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Ville de Grenoble

Grenoble 2040, pour des quartiers favorables à la santé

Grenoble 2040, pour des quartiers favorables à la santé

50min |02/10/2025
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Description

Face aux défis d’aujourd’hui et de demain (pollution de l’air, hausse des températures, fragilité de la ressource en eau, montée des risques climatiques, problématiques d’accès aux soins, isolement et précarité sociale…), nos corps et nos manières de vivre ensemble sont mis à l’épreuve. La santé devient ainsi une question fondamentale de l’aménagement urbain. Comment, dans une ville déjà dense et contrainte, les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ? Entre enquêtes de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte des crises systémiques et soin de l’existant, il s’agit moins de bâtir que de révéler l’invisible et de façonner la ville… sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l’étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé.

 

Cette table-ronde croise le regard des personnalités grenobloises et extérieures :

    • Carine Bonnot est architecte et maîtresse de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes). Ses thématiques de recherche interrogent la production architecturale des Trente glorieuses autour du thème de la Modernité ordinaire. Le patrimoine XXème siècle est au cœur de ses réflexions, et de sa pratique au sein de l’agence SILO à Grenoble, où elle mène des réhabilitations d’équipements publics et de logements collectifs.

    • Marlène Leroux est architecte et chargée d'enseignement en urbanisme à l'Université de Genève. Elle est également partenaire fondatrice de l'agence d'architecture Atelier Archiplein. Elle mène des recherches dans les domaines de l'architecture durable et de l'aménagement du territoire.

    • Nicolas Tixier est professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et chercheur au Cresson (laboratoire AAU). Ses travaux portent sur les démarches d’appréhension des villes et de leur fabrique par les ambiances. Avec Hiba Debouk, il est grand témoin de la démarche Grenoble 2040.

    • Yoann Sportouch est urbaniste et philosophe, fondateur de LDV Studio Urbain, l’agence de conseil en prospective urbaine et en stratégies d’usages au profit de la transformation de la ville. Il est l'auteur de "Pour un urbanisme du care - L'attention à l'autre pour refaire société" publié aux Editions de l'aube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast qui explore les futurs possibles de notre ville.

  • Speaker #1

    Dans cet épisode,

  • Speaker #0

    nous questionnons la fabrique de la ville d'aujourd'hui et celle de demain. Comment dans une ville déjà dense et contrainte,

  • Speaker #1

    les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ?

  • Speaker #0

    Entre enquête de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte les choses qui se passent dans la ville. en compte des crises systémiques et soins de l'existant. Il s'agit moins de bâtir que de révéler l'invisible et de façonner la ville sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l'étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé, que nous vous invitons à découvrir sur le site grenoble.fr. Je m'appelle Nicolas Tixier, je suis enseignant-chercheur à l'école d'architecture et j'ai pu accompagner cette démarche comme grand témoin. Ce soir, je vais à la fois essayer d'être explicatif sur la façon dont on a travaillé, mais surtout de faire réagir nos trois invités à ce travail, et puis aussi à vos questions, à vos remarques que nous prendrons après. Johan Spartouche, vous êtes urbaniste de formation aussi en philosophie, et ça a une certaine importance, puisque une de vos thématiques fortes, c'est la question de la santé, avec un mot en anglais qui s'appelle le... le care, le soin, mais ça recouvre plus que la question du soin. Vous nous expliquerez un petit peu. Vous avez une agence de stratégie urbaine qui s'appelle LDV et vous faites de l'assistance à maîtrise d'ouvrage et de la prospective. Vous connaissez peu Grenoble et donc c'est un regard extérieur à toute cette démarche aussi qui nous intéresse dans vos réactions. Puis nous écouterons Marlène Leroux. Marlène Leroux, vous êtes architecte urbaniste. Vous habitez à Genève, vous co-dirigez un atelier d'architecture et d'urbanisme qui s'appelle Atelier Archipelain. Vous enseignez à l'Université de Genève en urbanisme, mais vous connaissez aussi quand même assez bien Grenoble puisque pendant quelques années vous avez enseigné ici à l'Institut d'urbanisme de Grenoble. Et on dirait que votre spécialité, votre intervention portera d'abord sur... Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, là où la ville existe déjà et pas à partir d'un territoire vide ? Enfin, Karine Bonneau, merci aussi d'être là. Alors là, Karine, vous êtes architecte, mais vous êtes grenobloise et vous connaissez bien la ville. Et vous avez une agence d'architecture avec d'autres collègues qui s'appelle Silo, dans laquelle vous êtes spécialisée sur le patrimoine 20e, le patrimoine alpin. Vous êtes une des contributrices. du guide de l'architecture du XXe siècle de Grenoble. Et d'ailleurs, Johan, j'ai oublié de mentionner votre livre. Je ne sais pas si vous l'avez. On pourra le montrer, un ouvrage sur le Caire. Et ce qui nous intéresse particulièrement là, c'est que Grenoble n'est pas une ville comme les autres, puisqu'elle a été principalement bâtie au XXe siècle avec une architecture de béton. Et donc, faire la ville avec la ville à Grenoble, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose que de la faire... comme on peut le faire dans d'autres villes. Avant de vous passer la parole, on s'est un peu concerté pour l'organisation de la soirée. Je vais commencer par vous expliquer comment on a fabriqué la fresque. Je vais essayer d'être assez rapide. Puis, si vous le voulez bien, on pourra se lever et explorer pendant 5-7 minutes, pas plus, on n'a pas trop le temps, la fresque, parce que certains se souviennent d'arriver, juste pour le plaisir peut-être de rentrer dans des détails. Puis on revient ici pour écouter nos trois intervenants. On essaiera d'être court de façon à favoriser les questions, les prises de parole et les échanges avec nous, mais peut-être aussi des fois entre vous. Alors faire une fresque pour penser le futur, ce n'est pas complètement original, même si l'affaire de cette taille-là est assez rare. Alors elle fait 26 mètres. Et donc Gaëtan Amossé qui a fait ce travail de dessin a vécu plusieurs mois complètement imprégné dans Grenoble. Mais on est battu, on est battu. Certains d'entre vous connaissent sans doute la fresque d'Ambrogio Lorenzetti à Sienne, qui est la fresque du bon et du mauvais gouvernement, qui représente la ville de Sienne à la fois dans son état passé, présent et futur. Et elle fait 34 mètres. Donc on a toujours des modèles... extrêmement intéressant qui nous précède. Mais cette fresque, un peu comme la fresque à Sienne, en fait elle est à 360 degrés. La salle n'étant pas ronde, on ne s'en rend pas forcément compte et pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas vous faire rentrer dans un... Un disque dans lequel on ne pourrait pas sortir facilement. Alors pourquoi ? J'espère que vous arrivez à voir ici. On est parti de la Tour Perret. On est sur les 100 ans de la Tour Perret cette année. Pourquoi ? Parce que la Tour Perret, même si ce n'est pas complètement au centre de Grenoble, depuis le haut de la Tour Perret, on a une vue à 360 degrés incroyable de Grenoble. Et vous connaissez peut-être cette photo qui a été faite en 1925, qui montre tout Grenoble en 1925. à cette époque-là. Cette photo a été refaite en 2021. Et donc, on est parti de cette idée d'attraper des morceaux de quartier qui posent des questions spécifiques et de les assembler entre eux. C'est-à-dire qu'on a, à partir de ce diagnostic dont parlait Margot Bélair, sélectionné 13 formes d'urbanité grenobloise. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas 14 ou 15 ou qu'on n'aurait pas pu en avoir que 11, mais à un moment donné... On s'est dit 13, on commence déjà à toucher une belle variété de quartiers. Cette variété, c'est par exemple des faubourgs denses, comme à Berriat, une école, ici l'école Pain-Levé, la question des copropriétés des années 50 et des années 70, les zones d'activité économique, une dalle à la Ville-Neuve, on a pris la dalle des géants, un ensemble d'équipements publics, le conservatoire, un îlot de faubourg beaucoup plus aéré, comme Bajatière, une place publique parmi d'autres, mais quand même un peu singulière, la place Vaucanson, un îlot du centre-ville, les îlots qu'on pourrait dire haussmanniens du centre-ville, etc. Forcément, il manquera quelques urbanités autres, mais 13, c'est déjà beaucoup. Sur ces 13 urbanités, vous voyez, c'est ce qu'on appelle une coupe baïonnette. C'est-à-dire que ce qui est en noir ici vient se rejoindre. Donc par exemple, là, vous avez une urbanité, la place Vaucanson, que l'on fait toucher de façon artificielle à un îlot du centre-ville et que l'on fait toucher à un îlot sportif, le Jeanbron. Évidemment, dans la vraie ville, on passe par d'autres endroits. Donc si vous marchez ce transect, cette traversée dans la ville, vous allez traverser ces quartiers, mais là l'idée c'est qu'on peut la marcher dans la pièce. C'est pour ça que l'idée d'être à 360 degrés nous plaît beaucoup, on est presque à ce niveau-là. Donc après, une fois qu'on a fait ces sélections-là, on a travaillé à partir des diagnostics. mais à partir aussi de la connaissance qu'avaient les équipes de l'agence d'urbanisme et des agences de la ville, on a travaillé sur une mise en projet à l'horizon 2040. 2040, c'est dans 15 ans. C'est à la fois proche et loin. Proche parce qu'à l'échelle des projets urbains, de la transformation de la ville, 15 ans, c'est pas très loin. Mais en même temps, c'est pas des actions pour demain. Évidemment, on peut imaginer que certaines actions que vous verrez... puissent être engagées bien avant 2040, et d'autres peut-être, si elles ont du sens, plus tard. Donc cette question de la temporalité, c'était l'horizon qui avait été donné en 2020, quand Grenoble était capitale verte européenne. C'est des enfants qui sont nés en 2020 et qui auraient 20 ans en 2040. On peut discuter de la date, mais c'est l'exercice que l'on s'est donné. Et donc ce deuxième exercice de prospective 2040, c'est bien entendu la question du soin, du bien-être. et de la santé. Et on est parti dans ce qu'on pourrait dire un urbanisme du milieu. C'est-à-dire, on est parti de là où les gens vivent, les appartements, les raies de chaussée, les rues, les places publiques, les lieux de travail, les écoles, etc. Et la coupe, telle qu'elle est là, elle nous permet de réhabiliter ce qui souvent ne se voit pas dans les projets urbains ou dans les projets de perspective, c'est-à-dire une dimension verticale et atmosphérique qui permet d'inscrire des usages et du récit. Et donc sur ces coupes, il y a toute une multitude de petits récits qui racontent comment l'espace public pourrait être utilisé, comment les habitats pourraient être partagés, comment des extensions pourraient se faire. Ça va de projets des fois un peu ambitieux, comme par exemple une transformation de la piscine Jean Bront en bassin nordique, à des projets beaucoup plus petits, par exemple se dire, mais non moins ambitieux, et si on réhabilitait les persiennes extérieures qui permettent d'avoir un super ombrage l'été. pour les appartements grenoblois. Aujourd'hui, c'est très difficile de trouver des fabricants de persiennes extérieures, par exemple. Donc, vous allez trouver des choses très petites et des choses de grande échelle dans cette fresque. Et notre dessinateur, Gaëtan Amossé, n'est pas arrivé à la fin du travail pour dessiner ce qu'on a collégialement travaillé dans des ateliers. C'est dès le début, il était avec nous. Et dès le début, il dessinait en direct les situations. Ce qui fait que nous réagissions aussi à son dessin. L'idée, c'est que ce processus-là ne se... n'est pas terminée. Là, on a une première étape, donc elle est montrée. Il y a eu des pas en avant, mais des fois, c'est peut-être pour mieux faire un pas en arrière ou des pas de côté ou augmenter peut-être ce qui est proposé. Et donc, ce que l'on souhaite aussi demain, c'est faire une version augmentée de la fresque. C'est-à-dire non pas une version qui effacerait ce qui est présent, mais qui viendrait par exemple avec une autre couleur, additionnée. Tout ce qui se passe en ce moment dans les ateliers qui ont lieu ici depuis une semaine et ce qui se passera après la période électorale pour les ateliers qui pourraient être publics pour travailler sur la fresque. C'est ce qu'on peut appeler un objet un peu intermédiaire. C'est plus que de l'analyse, mais on n'est pas encore dans du projet complètement fini. Je propose de m'arrêter là, parce que c'est l'explication de comment on a travaillé, pour que vous marchiez la fresque un petit peu. Et on peut se retrouver là dans 5-6 minutes, si vous le voulez, pour écouter nos trois intervenants. Puis après, on vous passera la parole dans un échange. Ce premier tour de table, c'est d'abord pour faire réagir nos trois invités à ce travail. On va commencer par Johan Sportouche. Et justement, voilà ce que j'avais oublié de vous montrer. Il va nous parler de cet urbanisme du Caire. qui est un mot qui revient souvent aujourd'hui dans le langage des urbanistes ou des chercheurs en urbanisme. Donc c'est important que vous nous l'expliquiez parce que si on utilise le mot anglais aujourd'hui, c'est peut-être parce que ça recouvre plusieurs mots en français ou des choses un peu différentes. Et donc, comment vous voyez cette importance d'un urbanisme favorable à la santé et peut-être qu'un urbanisme du caire, c'est encore un petit peu différent ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, l'urbanisme du Caire... Le CAIR en tant que tel est une philosophie qui prend de plus en plus de place aujourd'hui dans nos sociétés, qui s'est largement développée dans les mouvements de l'économie sociale et solidaire notamment, et qui est issue d'une philosophie qui a été conceptualisée par une philosophe qui s'appelle Carol Gilligan aux Etats-Unis dans les années 80, à un moment où l'état-providence était en train de mourir tout simplement, au moment où en fait il y a la présidence... Reagan qui est rentré en jeu. Et donc il y a eu comme ça un mouvement féministe qui s'est constitué, qui avait besoin d'une pensée support. Et c'est à travers en fait l'éthique du care que cette pensée, ces mouvements se sont développés. Je commence souvent par ça parce qu'en fait c'est quelque chose qui me semble assez fondamental. Aujourd'hui dans la société dans laquelle on vit, il y a eu un rapport qui est sorti pas plus tard qu'aujourd'hui, ou c'était peut-être hier, qui rappelait que Entre le 17 et le 18 août dernier, il y a 2157 enfants qui ont dormi dans la rue cet été. C'est déjà une première chose, quelque part la preuve qu'on vit une crise sociale aujourd'hui en France. En novembre dernier, le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, sortait un rapport qui s'appelle le rapport sur l'état de la France. et qui disait que ce rapport venait prouver qu'en fait il existe une personne sur quatre en France qui considère que la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. J'irai encore un peu plus loin, il y a une personne sur deux qui considère qu'aujourd'hui en France, pour résoudre les problèmes de sécurité et d'ordre, il faudrait un État autoritaire. Donc on est dans une crise démocratique, je le crois. À côté de ça, aujourd'hui il y a une personne sur deux en France qui déclare, toujours dans ce même rapport du conseil économique, social et environnemental, ne pas avoir assez de ressources pour survenir à ses besoins essentiels. Donc on est dans une crise, quelque part, sociale et économique. Et enfin, je pourrais continuer comme ça, mais je ne vais pas trop plomber l'ambiance, c'est qu'il y a une personne sur quatre en France qui considère que son sentiment d'appartenance à la société française n'existe pas. Ils ne sont pas français. Tout ça vient dire qu'on est dans une espèce de conjonction de crise. Nous, en tant que professionnels de la fabrique urbaine, quand on travaille, souvent on nous demande de répondre à une commande. Et bien souvent, on nous dit qu'aujourd'hui, ce serait bien de s'intéresser sur cette parcelle-là précisément, à la ville à hauteur d'enfants. où on va s'intéresser plus... précisément aux seniors, où on va s'intéresser plus précisément à mettre le curseur sur la problématique environnementale. Et en fait, à un moment donné, moi ça fait huit ans que j'ai monté mon agence, j'ai eu le sentiment de devenir un peu schizophrène et de me dire en fait, je refuse ça en fait, j'en ai un peu assez, de devoir tout le temps gérer une petite partie du problème. Et donc, c'est assez intéressant de voir cette fresque, mais j'en parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on est dans une problématique, finalement, dans une manière de traiter l'ensemble des enjeux qui traversent nos villes aujourd'hui, et pas que nos villes aussi, nos villages, nos territoires ruraux, à travers quelque chose d'assez global. À côté de ça, il y a beaucoup d'approches que je considère être des formes d'urbanisme ou d'architecture, c'est-à-dire des professionnels. de la fabrique urbaine qui s'engagent. Qui s'engagent à traiter ce type de problématiques que j'ai citées tout à l'heure. Donc, ces dix dernières années, on a vu apparaître notamment des concepts comme la ville inclusive. C'est-à-dire qu'une ville qui va, à un moment donné, s'intéresser à beaucoup plus faire participer les habitants. Beaucoup plus faire participer les habitants, notamment qui sont en marge de la société. Des personnes qui sont atteintes de handicap, par exemple. des personnes, tout simplement des femmes qui sont quelque part, ça a été prouvé assez peu présent, trop peu présent peut-être dans certains espaces publics. D'autres approches se sont développées, comme l'urbanisme circulaire, qui propose de reconstruire la ville sur la ville à partir de l'existant, notamment. C'est-à-dire que chaque... On parlera de la réhabilitation tout à l'heure, mais chaque processus de réhabilitation va se servir de ce qui existe et potentiellement des déchets, c'est-à-dire de... d'une certaine forme de déconstruction pour reconstruire la ville à partir de ça, qu'on appelle l'urbanisme circulaire, qui travaille notamment sur les friches urbaines, plutôt que de continuer l'étalement urbain. Il y a d'autres urbanismes qui sont développés, comme l'urbanisme, j'en ai parlé tout à l'heure, la ville à hauteur d'enfance, c'est-à-dire qu'en fait on se rend compte qu'aujourd'hui, l'urbanisme, la manière dont sont construites nos villes, quelque part exclut un peu les enfants, parce que le tout voiture, forcément, ça limite. la possibilité à nos enfants de courir tout simplement dans les rues. Tout ça pour dire que il y a toutes ces formes d'urbanisme qui se développent et en même temps, à côté de ça, on voit encore se développer des projets qui sont complètement à côté de la plaque, j'ai envie de dire. Comme par exemple, c'était en octobre dernier, qui a été inauguré à Nanterre, c'est 120 000 m² de bureaux qui se sont développés, qui ont été inaugurés par Emmanuel Macron. Alors Nanterre, pour vous rappeler, C'est le foyer des dernières émeutes urbaines. C'est Naël, c'est tout ça. Et on est dans un espace qui est extrêmement durable, extrêmement écologique. Pour le coup, les bureaux sont au top du top de ce qu'on peut faire en termes de bioclimatisme, en termes de tout ce qu'on veut, en termes d'environnement. Néanmoins, on est dans une déconnexion totale par rapport au contexte dans lequel c'est implanté. Non seulement par rapport au contexte géographique, mais encore plus. du contexte en termes de tendance. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on fait de plus en plus de télétravail. Alors il y a une petite baisse, mais on fait de plus en plus de télétravail. Moi, je fais trois jours de télétravail. Et donc, dans un contexte comme celui-ci, on se dit, tiens, on va faire construire 120 000 m² de bureaux. Et donc tout ça pour dire qu'à travers tous ces urbanismes engagés qui se sont développés, et à travers cette déconnexion, je crois qu'à un moment donné, il nous faut quelque part un chemin, ou plutôt trouver quelque chose de commun. à ces urbanismes engagés pour pouvoir non plus agir de manière en silo, de manière parcellaire, mais plutôt proposer un autre chemin que celui que je viens de décrire, là en l'occurrence où on se propose de construire 120 000 m² de bureaux à l'inter. Ah oui, parce que je ne vous l'ai pas dit, sur ces 120 000 m² de bureaux, vous savez combien en sont occupés aujourd'hui ? Bon, je vais vous le dire, c'est 19 000 m² de bureaux qui sont occupés. 19 000 m² sur 120 000. Au moment de l'inauguration, il n'y en avait que 9000 qui étaient occupés. On peut parler vraiment de gâchis total. Tout ça pour dire que, quelque part, à un moment donné, il nous fallait, et moi c'était le sentiment, le besoin que j'avais, face à ces différentes urbanismes engagés, j'avais envie de trouver un espèce de dénominateur commun dont on a besoin aujourd'hui pour gérer l'ensemble des crises, pour faire en sorte que le projet urbain devienne une opportunité de répondre à ces crises que l'on traverse. Et donc, quelque part, c'est là que je suis allé chercher l'éthique du care. Parce qu'au centre de l'éthique du care, il y a deux concepts qui sont fondamentaux. C'est la question de la vulnérabilité en tant que modèle de vulnérabilité. Il ne s'agit pas de s'intéresser uniquement aux pauvres. Ce n'est pas ça que je suis en train de dire, même si c'est essentiel, je le pense. Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, il s'agit de se dire en tant qu'urbaniste, en tant que professionnel de la fabrique urbaine, l'ensemble des choix que l'on va faire va non plus se porter sur Le développement économique des territoires, l'attractivité des territoires, ce qui a été le cas pendant des dizaines et des dizaines d'années, en gros l'offre. l'urbanisme de l'offre, mais finalement, le choix que l'on doit faire doit pouvoir résoudre effectivement les vulnérabilités, mais ne pas impacter, ne pas renforcer les vulnérabilités qui existent dans nos territoires. Parce que ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est que toutes ces crises-là, elles sont en lien. C'est-à-dire qu'en fait, le Conseil économique, social et environnemental vient nous dire que la trop grande présence des inégalités en France... a un impact direct sur la confiance que l'on a en la démocratie. Et donc, tout cela pour dire qu'il est urgent d'avoir une vision globale et je crois que la dimension des vulnérabilités, la recherche de solutions pour répondre à ces vulnérabilités, en est une. Et cette démarche-là, et je terminerai là-dessus, d'un urbanisme favorable à la santé, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec le terme de santé, parce qu'effectivement, Quand on pense santé, on pense souvent au sens médical du terme. Je parlerais plutôt de santé collective. Et c'est pour ça que je suis allé chercher l'éthique du CAIR, parce qu'il y a une dimension un peu globale. Et je pense qu'il est urgent aujourd'hui d'avoir cette vision là dans la fabrique urbaine.

  • Speaker #0

    Merci. Si je retiens trois choses, c'est qu'un, on ne peut plus faire la ville comme on la faisait avant, que ce soit en planification ou en programmation, puisque toute programmation est presque vouée à... à être fausse au moment où le bâtiment va sortir, où la ville va sortir. Voilà, le monde d'incertitude. Deuxièmement, évidemment, bien entendu, vous l'avez rappelé, les inégalités sociales et la crise écologique. Et puis, la troisième chose, c'est cette approche holistique. C'est-à-dire, en fait, comment on arrive à essayer de ne pas sectoriser les problèmes. Parce que dans la vie de tous les jours, on est soi, on est une personne, on n'est pas divisé en sujets. Marlène Leroux, vous avez l'expérience de différentes villes sur la fabrique urbaine, vous avez travaillé à l'évolution de certains quartiers en France, en Suisse. Comment voyez-vous cette crise aujourd'hui de la planification, de la programmation ? Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, alors que c'est un mot d'ordre qui est présent depuis longtemps ? Mais là, aujourd'hui, Grenoble, l'expression est classique, la cuvette est pleine. On a quand même très peu de projets à bâtir. Et je m'avance juste sur un point, quand on a fait des ateliers avec un master qui travaillait en maîtrise d'ouvrage sur la question de la promotion immobilière, etc. Une étudiante nous a dit, mais où est-ce qu'on va travailler nous, puisqu'il n'y a plus de terrain à bâtir ? Et donc, comment est-ce que les différents métiers voient aussi différemment leur propre métier pour apprendre à faire la ville sur la ville ?

