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Ville Solidaire, Ville Durable - Le podcast de la Fondation des solidarités urbaines

Episode 6 – Clotilde Gilbert nous parle de réinsertion des personnes détenues et sortant de prison

Episode 6 – Clotilde Gilbert nous parle de réinsertion des personnes détenues et sortant de prison

12min |18/06/2024
Play
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12min |18/06/2024
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Description

Au micro du journaliste Frédéric Vuillod, Clotilde Gilbert, directrice de Wake up Café, revient sur les résultats de la recherche-action intitulée “La Fabrique de la remobilisation : réinsertion des personnes détenues et sortant de prison pour une société inclusive et apaisée” et du Quai Liberté, un restaurant qui forme et emploie des personnes sortant de prison. Le projet a été soutenu par la Fondation des solidarités urbaines à l’occasion de son premier appel à projets qui avait pour thème “Lutter contre l’isolement des personnes fragiles”. Son but : lutter contre la récidive et changer à la fois le regard de la société envers les anciens détenus et celui des anciens détenus sur le monde du “dehors”. 

Au Quai Liberté, implanté sur la péniche Thalassa dans le 15e arrondissement de Paris, les « wakeurs » sont accueillis pour un accompagnement sans limite de temps avec un parcours de préparation à l’emploi ou d’accès à des formations. Grâce à un suivi individuel par des chargés d’emploi – mais aussi des ateliers collectifs, une communauté d’entraide, du coaching, du mentorat… – Wake up Café offre aux sortants de prison des perspectives d’avenir sans récidive.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expérience aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Clotilde Gilbert, la fondatrice de Wake Up Café, qui mène un excellent projet de réinsertion des personnes détenues ou qui sortent de prison, dans l'objectif de lutter contre la récidive, mais aussi contre l'isolement. Bonjour Clotilde Gilbert.

  • Clotilde Gilbert

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Wake Up Café a développé un dispositif qui s'appelle la fabrique de la remobilisation. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

  • Clotilde Gilbert

    Parce qu'en fait, quand on sort de prison, on sort de l'inaction, on sort de l'enfermement, on sort d'une période où on n'a rien fait ou quasiment rien fait. Et pour se remettre debout, on a besoin d'avoir des projets qui sont mobilisants, qui donnent envie d'avancer et qui permettent de se projeter. Et Wake Up Café a cherché à répondre à un enjeu fort qui est de donner tout de suite un salaire à des personnes qui sortent de prison pour éviter la récidive. Parce que quand on sort et qu'on ne sait pas trop quoi faire... et qu'on n'a jamais travaillé, il y a un fort risque de retourner faire ce qu'on a déjà fait. On a donc créé le Quai Liberté, qui est un lieu dédié à 100% à embaucher et à former des sortants de prison, accompagnés par Wake Up Café sur les métiers de l'hospitalité.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Quai Liberté, c'est une péniche sur la Seine ?

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, l'ex-péniche Thalassa de l'émission de Georges Pernoud, dont on est très heureux d'avoir pu prendre la suite de l'aventure. Pour remettre à flot, donc symboliquement les valeurs de la mer nous parlent, remettre à flot ceux qui ont envie d'avancer vers une nouvelle vie, un changement de chemin complet. Et puis il y a le bateau et il y a aussi le quai où on a ouvert une guinguette à bord un restaurant. Et on a aussi beaucoup de... enfin on a des salons dans lesquels les entreprises viennent souvent faire des team building, des événements solidaires et ils sont contents de contribuer à cet enjeu de société.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est une péniche, un restaurant ? où chacun peut venir dîner.

  • Clotilde Gilbert

    Vous êtes tous les bienvenus. C'est un restaurant bistronomique. On est super bien, on est au bord de l'eau. Il y a des terrasses à l'avant, à l'arrière du bateau desquelles on peut voir la statue de la liberté, la tour Eiffel. C'est un lieu magique.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est dans ce lieu magique que vous offrez un emploi à des personnes qui sortent de prison. Ça veut dire qu'ils sont serveurs, ils sont restaurateurs, ils sont cuisiniers.

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, alors il y a des hôtes d'accueil, ils sont formés sur ces métiers d'hôtes d'accueil, de serveurs, de serveurs dans les événements, de cuisiniers, de maintenance, de sécurité, de ces 2000 m² en plein cœur de Paris.

  • Frédéric Vuillod

    Le quai Liberté, face à la statue de la liberté, c'est extrêmement symbolique. Le nom de votre association aussi, Wake Up Café, est symbolique. On se réveille, on reprend pied dans la vie professionnelle. Vous accueillez combien de personnes ? à qui vous permettez ce processus de réinsertion et comment arrive-t-il chez vous ?

  • Clotilde Gilbert

    Depuis l'origine, on a ouvert en 2014, donc bientôt dix ans qu'on a accompagné 2200 personnes en individuel. Aujourd'hui, on est présent dans neuf villes en France où on accueille les sortants de prison le jour de leur sortie pour un parcours sans limite dans le temps de reconstruction personnelle et de réinsertion dans l'emploi. OK Liberté, qu'on a créé en 2020, Il y a 150 WAKERS qui ont été embauchés et chaque année environ c'est 45 WAKERS qui sont embauchés. Là sur l'année 2023, il y a eu 43 WAKERS en emploi formation qui ont tous fait un parcours pilote de formation continue, à la fois formation continue sur les métiers, à la fois formation continue sur les compétences de savoir-être pour intégrer le monde du travail puisque c'est un lieu tremplin vers l'emploi. Et puis, tous les lundis, on a fermé les restaurants pour leur permettre d'avoir une formation collective sur l'ensemble de leurs difficultés pour accéder à un emploi durable. Et donc ça, ça veut dire que 20% de leur temps de travail est consacré à de la formation. On a pu le faire grâce à la région Île-de-France qui nous a soutenus, à l'IECD qui aussi nous a aidés à construire un parcours de formation à la fois individuel et collectif pour ceux qui viennent travailler sur ce lieu.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de limite dans le temps à votre accompagnement, mais à un moment, certains d'entre eux s'en vont, ils retrouvent du travail, donc j'imagine dans le milieu de la restauration, c'est ça ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, alors l'accompagnement au Wake Up Café est sans limite dans le temps parce qu'on est une communauté d'entraide, donc on ne va pas couper les liens qu'on crée. Aujourd'hui, l'équipe Wake Up Café, c'est 80 salariés sur l'ensemble des sites éduqués Liberté et on a plus de 230 bénévoles hyper engagés partout. Au Quai Liberté, les salariés sont là en général trois fois par jour. trois mois, six mois et parfois plus pour certains d'entre eux.

  • Frédéric Vuillod

    Quel est le taux de sortie positive, comme on dit dans le milieu de l'insertion, pour dire qu'ils ont quitté votre organisme et ils ont trouvé un travail quelque part ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors sur l'année 2023, on a 93% de sorties positives. Certains travaillent encore au Quai Liberté et d'autres sont partis travailler chez nos partenaires, Accor, Truffaut, chez différentes entreprises partenaires. Soit dans le secteur de la restauration parce qu'ils ont aimé cela, soit dans d'autres activités. L'objectif pour nous est de leur donner vraiment les codes du monde du travail. Et ce dont on se rend compte, c'est que ce qui manque le plus pour durer dans l'emploi, quand on en est très éloigné, c'est les codes de l'entreprise, les codes de la société.

