on fait ensemble. Si je viens chez toi pour acheter du pain, on passe quelques secondes ensemble, on fait un truc. C'est le geste et l'acte. La coopération, c'est la volonté de réussir ensemble quelque chose. Elle s'absout de ce besoin de temporalité obligatoire. C'est la notion qu'on doit faire ensemble pour réussir quelque chose. Et on n'a pas réussi si tout le monde n'a pas réussi. Ce n'est pas juste moi je réussis et les autres iront bien s'ils allaient me suivre. C'est ensemble. Et pour ça, ça nécessite du temps. Ça nécessite une resynchronisation de nos différentes personnalités. Et c'est d'une puissance qui est extraordinaire en fait. Parce qu'on fait énormément de choses avec cette coopération. Là où on est condamné à être dans une course en avant avec la collaboration. Je vous invite dans vos entreprises, dans vos municipalités, un peu partout, à plus coopérer et peut-être un peu moins collaborer. Merci pour ces précisions. Je vous demande donc, est-ce que certaines personnes ou groupes de personnes rencontrent plus de difficultés à se synchroniser que d'autres ? Existe-t-il des inégalités face à notre rapport au temps ?

  • Speaker #0

    Oui, alors à plein de niveaux. Moi, je suis rentré dans la question du temps par l'expérience de la précarité dans ma famille, l'expérience de cette incertitude tout le temps. Cette expérience d'agence intérime qui disait le temporaire en permanence, avec un point d'exclamation, comme un idéal, etc. Et effectivement, et ça a été écrit récemment par Nicolas Duvoux, qui est le directeur de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, l'avenir confisqué, dans le sens où effectivement, il y a des conditions de vie qui rendent ce futur, qui est pourtant survalorisé, nécessaire, etc. Impossible à... percevoir et à anticiper de manière sereine. Parce qu'on ne sait jamais de quoi demain sera fait, parce que le budget n'est jamais bouclé, parce que l'emploi n'est jamais garanti, parce que la santé est vacillante, parce que le logement n'est peut-être pas garanti non plus, etc. Et les précarités se multiplient, s'ajoutent les unes aux autres, etc. Et évidemment, dans ces contextes-là, faire un projet comme le demande n'importe quel service social, c'est infaisable. Donc on a quelque chose qui est... qui est une inégalité, mais qui n'est pas une inégalité tellement parce que les gens n'auraient pas les ressources pour se projeter dans le futur. C'est une inégalité qui se construit par le fait qu'on valorise le futur parce qu'il n'est accessible qu'à une partie de la population. C'est ce que j'appelle un privilège. Le futur est un privilège, il a été construit comme un privilège. Et donc, un enfant qui doit réussir à l'école, ça doit être un enfant qui accepte de se tenir assis, de ne pas bouger, de ne rien vivre au présent. que quelque chose qui peut-être lui ramènera quelque chose dans le futur. Un demandeur d'emploi qui essaie d'avoir de l'aide et du soutien, il doit d'abord faire un projet, donc il doit d'abord attendre, se projeter dans le futur et à cette condition-là, peut-être qu'il arrivera quelque chose. Un étudiant qui réussit, c'est un étudiant dont on perçoit qu'il a un projet. Un étudiant sans projet, on n'a presque pas envie de le prendre et de le sélectionner. On a eu des études intéressantes là-dessus. On a montré à des étudiants en psychologie, ils sont gentils comme tout. Ils sont là pour aider les autres, donc ils sont vraiment adorables. Les étudiants en psychologie, on leur montrait des questionnaires sur le temps déjà remplis. Parce qu'il y a une échelle de mesure du temps qui s'appelle la ZTPI, qui permet de mesurer les perspectives temporelles dans des organisations, chez des gens, etc. Et donc, on leur montrait des questionnaires déjà pré-remplis en leur disant « ça, c'est le questionnaire d'un étudiant, qu'est-ce que vous en pensez ? » Il y avait des questionnaires qui étaient remplis avec des réponses du type « j'aime me projeter dans le futur, je fais des projets, je fais aboutir mes projets. » Un autre qui était... Je vis au jour le jour, je vis dans le présent, je ne me soucie pas trop du futur. Et on leur demandait de juger. Alors, celui qui était dans le futur était jugé plus intelligent que celui qui était dans le présent. Celui qui était dans le futur avait de meilleures chances de réussite que celui qui était dans le présent. Quand on prenait quelqu'un dans son groupe, on prenait plutôt celui qui était dans le futur. Et quand on décidait d'aider quelqu'un, on décidait plutôt d'aider celui qui était dans le futur. Donc, ça veut dire qu'en fait, de manière implicite, on a totalement... assimiler une norme du futur qui fait que tous ceux qui n'ont pas les ressources, les conditions de vie qui rendent ce futur-là facilement appropriable, facilement bâtisseur de confiance, etc., tout cela sont exclus. Et on va reparler de la transition écologique, si on veut, on peut en reparler, la transition écologique, 90% du temps, elle consiste à dire, faites des efforts aujourd'hui, ça payera demain. Rien ne nous oblige à l'avoir comme ça, rien. En fait, la transition écologique, ça peut être un plaisir aujourd'hui, et ça va être plein de soucis demain, on pourrait le dire comme ça. Sauf qu'on a, et c'est pareil dans le domaine de la santé, il y a plein d'études qui montrent que la plupart des communications en santé, je vais prendre l'exemple que je prends souvent, le dépistage du cancer colorectal. Le dispositif de prévention consiste à dire que ce n'est pas très agréable sur le moment, mais faites un effort, ça va préserver votre santé future. Et donc, en fait, quand on se rend compte de ce que produit, par exemple, l'action publique, la communication, c'est tout le temps sous les mêmes registres temporels. C'est faisons un effort aujourd'hui, ça payera demain. Ça, ça demande à penser que demain va arriver, déjà. Ce n'est pas si facile dans la vie d'un individu, d'un humain. C'est long de percevoir demain. Un bébé, il n'y a pas de demain. C'est ici, maintenant, tout de suite. C'est des tyrans. parce qu'ils n'ont pas de sens du futur. Donc, ça met du temps à se construire. Et il y a plein de choses dans notre vie qui démentent cette capacité à prédire demain. Parce que souvent, demain ne se passe pas du tout comme c'était prévu. Et dans des vies où le demain n'arrête pas de démentir la prévision qu'on a fait, parce qu'on veut aller tirer de l'argent pour acheter une pizza. Finalement, on n'a pas d'argent. Les enfants sont derrière à attendre pour aller à la pizzeria. Il ne se passera rien. Au bout d'un moment, on arrête. On arrête. C'est le futur pas possible. Et là-dessus... Il se pourrait que des gens viennent en disant « et si on pensait à la ville de dans 20 ans, dans 30 ans, etc. » Ça active des régimes de temporalité qui peuvent être des régimes qui sont perçus en eux-mêmes comme un peu violents. C'est dire « mais attendez, vous êtes en train de me parler d'un espace, d'un horizon que je ne peux pas me payer. Je ne peux pas me payer votre futur. Ce n'est pas possible. Et ce n'est pas par manque de compétences, etc. C'est juste que toute ma condition de vie m'emporte. empêche de ça. Alors en plus, quand on va parler d'un futur meilleur, c'est encore plus difficile parce que je passe ma vie à essayer d'éviter les problèmes. J'en suis pas du tout à essayer d'atteindre du meilleur. Et on se rend compte comme ça qu'il y a une action publique, des normes, etc. qui sont excluantes par leur régime de temporalité. Parce qu'elles n'acceptent pas l'urgence, parce qu'elles n'acceptent pas une forme de précarité, parce qu'elles ne laissent pas place au présent, parce qu'elles ont l'impression que si on leur enlève le futur, l'optimisme, le projet, elles n'auront plus rien. Et je plaide sans cesse à tous les niveaux pour qu'une action publique, qu'elle soit administrative ou d'un collectif habitant, etc., se construise certes dans l'optimisme, mais dans l'optimisme du présent. Et là, je voudrais proposer quelque chose, c'est qu'on arrête de mettre le présent au singulier et qu'on parle des présents, la pluralité des présents. Allons chercher l'imaginaire là. dans la pluralité des présents, dans les mille façons qu'on a tous de vivre le moment ici, maintenant, c'est porteur d'imaginaire, c'est porteur de rêve, c'est porteur de créativité, et c'est un peu moins porteur d'exclusion par anticipation, qui serait dire, ici, on va parler du futur, donc tous ceux pour qui le futur est un espace d'anxiété, vous ne serez pas, vous ne ferez pas partie de la discussion. Et ça, j'en parle d'autant mieux, je vais prendre mon autre fils, qui, lui, ne veut plus penser au futur. Du tout, du tout. Et ils ont fait une tribune dans leur lycée. Ils ont interpellé le conseil d'administration en disant, faites quelque chose parce qu'on ne peut pas continuer des études comme ça alors qu'on ne peut pas penser au futur, qu'on en a tous peur. Tous peur et on a le sentiment que vous ne faites rien. Et ils étaient en train de dire, prenez soin de notre présent, de nos présents. Arrêtez de nous pousser là avec les parcours sup, etc. Arrêtez de nous pousser vers le futur. Prenez soin. de notre présent ou prenez soin de nos présents. Ça, je pense que c'est vraiment, pour moi, quelque chose d'important. Et la logique des récits, parfois, ou ces démarches qui consistent à dire on va imaginer la vie dans 50 ans, des fois, il faudrait rééquilibrer avec prenons conscience de la pluralité de la vie ici et maintenant. Et construisons des endroits où ça peut s'exprimer. Et je rejoindrai pour finir vraiment ce qui a été dit sur... Tant court, tant long, l'idée n'est pas de choisir l'un plutôt que de l'autre, mais d'être capable de naviguer entre les deux. Ce qu'on appelle la flexibilité cognitive, ce qui aujourd'hui est au cœur d'un certain nombre de travaux pour dire qu'il faudrait qu'on soit capable de naviguer entre les distances, de tenir compte du petit présent dans lequel on est, au rapport de quelque chose de plus vaste, d'un présent plus global, éventuellement d'un avenir. Et ça, je pense que c'est quelque chose de vraiment important parce que dans la compréhension de l'autre, dans l'empathie de la temporalité de l'autre, parce qu'aujourd'hui, il y a des hypothèses d'intelligence temporelle. Vous connaissez peut-être l'intelligence émotionnelle. Il y a plein d'endroits et plein d'organisations où il faudrait de l'intelligence temporelle, c'est-à-dire un manager qui voit un agent arriver dans un certain état qui ne comprend pas qu'en fait, l'agent était en train de traiter une urgence et qu'il est dans un état d'esprit d'urgence et qui lui dit « Attends, je vais aller en parler, on va faire une note, on va faire une réunion et on verra plus tard sans accueillir l'urgence. » Donc, cette idée d'intelligence temporelle, elle provient beaucoup de la capacité à... à se mettre dans un état d'esprit d'immédiateté, d'urgence, ou peut-être l'autre, de rentrer dedans. d'être capable de l'accepter, de ne pas se sentir stressé soi-même, d'être capable de l'accepter comme une pluralité temporelle et éventuellement d'accompagner vers soi, c'est-à-dire de faire venir, etc. Et ces jeux de distance sont intéressants. Je reprends l'exemple de la métropole de Lille, puisqu'on a fait toute une recherche-action avec les managers de la métropole. Et en fait, le cœur du sujet, on est venu à ça, sur le sujet du temps et le sujet de ces distances. Je pense que ça passe aussi par une prise de conscience des dimensions interculturelles du temps, des variétés. Et je recommande à tout le monde les tribulations d'un psychologue social du temps, de Robert Lévin, et qui explique comment il y a plein d'endroits où on ne se donnera jamais une heure. Ce n'est pas vrai, on ne se donnera pas rendez-vous avec une heure. On se donnera un indice vague, mais extrêmement vague, et on a 3-4 heures pour arriver. Et ce n'est pas grave. Voir, on arrive sans jamais avoir rien prévu. Et j'ai des amis qui n'ont pas tout à fait le même régime temporel que moi. Moi, il faut que ce soit comme ça. Encore, quand je vais au Danemark, je suis en retard tout le temps. Je ne suis jamais à l'heure. Quand je vais dans d'autres pays, c'est un peu l'inverse. Et donc, il y a des régimes aussi. Cette pluralité-là, elle est aussi importante parce que dans nos vies, on sait qu'il y a des moments où être à l'heure va être tellement important et on va en jouer et ça va être important. Et si quelqu'un est en retard, on va le prendre très mal. Et il y a d'autres moments au milieu de l'été, en pente douce, à la fin du jour, quand il s'agit d'un apéro, qu'on soit là à l'heure ou pas, on n'a plus rien à faire. Donc ça montre aussi à la fois les variations culturelles, les variations situationnelles, et comment en fait il y a une forme de flexibilité, d'acceptation, de non-jugement, de psychologie. Je pense qu'il faudrait qu'on soit tous un peu plus psychologues dans le sens de comprendre un peu tout ça, pour accepter aussi qu'il n'y a rien de complètement déterminé tout le temps, qu'il n'y a pas de règles, et que les... C'est ce que disait, c'est essayer de montrer d'Ali, il faut que les horloges se liquéfient. Elles peuvent rester, mais qu'elles deviennent molles. Ça, ça nous arrangerait tous, je pense.

  • Speaker #1

    C'est une question qui peut se poser, je ne sais pas si ça serait la réponse à tout. Ce qui est certain, pour répondre déjà à la question, et après essayer d'aller sur des notions plus générales, si on avait tous la même synchronicité, ce serait un enfer. C'est très clair. C'est-à-dire que l'idée même que vous vous réveillez toujours exactement au même... à la même seconde que toutes les autres personnes autour de vous, que vous alliez toujours au même endroit, au même moment, exactement de la manière similaire et tout ça, ça se fait dans certains endroits, mais on est tous d'accord, c'est non seulement un enfer intellectuel, mais c'est aussi un appauvrissement terrifiant de notre capacité à faire société. Parce que faire société, ce n'est pas être toujours au même endroit, avec les mêmes personnes, au même moment. C'est avoir la capacité d'être ce soir ici, puis on ne se connaît pas toutes et tous, mais on se rencontre, on va parler un peu. Enfin, là, c'est plutôt nous qui parlons. L'idée est là, on vous écoute, à notre manière, et demain ce sera autre chose. Et cette notion que nous ne sommes pas sur la même synchronicité et que ça nous fait du bien, ça c'est une nécessité absolue. Ce serait la pire des choses qu'on puisse faire, de vouloir synchroniser de manière absolue un système social. Ça a été essayé, et ça a été des échecs patants. Donc on n'est pas là-dedans. Donc c'est très bien d'avoir des différences. Après, se pose la question d'une société qui doit vivre en commun. Et effectivement, de cette nécessité ou non de se dire, la vie en commune, est-ce qu'on a besoin de se donner des rendez-vous ou pas ? Je ne sais pas. En tout cas, on doit se définir dans un système comme une capacité à faire sens dans ce que nous nous sommes représentés les uns les autres. Et ça, c'est fondamental. C'est-à-dire que le décalage d'un système social vient quand on a des personnes qui voudraient un système temporel, et d'autres personnes qui voudraient un autre système temporel et qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord ensemble. Mais à un moment donné, ça ne marche plus. Donc, il faut trouver cette fluidité entre nous. Et ce qui est intéressant avec le temps, parce qu'on en a beaucoup parlé comme un objet philosophique, comme un objet générique, comme cette notion qui passe ou qui s'arrête, mais c'est surtout un pouvoir. Alors, c'est un mot qu'on n'aime pas toujours utiliser, mais pensez juste à quelque chose. Aujourd'hui, on demande aux gens, effectivement, de faire des efforts sur la notion du climat de demain, de l'environnement de demain et tout ça. C'est une notion qu'on doit construire demain par des actions d'aujourd'hui. C'est bien, pas bien, je ne vais pas juger ça. C'est des demandes. Et en fait, quand on demande aux gens, mais qu'est-ce que vous pouvez faire ? La plupart du temps, les gens ne savent pas trop. Parce que la réalité, c'est que pour construire un changement, un changement de système comportemental, ça ne se fait pas en cinq minutes. Le cerveau ne se transforme pas en cinq minutes. Il a besoin d'avoir un temps de compréhension de sa nouvelle donnée. Il a besoin d'un temps de mise en œuvre. Il a besoin d'un temps où il n'est plus d'accord avec sa mise en œuvre. Puis il a besoin d'un temps où il est de nouveau d'accord avec sa mise en œuvre, et ainsi de suite. Ça prend plusieurs jours, plusieurs semaines, ça dépend. Ce qui est certain, c'est que dans un monde d'hyperactivité et d'hypertemporalité, ce temps cognitif, cet espace cognitif pour prendre une décision de changement volontaire est quasiment nul. Donc on n'arrête pas de dire aux gens « changez » sans jamais donner de l'espace pour ce changement. Donc ça ne marche pas. Et on a tendance au contraire à dire aux gens « si on allait un petit peu plus vite, ce serait quand même super chouette » . Mais regardez, il n'y a pas si longtemps, on se faisait livrer en une semaine. Ou plutôt même, on allait soi-même acheter la chose dont on avait besoin. Aujourd'hui, il y a des gens qui vous disent « on va vous livrer en deux heures » . Ça ne marche plus. Ça veut dire qu'on n'arrive plus à faire la distanciation entre le désir de quelque chose et l'obtention de ce quelque chose. La plupart du temps, quand vous avez un désir et que vous mettez deux ou trois jours à le laisser vivre, vous allez réaliser que ce désir, d'abord, il a changé, il a évolué, peut-être même qu'il a disparu ou alors il a un autre besoin. Et vous allez agir différemment. Alors que là, si votre désir est tout de suite répondu de manière instantanée, finalement, c'est d'abord extrêmement coûteux. coûteux pour l'environnement et pour le système. Mais en plus, ça ne veut pas dire que ça répond à votre désir. Parce que justement, ce désir instantané que vous avez d'une commande, d'un besoin, d'une envie, n'est qu'une instantanéité cognitive qui va se modifier par définition avec le temps qui va passer. Donc, le premier pouvoir qu'on a de changement, en fait, par rapport à notre climat, par rapport à l'environnement et tout ça, ce qui coûte extrêmement cher aujourd'hui au système environnemental actuel, c'est la volonté de vitesse. Parce qu'il n'y a aucune façon d'accélérer quelque chose sans utiliser de l'énergie. Soit c'est de l'énergie physique, pétrole, électricité ou autre, soit c'est de l'énergie cognitive. Dès qu'on va aller plus vite, il faut utiliser plus d'énergie. C'est une loi physique sur laquelle on ne peut rien faire. Et donc la question c'est, a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ce n'est pas intéressant, chacun et chacune à notre échelle, de définir la vitesse à laquelle on veut quelque chose ? Est-ce que ce n'est pas intéressant de se dire, quand j'ai envie de quelque chose, je prends la décision d'attendre un ou deux jours avant de prendre la décision de l'avoir ? Mais rien qu'en faisant ça, faites un calcul sur 8 milliards de personnes sur cette planète. Parce que ce phénomène-là, on dit que c'est très occidental, mais ce n'est pas vrai, c'est partout. J'ai travaillé dans 60 pays. partout on a cette même envie donc ça veut dire que c'est vraiment une réappropriation personnelle déjà sans demander que ce soit les autres qui le fassent pour vous, une réappropriation personnelle de votre décision à utiliser le temps comme un pouvoir que vous avez pour décider de vos fonctionnements. Et là, si on commence à faire ça, si on commence à... Alors peut-être que dans cette salle, vous êtes déjà tous déconvaincus. Parce qu'on a tous ces besoins, on a tous ces désirs, on a tous ces envies. Enfin, on fait partie des humains. On a tous des hormones, on a tous la dopamine, on a tous la sérotonine, on a tous tout ça dans le cerveau. On ne va pas faire un cours sur les hormones aujourd'hui. Mais enfin, ils sont actifs. On est capable de les activer, de les désactiver. Mais c'est vraiment des décisions qu'on peut prendre. Donc moi, je vous invite aujourd'hui, c'est peut-être la chose la plus simple qu'on peut vous dire de tout ce qu'on vient de vous dire ce soir, parce qu'on part très loin. C'est vrai que nous, on aime bien théoriser le temps, mais à un moment donné, il redevient concret et il redevient concret dans la manière que nous avons de décider de l'utiliser ou pas, de temporiser. D'offrir aux autres, comme ça vient d'être dit par Nicolas, la temporisation auxquelles ils ont potentiellement droit. Et quand on commence à fonctionner comme ça, on constate que tout d'abord nous-mêmes on se sent petit à petit un peu mieux. C'est un effort, je vous le dis tout de suite, c'est un effort. Moi pourtant je travaille là-dessus, j'ai passé 40 jours dans une grotte où quand je suis sorti je me suis dit non mais plus jamais ce machin ! Bon, ça n'a pas mis longtemps. Il est revenu, tel la tante à cul, il était là. Mais par contre voilà, il m'a fallu un peu de temps pour dire ok, t'es là, mais c'est moi qui décide. Quand je t'allume, quand je t'éteins et tout ça. On fait des pas comme ça. On fait des petits pas. Mais il faut accepter le petit pas aussi. Ça ne sert à rien de se dire, moi, je vais tout changer tout de suite. Non. Prenez une chose sur laquelle vous avez un acte possible qui correspond à votre capacité temporelle et mettez-le en œuvre. Et c'est cette notion-là de se réapproprier petit à petit sa capacité à faire sens avec son propre temps qui d'abord nous fait du bien et de manière assez étonnante, fait un bien fou aussi à la nature et aux équilibres naturels. Donc c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai envie de vous dire ce soir, c'est cette réappropriation qui est la vôtre, et que vraiment, à un avantage, elle ne coûte rien, elle ne demande finalement pas beaucoup d'efforts, et on peut tous se l'accorder à soi-même et aux autres.

  • Speaker #0

    J'ai résolu le problème du climat, c'est bon.

  • Speaker #1

    Je vous remercie pour ces riches discussions et je vous propose de passer à la seconde partie de cette rencontre qui est un temps d'échange et de questions-réponses entre le public et les intervenants. Ce temps fait partie intégrante de la rencontre et va permettre de faire avancer la recherche archéologique. Donc, restez avec nous.

