- Speaker #0
Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Bonjour Ludovic ! Bonjour ! Comment ça va ?
- Speaker #1
Ça va impeccable, merci de me recevoir.
- Speaker #0
Merci à toi de me faire l'honneur de venir enregistrer un épisode avec moi et d'être venu jusqu'à moi au studio. Ludovic, tu es éboueur à la ville de Paris, très fier de l'être. Tu revendiques vraiment ça et c'est un peu ton étendard, notamment sur les réseaux sociaux. Tu as explosé sur TikTok, sur Instagram, tu as une très grosse communauté qui te suit. Une très grosse communauté qui est du coup très engagée pour la protection de l'environnement et le fait de ne pas justement polluer et jeter ses déchets un petit peu n'importe où, puisque c'est un peu ton quotidien que tu filmes pour montrer finalement l'absurdité de ce que tu croises au jour le jour. Tu as écrit un livre qui s'appelle « Plus tard tu seras éboueur » que j'ai eu le plaisir de lire et dans lequel tu retraces ton incroyable parcours parce qu'en fait, ça a été très long pour toi de trouver ta voie. Tu as vécu des années difficiles, des années d'errance avant de te rencontrer. Donc j'aimerais d'abord que tu me parles de ce petit Ludovic que tu décris comme étant quelqu'un qui était un petit peu à côté de ses pompes dans le sens, tu vois, qui ne trouvait pas sa place. et qui est fugué régulièrement, qui ne se sentait pas à sa place nulle part, d'après ce que tu décrivais dans le livre. Comment tu penses que ce sentiment est né en toi ?
- Speaker #1
Alors, quand j'étais petit, c'est vrai que j'étais mal à l'aise avec moi-même. Je ne savais pas que j'existais, j'étais un bouton de train, j'étais excité, je ne savais pas où je mettais les pieds, famille nombreuse, perturbée aussi, parce que mes frères et sœurs, ils ont fait des bêtises. moi je... J'étais un peu tout ça, je ne comprenais pas le mode adulte. Tu étais le petit dernier. Oui, complètement le dernier. J'étais réfractaire à cette vie que la vie me proposait en fait. Ce qui est le contraire maintenant. Mais j'ai voulu m'échapper de tout ça en faisant des fugues. Et une, je suis parti à Lyon avec mon sac.
- Speaker #0
Et tu habitais où du coup ?
- Speaker #1
J'habitais à Montélimar.
- Speaker #0
Oui, donc c'est pas...
- Speaker #1
C'est pas à côté.
- Speaker #0
À côté, oui.
- Speaker #1
Voilà, et je prenais l'exemple de... Je disais, je vais voir le crayon, parce que le crayon, c'est typique à Lyon. Mais en fait, pas du tout, je voulais m'évader. Et une fois que j'étais à Lyon, j'étais assis sur le trottoir, et là, je me rends compte que j'ai fait une bêtise. La seule bêtise que j'ai faite, c'était partir de chez moi, sans prévenir mes parents, etc. Et je vais dans un centre commercial, alors je crois que c'était Perrache. Et je vois là les pompiers, etc. Bref, je leur dis écoutez, j'ai fait une fugue. Et là, il y a la police qui arrive et me ramène à la maison. Ensuite, une autre fugue qui, elle, m'a beaucoup blessé, marqué encore. Maintenant, je dois vivre avec, de tous les cas. C'est juste à côté de la maison. Il y a la National 7 qui passe. Et je m'en vais et je tends la main, le pouce en l'air. Il y a une voiture blanche qui s'arrête. qui ouvre la fenêtre. Il me dit « Tu vas où ? » « Je vais sur Toulon. » Il me dit « Écoute, moi aussi, tu peux monter. » Et là, il y a le clapet qui se ferme. Il y a la fenêtre qui se monte. Et là, il prend ma tête et il la met sur son sexe. Donc là, je suis victime de pédocriminalité.
- Speaker #0
Tu as quel âge ?
- Speaker #1
Presque 14 ans, peut-être. Donc là, on part. Il fait son truc. Il me dit « Tiens, il me tend un chewing-gum. » Et il me dit ça pour faire passer le goût. Donc là, on va à Toulon. Mais en fait, je n'ai même pas parlé de cette histoire-là tellement j'étais perturbé, j'étais comme dans un autre monde. Et je leur dis la seule chose que je leur dis, c'est que je suis parti de chez moi, j'habite là-bas et voilà. Et donc du coup, je suis rentré à Montélimar. Ma maman ne l'a jamais su.
- Speaker #0
Avant la publication du livre ?
- Speaker #1
Avant la publication du livre, exactement. Et on en a reparlé.
- Speaker #0
Oui, parce que dans le livre, justement, tu dis « ma mère va l'apprendre » et moi, ça m'a fait quelque chose en lisant ça et je me suis mis à la place de ta mère. Et justement... Comment est-ce qu'elle l'a pris et vous en avez reparlé ? Ça a permis d'ouvrir le dialogue ?
- Speaker #1
Oui, alors, pardon, je suis touché. Quand je parle de maman, maintenant, c'est... Parce que pendant quelques années, on n'était pas en contact. Mais tout ce qui m'est arrivé, ça nous a reliés. Et maintenant, elle m'a dit la plus belle chose qu'un enfant puisse entendre par rapport à sa maman, c'est mon fichet de thème. Et ça, c'est tellement beau.
- Speaker #0
ta maman, est-ce qu'elle s'attendait à apprendre une nouvelle aussi difficile, grave et bouleversante quand elle a lu ton livre ?
