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Ville de Grenoble

Musée de Grenoble - rencontre avec Olivier Tomasini, conservateur

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15min |01/12/2025
Play
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Description

Au bord de l’Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ses lignes modernes, l’ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l’histoire de l’Antiquité à l’art contemporain.

Cette série de podcasts vous fait découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho à nos préoccupations contemporaines.

Olivier Tomasini, conservateur en charge du récolement des collections, nous parle de la limite et de l’infini à travers « La cage » d’Alberto Giacometti.

Un podcasts réalisé par Célia Bugni-Romand


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a vraiment eu des JO à Grenoble ?

  • Speaker #1

    On se donne rendez-vous à VH ou au PPN ?

  • Speaker #0

    Avant Grenoble,

  • Speaker #1

    ça s'appelait cul-à-roue.

  • Speaker #0

    Un arvalo, c'est un bébé phoque.

  • Speaker #1

    On peut voir le Mont-Blanc depuis la Bastille ?

  • Speaker #0

    On prend les bulles ou on monte à pied ?

  • Speaker #1

    Allez, je prends mon vélo et j'arrive. Relief.

  • Speaker #0

    Relief.

  • Speaker #2

    Relief.

  • Speaker #1

    le podcast du magazine Gremag. Au bord de l'Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ces lignes modernes, l'ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l'histoire de l'Antiquité à l'art contemporain. Dans cette série de podcasts, nous avons choisi de vous faire découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho. à nos préoccupations contemporaines.

  • Speaker #2

    Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait pour justement décloisonner tout ça ? Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ?

  • Speaker #1

    Il y a dans la vie humaine quelque chose de paradoxal. Nous sommes des êtres finis, mais habités par un désir infini. Dans la cage de Giacometti, l'humain paraît enfermé, et pourtant, c'est peut-être là qu'il touche cet infini. Nos existences sont limitées, cloisonnées, mais le désir d'aller au-delà, lui, ne s'éteint jamais. Alors comment trouver l'éternité dans nos vies contraintes ? La spiritualité ? L'art ? La création ? Et si nos cages ne venaient finalement que de nous-mêmes ?

  • Speaker #2

    La cage d'Alberto Giacometti, que le musée a acquise très tôt, en 1952, elle a été créée en 1950-1951, est vraiment, je crois, une œuvre fascinante. Elle permet de parler de la limite et de l'infini, qui sont des concepts a priori compliqués, mais qui sont au cœur de la création.

  • Speaker #1

    Relief au musée de Grenoble, Olivier Tomazini, conservateur en charge du récollement des collections.

  • Speaker #2

    En fait, ce sont des notions opposées qui se croisent et s'entrelacent dans le processus créatif. Les peintres, sculpteurs, musiciens se heurtent souvent aux limites de leur médium. La taille de la toile, les matériaux employés, les techniques qu'ils utilisent. En essayant de dépasser ces contraintes, ils se retrouvent souvent à réfléchir sur l'essence de l'art et de la condition humaine. Par exemple, un peintre choisit son format et ses couleurs pour exprimer des émotions complexes. tout en étant prisonnier de la toile. Alors d'un autre côté, l'infini, cette autre notion, rentre dans l'art à travers des thèmes religieux, l'abstraction, ou même des concepts philosophiques ou métaphysiques. Mais plus simplement, tout un chacun peut avoir cette expérience sensible avec l'infini sans passer obligatoirement par l'art. Imaginons, vous êtes malade, isolé dans votre chambre, vous regardez par le cadre d'une fenêtre un arbre se détacher du ciel, le rapport de cette figure fragile avec l'infini du ciel se découpant dans un rectangle, et bien là, vous êtes déjà confronté au fini et à l'infini. D'ailleurs, en y pensant, je dirais que Matisse a peut-être fait cette expérience dans sa célèbre toile intérieure aux aubergines, qui est un des chefs-d'œuvre du musée, qui, on pourrait le dire, abolit par sa représentation multiple les frontières entre le fini et l'infini. Cette problématique de l'infini et du fini commence très tôt en art. Ce n'est pas du tout une notion, je dirais, contemporaine. Si on a la chance de découvrir des codex en bibliothèque, qui sont des livres manuscrits du Vème siècle, l'un des sujets les plus souvent traités, c'est la scène de l'Arche de Noé. dérivant sur les flots du déluge. Autrement dit, on a déjà là une figure finie confrontée à un fond infini. Et tout cela montre la précarité humaine par rapport à la permanence et l'immensité de Dieu, bien sûr. Donc si on essaie de se reporter dans le temps présent, si on veut prendre une œuvre par exemple du musée, nous avons le peintre Romain Opalka, dont nous avons donc une œuvre ici au musée, et qui a commencé en 1965 à peindre des nombres sur une toile, alors 1, 2, 3, 4, 5, il a commencé comme ça. Et chaque chiffre représente un moment unique. Et en 2011, il a inscrit son dernier nombre. Donc un chiffre qui est complètement astronomique et qui marque la fin de son voyage, de sa vie. 5 607 249. Un nombre qu'on peut qualifier d'infini fini. En conclusion, on pourrait dire que l'art, c'est un dialogue entre la limite et l'infini.

  • Speaker #1

    Justement, on se trouve devant une œuvre vraiment particulière du musée de Grenoble et dont on va parler peut-être plus en détail maintenant, qui s'appelle « La Cage » .

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. « La Cage » , je l'ai citée en fait au tout début de mon développement. Et cette cage, c'est quand même très intéressant, enfin passionnant, parce que c'est une quête que Giacometti a voulu, je dirais, poursuivre. Tout le long de sa vie, il a créé ce qu'on appelle les cages. Parce que cette cage, c'est une des cages. Il y en a toute une série. Et en fait, il a travaillé sur ce type de dispositif depuis les années 30. Et cela pendant plus de 20 ans. Donc c'est vraiment pour lui une sorte d'obsession. Comme il le souligne là encore, je vais le citer, ce sera plus simple. Plus on s'approche de l'œuvre, plus cette scie s'éloigne. En fait, c'est une quête sans fin.

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'était jamais satisfait de ce qu'il avait fait ?

  • Speaker #2

    Non, c'est-à-dire que ça peut prendre des formes multiples.

  • Speaker #1

    Il n'avait pas fini de tout explorer.

  • Speaker #2

    Voilà. Dans cette cage, celle qui est exposée au musée de Grenoble, c'est particulièrement intéressant puisque cette sculpture, c'est une sculpture multiple. Il y a un nu féminin, un buste d'homme qui sont placés en fait à hauteur d'œil, à l'intérieur d'une cage qui est rehaussée elle-même, cette cage, par un piédestal. Donc il y a une sorte de, on pourrait le dire, une mise en abîme des sculptures au cœur d'une sculpture. Les protagonistes, ils posent chacun leur regard sur une des quatre ouvertures de la cage.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    C'est ouvert. Mais il y a une structure qui délimite en fait cette cage. Ça forme une sorte de parallépipède dans lequel sont inscrits ces deux figures.