  • Speaker #2

    Pourquoi l'échelle de la ville est-elle particulièrement importante, pertinente pour se réapproprier le présent et comment se réapproprier le présent à cette échelle ? Je peux faire une réponse très rapide. Je ne sais pas si l'échelle de la ville est la meilleure. Je ne suis pas sûr. Quand on travaille par exemple la question de l'attachement, ce rapport un peu affectif qu'on peut avoir à un territoire, à un espace et des gens qui l'habitent, les zones vont être très différentes. Les gens vont dessiner des cercles qui ont une différente largeur. Je pense que ça dépend des sujets. Il y a des sujets où ça va être plutôt le bassin de vie qui va être la meilleure échelle territoriale. Il y en a d'autres, ça va être le quartier. Donc c'est... Il faut plutôt les voir comme des cercles concentriques et que chaque fois qu'on se rapproche de quelque chose qui est vraiment le centre, on se rapproche d'un présent très immédiat et chaque fois qu'on ouvre un petit peu plus, on se rapproche d'un futur. Parce que plus on met du monde, plus il faut du temps, plus il faut se projeter dans ce que veulent les autres, etc. Donc on va sortir un peu du présent. Je ne suis pas sûr que la ville soit forcément la meilleure échelle. Je pense que ça va dépendre. Moi, je crois beaucoup aux échelles... de quartiers, de blocs, de choses où il y a vraiment des liens très très forts et ensuite des échelles d'interdépendance plus grandes, effectivement qui peuvent être des villes ou des métropoles, des choses comme ça. Il y a beaucoup de politiques publiques aujourd'hui qui se bâtissent au niveau du bassin de vie. Donc d'essayer de prendre en compte d'abord les interdépendances territoriales, les interdépendances organiques, énergétiques, alimentaires et de se dire, partons de ces modes de... subsistance, de la façon dont un territoire vit et construisons, plutôt qu'une frontière administrative, quelque chose qui a du sens autour de l'organisation de vie.

  • Speaker #1

    Les éclairages que vous avez donnés sur le temps de cerveau que nous coûtent les notifications, que vous définissez comme des marqueurs de temps, notre cerveau n'étant pas adapté à tout cela, est-ce qu'ils ne sont pas à mettre en lien avec l'apparente explosion des troubles de l'attention, les TDAH et tout ça ?

  • Speaker #0

    Alors... Il faut faire attention avec tout ça parce qu'on déclare aujourd'hui beaucoup de choses qui existent depuis très longtemps et qui, tout d'un coup, sont soit mieux repérées, soit tout d'un coup, on a l'impression que tout le monde est EDH, tout le monde est ci ou ça. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais il faut se méfier un tout petit peu. C'est plus à rapporter à un phénomène qui est aujourd'hui très clair et très prégnant, c'est la fatigue mentale et le nombre de dépressions qui sont en train d'augmenter partout dans le monde aussi. Ça, par contre, on peut le corréler directement. Alors, il n'y a pas que le temps, il y a aussi des informations et tout ça, mais la quantité de traitement du cerveau qui est en fatigue et qui reçoit en plus des informations potentiellement pas toujours super sympas, à un moment donné, ça disjoncte. Il y a ces fameux burn-outs dont on parle beaucoup et on a fait un gros travail là-dessus pour voir, parce qu'il y a aussi beaucoup de théories sur le burn-out, mais il y en a une qui est de plus en plus vraie, c'est que le burn-out vient chez des personnes qui sont très engagées dans ce qu'ils font donc du coup aussi très fatigué et qui à un moment donné reçoivent une information contradictoire avec tout ce qu'ils ont cru. Donc en fait, on est plus dans quelque chose là d'injonction contradictoire que d'injonction de notion temporelle pure. Cela dit, de manière très claire, et ça c'est mesuré aujourd'hui, il y a bien une quantité informative du cerveau qui est trop importante pour la plupart des humains. Le cerveau peut traiter beaucoup plus d'informations que ce qu'on reçoit. Extrêmement performant en réalité. Donc il pourrait traiter plus, mais il doit faire des choix, à un moment donné, par rapport à ce qu'il s'accorde de traitement et la fatigue qu'il considère lui-même. Petit détail, c'est qu'à chaque fois que vous faites fonctionner le cerveau, vous créez du glucomate dans le cerveau, donc vous créez des petits enzymes qui vont se mettre dans les synapses, qui vont boucher petit à petit les interactions avec les synapses. Et à un moment donné, il dit, si j'en ai trop, je veux m'arrêter. C'est ça le marqueur qui nous amène à dormir, par exemple. Aujourd'hui, on constate que, normalement, quand vous dormez, les systèmes... rachidiens, céphaliens, vont nettoyer ce glucomate et puis le lendemain tout va bien. Ce qu'on est en train de constater de plus en plus, c'est que le nettoyage de ce glucomate ne se fait plus correctement chez beaucoup de monde et qu'en fait il y a une sorte d'accumulation et de suraccumulation de quelque chose qui normalement doit se nettoyer naturellement dans la nuit et qui se fait de moins en moins bien pour un certain nombre de populations. Donc là, ça commence à devenir inquiétant. Donc oui, il y a une corrélation. Maintenant, il faut faire attention parce qu'une corrélation n'est pas toujours une causalité non plus. Il y a beaucoup de facteurs en jeu. Donc soyons aussi un tout petit peu méfiants de ce qu'on entend. temps sur ces sujets parce qu'on est dans la recherche. Aujourd'hui, on est encore loin d'avoir tout compris sur ce qu'on appelle les maladies.

  • Speaker #1

    Si on arrête de demander aux gens de faire un effort aujourd'hui pour demain, est-ce qu'on ne risque pas de vivre ? co-présent, seulement au présent, de profiter au max, de profiter de la vie et d'être donc dans une logique un peu individualiste et de cramer toutes les ressources que l'on devrait protéger. Et la deuxième, à quoi ressemblerait une entreprise ou une administration sans projet ? Ça fonctionnerait comment ?

  • Speaker #2

    C'est intéressant comme question. Alors, sur la question du présent, en fait, il faut bien... Le futur ne disparaît pas. Par exemple, la recherche, le dépistage du cancer colorectal... Ça a consisté à construire des messages qui étaient différents et qui consistaient à dire « si vous faites le dépistage en question, vous êtes immédiatement rassuré, par contre vous pouvez être amené à vous inquiéter dans l'avenir » . Des messages qui paraissaient très bizarres, etc. Donc ça ne veut pas dire que le futur disparaît, ça veut dire que le futur n'est pas systématiquement considéré comme la seule zone de motivation et la seule zone de sens. C'est-à-dire qu'on a un peu trop confondu le sens avec la direction, et avec la direction, la distance, et avec la distance, le futur. Et ça, ça veut dire que le sens qu'on va trouver est toujours un cran plus loin, il est toujours un peu plus tard et il n'est jamais immédiatement là. Donc c'est plutôt, c'est un peu comme une barre de métal qu'on a tordue trop longtemps dans un sens, il va falloir la tordre un petit peu dans l'autre sens pour qu'elle redevienne un peu équilibrée. Donc il ne s'agit pas de faire disparaître le futur peut-être un peu quand même. L'avenir, il faut le laisser, les choses vont venir et je pense que ce qui va se passer dans les temps qui viennent, ça va être plus des choses qui nous foncent dessus que des choses vers lesquelles on va. Donc je pense qu'il faut qu'on... même c'est une question d'adaptation, ce rapport au futur, qui est plus un rapport à l'avenir dans un sens d'attente et de renoncer à une partie du contrôle qu'on a pensé avoir et qu'on a eu qu'au prix d'un bilan carbone monstrueux et d'une addiction au carbone, au sucre, à tout ce qu'on veut. Donc oui, il ne faut pas basculer dans un déséquilibre complètement dans l'autre sens. Je pense qu'il y a un droit au futur et à l'avenir, bien sûr. Il y a aussi la place à laisser au présent. Il faut rééquilibrer. Et quand on analyse l'action publique, elle n'est que sur le futur. Elle n'est que sur le futur. Et quand on veut obtenir le RSA, il faut s'orienter vers le futur. Et quand on veut avoir un diplôme, il faut s'orienter vers le futur. Quand on veut avoir un emploi, tout est comme ça. Donc là, il y a quelque chose à retravailler. Et après, est-ce que ce serait une administration sans futur, mais une administration avec l'avenir ? C'est une administration qui se prépare, qui crée des potentiels de réaction, qui crée des communautés qui soient capables de s'adapter plus facilement, sans forcément prendre la forme d'un projet, sans forcément dire on va vous donner une image de l'avenir et on va construire à partir de cette image de l'avenir préconçue, on va au présent développer des capacités, capacités de... de débattre, capacité de décision, capacité de considérer des interdépendances, etc. Et laisser émerger des choses qui sont de l'ordre du moins gouvernable. En fait, une administration, elle peut être un peu moins dans le projet si elle accepte d'un peu moins gouverner. Et si elle laisse de la place à l'ingouvernable. Et on va en avoir besoin, parce que la façon dont on pourra s'adapter aux crises qui viennent et au fait que des réseaux vont être rompus... que des interdépendances formelles vont être rompues, donc ça va être des interdépendances informelles. À la SNCF, on travaille à comment des voyageurs vont devoir se démerder parce que le train va tomber en panne sous les fortes chaleurs. Et la question, ce n'est certainement pas d'avoir un projet, de dire avec un truc tout fait. C'est juste de dire comment on construit des rapports entre voyageurs dans l'immédiat, coincés dans le RER, qui soit autre chose que j'ai envie de taper mon voisin. Il y a du boulot, je suis d'accord, mais ça avance. Mais je crois que c'est créer ces potentialités, et je crois qu'il y a des formes d'action publique qui sont possibles. Il y a des expériences par ailleurs, etc. C'est une action publique qui est possible, mais qui, par contre, demande à mettre la valeur des choses dans l'immédiat, et pas forcément dans le futur.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ferait des réponses pas trop longues, donc je ne vais pas rajouter la réponse, mais moi je suis un peu plus nuancé sur ces notions-là. de par les observations que nous avons faites et des travaux qu'on mène sur le terrain. Déjà, il y a quand même un questionnement. On pourrait se poser la première question, je vais vous la poser, je ne vais pas y répondre, parce que ça prendrait beaucoup trop de temps, et puis finalement, ce sera la vôtre de réponse. Quand on parle de futur, de quoi est-ce qu'on parle ? Est-ce qu'on parle de la prochaine seconde ou de la prochaine année ? La prochaine seconde, c'est déjà un futur potentiel pour nous. Donc, voilà, de quoi parle-t-on quand on parle de futur ? Ça, c'est la première question qu'on peut se poser. Et malgré tout... L'observation que j'ai des travaux qu'on mène montre quand même que ce n'est pas si corrélable avec quelque chose qui est forcément positif que de ne pas avoir de projet. L'humain, quand il est collectif, il peut passer du temps à discuter, c'est nécessaire. vraiment désœuvré, on n'a pas beaucoup d'exemples, d'ailleurs je n'en ai pas dans les recherches qu'on a menées, le désœuvrement intellectuel ne produit pas du positif dans une collectivité. Alors la question c'est est-ce que le faire un projet est un opposé au désœuvrement ? Ça je ne sais pas, je n'ai pas forcément la réponse à ça, ce serait un autre débat. Mais malgré tout rien que de commencer à penser comment les humains pourront fonctionner si un jour le train s'arrête puis qu'il fait trop chaud, alors il va devoir fonctionner un peu différemment. C'est déjà commencer à se poser la question de ce qu'on apporte à l'humain d'aujourd'hui pour qu'il soit capable de faire face à ça demain. Qu'est-ce que le système scolaire apporte ? Je ne vais pas partir là-dessus parce que j'en ai pour des heures sinon, mais changeons l'école, changeons. Voilà, vous avez fait ce que vous voulez. Dès le moment où on décide de préparer quelqu'un à l'avenir de par une formation qu'on lui apporte, on se pose la question de ce qu'on estime nécessaire de lui donner. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on a cette tendance à vouloir absolument donner des faits et des solutions plutôt que de donner des possibilités. Là, je suis complètement d'accord. C'est-à-dire que l'école devrait former à la possibilité plus qu'au savoir absolu.

  • Speaker #3

    De notre côté, une des questions a déjà été répondue. La deuxième, c'était sur le temps comme vecteur de gratification sociale. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans les présentations au début, mais on a tous ces exemples autour de nous, que ce soit au travail, beaucoup, mais aussi dans la vie. « J'ai vraiment pas le temps en ce moment, tu sais ce que c'est ? » Ou alors on ouvre les agendas, puis le défi c'est de trouver une date, et ça fait un petit peu rire. Est-ce que dans la recherche que vous avez menée du côté de Lille, à la métropole, ce sujet-là a été abordé, le temps, justement comme gratification sociale ? Et si oui, qu'est-ce qu'on peut faire en réalité pour venir aussi corriger ça ? Parce que quelque part, il y a quelque chose de plaisant de se sentir emporté, transporté et reconnaître par les autres dans notre... Dans le fait de nous-mêmes avoir le nez dans le guidon. C'est aussi gratifiant. Comment on peut combattre ça ?

  • Speaker #2

    Oui, alors ça qu'on l'ait vu, oui, on l'a vu avec une... En plus, on le voit partout. Il y a un article très, très bien là-dessus qui s'appelle le « Je suis débordé de l'enseignant-chercheur » . C'est excellent, c'est moqueur. C'est écrit par un enseignant-chercheur et qui moque ses collègues. Et il a bien raison sur ce débordement dont on se plaint avec un plaisir immense. Et quel plaisir de dire, je n'ai pas pu répondre à votre mail depuis deux mois parce que vous comprenez, je suis débordé. Ça oui, il y a une valeur symbolique là-dedans qui est je suis très occupé. Et ça, ça correspond à des normes. Ça veut dire qu'il y a une norme sociale qui fait que le désœuvrement est mal vu, désœuvrement qui n'est jamais vraiment réel et que par contre, le suractivisme est bien vu. Et ça, ça ne se réglera jamais au niveau individuel, ça se réglera au niveau des normes d'une organisation. normes qui ont à voir avec ce qu'on fait de la charge de travail, le sens qu'elle peut avoir. Parce que quand on dit j'ai beaucoup, ça ne veut pas dire qu'on dit je fais des choses intéressantes. Ça veut dire je fais plein de trucs absolument inintéressants et par contre ça me déborde, etc. Donc, c'est des questions de normes collectives. Donc, ce qu'on travaille par exemple avec la métropole de Lille, c'est qu'on essaye de repérer où cette norme s'installe. Qui sont les rôles modèles qui commencent par dire « Vous savez, moi je dors très peu » . C'est bizarre, les présidents de la République, ils ne dorment jamais beaucoup. Ils sont toujours là à dire « je dors très peu parce que vous comprenez » , etc. Donc on se rend compte qu'il y a une norme qui est qualitative comme ça. On se rend compte derrière qu'il y a la question des agendas et de la façon dont on remplit les agendas individuels et collectifs où aucun segment libre n'est laissé. Parce que tout segment libre est susceptible d'être une forme de désœuvrement. Pareil dans les premières réactions au télétravail, etc. Donc, je crois que oui, il y a cette valeur symbolique qui fait partie du maniement du temps comme pouvoir symbolique. Bourdieu a beaucoup travaillé dessus. On fait attendre, on fait patienter, on est en retard, etc. Et je le disais tout à l'heure, moi, en tant qu'enseignant, je peux être en retard, mes étudiants, ils ne peuvent pas l'être. Il y a vraiment un... Il y a quelque chose qui est de la pure inégalité. On utilise ça et si je veux vraiment montrer mon pouvoir, je vais vraiment faire attendre. Je vais vraiment être un bon prof, un bon chercheur, etc. Tout ça, si je suis à l'heure... Et ça, il y a vraiment des jeux là-dessus qui sont des jeux qui proviennent d'une part de ces normes et d'autre part du fait que la valeur transite par ça plus que par autre chose. Ça veut dire que c'est ça qui devient la valeur plutôt qu'autre chose. Et ça, ça pose question parce que ça veut dire quel est le type de valeur qu'on amène à une organisation si la seule valeur qu'on a, c'est un activisme dont on quantifie, dont on qualifie même pas le résultat.

  • Speaker #1

    Alors, notre question, elle vient en référence à un livre que l'on conseille à... tous de lire qui s'appelle Paris pour tous et qui est un roman qui notamment questionne la place du travail dans nos vies et propose une organisation tournée autour de 3 heures de travail par jour qui semble suffisant et donc la question c'est est-ce que prendre du temps pour soi permet d'en donner aux autres est-ce que vous avez des références qui peuvent amener des éléments de réponse à ça ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai des liens au fait que prendre du temps pour soi ne donne pas du temps aux autres, pas au fait qu'on n'a pas de référence. Non, parce que c'est tout sauf une évidence. C'est comme de dire, avoir un milliard donne de l'argent aux autres. Le temps est un système qui peut être aussi égoïste que l'argent. Donc il y a des gens qui, avec leur temps, décident d'en donner aux autres parce qu'ils vont, par exemple, travailler avec eux, les aider ou... ou autre, il y a des gens qui vont occuper leur temps pour eux. Je ne fais pas forcément le jugement de valeur, c'est à savoir ce qui c'est mieux ou pas mieux. C'est une réalité. Et dans nos vies, il y a des moments où on a fondamentalement besoin de retrouver du temps pour soi. Et c'est aussi une maladie différente que celle de vouloir, de penser qu'on doit toujours aider l'autre et être au service de l'autre n'est pas fonctionnel cognitivement non plus. C'est-à-dire qu'on est collectif, on est coopératif, mais on doit... trouver son équilibre entre ce que nous avons besoin et ce que nous pouvons donner. Alors là, il y a des gros déséquilibres qui se sont créés, en tout cas sur les aspects financiers, on est bien d'accord. Il y a aussi des gros déséquilibres sur l'aspect temporel, parce que si c'est vrai qu'il y a cette beauté de dire « moi je suis suroccupé alors que toi tu l'as un peu moins, donc je suis plus important que toi » , ça c'est vrai. Il y a aussi des réalités. Aujourd'hui, un médecin, avec la quantité qu'on a de médecins aujourd'hui en France, il peut toujours dire « moi je vais prendre du temps » . La réalité, c'est que s'il le fait, il prend moins de patients. Et donc, c'est mieux parce qu'il est plus qualitatif avec chaque patient. Mais ça veut dire qu'il y a des patients qui ne seront pas soignés. Donc, il faut former plus de médecins. Donc, ce n'est pas si simple de se dire, OK, jusqu'où je décide ? Parce que c'est nécessaire. Et c'est intéressant parce que tout le monde dit, par exemple, ah ouais, mais il y a les nouvelles ailes génératives ou des systèmes, on va faire gagner du temps aux médecins parce qu'ils auront un système d'analyse plus rapide. Ben non, ils prendront juste plus de patients. Parce que voilà, jamais dans l'histoire, jamais dans l'histoire, une technologie n'a fait ralentir. Jamais. Ça veut dire que chaque fois qu'on met une technologie qui est censée nous aider à gagner du temps, on accélère un peu. Ça, c'est un vrai sujet. Donc, dans votre descriptif, non, le fait d'avoir du temps pour soi n'est pas forcément un don pour les autres. En revanche, ce qu'on sait aussi, à l'inverse, c'est qu'il n'y en a aucun temps pour soi. On n'en a non plus jamais pour les autres. Donc, voilà. Il faut trouver cet équilibre.

  • Speaker #1

    Sur la base de vos observations scientifiques, on se demandait quelles sont les choses essentielles selon vous qu'il faudrait mettre en place pour réduire les injonctions temporelles dans notre vie au quotidien ?

  • Speaker #2

    Oui, il y aurait beaucoup de choses. Après, on peut s'arrêter sur les outils électroniques qu'on peut avoir. On sait d'où vient cette fabrication d'injonctions permanentes. On sait quel modèle économique ça sert, donc la captation de la tension. Et cette lutte pour l'attention, les ingénieurs qui ont mis au point les choses qui nous ont accrochées aux écrans sont incapables de mettre en place des choses pour nous décrocher des écrans. Parce que malheureusement, ça ne fonctionne pas en parallèle. C'est-à-dire qu'on a vraiment des formes d'addiction qui sont vraiment compliquées. Parce que beaucoup de ce dont on parle vient de ça. Ça vient beaucoup de là. Après, je pense que... personnellement, évidemment, on peut amener à retirer. Moi, quand on m'a demandé de retirer tous les signes temporels, c'est vrai que ça a eu un effet. Ça a calmé des angoisses, ça a permis de mieux dormir, etc. Tout ça. Donc, je pense qu'il faut se créer, peut-être personnellement ou collectivement, des moments où on se retire le plus possible de ces sollicitations-là. Mais je crois que si on ne prend pas... Et il y a aujourd'hui des démarches de protection des consommateurs qui consistent à quantifier le nombre de... de biais cognitifs, d'automatismes cognitifs qu'utilisent des fabricants d'applications pour scorer le niveau de danger. Et jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait un groupe bipartite ou tripartisan qui travaillait sur des formes de régulation aux États-Unis et en France en disant si on atteint un certain niveau d'utilisation de techniques de manipulation, on interdit. Donc autant vous dire que le vent a tourné total. Mais qu'en fait, on sait, donc on sait, venant de ça, on sait comment se débarrasser d'une partie. Après, je pense qu'il y a aussi la question de la place que ça prend et que prend une information immédiate par rapport à des choses qui devraient capter notre attention sur une plus longue durée. Des pensées profondes, des pensées larges, le rapport à des choses qui sont plus vastes, etc. et où la balance entre les deux et l'impulsivité, tout ce qui a été construit par ça, sous ces formes d'impulsivité, si on s'en écarte, on aura moins de sensibilité immédiate à ça. On peut gagner un tout petit peu en distance. Mais déjà, arriver à supprimer ou à réduire ça, mais moi, je crois assez peu à la volonté individuelle pour ça. Je pense que si les outils ne sont pas faits différemment, ça va vraiment être difficile parce qu'ils sont d'une puissance folle.