  • Frédéric Vuillod

    Alors chez les personnes détenues ou qui sortent de prison que vous accompagnez au Quai Liberté, quels sont les résultats tangibles que vous constatez sur le terrain au terme de votre accompagnement ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors moi, ce qui me marque le plus, c'est vraiment de voir que le matin, ils arrivent et ils disent En fait, je me suis levée ce matin et j'étais heureux d'aller travailler. Et ça, ça me marque énormément. La deuxième petite anecdote que je peux donner, c'est Audrey, qui a été chez nous en emploi formation pendant deux mois. Au bout de deux mois, elle a trouvé un travail ailleurs, elle a voulu y aller directement. Et au bout de trois jours, elle nous a rappelé en disant En fait, est-ce que je peux revenir ? Je ne suis pas prête. Ils m'ont mal parlé. Je n'ai pas compris la manière dont on devait travailler. J'ai besoin de renforcer ma capacité à m'intégrer dans une entreprise et à comprendre les enjeux d'un emploi durable. Et elle est revenue parce que Wake Up Café et Le Quai Liberté, c'est très exigeant, mais très bienveillant. Et donc, on leur apprend aussi la tenue. Pourquoi on ne vient pas en jogging sur son lieu de travail ? Parce qu'en fait, ça donne tout de suite un regard différent. Et on leur dit, vous valez grand. Montrez-le nous et montrez-le à la société que vous avez tout pour devenir des acteurs positifs dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Est-ce que votre action a un impact sur le taux de récidive ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, heureusement, parce que c'est pour ça qu'on fait tout ça. Chez Wake Up Café, la statistique du gouvernement a analysé l'ensemble des personnes accompagnées par Wake Up Café et on a un taux de retour en prison officiel de seulement 12,6%. On sait qu'en France, il y a un taux de récidive, donc de recondamnation, qui va jusqu'à 60% dans les 5 ans. Donc c'est un gros enjeu de société auquel on s'attache. Et évidemment, de donner un encadrement fort, exigeant et bienveillant au quotidien, c'est ce qui marche. C'est cet accompagnement qui est très proche de la situation de chacun des Wakers et des Wakeuses, qui nous permet de continuer à être un des partenaires forts de la justice. pour lutter contre la récidive.

  • Frédéric Vuillod

    Et comment réagit le public qui vient déjeuner ou dîner chez vous ? Est-ce que d'abord ils sont informés ? Est-ce qu'il est affiché que le personnel sort de prison ? Ou est-ce qu'en fait ça n'est pas dit ? Et pour ceux qui le savent, est-ce qu'ils sont particulièrement heureux de venir ? Est-ce qu'ils se méfient ? Voilà, quels sont les ressentis, l'atmosphère qui entoure votre démarche pour le public ?

  • Clotilde Gilbert

    C'est très intéressant comme question parce qu'on se l'est nous-mêmes longtemps posé. quel positionnement avoir. En fait aujourd'hui on a pris le parti de mettre en lumière ces personnes qui ont fait un passage en prison et qui ont un courage incroyable de venir se présenter, être heureux de servir, de faire des belles assiettes, d'accueillir ceux qui viennent sur ce lieu. Leur fierté d'abord fait plaisir à voir et ça permet ce qu'on dit de changer les regards. Pourquoi ? Parce que eux ont besoin de changer de regard sur la société et la société a besoin de changer de regard sur des gens qui ont fait des passages en prison. Et en fait c'est immédiat. Alors nous on l'a affiché, on dit partout que c'est le seul restaurant dans Paris tenu par des sortants de prison. Il y a des grandes affiches qui racontent un peu leur fierté de travailler ici. Et on est assez marqué de voir que les entreprises viennent volontairement sur ce lieu parce que du coup ils créent des événements solidaires et contribuent à cet enjeu de société par ce biais-là. Et puis on le dit chaque fois que vous venez boire une bière. Prendre un café et prendre un déjeuner ou un dîner à bord du bateau, vous nous aidez à continuer à embaucher et à donner une chance à ceux qui se lèvent le matin pour ça.

  • Frédéric Vuillod

    C'est incroyable, j'imagine qu'il y a d'autres acteurs qui ont envie d'accompagner le même public que vous, qui ont envie de répliquer un petit peu ce que vous faites. Quels conseils vous leur donneriez, en particulier pour ceux qui accompagnent peut-être les plus jeunes détenus ? Parce qu'il y a des profils différents aussi.

  • Clotilde Gilbert

    Bien sûr, alors Wake Up Café, on accompagne 55% de moins de 30 ans. Et évidemment, ce n'est pas le même challenge que pour des personnes plus âgées ou des personnes qui ont fait des longues peines. Nous, 76% des personnes qu'on accompagne sont des multirécidivistes, donc ils ont fait plusieurs fois de la prison. Et le meilleur conseil que je peux donner, c'est à la fois beaucoup de fermeté et aussi beaucoup d'amour. Là, j'arrive tout de suite de Lille. On vient d'ouvrir le site, il y a déjà 5 wakeurs, et dont 3 de moins de 26 ans qui sont là, et qui m'ont dit "aujourd'hui, s'il n'y avait pas Wake Up, là, à l'heure qu'il est, à 11h30, je serais dans mon lit. Si vous ne me forciez pas à venir, si vous ne me donniez pas ce cadre, je n'avancerais pas. Et ça a changé ma vie". Là, il y avait une wakeuse qui disait, "ça a même changé ma vie au point de changer ma manière de me nourrir. Avant, je m'en fichais. Aujourd'hui, je vois que c'est important de se nourrir équilibré, de manger des légumes". Et bien, Elsa l'a découvert chez Wake Up, parce que l'accompagnement, il est de 9h à 18h tous les jours. Et on fait la cuisine ensemble, on fait la vaisselle, on apprend qu'il n'y a pas que les filles qui passent le balai. Et toutes ces petites choses du quotidien viennent leur permettre de se construire comme... des hommes et des femmes debout qui veulent avancer et agir dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Et aujourd'hui, quelles sont les pistes de développement de votre projet ? Comment est-ce que vous voyez ce projet évoluer à terme ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors, ce qui est très marquant, c'est de site en site, donc sur nos neuf sites, chaque fois que quelqu'un y va, il entend. Si j'avais connu Wake Up Café avant, je ne serais pas retournée en prison. Du coup, il y a quelque chose qui nous pousse de manière très forte à offrir cet accompagnement rapproché à tous ceux qui ont envie de changer de chemin. et donc à déployer l'offre Wake Up Café sur l'ensemble du territoire.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez déjà des projets presque concrets d'installation dans d'autres villes en France ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors oui, on est avancé sur Marseille, il y a Nantes qui se profile, il y a Lille où ils sont tout jeunes, ils viennent de naître et en fait ils ont déjà un projet de restaurant, voire d'hôtel pour les années à venir. Mais on sait que les projets c'est très long à mettre en place. Pour le Quai Liberté Paris, il a fallu 4 ans. Avant que ça voie le jour. Donc, il faut être patient, mais on y croit.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup, Clotilde Gilbert, pour ce très beau témoignage. Et puis, on souhaite une très belle route à Wake Up Café et à tous les Wakers, bien sûr.