  • Speaker #2

    Bonsoir tout le monde. En fait, l'une des formes de réponse que l'on pourrait avoir à cette idée-là, mais finalement, comment on met en œuvre cette idée incroyablement nécessaire de refaire la ville sur la ville ? Finalement, le travail qu'on a sous les yeux aujourd'hui, au niveau de l'objectif, on ne va pas encore parler de la forme, je pense que c'est une des formes de la réponse, parce que finalement, il s'agit d'une forme de recensement pluridisciplinaire d'un État actuel, mais aussi d'une projection future qu'est-ce que j'ai pour de vrai, avant de dire je ne peux plus rien faire. Et donc cette nécessité de prendre un petit temps, d'être capable de révéler les potentiels invisibles, c'est peut-être ça la nouvelle forme de qu'est-ce qu'être un architecte aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un urbaniste aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un géographe aujourd'hui, c'est de se dire finalement, d'avoir une certaine forme de courage de la nuance, et de ne pas se dire ce n'est plus possible de... mais c'est de se dire comment est-ce que je vais révéler des choses qui ne paraissent pas complètement possibles. Pour être un petit peu moins abstraite, je vais vous donner par exemple un exemple qui est assez facile à vous expliquer sans PowerPoint. J'habite à Genève, il y a un énorme quartier qui s'appelle le PAV, Prae Acacia Vernet. C'est à peu près, je crois, un cinquième du territoire de Genève qui était, fut un temps, une zone industrielle. Très bien. Pour faire une belle zone industrielle, on a fait des... beaux bâtiments, des beaux bâtiments pour faire tout un tas de choses industrielles, des hangars et compagnie. On a fait venir le train. Il y avait quelque chose qui nous dérangeait énormément dans ce territoire, c'était qu'il y avait une rivière qui passait par là. À l'époque, la bonne idée, c'était de se dire on va canaliser cette rivière, l'enterrer comme ça, elle n'a plus nous embêter. On va pouvoir faire passer la route par-dessus. À l'époque, c'était l'idée géniale. Mais quand on a fait ça, on s'est directement coupé de tous les services écosystémiques que rendait cette rivière, la fraîcheur. le plaisir, le bien-être, le désir de nature, les poissons, les coléoptères et compagnie. Et donc, ce qui est en train de se faire dans ce territoire, après des années de diagnostics et de recherches de quels sont les potentiels littéralement invisibles, c'est-à-dire cette rivière que l'on ne voyait pas, il y a un énorme projet où on est en train de refaire... faire sortir la drise de sa canalisation. Et bien là, les étudiants, les ingénieurs environnement, les étudiants en urbanisme, tout à coup, bam, ils ont un potentiel qui n'existait littéralement plus et qu'on a fait redécouvrir. Et bien finalement, pour répondre à une forme de cette démarche-là, construire la ville sur la ville, c'est être capable de voir ce qui nous paraît absolument invisible. Et pour faire ça, on est obligé de porter les lunettes de toutes les disciplines. Parce qu'individuellement, on n'est pas capable de croiser l'ensemble de ces potentiels. Parce que justement, à la différence de cette magnifique fresque du bon et du mauvais gouvernement que je vous conseille tous d'aller voir en Italie, c'est qu'on arrivait à une certaine époque quand les choses étaient simples. Il y avait les méchants, les gentils, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres. Tout était simple parce qu'on ne laissait pas la parole à ceux qu'on ne voulait pas écouter. Et ce brave monsieur... Il en lui a dit, bon, tu fais le bon, le mauvais, et puis au milieu, tu mets le gouvernement qu'il faut élire. C'est quand même pas compliqué. Et il l'a fait de manière extrêmement caricaturale. Le problème, c'est que maintenant, on est à une époque où on écoute les gens, à une époque où on prend soin des gens, et à une époque où les choses sont bien plus complexes qu'à l'époque de Lorenzo Etti. Je n'ai jamais essayé de dire ce nom. Donc, construire la ville sur la ville, quelque part, c'est une certaine forme de courage, d'une nuance. et donc d'être capable de travailler avec des choses qui ne fonctionnent pas ensemble. Et donc je dis à tous mes étudiants en urbanisme, votre métier est de faire l'impossible, c'est-à-dire d'être capable de faire des choses là où tout le monde s'est dit que ce n'est pas possible de le faire. Donc c'est hyper excitant. Donc ton étudiante de master qui était hyper inquiète parce qu'il n'y avait plus de terrain à bâtir au fin fond d'une campagne, mais en fait il faut qu'elle comprenne à quel point son métier va être bien plus rigolo d'aller mettre d'accord des gens qui sont... absolument pas d'accord autour de la table, de faire des choses que les ingénieurs civils vont dire que ce n'est pas possible, personne ne va dire que c'est possible, et le jour où elle va y arriver, elle sera d'autant plus heureuse que juste faire un immeuble de cinq étages avec une isolation périphérique hyper ennuyante. Donc, ils sont là, les potentiels. Et donc, j'imagine que quand on fait ce genre de travail-là, on a une espèce, comme a été dit à l'introduction, il y a une espèce de désirabilité et de... de nouvelles excitations, des potentiels qui viennent d'être révélés et qu'on a très envie de poursuivre.

  • Speaker #0

    Merci. Là aussi, je retiens deux choses qui peuvent être discutées par la suite. La première, même si ça peut paraître évident aujourd'hui, mais la nécessité d'enquêter, enquêter les lieux pour aller voir quelles sont leurs ressources, quelles sont les choses cachées, les choses oubliées, les potentiels. Bref, enquêter. Ça paraît rien, mais c'est beaucoup. L'urbanisme ne se fait pas autour d'une table, que sur des plans. Il se fait les pieds dans les terrains. Et la deuxième chose... C'est que la complexité du monde actuel nous oblige peut-être à fabriquer des nouvelles alliances, des nouvelles façons de faire ville ensemble, que ce soit à de toutes petites échelles, quand on décide de partager des usages, ou des bâtiments, ou des raies de chaussée, etc., ou à des échelles un peu plus grandes, à l'échelle de la ville. Et donc fabriquer des nouvelles alliances, c'est souvent mettre à mal là aussi les façons de gouverner, et quand je dis gouverner, c'est autant une ville. qu'une copropriété ou qu'une métropole, etc. C'est vraiment la façon dont on peut faire ville ensemble par des nouvelles contractualisations, des nouvelles alliances. Mais Grenoble est une terre spécifique. D'abord, c'est une ville de montagne, plus ou moins, puisqu'on a 220 mètres d'altitude. Une ville plate, on est dans la plaine. Le béton a vraiment été une caractéristique très... très importante évidemment du développement de Grenoble, mais aussi de sa fabrique, de son extension au XXe siècle. Et donc faire la ville sur la ville à Grenoble, c'est forcément faire la ville avec cette caractéristique-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on voit un peu toutes les échelles, un contexte général, la ville. Et puis peut-être, moi, je peux plus vous parler des édifices, les édifices grenoblois. Donc c'est vrai qu'on connaît Grenoble comme étant une ville de béton. Tout le monde a vu le chantier récent de rénovation de la Tour Perret. et toutes les dynamiques que ça a activées autour de la question du patrimoine béton, les spécificités de notre territoire, où on a développé un matériau qui a été un peu un outil pour le développement de l'architecture moderne, cette architecture du XXe siècle. Et c'est vrai qu'à Grenoble, on a beaucoup d'édifices, et ce qui est très frappant. Dans votre fresque, c'est que tous les existants que vous avez représentés sont quasiment de la ville du XXe. Avec les typologies de classement dans vos 13 situations, en fait, on a une ville assez jeune finalement. Et Grenoble a cette spécificité. Alors, c'est une période de l'histoire d'architecture qui est difficile à aimer. La ville, depuis qu'elle est ville et pays d'art et d'histoire... beaucoup développé d'activités pédagogiques, d'informations. Il y a une valorisation assez importante. Il y a des labels aussi qui existent, mais il y a aussi beaucoup de bâtiments qui sont assez méconnus. Et lorsqu'on a travaillé sur le guide d'inventaire de Grenoble au XXe siècle, on avait repéré environ 800 bâtiments. Puis après, la liste a été réduite à 500. Finalement, le livre présente 100 objets. et ce qui était frappant dans des édifices. Il y en a qui sont représentés par Gaëtan, le dessinateur qui a travaillé sur la fresque. Ce qui était frappant, c'est qu'ils avaient tous une qualité constructive réalisée par des équipes multidisciplinaires, architectes, ingénieurs, des ingénieurs qui étaient beaucoup dans l'innovation sur les structures. Ensuite, des entreprises qui mettaient en œuvre des des exécutions assez exemplaires, et puis des bétons. avec des qualités, souvent des recettes surdosées. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de bâtiments assez costauds, des refents qui sont plus épais qu'ailleurs à Grenoble, des bâtiments qui ont aussi servi de modèle pour construire en montagne, pour construire dans des sites un peu plus contraints, notamment avec le climat et la pente. Donc Grenoble a été un berceau d'innovation avec des savoir-faire qu'aujourd'hui on va souvent rapidement... d'écrire comme des passoires thermiques. Alors bien sûr, il y a les questions de thermique, mais il y a aussi une manière de voir ces bâtiments comme des ressources, comme des espaces capables d'accueillir d'autres programmes, d'être surélevés. Il y a beaucoup, beaucoup de dessins. Donc en bleu, ce sont les existants. En rouge, les interventions possibles, les rêves, les propositions. La question de la surélévation est très intéressante. Elle a été développée à Grenoble depuis la fin du XIXe siècle sur beaucoup d'édifices. grâce... aux matériaux de base. Et quand on sait aujourd'hui, tu parlais de crise multicrise, quand on sait qu'une des crises est aussi celle qui concerne les ressources, on n'a plus de sable pour construire des ciments, des ciments aussi costauds que dans nos années 60 et tout ce qu'a développé la ville olympique notamment. On peut se dire que prendre soin, c'est aussi prendre soin des édifices, de les réhabiliter. Et l'enquête, dans ce cas-là, est très importante. La phase de diagnostic, de redécouvrir comment ça a été fait pour ne pas tout gommer, ou ne pas tout mettre à la poubelle ou démolir. Donc la ville de Grenoble, je pense, a encore plus intérêt et a plus de défis face à ces réhabilitations. qui sont une des solutions pour arriver à construire dans une cuvette un peu contrainte et en même temps majoritairement très bien construite.

  • Speaker #0

    Merci. C'est vrai que cette question de l'héritage, en fait, pour faire la ville, c'est à la fois quelque chose que l'on peut voir de façon subie, mais c'est aussi quelque chose qu'on peut voir de façon choisie. Et au contraire, continuer une histoire qui fait le lien entre hier, aujourd'hui, demain. Ça m'amène un tout petit peu à aborder déjà la deuxième partie de vos interventions, et après ça sera à vous la parole. La deuxième partie, je voudrais qu'on la porte plus sur la fresque même. Souvent, quand on fait de la prospective, il peut y avoir deux tendances caricaturales. La première qui serait une prédiction programmatique. Demain, le monde sera comme ça. Il faut qu'il soit comme ça. L'autre, c'est l'imaginaire utopique ou dystopique. Il y avait Jean-Pierre Andrevon qui était là tout à l'heure. L'imaginaire n'est pas toujours utopique, il peut être aussi dystopique. Et donc, comment trouver une voie au milieu qui n'est pas uniquement une prédiction certaine de ce que devrait être la ville de façon certaine, et ni non plus des rêves dont on sait par avance qu'ils sont inaccessibles, mais des lignes de direction qu'on essaye d'incarner là par du dessin. Souvent, quand on fait la prospective, c'est souvent des phrases, des mots, des enjeux, des tableaux, de critères qu'il ne faut pas rater, il faut faire attention à ça, à ça, etc. Mais il y a quelque chose qui disparaît souvent, c'est les formes, les formes urbaines. Et dans les formes urbaines, il y a la question de l'air, de l'eau, du sol, du végétal, et puis, bien entendu, la question des usages, que ce soit les usages pour tous les âges. Et avec Gaëtan, il s'est beaucoup amusé aussi, bien entendu. à représenter le monde animal à l'intérieur de cette ville. Alors peut-être que là, c'est intéressant que vous nous ayez dit à se dire mais cet exercice qui a été tenté, qui est depuis peu dans le débat public et qui aura, j'espère, d'autres, on a dit, d'autres qui vont être complétés, ça a des avantages mais ça a sans doute des limites. C'est-à-dire qu'en fait ce n'est pas un outil, la fraise, qui va remplacer le reste. Voilà, ça m'intéresserait peut-être de discuter d'intérêts, limites, difficultés que vous y voyez, aussi à travailler à la fois en coupe verticale avec une fresque dessinée comme ça.

  • Speaker #2

    Moi, ce que je trouve assez intéressant dans cette fresque, effectivement, c'est déjà que ce n'est pas un projet. L'agence que j'ai développée, en grande partie, on fait de la concertation, on travaille avec les habitants depuis un certain nombre d'années. Bien souvent, la plupart du temps, le projet urbain, enfin du moins la concertation qui est faite aujourd'hui, c'est-à-dire le fait d'aller chercher la vie des habitants, se fait à partir d'un projet qui est déjà en tête pour les élus. Alors peut-être qu'à Grenoble c'est différent, mais en l'occurrence, de manière assez générale, il y a quelque chose de cet ordre-là qui se fait. Et c'est vrai que dès lors que le projet est là, l'imaginaire quelque part est d'autant plus bridé, mais surtout le pouvoir d'agir. c'est-à-dire la possibilité de donner aux habitants d'être acteurs, de valoriser leur place dans la société, de valoriser leur place dans la démocratie. Je parlais tout à l'heure de crise démocratique. Et bien tout ça, ça disparaît avec une concertation qui est faite de la manière dont elle est faite aujourd'hui, c'est-à-dire la concertation qu'on appelle réglementaire. Et donc là, on a quelque chose de différent. On a effectivement un côté très prospectif à travers quelque chose de dessiné. qui a été réalisé avec des personnes, un personnel notamment de la ville et d'autres.

  • Speaker #0

    Chaque situation, il est travaillé au moins par 7, 8, 10 personnes autour de la table. Pas simultanément tout le temps, mais...

  • Speaker #2

    Et du coup, il y a quelque part une certaine forme d'objectivation des besoins qui a été faite en même temps. Et ce que je trouve assez intéressant, c'est que, en tout cas, ce que je considère nécessaire, il faut que les habitants puissent réagir par rapport à ça demain, je pense. Parce qu'il faut confronter quelque part cette vision. qui est effectivement très prospective, qui a été basée sur une analyse des besoins d'aujourd'hui, mais en même temps, une analyse aussi des besoins futurs. Et donc, quelque part, il y a eu comme ça des idées qui ont émergé à partir des besoins que l'on a aujourd'hui. Mais en même temps, il faut quelque part aussi mettre cette fresque à l'épreuve des usages. c'est-à-dire à l'épreuve des usages d'aujourd'hui, à l'épreuve des situations réelles, de ces situations que vivent les habitants, que ce soit par exemple sur un centre-ville, que ce soit sur une place, que ce soit en faisant du sport, etc. Et donc je pense que c'est ça la prochaine étape, c'est comment on confronte, et quelque part en fait on en fait un outil, parce que je crois que c'est ça dans lequel il faut arriver, pour renouveler quelque part notre rapport à la démocratie et renouveler la démocratie. Je pense qu'il faut faire de la démocratie en continu, en fait. Il faut arrêter, enfin du moins, il faut continuer les élections évidemment, mais il faut arrêter de fonctionner uniquement sur un processus où on a la démocratie, c'est on vote tous les deux ans. Non, en fait, la démocratie, ça doit être de la démocratie en continu. Et cette base de travail que vous avez fait là peut être un outil, quelque part, pour aller chercher, aller vers les habitants, aller questionner, aller chercher leur avis. leur donner une place dans la société, leur donner une place dans le projet municipal. Je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre-là, en tout cas, qu'il s'agit de réaliser maintenant.

  • Speaker #3

    Je vais faire comme quand je fais les critiques de projet avec les étudiants. Je commence par tout ce qui est très bien, puis après, il y aura un mais. Je préfère prévenir. Alors, en préambule, parce que j'ai peur d'oublier, pour moi, un des éléments les plus importants de ce travail de fresque, c'est qu'elle est très belle. Et ça paraît complètement idiot de commencer comme ça, parce qu'on pourrait dire « Oh là là, il y a des trucs beaucoup plus graves sur Terre que la question de la beauté » , et puis en fait, non. Finalement, au fond, quand on n'aura plus rien, ce qui est beau, c'est presque ce qu'il y a de plus nécessaire et d'indispensable. Donc le fait que cette fesque soit indéniablement belle, je pense que c'est une de ses qualités absolument principales, parce que ça s'est fait plaisir, que c'est agréable, que c'est désirable, et qu'on a besoin de ça. Donc ça, pour moi, c'est la première. Après, d'un point de vue beaucoup plus technique, ce que je trouve vraiment le plus pertinent dans ce travail de fresque, c'est qu'elle fasse fi des échelles. C'est qu'on se rend bien compte qu'au fond, pour représenter une ville, peu importent les échelles, parce qu'on se trompe dans cette systématique d'avoir un plan avec des échelles. Elle biaise totalement la réalité de la perception du territoire, parce qu'au fond, au moment où on va voir la cathédrale ou le théâtre bidule, Au fond, peu importe le temps qu'on va avoir pour ne pas courir, parce que notre cerveau est déjà là-bas. Et donc, dans ce travail-là, tout à coup, on se rend compte qu'on va faire des ruptures d'échelle par des ruptures de désir. Je désire voir le mont, machin, chose que je ne connais pas. Mais tout à coup, on voit bien que ce n'est pas très grave si je dois faire deux zigzags parce qu'en fait, je le vois. Et ça, c'est vraiment une qualité incroyable de ce travail de rupture d'échelle. Et ces trous que vous avez faits parce que finalement, on n'a pas envie de tout montrer. c'est là que je vois un potentiel incroyable, parce que ce que ça nous dit, c'est, au fond, de manière arbitraire, ou peut-être pas tant que ça, mais enfin, moi, comme je ne connais pas, admettons, je pourrais dire que c'est arbitraire, c'est de dire, en fait, de cette fresque-là, tout est encore à faire, parce qu'il y a encore ces trous qui peuvent encore rentrer dans un certain détail. Et en fait, ce que ces trous disent, c'est, peu importe ce que j'ai dessiné pour de vrai, ici, parce qu'en fait, je vous montre que je n'ai pas tout dessiné, et que je vous montre qu'il y a encore... de partout des potentiels d'analyse et de recensement. Et donc, je trouve qu'il y a une très grande valeur à ces vides. Ça, c'est la deuxième grande qualité. Et c'est quelque chose qui me pose beaucoup de problèmes quand on fait des analyses, des diagnostics, c'est qu'on est face systématiquement à ces « power points » où il y a quelqu'un qui te parle et qui zappe et qui zappe alors que toi, tu n'as pas envie de l'écouter, que tu as envie de regarder une image plus longtemps. La personne t'impose le rythme de réflexion en zappant. Et là, finalement, peut-être je vous parle, en fait, vous regardez autre chose et votre cerveau continue à écouter, enfin, j'espère un petit peu, mais en tout cas, vous pouvez regarder ailleurs. Et cette coprésence d'éléments permet tout à coup de créer une narration individuelle qui n'est pas possible quand on sectionne en permanence les types d'informations. Donc ça, pour moi, c'est vraiment une grande réussite de la fresque. Et après, il y a un élément, le mai, mais ça, c'est juste pour en parler. Parce qu'en fait, tu m'as présenté comme urbaniste, mais en fait, au fond, je réalise qu'au fond, je suis quand même vraiment architecte et je m'excuse de ça. Je fais tout pour aller vers la géographie et l'urbanisme, mais je suis architecte. Et donc, tout à l'heure, vous nous avez demandé quelle pourrait être la suite. Eh bien moi, en fait, j'aurais presque envie qu'à chaque fois qu'il y a un élément bâti qui a été dessiné, il soit en blanc. Pour qu'en fait, au fond, le potentiel d'usage ne soit pas forcément... dessinée, territorialisée, pour qu'il y ait tout un univers de projections sur ce qui pourrait être, d'un point de vue territorial, au-delà des potentiels d'usage. Parce que tout à l'heure, j'ai mis le doigt sur une petite toiture, et... En fait, cette petite toiture, peut-être qu'elle ne devrait pas être dessinée comme ça. Et c'est normal parce que ce monsieur Gaëtan, il n'a pas été mandaté pour dessiner 60 000 toitures, qu'il n'est pas architecte du patrimoine, qu'il n'a pas... Bref, la suite, ce serait de laisser encore la liberté de ne pas forcément dessiner le territoire. Voilà, il est gentil.

  • Speaker #0

    C'est un éloge de l'incomplétude pour le projet et que la vie n'en est jamais finie en plus.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur aussi le dessin en coupe, c'est-à-dire que la particularité de cette fresque, c'est que c'est une fiction. On ne voit jamais en coupe. C'est l'intérieur finalement d'un plan de face qu'on n'a jamais. Donc ça, c'est très intéressant de nous le montrer. Nicolas, tu es quand même beaucoup habitué à travailler le transect et l'idée de traverser avec des lectures très complètes. du haut de la montagne, d'un sommet, puis après on repasse dans des creux, puis on traverse des routes, des autoroutes. Et Grenoble a cette morphologie qui fait qu'on ne peut la lire qu'en coupe pour bien la comprendre, à la fois dans ses fonctionnements d'air, de climat, à la fois dans ses perceptions visuelles. Et puis il y a beaucoup de quartiers, j'ai parlé de la ville moderne, mais la ville moderne, elle se lit aussi en coupe quand vous allez à la ville neuve. La galerie de l'Arlequin n'est pas représentée en coupe, on ne peut pas comprendre qu'on peut la traverser, l'allonger. Pareil pour les quais de l'Isère. Donc c'est vrai que je trouve que le choix de la coupe est vraiment ambitieux parce que c'est très difficile de penser en coupe. Et puis on peut aussi, dans la suite de ce que tu dis, voir vraiment les vertus du dessin, c'est-à-dire qu'on ne bloque pas des images. Aujourd'hui, on a beaucoup tendance à avoir des images 3D, des représentations très propres dans les concours. Le dessin revient, pourquoi ? Parce qu'en fait, il ouvre et il permet de ne pas fermer les imaginaires. Et à l'école d'architecture, si on veut synthétiser, on a quand même 90% aujourd'hui des diplômes d'architecture qui sont effectués sur des bâtiments existants, avec un retour au dessin important, parce que l'existant impose de revenir sur une enquête, de redessiner des plans d'archives et quand on a de l'irrégularité dans du vernaculaire ou dans l'existant, en fait la main le représente parfois mieux que l'ordinateur. Et toujours dans la catégorie des diplômes, on a aussi un retour au dessin à 50-60% ou de l'hybridation, un mélange d'outils parce qu'on se rend compte que ben c'est On cherche à nous donner des spécialités, le BIM, le tableau Excel, et qu'en fait le dessin laisse plus de possibilités et attire de nouveau une génération qui, pour ma part, il y a une vingtaine d'années, on avait un peu plus abandonné. Et donc on a des retours qui sont assez intéressants à observer aussi. J'imagine que vous le voyez dans les médias tous.

  • Speaker #0

    Merci, c'est le moment où je vais vous passer la parole, mais comme vous avez été peu critique, je vais oser faire...

  • Speaker #2

    deux trois critiques ah oui vas-y vas-y c'est à la fois une critique et à la fois effectivement quelque chose d'assez d'assez flatteur que je vais dire en fait ce qui est assez intéressant dans cette fresque bon là c'est un peu différent parce que du coup elle est affichée de cette manière là mais quand elle est affichée en cirque en cercle on a quelque chose de l'ordre de la continuité qui est intéressant et en fait ce que ça vient introduire c'est que, et c'est là que je pense qu'il y a peut-être quelque chose encore à améliorer, c'est que la ville est un système, la terre est un système, finalement nos sociétés sont des systèmes. Et lorsqu'il y a trop de vulnérabilité dans un système, c'est là qu'en fait à un moment donné le système commence à vaciller, commence à être plus système justement. Et donc, quelque part, à l'image de cette image, quelque part, vient nous apprendre qu'il faut concevoir la ville et la manière de produire la ville comme un système d'interdépendance. Et quelque part, en fait, cette fresque nous permet ça, mais je pense qu'on pourrait aller encore un peu plus loin. Parce que finalement, entre les différents îlots qui sont représentés, il peut y avoir aussi des interdépendances. Entre l'îlot du centre-ville et l'îlot sportif. il peut potentiellement y avoir des interdépendances qui peuvent être dessinées. Et je crois que c'est ça dont on a besoin aussi aujourd'hui. Ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est qu'au sein de l'éthique du care, il y a ce premier principe qu'on appelle la vulnérabilité et la recherche d'un modèle de vulnérabilité dans notre manière de faire société. Mais pour y parvenir, quelque part, il faut être en capacité de rechercher ces interdépendances pour répondre à ces vulnérabilités. parce qu'on considère... que tous et toutes, à un moment donné, on peut être touché par la vulnérabilité. Tout simplement parce qu'on peut être touché par la maladie, on peut perdre son emploi, on peut faire un burn-out, on peut perdre un parent. Et quelque part, ça nous rend vulnérables, même si on ne l'était pas auparavant. Et la recherche d'interdépendance, c'est cette idée de dire que eh bien, on doit être en capacité de répondre aussi à ces vulnérabilités éphémères ou durables qui existent dans nos sociétés. Parce que demain, potentiellement, c'est nous qui nous serons vulnérables. Et donc, je crois que c'est aussi ça qui peut être représenté dans cette fresque.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une fresque qui pose des questions aussi, pas uniquement qui propose des évolutions. Deux micro-critiques que j'ai senties lorsqu'on travaillait. Comment est-ce qu'on passe à l'échelle métropolitaine ? Comment est-ce qu'on passe à l'échelle ? des interdépendances, des collaborations, du multicentrisme. Et ça, c'est une question très intéressante. Comment le dessin permet de travailler encore une autre échelle, qui est l'échelle territoriale, autrement évidemment que par la puissance des montagnes qui nous entourent. Et la deuxième critique qui nous a été faite, ce n'est pas une critique vraiment, mais c'est une vraie interrogation, pendant la Biennale en particulier par les gens, c'est en disant, oui, mais comment on met en œuvre ça ? Comment est-ce que la fresque questionne aussi les modalités peut-être de mise en œuvre ou les difficultés de mise en œuvre ? Et donc peut-être que la fresque pourrait être des fois plus questionnante et pas uniquement projectuelle. Mais il nous faut clore, donc la fresque elle ne s'arrête pas là et je trouve qu'une grande partie de vos remarques nous poussent à expérimenter d'autres dimensions dans la fresque, que ce soit les dimensions humaines ou métropolitaines. ou du monde du travail. Je voudrais remercier nos trois invités, parce que ce n'est pas facile pour Johan particulièrement de venir parler à partir d'une fraise qui nous imprègne de Grenoble, du Caire. Marlène, merci aussi d'être venue de Genève pour faire ce va-et-vient que tu as longtemps fait quand tu enseignais ici. Et Karine, qui continue de travailler sur l'urbanisme et l'architecture grenobloise. Merci de votre présence. Je remercie aussi l'équipe d'élus qui nous a accompagnés, et ce n'est pas fini, dans ce projet depuis huit mois maintenant de fresques. Merci beaucoup. Les nouveaux chemins du futur. Une série de rencontres proposées par Grenoble 2040 afin de se questionner et imaginer des alternatives inspirantes. Construire de nouveaux récits collectifs pour se préparer au monde de demain. Ici, maintenant,

  • Speaker #2

    ensemble,

  • Speaker #0

    plantons les graines d'un futur collectif juste et désirable.