- Speaker #1
Alors non, pas du tout, ma maman ne s'attendait pas à ça, mais après maman a tellement vécu de choses tu vois, là... Avec aussi la mort de mon grand frère. Pour une maman, perdre son grand-fils, c'est la pire des choses. Perdre un enfant. Mais là, en plus, c'est le premier. Elle s'est retrouvée aussi à la rue, maman m'a raconté tout ça. Quand elle a appris tout ça, elle m'a raconté tout un tas de choses. Ma maman, elle a aussi libéré le fait de savoir ça. Elle s'est livrée aussi à moi. Elle s'est ouverte à moi. Et elle m'a raconté des choses incroyables. Que notre papa nous battait.
- Speaker #0
Pourquoi tu ne te souvenais pas ?
- Speaker #1
Non, je me souviens juste d'un moment où il y a mon papa qui me prend dans ses bras et il me jette par terre. Le canapé. Et là, ma mère me raconte que finalement, il frappait ma soeur, mon grand frère, etc. Donc, il était parti dans l'alcool. Moi, je ne savais pas tout ça.
- Speaker #0
Elle a finalement réussi à te protéger de ça.
- Speaker #1
Alors du coup, en faisant toutes ces fugues, maman a pris la meilleure décision qu'une maman puisse prendre. c'est me mettre dans une famille d'accueil, me placer à la DAS, donc la DS26. Et j'ai très mal vécu le fait que j'aille dans une famille... Enfin, c'est la famille que j'ai mal vécu, en fait. Le fait qu'elle ait pris cette décision-là, c'était important pour moi, pour ma santé. Donc là, je ne lui en remercierai jamais assez, mais la famille n'était pas...
- Speaker #0
Pourquoi tu penses que c'était important pour toi et pour ta santé ? Parce que tu penses que le fait de fuguer était inhérent à ton foyer ?
- Speaker #1
En fait, moi, je voulais m'échapper de tout ça. Et j'étais vraiment perdu. c'est vrai que le... J'ai arrêté de fuguer le jour où, à partir du moment où j'étais loin de tout ça en fait, dans cette famille d'accueil. Même s'ils n'ont pas été agréables avec nous, je dis nous parce qu'on était plusieurs enfants, on travaillait à la ferme, on portait les ballots là-bas chez eux. Moi j'ai kiffé, j'ai adoré, mais à un moment donné c'était un petit peu l'exploitation aussi. Après, la famille, ils avaient trois enfants et ils faisaient cette différence. Nous on fondait la dasse et leurs enfants. leurs enfants sortaient du salon La bouche pleine de confiserie. Et t'es là en train de la regarder, t'as les babines, t'y baves un peu parce que t'as envie d'en manger. J'ai trouvé ça dommage qu'il fasse cette différence là. Mais bon, c'est ce que j'ai vécu en tout cas. Et j'ai su bien après, parce qu'il y avait une fille qui était dans cette famille aussi, qui elle, alors je ne s'en levais pas, mais elle m'a envoyé un message sur Instagram. et elle me dit que je ne t'ai jamais dit Je n'ai jamais parlé à personne, c'est qu'elle a été violée par un des fils de la famille d'accueil. C'est ouf quand même. Tu reçois ça quelques années après. Waouh, mais il s'est passé plein de trucs en fait. Et pourquoi maintenant on est au courant ? Parce qu'il y a les réseaux sociaux. À l'époque on n'était pas au courant parce qu'il n'y avait pas les réseaux sociaux. C'était difficile. Maintenant qu'il y a les réseaux sociaux, ça libère énormément de paroles, énormément de problèmes comme ça qu'il faut résoudre et il faut en parler parce que c'est hyper important, parce qu'il y en a beaucoup qui le subissent.
- Speaker #0
C'est pour ça que c'est vraiment bien que tu libères la parole, notamment autour aussi de toutes ces questions de pédocriminalité.
- Speaker #1
Mais tu ne sais pas sur qui tu vas tomber. Tu peux mourir. Mais toutes ces questions-là, tu ne te les poses pas, tu t'en vas en fait.
- Speaker #0
Et toi, comment tu as...
- Speaker #1
J'ai eu beaucoup de chance, beaucoup.
- Speaker #0
Oui, je dirais quand même que tu as été agressé. On ne va pas non plus dire que c'était de la chance. J'aurais préféré que tu ne le sois pas.
- Speaker #1
Que je sois vivant là, je pense qu'il aurait pu être bien pire que ça. Je me dis... Le mec, il aurait pu avoir un couteau. Et puis, avec des si, on refait un monde. C'est grave. Bien évidemment que c'est grave. Et justement, s'il n'y a personne qui a vécu ça, parlez-en autour de vous. Allez voir la police. Il n'est jamais trop tard. C'est important parce que ça nous ronge. Ça nous ronge.
- Speaker #0
Et pourquoi toi, tu n'en as pas parlé quand tu es rentré chez toi ?
- Speaker #1
C'est comme si j'avais la capacité d'oublier ce genre de choses très rapidement. Et puis, j'avais l'impression aussi de ne pas être pris au sérieux quand je racontais des choses. J'avais pas une épaule pour pouvoir me reposer. Pourtant famille nombreuse, je l'ai dit. Plus de 7 enfants, mon grand-père qui était là, etc. Mais non, j'étais pas entendu, j'étais même le bout en train.
- Speaker #0
Tu pars du foyer au bout de combien d'années du coup ?