  • Speaker #1

    Et on pourrait imaginer des parois finalement.

  • Speaker #2

    Tout à fait. C'est des parois, mais en même temps c'est ouvert. Donc il y a une limite, mais une limite qui n'est pas fermée. Et si on tente d'observer la statue de face, donc de la femme, Puisqu'en fait, on voit que c'est une forme féminine. On voit le buste de profil. Et si on tente d'observer le buste de face, on voit la statue de profil. Donc, en fait, ces deux corps sont à la fois proches et distants. Donc, il y a une sorte de dialogue mystérieux qui s'établit entre le buste d'homme. Personification, on va dire, du regard. Et la femme qui est immobile, érigée telle une sorte de divinité inaccessible. Alors je précise quand même, parce que c'est une donnée un peu actuelle, mais cette femme n'est pas une femme-objet. Elle est sujet autant que l'homme, elle est aussi présente. Sa force est identique, mais peut-être représentée d'une façon différente. On pourrait également dire que c'est une sorte de métaphore.

  • Speaker #1

    Alors laquelle ?

  • Speaker #2

    En fait, ils sont à la fois avec une force, mais avec une vulnérabilité. Ils sont réunis et séparés à la fois. Et pour moi, il y a une tentative de dépasser la condition des corps pour échapper à la finitude finalement des corps et tendre vers un infini.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il y a quelque chose de triste qui se dégage de... certainement la posture de ces personnages, le fait qu'ils soient enfermés au même endroit, dans la même boîte, mais complètement séparés l'un de l'autre.

  • Speaker #2

    Il y a une forme, effectivement, on pourrait dire d'incommunicabilité. En même temps, c'est très touchant parce qu'ils sont dans un espace d'intimité, quand même. Mais vous voyez, ça me fait penser un peu à des tableaux d'aupers où, en fait, il y a une sorte de... Le temps est suspendu, les personnages sont en eux-mêmes, ils sont dans leur pensée, ils sont dans leur destin. Et pourtant, ils sont rassemblés dans un même espace. Mais il y a un côté plein d'espoir aussi, parce qu'on peut se rejoindre peut-être autrement par la pensée. C'est par tout ce qui peut décloisonner la vie de tous les jours.

  • Speaker #1

    La boîte dans laquelle on vit.

  • Speaker #2

    On voit souvent les œuvres de Giacometti comme des œuvres quand même spectrales.

  • Speaker #1

    C'est un petit peu le cas là aussi.

  • Speaker #2

    En fait, c'est quand même des œuvres vibrantes. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en fait, les sculptures de Giacometti, elles sont comme martelées. il y a une sorte de... Elles ne sont jamais rectilignes. Donc il y a un travail comme ça de la matière qui fait que la matière vit. Et je trouve que justement, on le ressent beaucoup avec cette œuvre, puisque tout vit, même les matières immobiles, même le socle est en vie. Donc, c'est assez beau, cette vibration de l'ensemble de la matière. Et puis, si on s'approche encore, si on détaille vraiment l'œuvre, on voit qu'il y a des couleurs.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a des couleurs. Si on s'approche de la femme, on le voit bien.

  • Speaker #2

    Il y a des couleurs sur la femme, une sorte de couleur nacrée, en fait. et en ce qui concerne l'homme Il y a une sorte d'ocre qui teinte très légèrement son visage. Et il y a quelques fils rouges sur la structure aussi qu'on peut apercevoir. Donc tout ça contribue finalement à une sorte de vie, comme si la matière était vivante. Et c'est pour ça que c'est beaucoup moins spectral qu'on le pense. Je vous invite à bien regarder l'œuvre pour éprouver cela.

  • Speaker #1

    Pourquoi vous avez choisi cette œuvre en particulier ?

  • Speaker #2

    Au départ, c'est une œuvre qui m'intéresse beaucoup pour la multiplicité de ses sens, de ses points de vue, parce qu'on peut tourner autour, parce que justement elle traite de l'intérieur et de l'extérieur. Donc voilà, c'est cette multiplicité à la fois de sens, de points de vue, d'une réflexion que cette œuvre... suscite le fini, l'infini, les limites. On part de limites pour aller au-delà. Et je trouve que c'est vraiment la quintessence de ce questionnement. Et ce n'est pas pour rien que Giacometti a interrogé ces objets-là pendant plus de 20 ans. Alors, il y a ça. Et puis, le fait qu'effectivement, ces deux notions de limites et d'infini, je trouve, oui, c'est vraiment au cœur de la vie humaine. C'est-à-dire que, bien sûr, on a une existence finie, mais si on l'a... En fait, on est tous en quête de spiritualité. Et donc, pour moi, là encore, ça nous questionne à ce niveau-là. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on recherche ? Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait ? pour justement décloisonner tout ça. Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ? Comment on rejoint la spiritualité ? Et donc je trouve que c'est des notions très éternelles, on va dire, mais qui deviennent de plus en plus prégnantes dans le monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Dans notre société actuelle, absolument, oui.

  • Speaker #2

    Alors, on a parlé des contraintes physiques.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    On a parlé comme ça de la spiritualité, mais aussi, il y a des contraintes qui sont d'ordre psychologique. Parfois, on est enfermé. On ne le sait pas. On pense être ouvert à un certain nombre de choses, etc. Oui. Mais, on va dire, la psychanalyse nous l'a montré, on est souvent empêché, enfermé. dans des contradictions, on ne voit pas qu'on peut faire les choses alors qu'elles sont à notre portée. Et donc peut-être que ces contraintes psychologiques de notre existence, elles sont représentées par les barreaux de cette cage qui porte finalement le poids de nos luttes intérieures, de nos désirs, de nos espoirs. Et ça nous incite à nous élever au-delà du carcan de notre condition humaine.

  • Speaker #1

    Pour découvrir vous aussi l'espace de liberté qui existe à l'intérieur de vos propres limites, rendez-vous devant la cage de Giacometti en salle 36 du Musée de Grenoble. Le musée, entièrement gratuit, vous accueille toute l'année pour un voyage à travers les œuvres du XIIIe au XXe siècle, ainsi que de nombreuses expositions temporaires. Réalisation Célia Buny-Romand Remerciements Ville de Grenoble, Relief, Isabelle Touchard Musée de Grenoble, Claire Gabin, Marianne Télibert N'hésitez pas à explorer les autres épisodes de cette série. A bientôt !