Description

Face aux défis d’aujourd’hui et de demain (pollution de l’air, hausse des températures, fragilité de la ressource en eau, montée des risques climatiques, problématiques d’accès aux soins, isolement et précarité sociale…), nos corps et nos manières de vivre ensemble sont mis à l’épreuve. La santé devient ainsi une question fondamentale de l’aménagement urbain. Comment, dans une ville déjà dense et contrainte, les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ? Entre enquêtes de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte des crises systémiques et soin de l’existant, il s’agit moins de bâtir que de révéler l’invisible et de façonner la ville… sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l’étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé.

 

Cette table-ronde croise le regard des personnalités grenobloises et extérieures :

    • Carine Bonnot est architecte et maîtresse de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes). Ses thématiques de recherche interrogent la production architecturale des Trente glorieuses autour du thème de la Modernité ordinaire. Le patrimoine XXème siècle est au cœur de ses réflexions, et de sa pratique au sein de l’agence SILO à Grenoble, où elle mène des réhabilitations d’équipements publics et de logements collectifs.

    • Marlène Leroux est architecte et chargée d'enseignement en urbanisme à l'Université de Genève. Elle est également partenaire fondatrice de l'agence d'architecture Atelier Archiplein. Elle mène des recherches dans les domaines de l'architecture durable et de l'aménagement du territoire.

    • Nicolas Tixier est professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et chercheur au Cresson (laboratoire AAU). Ses travaux portent sur les démarches d’appréhension des villes et de leur fabrique par les ambiances. Avec Hiba Debouk, il est grand témoin de la démarche Grenoble 2040.

    • Yoann Sportouch est urbaniste et philosophe, fondateur de LDV Studio Urbain, l’agence de conseil en prospective urbaine et en stratégies d’usages au profit de la transformation de la ville. Il est l'auteur de "Pour un urbanisme du care - L'attention à l'autre pour refaire société" publié aux Editions de l'aube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast qui explore les futurs possibles de notre ville.

  • Speaker #1

    Dans cet épisode,

  • Speaker #0

    nous questionnons la fabrique de la ville d'aujourd'hui et celle de demain. Comment dans une ville déjà dense et contrainte,

  • Speaker #1

    les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ?

  • Speaker #0

    Entre enquête de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte les choses qui se passent dans la ville. en compte des crises systémiques et soins de l'existant. Il s'agit moins de bâtir que de révéler l'invisible et de façonner la ville sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l'étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé, que nous vous invitons à découvrir sur le site grenoble.fr. Je m'appelle Nicolas Tixier, je suis enseignant-chercheur à l'école d'architecture et j'ai pu accompagner cette démarche comme grand témoin. Ce soir, je vais à la fois essayer d'être explicatif sur la façon dont on a travaillé, mais surtout de faire réagir nos trois invités à ce travail, et puis aussi à vos questions, à vos remarques que nous prendrons après. Johan Spartouche, vous êtes urbaniste de formation aussi en philosophie, et ça a une certaine importance, puisque une de vos thématiques fortes, c'est la question de la santé, avec un mot en anglais qui s'appelle le... le care, le soin, mais ça recouvre plus que la question du soin. Vous nous expliquerez un petit peu. Vous avez une agence de stratégie urbaine qui s'appelle LDV et vous faites de l'assistance à maîtrise d'ouvrage et de la prospective. Vous connaissez peu Grenoble et donc c'est un regard extérieur à toute cette démarche aussi qui nous intéresse dans vos réactions. Puis nous écouterons Marlène Leroux. Marlène Leroux, vous êtes architecte urbaniste. Vous habitez à Genève, vous co-dirigez un atelier d'architecture et d'urbanisme qui s'appelle Atelier Archipelain. Vous enseignez à l'Université de Genève en urbanisme, mais vous connaissez aussi quand même assez bien Grenoble puisque pendant quelques années vous avez enseigné ici à l'Institut d'urbanisme de Grenoble. Et on dirait que votre spécialité, votre intervention portera d'abord sur... Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, là où la ville existe déjà et pas à partir d'un territoire vide ? Enfin, Karine Bonneau, merci aussi d'être là. Alors là, Karine, vous êtes architecte, mais vous êtes grenobloise et vous connaissez bien la ville. Et vous avez une agence d'architecture avec d'autres collègues qui s'appelle Silo, dans laquelle vous êtes spécialisée sur le patrimoine 20e, le patrimoine alpin. Vous êtes une des contributrices. du guide de l'architecture du XXe siècle de Grenoble. Et d'ailleurs, Johan, j'ai oublié de mentionner votre livre. Je ne sais pas si vous l'avez. On pourra le montrer, un ouvrage sur le Caire. Et ce qui nous intéresse particulièrement là, c'est que Grenoble n'est pas une ville comme les autres, puisqu'elle a été principalement bâtie au XXe siècle avec une architecture de béton. Et donc, faire la ville avec la ville à Grenoble, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose que de la faire... comme on peut le faire dans d'autres villes. Avant de vous passer la parole, on s'est un peu concerté pour l'organisation de la soirée. Je vais commencer par vous expliquer comment on a fabriqué la fresque. Je vais essayer d'être assez rapide. Puis, si vous le voulez bien, on pourra se lever et explorer pendant 5-7 minutes, pas plus, on n'a pas trop le temps, la fresque, parce que certains se souviennent d'arriver, juste pour le plaisir peut-être de rentrer dans des détails. Puis on revient ici pour écouter nos trois intervenants. On essaiera d'être court de façon à favoriser les questions, les prises de parole et les échanges avec nous, mais peut-être aussi des fois entre vous. Alors faire une fresque pour penser le futur, ce n'est pas complètement original, même si l'affaire de cette taille-là est assez rare. Alors elle fait 26 mètres. Et donc Gaëtan Amossé qui a fait ce travail de dessin a vécu plusieurs mois complètement imprégné dans Grenoble. Mais on est battu, on est battu. Certains d'entre vous connaissent sans doute la fresque d'Ambrogio Lorenzetti à Sienne, qui est la fresque du bon et du mauvais gouvernement, qui représente la ville de Sienne à la fois dans son état passé, présent et futur. Et elle fait 34 mètres. Donc on a toujours des modèles... extrêmement intéressant qui nous précède. Mais cette fresque, un peu comme la fresque à Sienne, en fait elle est à 360 degrés. La salle n'étant pas ronde, on ne s'en rend pas forcément compte et pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas vous faire rentrer dans un... Un disque dans lequel on ne pourrait pas sortir facilement. Alors pourquoi ? J'espère que vous arrivez à voir ici. On est parti de la Tour Perret. On est sur les 100 ans de la Tour Perret cette année. Pourquoi ? Parce que la Tour Perret, même si ce n'est pas complètement au centre de Grenoble, depuis le haut de la Tour Perret, on a une vue à 360 degrés incroyable de Grenoble. Et vous connaissez peut-être cette photo qui a été faite en 1925, qui montre tout Grenoble en 1925. à cette époque-là. Cette photo a été refaite en 2021. Et donc, on est parti de cette idée d'attraper des morceaux de quartier qui posent des questions spécifiques et de les assembler entre eux. C'est-à-dire qu'on a, à partir de ce diagnostic dont parlait Margot Bélair, sélectionné 13 formes d'urbanité grenobloise. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas 14 ou 15 ou qu'on n'aurait pas pu en avoir que 11, mais à un moment donné... On s'est dit 13, on commence déjà à toucher une belle variété de quartiers. Cette variété, c'est par exemple des faubourgs denses, comme à Berriat, une école, ici l'école Pain-Levé, la question des copropriétés des années 50 et des années 70, les zones d'activité économique, une dalle à la Ville-Neuve, on a pris la dalle des géants, un ensemble d'équipements publics, le conservatoire, un îlot de faubourg beaucoup plus aéré, comme Bajatière, une place publique parmi d'autres, mais quand même un peu singulière, la place Vaucanson, un îlot du centre-ville, les îlots qu'on pourrait dire haussmanniens du centre-ville, etc. Forcément, il manquera quelques urbanités autres, mais 13, c'est déjà beaucoup. Sur ces 13 urbanités, vous voyez, c'est ce qu'on appelle une coupe baïonnette. C'est-à-dire que ce qui est en noir ici vient se rejoindre. Donc par exemple, là, vous avez une urbanité, la place Vaucanson, que l'on fait toucher de façon artificielle à un îlot du centre-ville et que l'on fait toucher à un îlot sportif, le Jeanbron. Évidemment, dans la vraie ville, on passe par d'autres endroits. Donc si vous marchez ce transect, cette traversée dans la ville, vous allez traverser ces quartiers, mais là l'idée c'est qu'on peut la marcher dans la pièce. C'est pour ça que l'idée d'être à 360 degrés nous plaît beaucoup, on est presque à ce niveau-là. Donc après, une fois qu'on a fait ces sélections-là, on a travaillé à partir des diagnostics. mais à partir aussi de la connaissance qu'avaient les équipes de l'agence d'urbanisme et des agences de la ville, on a travaillé sur une mise en projet à l'horizon 2040. 2040, c'est dans 15 ans. C'est à la fois proche et loin. Proche parce qu'à l'échelle des projets urbains, de la transformation de la ville, 15 ans, c'est pas très loin. Mais en même temps, c'est pas des actions pour demain. Évidemment, on peut imaginer que certaines actions que vous verrez... puissent être engagées bien avant 2040, et d'autres peut-être, si elles ont du sens, plus tard. Donc cette question de la temporalité, c'était l'horizon qui avait été donné en 2020, quand Grenoble était capitale verte européenne. C'est des enfants qui sont nés en 2020 et qui auraient 20 ans en 2040. On peut discuter de la date, mais c'est l'exercice que l'on s'est donné. Et donc ce deuxième exercice de prospective 2040, c'est bien entendu la question du soin, du bien-être. et de la santé. Et on est parti dans ce qu'on pourrait dire un urbanisme du milieu. C'est-à-dire, on est parti de là où les gens vivent, les appartements, les raies de chaussée, les rues, les places publiques, les lieux de travail, les écoles, etc. Et la coupe, telle qu'elle est là, elle nous permet de réhabiliter ce qui souvent ne se voit pas dans les projets urbains ou dans les projets de perspective, c'est-à-dire une dimension verticale et atmosphérique qui permet d'inscrire des usages et du récit. Et donc sur ces coupes, il y a toute une multitude de petits récits qui racontent comment l'espace public pourrait être utilisé, comment les habitats pourraient être partagés, comment des extensions pourraient se faire. Ça va de projets des fois un peu ambitieux, comme par exemple une transformation de la piscine Jean Bront en bassin nordique, à des projets beaucoup plus petits, par exemple se dire, mais non moins ambitieux, et si on réhabilitait les persiennes extérieures qui permettent d'avoir un super ombrage l'été. pour les appartements grenoblois. Aujourd'hui, c'est très difficile de trouver des fabricants de persiennes extérieures, par exemple. Donc, vous allez trouver des choses très petites et des choses de grande échelle dans cette fresque. Et notre dessinateur, Gaëtan Amossé, n'est pas arrivé à la fin du travail pour dessiner ce qu'on a collégialement travaillé dans des ateliers. C'est dès le début, il était avec nous. Et dès le début, il dessinait en direct les situations. Ce qui fait que nous réagissions aussi à son dessin. L'idée, c'est que ce processus-là ne se... n'est pas terminée. Là, on a une première étape, donc elle est montrée. Il y a eu des pas en avant, mais des fois, c'est peut-être pour mieux faire un pas en arrière ou des pas de côté ou augmenter peut-être ce qui est proposé. Et donc, ce que l'on souhaite aussi demain, c'est faire une version augmentée de la fresque. C'est-à-dire non pas une version qui effacerait ce qui est présent, mais qui viendrait par exemple avec une autre couleur, additionnée. Tout ce qui se passe en ce moment dans les ateliers qui ont lieu ici depuis une semaine et ce qui se passera après la période électorale pour les ateliers qui pourraient être publics pour travailler sur la fresque. C'est ce qu'on peut appeler un objet un peu intermédiaire. C'est plus que de l'analyse, mais on n'est pas encore dans du projet complètement fini. Je propose de m'arrêter là, parce que c'est l'explication de comment on a travaillé, pour que vous marchiez la fresque un petit peu. Et on peut se retrouver là dans 5-6 minutes, si vous le voulez, pour écouter nos trois intervenants. Puis après, on vous passera la parole dans un échange. Ce premier tour de table, c'est d'abord pour faire réagir nos trois invités à ce travail. On va commencer par Johan Sportouche. Et justement, voilà ce que j'avais oublié de vous montrer. Il va nous parler de cet urbanisme du Caire. qui est un mot qui revient souvent aujourd'hui dans le langage des urbanistes ou des chercheurs en urbanisme. Donc c'est important que vous nous l'expliquiez parce que si on utilise le mot anglais aujourd'hui, c'est peut-être parce que ça recouvre plusieurs mots en français ou des choses un peu différentes. Et donc, comment vous voyez cette importance d'un urbanisme favorable à la santé et peut-être qu'un urbanisme du caire, c'est encore un petit peu différent ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, l'urbanisme du Caire... Le CAIR en tant que tel est une philosophie qui prend de plus en plus de place aujourd'hui dans nos sociétés, qui s'est largement développée dans les mouvements de l'économie sociale et solidaire notamment, et qui est issue d'une philosophie qui a été conceptualisée par une philosophe qui s'appelle Carol Gilligan aux Etats-Unis dans les années 80, à un moment où l'état-providence était en train de mourir tout simplement, au moment où en fait il y a la présidence... Reagan qui est rentré en jeu. Et donc il y a eu comme ça un mouvement féministe qui s'est constitué, qui avait besoin d'une pensée support. Et c'est à travers en fait l'éthique du care que cette pensée, ces mouvements se sont développés. Je commence souvent par ça parce qu'en fait c'est quelque chose qui me semble assez fondamental. Aujourd'hui dans la société dans laquelle on vit, il y a eu un rapport qui est sorti pas plus tard qu'aujourd'hui, ou c'était peut-être hier, qui rappelait que Entre le 17 et le 18 août dernier, il y a 2157 enfants qui ont dormi dans la rue cet été. C'est déjà une première chose, quelque part la preuve qu'on vit une crise sociale aujourd'hui en France. En novembre dernier, le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, sortait un rapport qui s'appelle le rapport sur l'état de la France. et qui disait que ce rapport venait prouver qu'en fait il existe une personne sur quatre en France qui considère que la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. J'irai encore un peu plus loin, il y a une personne sur deux qui considère qu'aujourd'hui en France, pour résoudre les problèmes de sécurité et d'ordre, il faudrait un État autoritaire. Donc on est dans une crise démocratique, je le crois. À côté de ça, aujourd'hui il y a une personne sur deux en France qui déclare, toujours dans ce même rapport du conseil économique, social et environnemental, ne pas avoir assez de ressources pour survenir à ses besoins essentiels. Donc on est dans une crise, quelque part, sociale et économique. Et enfin, je pourrais continuer comme ça, mais je ne vais pas trop plomber l'ambiance, c'est qu'il y a une personne sur quatre en France qui considère que son sentiment d'appartenance à la société française n'existe pas. Ils ne sont pas français. Tout ça vient dire qu'on est dans une espèce de conjonction de crise. Nous, en tant que professionnels de la fabrique urbaine, quand on travaille, souvent on nous demande de répondre à une commande. Et bien souvent, on nous dit qu'aujourd'hui, ce serait bien de s'intéresser sur cette parcelle-là précisément, à la ville à hauteur d'enfants. où on va s'intéresser plus... précisément aux seniors, où on va s'intéresser plus précisément à mettre le curseur sur la problématique environnementale. Et en fait, à un moment donné, moi ça fait huit ans que j'ai monté mon agence, j'ai eu le sentiment de devenir un peu schizophrène et de me dire en fait, je refuse ça en fait, j'en ai un peu assez, de devoir tout le temps gérer une petite partie du problème. Et donc, c'est assez intéressant de voir cette fresque, mais j'en parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on est dans une problématique, finalement, dans une manière de traiter l'ensemble des enjeux qui traversent nos villes aujourd'hui, et pas que nos villes aussi, nos villages, nos territoires ruraux, à travers quelque chose d'assez global. À côté de ça, il y a beaucoup d'approches que je considère être des formes d'urbanisme ou d'architecture, c'est-à-dire des professionnels. de la fabrique urbaine qui s'engagent. Qui s'engagent à traiter ce type de problématiques que j'ai citées tout à l'heure. Donc, ces dix dernières années, on a vu apparaître notamment des concepts comme la ville inclusive. C'est-à-dire qu'une ville qui va, à un moment donné, s'intéresser à beaucoup plus faire participer les habitants. Beaucoup plus faire participer les habitants, notamment qui sont en marge de la société. Des personnes qui sont atteintes de handicap, par exemple. des personnes, tout simplement des femmes qui sont quelque part, ça a été prouvé assez peu présent, trop peu présent peut-être dans certains espaces publics. D'autres approches se sont développées, comme l'urbanisme circulaire, qui propose de reconstruire la ville sur la ville à partir de l'existant, notamment. C'est-à-dire que chaque... On parlera de la réhabilitation tout à l'heure, mais chaque processus de réhabilitation va se servir de ce qui existe et potentiellement des déchets, c'est-à-dire de... d'une certaine forme de déconstruction pour reconstruire la ville à partir de ça, qu'on appelle l'urbanisme circulaire, qui travaille notamment sur les friches urbaines, plutôt que de continuer l'étalement urbain. Il y a d'autres urbanismes qui sont développés, comme l'urbanisme, j'en ai parlé tout à l'heure, la ville à hauteur d'enfance, c'est-à-dire qu'en fait on se rend compte qu'aujourd'hui, l'urbanisme, la manière dont sont construites nos villes, quelque part exclut un peu les enfants, parce que le tout voiture, forcément, ça limite. la possibilité à nos enfants de courir tout simplement dans les rues. Tout ça pour dire que il y a toutes ces formes d'urbanisme qui se développent et en même temps, à côté de ça, on voit encore se développer des projets qui sont complètement à côté de la plaque, j'ai envie de dire. Comme par exemple, c'était en octobre dernier, qui a été inauguré à Nanterre, c'est 120 000 m² de bureaux qui se sont développés, qui ont été inaugurés par Emmanuel Macron. Alors Nanterre, pour vous rappeler, C'est le foyer des dernières émeutes urbaines. C'est Naël, c'est tout ça. Et on est dans un espace qui est extrêmement durable, extrêmement écologique. Pour le coup, les bureaux sont au top du top de ce qu'on peut faire en termes de bioclimatisme, en termes de tout ce qu'on veut, en termes d'environnement. Néanmoins, on est dans une déconnexion totale par rapport au contexte dans lequel c'est implanté. Non seulement par rapport au contexte géographique, mais encore plus. du contexte en termes de tendance. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on fait de plus en plus de télétravail. Alors il y a une petite baisse, mais on fait de plus en plus de télétravail. Moi, je fais trois jours de télétravail. Et donc, dans un contexte comme celui-ci, on se dit, tiens, on va faire construire 120 000 m² de bureaux. Et donc tout ça pour dire qu'à travers tous ces urbanismes engagés qui se sont développés, et à travers cette déconnexion, je crois qu'à un moment donné, il nous faut quelque part un chemin, ou plutôt trouver quelque chose de commun. à ces urbanismes engagés pour pouvoir non plus agir de manière en silo, de manière parcellaire, mais plutôt proposer un autre chemin que celui que je viens de décrire, là en l'occurrence où on se propose de construire 120 000 m² de bureaux à l'inter. Ah oui, parce que je ne vous l'ai pas dit, sur ces 120 000 m² de bureaux, vous savez combien en sont occupés aujourd'hui ? Bon, je vais vous le dire, c'est 19 000 m² de bureaux qui sont occupés. 19 000 m² sur 120 000. Au moment de l'inauguration, il n'y en avait que 9000 qui étaient occupés. On peut parler vraiment de gâchis total. Tout ça pour dire que, quelque part, à un moment donné, il nous fallait, et moi c'était le sentiment, le besoin que j'avais, face à ces différentes urbanismes engagés, j'avais envie de trouver un espèce de dénominateur commun dont on a besoin aujourd'hui pour gérer l'ensemble des crises, pour faire en sorte que le projet urbain devienne une opportunité de répondre à ces crises que l'on traverse. Et donc, quelque part, c'est là que je suis allé chercher l'éthique du care. Parce qu'au centre de l'éthique du care, il y a deux concepts qui sont fondamentaux. C'est la question de la vulnérabilité en tant que modèle de vulnérabilité. Il ne s'agit pas de s'intéresser uniquement aux pauvres. Ce n'est pas ça que je suis en train de dire, même si c'est essentiel, je le pense. Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, il s'agit de se dire en tant qu'urbaniste, en tant que professionnel de la fabrique urbaine, l'ensemble des choix que l'on va faire va non plus se porter sur Le développement économique des territoires, l'attractivité des territoires, ce qui a été le cas pendant des dizaines et des dizaines d'années, en gros l'offre. l'urbanisme de l'offre, mais finalement, le choix que l'on doit faire doit pouvoir résoudre effectivement les vulnérabilités, mais ne pas impacter, ne pas renforcer les vulnérabilités qui existent dans nos territoires. Parce que ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est que toutes ces crises-là, elles sont en lien. C'est-à-dire qu'en fait, le Conseil économique, social et environnemental vient nous dire que la trop grande présence des inégalités en France... a un impact direct sur la confiance que l'on a en la démocratie. Et donc, tout cela pour dire qu'il est urgent d'avoir une vision globale et je crois que la dimension des vulnérabilités, la recherche de solutions pour répondre à ces vulnérabilités, en est une. Et cette démarche-là, et je terminerai là-dessus, d'un urbanisme favorable à la santé, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec le terme de santé, parce qu'effectivement, Quand on pense santé, on pense souvent au sens médical du terme. Je parlerais plutôt de santé collective. Et c'est pour ça que je suis allé chercher l'éthique du CAIR, parce qu'il y a une dimension un peu globale. Et je pense qu'il est urgent aujourd'hui d'avoir cette vision là dans la fabrique urbaine.

  • Speaker #0

    Merci. Si je retiens trois choses, c'est qu'un, on ne peut plus faire la ville comme on la faisait avant, que ce soit en planification ou en programmation, puisque toute programmation est presque vouée à... à être fausse au moment où le bâtiment va sortir, où la ville va sortir. Voilà, le monde d'incertitude. Deuxièmement, évidemment, bien entendu, vous l'avez rappelé, les inégalités sociales et la crise écologique. Et puis, la troisième chose, c'est cette approche holistique. C'est-à-dire, en fait, comment on arrive à essayer de ne pas sectoriser les problèmes. Parce que dans la vie de tous les jours, on est soi, on est une personne, on n'est pas divisé en sujets. Marlène Leroux, vous avez l'expérience de différentes villes sur la fabrique urbaine, vous avez travaillé à l'évolution de certains quartiers en France, en Suisse. Comment voyez-vous cette crise aujourd'hui de la planification, de la programmation ? Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, alors que c'est un mot d'ordre qui est présent depuis longtemps ? Mais là, aujourd'hui, Grenoble, l'expression est classique, la cuvette est pleine. On a quand même très peu de projets à bâtir. Et je m'avance juste sur un point, quand on a fait des ateliers avec un master qui travaillait en maîtrise d'ouvrage sur la question de la promotion immobilière, etc. Une étudiante nous a dit, mais où est-ce qu'on va travailler nous, puisqu'il n'y a plus de terrain à bâtir ? Et donc, comment est-ce que les différents métiers voient aussi différemment leur propre métier pour apprendre à faire la ville sur la ville ?