  • Speaker #0

    J'en rejoins complètement ça. Je vais... Je vais ajouter deux choses. Moi, je ne suis de loin pas quelqu'un qui pense qu'il faut des lois pour tout et de l'interdiction pour tout, mais je pense qu'il y a un vrai sujet. aujourd'hui sociétale sur ce qu'on accepte ou non des applications, des notifications, des systèmes. Ça, c'est un sujet dont on ne s'empare pas du tout politiquement aujourd'hui, mais qui n'est pas assez en tout cas, qui est une nécessité absolue. Et je dirais, une des premières choses qui serait simple et qui ne coûte pas grand-chose, c'est vraiment, je parle beaucoup des notifications, mais parce que ça, on a démontré que c'était quand même terrifiant. Et aujourd'hui, les applications mettent les notifications par défaut. Alors, on a réussi à faire passer une loi qui, déjà, a empêché de mettre par défaut. Mais bon, maintenant, vous avez régulièrement des applications, des rappels qui vous disent, est-ce que vous voulez brancher des notifications ? Ça, vous l'avez toutes et tous. Donc ça, il faut l'interdire. Parce que c'est des toutes petites choses. Mais on ne pourra pas, de toute façon, on ne pourra pas interdire TikTok. Parce que ce serait, de toute façon, ça a été essayé, ça ne marche pas. Mais on peut aller sur des choses là. Puis, je vais vous donner un autre truc qui pourrait être ultra efficace sur la temporalité et qui réglerait beaucoup de choses, en fait. C'est de passer les temps de garantie des... machiner des objets à 5 ou 10 ans. C'est hallucinant le nombre de choses que vous résolvez avec ça, dans la temporalité, dans ce que ça représente de devoir s'équiper et se rééquiper parce que la télévision, parce que machin, parce que tampane. C'est aussi, alors c'est une économie terrifiante quand les objets ne tomberont pas au bout de deux ans, puis qu'on va les jeter parce qu'aujourd'hui on ne peut plus rien changer. Si vous passez simplement, et ça il y a des calculs qui ont été faits, vous passez à 5 ans le temps de garantie de tout objet que vous achetez, vous changez totalement la face du monde. Voilà, c'est aussi simple que ça. Donc vraiment, je pense qu'il y a un enjeu aujourd'hui politique parmi tous les autres, c'est d'arriver à imposer des normes de garantie des objets qu'on achète à des temps plus longs.

  • Speaker #4

    Dans l'idée de détricoter les liens que nous avons au temps pour mieux se les réapproprier, est-ce que vous pensez que ce serait intéressant de considérer le temps comme un dispositif technique, artifice des sociétés ? Pour faire un petit lien entre le temps et la technique.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que vous pouvez définir ce que vous entendez par là, déjà ?

  • Speaker #4

    Les ingénieurs ont développé tout plein de trucs et seraient incapables de développer d'autres choses pour nous faire prendre de l'écart par rapport à ça. Est-ce qu'on ne peut pas réinterroger, si on veut prendre de l'écart par rapport à un dispositif technique ? Il me semble qu'aujourd'hui, on arrive à réinterroger les liens que les individus créent avec ces objets techniques et de les mettre un peu à plat. Peut-être que ça permet justement de se les réapproprier et de créer un espace des possibles pour les réexplorer. Oui.

  • Speaker #0

    On a passé notre temps, ces dernières décennies, siècles et millénaires, à techniciser le temps. Vraiment, jusqu'à arriver à cette notion qu'une seconde c'est temps d'oscillation. On a passé notre temps à chercher à modéliser une image très technique et technologique du temps. Donc effectivement, on est bien d'accord que c'est un enjeu que de se dire aujourd'hui comment est-ce qu'on désapproprie un peu le temps de la technologie. C'est ce qu'on a dit avant avec les notifications, avec les temps de garantie, tout ça. Ça, c'est une vraie nécessité. On ne pourra pas complètement le faire, mais c'est une vraie nécessité de réapproprier un temps naturel versus un temps technologique. Ça, j'en suis assez persuadé. Ce n'est pas forcément facile à faire. Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, on pourrait aussi... Il y a deux pays qui l'ont mis en place aujourd'hui, c'est les banques du temps. Et je trouve le système extrêmement intéressant parce que là, on utilise une technologie pour justement... déstructurer la technologie du temps. La banque du temps, elle fonctionne sur un système très simple. C'est que si moi, j'ai besoin d'un service de quelqu'un, vous, vous savez peut-être parler italien, vous allez m'apprendre l'italien. Mais moi, j'ai peut-être rien à vous offrir en retour parce que rien de ce que moi, je sais faire ne vous intéresse. Vous allez accumuler un temps pour vous que d'autres personnes pourront utiliser à leur échelle. Vous obtiendrez un service de quelqu'un d'autre différemment. On a mis en place un système ultra-technique pour redonner du temps aux gens. Et ça fonctionne super bien. Ça a été mis au Luxembourg en place aujourd'hui et ça est en train de pas mal changer les choses. Ça est mis en place dans certains pays d'Afrique. Et ça, c'est vraiment intéressant. Et je pense que là, on pourrait commencer à trouver des solutions de réappropriation temporelle par la technologie quand même, mais dans des systèmes un petit peu plus vertueux.

  • Speaker #2

    Après, je répondrai très rapidement en disant que je pense qu'effectivement, il y a quelque chose à déconstruire de nos rapports avec ces dispositifs techniques rapidement. Parce qu'on se met à penser non pas avec eux, mais à partir d'eux. Et c'est très compliqué, parce que ça veut dire que notre manière de construire nos besoins, nos attentes et même la valeur des choses, c'est au travers de la façon dont les objets techniques vont pouvoir y répondre. Donc ça veut dire que le travail sur le deuil qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, le renoncement qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, etc., la tristesse qu'on va avoir à renoncer à un certain nombre de choses, Il faut qu'on apprenne à gérer des émotions. Je pense que ça urge d'autant que ces choses-là intègrent notre schéma corporel. Maintenant, ça fait partie du schéma corporel. Le smartphone, ce n'est plus quelque chose qui est détaché, c'est quelque chose qui y est dedans. Donc ça commence vraiment à intégrer notre incarnation. Et puis la deuxième chose, c'est quand même que je pense qu'il y a un vrai paradoxe dans les modèles économiques qu'on se construit. Et on pourra déconstruire tout ce qu'on veut. Si les modèles économiques continuent à fonctionner sur la base de la captation de l'attention, il n'y aura rien à faire. Parce que plus il y aura d'argent, plus il y aura cette volonté de retenir l'attention absolument pour rien. Donc, je pense que c'est une fois de plus, il y a une part individuelle, évidemment, où il faut essayer de gérer, essayer de travailler cette question du FOMO, par exemple, qui nous emmène tellement, donc cette peur de rater quelque chose, etc. Il faut arriver à travailler là-dessus, mais c'est un travail quand même difficile. Mais c'est surtout ces modèles économiques globaux qui créent de toutes pièces des formes de besoins qui n'en sont pas, mais auxquels on ne peut pas échapper parce que tout s'organise. Et on voit aujourd'hui, par exemple, au niveau de l'IA. Les premiers travaux montrant qu'on commence à formuler nos questions pour qu'elles soient accessibles à l'IA et qu'elles puissent prendre la forme de promptes, ça veut dire qu'on commence à penser à partir de l'outil pour que ça corresponde à l'outil. Donc on est vraiment dans cette logique d'artefact complet, mais ça va à une vitesse qui est assez inquiétante.

  • Speaker #1

    Bon, ça tombe bien, parce que si je n'avais pas de réponse à mes questions, justement, j'allais demander à ChatGPT. Vous avez déjà un peu répondu aux questions, mais une des questions que j'avais suite à votre... Table ronde, c'était comment on fait, je pense qu'il y a beaucoup de gens dans la salle qui ont envie de ralentir, mais comment on fait dans ce monde pour emmener les autres sur ces sujets-là, qui paraissent un peu mystiques, de leur dire, allez dans une grotte, faites l'expérience, vous verrez votre rapport au temps. Donc ça, c'est une première question, c'est un peu dur d'emmener ses collègues là-dedans. Et justement, il y a peut-être une question qui n'a pas été répondue sur la partie comment on sort du mode projet. Et la deuxième question ensuite, ça a été un peu répondu aussi parce que vous avez parlé de votre vie personnelle, mais comment ça a changé votre mode de vie ? de travailler sur votre rapport au temps ?

  • Speaker #2

    Pour avoir fait ce travail avec des administrations, des services, des gens qui bossent avec des publics en situation de précarité, puisqu'on se pose la question de l'accompagnement, c'est un processus. C'est-à-dire qu'il faut... C'est comme la communication non-violente, etc., ou l'approche par les stades de changement. C'est-à-dire qu'en fait, il faut accepter l'urgence et la précipitation dans lesquelles sont les autres rentrés dedans. Si faire sa place, montrer les signes de la compréhension de ça, c'est-à-dire que si on doit marcher avec l'autre, on marche vite. On ne commence pas par le prendre par le col pour le ralentir. C'est souvent ce qui se fait quand même, de dire je vais imposer ma temporalité. Il n'y a rien qui est perçu plus violemment que quelqu'un qui vous impose sa temporalité. C'est un peu comme s'il vous imposait sa présence. Donc ça, je pense que rentrer dans la temporalité et procéder par une forme de transition, de ralentissement qui prend son temps. qui donne des premiers signes. Et je sais que dans le travail d'accompagnement de personnes qui sont éloignées de l'emploi depuis très longtemps, qui vivent très au présent, c'est qu'on ouvre des futurs microscopiques, des futurs, c'est-à-dire du délai, microscopique d'abord, et puis petit à petit, on en vient à quelque chose qui est de l'ordre du ralentissement, de la sortie de ce système d'urgence. Mais je pense que ça commence par l'écoute, la compréhension, se glisser dans le système en question, le comprendre de l'intérieur et petit à petit, le ralentir. Après, je pense que ... Il faut que les contextes nous y aident. Nous, on a refait un couloir de RER, on a diminué le rythme de marge de 20%. Dans un couloir de RER, c'était compliqué. Pourtant, normalement, les gens sont vraiment pressés. Mais en fait, c'est que, par exemple, une façade régulière nous fait marcher plus vite qu'une façade irrégulière. Pourquoi on construit encore des façades régulières ? Pour des questions de budget, etc. Tout ça, on le sait. On sait que la verticalité, des formes de verticalité permettent de réduire la pression du temps et du coup ralentissent. Donc c'est aussi des constructions collectives de nos environnements de vie. Et je crois qu'en fait, il faut qu'on change les contextes dans lesquels on travaille ensemble à con. Parce que quand les gamins sont descendus pendant le confinement dessinés sur les trottoirs, ça a ralenti tout le monde. Ça a créé une forme de temporalité. Le dessin était encore là le lendemain. Quelqu'un ne s'est pas dépêché de l'effacer. Donc il y a toute une reprise de possession. Plutôt que d'essayer de convaincre là. Il vaut mieux essayer de travailler les environnements. Et ça, ça facilite, ça fait œuvre de démonstration, etc. Et ça, quand on commence à décrypter l'espace public ou les espaces partagés, on se rend compte qu'il y a tout le temps des choses qui nous font presser le pas. Et moi, quand les gens de la SNCF, au début, me disaient « les gens sont pressés » , je fais « non, non, ils sont pressés au passif » .

  • Speaker #0

    vous les pressez. Ils ne sont pas pressés, c'est pas vrai. Vous les pressez tout le temps, en faisant des couloirs comme vous le faites, avec des lignes comme vous les faites, avec l'information que vous donnez. Donc ça, je crois que ça peut vraiment être quelque chose qui aide beaucoup. Et votre deuxième question, c'était ? Après, je passerai le micro. Ah, non, rien. Je suis vraiment la démonstration parfaite du cordonnier, moi. Je suis un cordonnier. Voilà. Donc, il n'y a personne qui gère aussi mal son temps que moi. Je prends très peu de temps. de temps pour moi, si j'en prends de temps en temps. Je commence là, ça doit être le grand âge, mais je commence à trouver des espaces de temps vraiment denses, où il y a une forme de densité et où j'arrive à ralentir. Mais ça amène à quelque chose, et je pense que c'est crucial et en tout cas dans les consultations en psychologie on le voit, ralentir ça demande à avoir du poids, de l'inertie. Ça veut dire qu'à l'intérieur, il faut avoir quelque chose de lourd. Parce que si on veut résister à la force du vent, il ne faut pas être une feuille. Si on doit être une feuille, il faut rester attaché à son arbre. Donc ça veut dire qu'en interne, tout ce que le marketing, le capitalisme, tous ces choses-là nous vident, parce qu'on cherche à se nourrir, mais on n'a plus rien qui vient de l'intérieur. Et ce n'est pas mystique ce que je dis. C'est-à-dire que par exemple, quand on mesure le caractère consolidé d'une identité personnelle, on se rend compte qu'elle est liée à des capacités à résister à des formes d'accélération, d'impulsivité, etc. Donc ça veut dire quelque part, il faut trouver des éléments qui font un peu poids, qui créent une inertie et qui font qu'on est moins sujet à être emmené par le courant, etc. Et ça, c'est dans nos sociétés aujourd'hui, c'est un peu difficile parce qu'il y a plein de choses qui nous vident.

  • Speaker #1

    Personnellement, je pense que se faire emporter par le vent, c'est plutôt bien aussi. Il faut savoir se laisser aller avec le vent. Juste une chose importante, quand on veut amener une personne, là on est plus sur mon terrain de spécialité, parce que moi je travaille vraiment sur l'adaptation et sa capacité de faire changer un comportement. On s'est quand même beaucoup trompé pendant quelques décennies sur ce qui permet à une personne de changer. C'est-à-dire qu'il y a deux choses qui sont fondamentales aujourd'hui, qui ont été démontrées entre autres en 2017 et 2019. La première, c'est que maintenant, il n'y a plus de doute là-dessus. C'est-à-dire que nos décisions sont basées sur nos émotions. C'est-à-dire que c'est l'émotion qui provoque la décision, ce n'est pas le contraire. Ça veut dire que, quelle est l'émotion qu'une personne ressent par rapport à son état ? C'est-à-dire que si vous voulez faire changer quelqu'un, c'est déjà à comprendre l'émotion que son état lui provoque. Si quelqu'un a besoin d'aller très vite, quelle est la raison pour laquelle il a besoin d'aller très vite ? Qu'est-ce qui le pousse à ça ou la pousse à ça ? Et si on veut aider une personne à changer, c'est en tout cas pas en lui disant qu'il faut ralentir, accélérer ou quoi que ce soit. C'est comprendre pourquoi l'émotion qu'elle ressent la pousse cette personne à aller dans certaines directions. Et ça va sur les liens de confiance. On dit « faites-moi confiance » , mais la confiance dans le cerveau n'est pas reliée au système auditif. Elle est principalement reliée au système visuel. Donc c'est ce que vous faites sera vu. Donc en fait, on voit souvent des gens qui demandent à quelqu'un de changer, alors qu'eux-mêmes ne le font pas. Et ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas demander à quelqu'un de faire quelque chose qu'on ne fait pas nous-mêmes. Donc c'est là les enjeux. C'est aller chercher les émotions et être soi-même le démonstrateur de ce qu'on demande aux autres. Et quand on commence à travailler comme ça, D'abord, on donne un message politique. C'est-à-dire que je te montre ce dont on a besoin. On peut peut-être faire un petit lien avec ce qui se passe aujourd'hui, mais je ne le ferai pas, ce serait trop facile. Et après, c'est vrai que sur le changement de ce qu'on ressent, nous, on est souvent pris dans nos propres recherches, dans nos propres temps. Moi, j'ai cette chance qui a été extraordinaire dans ma vie de faire des expéditions. de terrain. Et j'ai commencé très tôt dans ma vie. Et en fait, on est par définition dans une temporalité qui change totalement. C'est-à-dire que quand vous partez au fin fond d'une chaîne de montagne des Andes, vous avez des vents qui sont terrifiants. C'est pour ça que j'aime bien le vent. À un moment donné, vous savez que vous ne pouvez pas avancer. Le vent te dit non. Si tu dois traverser une rivière en furie, tu sais que si tu essaies de remonter le courant de la rivière, tu ne vas pas y arriver. Et que tu dois te laisser accompagner par la rivière. Donc en fait, cette nature nous rappelle au quotidien, seconde après seconde, que ce qu'on croit vouloir faire n'est dépendant que de ce qu'elle accepte de nous laisser faire. Et ça, c'est extraordinaire. J'invite vraiment tout le monde à aller faire des expéditions extrêmes. Il n'y a pas besoin d'extrême pour ça. Mais à minima, de passer une semaine dans les bois. Juste une fois dans sa vie. parce que tout d'un coup, les choses sont différentes de ce qu'on aurait voulu. Et si on ne l'accepte pas, c'est certain qu'on n'aura pas le dessus. C'est certain. La nature, le vent, quand vous avez 200 km heure de vent, vous pouvez dire au vent, tu m'emmerdes, ça ne marche pas, il s'en fout lui. Donc, on est vraiment dans un moment de l'histoire humaine, je pense, où on s'est décorrélé de la nature, ça, ça fait très longtemps. Mais on a passé le cap supplémentaire de la décorrélation avec la nature, c'est qu'on n'est même plus capable d'accepter À un moment donné, c'est elle qui nous dictera des règles de temporalité. Malheureusement, c'est terrible, parce qu'il y a des éclosions, des tremblements de terre, des incendies, tout ça. Évidemment, on ne va pas se réjouir, c'est terrifiant. Mais c'est des marqueurs qui nous rappellent quand même un petit peu qu'on peut construire la digue la plus haute du monde, le barrage le plus merveilleux. À un moment donné, ça n'arrêtera jamais une nature qui va avancer. Donc c'est maintenant, on doit redéfinir cet espace-temps. Et je pense que passer un peu de temps... Le temps dans la nature est la meilleure solution aujourd'hui à offrir aux gens pour se réapproprier cette notion. Pouvez-vous faire un rapport entre le temps et l'éternité ? Vous voyez une réponse courte ?

  • Speaker #0

    Saint-Augustin a déjà fait le boulot, donc je laisserai Saint-Augustin répondre. Il a fait tout le trajet de quitter l'éternité, de l'intemporalité pour y revenir. Il a trouvé un compromis qui marche plutôt bien. Voilà, après je pourrais répondre sur d'autres théories qui montrent qu'avec l'éternité, il n'y aurait pas de sens du futur. Par exemple, la terror management théorie, qui est une théorie de cognition sociale, mais autour de comment la mort, ce qui était l'hypothèse d'Heidegger, mais qui maintenant est validée à un niveau plus cognitif ou psychologique, comment la présence de la mort, donc cette activation de pensée parfois de l'imminence de la mort, est une des conditions pour que se développe... un sens du futur qui est vraiment celui qu'on remplit de projets etc tout ça donc l'éternité on a du mal à l'attester parce qu'on a encore jamais eu quelqu'un d'éternel mais que quand on amène à désactiver le plus possible quand on compare un groupe où a été activée cette idée de la mort à celui où a été moins activé on se rend bien compte que cette non éternité est assez fondamentale pour structurer notre rapport au temps donc c'est du C'est de la pensée contrefactuelle, c'est de l'exercice de pensée que d'imaginer ce que produirait l'éternité dans le sens d'une vie éternelle. Et sinon, on bascule effectivement dans des modes qui assurent une disparition du temps, c'est l'intemporel. Les premières réflexions sur le temps sont un peu venues de ça aussi.

  • Speaker #1

    Si vous voulez questionner le temps, je vous recommande, d'ailleurs on fait de la pub, mais... Sur YouTube, on a un film qui s'appelle 40 jours en dehors du temps, qui raconte l'histoire de notre expérience dans la grotte de l'Embrive. C'est intéressant d'aller regarder ce film, non pas parce qu'il est gratuit, c'est la plupart des trucs que je ne vends pas, il est gratuit, mais parce qu'en fait, quand on voit les réflexions des unes et des autres, d'ailleurs on a la chance d'avoir, si vous avez des questions, il y a Tiffaine qui est là, qui est une grenobloise maintenant et qui a fait partie de l'expérience aussi. Quand on entend les réflexions des unes et des autres, En fait, il y a une profondeur assez hallucinante dans tout ce qui est dit et ça invite vraiment à réfléchir à plein de choses. Donc, je vous recommande vraiment d'aller écouter les paroles de ces personnes au fur et à mesure de cette expérience, parce que c'est, à mon sens, on a quasiment toutes les réponses à nos besoins aujourd'hui dans ce que ça représente.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous permettre de nous en extraire, au moins pour un temps. Il n'est point de bonnes sociétés qui ne se quittent. Donc, je tiens à vous remercier, vous évidemment, mais aussi Marie Leroy, notre... archéologue des futurs. Merci aussi le collectif Futuron qui a assisté Marie pour aller collecter ses souvenirs du futur, ses vestiges du futur. Bravo à LE pour leur production. Et merci aussi à Coralie Simet, j'avais peur de décorcher votre nom, qui a croqué toute cette soirée et dont les illustrations viendront abonder, seront disponibles sur le site grenoble.fr slash 2040 dans les jours à venir. Il y a une pointe bonne société qui ne se quitte, certes, mais c'est pour mieux se retrouver. Du 10 au 17 mai prochain, lors de la prochaine Biennale des villes en transition de Grenoble, il y aura tout un arc d'événements Grenoble 2040 qui nous permettra de nous projeter dans les futurs, de nous projeter sans nous ségréguer, partir du sensible pour penser soit les futurs, soit l'avenir. En tout cas, je vous donne rendez-vous à toutes et tous du 10 au 17 mai à Grenoble pour la Biennale des villes en transition.

  • Speaker #3

    Belle fin de soirée à tous et à bientôt. Bon futur !

Description

L’histoire de la modernité est celle de l’économie du temps, et aussi celle de sa raréfaction. Le temps nous presse de plus en plus : les heures et les minutes filent entre nos doigts. Nous multiplions les activités chaque jour, les exécutant à un rythme effréné.
Pourtant, jamais nous n'avons eu autant l’impression de courir après lui. Cette organisation temporelle moderne n’est pas sans conséquence sur notre santé, ni sur celle de notre environnement.