Description

Au bord de l’Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ses lignes modernes, l’ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l’histoire de l’Antiquité à l’art contemporain.

Cette série de podcasts vous fait découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho à nos préoccupations contemporaines.

Olivier Tomasini, conservateur en charge du récolement des collections, nous parle de la limite et de l’infini à travers « La cage » d’Alberto Giacometti.

Un podcasts réalisé par Célia Bugni-Romand


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a vraiment eu des JO à Grenoble ?

  • Speaker #1

    On se donne rendez-vous à VH ou au PPN ?

  • Speaker #0

    Avant Grenoble,

  • Speaker #1

    ça s'appelait cul-à-roue.

  • Speaker #0

    Un arvalo, c'est un bébé phoque.

  • Speaker #1

    On peut voir le Mont-Blanc depuis la Bastille ?

  • Speaker #0

    On prend les bulles ou on monte à pied ?

  • Speaker #1

    Allez, je prends mon vélo et j'arrive. Relief.

  • Speaker #0

    Relief.

  • Speaker #2

    Relief.

  • Speaker #1

    le podcast du magazine Gremag. Au bord de l'Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ces lignes modernes, l'ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l'histoire de l'Antiquité à l'art contemporain. Dans cette série de podcasts, nous avons choisi de vous faire découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho. à nos préoccupations contemporaines.

  • Speaker #2

    Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait pour justement décloisonner tout ça ? Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ?

  • Speaker #1

    Il y a dans la vie humaine quelque chose de paradoxal. Nous sommes des êtres finis, mais habités par un désir infini. Dans la cage de Giacometti, l'humain paraît enfermé, et pourtant, c'est peut-être là qu'il touche cet infini. Nos existences sont limitées, cloisonnées, mais le désir d'aller au-delà, lui, ne s'éteint jamais. Alors comment trouver l'éternité dans nos vies contraintes ? La spiritualité ? L'art ? La création ? Et si nos cages ne venaient finalement que de nous-mêmes ?

  • Speaker #2

    La cage d'Alberto Giacometti, que le musée a acquise très tôt, en 1952, elle a été créée en 1950-1951, est vraiment, je crois, une œuvre fascinante. Elle permet de parler de la limite et de l'infini, qui sont des concepts a priori compliqués, mais qui sont au cœur de la création.

  • Speaker #1

    Relief au musée de Grenoble, Olivier Tomazini, conservateur en charge du récollement des collections.

  • Speaker #2

    En fait, ce sont des notions opposées qui se croisent et s'entrelacent dans le processus créatif. Les peintres, sculpteurs, musiciens se heurtent souvent aux limites de leur médium. La taille de la toile, les matériaux employés, les techniques qu'ils utilisent. En essayant de dépasser ces contraintes, ils se retrouvent souvent à réfléchir sur l'essence de l'art et de la condition humaine. Par exemple, un peintre choisit son format et ses couleurs pour exprimer des émotions complexes. tout en étant prisonnier de la toile. Alors d'un autre côté, l'infini, cette autre notion, rentre dans l'art à travers des thèmes religieux, l'abstraction, ou même des concepts philosophiques ou métaphysiques. Mais plus simplement, tout un chacun peut avoir cette expérience sensible avec l'infini sans passer obligatoirement par l'art. Imaginons, vous êtes malade, isolé dans votre chambre, vous regardez par le cadre d'une fenêtre un arbre se détacher du ciel, le rapport de cette figure fragile avec l'infini du ciel se découpant dans un rectangle, et bien là, vous êtes déjà confronté au fini et à l'infini. D'ailleurs, en y pensant, je dirais que Matisse a peut-être fait cette expérience dans sa célèbre toile intérieure aux aubergines, qui est un des chefs-d'œuvre du musée, qui, on pourrait le dire, abolit par sa représentation multiple les frontières entre le fini et l'infini. Cette problématique de l'infini et du fini commence très tôt en art. Ce n'est pas du tout une notion, je dirais, contemporaine. Si on a la chance de découvrir des codex en bibliothèque, qui sont des livres manuscrits du Vème siècle, l'un des sujets les plus souvent traités, c'est la scène de l'Arche de Noé. dérivant sur les flots du déluge. Autrement dit, on a déjà là une figure finie confrontée à un fond infini. Et tout cela montre la précarité humaine par rapport à la permanence et l'immensité de Dieu, bien sûr. Donc si on essaie de se reporter dans le temps présent, si on veut prendre une œuvre par exemple du musée, nous avons le peintre Romain Opalka, dont nous avons donc une œuvre ici au musée, et qui a commencé en 1965 à peindre des nombres sur une toile, alors 1, 2, 3, 4, 5, il a commencé comme ça. Et chaque chiffre représente un moment unique. Et en 2011, il a inscrit son dernier nombre. Donc un chiffre qui est complètement astronomique et qui marque la fin de son voyage, de sa vie. 5 607 249. Un nombre qu'on peut qualifier d'infini fini. En conclusion, on pourrait dire que l'art, c'est un dialogue entre la limite et l'infini.

  • Speaker #1

    Justement, on se trouve devant une œuvre vraiment particulière du musée de Grenoble et dont on va parler peut-être plus en détail maintenant, qui s'appelle « La Cage » .

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. « La Cage » , je l'ai citée en fait au tout début de mon développement. Et cette cage, c'est quand même très intéressant, enfin passionnant, parce que c'est une quête que Giacometti a voulu, je dirais, poursuivre. Tout le long de sa vie, il a créé ce qu'on appelle les cages. Parce que cette cage, c'est une des cages. Il y en a toute une série. Et en fait, il a travaillé sur ce type de dispositif depuis les années 30. Et cela pendant plus de 20 ans. Donc c'est vraiment pour lui une sorte d'obsession. Comme il le souligne là encore, je vais le citer, ce sera plus simple. Plus on s'approche de l'œuvre, plus cette scie s'éloigne. En fait, c'est une quête sans fin.

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'était jamais satisfait de ce qu'il avait fait ?

  • Speaker #2

    Non, c'est-à-dire que ça peut prendre des formes multiples.

  • Speaker #1

    Il n'avait pas fini de tout explorer.

  • Speaker #2

    Voilà. Dans cette cage, celle qui est exposée au musée de Grenoble, c'est particulièrement intéressant puisque cette sculpture, c'est une sculpture multiple. Il y a un nu féminin, un buste d'homme qui sont placés en fait à hauteur d'œil, à l'intérieur d'une cage qui est rehaussée elle-même, cette cage, par un piédestal. Donc il y a une sorte de, on pourrait le dire, une mise en abîme des sculptures au cœur d'une sculpture. Les protagonistes, ils posent chacun leur regard sur une des quatre ouvertures de la cage.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    C'est ouvert. Mais il y a une structure qui délimite en fait cette cage. Ça forme une sorte de parallépipède dans lequel sont inscrits ces deux figures.