  • Clotilde Gilbert

    Merci beaucoup et merci de votre accueil.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr. Merci. et sur le site internet de la Fondation des Solidarités Urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Eogie-Siemp, Aximo, l'Habitation Confortable et l'Habitat Social Français. A bientôt !

Description

Au micro du journaliste Frédéric Vuillod, Clotilde Gilbert, directrice de Wake up Café, revient sur les résultats de la recherche-action intitulée “La Fabrique de la remobilisation : réinsertion des personnes détenues et sortant de prison pour une société inclusive et apaisée” et du Quai Liberté, un restaurant qui forme et emploie des personnes sortant de prison. Le projet a été soutenu par la Fondation des solidarités urbaines à l’occasion de son premier appel à projets qui avait pour thème “Lutter contre l’isolement des personnes fragiles”. Son but : lutter contre la récidive et changer à la fois le regard de la société envers les anciens détenus et celui des anciens détenus sur le monde du “dehors”. 

Au Quai Liberté, implanté sur la péniche Thalassa dans le 15e arrondissement de Paris, les « wakeurs » sont accueillis pour un accompagnement sans limite de temps avec un parcours de préparation à l’emploi ou d’accès à des formations. Grâce à un suivi individuel par des chargés d’emploi – mais aussi des ateliers collectifs, une communauté d’entraide, du coaching, du mentorat… – Wake up Café offre aux sortants de prison des perspectives d’avenir sans récidive.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expérience aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Clotilde Gilbert, la fondatrice de Wake Up Café, qui mène un excellent projet de réinsertion des personnes détenues ou qui sortent de prison, dans l'objectif de lutter contre la récidive, mais aussi contre l'isolement. Bonjour Clotilde Gilbert.

  • Clotilde Gilbert

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Wake Up Café a développé un dispositif qui s'appelle la fabrique de la remobilisation. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

  • Clotilde Gilbert

    Parce qu'en fait, quand on sort de prison, on sort de l'inaction, on sort de l'enfermement, on sort d'une période où on n'a rien fait ou quasiment rien fait. Et pour se remettre debout, on a besoin d'avoir des projets qui sont mobilisants, qui donnent envie d'avancer et qui permettent de se projeter. Et Wake Up Café a cherché à répondre à un enjeu fort qui est de donner tout de suite un salaire à des personnes qui sortent de prison pour éviter la récidive. Parce que quand on sort et qu'on ne sait pas trop quoi faire... et qu'on n'a jamais travaillé, il y a un fort risque de retourner faire ce qu'on a déjà fait. On a donc créé le Quai Liberté, qui est un lieu dédié à 100% à embaucher et à former des sortants de prison, accompagnés par Wake Up Café sur les métiers de l'hospitalité.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Quai Liberté, c'est une péniche sur la Seine ?

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, l'ex-péniche Thalassa de l'émission de Georges Pernoud, dont on est très heureux d'avoir pu prendre la suite de l'aventure. Pour remettre à flot, donc symboliquement les valeurs de la mer nous parlent, remettre à flot ceux qui ont envie d'avancer vers une nouvelle vie, un changement de chemin complet. Et puis il y a le bateau et il y a aussi le quai où on a ouvert une guinguette à bord un restaurant. Et on a aussi beaucoup de... enfin on a des salons dans lesquels les entreprises viennent souvent faire des team building, des événements solidaires et ils sont contents de contribuer à cet enjeu de société.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est une péniche, un restaurant ? où chacun peut venir dîner.

  • Clotilde Gilbert

    Vous êtes tous les bienvenus. C'est un restaurant bistronomique. On est super bien, on est au bord de l'eau. Il y a des terrasses à l'avant, à l'arrière du bateau desquelles on peut voir la statue de la liberté, la tour Eiffel. C'est un lieu magique.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est dans ce lieu magique que vous offrez un emploi à des personnes qui sortent de prison. Ça veut dire qu'ils sont serveurs, ils sont restaurateurs, ils sont cuisiniers.

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, alors il y a des hôtes d'accueil, ils sont formés sur ces métiers d'hôtes d'accueil, de serveurs, de serveurs dans les événements, de cuisiniers, de maintenance, de sécurité, de ces 2000 m² en plein cœur de Paris.

  • Frédéric Vuillod

    Le quai Liberté, face à la statue de la liberté, c'est extrêmement symbolique. Le nom de votre association aussi, Wake Up Café, est symbolique. On se réveille, on reprend pied dans la vie professionnelle. Vous accueillez combien de personnes ? à qui vous permettez ce processus de réinsertion et comment arrive-t-il chez vous ?

  • Clotilde Gilbert

    Depuis l'origine, on a ouvert en 2014, donc bientôt dix ans qu'on a accompagné 2200 personnes en individuel. Aujourd'hui, on est présent dans neuf villes en France où on accueille les sortants de prison le jour de leur sortie pour un parcours sans limite dans le temps de reconstruction personnelle et de réinsertion dans l'emploi. OK Liberté, qu'on a créé en 2020, Il y a 150 WAKERS qui ont été embauchés et chaque année environ c'est 45 WAKERS qui sont embauchés. Là sur l'année 2023, il y a eu 43 WAKERS en emploi formation qui ont tous fait un parcours pilote de formation continue, à la fois formation continue sur les métiers, à la fois formation continue sur les compétences de savoir-être pour intégrer le monde du travail puisque c'est un lieu tremplin vers l'emploi. Et puis, tous les lundis, on a fermé les restaurants pour leur permettre d'avoir une formation collective sur l'ensemble de leurs difficultés pour accéder à un emploi durable. Et donc ça, ça veut dire que 20% de leur temps de travail est consacré à de la formation. On a pu le faire grâce à la région Île-de-France qui nous a soutenus, à l'IECD qui aussi nous a aidés à construire un parcours de formation à la fois individuel et collectif pour ceux qui viennent travailler sur ce lieu.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de limite dans le temps à votre accompagnement, mais à un moment, certains d'entre eux s'en vont, ils retrouvent du travail, donc j'imagine dans le milieu de la restauration, c'est ça ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, alors l'accompagnement au Wake Up Café est sans limite dans le temps parce qu'on est une communauté d'entraide, donc on ne va pas couper les liens qu'on crée. Aujourd'hui, l'équipe Wake Up Café, c'est 80 salariés sur l'ensemble des sites éduqués Liberté et on a plus de 230 bénévoles hyper engagés partout. Au Quai Liberté, les salariés sont là en général trois fois par jour. trois mois, six mois et parfois plus pour certains d'entre eux.

  • Frédéric Vuillod

    Quel est le taux de sortie positive, comme on dit dans le milieu de l'insertion, pour dire qu'ils ont quitté votre organisme et ils ont trouvé un travail quelque part ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors sur l'année 2023, on a 93% de sorties positives. Certains travaillent encore au Quai Liberté et d'autres sont partis travailler chez nos partenaires, Accor, Truffaut, chez différentes entreprises partenaires. Soit dans le secteur de la restauration parce qu'ils ont aimé cela, soit dans d'autres activités. L'objectif pour nous est de leur donner vraiment les codes du monde du travail. Et ce dont on se rend compte, c'est que ce qui manque le plus pour durer dans l'emploi, quand on en est très éloigné, c'est les codes de l'entreprise, les codes de la société.