- Speaker #1
J'avais 17 ans et demi, c'était pas un foyer, c'était une famille d'accueil. Oui,
- Speaker #0
famille d'accueil,
- Speaker #1
pardon. Famille d'accueil, et... Ouais, j'étais 17 ans et demi. Alors j'avais déjà 3 ans de retard à l'école. Bon, 3 ans de retard, c'est pas parce que je... J'étais mauvais, c'est pas ça, c'est parce que je voulais pas travailler, il y a eu ces fugues entre temps, etc. Donc j'étais perturbé, et je me rappelle toute ma vie, le jour du brevet des collèges, j'y suis allé avec une salopette, avec une jambe coupée, une chaussette écossaise, je l'avais faite moi-même, parce que je m'en foutais. Donc 17 ans et demi, on devait quitter l'école, le collège, et là je pars, je fais mes 1 jour et demi pour pouvoir aller à l'armée, je fais ça en septembre, avant c'était 3 jours, et là ils avaient réduit à 1 jour et demi, obligatoire, pour... Et un jour et demi, c'était pour savoir où on allait aller, parce que l'armée était obligatoire. Je vous souhaite de faire l'armée, ça change un homme et une femme aussi. Et donc c'est le moment où on est affecté, en fait ils vont nous affecter dans tel endroit. Moi j'ai été demandé à être chasseur alpin, donc c'est là que j'ai su que j'étais affecté au CIECM, 24e BCA, donc c'est centre d'entraînement en montagne, bataillon de chasseurs alpins, le 24e bataillon de chasseurs alpins, donc c'était à Barcelonette.
- Speaker #0
Oui et ce que tu décris aussi dans le livre, c'est que c'est la première fois que tu avais trouvé aussi un petit peu le cadre dont tu avais besoin. que ça t'avait beaucoup aidé. Tu pensais d'ailleurs avoir trouvé ta voie. Mais malheureusement, ça s'est terminé un petit peu plus vite que prévu parce que vous avez fait des bêtises avec les personnes qui étaient avec toi. Vous aviez trop bu, vous aviez pris la route, vous avez eu un accident. Et donc, du coup, tu as été exclu.
- Speaker #1
Je n'ai pas exclu par rapport à cet accident-là. On a été punis parce qu'on a été mis au trou, etc. Mais c'est normal, il n'y a pas de souci. Mais cette fameuse soirée-là... On avait passé une bonne soirée, donc on avait bu, etc. Puis moi, je n'avais pas le permis, mais mes collègues, oui, mais ils avaient bu. Donc, il ne faut pas prendre le volant quand on a bu. Non, jamais. Et jamais faire ça. Du coup, la route de Gap, entre Gap et Barcelonette, c'est plein de zigzags. Et soit la voiture partait, on a fait un tonneau, soit elle partait dans la falaise, soit elle partait sur la montagne. Et c'est la montagne. J'aurais été dans la falaise, c'était fini avec mes collègues. Encore une fois, j'ai eu beaucoup de chance. Et en fait, j'ai été viré. De l'armée, pourquoi ? Parce que j'ai eu un rapport avec un de mes collègues de là-bas, une des meilleures nuits que j'ai pu avoir dans ma vie, et ça s'est su. Et mon commandant me convoque et me dit, Ludovic, on ne veut plus, il me donne mon papier, il me dit, on ne veut plus de cette race-là ici. Alors je ne sais pas pourquoi il a dit race, mais en fait, moi je suis homosexuel, bon voilà, je ne me cache plus.
- Speaker #0
Vous êtes homophobe alors ?
- Speaker #1
Oui, complètement. Ah d'accord. Oui, oui, complètement. Alors qu'il y en a, mais c'est vrai qu'ils n'en parlent pas. Est-ce que maintenant, les langues se sont un peu plus... un petit peu délié, peut-être, et encore, je ne suis pas trop sûr, mais à l'époque, c'était catégorique.
- Speaker #0
C'est fou.
- Speaker #1
Oui. Et là, j'étais en plein VSL, en volontaire service long. Et je devais partir en Nouvelle-Calédonie. Et ça, ça a tout foutu en l'air, en fait. Et donc, je m'en vais. Et là, c'est mon périple.
- Speaker #0
C'est là que ta descente aux enfers commence. Oui. Et en plus de vivre l'homophobie comme ça, dans ta chair, et qu'à cause de l'homophobie, tu n'aies pas pu poursuivre Ça n'a pas dû te donner envie de partager ton homosexualité ? Pas du tout.
- Speaker #1
Non, non, j'en parle à personne. Ça m'a marqué sur le moment, vraiment. J'avais une belle carrière quand même, partir en Nouvelle-Calédonie. Puis je pouvais aussi aller pour aider des gens, etc. Moi, j'aurais adoré faire ça, vraiment.
- Speaker #0
Et c'est là que commence ta descente aux enfers, puisque du coup, quand tu perds ce rêve de vue, tu as vécu plusieurs années dans la rue. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de cette période, s'il te plaît, Ludovic ?
- Speaker #1
Mon périple, il commence à Valence. Et Valence, c'est dans la Drôme, je commence à faire la Manche. Et la Manche, il s'avère que j'étais assis à la gare et j'ai ma prof de français qui passe devant moi, qui me reconnaît. Et là, qui me dit, Ludovic, qu'est-ce que tu fous là ? Mais avec un air très strict. Pas mauvais, mais strict.
- Speaker #0
Ça lui paraissait flou, en fait, que son élève soit là.
- Speaker #1
Moi, son visage, pour moi, il y avait un échec. Et du coup, je ne réponds pas. Je dis bonjour, bien sûr, mais je prends sa valise. Et là, je l'aide à monter dans le train. Et là, en même temps, un billet. Mais sans mot, il n'y a pas de parole. Et je refuse le billet. Et ça, j'y pense encore maintenant.