  • Speaker #1

    Et on pourrait imaginer des parois finalement.

  • Speaker #2

    Tout à fait. C'est des parois, mais en même temps c'est ouvert. Donc il y a une limite, mais une limite qui n'est pas fermée. Et si on tente d'observer la statue de face, donc de la femme, Puisqu'en fait, on voit que c'est une forme féminine. On voit le buste de profil. Et si on tente d'observer le buste de face, on voit la statue de profil. Donc, en fait, ces deux corps sont à la fois proches et distants. Donc, il y a une sorte de dialogue mystérieux qui s'établit entre le buste d'homme. Personification, on va dire, du regard. Et la femme qui est immobile, érigée telle une sorte de divinité inaccessible. Alors je précise quand même, parce que c'est une donnée un peu actuelle, mais cette femme n'est pas une femme-objet. Elle est sujet autant que l'homme, elle est aussi présente. Sa force est identique, mais peut-être représentée d'une façon différente. On pourrait également dire que c'est une sorte de métaphore.

  • Speaker #1

    Alors laquelle ?

  • Speaker #2

    En fait, ils sont à la fois avec une force, mais avec une vulnérabilité. Ils sont réunis et séparés à la fois. Et pour moi, il y a une tentative de dépasser la condition des corps pour échapper à la finitude finalement des corps et tendre vers un infini.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il y a quelque chose de triste qui se dégage de... certainement la posture de ces personnages, le fait qu'ils soient enfermés au même endroit, dans la même boîte, mais complètement séparés l'un de l'autre.

  • Speaker #2

    Il y a une forme, effectivement, on pourrait dire d'incommunicabilité. En même temps, c'est très touchant parce qu'ils sont dans un espace d'intimité, quand même. Mais vous voyez, ça me fait penser un peu à des tableaux d'aupers où, en fait, il y a une sorte de... Le temps est suspendu, les personnages sont en eux-mêmes, ils sont dans leur pensée, ils sont dans leur destin. Et pourtant, ils sont rassemblés dans un même espace. Mais il y a un côté plein d'espoir aussi, parce qu'on peut se rejoindre peut-être autrement par la pensée. C'est par tout ce qui peut décloisonner la vie de tous les jours.

  • Speaker #1

    La boîte dans laquelle on vit.

  • Speaker #2

    On voit souvent les œuvres de Giacometti comme des œuvres quand même spectrales.

  • Speaker #1

    C'est un petit peu le cas là aussi.

  • Speaker #2

    En fait, c'est quand même des œuvres vibrantes. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en fait, les sculptures de Giacometti, elles sont comme martelées. il y a une sorte de... Elles ne sont jamais rectilignes. Donc il y a un travail comme ça de la matière qui fait que la matière vit. Et je trouve que justement, on le ressent beaucoup avec cette œuvre, puisque tout vit, même les matières immobiles, même le socle est en vie. Donc, c'est assez beau, cette vibration de l'ensemble de la matière. Et puis, si on s'approche encore, si on détaille vraiment l'œuvre, on voit qu'il y a des couleurs.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a des couleurs. Si on s'approche de la femme, on le voit bien.

  • Speaker #2

    Il y a des couleurs sur la femme, une sorte de couleur nacrée, en fait. et en ce qui concerne l'homme Il y a une sorte d'ocre qui teinte très légèrement son visage. Et il y a quelques fils rouges sur la structure aussi qu'on peut apercevoir. Donc tout ça contribue finalement à une sorte de vie, comme si la matière était vivante. Et c'est pour ça que c'est beaucoup moins spectral qu'on le pense. Je vous invite à bien regarder l'œuvre pour éprouver cela.

  • Speaker #1

    Pourquoi vous avez choisi cette œuvre en particulier ?

  • Speaker #2

    Au départ, c'est une œuvre qui m'intéresse beaucoup pour la multiplicité de ses sens, de ses points de vue, parce qu'on peut tourner autour, parce que justement elle traite de l'intérieur et de l'extérieur. Donc voilà, c'est cette multiplicité à la fois de sens, de points de vue, d'une réflexion que cette œuvre... suscite le fini, l'infini, les limites. On part de limites pour aller au-delà. Et je trouve que c'est vraiment la quintessence de ce questionnement. Et ce n'est pas pour rien que Giacometti a interrogé ces objets-là pendant plus de 20 ans. Alors, il y a ça. Et puis, le fait qu'effectivement, ces deux notions de limites et d'infini, je trouve, oui, c'est vraiment au cœur de la vie humaine. C'est-à-dire que, bien sûr, on a une existence finie, mais si on l'a... En fait, on est tous en quête de spiritualité. Et donc, pour moi, là encore, ça nous questionne à ce niveau-là. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on recherche ? Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait ? pour justement décloisonner tout ça. Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ? Comment on rejoint la spiritualité ? Et donc je trouve que c'est des notions très éternelles, on va dire, mais qui deviennent de plus en plus prégnantes dans le monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Dans notre société actuelle, absolument, oui.

  • Speaker #2

    Alors, on a parlé des contraintes physiques.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    On a parlé comme ça de la spiritualité, mais aussi, il y a des contraintes qui sont d'ordre psychologique. Parfois, on est enfermé. On ne le sait pas. On pense être ouvert à un certain nombre de choses, etc. Oui. Mais, on va dire, la psychanalyse nous l'a montré, on est souvent empêché, enfermé. dans des contradictions, on ne voit pas qu'on peut faire les choses alors qu'elles sont à notre portée. Et donc peut-être que ces contraintes psychologiques de notre existence, elles sont représentées par les barreaux de cette cage qui porte finalement le poids de nos luttes intérieures, de nos désirs, de nos espoirs. Et ça nous incite à nous élever au-delà du carcan de notre condition humaine.

  • Speaker #1

    Pour découvrir vous aussi l'espace de liberté qui existe à l'intérieur de vos propres limites, rendez-vous devant la cage de Giacometti en salle 36 du Musée de Grenoble. Le musée, entièrement gratuit, vous accueille toute l'année pour un voyage à travers les œuvres du XIIIe au XXe siècle, ainsi que de nombreuses expositions temporaires. Réalisation Célia Buny-Romand Remerciements Ville de Grenoble, Relief, Isabelle Touchard Musée de Grenoble, Claire Gabin, Marianne Télibert N'hésitez pas à explorer les autres épisodes de cette série. A bientôt !

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Au bord de l’Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ses lignes modernes, l’ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l’histoire de l’Antiquité à l’art contemporain.