Et si, nous nous éloignions des structures temporelles de la modernité pour les réinventer ?
Et si, nous abolissions le temps horaire au profit d’un temps en phase avec nos propres rythmes ?

Cette rencontre Grenoble 2040 explore cette idée à travers une soirée immersive unique.


Avec Christian Clot, explorateur et directeur du Human Adaptation Institute, et Nicolas Fieulaine, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales, expert des perspectives temporelles.

Ces intervenants partagent leurs travaux, de l’expérience hors-norme Deep Time (40 jours sans aucune notion de temps dans une grotte !) aux impacts sociétaux des structures temporelles modernes.

Ensemble, réfléchissons à une société plus harmonieuse.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si chacun et chacune vivait à son propre rythme, à quoi pourrait ressembler notre quotidien si nous n'étions plus l'imprise des informations temporelles ? Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast où nous explorons un futur collectif juste et désirable. Le temps nous échappe, il nous presse. Les heures et les minutes filent entre nos doigts, et dans cette course effrénée, nous multiplions les activités, sans jamais réussir à nous sentir vraiment en phase avec lui. Pourtant, cette organisation temporelle a un coût, sur notre santé, mais également sur celle de notre planète. Le temps, c'est le thème de ce troisième épisode des Rencontres Grenoble 2020. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir deux invités d'exception. Christian Clot, explorateur-chercheur. et directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute, spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Il nous parlera des défis du temps face aux environnements changeants. Nicolas Fiolel, chercheur en psychologie sociale et sciences comportementales à l'Université Lyon 2 ainsi qu'à l'INSP. Expert des perspectives temporelles, il nous apportera un éclairage précieux sur la construction moderne du temps et ses impacts sur nos comportements. En somme, nous allons réfléchir à un autre rapport au temps. non linéaire, en harmonie avec nos rythmes naturels, et porteur d'une attention renouvelée vers la nature. Alors, embarquez avec nous dans cette exploration d'un futur où le temps ne nous contrôle plus, mais où nous apprenons à l'habiter autrement.

  • Speaker #1

    Bonsoir à toutes et tous, je suis Antoine Bach, adjoint au maire de Grenoble, en charge de la prospective et de la résilience territoriale. Vous êtes ce soir dans un événement Grenoble 2040. Grenoble 2040, c'est une démarche qui a été lancée en 2022 pour se donner le droit, les outils et le goût de penser l'avenir. Parce que climat, géopolitique, société, chaque jour porte son lot de nouvelles qui ne sont pas souvent très bonnes. C'est même mauvaise, je crois qu'on peut se le dire entre nous. Et nos réflexions, toutes nos actions du quotidien sont mobilisées par des réponses immédiates à nos problèmes. Et souvent, on n'a pas le temps et on n'a pas l'envie de... Penser à l'avenir parce que cet avenir, il est trop incertain et parfois, il est trop effrayant. Et pour se le dire entre nous, les grands bipèdes humains, comme les grands mammifères en général, nous avons toujours peur de ce que l'on ne connaît pas. Pourtant, penser le monde de demain en s'appuyant autant sur l'état des connaissances scientifiques que sur le pouvoir de nos imaginaires, c'est se donner, c'est se redonner une capacité d'action. S'autoriser à penser l'avenir, c'est se projeter dans l'action. ou pour le dire avec Gaston Berger, le père de la prospective à la française en 1959, voir loin, voir large, analyser en profondeur, prendre des risques et penser à l'humain. Dans le cadre de Grenoble 2040, nous organisons entre autres choses des cycles de rencontres. Nous avions rencontré le 11 juin dernier Arthur Keller, qui était venu nous parler des risques systémiques et des stratégies de résilience collective. Et le 18 décembre dernier, nous avions rencontré Olivier Hamand, qui était venu nous parler de la robustesse comme préférable, voire comme antidote à la performance. Aujourd'hui, dans cette rencontre, nous explorons deux spécificités, deux singularités, deux nouveautés. Déjà, nous allons faire dialoguer deux intervenants. Et nous allons aussi mobiliser des outils du design fiction. Je ne sais pas si je l'ai bien dit, mais on me le dira. Ce sont des outils d'exploration des futurs à travers des scénarios fictifs. et qui permettent de se projeter concrètement. Le temps, c'est une dimension fondamentale dans notre quotidien, dans notre organisation personnelle, notre organisation familiale, notre organisation professionnelle, notre organisation sociale. On parle d'urgence écologique, on parle d'urgence sociale. Toutes ces urgences que nous connaissons bien, elles interpellent même la notion d'urgence. Une urgence qui dure, est-ce que c'est toujours une urgence ? Les crises, la permanence des crises, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus vraiment de fin réelle, on sait quand elles commencent, on ne sait pas quand elles se terminent, elles s'enchaînent. Le jour du dépassement. des limites planétaires. En 1970, c'était le 29 décembre. En 2024, l'année dernière, c'est le 1er août. On a aussi un sentiment d'accélération. L'impression que le temps s'accélère. Quelle est la base réelle de ce sentiment ? Tout cela interpelle la construction de la notion de temps, notre rapport au temps actuel, et toutes les difficultés qui sont liées aux synchronisations. Il y a aussi des problématiques de santé liées au temps. Tout cela, on va l'aborder ce soir. Le temps, faut-il le prendre pour mieux s'en libérer ? Pour apporter un peu d'eau au moulin, nous aurons besoin d'au moins trois personnes. Donc, tout d'abord, Marie Leroy, qui est archéologue des futurs et qui a rapporté des éléments du futur que vous avez pu voir exposés dans l'entrée. Alors, comment elle l'a fait, ça, elle n'a pas voulu me le dire. Sans doute, elle n'a pas la permission pour me le dire. Mais en tout cas, elle essaie de comprendre ces éléments, de les décrypter à partir de nos connaissances actuelles. Et elle animera cette table ronde. Merci, madame. Christian Clot, vous êtes explorateur et chercheur. Donc, vous explorez. Et vous cherchez. Vous nous direz si vous avez trouvé, ce serait intéressant de savoir. Vous êtes directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute. Vous êtes spécialiste de l'adaptation humaine en conditions extrêmes. Et vous partagerez votre expérience avec Deep Time, une mission un peu hors norme, durant laquelle 15 personnes ont vécu 40 jours dans une grotte, isolées de toute indication temporelle. Vous nous expliquerez comment le cerveau réagit face à un temps qui est incertain et comment est-ce qu'un groupe s'organise. sans les repères temporels. Bref, le monsieur qui enferme des gens dans des grottes, il est ici, donc je nous engage à être quand même plutôt prudent dans nos questions et dans nos rapports avec lui, il a l'air tout à fait aimable, mais bon, méfions-nous tout de même. Nicolas Fiolenne, vous êtes ici, merci beaucoup d'être présent. Vous êtes professeur et chercheur en psychologie sociale et en sciences comportementales à l'Université Lyon 2 et à l'Institut National du Service Public, l'INSP, anciennement l'ENA. Vous êtes expert des perspectives temporelles et du changement de comportement. Vous êtes fondateur. du Réseau international des perspectives temporelles. Je dis en français parce qu'il a un nom en anglais, je crois, mais c'est mieux en français. Vous accompagnez les collectivités et les organisations dans la transformation de leurs pratiques. Ça peut nous intéresser, la ville de Grenoble, je ne vous cache pas. C'est un petit clin d'œil pour le directeur général des services qui se cache tout au fond, merci. Et vous avez votre thèse, elle portait sur le rôle joué par le rapport au temps dans les problématiques de santé, très bien, et les processus de vulnérabilisation liés au contexte de précarité.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup pour l'introduction, Antoine. Bonsoir à toutes et à tous, je vous remercie au nom du groupement des archéologues du futur de la ville de Grenoble de votre présence ce soir. Comme vous l'avez compris, nous sommes regroupés ici pour découvrir et décrypter un futur de Grenoble que nous avons découvert lors de notre dernière expédition temporelle. Durant le temps à venir, nous allons vous partager des fragments de ce futur que vous avez déjà vu pendant l'exposition et vous faire un état des lieux de nos dernières interprétations. Au bout de cette rencontre, nous ne répondrons pas à toutes nos questions. Mais nous espérons repartir avec une meilleure compréhension de notre rapport au temps. Car en effet, dans ce futur, c'est bien notre rapport au temps qui est remis en cause, puisque nos successeurs ont semble-t-il décidé d'abandonner la montre et l'horloge. Aussi curieux que cela puisse paraître. Alors, comme je vous le disais, dans le futur que nous observons, il n'y a donc plus aucun signe des outils de mesure du temps que nous utilisons aujourd'hui. Ces personnages ne parlent d'ailleurs plus d'heures ou de minutes, ils parlent de cycles. Nous avons retrouvé d'ailleurs la notice de l'accessoire porté par la jeune femme que nous voyons dans la vidéo, qui est d'ailleurs ici sur la table. Apparemment, cet appareil s'appelle le septième sens et permettrait à deux individus de se synchroniser, par exemple pour organiser une rencontre. Parce qu'en effet, comment fait-on pour se retrouver s'il n'est plus possible de communiquer une heure de rendez-vous précise ? Je me tourne maintenant vers mes deux intervenants pour vous poser une première série de questions. Comment s'est construit notre rapport au temps tel que nous le connaissons ? Est-ce que les humains se sont toujours synchronisés avec des horloges et des montres ? Et dans quels objectifs ?

  • Speaker #3

    Merci pour la question qui est extrêmement vaste. Et merci pour l'invitation à parler de ce sujet. Alors, on parle de rapport au temps, on parle de notre rapport au temps. Je vais questionner la question, mais c'est le réflexe du chercheur, évidemment. Le nôtre, c'est-à-dire que quand on utilise ce pluriel pour le rapport au temps, on va faire référence à des... construction culturelle, bien évidemment, qui aujourd'hui nous amène à porter un certain regard sur notre rapport au temps et quand on dit nôtre, c'est des aires culturelles qui peuvent être très étroites, tellement étroites que j'ai mon rapport au temps qui va devenir individuel, qui est construit un peu collectivement, mais qui va devenir individuel. Donc cette question du nôtre, déjà, elle pose question de qui on parle, de quelle aire culturelle on parle, et est-ce qu'on risque pas de parler du rapport au temps d'une manière générale, alors qu'en fait on en a un regard très particulier. Le besoin de se projeter, le besoin de se synchroniser, le besoin de régularité, le besoin de certitude, tout ça peut nous apparaître évident, mais il n'est peut-être pas tant que ça. Et puis quand on parle de rapport au temps, on parle de rapport à quelque chose qui nous est presque extérieur. C'est-à-dire qu'on postule que le temps serait quelque part en dehors de nous et qu'on le percevrait. Ça, c'est un sujet qui est en débat depuis très longtemps. Aristote et Saint-Augustin en ont débattu à sept siècles d'écart sur... L'ontologie, c'est-à-dire est-ce que le temps existe ? Si oui, comment on en atteste ? Quelle expérience on en fait ? De quelle temporalité du coup on parle ? Est-ce qu'on parle de la durée ? Est-ce qu'on parle des rythmes ? Est-ce qu'on parle de l'espace qui s'ouvre devant nous ? Possiblement, sauf si on est renversé par un camion immédiatement, mais normalement on a un espace devant nous qui nous permet de nous projeter. De quoi on parle ? Et ça, ça amène des sujets qui sont passionnants puisqu'on se rend compte que ce rapport au temps dont on parle, c'est quelque part la domestication de quelque chose qui a été étrange. On domestique l'étrange par des récits et on domestique l'étrange par de la mesure. Et il y a un livre récent qui s'appelle « L'histoire de demain » , une courte histoire de demain, et qui montre comment on a progressivement eu cette envie de prévoir demain et de s'organiser pour pouvoir prévoir. Parce que quand on parle d'un rendez-vous, on parle de prévision. Et en fait, ce rapport au temps dont on parle, il existe depuis longtemps, dans le sens où on a toujours voulu trouver de la certitude pour trouver de l'organisation, et on ne peut pas. pouvoir prévoir, mais à différentes échelles. Donc quand on parle de rapport au temps, dans le domaine par exemple de la psychologie, on va parler de perception du temps. Ça, ça postule qu'il y a un temps qu'on va percevoir de manière plus ou moins juste. Est-ce que je vais savoir repérer si une durée est de 15 secondes ou de 20 secondes ? On parle de l'expérience du temps, de l'ennui que peut-être certains d'entre vous ressentent déjà pendant que je parle. Ça, c'est une expérience du temps. Donc le temps s'allonge ou alors il s'accélère, je sais pas. Il y a la représentation du temps, donc les métaphores qu'on va utiliser. Pour moi, c'est un cheval au galop. Pour d'autres, c'est un poisson dans l'eau. Pour des troisièmes, c'est un nuage. Bref, on a tous nos représentations du temps. Et puis, on a nos pratiques du temps. Et notre façon de mettre des choses dans nos agendas, de se préparer, etc. Et tout ça est chaque fois différent. Nos représentations du temps n'expliquent pas tout à fait nos pratiques et nos perceptions n'expliquent pas tout à fait nos représentations. Donc, ça veut dire que quand on parle de nos rapports au temps, c'est plutôt du pluriel. Donc tous ces différents rapports au temps qu'on peut avoir. Et il y a des aspects qui sont très sociaux, où on a besoin de se synchroniser, effectivement de s'organiser. Et si on cherche absolument à prévoir, il faut pouvoir prévoir. Et si on cherche à produire, il faut une organisation encore supplémentaire. Donc je dirais que ce qu'on voit dans ce qui est projeté, dans cette idée de perdre les horloges et de se synchroniser, je dirais que moi je vois très spontanément. Par exemple, j'ai dû enlever toutes les horloges de chez moi parce que mon fils est trop anxieux pour dormir. Donc on m'a dit, il faut enlever toute représentation du temps, toute présence du temps, tout, tout, tout, il faut tout enlever. Donc il a fallu enlever toutes les horloges, supprimer l'horloge sur le four, etc. Et ça, c'est quelque chose de, qu'est-ce que nous ferait la disparition du temps ? Et moi, j'assure la direction scientifique à la SNCF sur les sujets de psychologie sociale, j'essaye de faire supprimer des indices de temps. Parce qu'on est... tyrannisé par ces indices de temps parce que le temps s'impose comme extérieur et qu'il est tout le temps en train de nous projeter au passé, au futur et nous faire oublier le présent. Donc la disparition des horloges, je trouve que c'est presque une utopie très positive. La resynchronisation qui nous amène à nous mettre dans une forme de dépendance à l'autre par le biais d'un artefact technologique, c'est une réapparition d'une autre forme d'horloge qui pose un sujet intéressant, je trouve, qui est que ... On a eu besoin de se synchroniser pour être ensemble. La pandémie l'a montré, le confinement l'a montré. Dans nos études sur le confinement, il y a quand même 72% des gens qui ne savaient pas dire quel jour on était, spontanément comme ça. Donc ils étaient un peu perdus dans leur temps parce qu'on s'est désynchronisés. Donc ça montre le rôle des autres dans cette synchronisation, son intérêt pour avoir des œuvres collectives, mais aussi sa limite quand cette synchronisation, elle vise à produire, produire, produire, produire et à réduire le temps à une... quantité et à en oublier la qualité. Et ça, c'est un peu ce qui s'est passé. C'est pour ça que notre rapport au temps, je dirais qu'il a été d'abord très qualitatif et dans la vie d'un individu, il est d'abord qualitatif. Un enfant, un bébé a un rapport très qualitatif au temps, puis petit à petit, les répétitions vont construire un rapport plus quantitatif. Et puis on va lui apprendre l'heure, et puis on va lui apprendre à être à l'heure, et puis on va lui apprendre à respecter, à ne pas faire attendre, et donc on va quantifier petit à petit le temps. le spatialiser aussi, parce qu'on va commencer à le faire comme si c'était une unité linéaire, continue, etc. Et donc comme ça, on construit nos rapports au temps. Et on y reviendra, j'imagine, mais ça construit et ça rejoint une histoire de la modernité aussi, qui a voulu construire un rapport plutôt linéaire, promethéen au temps, pour pouvoir prévoir, pour pouvoir parier, pour pouvoir investir, pour pouvoir assurer, pour pouvoir faire marcher un modèle économique. qu'il ne marche que s'il y a ce rapport au temps très quantifié, très linéaire. Donc nos rapports au temps, ils se basent sur des indices qui sont des indices extérieurs évidemment, des régularités naturelles, qui parfois bâtissent une base de confiance qui fait qu'on peut jouir du présent, et qui parfois bâtissent des formes d'incertitude qui nous donnent envie de nous projeter vers demain. Je crois qu'on a fait des allers-retours dans l'histoire, il n'y a qu'à voir les outils de mesure du temps, on a fait des allers-retours jusqu'au moment où dans les monastères sont nés... Ces systèmes mécaniques de mesure du temps qui se sont déployés en même temps qu'une forme de modernité qui cherchait à produire beaucoup quelque chose et à faire du temps une valeur quelque part marchande. Donc voilà, nos représentations du temps, ça dépend des moments de l'histoire, ça dépend des aires culturelles, ça dépend à quel niveau on se situe. J'ai le mien, vous avez le vôtre. Collectivement, on peut en construire un par des formes de synchronisation. Mais c'est surtout cette immense... diversité, complexité qui est intéressante et qui fait que le temps est partout. et qu'à force d'être partout, à un moment donné, il disparaît. Dans mes travaux, c'est un peu ce qui s'est passé, c'est un peu la critique, c'est que pour un chercheur, le plus facile, c'est de travailler sur le temps, parce qu'on peut toujours la ramener, on peut toujours parler de tout, parce que le temps est absolument partout, à tel point que des fois, il disparaît un peu comme objet de recherche.

  • Speaker #4

    Il y a quand même un rapport très concret au temps pour nous, humains, c'est celui du temps cognitif d'utilisation de l'information qu'on reçoit. C'est-à-dire que quand vous recevez une information, votre cerveau, il met un temps à la traiter. Et ce temps de traitement, c'est quelque chose qui est... Vous ne percevez pas, quand vous avez un bip sur votre téléphone portable, vous ne dites pas, tiens, mon cerveau a mis trois secondes pour le comprendre, pour savoir ce qui se passait, tout ça. Pourtant, votre cerveau, lui, il le fait. C'est-à-dire que lui, il quantifie effectivement le besoin d'assimiler une information et de la gérer. Et une des choses qui explique, entre autres, cette difficulté qu'on a aujourd'hui de rapport au temps, c'est que la quantité d'informations que reçoit le cerveau aujourd'hui en rapport à ce qu'il recevait il y a un certain temps, est devenue considérable. On a fait une petite étude... qui est un peu compliqué, qu'on n'a pas tout à fait terminé, mais qu'on va publier en fin d'année, je pense, c'est que dans les années 1800, une personne recevait, en dehors des indicateurs profonds, le soleil, le réveil, la faim, tout ça, qui sont des indicateurs que tout le monde reçoit de manière similaire, on recevait chaque jour environ quatre injonctions temporelles dans le cerveau. Donc le cerveau, il les traitait. Aujourd'hui, on en a 2800 par jour. Vous voyez quand même la différence. de ce que le cerveau doit traiter. Donc ça, c'est très concret dans le cerveau, cette notion du temps. C'est-à-dire que ce n'est plus une notion effectivement évanescente qui est un concept qu'on a construit au fil du temps, comme ça vient d'être dit. Et ce basculement, il est intéressant parce qu'il y a eu quand même, dans les années 60, un basculement intellectuel du rapport au temps pour les humains qui a été assez important, qui paraît infime comme ça, mais qui va quand même redéfinir beaucoup de choses. C'est que jusque dans les années 60, 1962 pour être précis, le temps est déterminé. par les cycles naturels. C'est-à-dire qu'on a regardé le soleil qui se lève et qui se couche, puis petit à petit on a regardé à peu près comment on découpait le timing dans ce temps du soleil qui se lève et qui se couche, dans le temps de la Terre qui tourne autour du soleil et tout ça. Puis on a construit petit à petit d'abord les heures, puis ensuite on a trouvé que les heures c'était plus assez précis, on a construit les minutes, les secondes, et c'était toujours un découpage de ce temps naturel. Et puis dans les années 60, 62, il y a un grand congrès qui travaille sur... toutes les mesures du monde, qui travaille sur les mesures du mètre, du décimètre, tout ça, et puis qui se dit mais en fait, ce temps, qu'est-ce que c'est vraiment qu'une seconde ? Ce n'est pas assez précis parce que le temps de rotation de la Terre, il n'est pas exactement similaire tout le temps parce qu'il y a des petites modifications, ça nous embête un peu. Donc, il faut qu'on inverse les choses. Vous savez ce que c'est une seconde aujourd'hui pour la détermination d'une seconde ? C'est plusieurs millions d'oscillations de l'atome de césium. Voilà. Donc maintenant, une seconde, c'est plusieurs millions, c'est presque un milliard, d'oscillations de l'atome de césium qui définit une seconde. À partir de là, inversé, ce n'est plus la nature qui définit le temps, c'est nous qui avons imposé un temps à la seconde. Et on a reconstruit toute notre temporalité par rapport à ça. À partir de là, on a commencé à considérer qu'on était en maîtrise du temps, puisqu'on était capable de définir, déjà, qui peut compter quelques millions d'oscillations de l'atome de césium en une seconde. Si je vous dis ça, c'est quand même intellectuellement aberrant. On sait pas où on en est avec ça. Et donc, en fait, on s'est mis à... penser qu'on avait une maîtrise du temps. Ce qui n'est pas faux, mais qui n'est pas tout à fait juste non plus. Donc c'est vrai que ce temps, aujourd'hui, on essaye sans cesse de se le réapproprier. Et si je pose la question dans la salle, à main levée, comme ça, qui estime que vous avez toujours le temps de faire ce que vous voulez ? Ah, quand même, deux, trois mains qui se lèvent. À main levée toujours, on a cinq mains qui se lèvent. Qui estime dans cette salle encore que le temps va un peu trop vite aujourd'hui ? Un peu plus de mains qui se lèvent, merci beaucoup. Quand on regarde les sondages mondiaux aujourd'hui, quand on commence à travailler un petit peu là-dessus, notamment, il y a des grands champs d'études qui sont en cours et qui publient des grands rapports une fois tous les 15 ans sur la perception temporelle, sur des choses comme ça. Aujourd'hui, on a quasiment 80%, on a 79% de gens dans le monde, que ce soit en Afrique, en Asie, en Europe, qui considèrent que le temps va un peu trop vite, qu'on n'arrive plus à suivre. et qu'on nous demande un peu trop souvent de faire plus avec moins. Ça, je pense que dans les entreprises, vous avez déjà entendu ça, on en reparlera pour la ville de Grenoble. Donc, tout ça, ça devient des rapports au temps qui se sont déréglés un petit peu, parce qu'en fait, on n'est plus tout à fait capable de sentir ce qu'on fait. Et ça s'explique en partie, alors pas que, j'insiste, mais en partie, par cette quantité d'informations que reçoivent chacun de nos cerveaux, qu'on doit traiter. Le moindre petit bip sur un téléphone portable, le moindre petite notification, c'est un temps cognitif. Il n'y a pas de miracle. Vous pouvez dire non, non, mais ce n'est pas grave, c'est juste un bip, je m'en fous. Mais ce n'est pas vrai. Le cerveau, il ne s'en fout pas. Il entend un bip. Qu'est-ce qu'il se dit le cerveau ? Il se dit tiens, est-ce que c'est ma mère qui encore une fois me dit viens dîner ce soir ? Ou est-ce que c'est ma banque qui m'appelle pour me dire « On vient de vous prélever l'ensemble de votre compte et vous n'avez plus d'argent. » Le cerveau, il se dit tout ça, donc il doit contrôler à un moment donné. Il ne peut pas faire autrement. Il a ce besoin de se dire « Mais c'est quoi ce bip ? C'est quoi cette lumière ? C'est quoi ce son ? C'est quoi cette information ? » Et en fait, il est tout le temps en train de faire ce calcul. Et s'il y en a trop, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Pour finir, on ne s'en sort plus et notre rapport au temps se dérègle parce qu'on n'est plus capable de faire ce dont on a fondamentalement besoin. Le cerveau a besoin de ça. Ce n'est pas... quelque chose, c'est de ne pas avoir d'injonction. C'est-à-dire de se laisser aller. Ce côté de se laisser penser, de ne rien faire, de laisser le cerveau en free-floating, comme on dit, est une nécessité à la construction mentale. Quand on n'a plus ça, on ne développe plus de compétences à l'imaginaire, on ne développe plus de compétences à créer le futur. Et une des choses intéressantes avec la Covid, comme ça a été cité tout à l'heure, c'est cette perte de notion du temps. Il y a une deuxième perte qui a été fondamentale, c'est pour ça qu'on a monté l'expérience Deep Time, perdre de la projection future. Les gens n'arrivaient plus à se dire j'ai envie d'un futur. Et ça, c'est tout à fait lié au temps. On pourra peut-être en reparler un peu, mais c'est déjà très long nos réponses.