- Speaker #0
Pourquoi tu as refusé le billet, tu penses ?
- Speaker #1
Parce qu'elle avait tout fait pour que je puisse réussir à l'école. Mais elle n'avait rien d'autre à faire, en fait. Elle m'a énormément touché, cette dame. Même à l'école. C'était l'une des profs les plus...
- Speaker #0
Croyait en toi.
- Speaker #1
Énormément. Et ouais, non, je voulais pas lui prendre de l'argent, vraiment pas. Mais du coup, je pense que ses mimiques, le fait qu'elle soit autoritaire avec son visage comme ça sur le moment, ça a fonctionné. Parce que voilà ce que je suis devenu maintenant. Et j'y pense encore, tout le temps. Et on n'est jamais sûr de rien. Malheureusement, la vie est faite d'aléas. Et il faut vraiment mettre beaucoup de filtres, il faut gérer, il faut garder les pieds sur terre, la tête sur les épaules. pour garder son chemin. Je dis pas qu'il est tracé mais en tout cas il faut y aller, il faut foncer dans la vie à pleines dents parce qu'il y a plein de choses à vivre. Cette dame, elle est incroyable, positive. Peut-être que c'est un ange maintenant.
- Speaker #0
Elle est morte ?
- Speaker #1
Peut-être oui, il y a un petit moment quand même. À l'époque elle avait plus de 50 ans donc là oui je pense qu'elle n'est plus là. Mais c'était juste magique ce moment même si c'est un moment clé dans ma vie dans tous les cas.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Et ensuite je suis monté sur Paris. On m'avait parlé en fait en amont déjà, en tant que gay, je pouvais gagner de l'argent facilement. Et j'ai fait un peu la prostitution quoi pendant quelques années et c'est ce qui m'a énormément aidé financièrement mais quand on touche à ce milieu il y a énormément d'argent facile, beaucoup de drogue, beaucoup d'alcool. Moi j'ai pas touché à la drogue, j'ai pas touché à l'alcool un petit peu bon voilà mais en mode de nuit mais après c'est vrai que quand j'avais pas d'argent Je me rappelle, je piquais les bouteilles de mes collègues sans domicile fixe, genre la pelure d'oignon par exemple. Ah mais c'était horrible ce truc-là. C'est un torboyau, c'est une bouteille de vin pour faire la cuisine. Mais quand il n'y a que ça sous la main, ça ne t'aidera pas, c'est évident, parce que ça va juste te faire oublier tes problèmes du moment, sur le moment et après le lendemain, ils sont toujours là. Ce qui m'a sauvé dans tout ça, c'est toutes les rencontres que j'ai pu faire association, donc je parle d'Au Captif La Libération. Au Captif La Libération, c'est des éducateurs ou des éducatrices qui s'occupent des personnes qui font la prostitution au bois de Boulogne, à Porte Dauphine, et puis au bois de Vincennes aussi, parce que on ne parle pas assez de cette prostitution masculine, en fait, on n'en parle pas. Et ça existe, et ça touche les mineurs, ça touche énormément de monde, c'est vraiment malsain. Et vraiment, parce que vous rencontrez énormément de monde qui font style avec leur costard, cravate et tout ce que tu veux, puis après ils vont aller là-bas pour se payer des mineurs ou pour... Tu vois, donc c'est un milieu qui est très difficile. J'ai été maqué aussi pendant un certain temps, et ça, ça s'est arrêté rapidement, parce qu'il fallait que je me débarrasse de ça. Donc entre-temps, j'allais en boîte de nuit, dans les boîtes gays, etc. Parce qu'il y a aussi de la prostitution dans les boîtes gays, il y a plusieurs formes de prostitution. Juste et gigolo, c'est exactement ça en fait. Je dormais dans des associations comme la Puniche du Coeur, les Restos, Coluche.
- Speaker #0
D'ailleurs, tu dis que Coluche, beaucoup de gens te disent que tu lui ressembles. Oui,
- Speaker #1
on m'appelle le Coluche de la propreté. Donc c'est un vrai compliment et je ne le remercierai jamais assez. Mais vraiment, et encore maintenant. Il sera toujours là, j'ai un portrait à la maison de lui, si je pouvais le serrer dans mes bras, si je peux mettre un genou devant lui. Non mais c'est vrai, je ne déconne pas parce que c'est quelqu'un de...
- Speaker #0
Qui t'a sauvé finalement. Oui,
- Speaker #1
complètement.
- Speaker #0
Grâce à ce qu'il a construit.
- Speaker #1
Exactement, c'est un exemple pour moi et si je peux suivre son exemple pour mon message, ça serait incroyable. J'ai eu la chance de rencontrer les Restos du Coeur, il y a quelques temps, j'ai fait un interview pour eux, mais l'interview était incroyable. Il n'y a pas une minute où je ne pleurais pas. tellement c'était avec l'esprit colluche partout et là j'ai aussi rencontré le directeur là je vais aller repartir donc sans mes pas je vais revisiter la péniche du coeur là bientôt parce qu'elle a été refaite et tout et moi je vais maintenant donner de mon temps parce que j'ai énormément reçu maintenant c'est à moi de donner à tous ces gens qu'on a besoin. Donc, ce qui m'a sauvé dans cette période sans domicile fixe, c'est surtout les rencontres, en fait. Je ne vais pas parler de l'argent, parce que ça, ça sert à rien. J'ai dépensé, etc., bref.