Cette série de podcasts vous fait découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho à nos préoccupations contemporaines.

Olivier Tomasini, conservateur en charge du récolement des collections, nous parle de la limite et de l’infini à travers « La cage » d’Alberto Giacometti.

Un podcasts réalisé par Célia Bugni-Romand


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a vraiment eu des JO à Grenoble ?

  • Speaker #1

    On se donne rendez-vous à VH ou au PPN ?

  • Speaker #0

    Avant Grenoble,

  • Speaker #1

    ça s'appelait cul-à-roue.

  • Speaker #0

    Un arvalo, c'est un bébé phoque.

  • Speaker #1

    On peut voir le Mont-Blanc depuis la Bastille ?

  • Speaker #0

    On prend les bulles ou on monte à pied ?

  • Speaker #1

    Allez, je prends mon vélo et j'arrive. Relief.

  • Speaker #0

    Relief.

  • Speaker #2

    Relief.

  • Speaker #1

    le podcast du magazine Gremag. Au bord de l'Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ces lignes modernes, l'ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l'histoire de l'Antiquité à l'art contemporain. Dans cette série de podcasts, nous avons choisi de vous faire découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho. à nos préoccupations contemporaines.

  • Speaker #2

    Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait pour justement décloisonner tout ça ? Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ?

  • Speaker #1

    Il y a dans la vie humaine quelque chose de paradoxal. Nous sommes des êtres finis, mais habités par un désir infini. Dans la cage de Giacometti, l'humain paraît enfermé, et pourtant, c'est peut-être là qu'il touche cet infini. Nos existences sont limitées, cloisonnées, mais le désir d'aller au-delà, lui, ne s'éteint jamais. Alors comment trouver l'éternité dans nos vies contraintes ? La spiritualité ? L'art ? La création ? Et si nos cages ne venaient finalement que de nous-mêmes ?

  • Speaker #2

    La cage d'Alberto Giacometti, que le musée a acquise très tôt, en 1952, elle a été créée en 1950-1951, est vraiment, je crois, une œuvre fascinante. Elle permet de parler de la limite et de l'infini, qui sont des concepts a priori compliqués, mais qui sont au cœur de la création.

  • Speaker #1

    Relief au musée de Grenoble, Olivier Tomazini, conservateur en charge du récollement des collections.

  • Speaker #2

    En fait, ce sont des notions opposées qui se croisent et s'entrelacent dans le processus créatif. Les peintres, sculpteurs, musiciens se heurtent souvent aux limites de leur médium. La taille de la toile, les matériaux employés, les techniques qu'ils utilisent. En essayant de dépasser ces contraintes, ils se retrouvent souvent à réfléchir sur l'essence de l'art et de la condition humaine. Par exemple, un peintre choisit son format et ses couleurs pour exprimer des émotions complexes. tout en étant prisonnier de la toile. Alors d'un autre côté, l'infini, cette autre notion, rentre dans l'art à travers des thèmes religieux, l'abstraction, ou même des concepts philosophiques ou métaphysiques. Mais plus simplement, tout un chacun peut avoir cette expérience sensible avec l'infini sans passer obligatoirement par l'art. Imaginons, vous êtes malade, isolé dans votre chambre, vous regardez par le cadre d'une fenêtre un arbre se détacher du ciel, le rapport de cette figure fragile avec l'infini du ciel se découpant dans un rectangle, et bien là, vous êtes déjà confronté au fini et à l'infini. D'ailleurs, en y pensant, je dirais que Matisse a peut-être fait cette expérience dans sa célèbre toile intérieure aux aubergines, qui est un des chefs-d'œuvre du musée, qui, on pourrait le dire, abolit par sa représentation multiple les frontières entre le fini et l'infini. Cette problématique de l'infini et du fini commence très tôt en art. Ce n'est pas du tout une notion, je dirais, contemporaine. Si on a la chance de découvrir des codex en bibliothèque, qui sont des livres manuscrits du Vème siècle, l'un des sujets les plus souvent traités, c'est la scène de l'Arche de Noé. dérivant sur les flots du déluge. Autrement dit, on a déjà là une figure finie confrontée à un fond infini. Et tout cela montre la précarité humaine par rapport à la permanence et l'immensité de Dieu, bien sûr. Donc si on essaie de se reporter dans le temps présent, si on veut prendre une œuvre par exemple du musée, nous avons le peintre Romain Opalka, dont nous avons donc une œuvre ici au musée, et qui a commencé en 1965 à peindre des nombres sur une toile, alors 1, 2, 3, 4, 5, il a commencé comme ça. Et chaque chiffre représente un moment unique. Et en 2011, il a inscrit son dernier nombre. Donc un chiffre qui est complètement astronomique et qui marque la fin de son voyage, de sa vie. 5 607 249. Un nombre qu'on peut qualifier d'infini fini. En conclusion, on pourrait dire que l'art, c'est un dialogue entre la limite et l'infini.

  • Speaker #1

    Justement, on se trouve devant une œuvre vraiment particulière du musée de Grenoble et dont on va parler peut-être plus en détail maintenant, qui s'appelle « La Cage » .

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. « La Cage » , je l'ai citée en fait au tout début de mon développement. Et cette cage, c'est quand même très intéressant, enfin passionnant, parce que c'est une quête que Giacometti a voulu, je dirais, poursuivre. Tout le long de sa vie, il a créé ce qu'on appelle les cages. Parce que cette cage, c'est une des cages. Il y en a toute une série. Et en fait, il a travaillé sur ce type de dispositif depuis les années 30. Et cela pendant plus de 20 ans. Donc c'est vraiment pour lui une sorte d'obsession. Comme il le souligne là encore, je vais le citer, ce sera plus simple. Plus on s'approche de l'œuvre, plus cette scie s'éloigne. En fait, c'est une quête sans fin.

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'était jamais satisfait de ce qu'il avait fait ?

  • Speaker #2

    Non, c'est-à-dire que ça peut prendre des formes multiples.

  • Speaker #1

    Il n'avait pas fini de tout explorer.

  • Speaker #2

    Voilà. Dans cette cage, celle qui est exposée au musée de Grenoble, c'est particulièrement intéressant puisque cette sculpture, c'est une sculpture multiple. Il y a un nu féminin, un buste d'homme qui sont placés en fait à hauteur d'œil, à l'intérieur d'une cage qui est rehaussée elle-même, cette cage, par un piédestal. Donc il y a une sorte de, on pourrait le dire, une mise en abîme des sculptures au cœur d'une sculpture. Les protagonistes, ils posent chacun leur regard sur une des quatre ouvertures de la cage.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    C'est ouvert. Mais il y a une structure qui délimite en fait cette cage. Ça forme une sorte de parallépipède dans lequel sont inscrits ces deux figures.