  • Speaker #2

    Bonsoir tout le monde. En fait, l'une des formes de réponse que l'on pourrait avoir à cette idée-là, mais finalement, comment on met en œuvre cette idée incroyablement nécessaire de refaire la ville sur la ville ? Finalement, le travail qu'on a sous les yeux aujourd'hui, au niveau de l'objectif, on ne va pas encore parler de la forme, je pense que c'est une des formes de la réponse, parce que finalement, il s'agit d'une forme de recensement pluridisciplinaire d'un État actuel, mais aussi d'une projection future qu'est-ce que j'ai pour de vrai, avant de dire je ne peux plus rien faire. Et donc cette nécessité de prendre un petit temps, d'être capable de révéler les potentiels invisibles, c'est peut-être ça la nouvelle forme de qu'est-ce qu'être un architecte aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un urbaniste aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un géographe aujourd'hui, c'est de se dire finalement, d'avoir une certaine forme de courage de la nuance, et de ne pas se dire ce n'est plus possible de... mais c'est de se dire comment est-ce que je vais révéler des choses qui ne paraissent pas complètement possibles. Pour être un petit peu moins abstraite, je vais vous donner par exemple un exemple qui est assez facile à vous expliquer sans PowerPoint. J'habite à Genève, il y a un énorme quartier qui s'appelle le PAV, Prae Acacia Vernet. C'est à peu près, je crois, un cinquième du territoire de Genève qui était, fut un temps, une zone industrielle. Très bien. Pour faire une belle zone industrielle, on a fait des... beaux bâtiments, des beaux bâtiments pour faire tout un tas de choses industrielles, des hangars et compagnie. On a fait venir le train. Il y avait quelque chose qui nous dérangeait énormément dans ce territoire, c'était qu'il y avait une rivière qui passait par là. À l'époque, la bonne idée, c'était de se dire on va canaliser cette rivière, l'enterrer comme ça, elle n'a plus nous embêter. On va pouvoir faire passer la route par-dessus. À l'époque, c'était l'idée géniale. Mais quand on a fait ça, on s'est directement coupé de tous les services écosystémiques que rendait cette rivière, la fraîcheur. le plaisir, le bien-être, le désir de nature, les poissons, les coléoptères et compagnie. Et donc, ce qui est en train de se faire dans ce territoire, après des années de diagnostics et de recherches de quels sont les potentiels littéralement invisibles, c'est-à-dire cette rivière que l'on ne voyait pas, il y a un énorme projet où on est en train de refaire... faire sortir la drise de sa canalisation. Et bien là, les étudiants, les ingénieurs environnement, les étudiants en urbanisme, tout à coup, bam, ils ont un potentiel qui n'existait littéralement plus et qu'on a fait redécouvrir. Et bien finalement, pour répondre à une forme de cette démarche-là, construire la ville sur la ville, c'est être capable de voir ce qui nous paraît absolument invisible. Et pour faire ça, on est obligé de porter les lunettes de toutes les disciplines. Parce qu'individuellement, on n'est pas capable de croiser l'ensemble de ces potentiels. Parce que justement, à la différence de cette magnifique fresque du bon et du mauvais gouvernement que je vous conseille tous d'aller voir en Italie, c'est qu'on arrivait à une certaine époque quand les choses étaient simples. Il y avait les méchants, les gentils, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres. Tout était simple parce qu'on ne laissait pas la parole à ceux qu'on ne voulait pas écouter. Et ce brave monsieur... Il en lui a dit, bon, tu fais le bon, le mauvais, et puis au milieu, tu mets le gouvernement qu'il faut élire. C'est quand même pas compliqué. Et il l'a fait de manière extrêmement caricaturale. Le problème, c'est que maintenant, on est à une époque où on écoute les gens, à une époque où on prend soin des gens, et à une époque où les choses sont bien plus complexes qu'à l'époque de Lorenzo Etti. Je n'ai jamais essayé de dire ce nom. Donc, construire la ville sur la ville, quelque part, c'est une certaine forme de courage, d'une nuance. et donc d'être capable de travailler avec des choses qui ne fonctionnent pas ensemble. Et donc je dis à tous mes étudiants en urbanisme, votre métier est de faire l'impossible, c'est-à-dire d'être capable de faire des choses là où tout le monde s'est dit que ce n'est pas possible de le faire. Donc c'est hyper excitant. Donc ton étudiante de master qui était hyper inquiète parce qu'il n'y avait plus de terrain à bâtir au fin fond d'une campagne, mais en fait il faut qu'elle comprenne à quel point son métier va être bien plus rigolo d'aller mettre d'accord des gens qui sont... absolument pas d'accord autour de la table, de faire des choses que les ingénieurs civils vont dire que ce n'est pas possible, personne ne va dire que c'est possible, et le jour où elle va y arriver, elle sera d'autant plus heureuse que juste faire un immeuble de cinq étages avec une isolation périphérique hyper ennuyante. Donc, ils sont là, les potentiels. Et donc, j'imagine que quand on fait ce genre de travail-là, on a une espèce, comme a été dit à l'introduction, il y a une espèce de désirabilité et de... de nouvelles excitations, des potentiels qui viennent d'être révélés et qu'on a très envie de poursuivre.

  • Speaker #0

    Merci. Là aussi, je retiens deux choses qui peuvent être discutées par la suite. La première, même si ça peut paraître évident aujourd'hui, mais la nécessité d'enquêter, enquêter les lieux pour aller voir quelles sont leurs ressources, quelles sont les choses cachées, les choses oubliées, les potentiels. Bref, enquêter. Ça paraît rien, mais c'est beaucoup. L'urbanisme ne se fait pas autour d'une table, que sur des plans. Il se fait les pieds dans les terrains. Et la deuxième chose... C'est que la complexité du monde actuel nous oblige peut-être à fabriquer des nouvelles alliances, des nouvelles façons de faire ville ensemble, que ce soit à de toutes petites échelles, quand on décide de partager des usages, ou des bâtiments, ou des raies de chaussée, etc., ou à des échelles un peu plus grandes, à l'échelle de la ville. Et donc fabriquer des nouvelles alliances, c'est souvent mettre à mal là aussi les façons de gouverner, et quand je dis gouverner, c'est autant une ville. qu'une copropriété ou qu'une métropole, etc. C'est vraiment la façon dont on peut faire ville ensemble par des nouvelles contractualisations, des nouvelles alliances. Mais Grenoble est une terre spécifique. D'abord, c'est une ville de montagne, plus ou moins, puisqu'on a 220 mètres d'altitude. Une ville plate, on est dans la plaine. Le béton a vraiment été une caractéristique très... très importante évidemment du développement de Grenoble, mais aussi de sa fabrique, de son extension au XXe siècle. Et donc faire la ville sur la ville à Grenoble, c'est forcément faire la ville avec cette caractéristique-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on voit un peu toutes les échelles, un contexte général, la ville. Et puis peut-être, moi, je peux plus vous parler des édifices, les édifices grenoblois. Donc c'est vrai qu'on connaît Grenoble comme étant une ville de béton. Tout le monde a vu le chantier récent de rénovation de la Tour Perret. et toutes les dynamiques que ça a activées autour de la question du patrimoine béton, les spécificités de notre territoire, où on a développé un matériau qui a été un peu un outil pour le développement de l'architecture moderne, cette architecture du XXe siècle. Et c'est vrai qu'à Grenoble, on a beaucoup d'édifices, et ce qui est très frappant. Dans votre fresque, c'est que tous les existants que vous avez représentés sont quasiment de la ville du XXe. Avec les typologies de classement dans vos 13 situations, en fait, on a une ville assez jeune finalement. Et Grenoble a cette spécificité. Alors, c'est une période de l'histoire d'architecture qui est difficile à aimer. La ville, depuis qu'elle est ville et pays d'art et d'histoire... beaucoup développé d'activités pédagogiques, d'informations. Il y a une valorisation assez importante. Il y a des labels aussi qui existent, mais il y a aussi beaucoup de bâtiments qui sont assez méconnus. Et lorsqu'on a travaillé sur le guide d'inventaire de Grenoble au XXe siècle, on avait repéré environ 800 bâtiments. Puis après, la liste a été réduite à 500. Finalement, le livre présente 100 objets. et ce qui était frappant dans des édifices. Il y en a qui sont représentés par Gaëtan, le dessinateur qui a travaillé sur la fresque. Ce qui était frappant, c'est qu'ils avaient tous une qualité constructive réalisée par des équipes multidisciplinaires, architectes, ingénieurs, des ingénieurs qui étaient beaucoup dans l'innovation sur les structures. Ensuite, des entreprises qui mettaient en œuvre des des exécutions assez exemplaires, et puis des bétons. avec des qualités, souvent des recettes surdosées. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de bâtiments assez costauds, des refents qui sont plus épais qu'ailleurs à Grenoble, des bâtiments qui ont aussi servi de modèle pour construire en montagne, pour construire dans des sites un peu plus contraints, notamment avec le climat et la pente. Donc Grenoble a été un berceau d'innovation avec des savoir-faire qu'aujourd'hui on va souvent rapidement... d'écrire comme des passoires thermiques. Alors bien sûr, il y a les questions de thermique, mais il y a aussi une manière de voir ces bâtiments comme des ressources, comme des espaces capables d'accueillir d'autres programmes, d'être surélevés. Il y a beaucoup, beaucoup de dessins. Donc en bleu, ce sont les existants. En rouge, les interventions possibles, les rêves, les propositions. La question de la surélévation est très intéressante. Elle a été développée à Grenoble depuis la fin du XIXe siècle sur beaucoup d'édifices. grâce... aux matériaux de base. Et quand on sait aujourd'hui, tu parlais de crise multicrise, quand on sait qu'une des crises est aussi celle qui concerne les ressources, on n'a plus de sable pour construire des ciments, des ciments aussi costauds que dans nos années 60 et tout ce qu'a développé la ville olympique notamment. On peut se dire que prendre soin, c'est aussi prendre soin des édifices, de les réhabiliter. Et l'enquête, dans ce cas-là, est très importante. La phase de diagnostic, de redécouvrir comment ça a été fait pour ne pas tout gommer, ou ne pas tout mettre à la poubelle ou démolir. Donc la ville de Grenoble, je pense, a encore plus intérêt et a plus de défis face à ces réhabilitations. qui sont une des solutions pour arriver à construire dans une cuvette un peu contrainte et en même temps majoritairement très bien construite.

  • Speaker #0

    Merci. C'est vrai que cette question de l'héritage, en fait, pour faire la ville, c'est à la fois quelque chose que l'on peut voir de façon subie, mais c'est aussi quelque chose qu'on peut voir de façon choisie. Et au contraire, continuer une histoire qui fait le lien entre hier, aujourd'hui, demain. Ça m'amène un tout petit peu à aborder déjà la deuxième partie de vos interventions, et après ça sera à vous la parole. La deuxième partie, je voudrais qu'on la porte plus sur la fresque même. Souvent, quand on fait de la prospective, il peut y avoir deux tendances caricaturales. La première qui serait une prédiction programmatique. Demain, le monde sera comme ça. Il faut qu'il soit comme ça. L'autre, c'est l'imaginaire utopique ou dystopique. Il y avait Jean-Pierre Andrevon qui était là tout à l'heure. L'imaginaire n'est pas toujours utopique, il peut être aussi dystopique. Et donc, comment trouver une voie au milieu qui n'est pas uniquement une prédiction certaine de ce que devrait être la ville de façon certaine, et ni non plus des rêves dont on sait par avance qu'ils sont inaccessibles, mais des lignes de direction qu'on essaye d'incarner là par du dessin. Souvent, quand on fait la prospective, c'est souvent des phrases, des mots, des enjeux, des tableaux, de critères qu'il ne faut pas rater, il faut faire attention à ça, à ça, etc. Mais il y a quelque chose qui disparaît souvent, c'est les formes, les formes urbaines. Et dans les formes urbaines, il y a la question de l'air, de l'eau, du sol, du végétal, et puis, bien entendu, la question des usages, que ce soit les usages pour tous les âges. Et avec Gaëtan, il s'est beaucoup amusé aussi, bien entendu. à représenter le monde animal à l'intérieur de cette ville. Alors peut-être que là, c'est intéressant que vous nous ayez dit à se dire mais cet exercice qui a été tenté, qui est depuis peu dans le débat public et qui aura, j'espère, d'autres, on a dit, d'autres qui vont être complétés, ça a des avantages mais ça a sans doute des limites. C'est-à-dire qu'en fait ce n'est pas un outil, la fraise, qui va remplacer le reste. Voilà, ça m'intéresserait peut-être de discuter d'intérêts, limites, difficultés que vous y voyez, aussi à travailler à la fois en coupe verticale avec une fresque dessinée comme ça.

  • Speaker #2

    Moi, ce que je trouve assez intéressant dans cette fresque, effectivement, c'est déjà que ce n'est pas un projet. L'agence que j'ai développée, en grande partie, on fait de la concertation, on travaille avec les habitants depuis un certain nombre d'années. Bien souvent, la plupart du temps, le projet urbain, enfin du moins la concertation qui est faite aujourd'hui, c'est-à-dire le fait d'aller chercher la vie des habitants, se fait à partir d'un projet qui est déjà en tête pour les élus. Alors peut-être qu'à Grenoble c'est différent, mais en l'occurrence, de manière assez générale, il y a quelque chose de cet ordre-là qui se fait. Et c'est vrai que dès lors que le projet est là, l'imaginaire quelque part est d'autant plus bridé, mais surtout le pouvoir d'agir. c'est-à-dire la possibilité de donner aux habitants d'être acteurs, de valoriser leur place dans la société, de valoriser leur place dans la démocratie. Je parlais tout à l'heure de crise démocratique. Et bien tout ça, ça disparaît avec une concertation qui est faite de la manière dont elle est faite aujourd'hui, c'est-à-dire la concertation qu'on appelle réglementaire. Et donc là, on a quelque chose de différent. On a effectivement un côté très prospectif à travers quelque chose de dessiné. qui a été réalisé avec des personnes, un personnel notamment de la ville et d'autres.

  • Speaker #0

    Chaque situation, il est travaillé au moins par 7, 8, 10 personnes autour de la table. Pas simultanément tout le temps, mais...

  • Speaker #2

    Et du coup, il y a quelque part une certaine forme d'objectivation des besoins qui a été faite en même temps. Et ce que je trouve assez intéressant, c'est que, en tout cas, ce que je considère nécessaire, il faut que les habitants puissent réagir par rapport à ça demain, je pense. Parce qu'il faut confronter quelque part cette vision. qui est effectivement très prospective, qui a été basée sur une analyse des besoins d'aujourd'hui, mais en même temps, une analyse aussi des besoins futurs. Et donc, quelque part, il y a eu comme ça des idées qui ont émergé à partir des besoins que l'on a aujourd'hui. Mais en même temps, il faut quelque part aussi mettre cette fresque à l'épreuve des usages. c'est-à-dire à l'épreuve des usages d'aujourd'hui, à l'épreuve des situations réelles, de ces situations que vivent les habitants, que ce soit par exemple sur un centre-ville, que ce soit sur une place, que ce soit en faisant du sport, etc. Et donc je pense que c'est ça la prochaine étape, c'est comment on confronte, et quelque part en fait on en fait un outil, parce que je crois que c'est ça dans lequel il faut arriver, pour renouveler quelque part notre rapport à la démocratie et renouveler la démocratie. Je pense qu'il faut faire de la démocratie en continu, en fait. Il faut arrêter, enfin du moins, il faut continuer les élections évidemment, mais il faut arrêter de fonctionner uniquement sur un processus où on a la démocratie, c'est on vote tous les deux ans. Non, en fait, la démocratie, ça doit être de la démocratie en continu. Et cette base de travail que vous avez fait là peut être un outil, quelque part, pour aller chercher, aller vers les habitants, aller questionner, aller chercher leur avis. leur donner une place dans la société, leur donner une place dans le projet municipal. Je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre-là, en tout cas, qu'il s'agit de réaliser maintenant.

  • Speaker #3

    Je vais faire comme quand je fais les critiques de projet avec les étudiants. Je commence par tout ce qui est très bien, puis après, il y aura un mais. Je préfère prévenir. Alors, en préambule, parce que j'ai peur d'oublier, pour moi, un des éléments les plus importants de ce travail de fresque, c'est qu'elle est très belle. Et ça paraît complètement idiot de commencer comme ça, parce qu'on pourrait dire « Oh là là, il y a des trucs beaucoup plus graves sur Terre que la question de la beauté » , et puis en fait, non. Finalement, au fond, quand on n'aura plus rien, ce qui est beau, c'est presque ce qu'il y a de plus nécessaire et d'indispensable. Donc le fait que cette fesque soit indéniablement belle, je pense que c'est une de ses qualités absolument principales, parce que ça s'est fait plaisir, que c'est agréable, que c'est désirable, et qu'on a besoin de ça. Donc ça, pour moi, c'est la première. Après, d'un point de vue beaucoup plus technique, ce que je trouve vraiment le plus pertinent dans ce travail de fresque, c'est qu'elle fasse fi des échelles. C'est qu'on se rend bien compte qu'au fond, pour représenter une ville, peu importent les échelles, parce qu'on se trompe dans cette systématique d'avoir un plan avec des échelles. Elle biaise totalement la réalité de la perception du territoire, parce qu'au fond, au moment où on va voir la cathédrale ou le théâtre bidule, Au fond, peu importe le temps qu'on va avoir pour ne pas courir, parce que notre cerveau est déjà là-bas. Et donc, dans ce travail-là, tout à coup, on se rend compte qu'on va faire des ruptures d'échelle par des ruptures de désir. Je désire voir le mont, machin, chose que je ne connais pas. Mais tout à coup, on voit bien que ce n'est pas très grave si je dois faire deux zigzags parce qu'en fait, je le vois. Et ça, c'est vraiment une qualité incroyable de ce travail de rupture d'échelle. Et ces trous que vous avez faits parce que finalement, on n'a pas envie de tout montrer. c'est là que je vois un potentiel incroyable, parce que ce que ça nous dit, c'est, au fond, de manière arbitraire, ou peut-être pas tant que ça, mais enfin, moi, comme je ne connais pas, admettons, je pourrais dire que c'est arbitraire, c'est de dire, en fait, de cette fresque-là, tout est encore à faire, parce qu'il y a encore ces trous qui peuvent encore rentrer dans un certain détail. Et en fait, ce que ces trous disent, c'est, peu importe ce que j'ai dessiné pour de vrai, ici, parce qu'en fait, je vous montre que je n'ai pas tout dessiné, et que je vous montre qu'il y a encore... de partout des potentiels d'analyse et de recensement. Et donc, je trouve qu'il y a une très grande valeur à ces vides. Ça, c'est la deuxième grande qualité. Et c'est quelque chose qui me pose beaucoup de problèmes quand on fait des analyses, des diagnostics, c'est qu'on est face systématiquement à ces « power points » où il y a quelqu'un qui te parle et qui zappe et qui zappe alors que toi, tu n'as pas envie de l'écouter, que tu as envie de regarder une image plus longtemps. La personne t'impose le rythme de réflexion en zappant. Et là, finalement, peut-être je vous parle, en fait, vous regardez autre chose et votre cerveau continue à écouter, enfin, j'espère un petit peu, mais en tout cas, vous pouvez regarder ailleurs. Et cette coprésence d'éléments permet tout à coup de créer une narration individuelle qui n'est pas possible quand on sectionne en permanence les types d'informations. Donc ça, pour moi, c'est vraiment une grande réussite de la fresque. Et après, il y a un élément, le mai, mais ça, c'est juste pour en parler. Parce qu'en fait, tu m'as présenté comme urbaniste, mais en fait, au fond, je réalise qu'au fond, je suis quand même vraiment architecte et je m'excuse de ça. Je fais tout pour aller vers la géographie et l'urbanisme, mais je suis architecte. Et donc, tout à l'heure, vous nous avez demandé quelle pourrait être la suite. Eh bien moi, en fait, j'aurais presque envie qu'à chaque fois qu'il y a un élément bâti qui a été dessiné, il soit en blanc. Pour qu'en fait, au fond, le potentiel d'usage ne soit pas forcément... dessinée, territorialisée, pour qu'il y ait tout un univers de projections sur ce qui pourrait être, d'un point de vue territorial, au-delà des potentiels d'usage. Parce que tout à l'heure, j'ai mis le doigt sur une petite toiture, et... En fait, cette petite toiture, peut-être qu'elle ne devrait pas être dessinée comme ça. Et c'est normal parce que ce monsieur Gaëtan, il n'a pas été mandaté pour dessiner 60 000 toitures, qu'il n'est pas architecte du patrimoine, qu'il n'a pas... Bref, la suite, ce serait de laisser encore la liberté de ne pas forcément dessiner le territoire. Voilà, il est gentil.

  • Speaker #0

    C'est un éloge de l'incomplétude pour le projet et que la vie n'en est jamais finie en plus.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur aussi le dessin en coupe, c'est-à-dire que la particularité de cette fresque, c'est que c'est une fiction. On ne voit jamais en coupe. C'est l'intérieur finalement d'un plan de face qu'on n'a jamais. Donc ça, c'est très intéressant de nous le montrer. Nicolas, tu es quand même beaucoup habitué à travailler le transect et l'idée de traverser avec des lectures très complètes. du haut de la montagne, d'un sommet, puis après on repasse dans des creux, puis on traverse des routes, des autoroutes. Et Grenoble a cette morphologie qui fait qu'on ne peut la lire qu'en coupe pour bien la comprendre, à la fois dans ses fonctionnements d'air, de climat, à la fois dans ses perceptions visuelles. Et puis il y a beaucoup de quartiers, j'ai parlé de la ville moderne, mais la ville moderne, elle se lit aussi en coupe quand vous allez à la ville neuve. La galerie de l'Arlequin n'est pas représentée en coupe, on ne peut pas comprendre qu'on peut la traverser, l'allonger. Pareil pour les quais de l'Isère. Donc c'est vrai que je trouve que le choix de la coupe est vraiment ambitieux parce que c'est très difficile de penser en coupe. Et puis on peut aussi, dans la suite de ce que tu dis, voir vraiment les vertus du dessin, c'est-à-dire qu'on ne bloque pas des images. Aujourd'hui, on a beaucoup tendance à avoir des images 3D, des représentations très propres dans les concours. Le dessin revient, pourquoi ? Parce qu'en fait, il ouvre et il permet de ne pas fermer les imaginaires. Et à l'école d'architecture, si on veut synthétiser, on a quand même 90% aujourd'hui des diplômes d'architecture qui sont effectués sur des bâtiments existants, avec un retour au dessin important, parce que l'existant impose de revenir sur une enquête, de redessiner des plans d'archives et quand on a de l'irrégularité dans du vernaculaire ou dans l'existant, en fait la main le représente parfois mieux que l'ordinateur. Et toujours dans la catégorie des diplômes, on a aussi un retour au dessin à 50-60% ou de l'hybridation, un mélange d'outils parce qu'on se rend compte que ben c'est On cherche à nous donner des spécialités, le BIM, le tableau Excel, et qu'en fait le dessin laisse plus de possibilités et attire de nouveau une génération qui, pour ma part, il y a une vingtaine d'années, on avait un peu plus abandonné. Et donc on a des retours qui sont assez intéressants à observer aussi. J'imagine que vous le voyez dans les médias tous.

  • Speaker #0

    Merci, c'est le moment où je vais vous passer la parole, mais comme vous avez été peu critique, je vais oser faire...

  • Speaker #2

    deux trois critiques ah oui vas-y vas-y c'est à la fois une critique et à la fois effectivement quelque chose d'assez d'assez flatteur que je vais dire en fait ce qui est assez intéressant dans cette fresque bon là c'est un peu différent parce que du coup elle est affichée de cette manière là mais quand elle est affichée en cirque en cercle on a quelque chose de l'ordre de la continuité qui est intéressant et en fait ce que ça vient introduire c'est que, et c'est là que je pense qu'il y a peut-être quelque chose encore à améliorer, c'est que la ville est un système, la terre est un système, finalement nos sociétés sont des systèmes. Et lorsqu'il y a trop de vulnérabilité dans un système, c'est là qu'en fait à un moment donné le système commence à vaciller, commence à être plus système justement. Et donc, quelque part, à l'image de cette image, quelque part, vient nous apprendre qu'il faut concevoir la ville et la manière de produire la ville comme un système d'interdépendance. Et quelque part, en fait, cette fresque nous permet ça, mais je pense qu'on pourrait aller encore un peu plus loin. Parce que finalement, entre les différents îlots qui sont représentés, il peut y avoir aussi des interdépendances. Entre l'îlot du centre-ville et l'îlot sportif. il peut potentiellement y avoir des interdépendances qui peuvent être dessinées. Et je crois que c'est ça dont on a besoin aussi aujourd'hui. Ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est qu'au sein de l'éthique du care, il y a ce premier principe qu'on appelle la vulnérabilité et la recherche d'un modèle de vulnérabilité dans notre manière de faire société. Mais pour y parvenir, quelque part, il faut être en capacité de rechercher ces interdépendances pour répondre à ces vulnérabilités. parce qu'on considère... que tous et toutes, à un moment donné, on peut être touché par la vulnérabilité. Tout simplement parce qu'on peut être touché par la maladie, on peut perdre son emploi, on peut faire un burn-out, on peut perdre un parent. Et quelque part, ça nous rend vulnérables, même si on ne l'était pas auparavant. Et la recherche d'interdépendance, c'est cette idée de dire que eh bien, on doit être en capacité de répondre aussi à ces vulnérabilités éphémères ou durables qui existent dans nos sociétés. Parce que demain, potentiellement, c'est nous qui nous serons vulnérables. Et donc, je crois que c'est aussi ça qui peut être représenté dans cette fresque.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une fresque qui pose des questions aussi, pas uniquement qui propose des évolutions. Deux micro-critiques que j'ai senties lorsqu'on travaillait. Comment est-ce qu'on passe à l'échelle métropolitaine ? Comment est-ce qu'on passe à l'échelle ? des interdépendances, des collaborations, du multicentrisme. Et ça, c'est une question très intéressante. Comment le dessin permet de travailler encore une autre échelle, qui est l'échelle territoriale, autrement évidemment que par la puissance des montagnes qui nous entourent. Et la deuxième critique qui nous a été faite, ce n'est pas une critique vraiment, mais c'est une vraie interrogation, pendant la Biennale en particulier par les gens, c'est en disant, oui, mais comment on met en œuvre ça ? Comment est-ce que la fresque questionne aussi les modalités peut-être de mise en œuvre ou les difficultés de mise en œuvre ? Et donc peut-être que la fresque pourrait être des fois plus questionnante et pas uniquement projectuelle. Mais il nous faut clore, donc la fresque elle ne s'arrête pas là et je trouve qu'une grande partie de vos remarques nous poussent à expérimenter d'autres dimensions dans la fresque, que ce soit les dimensions humaines ou métropolitaines. ou du monde du travail. Je voudrais remercier nos trois invités, parce que ce n'est pas facile pour Johan particulièrement de venir parler à partir d'une fraise qui nous imprègne de Grenoble, du Caire. Marlène, merci aussi d'être venue de Genève pour faire ce va-et-vient que tu as longtemps fait quand tu enseignais ici. Et Karine, qui continue de travailler sur l'urbanisme et l'architecture grenobloise. Merci de votre présence. Je remercie aussi l'équipe d'élus qui nous a accompagnés, et ce n'est pas fini, dans ce projet depuis huit mois maintenant de fresques. Merci beaucoup. Les nouveaux chemins du futur. Une série de rencontres proposées par Grenoble 2040 afin de se questionner et imaginer des alternatives inspirantes. Construire de nouveaux récits collectifs pour se préparer au monde de demain. Ici, maintenant,

  • Speaker #2

    ensemble,

  • Speaker #0

    plantons les graines d'un futur collectif juste et désirable.