- Speaker #0
Mais alors, quand tu étais prostituée dans la rue, l'argent que tu gagnais, tu ne t'étais pas pris un logement avec, tu vivais dans la rue.
- Speaker #1
Même pas, même pas. Quand tu gagnes, c'était en 100 francs à l'époque, donc c'était 600, 700 francs. Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas aller en boîte de nuit, donc tu vas acheter un petit haut, un petit truc. Ensuite tu vas prendre du parfum, tu vas manger, tu vas aller en botte de nuit, etc. Tu vas payer un coût, un de tes collègues a besoin d'argent, tu vas lui faire de l'argent, et après tu n'as plus rien.
- Speaker #0
Et tu n'as pas de fiche de paie à fournir à des bailleurs ? Non,
- Speaker #1
rien de tout ça. Il y a un mec qui voulait qu'on passe la soirée avec lui, on partait chez lui, etc. On ressortait et le lendemain on partait sur le trottoir. Voilà, donc je n'ai jamais mis un sou de côté. De toute façon, vous pouvez être sûr que de mon vivant, je vais utiliser tout l'argent que j'ai.
- Speaker #0
Si des héritiers nous écoutent,
- Speaker #1
vous n'aurez rien. Ah non, rien, que dalle.
- Speaker #0
Ne comptez pas dessus.
- Speaker #1
Mon cochon, il est vide. Mais voilà, donc, ce qui m'a énormément sauvé dans cette période, c'est les associations, donc les Restos du Coeur, mais il y a eu aussi la Mide Pain. Il y a eu donc au captif la libération, ils avaient un local qui était ouvert la journée, donc on pouvait avoir du social, quand je dis social, être sociable, discuter, être énervé, rigoler, pleurer, jouer, manger, laver son linge, donc la vie, parce que les sans domicile fixe, c'est pas une vie pour eux. Et tous ces bénévoles, ils donnent à travers. Leur temps, un semblant de vie que tous ces bénévoles ont chez eux, ils donnent de leur temps et ça c'est hyper hyper hyper important pour un centre de biscuit fixe. J'aime pas dire SDF, parce que SDF c'est pas qu'un sigle, c'est des personnes humaines, c'est des êtres humains derrière. Donc il faut bien bien faire la part des choses. Ce qui m'a surpris dans ce monde, c'est qu'il y a énormément de talents, il y a énormément d'artistes. T'as les trompettistes, t'as les guitaristes, t'as des clowns, t'as des cracheurs de feu, t'as des... C'est incroyable. J'avais même eu l'idée une fois de, si j'avais eu l'argent d'être un producteur, de réunir tous ces gens-là sur un spectacle. Je suis persuadé que ça cartonnerait. Il y a tellement de gens à connaître dans ce monde.
- Speaker #0
Tu disais d'ailleurs que toi, tu n'avais pas à proprement parler, toucher du doigt ou constater ou vécu en tout cas de la violence. Mais qu'en revanche, tu l'avais vu, notamment envers les femmes dans la rue, que c'était difficile d'être une femme dans la rue. D'ailleurs, c'est difficile d'être une femme, malheureusement, dans beaucoup d'endroits. Mais toi, tu disais que dans la rue, elles étaient beaucoup victimes de violences, de violences sexuelles, beaucoup violées. Est-ce que toi, tu as pu assister à ces scènes, essayer peut-être d'en aider ? Comment c'était géré ? Est-ce que c'est un problème que tu trouves pris à bras le corps ?
- Speaker #1
Je vais être très honnête, j'en ai rencontré quelques-unes des dames, mais Non, je n'ai pas été témoin de la moindre scène, mais par contre, oui, elles le vivent, elles en parlent. Là, juste une parenthèse, là je vois une dame, nous on l'appelle Alice, pas loin de notre travail, et donc elle est sans domicile fixe, et c'est d'ailleurs à elle à qui j'ai donné mon tout premier livre, c'est ma toute première, à qui il a eu, parce qu'elle lit beaucoup. Je suis très très fier qu'elle ait eu dans ses mains. Et elle m'a dit, Ludo, je l'ai donné à quelqu'un d'autre maintenant. Et je lui ai dit, écoute, très bien, le livre, il vit, c'est ce qu'il faut. Et elle est juste incroyable, cette dame. Après, voilà, c'est hyper dur pour une nana d'être à la rue. Il y a énormément de drogues qui circulent dans la rue, il ne faut pas croire. Alors après, il y a la drogue du pauvre, etc. Bref, il y a les cachetons, il y a tout ça. Et ouais, c'est beaucoup plus difficile pour elles. Si vous pouvez leur sourire, ça ferait du bien. et aller les voir. Elles ont besoin aussi d'énormément de sociables.
- Speaker #0
Oui. Et toi ? Tout le temps où tu étais dans la rue, tu étais prostitué ou tu as arrêté à un moment donné ?
- Speaker #1
Pendant cette période, j'ai toujours été prostitué en fait. Gigolo, je ne vais pas dire prostitué, gigolo. Mais oui, oui, j'ai toujours été pendant ces années-là. Il y a eu des moments où je ne le faisais pas parce que j'avais des petits boulots par-ci, par-là. Mais ça, ça a duré vraiment longtemps. C'est quand j'ai arrêté mon boulot. Par exemple, j'ai été déménageur pendant 15 jours. Pendant 15 jours, je n'ai pas fait le trottoir, tu vois. Mais par contre... Le patron, c'était un client du bois de Boulogne. Donc, ah, viens, tu veux un travail ? Ok, tu peux venir chez moi et tout, nanani, nana. Alors que tu avais fait un truc avec lui. C'est malsain quand même. Mais ouais, c'est ce que j'ai vécu. Il m'avait même payé un studio pour que je puisse rester dans sa boîte, etc. Mais c'était triste, pathétique. Mais on m'appelait la fourmi quand j'étais déménageur. Déménager des intellos, c'est horrible. On n'a que des livres, que des livres, c'est hyper lourd ! Je me rappellerai toute ma vie, ça c'est des bons moments, mais ouais j'ai fait des ménageurs.
