- Speaker #0
Il y a vraiment eu les JO à Grenoble ?
- Speaker #1
On se donne rendez-vous à VH ou au PPN ?
- Speaker #0
Avant Grenoble,
- Speaker #2
ça s'appelait cul-à-roue.
- Speaker #0
Un arvalo, c'est un bébé phoque.
- Speaker #1
On peut voir le Mont-Blanc depuis la Bastille ?
- Speaker #0
On prend les bulles ou on monte à pied ?
- Speaker #1
Allez, je prends mon vélo et j'arrive.
- Speaker #2
Relief.
- Speaker #0
Relief.
- Speaker #1
Relief.
- Speaker #2
Le podcast du magazine Gremag. Au bord de l'Isère, le musée de Grenoble se dévoile dans un élégant bâtiment blanc et lumineux. Derrière ces lignes modernes, l'ancien et le nouveau se rassemblent avec plus de 900 œuvres qui racontent l'histoire de l'Antiquité à l'art contemporain. Dans cette série de podcasts, nous avons choisi de vous faire découvrir 5 œuvres majeures du musée. Mystérieuses, puissantes, surprenantes, elles ont chacune à leur manière traverser le temps pour faire écho à nos préoccupations contemporaines.
- Speaker #3
Aujourd'hui, tout le monde met sa vie sur Internet, sur les réseaux sociaux. Pour exister, il faut établir et montrer son intimité. Et donc, il y a même un terme qui a été inventé de « extimité » , c'est-à-dire cette intimité qu'on montre à l'extérieur.
- Speaker #2
Dans un monde saturé d'images, l'intimité vacille. L'hyperconnexion et l'omniprésence des réseaux sociaux brouillent les frontières, exposant les vies privées au regard de milliers d'inconnus. L'intimité devient alors un choix conscient, un équilibre fragile entre surexposition et reconquête de soi. Avec Nus au fauteuil rouge de Félix Vallotton, l'intimité se manifeste dans le calme et le retrait. Le corps nu immobile, baigne dans une lumière feutrée, à la fois exposée au regard et dans une solitude extrême. Aucun artifice, aucun mouvement, juste une femme saisie dans l'instant, avec amour et retenue. Peint en 1897, Nus au fauteuil rouge est une invitation à réapprendre la valeur du retrait dans un temps qui en manque cruellement.
- Speaker #3
Sur cette image, on voit une femme endormie dans un fauteuil rouge, sur un fond vert et avec une petite gravure accrochée au mur. Ce tableau est tout petit, il fait à peu près la taille d'une feuille de papier. Il est modeste aussi dans son matériau, ce n'est pas une peinture sur toile, c'est une peinture sur carton. Et il n'y a finalement que trois couleurs, le rouge, le vert et la chair de la femme endormie.
- Speaker #2
Relief au musée de Grenoble Sébastien Gaucalpe, directeur du musée.
- Speaker #3
Ce tableau est petit par son ambition et pourtant il regroupe énormément d'enjeux de la peinture et de nos mondes d'aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'à l'origine, la peinture, l'art, ceux qui avaient les moyens de se payer des investissements, artistes étaient puissants. Donc l'art était surtout le fait de la commande des rois, des églises, des religieux ou des personnes qui avaient fait fortune et qui, comme ça, se demandaient à être représentées dans toute leur puissance. La vie privée, la vie de de l'intimité n'était pas vraiment un sujet. Elle commence de manière détournée avec ce qu'on pourrait appeler les vierges à l'enfant, où on voit des femmes, le saint dénudé, en train de donner le lait à cet enfant qui est l'essentiel de Jésus-Christ. C'est à la fois une scène religieuse, mais aussi c'est une scène intime et même d'une très grande intimité, puisque c'est la mère avec son nouveau-né. Alors, les choses changent à nouveau au XIXe siècle. Le XIXe siècle, c'est le siècle de la bourgeoisie triomphante, et vous avez en fait le monde qui se s'installe. de plus en plus entre le monde public, celui de la sphère des affaires, et le monde privé, celui du foyer où en général au 19e siècle en occident la femme était à la maison. Dans ces thèmes, il y a un thème qui revient très souvent qui est le thème du nu. Donc le nu c'est un sujet en peinture par excellence, tout d'abord parce que le modèle est très facile à trouver, votre voisine ou votre voisin, c'est plus souvent des femmes, est à côté de vous, et puis c'est un grand plaisir de peindre le corps, les mains, les