  • Speaker #2

    Je vous remercie pour ces premiers éclairages. Et donc, avant de passer à d'autres questions, je souhaitais revenir sur le test de chronocompatibilité. Il semblerait que dans ce futur, le rythme de chacun chacune soit donc pris en compte lorsqu'il ou elle rejoint une nouvelle équipe de travail. Et ce test semble permettre de comprendre si une personne se sent mieux et donc travaille mieux le matin, le soir ou à d'autres rythmes moins traditionnels. Il semblerait également que dans ce futur, les équipes de travail soient composées en fonction de leur compatibilité de rythme de travail. Et donc, la synchronisation devient finalement un enjeu central du monde du travail. Alors, je me tourne une nouvelle fois vers vous pour vous demander, existent-ils différents modes de synchronisation et comment un groupe... peut-il se synchroniser lorsqu'il n'a plus accès à des informations temporelles ?

  • Speaker #4

    Bien ! Non, c'est intéressant parce que ça relie un tout petit peu à ce qu'on a fait avec l'expérience Deep Time où on s'est mis pendant 40 jours dans une grotte à 15 personnes. Et puis c'est vrai que là, vous coupez toute information. Le basculement, il est intéressant. Vous vous retrouvez dans un monde où vous ne savez plus où vous en êtes. Et dans l'histoire de ce genre d'études qui a commencé dans les années 60, avec... Vous avez sûrement entendu parler de Michel Siffre. C'était quelque chose de terrifiant, en fait. C'est-à-dire que les gens faisaient plutôt des dépressions quand ils sortaient. C'était difficile de gérer ça. Alors, on ne sait pas trop pourquoi. Il y a plein de choses qui sont au-delà de la notion du temps. Alors qu'aujourd'hui, quand on se met à 15 dans cette grotte, finalement, au bout d'un moment, on ne se sent pas si mal, voire même plutôt bien. Et c'est vrai qu'il y a des cycles. Alors, je ne vais pas vous parler des cycles adaptatifs parce que c'est un autre sujet et puis on n'a pas le temps aujourd'hui. Il y a des cycles qui vont se mettre en place, qui vont faire que chacune et chacun va à un moment donné avoir besoin, mais fondamentalement besoin, de se réapproprier cognitivement sa propre temporalité. Et ça se fait plus ou moins bien dans un temps plus ou moins court, plus ou moins long. Ça dépend des cadres, ça dépend des gens. Sur les 15 personnes, on a 15 typos chronobiologiques différents, un petit peu. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment donné, on va effectivement quand même se coucher quand on est fatigué. On se lève quand on a assez dormi, on mange quand on a faim. petit en fait on est de moins en moins fatigué dans un certain sens votre cerveau reprend cette maîtrise dont je vous parlais et vous vous sentez bien parce que finalement vous êtes dans un univers qui vous laisse le temps de cette génération mentale donc du coup vous recréer de la création d'imaginaire de la projection et petit à petit vous retrouver une marque qui est la vôtre et après effectivement faut que cette marque est la vôtre puisse aller vers celle des autres alors quand on n'a rien à faire finalement c'est pas très grave Quand on a un travail à constituer, on constate qu'il faut arriver à trouver les marqueurs qui permettent à chacun de faire ce travail. Et une des choses qui va se marquer, c'est qu'on ne peut plus forcément fonctionner en se disant « toi, tu as ce travail, toi tu as ce travail, toi tu as ce travail » . Parce que si vous devez travailler ensemble et que vous n'êtes pas au même moment, au même endroit, c'est compliqué, on ne peut pas se donner rendez-vous. Donc il vaut mieux avoir des personnes qui sont capables de faire différentes choses, avec différentes personnes qui sont capables de faire la même chose. Et puis finalement, le travail se fait parce qu'au moment où les gens sont là, ils sont capables de travailler ensemble. Et en fait, on a un travail qui est quasiment aussi qualitatif. Alors, il faut un peu de temps pour que ça se mette en place. Ce n'est pas immédiat, mais quand on arrive à mettre en place ce travail, le travail est très qualitatif. Donc, en fait, on peut faire plein de choses. Alors, je ne prétends pas qu'on puisse vivre totalement. Moi, j'y crois. Enfin, l'histoire qu'on va pouvoir tout fonctionner sur une synchronisation. D'ailleurs, ça me terrifierait ce que vous montrez là. À chaque fois qu'on a voulu... Trouver des solutions pour mettre des gens ensemble sur des bases similaires. Il y a un mec qui a essayé en 1940 sur les blancs caucasiens et compagnie. Jusqu'où on va dans la capacité de se dire, toi tu as le même profil que l'autre, donc on te met ensemble, si tu n'as pas le même profil, tu ne peux pas aller avec l'autre. Ce serait terrifiant intellectuellement. Et ce serait même aberrant parce que ce qu'on constate, c'est que... avec des personnes dont on n'a pas le même profil de chronotype, finalement, on se voit à des moments différents. Mais le moment où on se voit, c'est très qualitatif, potentiellement. Et c'est dans ces échanges-là qu'on crée quelque chose de merveilleux. Donc, je pense que ce que nous apprend ce genre d'expérience, ce n'est pas tellement de vouloir déterminer les gens par leur chronotype ou leur chronophysiologie, c'est de constater un besoin fondamental sur lequel tout le monde sera d'accord dans cette salle, ou presque. qu'on doit réussir à réduire un peu le nombre d'injonctions qu'on reçoit quotidiennement. C'est intéressant. Peut-être qu'on en parlera un petit peu sur ce travail avec la SNCF. Alors, eux, ils ont quand même assez bien compris de free floating à la SNCF. Je veux dire, ils arrivent quand ils veulent quand même. Donc, ils ont pas mal compris ton système, finalement. Surtout à Grenoble. Mais on en parlera un peu parce que je trouve ça extraordinaire de commencer à redéfinir un tout petit peu ce besoin constant. d'avoir quelque chose à faire ou de se faire imposer quelque chose à faire. Ça c'est un vrai sujet et vraiment, dans la grotte, en tout cas c'est ce qui ressort de nos travaux scientifiques aujourd'hui, on va bientôt les publier, il y a une évidence que nous avons régénéré des fonctions cognitives de par le fait d'avoir moins d'imposition temporelle. Ça c'est, aujourd'hui on a les données scientifiques pour le dire. Donc c'est quand même super intéressant. C'est-à-dire que je ne suis pas en train de dire qu'il faut couper la technologie, moi je ne me passerai pas de mon téléphone parce que c'est nos vies, on en a besoin, on communique d'ailleurs. Même là, on communique avec ses parents, tout ça. Mais on doit se poser la question de savoir quand est-ce qu'on utilise ces outils et qu'ils sont merveilleux, et quand est-ce qu'on ne les utilise plus. Quand est-ce qu'encore une fois, dans une entreprise, on décide de mettre tout le monde dans la même boucle, quand c'est qu'on décide qu'on n'a pas forcément besoin que tout le monde soit au courant de tout. Toutes ces notions-là, c'est plutôt là-dessus, je pense, qu'on doit travailler pour redéfinir ce rapport aux besoins du temps.

  • Speaker #3

    Non, je trouve que les expériences de privation sensorielle sont toujours très intéressantes. Il y en a beaucoup et elles relèvent à la fois de stratégies méditatives, de méditation, de focalisation, d'essayer de retenir toutes les sollicitations extérieures par des formes aussi internes, de réduction des rythmes, etc. Donc, il y a quelque chose qui aujourd'hui fait l'objet d'une vogue aussi, que les gens recherchent de sortir du temps. de trouver des expériences hors du temps. On a pu le chercher longtemps avec la drogue, parfois avec l'alcool, parfois avec des grottes,

  • Speaker #4

    parfois avec...

  • Speaker #3

    Chacun trouve son... Et puis, il y a par ailleurs, de la même façon, cette privation sensorielle est aussi une technique très connue de torture qui, à Guantanamo, a beaucoup servi avec cette privation sensorielle qui était organisée. Il y a des psychologues qui ont publié là-dedans pour expliquer à quel point c'était bien pour mettre quelqu'un en vulnérabilité. Et c'est une vraie stratégie parce qu'elle génère aussi des sentiments d'incertitude, surtout quand des événements peuvent apparaître.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire hors d'un contexte très contrôlé. Être dans une privation des repères, etc., ce n'est pas si grave, sauf au moment où un événement surgit qu'on ne peut pas s'expliquer, où là, le caractère traumatique est encore plus fort, parce que ce qui va nous permettre de réagir à une incertitude, c'est justement de se projeter dans le temps. Un danger, ne pas activer que des automatismes, c'est pouvoir élargir l'espace temporel dans lequel on pense, pouvoir l'élargir vers le futur, vers le passé. et l'élargir aussi vers les autres. Ça va ensemble, ces formes de distance, et du coup, trouver de la marge de manœuvre. Et du coup, cette question des repères temporels, c'est un fragile équilibre entre une sécurité collective, on a besoin d'un temps collectif, on a besoin d'un temps qui ne soit pas purement individuel, mais où on s'accorde un peu avec les autres, et c'est aussi des plaisirs qu'on va chercher dans des concerts, dans des rituels, et depuis toujours, les sociétés ont organisé des rituels pour trouver ces temporalités collectives. qui rassurent et en même temps ne pas être dans ce qu'on a fabriqué aujourd'hui, c'est-à-dire ces sur-sollicitations permanentes qui font qu'en fait ce temps est devenu une véritable prison dans lesquelles on a tellement de repères. C'est un peu comme au Covid et je peux parler de la SNCF, tous ces marques qu'on a mis au sol et qu'on faisait dans l'espace, ce qu'on a fait avant dans le temps, on a mis des repères partout et il fallait se mettre dans les cercles pour éviter d'être trop près des autres. Et ça, je trouve que ça pose la question aussi, non seulement de la quantité du temps, temps qui est importante, mais une fois de plus, la qualité des expériences, c'est-à-dire des émotions que le temps évoque, qui ne se partagent pas toujours de la même façon et où un temps du plaisir ne va pas du tout ressembler à un temps de la peine ou à un temps de la peur. Et que je crois que là encore, il y a ce caractère très sensible, très incarné du rapport au temps. Je pense que parfois, on a des expériences du temps, enfin je pense, on sait qu'on a des expériences du temps qui sont d'abord physiologiques. et qui ne sont représentés qu'ensuite. Je parlais de l'ennui, ça peut être de ce sentiment de pression temporelle, ça peut être le sentiment d'impatience, etc. Et c'est des choses qui arrivent avant même qu'on ait pu vraiment se représenter de quoi il s'agissait. Et donc ça montre aussi que ces signes temporels qu'on a tout le temps, ils visent aussi à dompter quelque part, à domestiquer une fois de plus, des choses assez spontanées qu'on peut avoir. d'envie de ne plus penser au futur, d'envie de passer du temps à penser au passé, etc. Et je crois que les signaux qu'on a sur nos téléphones, c'est rarement des signaux pour nous dire « Où es-tu ici, maintenant ? Est-ce que tu es dans le présent ? » C'est toujours des choses pour nous dire « Qu'est-ce que tu pourras faire ? » « Qu'est-ce que tu as fait ? » « Qu'est-ce que tu vas faire ? » etc. Donc ça cherche à nous faire sortir du présent la plupart du temps pour essayer de nous emmener vers le passé ou vers le futur. Et donc ces rapports au temps et ces enjeux de synchronisation, je pense qu'aujourd'hui on a... Un vrai problème avec la quantité d'informations temporelles. Je suis tout à fait d'accord. On travaille avec la métropole de Lille, par exemple, sur la sobriété informationnelle et une forme de sobriété cognitive. L'organisation essaye de se mettre en ordre de marche pour créer de la sobriété cognitive. Donc, on va enlever des informations le plus possible. On le fait effectivement à la SNCF. On l'a fait. On a enlevé des informations temporelles. On a essayé de voir entre une information d'une heure d'arrivée et une information... qui est de durer avant l'arrivée, qu'est-ce qui est le plus intéressant ? Est-ce qu'il faut aussi dire l'heure depuis combien de temps un autre train est parti, etc. ? Parce que toutes ces informations temporelles, elles créent effectivement ce sentiment d'urgence ou de rapidité. Il faut savoir que de toute façon, plus la vie avance, plus le temps passe vite. Donc ça, dites-le vous, plus vous vieillirez, plus le temps passera vite. Et ça, c'est un mécanisme absolument inévitable qui est dû à plein de choses. Mais il faut se le dire, moi je le vis, à quelle vitesse ça va, c'est incroyable. Bref,

  • Speaker #1

    tu vois ce que je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a cette accélération, cette accélération pour moi ça tient à cette multiplicité des signes, ça tient aussi à l'absence de perspective, c'est-à-dire qu'on est dans un monde qui est de plus en plus incertain, on a parlé des crises, et évidemment quelque chose dans lequel on ne peut pas se projeter vers l'avant donne le sentiment qu'il passe plus vite. Parce que quand on ne peut plus se projeter loin, quand on n'a plus de distance devant soi, on va prendre des repères qui sont immédiats et ces repères s'enchaînent très vite. C'est-à-dire que tout ce qui était de l'ordre de la transcendance et de la métaphysique, c'est-à-dire ce qu'on ne voit pas, le futur lointain, au-delà de l'horizon, des choses plus grandes que nous, qui nous donnaient le sentiment d'un monde large, toutes ces choses-là se sont refermées. Donc on refermait ce qu'on appelle l'espace psychologique, la distance psychologique avec laquelle on envisage nos vies au quotidien. Et évidemment, quand le regard est étroit, quand le champ de perception est étroit, les choses passent tac, tac, tac, tac, tac, tac, comme ça. C'est comme si vous regardez par la fenêtre d'une voiture, vous regardez les arbres, ils passent très vite. Si vous commencez à regarder le bout de la route... Les choses ne sont pas à la même vitesse. Et on a un vrai enjeu, je trouve, on le sait, de court-termisme, d'urgence permanente, de centration sur le présent, de difficulté à lever le regard et à retrouver de l'espace, de l'espace pour penser. Dans les organisations, tout le monde dit qu'on manque de recul. On a le nez dans le guidon. Ça veut exactement dire ça. Et ça, je pense que c'est une question de multiplication de l'information, mais c'est aussi une question de... des formes de stabilité qui se sont effondrées. Des fois, on parle des récits collectifs, des fois, on parle des formes collectives d'organisation, etc. Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui se soutenaient et dans les études dont tu parlais, nous, on fait des enquêtes au niveau international, donc c'est 142 pays, c'est vraiment sur tous les continents, sur ce qu'on appelle les perspectives temporelles. Les perspectives temporelles, c'est à combien on se projette, à quelle distance on se projette. Et est-ce que ce qui est dominant, c'est notre projection dans le futur, notre projection dans le passé ou alors notre centration sur le présent ? Et on voit les espaces se refermer, on le voit. C'est-à-dire que ça fait des dizaines d'années qu'on voit le temps dans lequel les gens se projettent en certitude qui se réduit de plus en plus. Et ça, ça arrive à un moment où dans nos sociétés, on continue à survaloriser tout ce qui concerne la projection dans le futur. C'est-à-dire qu'on est dans une situation où tout le monde nous demande de faire des projets dans un contexte qui est parfaitement incertain. Et ça, ça produit des injonctions contradictoires qui sont difficiles à tenir. Et je crois que la crise climatique, les différentes crises qui s'annoncent, vont rendre le futur encore plus incertain. Et que si on ne bâtit pas des formes différentes, des rapports autant différents, on n'arrivera pas à s'adapter à ces situations de crise ou à se réadapter à ces situations de crise, qui sont des situations effectivement de surcharge d'informations, mais aussi d'extrêmement grandes incertitudes. Comment on se projette dans le futur quand ce futur est parfaitement incertain ? Et est-ce qu'il ne faut pas que ce futur redevienne de l'avenir ? Parce que les mots sont importants. Entre le futur et l'avenir, il y a une grande différence. Le futur, c'est ce vers quoi on va. L'avenir, c'est ce qui vient vers nous. Le futur, c'est l'horizon vers lequel on se projette. L'avenir, c'est ce qui nous arrive en face dans l'horizon. Et on a un peu trop pris l'habitude d'en quelque sorte coloniser l'avenir par le futur. C'est-à-dire que dans ce qui vient, je vais mettre du projet plutôt que de laisser venir. Et ça, ça produit trop d'informations, ça produit un sentiment de contrôle qui est trompeur et ça produit une forme d'accélération et de mise sous dépendance. Et c'est extractiviste comme mode de pensée aussi, parce que s'il faut que l'avenir ressemble au futur qu'on a décidé, on va faire la place pour que ça existe. On va prendre les ressources qu'il faut pour que ça existe. Les relations de domination entre personnes, c'est avoir un projet pour l'autre plutôt qu'accepter son avenir. Et il y a tout un tas de choses comme ça qui sont inscrites au cœur de nos représentations du temps, qu'il faudrait qu'on questionne aujourd'hui. On pourra revenir sur la logique de récit, par exemple, qu'il faudrait qu'on questionne. Mais cette question du rapport au futur et à l'avenir, je crois qu'elle est vraiment, vraiment, comment dire, tellement piégeuse, tellement pleine de pièges, parce qu'il y a des choses qu'on pense sans même savoir d'où vient cette pensée. Et ce que je disais au début sur cette construction d'un rapport à l'avenir qui est en fait devenu un rapport au futur, et que ce rapport au futur nous piège tous dans des modes qui sont des modes de domination de l'environnement. de prise de possession sur ce qui nous entoure, ils sont quand même un peu à la source des problèmes qu'on a. Puisque quand on regarde, par exemple, l'historique de la notion de projet, l'historique de la notion même de projet, ça suit l'historique de nos émissions carbone. C'est quand même intéressant.

  • Speaker #1

    Il y a une chose assez fondamentale qui se joue là, dans tout ce qui vient d'être dit. Il y a une chose assez extraordinaire, c'est qu'on a ce... ce besoin, et il y a un vrai besoin très marqué chez beaucoup de gens, de la réappropriation du temps présent. C'est vrai avec le yoga, c'est vrai avec la mindfulness, avec la méditation, toutes ces choses-là. Il y a des vrais mouvements de dire qu'on doit se réapproprier notre présent. Et pourtant, il y a cette notion, on est toujours le nez dans le guidon. En fait, le présent nous fait peur et à la fois, on veut se le réapproprier. Donc en fait, c'est une vraie difficulté aujourd'hui mentale qu'on impose aux gens. C'est une sorte d'ajonction contradictoire aussi d'être capable aujourd'hui de se redéfinir dans son temps présent. Tout en effectivement acceptant que, n'ayant pas de maîtrise idéale sur un futur, on doit laisser aussi ce futur vivre pour ce qu'il va être. Et ça, c'est quelque chose qu'on n'est plus tout à fait capable de faire. Je ne sais pas si on l'a été par le passé. Je ne suis pas archéologue du futur ou de l'ancien, mais on a toujours eu ce besoin-là. C'est vrai qu'on doit se redéfinir par rapport à ça. Et je pense que le niveau intéressant pour le faire, là où la temporalité est la plus intéressante, C'est clairement dans les communautés d'une ville, d'un espace, d'une municipalité, parce que là, finalement, il y a besoin de prendre des décisions à long terme. C'est comme dans les SNCF, elle ne peut pas prévoir de construire une ligne de chemin de fer en 5 minutes. On sait que ce sera des travaux très longs. Et pourtant, on doit offrir à nos populations, populations qui nous entourent, des capacités de se réapproprier un temps court. Donc on a vraiment cette double nécessité intéressante, avec une chose qui me paraît fondamentale dans deux mots. qu'on utilise beaucoup, collaboration, coopération. La collaboration, c'est on fait ensemble. La collaboration est une définition même du temps. C'est-à-dire que pour faire ensemble, on doit avoir une temporalité qui nous convient. C'est-à-dire, je te donne un rendez-vous, on fait ensemble. Si je viens chez toi pour acheter du pain, on passe quelques secondes ensemble, on fait un truc. C'est le geste et l'acte. La coopération, c'est la volonté de réussir ensemble quelque chose. Elle s'absout de ce besoin de temporalité obligatoire. C'est la notion qu'on doit faire ensemble pour réussir quelque chose. Et on n'a pas réussi si tout le monde n'a pas réussi. Ce n'est pas juste moi je réussis et les autres iront bien s'ils allaient me suivre. C'est ensemble. Et pour ça, ça nécessite du temps. Ça nécessite une resynchronisation de nos différentes personnalités. Et c'est d'une puissance qui est extraordinaire en fait. Parce qu'on fait énormément de choses avec cette coopération. Là où on est condamné à être dans une course en avant avec la collaboration. Je vous invite dans vos entreprises, dans vos municipalités, un peu partout, à plus coopérer et peut-être un peu moins collaborer. Merci pour ces précisions. Je vous demande donc, est-ce que certaines personnes ou groupes de personnes rencontrent plus de difficultés à se synchroniser que d'autres ? Existe-t-il des inégalités face à notre rapport au temps ?