- Speaker #0
Et les profils des personnes qui venaient vers toi, c'était Monsieur Tout-le-Monde ?
- Speaker #1
Monsieur Tout-le-Monde, j'ai eu les pompiers, les ministres de l'époque, personnes en situation de handicap aussi, tous les profils en fait. Ça a duré quelques années, puis je me rappelle avec mes collègues de trottoir. On faisait les comptes, c'était celui qui avait fait le plus, toujours protégé. On avait justement Ed qui était là, ils avaient un camping-car. Et quand on avait besoin de se couvrir, préservatif, c'est ultra méga important à l'heure actuelle. Encore, d'ailleurs, sortez couverts.
- Speaker #0
On ne le dira jamais assez. Et qu'est-ce qui fait que tu as réussi à t'en sortir l'envie ? T'es venu tout seul ou c'est des rencontres aussi qui t'ont donné ? La force dont tu avais besoin à ce moment-là ?
- Speaker #1
Qu'est-ce qui m'a aidé à m'en sortir de tout ça ? C'est toutes les rencontres que j'ai pu faire. J'ai connu la maman Pigalle. Pigalle, c'était une grosse période de ma vie. Et là-bas, il y a des personnages incroyables. Il y avait Mimi, Mimi, une dame qui n'est plus de ce monde, mais qui m'a donné son assiette. Elle me disait « mange » . Elle devait manger, mais elle me dit « non, non, elle se sacrifie pour que toi tu manges » . C'est rare des personnes comme ça. Je me rappelle une histoire. Avec Mimi, je crois que c'était la plus belle soirée de ma vie, donc c'était en franc. Elle me dit, Ludo, moi je ne fais rien ce soir, c'était le 24 décembre. Et si tu veux, on va au casino et tu viens avec moi. Alors moi je paye le taxi, c'était à Anguins-les-Bains. J'avais 500 francs sur moi. Elle me dit je te fais un cadeau, je te donne 500 francs, c'est ton cadeau de Noël. On va au casino ensemble. Et je dis ok, on va au casino. Donc elle me file, je dis Mimi j'ai pas de costume moi. Elle me dit mais tiens le costume de mon mari, très bien. Moi il était un peu grand, mais c'est pas grave. Il fallait la cravate et tout. et on va au casino en gain les mains. Et donc imaginez bien la scène, 24 décembre, la veille de Noël, tout ça. Et là on arrive, c'était majestueux. Moi je n'ai pas l'habitude d'aller dans un endroit comme ça. Les lustres incroyables. Mimi se met à une table, parce qu'on joue à la roulette. Mimi se met à une table et moi je me mets à une autre table. Et Mimi qui joue ? Elle joue ses numéros. Et moi je suis à une autre table et moi je joue la finale zéro. La finale zéro c'est quoi ? C'est le zéro, le 20, le 30. Et je mets 200 francs. Sur le zéro, la croupière lance sa boule. Faites vos jeux, les jeux sont faits. La boule tombe sur le zéro, en plein. Je suis payé 36 fois la mise. Qu'est-ce que je fais ? Je donne des pourboires à la croupière. Je double la mise sur le zéro. Je laisse la mise et je redouble dessus. Et du coup, je prends l'argent, je donne des plaques, etc. Et la croupière relance la boule. Entre temps, tu n'as pas le casino qui m'offre une petite coupette de champagne pour le gagnant et tout et tout. Très bien. Et là, la boule est lancée. Faites vos jeux, vos jeux sont faits. Zéro répétition.
- Speaker #0
Génial.
- Speaker #1
Du coup, je me retrouve encore avec de l'argent. Et là, j'avais à peu près, c'était du 27 000 francs, je crois. Quelque chose comme ça. Et Mimi, qui me voit à l'autre table. Non seulement elle était jalouse, donc ça Mimi c'est une grosse joueuse, énormément, mais bon c'était son business, c'était comme ça. Elle me dit « Ludo, donne-moi tes plaques, moi je vais les jouer maintenant, par contre, moi je te redonnerai l'argent à la maison. » En fait, elle ne voulait pas que je joue, elle voulait que je garde l'argent, que ma vie s'améliore, etc. Parce que Mimi, elle était riche, riche de cœur, riche, elle avait un restaurant à Pigalle, enfin bon voilà, ça s'appelait le 49, ça me rappellerait toute ma vie. Elle avait pas mal d'argent parce qu'elle avait aussi une villa sur Cannes. Du coup, elle a pris tous mes sous et moi je suis passé la soirée au champagne pendant que Mimi était en train de perdre.
- Speaker #0
Tout ce que tu avais durement gagné.