jambes, les visages, etc. Les artistes ont d'ailleurs formé et suivi beaucoup des cours de morphologie, ce qui leur permettait de connaître chacun des muscles et de donner le volume le plus parfait des corps. Le nu féminin, c'est aussi quelque chose de très particulier, puisqu'on rentre dans la sphère de l'intime, mais sous un prétexte artistique. C'est-à-dire, à l'époque, il n'y a pas d'image du corps nu. Le seul endroit où on peut voir des corps nus, c'est au musée. Et donc, il y a une dimension voyeur très forte, qu'on ne perçoit pas aujourd'hui, puisqu'aujourd'hui, on voit des corps nus à peu près partout, à commencer par la publicité. Et donc, il y avait un plaisir presque de voyeuriste. C'était un peu... Euh... Voilà ce qu'on pourrait trouver aujourd'hui sur internet, ou dans la rue, dans les publicités, etc. Ce corps féminin là, en particulier, il est très étrange. D'abord parce qu'en fait, il est un peu déformé. Son bras droit pend, mais on a l'impression qu'il est trop court. Le bras gauche disparaît, c'est juste un petit triangle, mais on n'aperçoit pas ce qui correspond à l'épaule. C'est une drôle de forme. Et pourquoi ? Parce que Valoton, qui est un peintre qui faisait partie du mouvement des Nabis, dont le plus célèbre est peut-être Bonnard, était un très grand dessinateur, un très grand graveur. Il a fait beaucoup d'estampes et il était notamment très attentif à la ligne. et donc ce personnage en fait est une succession d'arabesques qui donne sous une forme assez très simple, il n'y a pas d'ombre, il n'y a pas de modelé, c'est vraiment un aplat de couleurs rehaussé de quelques lignes. Et ces quelques lignes dessinent cette masse qui est à la fois très reconnaissable, on voit tout de suite c'est une femme, et en même temps très étrange, avec ce bras gauche qui disparaît, avec ce bras droit qui est presque trop court. Et encore, ce qui est encore plus étrange, c'est la position de cette femme. C'est-à-dire qu'elle est assise dans un fauteuil rouge et elle dort. en fait ça n'arrive jamais cette situation dans la vie. Si vous dormez, vous dormez dans votre lit, surtout si vous êtes nu, mais sans dormir nu sur un fauteuil, ça n'arrive pas. On peut se le dire, ou alors très rarement. Mais en fait, le tableau a une telle harmonie que la question ne se pose même pas à ondes. On n'est même pas surpris, on se dit juste qu'elle est en train de poser, sauf qu'elle ne pose pas, elle est vraiment endormie, on entend presque sa respiration.
- Speaker #2
D'où la notion d'intimité.
- Speaker #3
Totalement.
- Speaker #2
Pas uniquement la notion de nu, d'avoir ici un tableau qui représente du nu, mais d'avoir plutôt un tableau qui représente l'intimité. C'est bien ça ?
- Speaker #3
Tout à fait, car ce n'est pas un nu qui pourrait être... Un nu qui est très affirmé, comme une vierge à l'enfant, ou comme l'Olympia de Manet, où elle vous regarde droit dans les yeux. Non, là, c'est un corps abandonné, vulnérable, endormi. Et c'est là ce qui donne encore plus cette dimension voyeuriste. Vous voyez le nu, mais lui ne vous voit pas. Et ça, c'est très étrange. Le tableau date de 1897. C'est un tableau qui est souvent demandé en prêt, notamment dans des expositions sur le rêve. Et il faut savoir, et en fait, il y a une drôle d'ambiance dans ce tableau. Pourquoi les murs sont verts ? On voit très rarement des murs verts. Pourquoi la moquette est de la même couleur que le fauteuil, ce rouge vif ? Ça aussi, c'est totalement anormal. Et on est donc dans une ambiance comme si on était dans un rêve. Le rêve, ça fait tout de suite penser à la psychanalyse. Et le livre fondateur de Sigmund Freud sur l'interprétation des rêves ou sur la psychanalyse, paraît en 1899. Donc on est vraiment dans cette période de la civilisation où on s'aperçoit que l'inconscient existe, que le rêve existe, que le rêve peut avoir des sens, et que ce qui apparaît comme quelque chose de sans logique est en fait constitué de notre mémoire, de notre vécu et de notre ressenti.
- Speaker #2
On n'est pas sur un environnement de l'époque, là, avec ce rouge et ce vert, on est vraiment sur quelque chose de complètement rêvé.