  • Speaker #0

    Oui, alors à plein de niveaux. Moi, je suis rentré dans la question du temps par l'expérience de la précarité dans ma famille, l'expérience de cette incertitude tout le temps. Cette expérience d'agence intérime qui disait le temporaire en permanence, avec un point d'exclamation, comme un idéal, etc. Et effectivement, et ça a été écrit récemment par Nicolas Duvoux, qui est le directeur de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, l'avenir confisqué, dans le sens où effectivement, il y a des conditions de vie qui rendent ce futur, qui est pourtant survalorisé, nécessaire, etc. Impossible à... percevoir et à anticiper de manière sereine. Parce qu'on ne sait jamais de quoi demain sera fait, parce que le budget n'est jamais bouclé, parce que l'emploi n'est jamais garanti, parce que la santé est vacillante, parce que le logement n'est peut-être pas garanti non plus, etc. Et les précarités se multiplient, s'ajoutent les unes aux autres, etc. Et évidemment, dans ces contextes-là, faire un projet comme le demande n'importe quel service social, c'est infaisable. Donc on a quelque chose qui est... qui est une inégalité, mais qui n'est pas une inégalité tellement parce que les gens n'auraient pas les ressources pour se projeter dans le futur. C'est une inégalité qui se construit par le fait qu'on valorise le futur parce qu'il n'est accessible qu'à une partie de la population. C'est ce que j'appelle un privilège. Le futur est un privilège, il a été construit comme un privilège. Et donc, un enfant qui doit réussir à l'école, ça doit être un enfant qui accepte de se tenir assis, de ne pas bouger, de ne rien vivre au présent. que quelque chose qui peut-être lui ramènera quelque chose dans le futur. Un demandeur d'emploi qui essaie d'avoir de l'aide et du soutien, il doit d'abord faire un projet, donc il doit d'abord attendre, se projeter dans le futur et à cette condition-là, peut-être qu'il arrivera quelque chose. Un étudiant qui réussit, c'est un étudiant dont on perçoit qu'il a un projet. Un étudiant sans projet, on n'a presque pas envie de le prendre et de le sélectionner. On a eu des études intéressantes là-dessus. On a montré à des étudiants en psychologie, ils sont gentils comme tout. Ils sont là pour aider les autres, donc ils sont vraiment adorables. Les étudiants en psychologie, on leur montrait des questionnaires sur le temps déjà remplis. Parce qu'il y a une échelle de mesure du temps qui s'appelle la ZTPI, qui permet de mesurer les perspectives temporelles dans des organisations, chez des gens, etc. Et donc, on leur montrait des questionnaires déjà pré-remplis en leur disant « ça, c'est le questionnaire d'un étudiant, qu'est-ce que vous en pensez ? » Il y avait des questionnaires qui étaient remplis avec des réponses du type « j'aime me projeter dans le futur, je fais des projets, je fais aboutir mes projets. » Un autre qui était... Je vis au jour le jour, je vis dans le présent, je ne me soucie pas trop du futur. Et on leur demandait de juger. Alors, celui qui était dans le futur était jugé plus intelligent que celui qui était dans le présent. Celui qui était dans le futur avait de meilleures chances de réussite que celui qui était dans le présent. Quand on prenait quelqu'un dans son groupe, on prenait plutôt celui qui était dans le futur. Et quand on décidait d'aider quelqu'un, on décidait plutôt d'aider celui qui était dans le futur. Donc, ça veut dire qu'en fait, de manière implicite, on a totalement... assimiler une norme du futur qui fait que tous ceux qui n'ont pas les ressources, les conditions de vie qui rendent ce futur-là facilement appropriable, facilement bâtisseur de confiance, etc., tout cela sont exclus. Et on va reparler de la transition écologique, si on veut, on peut en reparler, la transition écologique, 90% du temps, elle consiste à dire, faites des efforts aujourd'hui, ça payera demain. Rien ne nous oblige à l'avoir comme ça, rien. En fait, la transition écologique, ça peut être un plaisir aujourd'hui, et ça va être plein de soucis demain, on pourrait le dire comme ça. Sauf qu'on a, et c'est pareil dans le domaine de la santé, il y a plein d'études qui montrent que la plupart des communications en santé, je vais prendre l'exemple que je prends souvent, le dépistage du cancer colorectal. Le dispositif de prévention consiste à dire que ce n'est pas très agréable sur le moment, mais faites un effort, ça va préserver votre santé future. Et donc, en fait, quand on se rend compte de ce que produit, par exemple, l'action publique, la communication, c'est tout le temps sous les mêmes registres temporels. C'est faisons un effort aujourd'hui, ça payera demain. Ça, ça demande à penser que demain va arriver, déjà. Ce n'est pas si facile dans la vie d'un individu, d'un humain. C'est long de percevoir demain. Un bébé, il n'y a pas de demain. C'est ici, maintenant, tout de suite. C'est des tyrans. parce qu'ils n'ont pas de sens du futur. Donc, ça met du temps à se construire. Et il y a plein de choses dans notre vie qui démentent cette capacité à prédire demain. Parce que souvent, demain ne se passe pas du tout comme c'était prévu. Et dans des vies où le demain n'arrête pas de démentir la prévision qu'on a fait, parce qu'on veut aller tirer de l'argent pour acheter une pizza. Finalement, on n'a pas d'argent. Les enfants sont derrière à attendre pour aller à la pizzeria. Il ne se passera rien. Au bout d'un moment, on arrête. On arrête. C'est le futur pas possible. Et là-dessus... Il se pourrait que des gens viennent en disant « et si on pensait à la ville de dans 20 ans, dans 30 ans, etc. » Ça active des régimes de temporalité qui peuvent être des régimes qui sont perçus en eux-mêmes comme un peu violents. C'est dire « mais attendez, vous êtes en train de me parler d'un espace, d'un horizon que je ne peux pas me payer. Je ne peux pas me payer votre futur. Ce n'est pas possible. Et ce n'est pas par manque de compétences, etc. C'est juste que toute ma condition de vie m'emporte. empêche de ça. Alors en plus, quand on va parler d'un futur meilleur, c'est encore plus difficile parce que je passe ma vie à essayer d'éviter les problèmes. J'en suis pas du tout à essayer d'atteindre du meilleur. Et on se rend compte comme ça qu'il y a une action publique, des normes, etc. qui sont excluantes par leur régime de temporalité. Parce qu'elles n'acceptent pas l'urgence, parce qu'elles n'acceptent pas une forme de précarité, parce qu'elles ne laissent pas place au présent, parce qu'elles ont l'impression que si on leur enlève le futur, l'optimisme, le projet, elles n'auront plus rien. Et je plaide sans cesse à tous les niveaux pour qu'une action publique, qu'elle soit administrative ou d'un collectif habitant, etc., se construise certes dans l'optimisme, mais dans l'optimisme du présent. Et là, je voudrais proposer quelque chose, c'est qu'on arrête de mettre le présent au singulier et qu'on parle des présents, la pluralité des présents. Allons chercher l'imaginaire là. dans la pluralité des présents, dans les mille façons qu'on a tous de vivre le moment ici, maintenant, c'est porteur d'imaginaire, c'est porteur de rêve, c'est porteur de créativité, et c'est un peu moins porteur d'exclusion par anticipation, qui serait dire, ici, on va parler du futur, donc tous ceux pour qui le futur est un espace d'anxiété, vous ne serez pas, vous ne ferez pas partie de la discussion. Et ça, j'en parle d'autant mieux, je vais prendre mon autre fils, qui, lui, ne veut plus penser au futur. Du tout, du tout. Et ils ont fait une tribune dans leur lycée. Ils ont interpellé le conseil d'administration en disant, faites quelque chose parce qu'on ne peut pas continuer des études comme ça alors qu'on ne peut pas penser au futur, qu'on en a tous peur. Tous peur et on a le sentiment que vous ne faites rien. Et ils étaient en train de dire, prenez soin de notre présent, de nos présents. Arrêtez de nous pousser là avec les parcours sup, etc. Arrêtez de nous pousser vers le futur. Prenez soin. de notre présent ou prenez soin de nos présents. Ça, je pense que c'est vraiment, pour moi, quelque chose d'important. Et la logique des récits, parfois, ou ces démarches qui consistent à dire on va imaginer la vie dans 50 ans, des fois, il faudrait rééquilibrer avec prenons conscience de la pluralité de la vie ici et maintenant. Et construisons des endroits où ça peut s'exprimer. Et je rejoindrai pour finir vraiment ce qui a été dit sur... Tant court, tant long, l'idée n'est pas de choisir l'un plutôt que de l'autre, mais d'être capable de naviguer entre les deux. Ce qu'on appelle la flexibilité cognitive, ce qui aujourd'hui est au cœur d'un certain nombre de travaux pour dire qu'il faudrait qu'on soit capable de naviguer entre les distances, de tenir compte du petit présent dans lequel on est, au rapport de quelque chose de plus vaste, d'un présent plus global, éventuellement d'un avenir. Et ça, je pense que c'est quelque chose de vraiment important parce que dans la compréhension de l'autre, dans l'empathie de la temporalité de l'autre, parce qu'aujourd'hui, il y a des hypothèses d'intelligence temporelle. Vous connaissez peut-être l'intelligence émotionnelle. Il y a plein d'endroits et plein d'organisations où il faudrait de l'intelligence temporelle, c'est-à-dire un manager qui voit un agent arriver dans un certain état qui ne comprend pas qu'en fait, l'agent était en train de traiter une urgence et qu'il est dans un état d'esprit d'urgence et qui lui dit « Attends, je vais aller en parler, on va faire une note, on va faire une réunion et on verra plus tard sans accueillir l'urgence. » Donc, cette idée d'intelligence temporelle, elle provient beaucoup de la capacité à... à se mettre dans un état d'esprit d'immédiateté, d'urgence, ou peut-être l'autre, de rentrer dedans. d'être capable de l'accepter, de ne pas se sentir stressé soi-même, d'être capable de l'accepter comme une pluralité temporelle et éventuellement d'accompagner vers soi, c'est-à-dire de faire venir, etc. Et ces jeux de distance sont intéressants. Je reprends l'exemple de la métropole de Lille, puisqu'on a fait toute une recherche-action avec les managers de la métropole. Et en fait, le cœur du sujet, on est venu à ça, sur le sujet du temps et le sujet de ces distances. Je pense que ça passe aussi par une prise de conscience des dimensions interculturelles du temps, des variétés. Et je recommande à tout le monde les tribulations d'un psychologue social du temps, de Robert Lévin, et qui explique comment il y a plein d'endroits où on ne se donnera jamais une heure. Ce n'est pas vrai, on ne se donnera pas rendez-vous avec une heure. On se donnera un indice vague, mais extrêmement vague, et on a 3-4 heures pour arriver. Et ce n'est pas grave. Voir, on arrive sans jamais avoir rien prévu. Et j'ai des amis qui n'ont pas tout à fait le même régime temporel que moi. Moi, il faut que ce soit comme ça. Encore, quand je vais au Danemark, je suis en retard tout le temps. Je ne suis jamais à l'heure. Quand je vais dans d'autres pays, c'est un peu l'inverse. Et donc, il y a des régimes aussi. Cette pluralité-là, elle est aussi importante parce que dans nos vies, on sait qu'il y a des moments où être à l'heure va être tellement important et on va en jouer et ça va être important. Et si quelqu'un est en retard, on va le prendre très mal. Et il y a d'autres moments au milieu de l'été, en pente douce, à la fin du jour, quand il s'agit d'un apéro, qu'on soit là à l'heure ou pas, on n'a plus rien à faire. Donc ça montre aussi à la fois les variations culturelles, les variations situationnelles, et comment en fait il y a une forme de flexibilité, d'acceptation, de non-jugement, de psychologie. Je pense qu'il faudrait qu'on soit tous un peu plus psychologues dans le sens de comprendre un peu tout ça, pour accepter aussi qu'il n'y a rien de complètement déterminé tout le temps, qu'il n'y a pas de règles, et que les... C'est ce que disait, c'est essayer de montrer d'Ali, il faut que les horloges se liquéfient. Elles peuvent rester, mais qu'elles deviennent molles. Ça, ça nous arrangerait tous, je pense.

  • Speaker #1

    C'est une question qui peut se poser, je ne sais pas si ça serait la réponse à tout. Ce qui est certain, pour répondre déjà à la question, et après essayer d'aller sur des notions plus générales, si on avait tous la même synchronicité, ce serait un enfer. C'est très clair. C'est-à-dire que l'idée même que vous vous réveillez toujours exactement au même... à la même seconde que toutes les autres personnes autour de vous, que vous alliez toujours au même endroit, au même moment, exactement de la manière similaire et tout ça, ça se fait dans certains endroits, mais on est tous d'accord, c'est non seulement un enfer intellectuel, mais c'est aussi un appauvrissement terrifiant de notre capacité à faire société. Parce que faire société, ce n'est pas être toujours au même endroit, avec les mêmes personnes, au même moment. C'est avoir la capacité d'être ce soir ici, puis on ne se connaît pas toutes et tous, mais on se rencontre, on va parler un peu. Enfin, là, c'est plutôt nous qui parlons. L'idée est là, on vous écoute, à notre manière, et demain ce sera autre chose. Et cette notion que nous ne sommes pas sur la même synchronicité et que ça nous fait du bien, ça c'est une nécessité absolue. Ce serait la pire des choses qu'on puisse faire, de vouloir synchroniser de manière absolue un système social. Ça a été essayé, et ça a été des échecs patants. Donc on n'est pas là-dedans. Donc c'est très bien d'avoir des différences. Après, se pose la question d'une société qui doit vivre en commun. Et effectivement, de cette nécessité ou non de se dire, la vie en commune, est-ce qu'on a besoin de se donner des rendez-vous ou pas ? Je ne sais pas. En tout cas, on doit se définir dans un système comme une capacité à faire sens dans ce que nous nous sommes représentés les uns les autres. Et ça, c'est fondamental. C'est-à-dire que le décalage d'un système social vient quand on a des personnes qui voudraient un système temporel, et d'autres personnes qui voudraient un autre système temporel et qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord ensemble. Mais à un moment donné, ça ne marche plus. Donc, il faut trouver cette fluidité entre nous. Et ce qui est intéressant avec le temps, parce qu'on en a beaucoup parlé comme un objet philosophique, comme un objet générique, comme cette notion qui passe ou qui s'arrête, mais c'est surtout un pouvoir. Alors, c'est un mot qu'on n'aime pas toujours utiliser, mais pensez juste à quelque chose. Aujourd'hui, on demande aux gens, effectivement, de faire des efforts sur la notion du climat de demain, de l'environnement de demain et tout ça. C'est une notion qu'on doit construire demain par des actions d'aujourd'hui. C'est bien, pas bien, je ne vais pas juger ça. C'est des demandes. Et en fait, quand on demande aux gens, mais qu'est-ce que vous pouvez faire ? La plupart du temps, les gens ne savent pas trop. Parce que la réalité, c'est que pour construire un changement, un changement de système comportemental, ça ne se fait pas en cinq minutes. Le cerveau ne se transforme pas en cinq minutes. Il a besoin d'avoir un temps de compréhension de sa nouvelle donnée. Il a besoin d'un temps de mise en œuvre. Il a besoin d'un temps où il n'est plus d'accord avec sa mise en œuvre. Puis il a besoin d'un temps où il est de nouveau d'accord avec sa mise en œuvre, et ainsi de suite. Ça prend plusieurs jours, plusieurs semaines, ça dépend. Ce qui est certain, c'est que dans un monde d'hyperactivité et d'hypertemporalité, ce temps cognitif, cet espace cognitif pour prendre une décision de changement volontaire est quasiment nul. Donc on n'arrête pas de dire aux gens « changez » sans jamais donner de l'espace pour ce changement. Donc ça ne marche pas. Et on a tendance au contraire à dire aux gens « si on allait un petit peu plus vite, ce serait quand même super chouette » . Mais regardez, il n'y a pas si longtemps, on se faisait livrer en une semaine. Ou plutôt même, on allait soi-même acheter la chose dont on avait besoin. Aujourd'hui, il y a des gens qui vous disent « on va vous livrer en deux heures » . Ça ne marche plus. Ça veut dire qu'on n'arrive plus à faire la distanciation entre le désir de quelque chose et l'obtention de ce quelque chose. La plupart du temps, quand vous avez un désir et que vous mettez deux ou trois jours à le laisser vivre, vous allez réaliser que ce désir, d'abord, il a changé, il a évolué, peut-être même qu'il a disparu ou alors il a un autre besoin. Et vous allez agir différemment. Alors que là, si votre désir est tout de suite répondu de manière instantanée, finalement, c'est d'abord extrêmement coûteux. coûteux pour l'environnement et pour le système. Mais en plus, ça ne veut pas dire que ça répond à votre désir. Parce que justement, ce désir instantané que vous avez d'une commande, d'un besoin, d'une envie, n'est qu'une instantanéité cognitive qui va se modifier par définition avec le temps qui va passer. Donc, le premier pouvoir qu'on a de changement, en fait, par rapport à notre climat, par rapport à l'environnement et tout ça, ce qui coûte extrêmement cher aujourd'hui au système environnemental actuel, c'est la volonté de vitesse. Parce qu'il n'y a aucune façon d'accélérer quelque chose sans utiliser de l'énergie. Soit c'est de l'énergie physique, pétrole, électricité ou autre, soit c'est de l'énergie cognitive. Dès qu'on va aller plus vite, il faut utiliser plus d'énergie. C'est une loi physique sur laquelle on ne peut rien faire. Et donc la question c'est, a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ce n'est pas intéressant, chacun et chacune à notre échelle, de définir la vitesse à laquelle on veut quelque chose ? Est-ce que ce n'est pas intéressant de se dire, quand j'ai envie de quelque chose, je prends la décision d'attendre un ou deux jours avant de prendre la décision de l'avoir ? Mais rien qu'en faisant ça, faites un calcul sur 8 milliards de personnes sur cette planète. Parce que ce phénomène-là, on dit que c'est très occidental, mais ce n'est pas vrai, c'est partout. J'ai travaillé dans 60 pays. partout on a cette même envie donc ça veut dire que c'est vraiment une réappropriation personnelle déjà sans demander que ce soit les autres qui le fassent pour vous, une réappropriation personnelle de votre décision à utiliser le temps comme un pouvoir que vous avez pour décider de vos fonctionnements. Et là, si on commence à faire ça, si on commence à... Alors peut-être que dans cette salle, vous êtes déjà tous déconvaincus. Parce qu'on a tous ces besoins, on a tous ces désirs, on a tous ces envies. Enfin, on fait partie des humains. On a tous des hormones, on a tous la dopamine, on a tous la sérotonine, on a tous tout ça dans le cerveau. On ne va pas faire un cours sur les hormones aujourd'hui. Mais enfin, ils sont actifs. On est capable de les activer, de les désactiver. Mais c'est vraiment des décisions qu'on peut prendre. Donc moi, je vous invite aujourd'hui, c'est peut-être la chose la plus simple qu'on peut vous dire de tout ce qu'on vient de vous dire ce soir, parce qu'on part très loin. C'est vrai que nous, on aime bien théoriser le temps, mais à un moment donné, il redevient concret et il redevient concret dans la manière que nous avons de décider de l'utiliser ou pas, de temporiser. D'offrir aux autres, comme ça vient d'être dit par Nicolas, la temporisation auxquelles ils ont potentiellement droit. Et quand on commence à fonctionner comme ça, on constate que tout d'abord nous-mêmes on se sent petit à petit un peu mieux. C'est un effort, je vous le dis tout de suite, c'est un effort. Moi pourtant je travaille là-dessus, j'ai passé 40 jours dans une grotte où quand je suis sorti je me suis dit non mais plus jamais ce machin ! Bon, ça n'a pas mis longtemps. Il est revenu, tel la tante à cul, il était là. Mais par contre voilà, il m'a fallu un peu de temps pour dire ok, t'es là, mais c'est moi qui décide. Quand je t'allume, quand je t'éteins et tout ça. On fait des pas comme ça. On fait des petits pas. Mais il faut accepter le petit pas aussi. Ça ne sert à rien de se dire, moi, je vais tout changer tout de suite. Non. Prenez une chose sur laquelle vous avez un acte possible qui correspond à votre capacité temporelle et mettez-le en œuvre. Et c'est cette notion-là de se réapproprier petit à petit sa capacité à faire sens avec son propre temps qui d'abord nous fait du bien et de manière assez étonnante, fait un bien fou aussi à la nature et aux équilibres naturels. Donc c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai envie de vous dire ce soir, c'est cette réappropriation qui est la vôtre, et que vraiment, à un avantage, elle ne coûte rien, elle ne demande finalement pas beaucoup d'efforts, et on peut tous se l'accorder à soi-même et aux autres.