  • Frédéric Vuillod

    Alors chez les personnes détenues ou qui sortent de prison que vous accompagnez au Quai Liberté, quels sont les résultats tangibles que vous constatez sur le terrain au terme de votre accompagnement ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors moi, ce qui me marque le plus, c'est vraiment de voir que le matin, ils arrivent et ils disent En fait, je me suis levée ce matin et j'étais heureux d'aller travailler. Et ça, ça me marque énormément. La deuxième petite anecdote que je peux donner, c'est Audrey, qui a été chez nous en emploi formation pendant deux mois. Au bout de deux mois, elle a trouvé un travail ailleurs, elle a voulu y aller directement. Et au bout de trois jours, elle nous a rappelé en disant En fait, est-ce que je peux revenir ? Je ne suis pas prête. Ils m'ont mal parlé. Je n'ai pas compris la manière dont on devait travailler. J'ai besoin de renforcer ma capacité à m'intégrer dans une entreprise et à comprendre les enjeux d'un emploi durable. Et elle est revenue parce que Wake Up Café et Le Quai Liberté, c'est très exigeant, mais très bienveillant. Et donc, on leur apprend aussi la tenue. Pourquoi on ne vient pas en jogging sur son lieu de travail ? Parce qu'en fait, ça donne tout de suite un regard différent. Et on leur dit, vous valez grand. Montrez-le nous et montrez-le à la société que vous avez tout pour devenir des acteurs positifs dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Est-ce que votre action a un impact sur le taux de récidive ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, heureusement, parce que c'est pour ça qu'on fait tout ça. Chez Wake Up Café, la statistique du gouvernement a analysé l'ensemble des personnes accompagnées par Wake Up Café et on a un taux de retour en prison officiel de seulement 12,6%. On sait qu'en France, il y a un taux de récidive, donc de recondamnation, qui va jusqu'à 60% dans les 5 ans. Donc c'est un gros enjeu de société auquel on s'attache. Et évidemment, de donner un encadrement fort, exigeant et bienveillant au quotidien, c'est ce qui marche. C'est cet accompagnement qui est très proche de la situation de chacun des Wakers et des Wakeuses, qui nous permet de continuer à être un des partenaires forts de la justice. pour lutter contre la récidive.

  • Frédéric Vuillod

    Et comment réagit le public qui vient déjeuner ou dîner chez vous ? Est-ce que d'abord ils sont informés ? Est-ce qu'il est affiché que le personnel sort de prison ? Ou est-ce qu'en fait ça n'est pas dit ? Et pour ceux qui le savent, est-ce qu'ils sont particulièrement heureux de venir ? Est-ce qu'ils se méfient ? Voilà, quels sont les ressentis, l'atmosphère qui entoure votre démarche pour le public ?

  • Clotilde Gilbert

    C'est très intéressant comme question parce qu'on se l'est nous-mêmes longtemps posé. quel positionnement avoir. En fait aujourd'hui on a pris le parti de mettre en lumière ces personnes qui ont fait un passage en prison et qui ont un courage incroyable de venir se présenter, être heureux de servir, de faire des belles assiettes, d'accueillir ceux qui viennent sur ce lieu. Leur fierté d'abord fait plaisir à voir et ça permet ce qu'on dit de changer les regards. Pourquoi ? Parce que eux ont besoin de changer de regard sur la société et la société a besoin de changer de regard sur des gens qui ont fait des passages en prison. Et en fait c'est immédiat. Alors nous on l'a affiché, on dit partout que c'est le seul restaurant dans Paris tenu par des sortants de prison. Il y a des grandes affiches qui racontent un peu leur fierté de travailler ici. Et on est assez marqué de voir que les entreprises viennent volontairement sur ce lieu parce que du coup ils créent des événements solidaires et contribuent à cet enjeu de société par ce biais-là. Et puis on le dit chaque fois que vous venez boire une bière. Prendre un café et prendre un déjeuner ou un dîner à bord du bateau, vous nous aidez à continuer à embaucher et à donner une chance à ceux qui se lèvent le matin pour ça.

  • Frédéric Vuillod

    C'est incroyable, j'imagine qu'il y a d'autres acteurs qui ont envie d'accompagner le même public que vous, qui ont envie de répliquer un petit peu ce que vous faites. Quels conseils vous leur donneriez, en particulier pour ceux qui accompagnent peut-être les plus jeunes détenus ? Parce qu'il y a des profils différents aussi.

  • Clotilde Gilbert

    Bien sûr, alors Wake Up Café, on accompagne 55% de moins de 30 ans. Et évidemment, ce n'est pas le même challenge que pour des personnes plus âgées ou des personnes qui ont fait des longues peines. Nous, 76% des personnes qu'on accompagne sont des multirécidivistes, donc ils ont fait plusieurs fois de la prison. Et le meilleur conseil que je peux donner, c'est à la fois beaucoup de fermeté et aussi beaucoup d'amour. Là, j'arrive tout de suite de Lille. On vient d'ouvrir le site, il y a déjà 5 wakeurs, et dont 3 de moins de 26 ans qui sont là, et qui m'ont dit "aujourd'hui, s'il n'y avait pas Wake Up, là, à l'heure qu'il est, à 11h30, je serais dans mon lit. Si vous ne me forciez pas à venir, si vous ne me donniez pas ce cadre, je n'avancerais pas. Et ça a changé ma vie". Là, il y avait une wakeuse qui disait, "ça a même changé ma vie au point de changer ma manière de me nourrir. Avant, je m'en fichais. Aujourd'hui, je vois que c'est important de se nourrir équilibré, de manger des légumes". Et bien, Elsa l'a découvert chez Wake Up, parce que l'accompagnement, il est de 9h à 18h tous les jours. Et on fait la cuisine ensemble, on fait la vaisselle, on apprend qu'il n'y a pas que les filles qui passent le balai. Et toutes ces petites choses du quotidien viennent leur permettre de se construire comme... des hommes et des femmes debout qui veulent avancer et agir dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Et aujourd'hui, quelles sont les pistes de développement de votre projet ? Comment est-ce que vous voyez ce projet évoluer à terme ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors, ce qui est très marquant, c'est de site en site, donc sur nos neuf sites, chaque fois que quelqu'un y va, il entend. Si j'avais connu Wake Up Café avant, je ne serais pas retournée en prison. Du coup, il y a quelque chose qui nous pousse de manière très forte à offrir cet accompagnement rapproché à tous ceux qui ont envie de changer de chemin. et donc à déployer l'offre Wake Up Café sur l'ensemble du territoire.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez déjà des projets presque concrets d'installation dans d'autres villes en France ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors oui, on est avancé sur Marseille, il y a Nantes qui se profile, il y a Lille où ils sont tout jeunes, ils viennent de naître et en fait ils ont déjà un projet de restaurant, voire d'hôtel pour les années à venir. Mais on sait que les projets c'est très long à mettre en place. Pour le Quai Liberté Paris, il a fallu 4 ans. Avant que ça voie le jour. Donc, il faut être patient, mais on y croit.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup, Clotilde Gilbert, pour ce très beau témoignage. Et puis, on souhaite une très belle route à Wake Up Café et à tous les Wakers, bien sûr.

  • Clotilde Gilbert

    Merci beaucoup et merci de votre accueil.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr. Merci. et sur le site internet de la Fondation des Solidarités Urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Eogie-Siemp, Aximo, l'Habitation Confortable et l'Habitat Social Français. A bientôt !