- Speaker #1
Oui, mais bon après, je l'ai eu à la maison finalement. Franchement, c'était le 24 décembre. C'est le plus beau Noël que j'ai pu passer de ma vie. Mimi m'a toujours pris sous son aile. La première fois que je l'ai rencontrée, c'était d'ailleurs grâce à un transsexuel qui travaillait sur Bol Boulogne. Il me dit « Viens, je connais le 49 et tout, je vais te présenter Mimi, tout ça, tout ça. » Et on y va, donc pour la première fois. Et Mimi qui vient nous voir, avec sa tête comme ça, un vrai boule d'œuf, on l'appelait le boule d'œuf. « Et qu'est-ce que tu veux manger ? » « Euh, bonjour madame, je veux manger peut-être une raclette. » On n'a jamais eu la raclette. On ne l'a jamais eu ! Et après, voilà, après tout s'est enchaîné. C'est là que j'ai connu, j'ai rencontré Amadie. Elle m'a dit, viens, quelques mois plus tard, quelques années, etc. Elle me dit, viens voir, je vais te présenter quelqu'un. Et là, elle me présente la table au fond, Norbert, la champouineuse du ministère, parce qu'il travaillait, là, il est à la retraite maintenant, mais il travaillait pour le ministère de l'Éducation, qui est devenu mon papa adoptif. Et il y avait Gérard Beringer, qui était juste à côté de lui, Il compte ! Complètement à l'ouest, mais une personnalité incroyable. Un peintre, un artiste, il a reproduit la vie du Marquis de Sade en peinture. Incroyable. On allait chez lui, il avait un loft, 150 mètres carrés. C'était juste incroyable. On a passé des soirées, mais phénoménales chez Mimi. Un qui était au Jet 31. Il ne faut pas boire de l'alcool, ou un petit peu, mais pas trop.
- Speaker #0
Avec modération.
- Speaker #1
Avec modération. Et après, tous les deux, en fait, M. Beringer et Norbert, C'était mes...
- Speaker #0
parents, entre guillemets, c'est une image qu'on avait, adoptifs, ils m'appelaient la soquette.
- Speaker #1
Et pourquoi ?
- Speaker #0
Je ne sais pas pourquoi, parce que paumé, à la rue, etc. Voilà, la petite soquette, mais... Bon, maintenant, je suis devenu une vraie chaussette.
- Speaker #1
Et donc, ils t'ont aidé, justement, pour trouver du travail.
- Speaker #0
Alors, voilà, c'est ça. Norbert m'a beaucoup aidé. Et encore, il m'a appelé il y a 2-3 jours, parce que... Voilà, il doit déménager et tout, parce que sa vie a complètement changé, mais il m'aide encore.
- Speaker #1
Oui, et moi, ce que j'ai trouvé très intéressant dans ton parcours de vie, puisqu'il y a encore plusieurs virages à aborder avant d'arriver à Ludovic Léboueur, ce que j'ai trouvé super intéressant dans ton livre, c'est que tu nous montres que toi, ce qui a toujours été primordial pour toi, c'était de soigner, de prendre soin, d'aider. C'est ce que tu fais aujourd'hui finalement en soignant la planète, en la dépolluant. Et en fait, c'est là que tu rencontres le soin, puisque tu as travaillé en cancérologie à l'hôpital. Donc, c'est toi qui vas avoir le terme exact quand tu es comme aide-soignant, mais que tu n'as pas...
- Speaker #0
En fonction de l'aide-soignant.
- Speaker #1
Voilà. Ok. Tu vois, j'aurais pu le dire d'instinct. Mais en fait, du coup, tu n'as pas le diplôme, mais tu fais exactement leur travail. Oui. Et donc, tu as vécu des choses forcément marquantes. Mais est-ce que tu penses que c'est là aussi où tu as encore plus connecté avec l'être humain ?
- Speaker #0
Moi, j'ai toujours été connecté avec l'être humain, en fait. Je suis empathique, je suis très émotif et les gens me touchent. Et quand j'ai eu la chance de pouvoir travailler dans le pôle cancéreau, en n'ayant aucun diplôme, je me suis dit « waouh, on me fait confiance » .
- Speaker #1
Oui, toujours un peu ce syndrome de l'imposteur, le fait d'avoir l'impression qu'on te donne des responsabilités que tu ne peux pas forcément assumer.
- Speaker #0
Exactement, je me suis dit « qu'est-ce que je vais faire moi en tant qu'être soignant ? » Et en fait, je me suis régalé déjà. J'ai travaillé en radiothérapie, donc radiothérapie à l'HEGP, dans le 15e arrondissement. Donc c'est en sous-sol, il y a les bunkers, etc. Et puis les patients venaient pour des traitements avec des rayons, la chimiothérapie. Là, on croise madame et monsieur tout le monde. Je me rappellerai d'une patiente, qui était très difficile à ce moment aussi. Elle avait 17 ans. Elle vient me voir et me dit, Ludovic, tu prends soin de mes parents. Et là, elle est partie ensuite en salle. Et là, elle est partie. Elle avait un cancer généralisé.
- Speaker #1
Elle savait ?
- Speaker #0
Oui, elle savait qu'elle allait partir. Elle était tout à fait consciente. Mais les gens, ils savent. C'est très particulier comme moment. C'est très émouvant. C'est très compliqué. C'est très dur. Après, si on n'accepte pas la mort, moi, je n'accepte pas.
- Speaker #1
C'est ce que j'allais te dire. Parce que dans le livre, tu dis que tu as un rapport très compliqué à la mort, que c'est te terrifier par la mort. Tu as travaillé en soins palliatifs aussi. Donc, tu as vraiment... Côtoyer la mort de près ?
- Speaker #0
Soins de support, parce que ce n'est pas les soins palliatifs, c'est le cousin vraiment.
- Speaker #1
En tout cas, tu côtoyais la mort toute la journée, et tu as des gens qui sont morts dans tes bras. Comment on fait quand on est terrifié par la mort pour travailler avec elle ?