  • Speaker #0

    J'ai résolu le problème du climat, c'est bon.

  • Speaker #1

    Je vous remercie pour ces riches discussions et je vous propose de passer à la seconde partie de cette rencontre qui est un temps d'échange et de questions-réponses entre le public et les intervenants. Ce temps fait partie intégrante de la rencontre et va permettre de faire avancer la recherche archéologique. Donc, restez avec nous.

  • Speaker #2

    Pourquoi l'échelle de la ville est-elle particulièrement importante, pertinente pour se réapproprier le présent et comment se réapproprier le présent à cette échelle ? Je peux faire une réponse très rapide. Je ne sais pas si l'échelle de la ville est la meilleure. Je ne suis pas sûr. Quand on travaille par exemple la question de l'attachement, ce rapport un peu affectif qu'on peut avoir à un territoire, à un espace et des gens qui l'habitent, les zones vont être très différentes. Les gens vont dessiner des cercles qui ont une différente largeur. Je pense que ça dépend des sujets. Il y a des sujets où ça va être plutôt le bassin de vie qui va être la meilleure échelle territoriale. Il y en a d'autres, ça va être le quartier. Donc c'est... Il faut plutôt les voir comme des cercles concentriques et que chaque fois qu'on se rapproche de quelque chose qui est vraiment le centre, on se rapproche d'un présent très immédiat et chaque fois qu'on ouvre un petit peu plus, on se rapproche d'un futur. Parce que plus on met du monde, plus il faut du temps, plus il faut se projeter dans ce que veulent les autres, etc. Donc on va sortir un peu du présent. Je ne suis pas sûr que la ville soit forcément la meilleure échelle. Je pense que ça va dépendre. Moi, je crois beaucoup aux échelles... de quartiers, de blocs, de choses où il y a vraiment des liens très très forts et ensuite des échelles d'interdépendance plus grandes, effectivement qui peuvent être des villes ou des métropoles, des choses comme ça. Il y a beaucoup de politiques publiques aujourd'hui qui se bâtissent au niveau du bassin de vie. Donc d'essayer de prendre en compte d'abord les interdépendances territoriales, les interdépendances organiques, énergétiques, alimentaires et de se dire, partons de ces modes de... subsistance, de la façon dont un territoire vit et construisons, plutôt qu'une frontière administrative, quelque chose qui a du sens autour de l'organisation de vie.

  • Speaker #1

    Les éclairages que vous avez donnés sur le temps de cerveau que nous coûtent les notifications, que vous définissez comme des marqueurs de temps, notre cerveau n'étant pas adapté à tout cela, est-ce qu'ils ne sont pas à mettre en lien avec l'apparente explosion des troubles de l'attention, les TDAH et tout ça ?

  • Speaker #0

    Alors... Il faut faire attention avec tout ça parce qu'on déclare aujourd'hui beaucoup de choses qui existent depuis très longtemps et qui, tout d'un coup, sont soit mieux repérées, soit tout d'un coup, on a l'impression que tout le monde est EDH, tout le monde est ci ou ça. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais il faut se méfier un tout petit peu. C'est plus à rapporter à un phénomène qui est aujourd'hui très clair et très prégnant, c'est la fatigue mentale et le nombre de dépressions qui sont en train d'augmenter partout dans le monde aussi. Ça, par contre, on peut le corréler directement. Alors, il n'y a pas que le temps, il y a aussi des informations et tout ça, mais la quantité de traitement du cerveau qui est en fatigue et qui reçoit en plus des informations potentiellement pas toujours super sympas, à un moment donné, ça disjoncte. Il y a ces fameux burn-outs dont on parle beaucoup et on a fait un gros travail là-dessus pour voir, parce qu'il y a aussi beaucoup de théories sur le burn-out, mais il y en a une qui est de plus en plus vraie, c'est que le burn-out vient chez des personnes qui sont très engagées dans ce qu'ils font donc du coup aussi très fatigué et qui à un moment donné reçoivent une information contradictoire avec tout ce qu'ils ont cru. Donc en fait, on est plus dans quelque chose là d'injonction contradictoire que d'injonction de notion temporelle pure. Cela dit, de manière très claire, et ça c'est mesuré aujourd'hui, il y a bien une quantité informative du cerveau qui est trop importante pour la plupart des humains. Le cerveau peut traiter beaucoup plus d'informations que ce qu'on reçoit. Extrêmement performant en réalité. Donc il pourrait traiter plus, mais il doit faire des choix, à un moment donné, par rapport à ce qu'il s'accorde de traitement et la fatigue qu'il considère lui-même. Petit détail, c'est qu'à chaque fois que vous faites fonctionner le cerveau, vous créez du glucomate dans le cerveau, donc vous créez des petits enzymes qui vont se mettre dans les synapses, qui vont boucher petit à petit les interactions avec les synapses. Et à un moment donné, il dit, si j'en ai trop, je veux m'arrêter. C'est ça le marqueur qui nous amène à dormir, par exemple. Aujourd'hui, on constate que, normalement, quand vous dormez, les systèmes... rachidiens, céphaliens, vont nettoyer ce glucomate et puis le lendemain tout va bien. Ce qu'on est en train de constater de plus en plus, c'est que le nettoyage de ce glucomate ne se fait plus correctement chez beaucoup de monde et qu'en fait il y a une sorte d'accumulation et de suraccumulation de quelque chose qui normalement doit se nettoyer naturellement dans la nuit et qui se fait de moins en moins bien pour un certain nombre de populations. Donc là, ça commence à devenir inquiétant. Donc oui, il y a une corrélation. Maintenant, il faut faire attention parce qu'une corrélation n'est pas toujours une causalité non plus. Il y a beaucoup de facteurs en jeu. Donc soyons aussi un tout petit peu méfiants de ce qu'on entend. temps sur ces sujets parce qu'on est dans la recherche. Aujourd'hui, on est encore loin d'avoir tout compris sur ce qu'on appelle les maladies.

  • Speaker #1

    Si on arrête de demander aux gens de faire un effort aujourd'hui pour demain, est-ce qu'on ne risque pas de vivre ? co-présent, seulement au présent, de profiter au max, de profiter de la vie et d'être donc dans une logique un peu individualiste et de cramer toutes les ressources que l'on devrait protéger. Et la deuxième, à quoi ressemblerait une entreprise ou une administration sans projet ? Ça fonctionnerait comment ?

  • Speaker #2

    C'est intéressant comme question. Alors, sur la question du présent, en fait, il faut bien... Le futur ne disparaît pas. Par exemple, la recherche, le dépistage du cancer colorectal... Ça a consisté à construire des messages qui étaient différents et qui consistaient à dire « si vous faites le dépistage en question, vous êtes immédiatement rassuré, par contre vous pouvez être amené à vous inquiéter dans l'avenir » . Des messages qui paraissaient très bizarres, etc. Donc ça ne veut pas dire que le futur disparaît, ça veut dire que le futur n'est pas systématiquement considéré comme la seule zone de motivation et la seule zone de sens. C'est-à-dire qu'on a un peu trop confondu le sens avec la direction, et avec la direction, la distance, et avec la distance, le futur. Et ça, ça veut dire que le sens qu'on va trouver est toujours un cran plus loin, il est toujours un peu plus tard et il n'est jamais immédiatement là. Donc c'est plutôt, c'est un peu comme une barre de métal qu'on a tordue trop longtemps dans un sens, il va falloir la tordre un petit peu dans l'autre sens pour qu'elle redevienne un peu équilibrée. Donc il ne s'agit pas de faire disparaître le futur peut-être un peu quand même. L'avenir, il faut le laisser, les choses vont venir et je pense que ce qui va se passer dans les temps qui viennent, ça va être plus des choses qui nous foncent dessus que des choses vers lesquelles on va. Donc je pense qu'il faut qu'on... même c'est une question d'adaptation, ce rapport au futur, qui est plus un rapport à l'avenir dans un sens d'attente et de renoncer à une partie du contrôle qu'on a pensé avoir et qu'on a eu qu'au prix d'un bilan carbone monstrueux et d'une addiction au carbone, au sucre, à tout ce qu'on veut. Donc oui, il ne faut pas basculer dans un déséquilibre complètement dans l'autre sens. Je pense qu'il y a un droit au futur et à l'avenir, bien sûr. Il y a aussi la place à laisser au présent. Il faut rééquilibrer. Et quand on analyse l'action publique, elle n'est que sur le futur. Elle n'est que sur le futur. Et quand on veut obtenir le RSA, il faut s'orienter vers le futur. Et quand on veut avoir un diplôme, il faut s'orienter vers le futur. Quand on veut avoir un emploi, tout est comme ça. Donc là, il y a quelque chose à retravailler. Et après, est-ce que ce serait une administration sans futur, mais une administration avec l'avenir ? C'est une administration qui se prépare, qui crée des potentiels de réaction, qui crée des communautés qui soient capables de s'adapter plus facilement, sans forcément prendre la forme d'un projet, sans forcément dire on va vous donner une image de l'avenir et on va construire à partir de cette image de l'avenir préconçue, on va au présent développer des capacités, capacités de... de débattre, capacité de décision, capacité de considérer des interdépendances, etc. Et laisser émerger des choses qui sont de l'ordre du moins gouvernable. En fait, une administration, elle peut être un peu moins dans le projet si elle accepte d'un peu moins gouverner. Et si elle laisse de la place à l'ingouvernable. Et on va en avoir besoin, parce que la façon dont on pourra s'adapter aux crises qui viennent et au fait que des réseaux vont être rompus... que des interdépendances formelles vont être rompues, donc ça va être des interdépendances informelles. À la SNCF, on travaille à comment des voyageurs vont devoir se démerder parce que le train va tomber en panne sous les fortes chaleurs. Et la question, ce n'est certainement pas d'avoir un projet, de dire avec un truc tout fait. C'est juste de dire comment on construit des rapports entre voyageurs dans l'immédiat, coincés dans le RER, qui soit autre chose que j'ai envie de taper mon voisin. Il y a du boulot, je suis d'accord, mais ça avance. Mais je crois que c'est créer ces potentialités, et je crois qu'il y a des formes d'action publique qui sont possibles. Il y a des expériences par ailleurs, etc. C'est une action publique qui est possible, mais qui, par contre, demande à mettre la valeur des choses dans l'immédiat, et pas forcément dans le futur.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ferait des réponses pas trop longues, donc je ne vais pas rajouter la réponse, mais moi je suis un peu plus nuancé sur ces notions-là. de par les observations que nous avons faites et des travaux qu'on mène sur le terrain. Déjà, il y a quand même un questionnement. On pourrait se poser la première question, je vais vous la poser, je ne vais pas y répondre, parce que ça prendrait beaucoup trop de temps, et puis finalement, ce sera la vôtre de réponse. Quand on parle de futur, de quoi est-ce qu'on parle ? Est-ce qu'on parle de la prochaine seconde ou de la prochaine année ? La prochaine seconde, c'est déjà un futur potentiel pour nous. Donc, voilà, de quoi parle-t-on quand on parle de futur ? Ça, c'est la première question qu'on peut se poser. Et malgré tout... L'observation que j'ai des travaux qu'on mène montre quand même que ce n'est pas si corrélable avec quelque chose qui est forcément positif que de ne pas avoir de projet. L'humain, quand il est collectif, il peut passer du temps à discuter, c'est nécessaire. vraiment désœuvré, on n'a pas beaucoup d'exemples, d'ailleurs je n'en ai pas dans les recherches qu'on a menées, le désœuvrement intellectuel ne produit pas du positif dans une collectivité. Alors la question c'est est-ce que le faire un projet est un opposé au désœuvrement ? Ça je ne sais pas, je n'ai pas forcément la réponse à ça, ce serait un autre débat. Mais malgré tout rien que de commencer à penser comment les humains pourront fonctionner si un jour le train s'arrête puis qu'il fait trop chaud, alors il va devoir fonctionner un peu différemment. C'est déjà commencer à se poser la question de ce qu'on apporte à l'humain d'aujourd'hui pour qu'il soit capable de faire face à ça demain. Qu'est-ce que le système scolaire apporte ? Je ne vais pas partir là-dessus parce que j'en ai pour des heures sinon, mais changeons l'école, changeons. Voilà, vous avez fait ce que vous voulez. Dès le moment où on décide de préparer quelqu'un à l'avenir de par une formation qu'on lui apporte, on se pose la question de ce qu'on estime nécessaire de lui donner. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on a cette tendance à vouloir absolument donner des faits et des solutions plutôt que de donner des possibilités. Là, je suis complètement d'accord. C'est-à-dire que l'école devrait former à la possibilité plus qu'au savoir absolu.

  • Speaker #3

    De notre côté, une des questions a déjà été répondue. La deuxième, c'était sur le temps comme vecteur de gratification sociale. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans les présentations au début, mais on a tous ces exemples autour de nous, que ce soit au travail, beaucoup, mais aussi dans la vie. « J'ai vraiment pas le temps en ce moment, tu sais ce que c'est ? » Ou alors on ouvre les agendas, puis le défi c'est de trouver une date, et ça fait un petit peu rire. Est-ce que dans la recherche que vous avez menée du côté de Lille, à la métropole, ce sujet-là a été abordé, le temps, justement comme gratification sociale ? Et si oui, qu'est-ce qu'on peut faire en réalité pour venir aussi corriger ça ? Parce que quelque part, il y a quelque chose de plaisant de se sentir emporté, transporté et reconnaître par les autres dans notre... Dans le fait de nous-mêmes avoir le nez dans le guidon. C'est aussi gratifiant. Comment on peut combattre ça ?

  • Speaker #2

    Oui, alors ça qu'on l'ait vu, oui, on l'a vu avec une... En plus, on le voit partout. Il y a un article très, très bien là-dessus qui s'appelle le « Je suis débordé de l'enseignant-chercheur » . C'est excellent, c'est moqueur. C'est écrit par un enseignant-chercheur et qui moque ses collègues. Et il a bien raison sur ce débordement dont on se plaint avec un plaisir immense. Et quel plaisir de dire, je n'ai pas pu répondre à votre mail depuis deux mois parce que vous comprenez, je suis débordé. Ça oui, il y a une valeur symbolique là-dedans qui est je suis très occupé. Et ça, ça correspond à des normes. Ça veut dire qu'il y a une norme sociale qui fait que le désœuvrement est mal vu, désœuvrement qui n'est jamais vraiment réel et que par contre, le suractivisme est bien vu. Et ça, ça ne se réglera jamais au niveau individuel, ça se réglera au niveau des normes d'une organisation. normes qui ont à voir avec ce qu'on fait de la charge de travail, le sens qu'elle peut avoir. Parce que quand on dit j'ai beaucoup, ça ne veut pas dire qu'on dit je fais des choses intéressantes. Ça veut dire je fais plein de trucs absolument inintéressants et par contre ça me déborde, etc. Donc, c'est des questions de normes collectives. Donc, ce qu'on travaille par exemple avec la métropole de Lille, c'est qu'on essaye de repérer où cette norme s'installe. Qui sont les rôles modèles qui commencent par dire « Vous savez, moi je dors très peu » . C'est bizarre, les présidents de la République, ils ne dorment jamais beaucoup. Ils sont toujours là à dire « je dors très peu parce que vous comprenez » , etc. Donc on se rend compte qu'il y a une norme qui est qualitative comme ça. On se rend compte derrière qu'il y a la question des agendas et de la façon dont on remplit les agendas individuels et collectifs où aucun segment libre n'est laissé. Parce que tout segment libre est susceptible d'être une forme de désœuvrement. Pareil dans les premières réactions au télétravail, etc. Donc, je crois que oui, il y a cette valeur symbolique qui fait partie du maniement du temps comme pouvoir symbolique. Bourdieu a beaucoup travaillé dessus. On fait attendre, on fait patienter, on est en retard, etc. Et je le disais tout à l'heure, moi, en tant qu'enseignant, je peux être en retard, mes étudiants, ils ne peuvent pas l'être. Il y a vraiment un... Il y a quelque chose qui est de la pure inégalité. On utilise ça et si je veux vraiment montrer mon pouvoir, je vais vraiment faire attendre. Je vais vraiment être un bon prof, un bon chercheur, etc. Tout ça, si je suis à l'heure... Et ça, il y a vraiment des jeux là-dessus qui sont des jeux qui proviennent d'une part de ces normes et d'autre part du fait que la valeur transite par ça plus que par autre chose. Ça veut dire que c'est ça qui devient la valeur plutôt qu'autre chose. Et ça, ça pose question parce que ça veut dire quel est le type de valeur qu'on amène à une organisation si la seule valeur qu'on a, c'est un activisme dont on quantifie, dont on qualifie même pas le résultat.

  • Speaker #1

    Alors, notre question, elle vient en référence à un livre que l'on conseille à... tous de lire qui s'appelle Paris pour tous et qui est un roman qui notamment questionne la place du travail dans nos vies et propose une organisation tournée autour de 3 heures de travail par jour qui semble suffisant et donc la question c'est est-ce que prendre du temps pour soi permet d'en donner aux autres est-ce que vous avez des références qui peuvent amener des éléments de réponse à ça ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai des liens au fait que prendre du temps pour soi ne donne pas du temps aux autres, pas au fait qu'on n'a pas de référence. Non, parce que c'est tout sauf une évidence. C'est comme de dire, avoir un milliard donne de l'argent aux autres. Le temps est un système qui peut être aussi égoïste que l'argent. Donc il y a des gens qui, avec leur temps, décident d'en donner aux autres parce qu'ils vont, par exemple, travailler avec eux, les aider ou... ou autre, il y a des gens qui vont occuper leur temps pour eux. Je ne fais pas forcément le jugement de valeur, c'est à savoir ce qui c'est mieux ou pas mieux. C'est une réalité. Et dans nos vies, il y a des moments où on a fondamentalement besoin de retrouver du temps pour soi. Et c'est aussi une maladie différente que celle de vouloir, de penser qu'on doit toujours aider l'autre et être au service de l'autre n'est pas fonctionnel cognitivement non plus. C'est-à-dire qu'on est collectif, on est coopératif, mais on doit... trouver son équilibre entre ce que nous avons besoin et ce que nous pouvons donner. Alors là, il y a des gros déséquilibres qui se sont créés, en tout cas sur les aspects financiers, on est bien d'accord. Il y a aussi des gros déséquilibres sur l'aspect temporel, parce que si c'est vrai qu'il y a cette beauté de dire « moi je suis suroccupé alors que toi tu l'as un peu moins, donc je suis plus important que toi » , ça c'est vrai. Il y a aussi des réalités. Aujourd'hui, un médecin, avec la quantité qu'on a de médecins aujourd'hui en France, il peut toujours dire « moi je vais prendre du temps » . La réalité, c'est que s'il le fait, il prend moins de patients. Et donc, c'est mieux parce qu'il est plus qualitatif avec chaque patient. Mais ça veut dire qu'il y a des patients qui ne seront pas soignés. Donc, il faut former plus de médecins. Donc, ce n'est pas si simple de se dire, OK, jusqu'où je décide ? Parce que c'est nécessaire. Et c'est intéressant parce que tout le monde dit, par exemple, ah ouais, mais il y a les nouvelles ailes génératives ou des systèmes, on va faire gagner du temps aux médecins parce qu'ils auront un système d'analyse plus rapide. Ben non, ils prendront juste plus de patients. Parce que voilà, jamais dans l'histoire, jamais dans l'histoire, une technologie n'a fait ralentir. Jamais. Ça veut dire que chaque fois qu'on met une technologie qui est censée nous aider à gagner du temps, on accélère un peu. Ça, c'est un vrai sujet. Donc, dans votre descriptif, non, le fait d'avoir du temps pour soi n'est pas forcément un don pour les autres. En revanche, ce qu'on sait aussi, à l'inverse, c'est qu'il n'y en a aucun temps pour soi. On n'en a non plus jamais pour les autres. Donc, voilà. Il faut trouver cet équilibre.

  • Speaker #1

    Sur la base de vos observations scientifiques, on se demandait quelles sont les choses essentielles selon vous qu'il faudrait mettre en place pour réduire les injonctions temporelles dans notre vie au quotidien ?

  • Speaker #2

    Oui, il y aurait beaucoup de choses. Après, on peut s'arrêter sur les outils électroniques qu'on peut avoir. On sait d'où vient cette fabrication d'injonctions permanentes. On sait quel modèle économique ça sert, donc la captation de la tension. Et cette lutte pour l'attention, les ingénieurs qui ont mis au point les choses qui nous ont accrochées aux écrans sont incapables de mettre en place des choses pour nous décrocher des écrans. Parce que malheureusement, ça ne fonctionne pas en parallèle. C'est-à-dire qu'on a vraiment des formes d'addiction qui sont vraiment compliquées. Parce que beaucoup de ce dont on parle vient de ça. Ça vient beaucoup de là. Après, je pense que... personnellement, évidemment, on peut amener à retirer. Moi, quand on m'a demandé de retirer tous les signes temporels, c'est vrai que ça a eu un effet. Ça a calmé des angoisses, ça a permis de mieux dormir, etc. Tout ça. Donc, je pense qu'il faut se créer, peut-être personnellement ou collectivement, des moments où on se retire le plus possible de ces sollicitations-là. Mais je crois que si on ne prend pas... Et il y a aujourd'hui des démarches de protection des consommateurs qui consistent à quantifier le nombre de... de biais cognitifs, d'automatismes cognitifs qu'utilisent des fabricants d'applications pour scorer le niveau de danger. Et jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait un groupe bipartite ou tripartisan qui travaillait sur des formes de régulation aux États-Unis et en France en disant si on atteint un certain niveau d'utilisation de techniques de manipulation, on interdit. Donc autant vous dire que le vent a tourné total. Mais qu'en fait, on sait, donc on sait, venant de ça, on sait comment se débarrasser d'une partie. Après, je pense qu'il y a aussi la question de la place que ça prend et que prend une information immédiate par rapport à des choses qui devraient capter notre attention sur une plus longue durée. Des pensées profondes, des pensées larges, le rapport à des choses qui sont plus vastes, etc. et où la balance entre les deux et l'impulsivité, tout ce qui a été construit par ça, sous ces formes d'impulsivité, si on s'en écarte, on aura moins de sensibilité immédiate à ça. On peut gagner un tout petit peu en distance. Mais déjà, arriver à supprimer ou à réduire ça, mais moi, je crois assez peu à la volonté individuelle pour ça. Je pense que si les outils ne sont pas faits différemment, ça va vraiment être difficile parce qu'ils sont d'une puissance folle.