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Description

Au micro du journaliste Frédéric Vuillod, Clotilde Gilbert, directrice de Wake up Café, revient sur les résultats de la recherche-action intitulée “La Fabrique de la remobilisation : réinsertion des personnes détenues et sortant de prison pour une société inclusive et apaisée” et du Quai Liberté, un restaurant qui forme et emploie des personnes sortant de prison. Le projet a été soutenu par la Fondation des solidarités urbaines à l’occasion de son premier appel à projets qui avait pour thème “Lutter contre l’isolement des personnes fragiles”. Son but : lutter contre la récidive et changer à la fois le regard de la société envers les anciens détenus et celui des anciens détenus sur le monde du “dehors”. 

Au Quai Liberté, implanté sur la péniche Thalassa dans le 15e arrondissement de Paris, les « wakeurs » sont accueillis pour un accompagnement sans limite de temps avec un parcours de préparation à l’emploi ou d’accès à des formations. Grâce à un suivi individuel par des chargés d’emploi – mais aussi des ateliers collectifs, une communauté d’entraide, du coaching, du mentorat… – Wake up Café offre aux sortants de prison des perspectives d’avenir sans récidive.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expérience aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Clotilde Gilbert, la fondatrice de Wake Up Café, qui mène un excellent projet de réinsertion des personnes détenues ou qui sortent de prison, dans l'objectif de lutter contre la récidive, mais aussi contre l'isolement. Bonjour Clotilde Gilbert.

  • Clotilde Gilbert

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Wake Up Café a développé un dispositif qui s'appelle la fabrique de la remobilisation. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

  • Clotilde Gilbert

    Parce qu'en fait, quand on sort de prison, on sort de l'inaction, on sort de l'enfermement, on sort d'une période où on n'a rien fait ou quasiment rien fait. Et pour se remettre debout, on a besoin d'avoir des projets qui sont mobilisants, qui donnent envie d'avancer et qui permettent de se projeter. Et Wake Up Café a cherché à répondre à un enjeu fort qui est de donner tout de suite un salaire à des personnes qui sortent de prison pour éviter la récidive. Parce que quand on sort et qu'on ne sait pas trop quoi faire... et qu'on n'a jamais travaillé, il y a un fort risque de retourner faire ce qu'on a déjà fait. On a donc créé le Quai Liberté, qui est un lieu dédié à 100% à embaucher et à former des sortants de prison, accompagnés par Wake Up Café sur les métiers de l'hospitalité.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Quai Liberté, c'est une péniche sur la Seine ?

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, l'ex-péniche Thalassa de l'émission de Georges Pernoud, dont on est très heureux d'avoir pu prendre la suite de l'aventure. Pour remettre à flot, donc symboliquement les valeurs de la mer nous parlent, remettre à flot ceux qui ont envie d'avancer vers une nouvelle vie, un changement de chemin complet. Et puis il y a le bateau et il y a aussi le quai où on a ouvert une guinguette à bord un restaurant. Et on a aussi beaucoup de... enfin on a des salons dans lesquels les entreprises viennent souvent faire des team building, des événements solidaires et ils sont contents de contribuer à cet enjeu de société.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est une péniche, un restaurant ? où chacun peut venir dîner.

  • Clotilde Gilbert

    Vous êtes tous les bienvenus. C'est un restaurant bistronomique. On est super bien, on est au bord de l'eau. Il y a des terrasses à l'avant, à l'arrière du bateau desquelles on peut voir la statue de la liberté, la tour Eiffel. C'est un lieu magique.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est dans ce lieu magique que vous offrez un emploi à des personnes qui sortent de prison. Ça veut dire qu'ils sont serveurs, ils sont restaurateurs, ils sont cuisiniers.

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, alors il y a des hôtes d'accueil, ils sont formés sur ces métiers d'hôtes d'accueil, de serveurs, de serveurs dans les événements, de cuisiniers, de maintenance, de sécurité, de ces 2000 m² en plein cœur de Paris.

  • Frédéric Vuillod

    Le quai Liberté, face à la statue de la liberté, c'est extrêmement symbolique. Le nom de votre association aussi, Wake Up Café, est symbolique. On se réveille, on reprend pied dans la vie professionnelle. Vous accueillez combien de personnes ? à qui vous permettez ce processus de réinsertion et comment arrive-t-il chez vous ?

  • Clotilde Gilbert

    Depuis l'origine, on a ouvert en 2014, donc bientôt dix ans qu'on a accompagné 2200 personnes en individuel. Aujourd'hui, on est présent dans neuf villes en France où on accueille les sortants de prison le jour de leur sortie pour un parcours sans limite dans le temps de reconstruction personnelle et de réinsertion dans l'emploi. OK Liberté, qu'on a créé en 2020, Il y a 150 WAKERS qui ont été embauchés et chaque année environ c'est 45 WAKERS qui sont embauchés. Là sur l'année 2023, il y a eu 43 WAKERS en emploi formation qui ont tous fait un parcours pilote de formation continue, à la fois formation continue sur les métiers, à la fois formation continue sur les compétences de savoir-être pour intégrer le monde du travail puisque c'est un lieu tremplin vers l'emploi. Et puis, tous les lundis, on a fermé les restaurants pour leur permettre d'avoir une formation collective sur l'ensemble de leurs difficultés pour accéder à un emploi durable. Et donc ça, ça veut dire que 20% de leur temps de travail est consacré à de la formation. On a pu le faire grâce à la région Île-de-France qui nous a soutenus, à l'IECD qui aussi nous a aidés à construire un parcours de formation à la fois individuel et collectif pour ceux qui viennent travailler sur ce lieu.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de limite dans le temps à votre accompagnement, mais à un moment, certains d'entre eux s'en vont, ils retrouvent du travail, donc j'imagine dans le milieu de la restauration, c'est ça ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, alors l'accompagnement au Wake Up Café est sans limite dans le temps parce qu'on est une communauté d'entraide, donc on ne va pas couper les liens qu'on crée. Aujourd'hui, l'équipe Wake Up Café, c'est 80 salariés sur l'ensemble des sites éduqués Liberté et on a plus de 230 bénévoles hyper engagés partout. Au Quai Liberté, les salariés sont là en général trois fois par jour. trois mois, six mois et parfois plus pour certains d'entre eux.

  • Frédéric Vuillod

    Quel est le taux de sortie positive, comme on dit dans le milieu de l'insertion, pour dire qu'ils ont quitté votre organisme et ils ont trouvé un travail quelque part ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors sur l'année 2023, on a 93% de sorties positives. Certains travaillent encore au Quai Liberté et d'autres sont partis travailler chez nos partenaires, Accor, Truffaut, chez différentes entreprises partenaires. Soit dans le secteur de la restauration parce qu'ils ont aimé cela, soit dans d'autres activités. L'objectif pour nous est de leur donner vraiment les codes du monde du travail. Et ce dont on se rend compte, c'est que ce qui manque le plus pour durer dans l'emploi, quand on en est très éloigné, c'est les codes de l'entreprise, les codes de la société.