  • Speaker #1

    Et on pourrait imaginer des parois finalement.

  • Speaker #2

    Tout à fait. C'est des parois, mais en même temps c'est ouvert. Donc il y a une limite, mais une limite qui n'est pas fermée. Et si on tente d'observer la statue de face, donc de la femme, Puisqu'en fait, on voit que c'est une forme féminine. On voit le buste de profil. Et si on tente d'observer le buste de face, on voit la statue de profil. Donc, en fait, ces deux corps sont à la fois proches et distants. Donc, il y a une sorte de dialogue mystérieux qui s'établit entre le buste d'homme. Personification, on va dire, du regard. Et la femme qui est immobile, érigée telle une sorte de divinité inaccessible. Alors je précise quand même, parce que c'est une donnée un peu actuelle, mais cette femme n'est pas une femme-objet. Elle est sujet autant que l'homme, elle est aussi présente. Sa force est identique, mais peut-être représentée d'une façon différente. On pourrait également dire que c'est une sorte de métaphore.

  • Speaker #1

    Alors laquelle ?

  • Speaker #2

    En fait, ils sont à la fois avec une force, mais avec une vulnérabilité. Ils sont réunis et séparés à la fois. Et pour moi, il y a une tentative de dépasser la condition des corps pour échapper à la finitude finalement des corps et tendre vers un infini.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il y a quelque chose de triste qui se dégage de... certainement la posture de ces personnages, le fait qu'ils soient enfermés au même endroit, dans la même boîte, mais complètement séparés l'un de l'autre.

  • Speaker #2

    Il y a une forme, effectivement, on pourrait dire d'incommunicabilité. En même temps, c'est très touchant parce qu'ils sont dans un espace d'intimité, quand même. Mais vous voyez, ça me fait penser un peu à des tableaux d'aupers où, en fait, il y a une sorte de... Le temps est suspendu, les personnages sont en eux-mêmes, ils sont dans leur pensée, ils sont dans leur destin. Et pourtant, ils sont rassemblés dans un même espace. Mais il y a un côté plein d'espoir aussi, parce qu'on peut se rejoindre peut-être autrement par la pensée. C'est par tout ce qui peut décloisonner la vie de tous les jours.

  • Speaker #1

    La boîte dans laquelle on vit.

  • Speaker #2

    On voit souvent les œuvres de Giacometti comme des œuvres quand même spectrales.

  • Speaker #1

    C'est un petit peu le cas là aussi.

  • Speaker #2

    En fait, c'est quand même des œuvres vibrantes. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en fait, les sculptures de Giacometti, elles sont comme martelées. il y a une sorte de... Elles ne sont jamais rectilignes. Donc il y a un travail comme ça de la matière qui fait que la matière vit. Et je trouve que justement, on le ressent beaucoup avec cette œuvre, puisque tout vit, même les matières immobiles, même le socle est en vie. Donc, c'est assez beau, cette vibration de l'ensemble de la matière. Et puis, si on s'approche encore, si on détaille vraiment l'œuvre, on voit qu'il y a des couleurs.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a des couleurs. Si on s'approche de la femme, on le voit bien.

  • Speaker #2

    Il y a des couleurs sur la femme, une sorte de couleur nacrée, en fait. et en ce qui concerne l'homme Il y a une sorte d'ocre qui teinte très légèrement son visage. Et il y a quelques fils rouges sur la structure aussi qu'on peut apercevoir. Donc tout ça contribue finalement à une sorte de vie, comme si la matière était vivante. Et c'est pour ça que c'est beaucoup moins spectral qu'on le pense. Je vous invite à bien regarder l'œuvre pour éprouver cela.

  • Speaker #1

    Pourquoi vous avez choisi cette œuvre en particulier ?

  • Speaker #2

    Au départ, c'est une œuvre qui m'intéresse beaucoup pour la multiplicité de ses sens, de ses points de vue, parce qu'on peut tourner autour, parce que justement elle traite de l'intérieur et de l'extérieur. Donc voilà, c'est cette multiplicité à la fois de sens, de points de vue, d'une réflexion que cette œuvre... suscite le fini, l'infini, les limites. On part de limites pour aller au-delà. Et je trouve que c'est vraiment la quintessence de ce questionnement. Et ce n'est pas pour rien que Giacometti a interrogé ces objets-là pendant plus de 20 ans. Alors, il y a ça. Et puis, le fait qu'effectivement, ces deux notions de limites et d'infini, je trouve, oui, c'est vraiment au cœur de la vie humaine. C'est-à-dire que, bien sûr, on a une existence finie, mais si on l'a... En fait, on est tous en quête de spiritualité. Et donc, pour moi, là encore, ça nous questionne à ce niveau-là. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on recherche ? Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait ? pour justement décloisonner tout ça. Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ? Comment on rejoint la spiritualité ? Et donc je trouve que c'est des notions très éternelles, on va dire, mais qui deviennent de plus en plus prégnantes dans le monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Dans notre société actuelle, absolument, oui.

  • Speaker #2

    Alors, on a parlé des contraintes physiques.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    On a parlé comme ça de la spiritualité, mais aussi, il y a des contraintes qui sont d'ordre psychologique. Parfois, on est enfermé. On ne le sait pas. On pense être ouvert à un certain nombre de choses, etc. Oui. Mais, on va dire, la psychanalyse nous l'a montré, on est souvent empêché, enfermé. dans des contradictions, on ne voit pas qu'on peut faire les choses alors qu'elles sont à notre portée. Et donc peut-être que ces contraintes psychologiques de notre existence, elles sont représentées par les barreaux de cette cage qui porte finalement le poids de nos luttes intérieures, de nos désirs, de nos espoirs. Et ça nous incite à nous élever au-delà du carcan de notre condition humaine.

  • Speaker #1

    Pour découvrir vous aussi l'espace de liberté qui existe à l'intérieur de vos propres limites, rendez-vous devant la cage de Giacometti en salle 36 du Musée de Grenoble. Le musée, entièrement gratuit, vous accueille toute l'année pour un voyage à travers les œuvres du XIIIe au XXe siècle, ainsi que de nombreuses expositions temporaires. Réalisation Célia Buny-Romand Remerciements Ville de Grenoble, Relief, Isabelle Touchard Musée de Grenoble, Claire Gabin, Marianne Télibert N'hésitez pas à explorer les autres épisodes de cette série. A bientôt !

Description

Au bord de l’Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ses lignes modernes, l’ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l’histoire de l’Antiquité à l’art contemporain.

Cette série de podcasts vous fait découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho à nos préoccupations contemporaines.