  • Speaker #0

    J'en rejoins complètement ça. Je vais... Je vais ajouter deux choses. Moi, je ne suis de loin pas quelqu'un qui pense qu'il faut des lois pour tout et de l'interdiction pour tout, mais je pense qu'il y a un vrai sujet. aujourd'hui sociétale sur ce qu'on accepte ou non des applications, des notifications, des systèmes. Ça, c'est un sujet dont on ne s'empare pas du tout politiquement aujourd'hui, mais qui n'est pas assez en tout cas, qui est une nécessité absolue. Et je dirais, une des premières choses qui serait simple et qui ne coûte pas grand-chose, c'est vraiment, je parle beaucoup des notifications, mais parce que ça, on a démontré que c'était quand même terrifiant. Et aujourd'hui, les applications mettent les notifications par défaut. Alors, on a réussi à faire passer une loi qui, déjà, a empêché de mettre par défaut. Mais bon, maintenant, vous avez régulièrement des applications, des rappels qui vous disent, est-ce que vous voulez brancher des notifications ? Ça, vous l'avez toutes et tous. Donc ça, il faut l'interdire. Parce que c'est des toutes petites choses. Mais on ne pourra pas, de toute façon, on ne pourra pas interdire TikTok. Parce que ce serait, de toute façon, ça a été essayé, ça ne marche pas. Mais on peut aller sur des choses là. Puis, je vais vous donner un autre truc qui pourrait être ultra efficace sur la temporalité et qui réglerait beaucoup de choses, en fait. C'est de passer les temps de garantie des... machiner des objets à 5 ou 10 ans. C'est hallucinant le nombre de choses que vous résolvez avec ça, dans la temporalité, dans ce que ça représente de devoir s'équiper et se rééquiper parce que la télévision, parce que machin, parce que tampane. C'est aussi, alors c'est une économie terrifiante quand les objets ne tomberont pas au bout de deux ans, puis qu'on va les jeter parce qu'aujourd'hui on ne peut plus rien changer. Si vous passez simplement, et ça il y a des calculs qui ont été faits, vous passez à 5 ans le temps de garantie de tout objet que vous achetez, vous changez totalement la face du monde. Voilà, c'est aussi simple que ça. Donc vraiment, je pense qu'il y a un enjeu aujourd'hui politique parmi tous les autres, c'est d'arriver à imposer des normes de garantie des objets qu'on achète à des temps plus longs.

  • Speaker #4

    Dans l'idée de détricoter les liens que nous avons au temps pour mieux se les réapproprier, est-ce que vous pensez que ce serait intéressant de considérer le temps comme un dispositif technique, artifice des sociétés ? Pour faire un petit lien entre le temps et la technique.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que vous pouvez définir ce que vous entendez par là, déjà ?

  • Speaker #4

    Les ingénieurs ont développé tout plein de trucs et seraient incapables de développer d'autres choses pour nous faire prendre de l'écart par rapport à ça. Est-ce qu'on ne peut pas réinterroger, si on veut prendre de l'écart par rapport à un dispositif technique ? Il me semble qu'aujourd'hui, on arrive à réinterroger les liens que les individus créent avec ces objets techniques et de les mettre un peu à plat. Peut-être que ça permet justement de se les réapproprier et de créer un espace des possibles pour les réexplorer. Oui.

  • Speaker #0

    On a passé notre temps, ces dernières décennies, siècles et millénaires, à techniciser le temps. Vraiment, jusqu'à arriver à cette notion qu'une seconde c'est temps d'oscillation. On a passé notre temps à chercher à modéliser une image très technique et technologique du temps. Donc effectivement, on est bien d'accord que c'est un enjeu que de se dire aujourd'hui comment est-ce qu'on désapproprie un peu le temps de la technologie. C'est ce qu'on a dit avant avec les notifications, avec les temps de garantie, tout ça. Ça, c'est une vraie nécessité. On ne pourra pas complètement le faire, mais c'est une vraie nécessité de réapproprier un temps naturel versus un temps technologique. Ça, j'en suis assez persuadé. Ce n'est pas forcément facile à faire. Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, on pourrait aussi... Il y a deux pays qui l'ont mis en place aujourd'hui, c'est les banques du temps. Et je trouve le système extrêmement intéressant parce que là, on utilise une technologie pour justement... déstructurer la technologie du temps. La banque du temps, elle fonctionne sur un système très simple. C'est que si moi, j'ai besoin d'un service de quelqu'un, vous, vous savez peut-être parler italien, vous allez m'apprendre l'italien. Mais moi, j'ai peut-être rien à vous offrir en retour parce que rien de ce que moi, je sais faire ne vous intéresse. Vous allez accumuler un temps pour vous que d'autres personnes pourront utiliser à leur échelle. Vous obtiendrez un service de quelqu'un d'autre différemment. On a mis en place un système ultra-technique pour redonner du temps aux gens. Et ça fonctionne super bien. Ça a été mis au Luxembourg en place aujourd'hui et ça est en train de pas mal changer les choses. Ça est mis en place dans certains pays d'Afrique. Et ça, c'est vraiment intéressant. Et je pense que là, on pourrait commencer à trouver des solutions de réappropriation temporelle par la technologie quand même, mais dans des systèmes un petit peu plus vertueux.

  • Speaker #2

    Après, je répondrai très rapidement en disant que je pense qu'effectivement, il y a quelque chose à déconstruire de nos rapports avec ces dispositifs techniques rapidement. Parce qu'on se met à penser non pas avec eux, mais à partir d'eux. Et c'est très compliqué, parce que ça veut dire que notre manière de construire nos besoins, nos attentes et même la valeur des choses, c'est au travers de la façon dont les objets techniques vont pouvoir y répondre. Donc ça veut dire que le travail sur le deuil qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, le renoncement qu'on a à faire d'un certain nombre de choses, etc., la tristesse qu'on va avoir à renoncer à un certain nombre de choses, Il faut qu'on apprenne à gérer des émotions. Je pense que ça urge d'autant que ces choses-là intègrent notre schéma corporel. Maintenant, ça fait partie du schéma corporel. Le smartphone, ce n'est plus quelque chose qui est détaché, c'est quelque chose qui y est dedans. Donc ça commence vraiment à intégrer notre incarnation. Et puis la deuxième chose, c'est quand même que je pense qu'il y a un vrai paradoxe dans les modèles économiques qu'on se construit. Et on pourra déconstruire tout ce qu'on veut. Si les modèles économiques continuent à fonctionner sur la base de la captation de l'attention, il n'y aura rien à faire. Parce que plus il y aura d'argent, plus il y aura cette volonté de retenir l'attention absolument pour rien. Donc, je pense que c'est une fois de plus, il y a une part individuelle, évidemment, où il faut essayer de gérer, essayer de travailler cette question du FOMO, par exemple, qui nous emmène tellement, donc cette peur de rater quelque chose, etc. Il faut arriver à travailler là-dessus, mais c'est un travail quand même difficile. Mais c'est surtout ces modèles économiques globaux qui créent de toutes pièces des formes de besoins qui n'en sont pas, mais auxquels on ne peut pas échapper parce que tout s'organise. Et on voit aujourd'hui, par exemple, au niveau de l'IA. Les premiers travaux montrant qu'on commence à formuler nos questions pour qu'elles soient accessibles à l'IA et qu'elles puissent prendre la forme de promptes, ça veut dire qu'on commence à penser à partir de l'outil pour que ça corresponde à l'outil. Donc on est vraiment dans cette logique d'artefact complet, mais ça va à une vitesse qui est assez inquiétante.

  • Speaker #1

    Bon, ça tombe bien, parce que si je n'avais pas de réponse à mes questions, justement, j'allais demander à ChatGPT. Vous avez déjà un peu répondu aux questions, mais une des questions que j'avais suite à votre... Table ronde, c'était comment on fait, je pense qu'il y a beaucoup de gens dans la salle qui ont envie de ralentir, mais comment on fait dans ce monde pour emmener les autres sur ces sujets-là, qui paraissent un peu mystiques, de leur dire, allez dans une grotte, faites l'expérience, vous verrez votre rapport au temps. Donc ça, c'est une première question, c'est un peu dur d'emmener ses collègues là-dedans. Et justement, il y a peut-être une question qui n'a pas été répondue sur la partie comment on sort du mode projet. Et la deuxième question ensuite, ça a été un peu répondu aussi parce que vous avez parlé de votre vie personnelle, mais comment ça a changé votre mode de vie ? de travailler sur votre rapport au temps ?

  • Speaker #2

    Pour avoir fait ce travail avec des administrations, des services, des gens qui bossent avec des publics en situation de précarité, puisqu'on se pose la question de l'accompagnement, c'est un processus. C'est-à-dire qu'il faut... C'est comme la communication non-violente, etc., ou l'approche par les stades de changement. C'est-à-dire qu'en fait, il faut accepter l'urgence et la précipitation dans lesquelles sont les autres rentrés dedans. Si faire sa place, montrer les signes de la compréhension de ça, c'est-à-dire que si on doit marcher avec l'autre, on marche vite. On ne commence pas par le prendre par le col pour le ralentir. C'est souvent ce qui se fait quand même, de dire je vais imposer ma temporalité. Il n'y a rien qui est perçu plus violemment que quelqu'un qui vous impose sa temporalité. C'est un peu comme s'il vous imposait sa présence. Donc ça, je pense que rentrer dans la temporalité et procéder par une forme de transition, de ralentissement qui prend son temps. qui donne des premiers signes. Et je sais que dans le travail d'accompagnement de personnes qui sont éloignées de l'emploi depuis très longtemps, qui vivent très au présent, c'est qu'on ouvre des futurs microscopiques, des futurs, c'est-à-dire du délai, microscopique d'abord, et puis petit à petit, on en vient à quelque chose qui est de l'ordre du ralentissement, de la sortie de ce système d'urgence. Mais je pense que ça commence par l'écoute, la compréhension, se glisser dans le système en question, le comprendre de l'intérieur et petit à petit, le ralentir. Après, je pense que ... Il faut que les contextes nous y aident. Nous, on a refait un couloir de RER, on a diminué le rythme de marge de 20%. Dans un couloir de RER, c'était compliqué. Pourtant, normalement, les gens sont vraiment pressés. Mais en fait, c'est que, par exemple, une façade régulière nous fait marcher plus vite qu'une façade irrégulière. Pourquoi on construit encore des façades régulières ? Pour des questions de budget, etc. Tout ça, on le sait. On sait que la verticalité, des formes de verticalité permettent de réduire la pression du temps et du coup ralentissent. Donc c'est aussi des constructions collectives de nos environnements de vie. Et je crois qu'en fait, il faut qu'on change les contextes dans lesquels on travaille ensemble à con. Parce que quand les gamins sont descendus pendant le confinement dessinés sur les trottoirs, ça a ralenti tout le monde. Ça a créé une forme de temporalité. Le dessin était encore là le lendemain. Quelqu'un ne s'est pas dépêché de l'effacer. Donc il y a toute une reprise de possession. Plutôt que d'essayer de convaincre là. Il vaut mieux essayer de travailler les environnements. Et ça, ça facilite, ça fait œuvre de démonstration, etc. Et ça, quand on commence à décrypter l'espace public ou les espaces partagés, on se rend compte qu'il y a tout le temps des choses qui nous font presser le pas. Et moi, quand les gens de la SNCF, au début, me disaient « les gens sont pressés » , je fais « non, non, ils sont pressés au passif » .

  • Speaker #0

    vous les pressez. Ils ne sont pas pressés, c'est pas vrai. Vous les pressez tout le temps, en faisant des couloirs comme vous le faites, avec des lignes comme vous les faites, avec l'information que vous donnez. Donc ça, je crois que ça peut vraiment être quelque chose qui aide beaucoup. Et votre deuxième question, c'était ? Après, je passerai le micro. Ah, non, rien. Je suis vraiment la démonstration parfaite du cordonnier, moi. Je suis un cordonnier. Voilà. Donc, il n'y a personne qui gère aussi mal son temps que moi. Je prends très peu de temps. de temps pour moi, si j'en prends de temps en temps. Je commence là, ça doit être le grand âge, mais je commence à trouver des espaces de temps vraiment denses, où il y a une forme de densité et où j'arrive à ralentir. Mais ça amène à quelque chose, et je pense que c'est crucial et en tout cas dans les consultations en psychologie on le voit, ralentir ça demande à avoir du poids, de l'inertie. Ça veut dire qu'à l'intérieur, il faut avoir quelque chose de lourd. Parce que si on veut résister à la force du vent, il ne faut pas être une feuille. Si on doit être une feuille, il faut rester attaché à son arbre. Donc ça veut dire qu'en interne, tout ce que le marketing, le capitalisme, tous ces choses-là nous vident, parce qu'on cherche à se nourrir, mais on n'a plus rien qui vient de l'intérieur. Et ce n'est pas mystique ce que je dis. C'est-à-dire que par exemple, quand on mesure le caractère consolidé d'une identité personnelle, on se rend compte qu'elle est liée à des capacités à résister à des formes d'accélération, d'impulsivité, etc. Donc ça veut dire quelque part, il faut trouver des éléments qui font un peu poids, qui créent une inertie et qui font qu'on est moins sujet à être emmené par le courant, etc. Et ça, c'est dans nos sociétés aujourd'hui, c'est un peu difficile parce qu'il y a plein de choses qui nous vident.

  • Speaker #1

    Personnellement, je pense que se faire emporter par le vent, c'est plutôt bien aussi. Il faut savoir se laisser aller avec le vent. Juste une chose importante, quand on veut amener une personne, là on est plus sur mon terrain de spécialité, parce que moi je travaille vraiment sur l'adaptation et sa capacité de faire changer un comportement. On s'est quand même beaucoup trompé pendant quelques décennies sur ce qui permet à une personne de changer. C'est-à-dire qu'il y a deux choses qui sont fondamentales aujourd'hui, qui ont été démontrées entre autres en 2017 et 2019. La première, c'est que maintenant, il n'y a plus de doute là-dessus. C'est-à-dire que nos décisions sont basées sur nos émotions. C'est-à-dire que c'est l'émotion qui provoque la décision, ce n'est pas le contraire. Ça veut dire que, quelle est l'émotion qu'une personne ressent par rapport à son état ? C'est-à-dire que si vous voulez faire changer quelqu'un, c'est déjà à comprendre l'émotion que son état lui provoque. Si quelqu'un a besoin d'aller très vite, quelle est la raison pour laquelle il a besoin d'aller très vite ? Qu'est-ce qui le pousse à ça ou la pousse à ça ? Et si on veut aider une personne à changer, c'est en tout cas pas en lui disant qu'il faut ralentir, accélérer ou quoi que ce soit. C'est comprendre pourquoi l'émotion qu'elle ressent la pousse cette personne à aller dans certaines directions. Et ça va sur les liens de confiance. On dit « faites-moi confiance » , mais la confiance dans le cerveau n'est pas reliée au système auditif. Elle est principalement reliée au système visuel. Donc c'est ce que vous faites sera vu. Donc en fait, on voit souvent des gens qui demandent à quelqu'un de changer, alors qu'eux-mêmes ne le font pas. Et ça, ce n'est pas possible. On ne peut pas demander à quelqu'un de faire quelque chose qu'on ne fait pas nous-mêmes. Donc c'est là les enjeux. C'est aller chercher les émotions et être soi-même le démonstrateur de ce qu'on demande aux autres. Et quand on commence à travailler comme ça, D'abord, on donne un message politique. C'est-à-dire que je te montre ce dont on a besoin. On peut peut-être faire un petit lien avec ce qui se passe aujourd'hui, mais je ne le ferai pas, ce serait trop facile. Et après, c'est vrai que sur le changement de ce qu'on ressent, nous, on est souvent pris dans nos propres recherches, dans nos propres temps. Moi, j'ai cette chance qui a été extraordinaire dans ma vie de faire des expéditions. de terrain. Et j'ai commencé très tôt dans ma vie. Et en fait, on est par définition dans une temporalité qui change totalement. C'est-à-dire que quand vous partez au fin fond d'une chaîne de montagne des Andes, vous avez des vents qui sont terrifiants. C'est pour ça que j'aime bien le vent. À un moment donné, vous savez que vous ne pouvez pas avancer. Le vent te dit non. Si tu dois traverser une rivière en furie, tu sais que si tu essaies de remonter le courant de la rivière, tu ne vas pas y arriver. Et que tu dois te laisser accompagner par la rivière. Donc en fait, cette nature nous rappelle au quotidien, seconde après seconde, que ce qu'on croit vouloir faire n'est dépendant que de ce qu'elle accepte de nous laisser faire. Et ça, c'est extraordinaire. J'invite vraiment tout le monde à aller faire des expéditions extrêmes. Il n'y a pas besoin d'extrême pour ça. Mais à minima, de passer une semaine dans les bois. Juste une fois dans sa vie. parce que tout d'un coup, les choses sont différentes de ce qu'on aurait voulu. Et si on ne l'accepte pas, c'est certain qu'on n'aura pas le dessus. C'est certain. La nature, le vent, quand vous avez 200 km heure de vent, vous pouvez dire au vent, tu m'emmerdes, ça ne marche pas, il s'en fout lui. Donc, on est vraiment dans un moment de l'histoire humaine, je pense, où on s'est décorrélé de la nature, ça, ça fait très longtemps. Mais on a passé le cap supplémentaire de la décorrélation avec la nature, c'est qu'on n'est même plus capable d'accepter À un moment donné, c'est elle qui nous dictera des règles de temporalité. Malheureusement, c'est terrible, parce qu'il y a des éclosions, des tremblements de terre, des incendies, tout ça. Évidemment, on ne va pas se réjouir, c'est terrifiant. Mais c'est des marqueurs qui nous rappellent quand même un petit peu qu'on peut construire la digue la plus haute du monde, le barrage le plus merveilleux. À un moment donné, ça n'arrêtera jamais une nature qui va avancer. Donc c'est maintenant, on doit redéfinir cet espace-temps. Et je pense que passer un peu de temps... Le temps dans la nature est la meilleure solution aujourd'hui à offrir aux gens pour se réapproprier cette notion. Pouvez-vous faire un rapport entre le temps et l'éternité ? Vous voyez une réponse courte ?

  • Speaker #0

    Saint-Augustin a déjà fait le boulot, donc je laisserai Saint-Augustin répondre. Il a fait tout le trajet de quitter l'éternité, de l'intemporalité pour y revenir. Il a trouvé un compromis qui marche plutôt bien. Voilà, après je pourrais répondre sur d'autres théories qui montrent qu'avec l'éternité, il n'y aurait pas de sens du futur. Par exemple, la terror management théorie, qui est une théorie de cognition sociale, mais autour de comment la mort, ce qui était l'hypothèse d'Heidegger, mais qui maintenant est validée à un niveau plus cognitif ou psychologique, comment la présence de la mort, donc cette activation de pensée parfois de l'imminence de la mort, est une des conditions pour que se développe... un sens du futur qui est vraiment celui qu'on remplit de projets etc tout ça donc l'éternité on a du mal à l'attester parce qu'on a encore jamais eu quelqu'un d'éternel mais que quand on amène à désactiver le plus possible quand on compare un groupe où a été activée cette idée de la mort à celui où a été moins activé on se rend bien compte que cette non éternité est assez fondamentale pour structurer notre rapport au temps donc c'est du C'est de la pensée contrefactuelle, c'est de l'exercice de pensée que d'imaginer ce que produirait l'éternité dans le sens d'une vie éternelle. Et sinon, on bascule effectivement dans des modes qui assurent une disparition du temps, c'est l'intemporel. Les premières réflexions sur le temps sont un peu venues de ça aussi.

  • Speaker #1

    Si vous voulez questionner le temps, je vous recommande, d'ailleurs on fait de la pub, mais... Sur YouTube, on a un film qui s'appelle 40 jours en dehors du temps, qui raconte l'histoire de notre expérience dans la grotte de l'Embrive. C'est intéressant d'aller regarder ce film, non pas parce qu'il est gratuit, c'est la plupart des trucs que je ne vends pas, il est gratuit, mais parce qu'en fait, quand on voit les réflexions des unes et des autres, d'ailleurs on a la chance d'avoir, si vous avez des questions, il y a Tiffaine qui est là, qui est une grenobloise maintenant et qui a fait partie de l'expérience aussi. Quand on entend les réflexions des unes et des autres, En fait, il y a une profondeur assez hallucinante dans tout ce qui est dit et ça invite vraiment à réfléchir à plein de choses. Donc, je vous recommande vraiment d'aller écouter les paroles de ces personnes au fur et à mesure de cette expérience, parce que c'est, à mon sens, on a quasiment toutes les réponses à nos besoins aujourd'hui dans ce que ça représente.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous permettre de nous en extraire, au moins pour un temps. Il n'est point de bonnes sociétés qui ne se quittent. Donc, je tiens à vous remercier, vous évidemment, mais aussi Marie Leroy, notre... archéologue des futurs. Merci aussi le collectif Futuron qui a assisté Marie pour aller collecter ses souvenirs du futur, ses vestiges du futur. Bravo à LE pour leur production. Et merci aussi à Coralie Simet, j'avais peur de décorcher votre nom, qui a croqué toute cette soirée et dont les illustrations viendront abonder, seront disponibles sur le site grenoble.fr slash 2040 dans les jours à venir. Il y a une pointe bonne société qui ne se quitte, certes, mais c'est pour mieux se retrouver. Du 10 au 17 mai prochain, lors de la prochaine Biennale des villes en transition de Grenoble, il y aura tout un arc d'événements Grenoble 2040 qui nous permettra de nous projeter dans les futurs, de nous projeter sans nous ségréguer, partir du sensible pour penser soit les futurs, soit l'avenir. En tout cas, je vous donne rendez-vous à toutes et tous du 10 au 17 mai à Grenoble pour la Biennale des villes en transition.

  • Speaker #3

    Belle fin de soirée à tous et à bientôt. Bon futur !

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