  • Frédéric Vuillod

    Alors chez les personnes détenues ou qui sortent de prison que vous accompagnez au Quai Liberté, quels sont les résultats tangibles que vous constatez sur le terrain au terme de votre accompagnement ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors moi, ce qui me marque le plus, c'est vraiment de voir que le matin, ils arrivent et ils disent En fait, je me suis levée ce matin et j'étais heureux d'aller travailler. Et ça, ça me marque énormément. La deuxième petite anecdote que je peux donner, c'est Audrey, qui a été chez nous en emploi formation pendant deux mois. Au bout de deux mois, elle a trouvé un travail ailleurs, elle a voulu y aller directement. Et au bout de trois jours, elle nous a rappelé en disant En fait, est-ce que je peux revenir ? Je ne suis pas prête. Ils m'ont mal parlé. Je n'ai pas compris la manière dont on devait travailler. J'ai besoin de renforcer ma capacité à m'intégrer dans une entreprise et à comprendre les enjeux d'un emploi durable. Et elle est revenue parce que Wake Up Café et Le Quai Liberté, c'est très exigeant, mais très bienveillant. Et donc, on leur apprend aussi la tenue. Pourquoi on ne vient pas en jogging sur son lieu de travail ? Parce qu'en fait, ça donne tout de suite un regard différent. Et on leur dit, vous valez grand. Montrez-le nous et montrez-le à la société que vous avez tout pour devenir des acteurs positifs dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Est-ce que votre action a un impact sur le taux de récidive ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, heureusement, parce que c'est pour ça qu'on fait tout ça. Chez Wake Up Café, la statistique du gouvernement a analysé l'ensemble des personnes accompagnées par Wake Up Café et on a un taux de retour en prison officiel de seulement 12,6%. On sait qu'en France, il y a un taux de récidive, donc de recondamnation, qui va jusqu'à 60% dans les 5 ans. Donc c'est un gros enjeu de société auquel on s'attache. Et évidemment, de donner un encadrement fort, exigeant et bienveillant au quotidien, c'est ce qui marche. C'est cet accompagnement qui est très proche de la situation de chacun des Wakers et des Wakeuses, qui nous permet de continuer à être un des partenaires forts de la justice. pour lutter contre la récidive.

  • Frédéric Vuillod

    Et comment réagit le public qui vient déjeuner ou dîner chez vous ? Est-ce que d'abord ils sont informés ? Est-ce qu'il est affiché que le personnel sort de prison ? Ou est-ce qu'en fait ça n'est pas dit ? Et pour ceux qui le savent, est-ce qu'ils sont particulièrement heureux de venir ? Est-ce qu'ils se méfient ? Voilà, quels sont les ressentis, l'atmosphère qui entoure votre démarche pour le public ?

  • Clotilde Gilbert

    C'est très intéressant comme question parce qu'on se l'est nous-mêmes longtemps posé. quel positionnement avoir. En fait aujourd'hui on a pris le parti de mettre en lumière ces personnes qui ont fait un passage en prison et qui ont un courage incroyable de venir se présenter, être heureux de servir, de faire des belles assiettes, d'accueillir ceux qui viennent sur ce lieu. Leur fierté d'abord fait plaisir à voir et ça permet ce qu'on dit de changer les regards. Pourquoi ? Parce que eux ont besoin de changer de regard sur la société et la société a besoin de changer de regard sur des gens qui ont fait des passages en prison. Et en fait c'est immédiat. Alors nous on l'a affiché, on dit partout que c'est le seul restaurant dans Paris tenu par des sortants de prison. Il y a des grandes affiches qui racontent un peu leur fierté de travailler ici. Et on est assez marqué de voir que les entreprises viennent volontairement sur ce lieu parce que du coup ils créent des événements solidaires et contribuent à cet enjeu de société par ce biais-là. Et puis on le dit chaque fois que vous venez boire une bière. Prendre un café et prendre un déjeuner ou un dîner à bord du bateau, vous nous aidez à continuer à embaucher et à donner une chance à ceux qui se lèvent le matin pour ça.

  • Frédéric Vuillod

    C'est incroyable, j'imagine qu'il y a d'autres acteurs qui ont envie d'accompagner le même public que vous, qui ont envie de répliquer un petit peu ce que vous faites. Quels conseils vous leur donneriez, en particulier pour ceux qui accompagnent peut-être les plus jeunes détenus ? Parce qu'il y a des profils différents aussi.

  • Clotilde Gilbert

    Bien sûr, alors Wake Up Café, on accompagne 55% de moins de 30 ans. Et évidemment, ce n'est pas le même challenge que pour des personnes plus âgées ou des personnes qui ont fait des longues peines. Nous, 76% des personnes qu'on accompagne sont des multirécidivistes, donc ils ont fait plusieurs fois de la prison. Et le meilleur conseil que je peux donner, c'est à la fois beaucoup de fermeté et aussi beaucoup d'amour. Là, j'arrive tout de suite de Lille. On vient d'ouvrir le site, il y a déjà 5 wakeurs, et dont 3 de moins de 26 ans qui sont là, et qui m'ont dit "aujourd'hui, s'il n'y avait pas Wake Up, là, à l'heure qu'il est, à 11h30, je serais dans mon lit. Si vous ne me forciez pas à venir, si vous ne me donniez pas ce cadre, je n'avancerais pas. Et ça a changé ma vie". Là, il y avait une wakeuse qui disait, "ça a même changé ma vie au point de changer ma manière de me nourrir. Avant, je m'en fichais. Aujourd'hui, je vois que c'est important de se nourrir équilibré, de manger des légumes". Et bien, Elsa l'a découvert chez Wake Up, parce que l'accompagnement, il est de 9h à 18h tous les jours. Et on fait la cuisine ensemble, on fait la vaisselle, on apprend qu'il n'y a pas que les filles qui passent le balai. Et toutes ces petites choses du quotidien viennent leur permettre de se construire comme... des hommes et des femmes debout qui veulent avancer et agir dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Et aujourd'hui, quelles sont les pistes de développement de votre projet ? Comment est-ce que vous voyez ce projet évoluer à terme ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors, ce qui est très marquant, c'est de site en site, donc sur nos neuf sites, chaque fois que quelqu'un y va, il entend. Si j'avais connu Wake Up Café avant, je ne serais pas retournée en prison. Du coup, il y a quelque chose qui nous pousse de manière très forte à offrir cet accompagnement rapproché à tous ceux qui ont envie de changer de chemin. et donc à déployer l'offre Wake Up Café sur l'ensemble du territoire.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez déjà des projets presque concrets d'installation dans d'autres villes en France ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors oui, on est avancé sur Marseille, il y a Nantes qui se profile, il y a Lille où ils sont tout jeunes, ils viennent de naître et en fait ils ont déjà un projet de restaurant, voire d'hôtel pour les années à venir. Mais on sait que les projets c'est très long à mettre en place. Pour le Quai Liberté Paris, il a fallu 4 ans. Avant que ça voie le jour. Donc, il faut être patient, mais on y croit.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup, Clotilde Gilbert, pour ce très beau témoignage. Et puis, on souhaite une très belle route à Wake Up Café et à tous les Wakers, bien sûr.

  • Clotilde Gilbert

    Merci beaucoup et merci de votre accueil.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr. Merci. et sur le site internet de la Fondation des Solidarités Urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Eogie-Siemp, Aximo, l'Habitation Confortable et l'Habitat Social Français. A bientôt !