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Description

Face aux défis d’aujourd’hui et de demain (pollution de l’air, hausse des températures, fragilité de la ressource en eau, montée des risques climatiques, problématiques d’accès aux soins, isolement et précarité sociale…), nos corps et nos manières de vivre ensemble sont mis à l’épreuve. La santé devient ainsi une question fondamentale de l’aménagement urbain. Comment, dans une ville déjà dense et contrainte, les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ? Entre enquêtes de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte des crises systémiques et soin de l’existant, il s’agit moins de bâtir que de révéler l’invisible et de façonner la ville… sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l’étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé.

 

Cette table-ronde croise le regard des personnalités grenobloises et extérieures :

    • Carine Bonnot est architecte et maîtresse de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes). Ses thématiques de recherche interrogent la production architecturale des Trente glorieuses autour du thème de la Modernité ordinaire. Le patrimoine XXème siècle est au cœur de ses réflexions, et de sa pratique au sein de l’agence SILO à Grenoble, où elle mène des réhabilitations d’équipements publics et de logements collectifs.

    • Marlène Leroux est architecte et chargée d'enseignement en urbanisme à l'Université de Genève. Elle est également partenaire fondatrice de l'agence d'architecture Atelier Archiplein. Elle mène des recherches dans les domaines de l'architecture durable et de l'aménagement du territoire.

    • Nicolas Tixier est professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et chercheur au Cresson (laboratoire AAU). Ses travaux portent sur les démarches d’appréhension des villes et de leur fabrique par les ambiances. Avec Hiba Debouk, il est grand témoin de la démarche Grenoble 2040.

    • Yoann Sportouch est urbaniste et philosophe, fondateur de LDV Studio Urbain, l’agence de conseil en prospective urbaine et en stratégies d’usages au profit de la transformation de la ville. Il est l'auteur de "Pour un urbanisme du care - L'attention à l'autre pour refaire société" publié aux Editions de l'aube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast qui explore les futurs possibles de notre ville.

  • Speaker #1

    Dans cet épisode,

  • Speaker #0

    nous questionnons la fabrique de la ville d'aujourd'hui et celle de demain. Comment dans une ville déjà dense et contrainte,

  • Speaker #1

    les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ?

  • Speaker #0

    Entre enquête de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte les choses qui se passent dans la ville. en compte des crises systémiques et soins de l'existant. Il s'agit moins de bâtir que de révéler l'invisible et de façonner la ville sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l'étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé, que nous vous invitons à découvrir sur le site grenoble.fr. Je m'appelle Nicolas Tixier, je suis enseignant-chercheur à l'école d'architecture et j'ai pu accompagner cette démarche comme grand témoin. Ce soir, je vais à la fois essayer d'être explicatif sur la façon dont on a travaillé, mais surtout de faire réagir nos trois invités à ce travail, et puis aussi à vos questions, à vos remarques que nous prendrons après. Johan Spartouche, vous êtes urbaniste de formation aussi en philosophie, et ça a une certaine importance, puisque une de vos thématiques fortes, c'est la question de la santé, avec un mot en anglais qui s'appelle le... le care, le soin, mais ça recouvre plus que la question du soin. Vous nous expliquerez un petit peu. Vous avez une agence de stratégie urbaine qui s'appelle LDV et vous faites de l'assistance à maîtrise d'ouvrage et de la prospective. Vous connaissez peu Grenoble et donc c'est un regard extérieur à toute cette démarche aussi qui nous intéresse dans vos réactions. Puis nous écouterons Marlène Leroux. Marlène Leroux, vous êtes architecte urbaniste. Vous habitez à Genève, vous co-dirigez un atelier d'architecture et d'urbanisme qui s'appelle Atelier Archipelain. Vous enseignez à l'Université de Genève en urbanisme, mais vous connaissez aussi quand même assez bien Grenoble puisque pendant quelques années vous avez enseigné ici à l'Institut d'urbanisme de Grenoble. Et on dirait que votre spécialité, votre intervention portera d'abord sur... Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, là où la ville existe déjà et pas à partir d'un territoire vide ? Enfin, Karine Bonneau, merci aussi d'être là. Alors là, Karine, vous êtes architecte, mais vous êtes grenobloise et vous connaissez bien la ville. Et vous avez une agence d'architecture avec d'autres collègues qui s'appelle Silo, dans laquelle vous êtes spécialisée sur le patrimoine 20e, le patrimoine alpin. Vous êtes une des contributrices. du guide de l'architecture du XXe siècle de Grenoble. Et d'ailleurs, Johan, j'ai oublié de mentionner votre livre. Je ne sais pas si vous l'avez. On pourra le montrer, un ouvrage sur le Caire. Et ce qui nous intéresse particulièrement là, c'est que Grenoble n'est pas une ville comme les autres, puisqu'elle a été principalement bâtie au XXe siècle avec une architecture de béton. Et donc, faire la ville avec la ville à Grenoble, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose que de la faire... comme on peut le faire dans d'autres villes. Avant de vous passer la parole, on s'est un peu concerté pour l'organisation de la soirée. Je vais commencer par vous expliquer comment on a fabriqué la fresque. Je vais essayer d'être assez rapide. Puis, si vous le voulez bien, on pourra se lever et explorer pendant 5-7 minutes, pas plus, on n'a pas trop le temps, la fresque, parce que certains se souviennent d'arriver, juste pour le plaisir peut-être de rentrer dans des détails. Puis on revient ici pour écouter nos trois intervenants. On essaiera d'être court de façon à favoriser les questions, les prises de parole et les échanges avec nous, mais peut-être aussi des fois entre vous. Alors faire une fresque pour penser le futur, ce n'est pas complètement original, même si l'affaire de cette taille-là est assez rare. Alors elle fait 26 mètres. Et donc Gaëtan Amossé qui a fait ce travail de dessin a vécu plusieurs mois complètement imprégné dans Grenoble. Mais on est battu, on est battu. Certains d'entre vous connaissent sans doute la fresque d'Ambrogio Lorenzetti à Sienne, qui est la fresque du bon et du mauvais gouvernement, qui représente la ville de Sienne à la fois dans son état passé, présent et futur. Et elle fait 34 mètres. Donc on a toujours des modèles... extrêmement intéressant qui nous précède. Mais cette fresque, un peu comme la fresque à Sienne, en fait elle est à 360 degrés. La salle n'étant pas ronde, on ne s'en rend pas forcément compte et pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas vous faire rentrer dans un... Un disque dans lequel on ne pourrait pas sortir facilement. Alors pourquoi ? J'espère que vous arrivez à voir ici. On est parti de la Tour Perret. On est sur les 100 ans de la Tour Perret cette année. Pourquoi ? Parce que la Tour Perret, même si ce n'est pas complètement au centre de Grenoble, depuis le haut de la Tour Perret, on a une vue à 360 degrés incroyable de Grenoble. Et vous connaissez peut-être cette photo qui a été faite en 1925, qui montre tout Grenoble en 1925. à cette époque-là. Cette photo a été refaite en 2021. Et donc, on est parti de cette idée d'attraper des morceaux de quartier qui posent des questions spécifiques et de les assembler entre eux. C'est-à-dire qu'on a, à partir de ce diagnostic dont parlait Margot Bélair, sélectionné 13 formes d'urbanité grenobloise. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas 14 ou 15 ou qu'on n'aurait pas pu en avoir que 11, mais à un moment donné... On s'est dit 13, on commence déjà à toucher une belle variété de quartiers. Cette variété, c'est par exemple des faubourgs denses, comme à Berriat, une école, ici l'école Pain-Levé, la question des copropriétés des années 50 et des années 70, les zones d'activité économique, une dalle à la Ville-Neuve, on a pris la dalle des géants, un ensemble d'équipements publics, le conservatoire, un îlot de faubourg beaucoup plus aéré, comme Bajatière, une place publique parmi d'autres, mais quand même un peu singulière, la place Vaucanson, un îlot du centre-ville, les îlots qu'on pourrait dire haussmanniens du centre-ville, etc. Forcément, il manquera quelques urbanités autres, mais 13, c'est déjà beaucoup. Sur ces 13 urbanités, vous voyez, c'est ce qu'on appelle une coupe baïonnette. C'est-à-dire que ce qui est en noir ici vient se rejoindre. Donc par exemple, là, vous avez une urbanité, la place Vaucanson, que l'on fait toucher de façon artificielle à un îlot du centre-ville et que l'on fait toucher à un îlot sportif, le Jeanbron. Évidemment, dans la vraie ville, on passe par d'autres endroits. Donc si vous marchez ce transect, cette traversée dans la ville, vous allez traverser ces quartiers, mais là l'idée c'est qu'on peut la marcher dans la pièce. C'est pour ça que l'idée d'être à 360 degrés nous plaît beaucoup, on est presque à ce niveau-là. Donc après, une fois qu'on a fait ces sélections-là, on a travaillé à partir des diagnostics. mais à partir aussi de la connaissance qu'avaient les équipes de l'agence d'urbanisme et des agences de la ville, on a travaillé sur une mise en projet à l'horizon 2040. 2040, c'est dans 15 ans. C'est à la fois proche et loin. Proche parce qu'à l'échelle des projets urbains, de la transformation de la ville, 15 ans, c'est pas très loin. Mais en même temps, c'est pas des actions pour demain. Évidemment, on peut imaginer que certaines actions que vous verrez... puissent être engagées bien avant 2040, et d'autres peut-être, si elles ont du sens, plus tard. Donc cette question de la temporalité, c'était l'horizon qui avait été donné en 2020, quand Grenoble était capitale verte européenne. C'est des enfants qui sont nés en 2020 et qui auraient 20 ans en 2040. On peut discuter de la date, mais c'est l'exercice que l'on s'est donné. Et donc ce deuxième exercice de prospective 2040, c'est bien entendu la question du soin, du bien-être. et de la santé. Et on est parti dans ce qu'on pourrait dire un urbanisme du milieu. C'est-à-dire, on est parti de là où les gens vivent, les appartements, les raies de chaussée, les rues, les places publiques, les lieux de travail, les écoles, etc. Et la coupe, telle qu'elle est là, elle nous permet de réhabiliter ce qui souvent ne se voit pas dans les projets urbains ou dans les projets de perspective, c'est-à-dire une dimension verticale et atmosphérique qui permet d'inscrire des usages et du récit. Et donc sur ces coupes, il y a toute une multitude de petits récits qui racontent comment l'espace public pourrait être utilisé, comment les habitats pourraient être partagés, comment des extensions pourraient se faire. Ça va de projets des fois un peu ambitieux, comme par exemple une transformation de la piscine Jean Bront en bassin nordique, à des projets beaucoup plus petits, par exemple se dire, mais non moins ambitieux, et si on réhabilitait les persiennes extérieures qui permettent d'avoir un super ombrage l'été. pour les appartements grenoblois. Aujourd'hui, c'est très difficile de trouver des fabricants de persiennes extérieures, par exemple. Donc, vous allez trouver des choses très petites et des choses de grande échelle dans cette fresque. Et notre dessinateur, Gaëtan Amossé, n'est pas arrivé à la fin du travail pour dessiner ce qu'on a collégialement travaillé dans des ateliers. C'est dès le début, il était avec nous. Et dès le début, il dessinait en direct les situations. Ce qui fait que nous réagissions aussi à son dessin. L'idée, c'est que ce processus-là ne se... n'est pas terminée. Là, on a une première étape, donc elle est montrée. Il y a eu des pas en avant, mais des fois, c'est peut-être pour mieux faire un pas en arrière ou des pas de côté ou augmenter peut-être ce qui est proposé. Et donc, ce que l'on souhaite aussi demain, c'est faire une version augmentée de la fresque. C'est-à-dire non pas une version qui effacerait ce qui est présent, mais qui viendrait par exemple avec une autre couleur, additionnée. Tout ce qui se passe en ce moment dans les ateliers qui ont lieu ici depuis une semaine et ce qui se passera après la période électorale pour les ateliers qui pourraient être publics pour travailler sur la fresque. C'est ce qu'on peut appeler un objet un peu intermédiaire. C'est plus que de l'analyse, mais on n'est pas encore dans du projet complètement fini. Je propose de m'arrêter là, parce que c'est l'explication de comment on a travaillé, pour que vous marchiez la fresque un petit peu. Et on peut se retrouver là dans 5-6 minutes, si vous le voulez, pour écouter nos trois intervenants. Puis après, on vous passera la parole dans un échange. Ce premier tour de table, c'est d'abord pour faire réagir nos trois invités à ce travail. On va commencer par Johan Sportouche. Et justement, voilà ce que j'avais oublié de vous montrer. Il va nous parler de cet urbanisme du Caire. qui est un mot qui revient souvent aujourd'hui dans le langage des urbanistes ou des chercheurs en urbanisme. Donc c'est important que vous nous l'expliquiez parce que si on utilise le mot anglais aujourd'hui, c'est peut-être parce que ça recouvre plusieurs mots en français ou des choses un peu différentes. Et donc, comment vous voyez cette importance d'un urbanisme favorable à la santé et peut-être qu'un urbanisme du caire, c'est encore un petit peu différent ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, l'urbanisme du Caire... Le CAIR en tant que tel est une philosophie qui prend de plus en plus de place aujourd'hui dans nos sociétés, qui s'est largement développée dans les mouvements de l'économie sociale et solidaire notamment, et qui est issue d'une philosophie qui a été conceptualisée par une philosophe qui s'appelle Carol Gilligan aux Etats-Unis dans les années 80, à un moment où l'état-providence était en train de mourir tout simplement, au moment où en fait il y a la présidence... Reagan qui est rentré en jeu. Et donc il y a eu comme ça un mouvement féministe qui s'est constitué, qui avait besoin d'une pensée support. Et c'est à travers en fait l'éthique du care que cette pensée, ces mouvements se sont développés. Je commence souvent par ça parce qu'en fait c'est quelque chose qui me semble assez fondamental. Aujourd'hui dans la société dans laquelle on vit, il y a eu un rapport qui est sorti pas plus tard qu'aujourd'hui, ou c'était peut-être hier, qui rappelait que Entre le 17 et le 18 août dernier, il y a 2157 enfants qui ont dormi dans la rue cet été. C'est déjà une première chose, quelque part la preuve qu'on vit une crise sociale aujourd'hui en France. En novembre dernier, le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, sortait un rapport qui s'appelle le rapport sur l'état de la France. et qui disait que ce rapport venait prouver qu'en fait il existe une personne sur quatre en France qui considère que la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. J'irai encore un peu plus loin, il y a une personne sur deux qui considère qu'aujourd'hui en France, pour résoudre les problèmes de sécurité et d'ordre, il faudrait un État autoritaire. Donc on est dans une crise démocratique, je le crois. À côté de ça, aujourd'hui il y a une personne sur deux en France qui déclare, toujours dans ce même rapport du conseil économique, social et environnemental, ne pas avoir assez de ressources pour survenir à ses besoins essentiels. Donc on est dans une crise, quelque part, sociale et économique. Et enfin, je pourrais continuer comme ça, mais je ne vais pas trop plomber l'ambiance, c'est qu'il y a une personne sur quatre en France qui considère que son sentiment d'appartenance à la société française n'existe pas. Ils ne sont pas français. Tout ça vient dire qu'on est dans une espèce de conjonction de crise. Nous, en tant que professionnels de la fabrique urbaine, quand on travaille, souvent on nous demande de répondre à une commande. Et bien souvent, on nous dit qu'aujourd'hui, ce serait bien de s'intéresser sur cette parcelle-là précisément, à la ville à hauteur d'enfants. où on va s'intéresser plus... précisément aux seniors, où on va s'intéresser plus précisément à mettre le curseur sur la problématique environnementale. Et en fait, à un moment donné, moi ça fait huit ans que j'ai monté mon agence, j'ai eu le sentiment de devenir un peu schizophrène et de me dire en fait, je refuse ça en fait, j'en ai un peu assez, de devoir tout le temps gérer une petite partie du problème. Et donc, c'est assez intéressant de voir cette fresque, mais j'en parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on est dans une problématique, finalement, dans une manière de traiter l'ensemble des enjeux qui traversent nos villes aujourd'hui, et pas que nos villes aussi, nos villages, nos territoires ruraux, à travers quelque chose d'assez global. À côté de ça, il y a beaucoup d'approches que je considère être des formes d'urbanisme ou d'architecture, c'est-à-dire des professionnels. de la fabrique urbaine qui s'engagent. Qui s'engagent à traiter ce type de problématiques que j'ai citées tout à l'heure. Donc, ces dix dernières années, on a vu apparaître notamment des concepts comme la ville inclusive. C'est-à-dire qu'une ville qui va, à un moment donné, s'intéresser à beaucoup plus faire participer les habitants. Beaucoup plus faire participer les habitants, notamment qui sont en marge de la société. Des personnes qui sont atteintes de handicap, par exemple. des personnes, tout simplement des femmes qui sont quelque part, ça a été prouvé assez peu présent, trop peu présent peut-être dans certains espaces publics. D'autres approches se sont développées, comme l'urbanisme circulaire, qui propose de reconstruire la ville sur la ville à partir de l'existant, notamment. C'est-à-dire que chaque... On parlera de la réhabilitation tout à l'heure, mais chaque processus de réhabilitation va se servir de ce qui existe et potentiellement des déchets, c'est-à-dire de... d'une certaine forme de déconstruction pour reconstruire la ville à partir de ça, qu'on appelle l'urbanisme circulaire, qui travaille notamment sur les friches urbaines, plutôt que de continuer l'étalement urbain. Il y a d'autres urbanismes qui sont développés, comme l'urbanisme, j'en ai parlé tout à l'heure, la ville à hauteur d'enfance, c'est-à-dire qu'en fait on se rend compte qu'aujourd'hui, l'urbanisme, la manière dont sont construites nos villes, quelque part exclut un peu les enfants, parce que le tout voiture, forcément, ça limite. la possibilité à nos enfants de courir tout simplement dans les rues. Tout ça pour dire que il y a toutes ces formes d'urbanisme qui se développent et en même temps, à côté de ça, on voit encore se développer des projets qui sont complètement à côté de la plaque, j'ai envie de dire. Comme par exemple, c'était en octobre dernier, qui a été inauguré à Nanterre, c'est 120 000 m² de bureaux qui se sont développés, qui ont été inaugurés par Emmanuel Macron. Alors Nanterre, pour vous rappeler, C'est le foyer des dernières émeutes urbaines. C'est Naël, c'est tout ça. Et on est dans un espace qui est extrêmement durable, extrêmement écologique. Pour le coup, les bureaux sont au top du top de ce qu'on peut faire en termes de bioclimatisme, en termes de tout ce qu'on veut, en termes d'environnement. Néanmoins, on est dans une déconnexion totale par rapport au contexte dans lequel c'est implanté. Non seulement par rapport au contexte géographique, mais encore plus. du contexte en termes de tendance. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on fait de plus en plus de télétravail. Alors il y a une petite baisse, mais on fait de plus en plus de télétravail. Moi, je fais trois jours de télétravail. Et donc, dans un contexte comme celui-ci, on se dit, tiens, on va faire construire 120 000 m² de bureaux. Et donc tout ça pour dire qu'à travers tous ces urbanismes engagés qui se sont développés, et à travers cette déconnexion, je crois qu'à un moment donné, il nous faut quelque part un chemin, ou plutôt trouver quelque chose de commun. à ces urbanismes engagés pour pouvoir non plus agir de manière en silo, de manière parcellaire, mais plutôt proposer un autre chemin que celui que je viens de décrire, là en l'occurrence où on se propose de construire 120 000 m² de bureaux à l'inter. Ah oui, parce que je ne vous l'ai pas dit, sur ces 120 000 m² de bureaux, vous savez combien en sont occupés aujourd'hui ? Bon, je vais vous le dire, c'est 19 000 m² de bureaux qui sont occupés. 19 000 m² sur 120 000. Au moment de l'inauguration, il n'y en avait que 9000 qui étaient occupés. On peut parler vraiment de gâchis total. Tout ça pour dire que, quelque part, à un moment donné, il nous fallait, et moi c'était le sentiment, le besoin que j'avais, face à ces différentes urbanismes engagés, j'avais envie de trouver un espèce de dénominateur commun dont on a besoin aujourd'hui pour gérer l'ensemble des crises, pour faire en sorte que le projet urbain devienne une opportunité de répondre à ces crises que l'on traverse. Et donc, quelque part, c'est là que je suis allé chercher l'éthique du care. Parce qu'au centre de l'éthique du care, il y a deux concepts qui sont fondamentaux. C'est la question de la vulnérabilité en tant que modèle de vulnérabilité. Il ne s'agit pas de s'intéresser uniquement aux pauvres. Ce n'est pas ça que je suis en train de dire, même si c'est essentiel, je le pense. Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, il s'agit de se dire en tant qu'urbaniste, en tant que professionnel de la fabrique urbaine, l'ensemble des choix que l'on va faire va non plus se porter sur Le développement économique des territoires, l'attractivité des territoires, ce qui a été le cas pendant des dizaines et des dizaines d'années, en gros l'offre. l'urbanisme de l'offre, mais finalement, le choix que l'on doit faire doit pouvoir résoudre effectivement les vulnérabilités, mais ne pas impacter, ne pas renforcer les vulnérabilités qui existent dans nos territoires. Parce que ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est que toutes ces crises-là, elles sont en lien. C'est-à-dire qu'en fait, le Conseil économique, social et environnemental vient nous dire que la trop grande présence des inégalités en France... a un impact direct sur la confiance que l'on a en la démocratie. Et donc, tout cela pour dire qu'il est urgent d'avoir une vision globale et je crois que la dimension des vulnérabilités, la recherche de solutions pour répondre à ces vulnérabilités, en est une. Et cette démarche-là, et je terminerai là-dessus, d'un urbanisme favorable à la santé, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec le terme de santé, parce qu'effectivement, Quand on pense santé, on pense souvent au sens médical du terme. Je parlerais plutôt de santé collective. Et c'est pour ça que je suis allé chercher l'éthique du CAIR, parce qu'il y a une dimension un peu globale. Et je pense qu'il est urgent aujourd'hui d'avoir cette vision là dans la fabrique urbaine.

  • Speaker #0

    Merci. Si je retiens trois choses, c'est qu'un, on ne peut plus faire la ville comme on la faisait avant, que ce soit en planification ou en programmation, puisque toute programmation est presque vouée à... à être fausse au moment où le bâtiment va sortir, où la ville va sortir. Voilà, le monde d'incertitude. Deuxièmement, évidemment, bien entendu, vous l'avez rappelé, les inégalités sociales et la crise écologique. Et puis, la troisième chose, c'est cette approche holistique. C'est-à-dire, en fait, comment on arrive à essayer de ne pas sectoriser les problèmes. Parce que dans la vie de tous les jours, on est soi, on est une personne, on n'est pas divisé en sujets. Marlène Leroux, vous avez l'expérience de différentes villes sur la fabrique urbaine, vous avez travaillé à l'évolution de certains quartiers en France, en Suisse. Comment voyez-vous cette crise aujourd'hui de la planification, de la programmation ? Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, alors que c'est un mot d'ordre qui est présent depuis longtemps ? Mais là, aujourd'hui, Grenoble, l'expression est classique, la cuvette est pleine. On a quand même très peu de projets à bâtir. Et je m'avance juste sur un point, quand on a fait des ateliers avec un master qui travaillait en maîtrise d'ouvrage sur la question de la promotion immobilière, etc. Une étudiante nous a dit, mais où est-ce qu'on va travailler nous, puisqu'il n'y a plus de terrain à bâtir ? Et donc, comment est-ce que les différents métiers voient aussi différemment leur propre métier pour apprendre à faire la ville sur la ville ?