Olivier Tomasini, conservateur en charge du récolement des collections, nous parle de la limite et de l’infini à travers « La cage » d’Alberto Giacometti.

Un podcasts réalisé par Célia Bugni-Romand


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a vraiment eu des JO à Grenoble ?

  • Speaker #1

    On se donne rendez-vous à VH ou au PPN ?

  • Speaker #0

    Avant Grenoble,

  • Speaker #1

    ça s'appelait cul-à-roue.

  • Speaker #0

    Un arvalo, c'est un bébé phoque.

  • Speaker #1

    On peut voir le Mont-Blanc depuis la Bastille ?

  • Speaker #0

    On prend les bulles ou on monte à pied ?

  • Speaker #1

    Allez, je prends mon vélo et j'arrive. Relief.

  • Speaker #0

    Relief.

  • Speaker #2

    Relief.

  • Speaker #1

    le podcast du magazine Gremag. Au bord de l'Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ces lignes modernes, l'ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l'histoire de l'Antiquité à l'art contemporain. Dans cette série de podcasts, nous avons choisi de vous faire découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traversé le temps pour faire écho. à nos préoccupations contemporaines.

  • Speaker #2

    Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait pour justement décloisonner tout ça ? Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ?

  • Speaker #1

    Il y a dans la vie humaine quelque chose de paradoxal. Nous sommes des êtres finis, mais habités par un désir infini. Dans la cage de Giacometti, l'humain paraît enfermé, et pourtant, c'est peut-être là qu'il touche cet infini. Nos existences sont limitées, cloisonnées, mais le désir d'aller au-delà, lui, ne s'éteint jamais. Alors comment trouver l'éternité dans nos vies contraintes ? La spiritualité ? L'art ? La création ? Et si nos cages ne venaient finalement que de nous-mêmes ?

  • Speaker #2

    La cage d'Alberto Giacometti, que le musée a acquise très tôt, en 1952, elle a été créée en 1950-1951, est vraiment, je crois, une œuvre fascinante. Elle permet de parler de la limite et de l'infini, qui sont des concepts a priori compliqués, mais qui sont au cœur de la création.

  • Speaker #1

    Relief au musée de Grenoble, Olivier Tomazini, conservateur en charge du récollement des collections.

  • Speaker #2

    En fait, ce sont des notions opposées qui se croisent et s'entrelacent dans le processus créatif. Les peintres, sculpteurs, musiciens se heurtent souvent aux limites de leur médium. La taille de la toile, les matériaux employés, les techniques qu'ils utilisent. En essayant de dépasser ces contraintes, ils se retrouvent souvent à réfléchir sur l'essence de l'art et de la condition humaine. Par exemple, un peintre choisit son format et ses couleurs pour exprimer des émotions complexes. tout en étant prisonnier de la toile. Alors d'un autre côté, l'infini, cette autre notion, rentre dans l'art à travers des thèmes religieux, l'abstraction, ou même des concepts philosophiques ou métaphysiques. Mais plus simplement, tout un chacun peut avoir cette expérience sensible avec l'infini sans passer obligatoirement par l'art. Imaginons, vous êtes malade, isolé dans votre chambre, vous regardez par le cadre d'une fenêtre un arbre se détacher du ciel, le rapport de cette figure fragile avec l'infini du ciel se découpant dans un rectangle, et bien là, vous êtes déjà confronté au fini et à l'infini. D'ailleurs, en y pensant, je dirais que Matisse a peut-être fait cette expérience dans sa célèbre toile intérieure aux aubergines, qui est un des chefs-d'œuvre du musée, qui, on pourrait le dire, abolit par sa représentation multiple les frontières entre le fini et l'infini. Cette problématique de l'infini et du fini commence très tôt en art. Ce n'est pas du tout une notion, je dirais, contemporaine. Si on a la chance de découvrir des codex en bibliothèque, qui sont des livres manuscrits du Vème siècle, l'un des sujets les plus souvent traités, c'est la scène de l'Arche de Noé. dérivant sur les flots du déluge. Autrement dit, on a déjà là une figure finie confrontée à un fond infini. Et tout cela montre la précarité humaine par rapport à la permanence et l'immensité de Dieu, bien sûr. Donc si on essaie de se reporter dans le temps présent, si on veut prendre une œuvre par exemple du musée, nous avons le peintre Romain Opalka, dont nous avons donc une œuvre ici au musée, et qui a commencé en 1965 à peindre des nombres sur une toile, alors 1, 2, 3, 4, 5, il a commencé comme ça. Et chaque chiffre représente un moment unique. Et en 2011, il a inscrit son dernier nombre. Donc un chiffre qui est complètement astronomique et qui marque la fin de son voyage, de sa vie. 5 607 249. Un nombre qu'on peut qualifier d'infini fini. En conclusion, on pourrait dire que l'art, c'est un dialogue entre la limite et l'infini.

  • Speaker #1

    Justement, on se trouve devant une œuvre vraiment particulière du musée de Grenoble et dont on va parler peut-être plus en détail maintenant, qui s'appelle « La Cage » .

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. « La Cage » , je l'ai citée en fait au tout début de mon développement. Et cette cage, c'est quand même très intéressant, enfin passionnant, parce que c'est une quête que Giacometti a voulu, je dirais, poursuivre. Tout le long de sa vie, il a créé ce qu'on appelle les cages. Parce que cette cage, c'est une des cages. Il y en a toute une série. Et en fait, il a travaillé sur ce type de dispositif depuis les années 30. Et cela pendant plus de 20 ans. Donc c'est vraiment pour lui une sorte d'obsession. Comme il le souligne là encore, je vais le citer, ce sera plus simple. Plus on s'approche de l'œuvre, plus cette scie s'éloigne. En fait, c'est une quête sans fin.

  • Speaker #1

    Parce qu'il n'était jamais satisfait de ce qu'il avait fait ?

  • Speaker #2

    Non, c'est-à-dire que ça peut prendre des formes multiples.

  • Speaker #1

    Il n'avait pas fini de tout explorer.

  • Speaker #2

    Voilà. Dans cette cage, celle qui est exposée au musée de Grenoble, c'est particulièrement intéressant puisque cette sculpture, c'est une sculpture multiple. Il y a un nu féminin, un buste d'homme qui sont placés en fait à hauteur d'œil, à l'intérieur d'une cage qui est rehaussée elle-même, cette cage, par un piédestal. Donc il y a une sorte de, on pourrait le dire, une mise en abîme des sculptures au cœur d'une sculpture. Les protagonistes, ils posent chacun leur regard sur une des quatre ouvertures de la cage.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    C'est ouvert. Mais il y a une structure qui délimite en fait cette cage. Ça forme une sorte de parallépipède dans lequel sont inscrits ces deux figures.