Description

Au micro du journaliste Frédéric Vuillod, Clotilde Gilbert, directrice de Wake up Café, revient sur les résultats de la recherche-action intitulée “La Fabrique de la remobilisation : réinsertion des personnes détenues et sortant de prison pour une société inclusive et apaisée” et du Quai Liberté, un restaurant qui forme et emploie des personnes sortant de prison. Le projet a été soutenu par la Fondation des solidarités urbaines à l’occasion de son premier appel à projets qui avait pour thème “Lutter contre l’isolement des personnes fragiles”. Son but : lutter contre la récidive et changer à la fois le regard de la société envers les anciens détenus et celui des anciens détenus sur le monde du “dehors”. 

Au Quai Liberté, implanté sur la péniche Thalassa dans le 15e arrondissement de Paris, les « wakeurs » sont accueillis pour un accompagnement sans limite de temps avec un parcours de préparation à l’emploi ou d’accès à des formations. Grâce à un suivi individuel par des chargés d’emploi – mais aussi des ateliers collectifs, une communauté d’entraide, du coaching, du mentorat… – Wake up Café offre aux sortants de prison des perspectives d’avenir sans récidive.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expérience aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Clotilde Gilbert, la fondatrice de Wake Up Café, qui mène un excellent projet de réinsertion des personnes détenues ou qui sortent de prison, dans l'objectif de lutter contre la récidive, mais aussi contre l'isolement. Bonjour Clotilde Gilbert.

  • Clotilde Gilbert

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Wake Up Café a développé un dispositif qui s'appelle la fabrique de la remobilisation. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

  • Clotilde Gilbert

    Parce qu'en fait, quand on sort de prison, on sort de l'inaction, on sort de l'enfermement, on sort d'une période où on n'a rien fait ou quasiment rien fait. Et pour se remettre debout, on a besoin d'avoir des projets qui sont mobilisants, qui donnent envie d'avancer et qui permettent de se projeter. Et Wake Up Café a cherché à répondre à un enjeu fort qui est de donner tout de suite un salaire à des personnes qui sortent de prison pour éviter la récidive. Parce que quand on sort et qu'on ne sait pas trop quoi faire... et qu'on n'a jamais travaillé, il y a un fort risque de retourner faire ce qu'on a déjà fait. On a donc créé le Quai Liberté, qui est un lieu dédié à 100% à embaucher et à former des sortants de prison, accompagnés par Wake Up Café sur les métiers de l'hospitalité.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Quai Liberté, c'est une péniche sur la Seine ?

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, l'ex-péniche Thalassa de l'émission de Georges Pernoud, dont on est très heureux d'avoir pu prendre la suite de l'aventure. Pour remettre à flot, donc symboliquement les valeurs de la mer nous parlent, remettre à flot ceux qui ont envie d'avancer vers une nouvelle vie, un changement de chemin complet. Et puis il y a le bateau et il y a aussi le quai où on a ouvert une guinguette à bord un restaurant. Et on a aussi beaucoup de... enfin on a des salons dans lesquels les entreprises viennent souvent faire des team building, des événements solidaires et ils sont contents de contribuer à cet enjeu de société.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est une péniche, un restaurant ? où chacun peut venir dîner.

  • Clotilde Gilbert

    Vous êtes tous les bienvenus. C'est un restaurant bistronomique. On est super bien, on est au bord de l'eau. Il y a des terrasses à l'avant, à l'arrière du bateau desquelles on peut voir la statue de la liberté, la tour Eiffel. C'est un lieu magique.

  • Frédéric Vuillod

    Et c'est dans ce lieu magique que vous offrez un emploi à des personnes qui sortent de prison. Ça veut dire qu'ils sont serveurs, ils sont restaurateurs, ils sont cuisiniers.

  • Clotilde Gilbert

    Exactement, alors il y a des hôtes d'accueil, ils sont formés sur ces métiers d'hôtes d'accueil, de serveurs, de serveurs dans les événements, de cuisiniers, de maintenance, de sécurité, de ces 2000 m² en plein cœur de Paris.

  • Frédéric Vuillod

    Le quai Liberté, face à la statue de la liberté, c'est extrêmement symbolique. Le nom de votre association aussi, Wake Up Café, est symbolique. On se réveille, on reprend pied dans la vie professionnelle. Vous accueillez combien de personnes ? à qui vous permettez ce processus de réinsertion et comment arrive-t-il chez vous ?

  • Clotilde Gilbert

    Depuis l'origine, on a ouvert en 2014, donc bientôt dix ans qu'on a accompagné 2200 personnes en individuel. Aujourd'hui, on est présent dans neuf villes en France où on accueille les sortants de prison le jour de leur sortie pour un parcours sans limite dans le temps de reconstruction personnelle et de réinsertion dans l'emploi. OK Liberté, qu'on a créé en 2020, Il y a 150 WAKERS qui ont été embauchés et chaque année environ c'est 45 WAKERS qui sont embauchés. Là sur l'année 2023, il y a eu 43 WAKERS en emploi formation qui ont tous fait un parcours pilote de formation continue, à la fois formation continue sur les métiers, à la fois formation continue sur les compétences de savoir-être pour intégrer le monde du travail puisque c'est un lieu tremplin vers l'emploi. Et puis, tous les lundis, on a fermé les restaurants pour leur permettre d'avoir une formation collective sur l'ensemble de leurs difficultés pour accéder à un emploi durable. Et donc ça, ça veut dire que 20% de leur temps de travail est consacré à de la formation. On a pu le faire grâce à la région Île-de-France qui nous a soutenus, à l'IECD qui aussi nous a aidés à construire un parcours de formation à la fois individuel et collectif pour ceux qui viennent travailler sur ce lieu.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez dit qu'il n'y avait pas de limite dans le temps à votre accompagnement, mais à un moment, certains d'entre eux s'en vont, ils retrouvent du travail, donc j'imagine dans le milieu de la restauration, c'est ça ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, alors l'accompagnement au Wake Up Café est sans limite dans le temps parce qu'on est une communauté d'entraide, donc on ne va pas couper les liens qu'on crée. Aujourd'hui, l'équipe Wake Up Café, c'est 80 salariés sur l'ensemble des sites éduqués Liberté et on a plus de 230 bénévoles hyper engagés partout. Au Quai Liberté, les salariés sont là en général trois fois par jour. trois mois, six mois et parfois plus pour certains d'entre eux.

  • Frédéric Vuillod

    Quel est le taux de sortie positive, comme on dit dans le milieu de l'insertion, pour dire qu'ils ont quitté votre organisme et ils ont trouvé un travail quelque part ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors sur l'année 2023, on a 93% de sorties positives. Certains travaillent encore au Quai Liberté et d'autres sont partis travailler chez nos partenaires, Accor, Truffaut, chez différentes entreprises partenaires. Soit dans le secteur de la restauration parce qu'ils ont aimé cela, soit dans d'autres activités. L'objectif pour nous est de leur donner vraiment les codes du monde du travail. Et ce dont on se rend compte, c'est que ce qui manque le plus pour durer dans l'emploi, quand on en est très éloigné, c'est les codes de l'entreprise, les codes de la société.