- Speaker #3
Alors en fait, on est dans les nabis, dans ce mouvement d'artistes dont faisait partie Valot. Auton était célèbre pour son utilisation des couleurs pures. On est un des inspirateurs des Nabis, c'était Paul Sérusier qui avait cette formule célèbre qui dit ne pas oublier qu'un tableau avant d'être une femme, un paysage, un cheval est un ensemble de tâches colorées assemblées sur un mur. On est parfaitement là, on a juste trois couleurs et c'est à la fois un tableau presque abstrait et en même temps un tableau extrêmement figuratif et même sensuel. En fait, l'intime, comme sujet, pas l'intime de manière détournée, est un sujet qui va beaucoup se développer au XXe siècle. Et à partir notamment des années 1970, les artistes vont beaucoup mettre en avant leur histoire, la petite. petite histoire. On pense notamment à deux des plus grands artistes français, Annette Messager et Christian Boltanski, mais aussi Sophie Kahl, qui vont mettre en scène leurs aventures, leur vie, leurs relations amoureuses. Donc, jusqu'au XXe siècle, l'intime n'est pas vraiment un sujet frontal, et ça le devient, justement, à partir des années du XXe siècle, et plus encore, à partir des années 70. Et puis, aujourd'hui, on se retrouve en fait dans une situation inversé presque aujourd'hui tout le monde met sa vie sur internet sur les réseaux sociaux pour exister il faut établir et montrer son intimité et donc c'est même un terme qui était inventé de l'intimité, c'est-à-dire cette intimité qu'on montre à l'extérieur. Ce qui pose deux questions. La première, celle du voyeurisme. on voit que ce tableau, il y a un plaisir à voir quelque chose qu'on ne devrait pas voir. Avec cette ambiance contemporaine de la vie publique étalée au grand jour, cette distance n'existe plus. Il n'y a plus cette espèce de frontière du tabou, de l'interdit, puisque finalement les interdits sont de plus en plus repoussés. Aujourd'hui quasiment plus rien n'est interdit, en tout cas à voir ou à montrer. Ou en tout cas les frontières se repoussent sans arrêt. Donc là on change au XXIe siècle d'époque. et puis aussi parce qu'avec internet, on a tout ce qu'on appelle une trace numérique, une empreinte numérique qui fait que finalement votre intimité, par bien des côtés, elle est dévoyée aujourd'hui. Aujourd'hui, une recherche en quelques requêtes, vous savez quelles études vous avez fait, avec qui vous vivez, quelle société vous avez monté, etc. Donc finalement c'est un tableau qui est d'un autre siècle, mais qui est d'autant plus touchant de ce monde qui finalement a disparu, d'un monde où c'était la vie privé la situation. la sphère intime était une sphère bien close et qui en même temps, aujourd'hui, n'a plus cette frontière avec le reste du monde.
- Speaker #2
À la différence en fait aujourd'hui que ce qu'on montre en général. consentie. Et là, on a quand même le sentiment, comme vous le disiez, de voyeurisme. Donc, il n'y a pas forcément la même notion de ce qu'on veut montrer, de ce qu'on veut dévoiler.
- Speaker #3
En fait, aujourd'hui, ce qu'on montre, c'est quelque chose qui est consenti, un selfie. Il faut retourner son téléphone pour se prendre en photo. Et là, on a l'impression que c'est pris par surprise. Mais en fait, ce qui est toujours intéressant dans l'art, c'est d'imaginer tous les dispositifs qui existent autour. Qu'est-ce qui a rendu possible cette œuvre ? Et en fait, cette œuvre, elle est rendue possible parce qu'il y a... un travail qui est celui de modèle pour les peintres. Alors c'est peut-être sa femme, on ne connaît pas d'ailleurs l'origine de la personne qui est représentée, mais c'est peut-être aussi un modèle en peinture. Et donc à ce moment-là, vous avez un rapport au sens propre du terme, mais qui est consenti, puisque la personne a, contre rémunération, posé pour le peintre.
- Speaker #2
Ce qu'il a réellement voulu montrer à travers ce tableau, c'est quoi ? c'est l'intimité de la femme cette époque peut-être l'intimité d'un couple ?
- Speaker #3
Alors, ce qui est intéressant, c'est que cette toile est peinte sur un carton. En général, une toile qui est vendue, une peinture qui est vendue est faite sur toile, parce que c'est un support plus résistant et qui se vend plus cher qu'un carton. Donc on peut penser que c'est une œuvre qu'il a réservée à son utilité. usage personnel un plaisir et alors là peut-être ça contribue à ce que j'ai dit avant mais c'est peut-être sa femme c'est peut-être il a voulu garder une trace de sa femme à un moment qu'il avait particulièrement touché et un moment où finalement le corps est abandonné même les forces cool, ce bras droit qui tombe à côté, c'est comme si finalement il y avait une sorte de relâche, de détente.
- Speaker #2
Oui parce que c'est vrai qu'elle est très touchante cette oeuvre.
- Speaker #3
Et c'est en fait pourquoi j'ai choisi cette oeuvre ?
- Speaker #2
Pourquoi vous l'avez choisie ?
- Speaker #3
Parce que c'est une oeuvre qui m'émeut beaucoup, parce qu'on est dans une, ce qu'on ressent est une parfaite... tendresse et intimité même si la femme est nue c'est pas le regard sexuel qui prédomine mais bien cette proximité cette familiarité sans fard où finalement on pourrait les imaginer qu'ils vivent chez eux, qu'il n'y a personne d'autre et que donc ils peuvent se promener nus chez eux et qu'elles s'endorment en canicule par exemple elles se seraient assises sur ce fauteuil et puis endormies comme nous on pourrait s'endormir devant un film à la télé Merci. Donc il y a vraiment une très forte sentiment d'intimité et puis une grande tendresse dans ce tableau. Très grande simplicité, trois couleurs et en même temps cette bascule entre figuration et abstraction.
- Speaker #2
Si l'exploration de l'intime vous interpelle, Nus au fauteuil rouge de Félix Vallotton est à voir salle 23 du musée de Grenoble. Le musée, entièrement gratuit, vous accueille toute l'année pour un voyage à travers les œuvres du XIIIe au XXe siècle. ainsi que de nombreuses expositions temporaires. Réalisation Célia Buny-Romand Remerciements Relief Ville de Grenoble Isabelle Touchard Musée de Grenoble Claire Gabin Marianne Télibère N'hésitez pas à explorer les autres épisodes de cette série. A bientôt !