  • Speaker #1

    Et on pourrait imaginer des parois finalement.

  • Speaker #2

    Tout à fait. C'est des parois, mais en même temps c'est ouvert. Donc il y a une limite, mais une limite qui n'est pas fermée. Et si on tente d'observer la statue de face, donc de la femme, Puisqu'en fait, on voit que c'est une forme féminine. On voit le buste de profil. Et si on tente d'observer le buste de face, on voit la statue de profil. Donc, en fait, ces deux corps sont à la fois proches et distants. Donc, il y a une sorte de dialogue mystérieux qui s'établit entre le buste d'homme. Personification, on va dire, du regard. Et la femme qui est immobile, érigée telle une sorte de divinité inaccessible. Alors je précise quand même, parce que c'est une donnée un peu actuelle, mais cette femme n'est pas une femme-objet. Elle est sujet autant que l'homme, elle est aussi présente. Sa force est identique, mais peut-être représentée d'une façon différente. On pourrait également dire que c'est une sorte de métaphore.

  • Speaker #1

    Alors laquelle ?

  • Speaker #2

    En fait, ils sont à la fois avec une force, mais avec une vulnérabilité. Ils sont réunis et séparés à la fois. Et pour moi, il y a une tentative de dépasser la condition des corps pour échapper à la finitude finalement des corps et tendre vers un infini.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il y a quelque chose de triste qui se dégage de... certainement la posture de ces personnages, le fait qu'ils soient enfermés au même endroit, dans la même boîte, mais complètement séparés l'un de l'autre.

  • Speaker #2

    Il y a une forme, effectivement, on pourrait dire d'incommunicabilité. En même temps, c'est très touchant parce qu'ils sont dans un espace d'intimité, quand même. Mais vous voyez, ça me fait penser un peu à des tableaux d'aupers où, en fait, il y a une sorte de... Le temps est suspendu, les personnages sont en eux-mêmes, ils sont dans leur pensée, ils sont dans leur destin. Et pourtant, ils sont rassemblés dans un même espace. Mais il y a un côté plein d'espoir aussi, parce qu'on peut se rejoindre peut-être autrement par la pensée. C'est par tout ce qui peut décloisonner la vie de tous les jours.

  • Speaker #1

    La boîte dans laquelle on vit.

  • Speaker #2

    On voit souvent les œuvres de Giacometti comme des œuvres quand même spectrales.

  • Speaker #1

    C'est un petit peu le cas là aussi.

  • Speaker #2

    En fait, c'est quand même des œuvres vibrantes. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en fait, les sculptures de Giacometti, elles sont comme martelées. il y a une sorte de... Elles ne sont jamais rectilignes. Donc il y a un travail comme ça de la matière qui fait que la matière vit. Et je trouve que justement, on le ressent beaucoup avec cette œuvre, puisque tout vit, même les matières immobiles, même le socle est en vie. Donc, c'est assez beau, cette vibration de l'ensemble de la matière. Et puis, si on s'approche encore, si on détaille vraiment l'œuvre, on voit qu'il y a des couleurs.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a des couleurs. Si on s'approche de la femme, on le voit bien.

  • Speaker #2

    Il y a des couleurs sur la femme, une sorte de couleur nacrée, en fait. et en ce qui concerne l'homme Il y a une sorte d'ocre qui teinte très légèrement son visage. Et il y a quelques fils rouges sur la structure aussi qu'on peut apercevoir. Donc tout ça contribue finalement à une sorte de vie, comme si la matière était vivante. Et c'est pour ça que c'est beaucoup moins spectral qu'on le pense. Je vous invite à bien regarder l'œuvre pour éprouver cela.

  • Speaker #1

    Pourquoi vous avez choisi cette œuvre en particulier ?

  • Speaker #2

    Au départ, c'est une œuvre qui m'intéresse beaucoup pour la multiplicité de ses sens, de ses points de vue, parce qu'on peut tourner autour, parce que justement elle traite de l'intérieur et de l'extérieur. Donc voilà, c'est cette multiplicité à la fois de sens, de points de vue, d'une réflexion que cette œuvre... suscite le fini, l'infini, les limites. On part de limites pour aller au-delà. Et je trouve que c'est vraiment la quintessence de ce questionnement. Et ce n'est pas pour rien que Giacometti a interrogé ces objets-là pendant plus de 20 ans. Alors, il y a ça. Et puis, le fait qu'effectivement, ces deux notions de limites et d'infini, je trouve, oui, c'est vraiment au cœur de la vie humaine. C'est-à-dire que, bien sûr, on a une existence finie, mais si on l'a... En fait, on est tous en quête de spiritualité. Et donc, pour moi, là encore, ça nous questionne à ce niveau-là. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on recherche ? Oui, d'accord, on est un corps, il y a une finitude, on est cloisonné dans notre existence, mais qu'est-ce qu'on fait ? pour justement décloisonner tout ça. Qu'est-ce qu'on fait pour rencontrer l'autre ? Qu'est-ce qu'on fait pour aller plus loin que l'existence elle-même ? Comment on rejoint la spiritualité ? Et donc je trouve que c'est des notions très éternelles, on va dire, mais qui deviennent de plus en plus prégnantes dans le monde dans lequel on vit.

  • Speaker #1

    Dans notre société actuelle, absolument, oui.

  • Speaker #2

    Alors, on a parlé des contraintes physiques.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #2

    On a parlé comme ça de la spiritualité, mais aussi, il y a des contraintes qui sont d'ordre psychologique. Parfois, on est enfermé. On ne le sait pas. On pense être ouvert à un certain nombre de choses, etc. Oui. Mais, on va dire, la psychanalyse nous l'a montré, on est souvent empêché, enfermé. dans des contradictions, on ne voit pas qu'on peut faire les choses alors qu'elles sont à notre portée. Et donc peut-être que ces contraintes psychologiques de notre existence, elles sont représentées par les barreaux de cette cage qui porte finalement le poids de nos luttes intérieures, de nos désirs, de nos espoirs. Et ça nous incite à nous élever au-delà du carcan de notre condition humaine.

  • Speaker #1

    Pour découvrir vous aussi l'espace de liberté qui existe à l'intérieur de vos propres limites, rendez-vous devant la cage de Giacometti en salle 36 du Musée de Grenoble. Le musée, entièrement gratuit, vous accueille toute l'année pour un voyage à travers les œuvres du XIIIe au XXe siècle, ainsi que de nombreuses expositions temporaires. Réalisation Célia Buny-Romand Remerciements Ville de Grenoble, Relief, Isabelle Touchard Musée de Grenoble, Claire Gabin, Marianne Télibert N'hésitez pas à explorer les autres épisodes de cette série. A bientôt !

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