  • Frédéric Vuillod

    Alors chez les personnes détenues ou qui sortent de prison que vous accompagnez au Quai Liberté, quels sont les résultats tangibles que vous constatez sur le terrain au terme de votre accompagnement ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors moi, ce qui me marque le plus, c'est vraiment de voir que le matin, ils arrivent et ils disent En fait, je me suis levée ce matin et j'étais heureux d'aller travailler. Et ça, ça me marque énormément. La deuxième petite anecdote que je peux donner, c'est Audrey, qui a été chez nous en emploi formation pendant deux mois. Au bout de deux mois, elle a trouvé un travail ailleurs, elle a voulu y aller directement. Et au bout de trois jours, elle nous a rappelé en disant En fait, est-ce que je peux revenir ? Je ne suis pas prête. Ils m'ont mal parlé. Je n'ai pas compris la manière dont on devait travailler. J'ai besoin de renforcer ma capacité à m'intégrer dans une entreprise et à comprendre les enjeux d'un emploi durable. Et elle est revenue parce que Wake Up Café et Le Quai Liberté, c'est très exigeant, mais très bienveillant. Et donc, on leur apprend aussi la tenue. Pourquoi on ne vient pas en jogging sur son lieu de travail ? Parce qu'en fait, ça donne tout de suite un regard différent. Et on leur dit, vous valez grand. Montrez-le nous et montrez-le à la société que vous avez tout pour devenir des acteurs positifs dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Est-ce que votre action a un impact sur le taux de récidive ?

  • Clotilde Gilbert

    Oui, heureusement, parce que c'est pour ça qu'on fait tout ça. Chez Wake Up Café, la statistique du gouvernement a analysé l'ensemble des personnes accompagnées par Wake Up Café et on a un taux de retour en prison officiel de seulement 12,6%. On sait qu'en France, il y a un taux de récidive, donc de recondamnation, qui va jusqu'à 60% dans les 5 ans. Donc c'est un gros enjeu de société auquel on s'attache. Et évidemment, de donner un encadrement fort, exigeant et bienveillant au quotidien, c'est ce qui marche. C'est cet accompagnement qui est très proche de la situation de chacun des Wakers et des Wakeuses, qui nous permet de continuer à être un des partenaires forts de la justice. pour lutter contre la récidive.

  • Frédéric Vuillod

    Et comment réagit le public qui vient déjeuner ou dîner chez vous ? Est-ce que d'abord ils sont informés ? Est-ce qu'il est affiché que le personnel sort de prison ? Ou est-ce qu'en fait ça n'est pas dit ? Et pour ceux qui le savent, est-ce qu'ils sont particulièrement heureux de venir ? Est-ce qu'ils se méfient ? Voilà, quels sont les ressentis, l'atmosphère qui entoure votre démarche pour le public ?

  • Clotilde Gilbert

    C'est très intéressant comme question parce qu'on se l'est nous-mêmes longtemps posé. quel positionnement avoir. En fait aujourd'hui on a pris le parti de mettre en lumière ces personnes qui ont fait un passage en prison et qui ont un courage incroyable de venir se présenter, être heureux de servir, de faire des belles assiettes, d'accueillir ceux qui viennent sur ce lieu. Leur fierté d'abord fait plaisir à voir et ça permet ce qu'on dit de changer les regards. Pourquoi ? Parce que eux ont besoin de changer de regard sur la société et la société a besoin de changer de regard sur des gens qui ont fait des passages en prison. Et en fait c'est immédiat. Alors nous on l'a affiché, on dit partout que c'est le seul restaurant dans Paris tenu par des sortants de prison. Il y a des grandes affiches qui racontent un peu leur fierté de travailler ici. Et on est assez marqué de voir que les entreprises viennent volontairement sur ce lieu parce que du coup ils créent des événements solidaires et contribuent à cet enjeu de société par ce biais-là. Et puis on le dit chaque fois que vous venez boire une bière. Prendre un café et prendre un déjeuner ou un dîner à bord du bateau, vous nous aidez à continuer à embaucher et à donner une chance à ceux qui se lèvent le matin pour ça.

  • Frédéric Vuillod

    C'est incroyable, j'imagine qu'il y a d'autres acteurs qui ont envie d'accompagner le même public que vous, qui ont envie de répliquer un petit peu ce que vous faites. Quels conseils vous leur donneriez, en particulier pour ceux qui accompagnent peut-être les plus jeunes détenus ? Parce qu'il y a des profils différents aussi.

  • Clotilde Gilbert

    Bien sûr, alors Wake Up Café, on accompagne 55% de moins de 30 ans. Et évidemment, ce n'est pas le même challenge que pour des personnes plus âgées ou des personnes qui ont fait des longues peines. Nous, 76% des personnes qu'on accompagne sont des multirécidivistes, donc ils ont fait plusieurs fois de la prison. Et le meilleur conseil que je peux donner, c'est à la fois beaucoup de fermeté et aussi beaucoup d'amour. Là, j'arrive tout de suite de Lille. On vient d'ouvrir le site, il y a déjà 5 wakeurs, et dont 3 de moins de 26 ans qui sont là, et qui m'ont dit "aujourd'hui, s'il n'y avait pas Wake Up, là, à l'heure qu'il est, à 11h30, je serais dans mon lit. Si vous ne me forciez pas à venir, si vous ne me donniez pas ce cadre, je n'avancerais pas. Et ça a changé ma vie". Là, il y avait une wakeuse qui disait, "ça a même changé ma vie au point de changer ma manière de me nourrir. Avant, je m'en fichais. Aujourd'hui, je vois que c'est important de se nourrir équilibré, de manger des légumes". Et bien, Elsa l'a découvert chez Wake Up, parce que l'accompagnement, il est de 9h à 18h tous les jours. Et on fait la cuisine ensemble, on fait la vaisselle, on apprend qu'il n'y a pas que les filles qui passent le balai. Et toutes ces petites choses du quotidien viennent leur permettre de se construire comme... des hommes et des femmes debout qui veulent avancer et agir dans la société.

  • Frédéric Vuillod

    Et aujourd'hui, quelles sont les pistes de développement de votre projet ? Comment est-ce que vous voyez ce projet évoluer à terme ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors, ce qui est très marquant, c'est de site en site, donc sur nos neuf sites, chaque fois que quelqu'un y va, il entend. Si j'avais connu Wake Up Café avant, je ne serais pas retournée en prison. Du coup, il y a quelque chose qui nous pousse de manière très forte à offrir cet accompagnement rapproché à tous ceux qui ont envie de changer de chemin. et donc à déployer l'offre Wake Up Café sur l'ensemble du territoire.

  • Frédéric Vuillod

    Vous avez déjà des projets presque concrets d'installation dans d'autres villes en France ?

  • Clotilde Gilbert

    Alors oui, on est avancé sur Marseille, il y a Nantes qui se profile, il y a Lille où ils sont tout jeunes, ils viennent de naître et en fait ils ont déjà un projet de restaurant, voire d'hôtel pour les années à venir. Mais on sait que les projets c'est très long à mettre en place. Pour le Quai Liberté Paris, il a fallu 4 ans. Avant que ça voie le jour. Donc, il faut être patient, mais on y croit.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup, Clotilde Gilbert, pour ce très beau témoignage. Et puis, on souhaite une très belle route à Wake Up Café et à tous les Wakers, bien sûr.

  • Clotilde Gilbert

    Merci beaucoup et merci de votre accueil.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr. Merci. et sur le site internet de la Fondation des Solidarités Urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Eogie-Siemp, Aximo, l'Habitation Confortable et l'Habitat Social Français. A bientôt !

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