  • Speaker #2

    Bonsoir tout le monde. En fait, l'une des formes de réponse que l'on pourrait avoir à cette idée-là, mais finalement, comment on met en œuvre cette idée incroyablement nécessaire de refaire la ville sur la ville ? Finalement, le travail qu'on a sous les yeux aujourd'hui, au niveau de l'objectif, on ne va pas encore parler de la forme, je pense que c'est une des formes de la réponse, parce que finalement, il s'agit d'une forme de recensement pluridisciplinaire d'un État actuel, mais aussi d'une projection future qu'est-ce que j'ai pour de vrai, avant de dire je ne peux plus rien faire. Et donc cette nécessité de prendre un petit temps, d'être capable de révéler les potentiels invisibles, c'est peut-être ça la nouvelle forme de qu'est-ce qu'être un architecte aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un urbaniste aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un géographe aujourd'hui, c'est de se dire finalement, d'avoir une certaine forme de courage de la nuance, et de ne pas se dire ce n'est plus possible de... mais c'est de se dire comment est-ce que je vais révéler des choses qui ne paraissent pas complètement possibles. Pour être un petit peu moins abstraite, je vais vous donner par exemple un exemple qui est assez facile à vous expliquer sans PowerPoint. J'habite à Genève, il y a un énorme quartier qui s'appelle le PAV, Prae Acacia Vernet. C'est à peu près, je crois, un cinquième du territoire de Genève qui était, fut un temps, une zone industrielle. Très bien. Pour faire une belle zone industrielle, on a fait des... beaux bâtiments, des beaux bâtiments pour faire tout un tas de choses industrielles, des hangars et compagnie. On a fait venir le train. Il y avait quelque chose qui nous dérangeait énormément dans ce territoire, c'était qu'il y avait une rivière qui passait par là. À l'époque, la bonne idée, c'était de se dire on va canaliser cette rivière, l'enterrer comme ça, elle n'a plus nous embêter. On va pouvoir faire passer la route par-dessus. À l'époque, c'était l'idée géniale. Mais quand on a fait ça, on s'est directement coupé de tous les services écosystémiques que rendait cette rivière, la fraîcheur. le plaisir, le bien-être, le désir de nature, les poissons, les coléoptères et compagnie. Et donc, ce qui est en train de se faire dans ce territoire, après des années de diagnostics et de recherches de quels sont les potentiels littéralement invisibles, c'est-à-dire cette rivière que l'on ne voyait pas, il y a un énorme projet où on est en train de refaire... faire sortir la drise de sa canalisation. Et bien là, les étudiants, les ingénieurs environnement, les étudiants en urbanisme, tout à coup, bam, ils ont un potentiel qui n'existait littéralement plus et qu'on a fait redécouvrir. Et bien finalement, pour répondre à une forme de cette démarche-là, construire la ville sur la ville, c'est être capable de voir ce qui nous paraît absolument invisible. Et pour faire ça, on est obligé de porter les lunettes de toutes les disciplines. Parce qu'individuellement, on n'est pas capable de croiser l'ensemble de ces potentiels. Parce que justement, à la différence de cette magnifique fresque du bon et du mauvais gouvernement que je vous conseille tous d'aller voir en Italie, c'est qu'on arrivait à une certaine époque quand les choses étaient simples. Il y avait les méchants, les gentils, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres. Tout était simple parce qu'on ne laissait pas la parole à ceux qu'on ne voulait pas écouter. Et ce brave monsieur... Il en lui a dit, bon, tu fais le bon, le mauvais, et puis au milieu, tu mets le gouvernement qu'il faut élire. C'est quand même pas compliqué. Et il l'a fait de manière extrêmement caricaturale. Le problème, c'est que maintenant, on est à une époque où on écoute les gens, à une époque où on prend soin des gens, et à une époque où les choses sont bien plus complexes qu'à l'époque de Lorenzo Etti. Je n'ai jamais essayé de dire ce nom. Donc, construire la ville sur la ville, quelque part, c'est une certaine forme de courage, d'une nuance. et donc d'être capable de travailler avec des choses qui ne fonctionnent pas ensemble. Et donc je dis à tous mes étudiants en urbanisme, votre métier est de faire l'impossible, c'est-à-dire d'être capable de faire des choses là où tout le monde s'est dit que ce n'est pas possible de le faire. Donc c'est hyper excitant. Donc ton étudiante de master qui était hyper inquiète parce qu'il n'y avait plus de terrain à bâtir au fin fond d'une campagne, mais en fait il faut qu'elle comprenne à quel point son métier va être bien plus rigolo d'aller mettre d'accord des gens qui sont... absolument pas d'accord autour de la table, de faire des choses que les ingénieurs civils vont dire que ce n'est pas possible, personne ne va dire que c'est possible, et le jour où elle va y arriver, elle sera d'autant plus heureuse que juste faire un immeuble de cinq étages avec une isolation périphérique hyper ennuyante. Donc, ils sont là, les potentiels. Et donc, j'imagine que quand on fait ce genre de travail-là, on a une espèce, comme a été dit à l'introduction, il y a une espèce de désirabilité et de... de nouvelles excitations, des potentiels qui viennent d'être révélés et qu'on a très envie de poursuivre.

  • Speaker #0

    Merci. Là aussi, je retiens deux choses qui peuvent être discutées par la suite. La première, même si ça peut paraître évident aujourd'hui, mais la nécessité d'enquêter, enquêter les lieux pour aller voir quelles sont leurs ressources, quelles sont les choses cachées, les choses oubliées, les potentiels. Bref, enquêter. Ça paraît rien, mais c'est beaucoup. L'urbanisme ne se fait pas autour d'une table, que sur des plans. Il se fait les pieds dans les terrains. Et la deuxième chose... C'est que la complexité du monde actuel nous oblige peut-être à fabriquer des nouvelles alliances, des nouvelles façons de faire ville ensemble, que ce soit à de toutes petites échelles, quand on décide de partager des usages, ou des bâtiments, ou des raies de chaussée, etc., ou à des échelles un peu plus grandes, à l'échelle de la ville. Et donc fabriquer des nouvelles alliances, c'est souvent mettre à mal là aussi les façons de gouverner, et quand je dis gouverner, c'est autant une ville. qu'une copropriété ou qu'une métropole, etc. C'est vraiment la façon dont on peut faire ville ensemble par des nouvelles contractualisations, des nouvelles alliances. Mais Grenoble est une terre spécifique. D'abord, c'est une ville de montagne, plus ou moins, puisqu'on a 220 mètres d'altitude. Une ville plate, on est dans la plaine. Le béton a vraiment été une caractéristique très... très importante évidemment du développement de Grenoble, mais aussi de sa fabrique, de son extension au XXe siècle. Et donc faire la ville sur la ville à Grenoble, c'est forcément faire la ville avec cette caractéristique-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on voit un peu toutes les échelles, un contexte général, la ville. Et puis peut-être, moi, je peux plus vous parler des édifices, les édifices grenoblois. Donc c'est vrai qu'on connaît Grenoble comme étant une ville de béton. Tout le monde a vu le chantier récent de rénovation de la Tour Perret. et toutes les dynamiques que ça a activées autour de la question du patrimoine béton, les spécificités de notre territoire, où on a développé un matériau qui a été un peu un outil pour le développement de l'architecture moderne, cette architecture du XXe siècle. Et c'est vrai qu'à Grenoble, on a beaucoup d'édifices, et ce qui est très frappant. Dans votre fresque, c'est que tous les existants que vous avez représentés sont quasiment de la ville du XXe. Avec les typologies de classement dans vos 13 situations, en fait, on a une ville assez jeune finalement. Et Grenoble a cette spécificité. Alors, c'est une période de l'histoire d'architecture qui est difficile à aimer. La ville, depuis qu'elle est ville et pays d'art et d'histoire... beaucoup développé d'activités pédagogiques, d'informations. Il y a une valorisation assez importante. Il y a des labels aussi qui existent, mais il y a aussi beaucoup de bâtiments qui sont assez méconnus. Et lorsqu'on a travaillé sur le guide d'inventaire de Grenoble au XXe siècle, on avait repéré environ 800 bâtiments. Puis après, la liste a été réduite à 500. Finalement, le livre présente 100 objets. et ce qui était frappant dans des édifices. Il y en a qui sont représentés par Gaëtan, le dessinateur qui a travaillé sur la fresque. Ce qui était frappant, c'est qu'ils avaient tous une qualité constructive réalisée par des équipes multidisciplinaires, architectes, ingénieurs, des ingénieurs qui étaient beaucoup dans l'innovation sur les structures. Ensuite, des entreprises qui mettaient en œuvre des des exécutions assez exemplaires, et puis des bétons. avec des qualités, souvent des recettes surdosées. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de bâtiments assez costauds, des refents qui sont plus épais qu'ailleurs à Grenoble, des bâtiments qui ont aussi servi de modèle pour construire en montagne, pour construire dans des sites un peu plus contraints, notamment avec le climat et la pente. Donc Grenoble a été un berceau d'innovation avec des savoir-faire qu'aujourd'hui on va souvent rapidement... d'écrire comme des passoires thermiques. Alors bien sûr, il y a les questions de thermique, mais il y a aussi une manière de voir ces bâtiments comme des ressources, comme des espaces capables d'accueillir d'autres programmes, d'être surélevés. Il y a beaucoup, beaucoup de dessins. Donc en bleu, ce sont les existants. En rouge, les interventions possibles, les rêves, les propositions. La question de la surélévation est très intéressante. Elle a été développée à Grenoble depuis la fin du XIXe siècle sur beaucoup d'édifices. grâce... aux matériaux de base. Et quand on sait aujourd'hui, tu parlais de crise multicrise, quand on sait qu'une des crises est aussi celle qui concerne les ressources, on n'a plus de sable pour construire des ciments, des ciments aussi costauds que dans nos années 60 et tout ce qu'a développé la ville olympique notamment. On peut se dire que prendre soin, c'est aussi prendre soin des édifices, de les réhabiliter. Et l'enquête, dans ce cas-là, est très importante. La phase de diagnostic, de redécouvrir comment ça a été fait pour ne pas tout gommer, ou ne pas tout mettre à la poubelle ou démolir. Donc la ville de Grenoble, je pense, a encore plus intérêt et a plus de défis face à ces réhabilitations. qui sont une des solutions pour arriver à construire dans une cuvette un peu contrainte et en même temps majoritairement très bien construite.

  • Speaker #0

    Merci. C'est vrai que cette question de l'héritage, en fait, pour faire la ville, c'est à la fois quelque chose que l'on peut voir de façon subie, mais c'est aussi quelque chose qu'on peut voir de façon choisie. Et au contraire, continuer une histoire qui fait le lien entre hier, aujourd'hui, demain. Ça m'amène un tout petit peu à aborder déjà la deuxième partie de vos interventions, et après ça sera à vous la parole. La deuxième partie, je voudrais qu'on la porte plus sur la fresque même. Souvent, quand on fait de la prospective, il peut y avoir deux tendances caricaturales. La première qui serait une prédiction programmatique. Demain, le monde sera comme ça. Il faut qu'il soit comme ça. L'autre, c'est l'imaginaire utopique ou dystopique. Il y avait Jean-Pierre Andrevon qui était là tout à l'heure. L'imaginaire n'est pas toujours utopique, il peut être aussi dystopique. Et donc, comment trouver une voie au milieu qui n'est pas uniquement une prédiction certaine de ce que devrait être la ville de façon certaine, et ni non plus des rêves dont on sait par avance qu'ils sont inaccessibles, mais des lignes de direction qu'on essaye d'incarner là par du dessin. Souvent, quand on fait la prospective, c'est souvent des phrases, des mots, des enjeux, des tableaux, de critères qu'il ne faut pas rater, il faut faire attention à ça, à ça, etc. Mais il y a quelque chose qui disparaît souvent, c'est les formes, les formes urbaines. Et dans les formes urbaines, il y a la question de l'air, de l'eau, du sol, du végétal, et puis, bien entendu, la question des usages, que ce soit les usages pour tous les âges. Et avec Gaëtan, il s'est beaucoup amusé aussi, bien entendu. à représenter le monde animal à l'intérieur de cette ville. Alors peut-être que là, c'est intéressant que vous nous ayez dit à se dire mais cet exercice qui a été tenté, qui est depuis peu dans le débat public et qui aura, j'espère, d'autres, on a dit, d'autres qui vont être complétés, ça a des avantages mais ça a sans doute des limites. C'est-à-dire qu'en fait ce n'est pas un outil, la fraise, qui va remplacer le reste. Voilà, ça m'intéresserait peut-être de discuter d'intérêts, limites, difficultés que vous y voyez, aussi à travailler à la fois en coupe verticale avec une fresque dessinée comme ça.

  • Speaker #2

    Moi, ce que je trouve assez intéressant dans cette fresque, effectivement, c'est déjà que ce n'est pas un projet. L'agence que j'ai développée, en grande partie, on fait de la concertation, on travaille avec les habitants depuis un certain nombre d'années. Bien souvent, la plupart du temps, le projet urbain, enfin du moins la concertation qui est faite aujourd'hui, c'est-à-dire le fait d'aller chercher la vie des habitants, se fait à partir d'un projet qui est déjà en tête pour les élus. Alors peut-être qu'à Grenoble c'est différent, mais en l'occurrence, de manière assez générale, il y a quelque chose de cet ordre-là qui se fait. Et c'est vrai que dès lors que le projet est là, l'imaginaire quelque part est d'autant plus bridé, mais surtout le pouvoir d'agir. c'est-à-dire la possibilité de donner aux habitants d'être acteurs, de valoriser leur place dans la société, de valoriser leur place dans la démocratie. Je parlais tout à l'heure de crise démocratique. Et bien tout ça, ça disparaît avec une concertation qui est faite de la manière dont elle est faite aujourd'hui, c'est-à-dire la concertation qu'on appelle réglementaire. Et donc là, on a quelque chose de différent. On a effectivement un côté très prospectif à travers quelque chose de dessiné. qui a été réalisé avec des personnes, un personnel notamment de la ville et d'autres.

  • Speaker #0

    Chaque situation, il est travaillé au moins par 7, 8, 10 personnes autour de la table. Pas simultanément tout le temps, mais...

  • Speaker #2

    Et du coup, il y a quelque part une certaine forme d'objectivation des besoins qui a été faite en même temps. Et ce que je trouve assez intéressant, c'est que, en tout cas, ce que je considère nécessaire, il faut que les habitants puissent réagir par rapport à ça demain, je pense. Parce qu'il faut confronter quelque part cette vision. qui est effectivement très prospective, qui a été basée sur une analyse des besoins d'aujourd'hui, mais en même temps, une analyse aussi des besoins futurs. Et donc, quelque part, il y a eu comme ça des idées qui ont émergé à partir des besoins que l'on a aujourd'hui. Mais en même temps, il faut quelque part aussi mettre cette fresque à l'épreuve des usages. c'est-à-dire à l'épreuve des usages d'aujourd'hui, à l'épreuve des situations réelles, de ces situations que vivent les habitants, que ce soit par exemple sur un centre-ville, que ce soit sur une place, que ce soit en faisant du sport, etc. Et donc je pense que c'est ça la prochaine étape, c'est comment on confronte, et quelque part en fait on en fait un outil, parce que je crois que c'est ça dans lequel il faut arriver, pour renouveler quelque part notre rapport à la démocratie et renouveler la démocratie. Je pense qu'il faut faire de la démocratie en continu, en fait. Il faut arrêter, enfin du moins, il faut continuer les élections évidemment, mais il faut arrêter de fonctionner uniquement sur un processus où on a la démocratie, c'est on vote tous les deux ans. Non, en fait, la démocratie, ça doit être de la démocratie en continu. Et cette base de travail que vous avez fait là peut être un outil, quelque part, pour aller chercher, aller vers les habitants, aller questionner, aller chercher leur avis. leur donner une place dans la société, leur donner une place dans le projet municipal. Je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre-là, en tout cas, qu'il s'agit de réaliser maintenant.

  • Speaker #3

    Je vais faire comme quand je fais les critiques de projet avec les étudiants. Je commence par tout ce qui est très bien, puis après, il y aura un mais. Je préfère prévenir. Alors, en préambule, parce que j'ai peur d'oublier, pour moi, un des éléments les plus importants de ce travail de fresque, c'est qu'elle est très belle. Et ça paraît complètement idiot de commencer comme ça, parce qu'on pourrait dire « Oh là là, il y a des trucs beaucoup plus graves sur Terre que la question de la beauté » , et puis en fait, non. Finalement, au fond, quand on n'aura plus rien, ce qui est beau, c'est presque ce qu'il y a de plus nécessaire et d'indispensable. Donc le fait que cette fesque soit indéniablement belle, je pense que c'est une de ses qualités absolument principales, parce que ça s'est fait plaisir, que c'est agréable, que c'est désirable, et qu'on a besoin de ça. Donc ça, pour moi, c'est la première. Après, d'un point de vue beaucoup plus technique, ce que je trouve vraiment le plus pertinent dans ce travail de fresque, c'est qu'elle fasse fi des échelles. C'est qu'on se rend bien compte qu'au fond, pour représenter une ville, peu importent les échelles, parce qu'on se trompe dans cette systématique d'avoir un plan avec des échelles. Elle biaise totalement la réalité de la perception du territoire, parce qu'au fond, au moment où on va voir la cathédrale ou le théâtre bidule, Au fond, peu importe le temps qu'on va avoir pour ne pas courir, parce que notre cerveau est déjà là-bas. Et donc, dans ce travail-là, tout à coup, on se rend compte qu'on va faire des ruptures d'échelle par des ruptures de désir. Je désire voir le mont, machin, chose que je ne connais pas. Mais tout à coup, on voit bien que ce n'est pas très grave si je dois faire deux zigzags parce qu'en fait, je le vois. Et ça, c'est vraiment une qualité incroyable de ce travail de rupture d'échelle. Et ces trous que vous avez faits parce que finalement, on n'a pas envie de tout montrer. c'est là que je vois un potentiel incroyable, parce que ce que ça nous dit, c'est, au fond, de manière arbitraire, ou peut-être pas tant que ça, mais enfin, moi, comme je ne connais pas, admettons, je pourrais dire que c'est arbitraire, c'est de dire, en fait, de cette fresque-là, tout est encore à faire, parce qu'il y a encore ces trous qui peuvent encore rentrer dans un certain détail. Et en fait, ce que ces trous disent, c'est, peu importe ce que j'ai dessiné pour de vrai, ici, parce qu'en fait, je vous montre que je n'ai pas tout dessiné, et que je vous montre qu'il y a encore... de partout des potentiels d'analyse et de recensement. Et donc, je trouve qu'il y a une très grande valeur à ces vides. Ça, c'est la deuxième grande qualité. Et c'est quelque chose qui me pose beaucoup de problèmes quand on fait des analyses, des diagnostics, c'est qu'on est face systématiquement à ces « power points » où il y a quelqu'un qui te parle et qui zappe et qui zappe alors que toi, tu n'as pas envie de l'écouter, que tu as envie de regarder une image plus longtemps. La personne t'impose le rythme de réflexion en zappant. Et là, finalement, peut-être je vous parle, en fait, vous regardez autre chose et votre cerveau continue à écouter, enfin, j'espère un petit peu, mais en tout cas, vous pouvez regarder ailleurs. Et cette coprésence d'éléments permet tout à coup de créer une narration individuelle qui n'est pas possible quand on sectionne en permanence les types d'informations. Donc ça, pour moi, c'est vraiment une grande réussite de la fresque. Et après, il y a un élément, le mai, mais ça, c'est juste pour en parler. Parce qu'en fait, tu m'as présenté comme urbaniste, mais en fait, au fond, je réalise qu'au fond, je suis quand même vraiment architecte et je m'excuse de ça. Je fais tout pour aller vers la géographie et l'urbanisme, mais je suis architecte. Et donc, tout à l'heure, vous nous avez demandé quelle pourrait être la suite. Eh bien moi, en fait, j'aurais presque envie qu'à chaque fois qu'il y a un élément bâti qui a été dessiné, il soit en blanc. Pour qu'en fait, au fond, le potentiel d'usage ne soit pas forcément... dessinée, territorialisée, pour qu'il y ait tout un univers de projections sur ce qui pourrait être, d'un point de vue territorial, au-delà des potentiels d'usage. Parce que tout à l'heure, j'ai mis le doigt sur une petite toiture, et... En fait, cette petite toiture, peut-être qu'elle ne devrait pas être dessinée comme ça. Et c'est normal parce que ce monsieur Gaëtan, il n'a pas été mandaté pour dessiner 60 000 toitures, qu'il n'est pas architecte du patrimoine, qu'il n'a pas... Bref, la suite, ce serait de laisser encore la liberté de ne pas forcément dessiner le territoire. Voilà, il est gentil.

  • Speaker #0

    C'est un éloge de l'incomplétude pour le projet et que la vie n'en est jamais finie en plus.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur aussi le dessin en coupe, c'est-à-dire que la particularité de cette fresque, c'est que c'est une fiction. On ne voit jamais en coupe. C'est l'intérieur finalement d'un plan de face qu'on n'a jamais. Donc ça, c'est très intéressant de nous le montrer. Nicolas, tu es quand même beaucoup habitué à travailler le transect et l'idée de traverser avec des lectures très complètes. du haut de la montagne, d'un sommet, puis après on repasse dans des creux, puis on traverse des routes, des autoroutes. Et Grenoble a cette morphologie qui fait qu'on ne peut la lire qu'en coupe pour bien la comprendre, à la fois dans ses fonctionnements d'air, de climat, à la fois dans ses perceptions visuelles. Et puis il y a beaucoup de quartiers, j'ai parlé de la ville moderne, mais la ville moderne, elle se lit aussi en coupe quand vous allez à la ville neuve. La galerie de l'Arlequin n'est pas représentée en coupe, on ne peut pas comprendre qu'on peut la traverser, l'allonger. Pareil pour les quais de l'Isère. Donc c'est vrai que je trouve que le choix de la coupe est vraiment ambitieux parce que c'est très difficile de penser en coupe. Et puis on peut aussi, dans la suite de ce que tu dis, voir vraiment les vertus du dessin, c'est-à-dire qu'on ne bloque pas des images. Aujourd'hui, on a beaucoup tendance à avoir des images 3D, des représentations très propres dans les concours. Le dessin revient, pourquoi ? Parce qu'en fait, il ouvre et il permet de ne pas fermer les imaginaires. Et à l'école d'architecture, si on veut synthétiser, on a quand même 90% aujourd'hui des diplômes d'architecture qui sont effectués sur des bâtiments existants, avec un retour au dessin important, parce que l'existant impose de revenir sur une enquête, de redessiner des plans d'archives et quand on a de l'irrégularité dans du vernaculaire ou dans l'existant, en fait la main le représente parfois mieux que l'ordinateur. Et toujours dans la catégorie des diplômes, on a aussi un retour au dessin à 50-60% ou de l'hybridation, un mélange d'outils parce qu'on se rend compte que ben c'est On cherche à nous donner des spécialités, le BIM, le tableau Excel, et qu'en fait le dessin laisse plus de possibilités et attire de nouveau une génération qui, pour ma part, il y a une vingtaine d'années, on avait un peu plus abandonné. Et donc on a des retours qui sont assez intéressants à observer aussi. J'imagine que vous le voyez dans les médias tous.

  • Speaker #0

    Merci, c'est le moment où je vais vous passer la parole, mais comme vous avez été peu critique, je vais oser faire...

  • Speaker #2

    deux trois critiques ah oui vas-y vas-y c'est à la fois une critique et à la fois effectivement quelque chose d'assez d'assez flatteur que je vais dire en fait ce qui est assez intéressant dans cette fresque bon là c'est un peu différent parce que du coup elle est affichée de cette manière là mais quand elle est affichée en cirque en cercle on a quelque chose de l'ordre de la continuité qui est intéressant et en fait ce que ça vient introduire c'est que, et c'est là que je pense qu'il y a peut-être quelque chose encore à améliorer, c'est que la ville est un système, la terre est un système, finalement nos sociétés sont des systèmes. Et lorsqu'il y a trop de vulnérabilité dans un système, c'est là qu'en fait à un moment donné le système commence à vaciller, commence à être plus système justement. Et donc, quelque part, à l'image de cette image, quelque part, vient nous apprendre qu'il faut concevoir la ville et la manière de produire la ville comme un système d'interdépendance. Et quelque part, en fait, cette fresque nous permet ça, mais je pense qu'on pourrait aller encore un peu plus loin. Parce que finalement, entre les différents îlots qui sont représentés, il peut y avoir aussi des interdépendances. Entre l'îlot du centre-ville et l'îlot sportif. il peut potentiellement y avoir des interdépendances qui peuvent être dessinées. Et je crois que c'est ça dont on a besoin aussi aujourd'hui. Ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est qu'au sein de l'éthique du care, il y a ce premier principe qu'on appelle la vulnérabilité et la recherche d'un modèle de vulnérabilité dans notre manière de faire société. Mais pour y parvenir, quelque part, il faut être en capacité de rechercher ces interdépendances pour répondre à ces vulnérabilités. parce qu'on considère... que tous et toutes, à un moment donné, on peut être touché par la vulnérabilité. Tout simplement parce qu'on peut être touché par la maladie, on peut perdre son emploi, on peut faire un burn-out, on peut perdre un parent. Et quelque part, ça nous rend vulnérables, même si on ne l'était pas auparavant. Et la recherche d'interdépendance, c'est cette idée de dire que eh bien, on doit être en capacité de répondre aussi à ces vulnérabilités éphémères ou durables qui existent dans nos sociétés. Parce que demain, potentiellement, c'est nous qui nous serons vulnérables. Et donc, je crois que c'est aussi ça qui peut être représenté dans cette fresque.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une fresque qui pose des questions aussi, pas uniquement qui propose des évolutions. Deux micro-critiques que j'ai senties lorsqu'on travaillait. Comment est-ce qu'on passe à l'échelle métropolitaine ? Comment est-ce qu'on passe à l'échelle ? des interdépendances, des collaborations, du multicentrisme. Et ça, c'est une question très intéressante. Comment le dessin permet de travailler encore une autre échelle, qui est l'échelle territoriale, autrement évidemment que par la puissance des montagnes qui nous entourent. Et la deuxième critique qui nous a été faite, ce n'est pas une critique vraiment, mais c'est une vraie interrogation, pendant la Biennale en particulier par les gens, c'est en disant, oui, mais comment on met en œuvre ça ? Comment est-ce que la fresque questionne aussi les modalités peut-être de mise en œuvre ou les difficultés de mise en œuvre ? Et donc peut-être que la fresque pourrait être des fois plus questionnante et pas uniquement projectuelle. Mais il nous faut clore, donc la fresque elle ne s'arrête pas là et je trouve qu'une grande partie de vos remarques nous poussent à expérimenter d'autres dimensions dans la fresque, que ce soit les dimensions humaines ou métropolitaines. ou du monde du travail. Je voudrais remercier nos trois invités, parce que ce n'est pas facile pour Johan particulièrement de venir parler à partir d'une fraise qui nous imprègne de Grenoble, du Caire. Marlène, merci aussi d'être venue de Genève pour faire ce va-et-vient que tu as longtemps fait quand tu enseignais ici. Et Karine, qui continue de travailler sur l'urbanisme et l'architecture grenobloise. Merci de votre présence. Je remercie aussi l'équipe d'élus qui nous a accompagnés, et ce n'est pas fini, dans ce projet depuis huit mois maintenant de fresques. Merci beaucoup. Les nouveaux chemins du futur. Une série de rencontres proposées par Grenoble 2040 afin de se questionner et imaginer des alternatives inspirantes. Construire de nouveaux récits collectifs pour se préparer au monde de demain. Ici, maintenant,

  • Speaker #2

    ensemble,

  • Speaker #0

    plantons les graines d'un futur collectif juste et désirable.

Description

Face aux défis d’aujourd’hui et de demain (pollution de l’air, hausse des températures, fragilité de la ressource en eau, montée des risques climatiques, problématiques d’accès aux soins, isolement et précarité sociale…), nos corps et nos manières de vivre ensemble sont mis à l’épreuve. La santé devient ainsi une question fondamentale de l’aménagement urbain. Comment, dans une ville déjà dense et contrainte, les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ? Entre enquêtes de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte des crises systémiques et soin de l’existant, il s’agit moins de bâtir que de révéler l’invisible et de façonner la ville… sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l’étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé.

 

Cette table-ronde croise le regard des personnalités grenobloises et extérieures :

    • Carine Bonnot est architecte et maîtresse de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes). Ses thématiques de recherche interrogent la production architecturale des Trente glorieuses autour du thème de la Modernité ordinaire. Le patrimoine XXème siècle est au cœur de ses réflexions, et de sa pratique au sein de l’agence SILO à Grenoble, où elle mène des réhabilitations d’équipements publics et de logements collectifs.

    • Marlène Leroux est architecte et chargée d'enseignement en urbanisme à l'Université de Genève. Elle est également partenaire fondatrice de l'agence d'architecture Atelier Archiplein. Elle mène des recherches dans les domaines de l'architecture durable et de l'aménagement du territoire.

    • Nicolas Tixier est professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (Université Grenoble Alpes) et chercheur au Cresson (laboratoire AAU). Ses travaux portent sur les démarches d’appréhension des villes et de leur fabrique par les ambiances. Avec Hiba Debouk, il est grand témoin de la démarche Grenoble 2040.

    • Yoann Sportouch est urbaniste et philosophe, fondateur de LDV Studio Urbain, l’agence de conseil en prospective urbaine et en stratégies d’usages au profit de la transformation de la ville. Il est l'auteur de "Pour un urbanisme du care - L'attention à l'autre pour refaire société" publié aux Editions de l'aube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Grenoble 2040, le podcast qui explore les futurs possibles de notre ville.

  • Speaker #1

    Dans cet épisode,

  • Speaker #0

    nous questionnons la fabrique de la ville d'aujourd'hui et celle de demain. Comment dans une ville déjà dense et contrainte,

  • Speaker #1

    les architectes, urbanistes et aménageurs repensent-ils leur métier ?

  • Speaker #0

    Entre enquête de terrain, écoute des habitants et habitantes, prise en compte les choses qui se passent dans la ville. en compte des crises systémiques et soins de l'existant. Il s'agit moins de bâtir que de révéler l'invisible et de façonner la ville sur la ville. Cet épisode a été enregistré dans le cadre de l'étude de prospective urbaine Grenoble 2040 pour des quartiers favorables à la santé, que nous vous invitons à découvrir sur le site grenoble.fr. Je m'appelle Nicolas Tixier, je suis enseignant-chercheur à l'école d'architecture et j'ai pu accompagner cette démarche comme grand témoin. Ce soir, je vais à la fois essayer d'être explicatif sur la façon dont on a travaillé, mais surtout de faire réagir nos trois invités à ce travail, et puis aussi à vos questions, à vos remarques que nous prendrons après. Johan Spartouche, vous êtes urbaniste de formation aussi en philosophie, et ça a une certaine importance, puisque une de vos thématiques fortes, c'est la question de la santé, avec un mot en anglais qui s'appelle le... le care, le soin, mais ça recouvre plus que la question du soin. Vous nous expliquerez un petit peu. Vous avez une agence de stratégie urbaine qui s'appelle LDV et vous faites de l'assistance à maîtrise d'ouvrage et de la prospective. Vous connaissez peu Grenoble et donc c'est un regard extérieur à toute cette démarche aussi qui nous intéresse dans vos réactions. Puis nous écouterons Marlène Leroux. Marlène Leroux, vous êtes architecte urbaniste. Vous habitez à Genève, vous co-dirigez un atelier d'architecture et d'urbanisme qui s'appelle Atelier Archipelain. Vous enseignez à l'Université de Genève en urbanisme, mais vous connaissez aussi quand même assez bien Grenoble puisque pendant quelques années vous avez enseigné ici à l'Institut d'urbanisme de Grenoble. Et on dirait que votre spécialité, votre intervention portera d'abord sur... Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, là où la ville existe déjà et pas à partir d'un territoire vide ? Enfin, Karine Bonneau, merci aussi d'être là. Alors là, Karine, vous êtes architecte, mais vous êtes grenobloise et vous connaissez bien la ville. Et vous avez une agence d'architecture avec d'autres collègues qui s'appelle Silo, dans laquelle vous êtes spécialisée sur le patrimoine 20e, le patrimoine alpin. Vous êtes une des contributrices. du guide de l'architecture du XXe siècle de Grenoble. Et d'ailleurs, Johan, j'ai oublié de mentionner votre livre. Je ne sais pas si vous l'avez. On pourra le montrer, un ouvrage sur le Caire. Et ce qui nous intéresse particulièrement là, c'est que Grenoble n'est pas une ville comme les autres, puisqu'elle a été principalement bâtie au XXe siècle avec une architecture de béton. Et donc, faire la ville avec la ville à Grenoble, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose que de la faire... comme on peut le faire dans d'autres villes. Avant de vous passer la parole, on s'est un peu concerté pour l'organisation de la soirée. Je vais commencer par vous expliquer comment on a fabriqué la fresque. Je vais essayer d'être assez rapide. Puis, si vous le voulez bien, on pourra se lever et explorer pendant 5-7 minutes, pas plus, on n'a pas trop le temps, la fresque, parce que certains se souviennent d'arriver, juste pour le plaisir peut-être de rentrer dans des détails. Puis on revient ici pour écouter nos trois intervenants. On essaiera d'être court de façon à favoriser les questions, les prises de parole et les échanges avec nous, mais peut-être aussi des fois entre vous. Alors faire une fresque pour penser le futur, ce n'est pas complètement original, même si l'affaire de cette taille-là est assez rare. Alors elle fait 26 mètres. Et donc Gaëtan Amossé qui a fait ce travail de dessin a vécu plusieurs mois complètement imprégné dans Grenoble. Mais on est battu, on est battu. Certains d'entre vous connaissent sans doute la fresque d'Ambrogio Lorenzetti à Sienne, qui est la fresque du bon et du mauvais gouvernement, qui représente la ville de Sienne à la fois dans son état passé, présent et futur. Et elle fait 34 mètres. Donc on a toujours des modèles... extrêmement intéressant qui nous précède. Mais cette fresque, un peu comme la fresque à Sienne, en fait elle est à 360 degrés. La salle n'étant pas ronde, on ne s'en rend pas forcément compte et pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas vous faire rentrer dans un... Un disque dans lequel on ne pourrait pas sortir facilement. Alors pourquoi ? J'espère que vous arrivez à voir ici. On est parti de la Tour Perret. On est sur les 100 ans de la Tour Perret cette année. Pourquoi ? Parce que la Tour Perret, même si ce n'est pas complètement au centre de Grenoble, depuis le haut de la Tour Perret, on a une vue à 360 degrés incroyable de Grenoble. Et vous connaissez peut-être cette photo qui a été faite en 1925, qui montre tout Grenoble en 1925. à cette époque-là. Cette photo a été refaite en 2021. Et donc, on est parti de cette idée d'attraper des morceaux de quartier qui posent des questions spécifiques et de les assembler entre eux. C'est-à-dire qu'on a, à partir de ce diagnostic dont parlait Margot Bélair, sélectionné 13 formes d'urbanité grenobloise. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas 14 ou 15 ou qu'on n'aurait pas pu en avoir que 11, mais à un moment donné... On s'est dit 13, on commence déjà à toucher une belle variété de quartiers. Cette variété, c'est par exemple des faubourgs denses, comme à Berriat, une école, ici l'école Pain-Levé, la question des copropriétés des années 50 et des années 70, les zones d'activité économique, une dalle à la Ville-Neuve, on a pris la dalle des géants, un ensemble d'équipements publics, le conservatoire, un îlot de faubourg beaucoup plus aéré, comme Bajatière, une place publique parmi d'autres, mais quand même un peu singulière, la place Vaucanson, un îlot du centre-ville, les îlots qu'on pourrait dire haussmanniens du centre-ville, etc. Forcément, il manquera quelques urbanités autres, mais 13, c'est déjà beaucoup. Sur ces 13 urbanités, vous voyez, c'est ce qu'on appelle une coupe baïonnette. C'est-à-dire que ce qui est en noir ici vient se rejoindre. Donc par exemple, là, vous avez une urbanité, la place Vaucanson, que l'on fait toucher de façon artificielle à un îlot du centre-ville et que l'on fait toucher à un îlot sportif, le Jeanbron. Évidemment, dans la vraie ville, on passe par d'autres endroits. Donc si vous marchez ce transect, cette traversée dans la ville, vous allez traverser ces quartiers, mais là l'idée c'est qu'on peut la marcher dans la pièce. C'est pour ça que l'idée d'être à 360 degrés nous plaît beaucoup, on est presque à ce niveau-là. Donc après, une fois qu'on a fait ces sélections-là, on a travaillé à partir des diagnostics. mais à partir aussi de la connaissance qu'avaient les équipes de l'agence d'urbanisme et des agences de la ville, on a travaillé sur une mise en projet à l'horizon 2040. 2040, c'est dans 15 ans. C'est à la fois proche et loin. Proche parce qu'à l'échelle des projets urbains, de la transformation de la ville, 15 ans, c'est pas très loin. Mais en même temps, c'est pas des actions pour demain. Évidemment, on peut imaginer que certaines actions que vous verrez... puissent être engagées bien avant 2040, et d'autres peut-être, si elles ont du sens, plus tard. Donc cette question de la temporalité, c'était l'horizon qui avait été donné en 2020, quand Grenoble était capitale verte européenne. C'est des enfants qui sont nés en 2020 et qui auraient 20 ans en 2040. On peut discuter de la date, mais c'est l'exercice que l'on s'est donné. Et donc ce deuxième exercice de prospective 2040, c'est bien entendu la question du soin, du bien-être. et de la santé. Et on est parti dans ce qu'on pourrait dire un urbanisme du milieu. C'est-à-dire, on est parti de là où les gens vivent, les appartements, les raies de chaussée, les rues, les places publiques, les lieux de travail, les écoles, etc. Et la coupe, telle qu'elle est là, elle nous permet de réhabiliter ce qui souvent ne se voit pas dans les projets urbains ou dans les projets de perspective, c'est-à-dire une dimension verticale et atmosphérique qui permet d'inscrire des usages et du récit. Et donc sur ces coupes, il y a toute une multitude de petits récits qui racontent comment l'espace public pourrait être utilisé, comment les habitats pourraient être partagés, comment des extensions pourraient se faire. Ça va de projets des fois un peu ambitieux, comme par exemple une transformation de la piscine Jean Bront en bassin nordique, à des projets beaucoup plus petits, par exemple se dire, mais non moins ambitieux, et si on réhabilitait les persiennes extérieures qui permettent d'avoir un super ombrage l'été. pour les appartements grenoblois. Aujourd'hui, c'est très difficile de trouver des fabricants de persiennes extérieures, par exemple. Donc, vous allez trouver des choses très petites et des choses de grande échelle dans cette fresque. Et notre dessinateur, Gaëtan Amossé, n'est pas arrivé à la fin du travail pour dessiner ce qu'on a collégialement travaillé dans des ateliers. C'est dès le début, il était avec nous. Et dès le début, il dessinait en direct les situations. Ce qui fait que nous réagissions aussi à son dessin. L'idée, c'est que ce processus-là ne se... n'est pas terminée. Là, on a une première étape, donc elle est montrée. Il y a eu des pas en avant, mais des fois, c'est peut-être pour mieux faire un pas en arrière ou des pas de côté ou augmenter peut-être ce qui est proposé. Et donc, ce que l'on souhaite aussi demain, c'est faire une version augmentée de la fresque. C'est-à-dire non pas une version qui effacerait ce qui est présent, mais qui viendrait par exemple avec une autre couleur, additionnée. Tout ce qui se passe en ce moment dans les ateliers qui ont lieu ici depuis une semaine et ce qui se passera après la période électorale pour les ateliers qui pourraient être publics pour travailler sur la fresque. C'est ce qu'on peut appeler un objet un peu intermédiaire. C'est plus que de l'analyse, mais on n'est pas encore dans du projet complètement fini. Je propose de m'arrêter là, parce que c'est l'explication de comment on a travaillé, pour que vous marchiez la fresque un petit peu. Et on peut se retrouver là dans 5-6 minutes, si vous le voulez, pour écouter nos trois intervenants. Puis après, on vous passera la parole dans un échange. Ce premier tour de table, c'est d'abord pour faire réagir nos trois invités à ce travail. On va commencer par Johan Sportouche. Et justement, voilà ce que j'avais oublié de vous montrer. Il va nous parler de cet urbanisme du Caire. qui est un mot qui revient souvent aujourd'hui dans le langage des urbanistes ou des chercheurs en urbanisme. Donc c'est important que vous nous l'expliquiez parce que si on utilise le mot anglais aujourd'hui, c'est peut-être parce que ça recouvre plusieurs mots en français ou des choses un peu différentes. Et donc, comment vous voyez cette importance d'un urbanisme favorable à la santé et peut-être qu'un urbanisme du caire, c'est encore un petit peu différent ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, l'urbanisme du Caire... Le CAIR en tant que tel est une philosophie qui prend de plus en plus de place aujourd'hui dans nos sociétés, qui s'est largement développée dans les mouvements de l'économie sociale et solidaire notamment, et qui est issue d'une philosophie qui a été conceptualisée par une philosophe qui s'appelle Carol Gilligan aux Etats-Unis dans les années 80, à un moment où l'état-providence était en train de mourir tout simplement, au moment où en fait il y a la présidence... Reagan qui est rentré en jeu. Et donc il y a eu comme ça un mouvement féministe qui s'est constitué, qui avait besoin d'une pensée support. Et c'est à travers en fait l'éthique du care que cette pensée, ces mouvements se sont développés. Je commence souvent par ça parce qu'en fait c'est quelque chose qui me semble assez fondamental. Aujourd'hui dans la société dans laquelle on vit, il y a eu un rapport qui est sorti pas plus tard qu'aujourd'hui, ou c'était peut-être hier, qui rappelait que Entre le 17 et le 18 août dernier, il y a 2157 enfants qui ont dormi dans la rue cet été. C'est déjà une première chose, quelque part la preuve qu'on vit une crise sociale aujourd'hui en France. En novembre dernier, le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, sortait un rapport qui s'appelle le rapport sur l'état de la France. et qui disait que ce rapport venait prouver qu'en fait il existe une personne sur quatre en France qui considère que la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. J'irai encore un peu plus loin, il y a une personne sur deux qui considère qu'aujourd'hui en France, pour résoudre les problèmes de sécurité et d'ordre, il faudrait un État autoritaire. Donc on est dans une crise démocratique, je le crois. À côté de ça, aujourd'hui il y a une personne sur deux en France qui déclare, toujours dans ce même rapport du conseil économique, social et environnemental, ne pas avoir assez de ressources pour survenir à ses besoins essentiels. Donc on est dans une crise, quelque part, sociale et économique. Et enfin, je pourrais continuer comme ça, mais je ne vais pas trop plomber l'ambiance, c'est qu'il y a une personne sur quatre en France qui considère que son sentiment d'appartenance à la société française n'existe pas. Ils ne sont pas français. Tout ça vient dire qu'on est dans une espèce de conjonction de crise. Nous, en tant que professionnels de la fabrique urbaine, quand on travaille, souvent on nous demande de répondre à une commande. Et bien souvent, on nous dit qu'aujourd'hui, ce serait bien de s'intéresser sur cette parcelle-là précisément, à la ville à hauteur d'enfants. où on va s'intéresser plus... précisément aux seniors, où on va s'intéresser plus précisément à mettre le curseur sur la problématique environnementale. Et en fait, à un moment donné, moi ça fait huit ans que j'ai monté mon agence, j'ai eu le sentiment de devenir un peu schizophrène et de me dire en fait, je refuse ça en fait, j'en ai un peu assez, de devoir tout le temps gérer une petite partie du problème. Et donc, c'est assez intéressant de voir cette fresque, mais j'en parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on est dans une problématique, finalement, dans une manière de traiter l'ensemble des enjeux qui traversent nos villes aujourd'hui, et pas que nos villes aussi, nos villages, nos territoires ruraux, à travers quelque chose d'assez global. À côté de ça, il y a beaucoup d'approches que je considère être des formes d'urbanisme ou d'architecture, c'est-à-dire des professionnels. de la fabrique urbaine qui s'engagent. Qui s'engagent à traiter ce type de problématiques que j'ai citées tout à l'heure. Donc, ces dix dernières années, on a vu apparaître notamment des concepts comme la ville inclusive. C'est-à-dire qu'une ville qui va, à un moment donné, s'intéresser à beaucoup plus faire participer les habitants. Beaucoup plus faire participer les habitants, notamment qui sont en marge de la société. Des personnes qui sont atteintes de handicap, par exemple. des personnes, tout simplement des femmes qui sont quelque part, ça a été prouvé assez peu présent, trop peu présent peut-être dans certains espaces publics. D'autres approches se sont développées, comme l'urbanisme circulaire, qui propose de reconstruire la ville sur la ville à partir de l'existant, notamment. C'est-à-dire que chaque... On parlera de la réhabilitation tout à l'heure, mais chaque processus de réhabilitation va se servir de ce qui existe et potentiellement des déchets, c'est-à-dire de... d'une certaine forme de déconstruction pour reconstruire la ville à partir de ça, qu'on appelle l'urbanisme circulaire, qui travaille notamment sur les friches urbaines, plutôt que de continuer l'étalement urbain. Il y a d'autres urbanismes qui sont développés, comme l'urbanisme, j'en ai parlé tout à l'heure, la ville à hauteur d'enfance, c'est-à-dire qu'en fait on se rend compte qu'aujourd'hui, l'urbanisme, la manière dont sont construites nos villes, quelque part exclut un peu les enfants, parce que le tout voiture, forcément, ça limite. la possibilité à nos enfants de courir tout simplement dans les rues. Tout ça pour dire que il y a toutes ces formes d'urbanisme qui se développent et en même temps, à côté de ça, on voit encore se développer des projets qui sont complètement à côté de la plaque, j'ai envie de dire. Comme par exemple, c'était en octobre dernier, qui a été inauguré à Nanterre, c'est 120 000 m² de bureaux qui se sont développés, qui ont été inaugurés par Emmanuel Macron. Alors Nanterre, pour vous rappeler, C'est le foyer des dernières émeutes urbaines. C'est Naël, c'est tout ça. Et on est dans un espace qui est extrêmement durable, extrêmement écologique. Pour le coup, les bureaux sont au top du top de ce qu'on peut faire en termes de bioclimatisme, en termes de tout ce qu'on veut, en termes d'environnement. Néanmoins, on est dans une déconnexion totale par rapport au contexte dans lequel c'est implanté. Non seulement par rapport au contexte géographique, mais encore plus. du contexte en termes de tendance. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on fait de plus en plus de télétravail. Alors il y a une petite baisse, mais on fait de plus en plus de télétravail. Moi, je fais trois jours de télétravail. Et donc, dans un contexte comme celui-ci, on se dit, tiens, on va faire construire 120 000 m² de bureaux. Et donc tout ça pour dire qu'à travers tous ces urbanismes engagés qui se sont développés, et à travers cette déconnexion, je crois qu'à un moment donné, il nous faut quelque part un chemin, ou plutôt trouver quelque chose de commun. à ces urbanismes engagés pour pouvoir non plus agir de manière en silo, de manière parcellaire, mais plutôt proposer un autre chemin que celui que je viens de décrire, là en l'occurrence où on se propose de construire 120 000 m² de bureaux à l'inter. Ah oui, parce que je ne vous l'ai pas dit, sur ces 120 000 m² de bureaux, vous savez combien en sont occupés aujourd'hui ? Bon, je vais vous le dire, c'est 19 000 m² de bureaux qui sont occupés. 19 000 m² sur 120 000. Au moment de l'inauguration, il n'y en avait que 9000 qui étaient occupés. On peut parler vraiment de gâchis total. Tout ça pour dire que, quelque part, à un moment donné, il nous fallait, et moi c'était le sentiment, le besoin que j'avais, face à ces différentes urbanismes engagés, j'avais envie de trouver un espèce de dénominateur commun dont on a besoin aujourd'hui pour gérer l'ensemble des crises, pour faire en sorte que le projet urbain devienne une opportunité de répondre à ces crises que l'on traverse. Et donc, quelque part, c'est là que je suis allé chercher l'éthique du care. Parce qu'au centre de l'éthique du care, il y a deux concepts qui sont fondamentaux. C'est la question de la vulnérabilité en tant que modèle de vulnérabilité. Il ne s'agit pas de s'intéresser uniquement aux pauvres. Ce n'est pas ça que je suis en train de dire, même si c'est essentiel, je le pense. Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, il s'agit de se dire en tant qu'urbaniste, en tant que professionnel de la fabrique urbaine, l'ensemble des choix que l'on va faire va non plus se porter sur Le développement économique des territoires, l'attractivité des territoires, ce qui a été le cas pendant des dizaines et des dizaines d'années, en gros l'offre. l'urbanisme de l'offre, mais finalement, le choix que l'on doit faire doit pouvoir résoudre effectivement les vulnérabilités, mais ne pas impacter, ne pas renforcer les vulnérabilités qui existent dans nos territoires. Parce que ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est que toutes ces crises-là, elles sont en lien. C'est-à-dire qu'en fait, le Conseil économique, social et environnemental vient nous dire que la trop grande présence des inégalités en France... a un impact direct sur la confiance que l'on a en la démocratie. Et donc, tout cela pour dire qu'il est urgent d'avoir une vision globale et je crois que la dimension des vulnérabilités, la recherche de solutions pour répondre à ces vulnérabilités, en est une. Et cette démarche-là, et je terminerai là-dessus, d'un urbanisme favorable à la santé, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec le terme de santé, parce qu'effectivement, Quand on pense santé, on pense souvent au sens médical du terme. Je parlerais plutôt de santé collective. Et c'est pour ça que je suis allé chercher l'éthique du CAIR, parce qu'il y a une dimension un peu globale. Et je pense qu'il est urgent aujourd'hui d'avoir cette vision là dans la fabrique urbaine.

  • Speaker #0

    Merci. Si je retiens trois choses, c'est qu'un, on ne peut plus faire la ville comme on la faisait avant, que ce soit en planification ou en programmation, puisque toute programmation est presque vouée à... à être fausse au moment où le bâtiment va sortir, où la ville va sortir. Voilà, le monde d'incertitude. Deuxièmement, évidemment, bien entendu, vous l'avez rappelé, les inégalités sociales et la crise écologique. Et puis, la troisième chose, c'est cette approche holistique. C'est-à-dire, en fait, comment on arrive à essayer de ne pas sectoriser les problèmes. Parce que dans la vie de tous les jours, on est soi, on est une personne, on n'est pas divisé en sujets. Marlène Leroux, vous avez l'expérience de différentes villes sur la fabrique urbaine, vous avez travaillé à l'évolution de certains quartiers en France, en Suisse. Comment voyez-vous cette crise aujourd'hui de la planification, de la programmation ? Comment est-ce qu'on fait la ville sur la ville, alors que c'est un mot d'ordre qui est présent depuis longtemps ? Mais là, aujourd'hui, Grenoble, l'expression est classique, la cuvette est pleine. On a quand même très peu de projets à bâtir. Et je m'avance juste sur un point, quand on a fait des ateliers avec un master qui travaillait en maîtrise d'ouvrage sur la question de la promotion immobilière, etc. Une étudiante nous a dit, mais où est-ce qu'on va travailler nous, puisqu'il n'y a plus de terrain à bâtir ? Et donc, comment est-ce que les différents métiers voient aussi différemment leur propre métier pour apprendre à faire la ville sur la ville ?

  • Speaker #2

    Bonsoir tout le monde. En fait, l'une des formes de réponse que l'on pourrait avoir à cette idée-là, mais finalement, comment on met en œuvre cette idée incroyablement nécessaire de refaire la ville sur la ville ? Finalement, le travail qu'on a sous les yeux aujourd'hui, au niveau de l'objectif, on ne va pas encore parler de la forme, je pense que c'est une des formes de la réponse, parce que finalement, il s'agit d'une forme de recensement pluridisciplinaire d'un État actuel, mais aussi d'une projection future qu'est-ce que j'ai pour de vrai, avant de dire je ne peux plus rien faire. Et donc cette nécessité de prendre un petit temps, d'être capable de révéler les potentiels invisibles, c'est peut-être ça la nouvelle forme de qu'est-ce qu'être un architecte aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un urbaniste aujourd'hui, qu'est-ce qu'être un géographe aujourd'hui, c'est de se dire finalement, d'avoir une certaine forme de courage de la nuance, et de ne pas se dire ce n'est plus possible de... mais c'est de se dire comment est-ce que je vais révéler des choses qui ne paraissent pas complètement possibles. Pour être un petit peu moins abstraite, je vais vous donner par exemple un exemple qui est assez facile à vous expliquer sans PowerPoint. J'habite à Genève, il y a un énorme quartier qui s'appelle le PAV, Prae Acacia Vernet. C'est à peu près, je crois, un cinquième du territoire de Genève qui était, fut un temps, une zone industrielle. Très bien. Pour faire une belle zone industrielle, on a fait des... beaux bâtiments, des beaux bâtiments pour faire tout un tas de choses industrielles, des hangars et compagnie. On a fait venir le train. Il y avait quelque chose qui nous dérangeait énormément dans ce territoire, c'était qu'il y avait une rivière qui passait par là. À l'époque, la bonne idée, c'était de se dire on va canaliser cette rivière, l'enterrer comme ça, elle n'a plus nous embêter. On va pouvoir faire passer la route par-dessus. À l'époque, c'était l'idée géniale. Mais quand on a fait ça, on s'est directement coupé de tous les services écosystémiques que rendait cette rivière, la fraîcheur. le plaisir, le bien-être, le désir de nature, les poissons, les coléoptères et compagnie. Et donc, ce qui est en train de se faire dans ce territoire, après des années de diagnostics et de recherches de quels sont les potentiels littéralement invisibles, c'est-à-dire cette rivière que l'on ne voyait pas, il y a un énorme projet où on est en train de refaire... faire sortir la drise de sa canalisation. Et bien là, les étudiants, les ingénieurs environnement, les étudiants en urbanisme, tout à coup, bam, ils ont un potentiel qui n'existait littéralement plus et qu'on a fait redécouvrir. Et bien finalement, pour répondre à une forme de cette démarche-là, construire la ville sur la ville, c'est être capable de voir ce qui nous paraît absolument invisible. Et pour faire ça, on est obligé de porter les lunettes de toutes les disciplines. Parce qu'individuellement, on n'est pas capable de croiser l'ensemble de ces potentiels. Parce que justement, à la différence de cette magnifique fresque du bon et du mauvais gouvernement que je vous conseille tous d'aller voir en Italie, c'est qu'on arrivait à une certaine époque quand les choses étaient simples. Il y avait les méchants, les gentils, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres. Tout était simple parce qu'on ne laissait pas la parole à ceux qu'on ne voulait pas écouter. Et ce brave monsieur... Il en lui a dit, bon, tu fais le bon, le mauvais, et puis au milieu, tu mets le gouvernement qu'il faut élire. C'est quand même pas compliqué. Et il l'a fait de manière extrêmement caricaturale. Le problème, c'est que maintenant, on est à une époque où on écoute les gens, à une époque où on prend soin des gens, et à une époque où les choses sont bien plus complexes qu'à l'époque de Lorenzo Etti. Je n'ai jamais essayé de dire ce nom. Donc, construire la ville sur la ville, quelque part, c'est une certaine forme de courage, d'une nuance. et donc d'être capable de travailler avec des choses qui ne fonctionnent pas ensemble. Et donc je dis à tous mes étudiants en urbanisme, votre métier est de faire l'impossible, c'est-à-dire d'être capable de faire des choses là où tout le monde s'est dit que ce n'est pas possible de le faire. Donc c'est hyper excitant. Donc ton étudiante de master qui était hyper inquiète parce qu'il n'y avait plus de terrain à bâtir au fin fond d'une campagne, mais en fait il faut qu'elle comprenne à quel point son métier va être bien plus rigolo d'aller mettre d'accord des gens qui sont... absolument pas d'accord autour de la table, de faire des choses que les ingénieurs civils vont dire que ce n'est pas possible, personne ne va dire que c'est possible, et le jour où elle va y arriver, elle sera d'autant plus heureuse que juste faire un immeuble de cinq étages avec une isolation périphérique hyper ennuyante. Donc, ils sont là, les potentiels. Et donc, j'imagine que quand on fait ce genre de travail-là, on a une espèce, comme a été dit à l'introduction, il y a une espèce de désirabilité et de... de nouvelles excitations, des potentiels qui viennent d'être révélés et qu'on a très envie de poursuivre.

  • Speaker #0

    Merci. Là aussi, je retiens deux choses qui peuvent être discutées par la suite. La première, même si ça peut paraître évident aujourd'hui, mais la nécessité d'enquêter, enquêter les lieux pour aller voir quelles sont leurs ressources, quelles sont les choses cachées, les choses oubliées, les potentiels. Bref, enquêter. Ça paraît rien, mais c'est beaucoup. L'urbanisme ne se fait pas autour d'une table, que sur des plans. Il se fait les pieds dans les terrains. Et la deuxième chose... C'est que la complexité du monde actuel nous oblige peut-être à fabriquer des nouvelles alliances, des nouvelles façons de faire ville ensemble, que ce soit à de toutes petites échelles, quand on décide de partager des usages, ou des bâtiments, ou des raies de chaussée, etc., ou à des échelles un peu plus grandes, à l'échelle de la ville. Et donc fabriquer des nouvelles alliances, c'est souvent mettre à mal là aussi les façons de gouverner, et quand je dis gouverner, c'est autant une ville. qu'une copropriété ou qu'une métropole, etc. C'est vraiment la façon dont on peut faire ville ensemble par des nouvelles contractualisations, des nouvelles alliances. Mais Grenoble est une terre spécifique. D'abord, c'est une ville de montagne, plus ou moins, puisqu'on a 220 mètres d'altitude. Une ville plate, on est dans la plaine. Le béton a vraiment été une caractéristique très... très importante évidemment du développement de Grenoble, mais aussi de sa fabrique, de son extension au XXe siècle. Et donc faire la ville sur la ville à Grenoble, c'est forcément faire la ville avec cette caractéristique-là.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'on voit un peu toutes les échelles, un contexte général, la ville. Et puis peut-être, moi, je peux plus vous parler des édifices, les édifices grenoblois. Donc c'est vrai qu'on connaît Grenoble comme étant une ville de béton. Tout le monde a vu le chantier récent de rénovation de la Tour Perret. et toutes les dynamiques que ça a activées autour de la question du patrimoine béton, les spécificités de notre territoire, où on a développé un matériau qui a été un peu un outil pour le développement de l'architecture moderne, cette architecture du XXe siècle. Et c'est vrai qu'à Grenoble, on a beaucoup d'édifices, et ce qui est très frappant. Dans votre fresque, c'est que tous les existants que vous avez représentés sont quasiment de la ville du XXe. Avec les typologies de classement dans vos 13 situations, en fait, on a une ville assez jeune finalement. Et Grenoble a cette spécificité. Alors, c'est une période de l'histoire d'architecture qui est difficile à aimer. La ville, depuis qu'elle est ville et pays d'art et d'histoire... beaucoup développé d'activités pédagogiques, d'informations. Il y a une valorisation assez importante. Il y a des labels aussi qui existent, mais il y a aussi beaucoup de bâtiments qui sont assez méconnus. Et lorsqu'on a travaillé sur le guide d'inventaire de Grenoble au XXe siècle, on avait repéré environ 800 bâtiments. Puis après, la liste a été réduite à 500. Finalement, le livre présente 100 objets. et ce qui était frappant dans des édifices. Il y en a qui sont représentés par Gaëtan, le dessinateur qui a travaillé sur la fresque. Ce qui était frappant, c'est qu'ils avaient tous une qualité constructive réalisée par des équipes multidisciplinaires, architectes, ingénieurs, des ingénieurs qui étaient beaucoup dans l'innovation sur les structures. Ensuite, des entreprises qui mettaient en œuvre des des exécutions assez exemplaires, et puis des bétons. avec des qualités, souvent des recettes surdosées. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de bâtiments assez costauds, des refents qui sont plus épais qu'ailleurs à Grenoble, des bâtiments qui ont aussi servi de modèle pour construire en montagne, pour construire dans des sites un peu plus contraints, notamment avec le climat et la pente. Donc Grenoble a été un berceau d'innovation avec des savoir-faire qu'aujourd'hui on va souvent rapidement... d'écrire comme des passoires thermiques. Alors bien sûr, il y a les questions de thermique, mais il y a aussi une manière de voir ces bâtiments comme des ressources, comme des espaces capables d'accueillir d'autres programmes, d'être surélevés. Il y a beaucoup, beaucoup de dessins. Donc en bleu, ce sont les existants. En rouge, les interventions possibles, les rêves, les propositions. La question de la surélévation est très intéressante. Elle a été développée à Grenoble depuis la fin du XIXe siècle sur beaucoup d'édifices. grâce... aux matériaux de base. Et quand on sait aujourd'hui, tu parlais de crise multicrise, quand on sait qu'une des crises est aussi celle qui concerne les ressources, on n'a plus de sable pour construire des ciments, des ciments aussi costauds que dans nos années 60 et tout ce qu'a développé la ville olympique notamment. On peut se dire que prendre soin, c'est aussi prendre soin des édifices, de les réhabiliter. Et l'enquête, dans ce cas-là, est très importante. La phase de diagnostic, de redécouvrir comment ça a été fait pour ne pas tout gommer, ou ne pas tout mettre à la poubelle ou démolir. Donc la ville de Grenoble, je pense, a encore plus intérêt et a plus de défis face à ces réhabilitations. qui sont une des solutions pour arriver à construire dans une cuvette un peu contrainte et en même temps majoritairement très bien construite.

  • Speaker #0

    Merci. C'est vrai que cette question de l'héritage, en fait, pour faire la ville, c'est à la fois quelque chose que l'on peut voir de façon subie, mais c'est aussi quelque chose qu'on peut voir de façon choisie. Et au contraire, continuer une histoire qui fait le lien entre hier, aujourd'hui, demain. Ça m'amène un tout petit peu à aborder déjà la deuxième partie de vos interventions, et après ça sera à vous la parole. La deuxième partie, je voudrais qu'on la porte plus sur la fresque même. Souvent, quand on fait de la prospective, il peut y avoir deux tendances caricaturales. La première qui serait une prédiction programmatique. Demain, le monde sera comme ça. Il faut qu'il soit comme ça. L'autre, c'est l'imaginaire utopique ou dystopique. Il y avait Jean-Pierre Andrevon qui était là tout à l'heure. L'imaginaire n'est pas toujours utopique, il peut être aussi dystopique. Et donc, comment trouver une voie au milieu qui n'est pas uniquement une prédiction certaine de ce que devrait être la ville de façon certaine, et ni non plus des rêves dont on sait par avance qu'ils sont inaccessibles, mais des lignes de direction qu'on essaye d'incarner là par du dessin. Souvent, quand on fait la prospective, c'est souvent des phrases, des mots, des enjeux, des tableaux, de critères qu'il ne faut pas rater, il faut faire attention à ça, à ça, etc. Mais il y a quelque chose qui disparaît souvent, c'est les formes, les formes urbaines. Et dans les formes urbaines, il y a la question de l'air, de l'eau, du sol, du végétal, et puis, bien entendu, la question des usages, que ce soit les usages pour tous les âges. Et avec Gaëtan, il s'est beaucoup amusé aussi, bien entendu. à représenter le monde animal à l'intérieur de cette ville. Alors peut-être que là, c'est intéressant que vous nous ayez dit à se dire mais cet exercice qui a été tenté, qui est depuis peu dans le débat public et qui aura, j'espère, d'autres, on a dit, d'autres qui vont être complétés, ça a des avantages mais ça a sans doute des limites. C'est-à-dire qu'en fait ce n'est pas un outil, la fraise, qui va remplacer le reste. Voilà, ça m'intéresserait peut-être de discuter d'intérêts, limites, difficultés que vous y voyez, aussi à travailler à la fois en coupe verticale avec une fresque dessinée comme ça.

  • Speaker #2

    Moi, ce que je trouve assez intéressant dans cette fresque, effectivement, c'est déjà que ce n'est pas un projet. L'agence que j'ai développée, en grande partie, on fait de la concertation, on travaille avec les habitants depuis un certain nombre d'années. Bien souvent, la plupart du temps, le projet urbain, enfin du moins la concertation qui est faite aujourd'hui, c'est-à-dire le fait d'aller chercher la vie des habitants, se fait à partir d'un projet qui est déjà en tête pour les élus. Alors peut-être qu'à Grenoble c'est différent, mais en l'occurrence, de manière assez générale, il y a quelque chose de cet ordre-là qui se fait. Et c'est vrai que dès lors que le projet est là, l'imaginaire quelque part est d'autant plus bridé, mais surtout le pouvoir d'agir. c'est-à-dire la possibilité de donner aux habitants d'être acteurs, de valoriser leur place dans la société, de valoriser leur place dans la démocratie. Je parlais tout à l'heure de crise démocratique. Et bien tout ça, ça disparaît avec une concertation qui est faite de la manière dont elle est faite aujourd'hui, c'est-à-dire la concertation qu'on appelle réglementaire. Et donc là, on a quelque chose de différent. On a effectivement un côté très prospectif à travers quelque chose de dessiné. qui a été réalisé avec des personnes, un personnel notamment de la ville et d'autres.

  • Speaker #0

    Chaque situation, il est travaillé au moins par 7, 8, 10 personnes autour de la table. Pas simultanément tout le temps, mais...

  • Speaker #2

    Et du coup, il y a quelque part une certaine forme d'objectivation des besoins qui a été faite en même temps. Et ce que je trouve assez intéressant, c'est que, en tout cas, ce que je considère nécessaire, il faut que les habitants puissent réagir par rapport à ça demain, je pense. Parce qu'il faut confronter quelque part cette vision. qui est effectivement très prospective, qui a été basée sur une analyse des besoins d'aujourd'hui, mais en même temps, une analyse aussi des besoins futurs. Et donc, quelque part, il y a eu comme ça des idées qui ont émergé à partir des besoins que l'on a aujourd'hui. Mais en même temps, il faut quelque part aussi mettre cette fresque à l'épreuve des usages. c'est-à-dire à l'épreuve des usages d'aujourd'hui, à l'épreuve des situations réelles, de ces situations que vivent les habitants, que ce soit par exemple sur un centre-ville, que ce soit sur une place, que ce soit en faisant du sport, etc. Et donc je pense que c'est ça la prochaine étape, c'est comment on confronte, et quelque part en fait on en fait un outil, parce que je crois que c'est ça dans lequel il faut arriver, pour renouveler quelque part notre rapport à la démocratie et renouveler la démocratie. Je pense qu'il faut faire de la démocratie en continu, en fait. Il faut arrêter, enfin du moins, il faut continuer les élections évidemment, mais il faut arrêter de fonctionner uniquement sur un processus où on a la démocratie, c'est on vote tous les deux ans. Non, en fait, la démocratie, ça doit être de la démocratie en continu. Et cette base de travail que vous avez fait là peut être un outil, quelque part, pour aller chercher, aller vers les habitants, aller questionner, aller chercher leur avis. leur donner une place dans la société, leur donner une place dans le projet municipal. Je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre-là, en tout cas, qu'il s'agit de réaliser maintenant.

  • Speaker #3

    Je vais faire comme quand je fais les critiques de projet avec les étudiants. Je commence par tout ce qui est très bien, puis après, il y aura un mais. Je préfère prévenir. Alors, en préambule, parce que j'ai peur d'oublier, pour moi, un des éléments les plus importants de ce travail de fresque, c'est qu'elle est très belle. Et ça paraît complètement idiot de commencer comme ça, parce qu'on pourrait dire « Oh là là, il y a des trucs beaucoup plus graves sur Terre que la question de la beauté » , et puis en fait, non. Finalement, au fond, quand on n'aura plus rien, ce qui est beau, c'est presque ce qu'il y a de plus nécessaire et d'indispensable. Donc le fait que cette fesque soit indéniablement belle, je pense que c'est une de ses qualités absolument principales, parce que ça s'est fait plaisir, que c'est agréable, que c'est désirable, et qu'on a besoin de ça. Donc ça, pour moi, c'est la première. Après, d'un point de vue beaucoup plus technique, ce que je trouve vraiment le plus pertinent dans ce travail de fresque, c'est qu'elle fasse fi des échelles. C'est qu'on se rend bien compte qu'au fond, pour représenter une ville, peu importent les échelles, parce qu'on se trompe dans cette systématique d'avoir un plan avec des échelles. Elle biaise totalement la réalité de la perception du territoire, parce qu'au fond, au moment où on va voir la cathédrale ou le théâtre bidule, Au fond, peu importe le temps qu'on va avoir pour ne pas courir, parce que notre cerveau est déjà là-bas. Et donc, dans ce travail-là, tout à coup, on se rend compte qu'on va faire des ruptures d'échelle par des ruptures de désir. Je désire voir le mont, machin, chose que je ne connais pas. Mais tout à coup, on voit bien que ce n'est pas très grave si je dois faire deux zigzags parce qu'en fait, je le vois. Et ça, c'est vraiment une qualité incroyable de ce travail de rupture d'échelle. Et ces trous que vous avez faits parce que finalement, on n'a pas envie de tout montrer. c'est là que je vois un potentiel incroyable, parce que ce que ça nous dit, c'est, au fond, de manière arbitraire, ou peut-être pas tant que ça, mais enfin, moi, comme je ne connais pas, admettons, je pourrais dire que c'est arbitraire, c'est de dire, en fait, de cette fresque-là, tout est encore à faire, parce qu'il y a encore ces trous qui peuvent encore rentrer dans un certain détail. Et en fait, ce que ces trous disent, c'est, peu importe ce que j'ai dessiné pour de vrai, ici, parce qu'en fait, je vous montre que je n'ai pas tout dessiné, et que je vous montre qu'il y a encore... de partout des potentiels d'analyse et de recensement. Et donc, je trouve qu'il y a une très grande valeur à ces vides. Ça, c'est la deuxième grande qualité. Et c'est quelque chose qui me pose beaucoup de problèmes quand on fait des analyses, des diagnostics, c'est qu'on est face systématiquement à ces « power points » où il y a quelqu'un qui te parle et qui zappe et qui zappe alors que toi, tu n'as pas envie de l'écouter, que tu as envie de regarder une image plus longtemps. La personne t'impose le rythme de réflexion en zappant. Et là, finalement, peut-être je vous parle, en fait, vous regardez autre chose et votre cerveau continue à écouter, enfin, j'espère un petit peu, mais en tout cas, vous pouvez regarder ailleurs. Et cette coprésence d'éléments permet tout à coup de créer une narration individuelle qui n'est pas possible quand on sectionne en permanence les types d'informations. Donc ça, pour moi, c'est vraiment une grande réussite de la fresque. Et après, il y a un élément, le mai, mais ça, c'est juste pour en parler. Parce qu'en fait, tu m'as présenté comme urbaniste, mais en fait, au fond, je réalise qu'au fond, je suis quand même vraiment architecte et je m'excuse de ça. Je fais tout pour aller vers la géographie et l'urbanisme, mais je suis architecte. Et donc, tout à l'heure, vous nous avez demandé quelle pourrait être la suite. Eh bien moi, en fait, j'aurais presque envie qu'à chaque fois qu'il y a un élément bâti qui a été dessiné, il soit en blanc. Pour qu'en fait, au fond, le potentiel d'usage ne soit pas forcément... dessinée, territorialisée, pour qu'il y ait tout un univers de projections sur ce qui pourrait être, d'un point de vue territorial, au-delà des potentiels d'usage. Parce que tout à l'heure, j'ai mis le doigt sur une petite toiture, et... En fait, cette petite toiture, peut-être qu'elle ne devrait pas être dessinée comme ça. Et c'est normal parce que ce monsieur Gaëtan, il n'a pas été mandaté pour dessiner 60 000 toitures, qu'il n'est pas architecte du patrimoine, qu'il n'a pas... Bref, la suite, ce serait de laisser encore la liberté de ne pas forcément dessiner le territoire. Voilà, il est gentil.

  • Speaker #0

    C'est un éloge de l'incomplétude pour le projet et que la vie n'en est jamais finie en plus.

  • Speaker #1

    Pour revenir sur aussi le dessin en coupe, c'est-à-dire que la particularité de cette fresque, c'est que c'est une fiction. On ne voit jamais en coupe. C'est l'intérieur finalement d'un plan de face qu'on n'a jamais. Donc ça, c'est très intéressant de nous le montrer. Nicolas, tu es quand même beaucoup habitué à travailler le transect et l'idée de traverser avec des lectures très complètes. du haut de la montagne, d'un sommet, puis après on repasse dans des creux, puis on traverse des routes, des autoroutes. Et Grenoble a cette morphologie qui fait qu'on ne peut la lire qu'en coupe pour bien la comprendre, à la fois dans ses fonctionnements d'air, de climat, à la fois dans ses perceptions visuelles. Et puis il y a beaucoup de quartiers, j'ai parlé de la ville moderne, mais la ville moderne, elle se lit aussi en coupe quand vous allez à la ville neuve. La galerie de l'Arlequin n'est pas représentée en coupe, on ne peut pas comprendre qu'on peut la traverser, l'allonger. Pareil pour les quais de l'Isère. Donc c'est vrai que je trouve que le choix de la coupe est vraiment ambitieux parce que c'est très difficile de penser en coupe. Et puis on peut aussi, dans la suite de ce que tu dis, voir vraiment les vertus du dessin, c'est-à-dire qu'on ne bloque pas des images. Aujourd'hui, on a beaucoup tendance à avoir des images 3D, des représentations très propres dans les concours. Le dessin revient, pourquoi ? Parce qu'en fait, il ouvre et il permet de ne pas fermer les imaginaires. Et à l'école d'architecture, si on veut synthétiser, on a quand même 90% aujourd'hui des diplômes d'architecture qui sont effectués sur des bâtiments existants, avec un retour au dessin important, parce que l'existant impose de revenir sur une enquête, de redessiner des plans d'archives et quand on a de l'irrégularité dans du vernaculaire ou dans l'existant, en fait la main le représente parfois mieux que l'ordinateur. Et toujours dans la catégorie des diplômes, on a aussi un retour au dessin à 50-60% ou de l'hybridation, un mélange d'outils parce qu'on se rend compte que ben c'est On cherche à nous donner des spécialités, le BIM, le tableau Excel, et qu'en fait le dessin laisse plus de possibilités et attire de nouveau une génération qui, pour ma part, il y a une vingtaine d'années, on avait un peu plus abandonné. Et donc on a des retours qui sont assez intéressants à observer aussi. J'imagine que vous le voyez dans les médias tous.

  • Speaker #0

    Merci, c'est le moment où je vais vous passer la parole, mais comme vous avez été peu critique, je vais oser faire...

  • Speaker #2

    deux trois critiques ah oui vas-y vas-y c'est à la fois une critique et à la fois effectivement quelque chose d'assez d'assez flatteur que je vais dire en fait ce qui est assez intéressant dans cette fresque bon là c'est un peu différent parce que du coup elle est affichée de cette manière là mais quand elle est affichée en cirque en cercle on a quelque chose de l'ordre de la continuité qui est intéressant et en fait ce que ça vient introduire c'est que, et c'est là que je pense qu'il y a peut-être quelque chose encore à améliorer, c'est que la ville est un système, la terre est un système, finalement nos sociétés sont des systèmes. Et lorsqu'il y a trop de vulnérabilité dans un système, c'est là qu'en fait à un moment donné le système commence à vaciller, commence à être plus système justement. Et donc, quelque part, à l'image de cette image, quelque part, vient nous apprendre qu'il faut concevoir la ville et la manière de produire la ville comme un système d'interdépendance. Et quelque part, en fait, cette fresque nous permet ça, mais je pense qu'on pourrait aller encore un peu plus loin. Parce que finalement, entre les différents îlots qui sont représentés, il peut y avoir aussi des interdépendances. Entre l'îlot du centre-ville et l'îlot sportif. il peut potentiellement y avoir des interdépendances qui peuvent être dessinées. Et je crois que c'est ça dont on a besoin aussi aujourd'hui. Ce que je n'ai pas dit tout à l'heure, c'est qu'au sein de l'éthique du care, il y a ce premier principe qu'on appelle la vulnérabilité et la recherche d'un modèle de vulnérabilité dans notre manière de faire société. Mais pour y parvenir, quelque part, il faut être en capacité de rechercher ces interdépendances pour répondre à ces vulnérabilités. parce qu'on considère... que tous et toutes, à un moment donné, on peut être touché par la vulnérabilité. Tout simplement parce qu'on peut être touché par la maladie, on peut perdre son emploi, on peut faire un burn-out, on peut perdre un parent. Et quelque part, ça nous rend vulnérables, même si on ne l'était pas auparavant. Et la recherche d'interdépendance, c'est cette idée de dire que eh bien, on doit être en capacité de répondre aussi à ces vulnérabilités éphémères ou durables qui existent dans nos sociétés. Parce que demain, potentiellement, c'est nous qui nous serons vulnérables. Et donc, je crois que c'est aussi ça qui peut être représenté dans cette fresque.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une fresque qui pose des questions aussi, pas uniquement qui propose des évolutions. Deux micro-critiques que j'ai senties lorsqu'on travaillait. Comment est-ce qu'on passe à l'échelle métropolitaine ? Comment est-ce qu'on passe à l'échelle ? des interdépendances, des collaborations, du multicentrisme. Et ça, c'est une question très intéressante. Comment le dessin permet de travailler encore une autre échelle, qui est l'échelle territoriale, autrement évidemment que par la puissance des montagnes qui nous entourent. Et la deuxième critique qui nous a été faite, ce n'est pas une critique vraiment, mais c'est une vraie interrogation, pendant la Biennale en particulier par les gens, c'est en disant, oui, mais comment on met en œuvre ça ? Comment est-ce que la fresque questionne aussi les modalités peut-être de mise en œuvre ou les difficultés de mise en œuvre ? Et donc peut-être que la fresque pourrait être des fois plus questionnante et pas uniquement projectuelle. Mais il nous faut clore, donc la fresque elle ne s'arrête pas là et je trouve qu'une grande partie de vos remarques nous poussent à expérimenter d'autres dimensions dans la fresque, que ce soit les dimensions humaines ou métropolitaines. ou du monde du travail. Je voudrais remercier nos trois invités, parce que ce n'est pas facile pour Johan particulièrement de venir parler à partir d'une fraise qui nous imprègne de Grenoble, du Caire. Marlène, merci aussi d'être venue de Genève pour faire ce va-et-vient que tu as longtemps fait quand tu enseignais ici. Et Karine, qui continue de travailler sur l'urbanisme et l'architecture grenobloise. Merci de votre présence. Je remercie aussi l'équipe d'élus qui nous a accompagnés, et ce n'est pas fini, dans ce projet depuis huit mois maintenant de fresques. Merci beaucoup. Les nouveaux chemins du futur. Une série de rencontres proposées par Grenoble 2040 afin de se questionner et imaginer des alternatives inspirantes. Construire de nouveaux récits collectifs pour se préparer au monde de demain. Ici, maintenant,

  • Speaker #2

    ensemble,

  • Speaker #0

    plantons les graines d'un futur collectif juste et désirable.

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