- Speaker #0
Alors, à l'hôpital, on a la chance d'être suivi par des psychologues, etc., si on a besoin, pour pouvoir parler un peu de tout ça. Mais j'ai pris énormément sur moi, parce que je voulais justement que la personne parte le plus sainement possible. Et si tu pleures devant la personne qui va partir, tu t'en vas. Il ne faut pas lui montrer ça.
- Speaker #1
En tout cas, ce que toi, tu t'étais fixé, c'était de lui offrir l'épaule dont elle avait besoin et que cette épaule soit solide.
- Speaker #0
Ce qu'on ne m'a pas donné quand j'étais gamin. Ce que j'ai maintenant avec ma maman, bien évidemment.
- Speaker #1
Ce que tu as maintenant avec ta maman, mais à un moment où on en a moins besoin. C'est vrai que quand on est petit et vulnérable, c'est là où on a besoin de l'épaule solide d'une mère.
- Speaker #0
Exactement. Et tous ces patients-là et ces patientes qui sont parties, Sur moi, tu ne voyais rien, rien paraître. Il y a un silence qui s'instaure entre le patient, ou la patiente, et vous, et toi, et voilà, la mort a pris. Moi j'en ai très très peur de la mort. Je me dis, j'ai tellement de choses à faire, et j'espère qu'il y a un remède éternel que je puisse ne jamais dire au revoir.
- Speaker #1
Oui, et puis est-ce que la vie serait si belle si elle était...
- Speaker #0
Je pense qu'elle peut être belle en étant éternelle. Oui. Tu sais, souvent je me retrouve sur mon canapé Et je me mets à chialer comme une madeleine Ça m'est arrivé il y a deux jours J'ai pleuré, tu ne peux pas imaginer à quel point Parce que je me dis, mais waouh Tu vas partir Quand je pense à tout ça Ça monte ici Et après, le fait de pleurer, ça soulage Alors moi je pense qu'il faut toute une vie Pour pouvoir comprendre que tu dois partir Donc, je n'ai pas encore fini.
- Speaker #1
Et tu disais que, justement, toi qui as côtoyé beaucoup de personnes en fin de vie, que dans ces moments-là, quand on sent qu'on va partir, les gens ne pensent jamais à eux qui sont toujours tournés vers les autres, qui pensent toujours, par exemple, toi qui as beaucoup été le messager, puisque tu étais là pour accueillir leurs dernières émotions. On te disait souvent, dis à mes parents que je les aime, dis à telle personne, etc.
- Speaker #0
Ma fille, j'espère que j'ai rien oublié pour ma fille. C'est ce papy qui était face de moi, je vois ses yeux tout brillants. Je me dis, monsieur, monsieur, je crois que j'ai rien oublié pour ma fille. Rassurez-la, elle a tout ce qu'il faut. Il pensait d'abord aux autres. C'était des sacrés moments, vraiment.
- Speaker #1
Et comment ça s'arrête, du coup, ton travail à l'hôpital ?
- Speaker #0
En fait, pour que je puisse continuer à être soignant dans la pension publique, il fallait que je passe le concours. Et donc, je l'ai passé deux fois. Moi qui n'ai aucune... aucune notion dans les études de la santé. J'ai passé le concours quand même. J'ai osé. La première fois, j'ai eu 13. Il fallait avoir 17. J'ai été pris. J'étais sur l'île d'attente. Je crois que j'étais qu'à 100e ou un truc comme ça. Ensuite, je le repasse une deuxième fois. Et là, j'ai eu 15.
- Speaker #1
Donc, tu t'es dit peut-être.
- Speaker #0
Je me suis dit, je dois être 200e, je crois, ou un truc comme ça. Mais ils ne prennent que les 150 premiers. Mais pour que les 150 premiers ne soient pas pris, c'est que vraiment il est... Il y a quelque chose, et bien non, je n'ai pas été pris, donc après, j'ai dû partir. Et donc là, il y a un psychologue avec qui je travaillais pour les patients, etc. Ce qui est bien à l'hôpital, c'est qu'il y a plein de corps de métier qui s'assemblent pour justement le bien-être, pour accompagner les personnes dans ces situations-là. Et elle me dit, Ludo, je connais ta situation, je sais que tu vas partir et tout, tu sais qu'il y a un endroit que je ne vais pas dire trop ce que c'est, mais par contre, tu as attendu, tu pourrais aller faire un entretien, c'est peut-être une humain embauche tu verras et tout je te donne adresse si tu vas voir ok Je prends l'adresse et j'y vais. Et là, je me retrouve à Sartreville, dans un foyer. Et là, il y a une résidente qui me saute dessus, qui ne me connaît pas, mais qui me saute dessus, qui me serre dans les bras. Elle bavait et tout. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Et j'ai la directrice paramédicale qui vient me voir. « Ah, monsieur Concession, vous attendez et tout. » Là, il décale la résidente et moi, je monte dans le bureau. Et là, on... Alors voilà, je me présente, je fais mon entretien pour le coup.
- Speaker #1
Sans savoir le poste ?
- Speaker #0
Sans savoir que... Là où je m'étais, elle était. Et là, elle m'explique un petit peu où je suis. Donc là, elle m'explique que c'est un femme, donc un foyer d'aide médicalisée, qu'il y a des personnes en situation de handicap, des aides d'autisme, il y a pas mal de choses. Moi, il fallait que je me présente, donc je me suis présenté, j'ai fait mon entretien. J'ai dit, la seule chose que je ne peux pas vous promettre, c'est le permis. Moi, je n'ai pas de permis. Ah mais c'est pas grave, pas de soucis, vous inquiétez pas, vous êtes pris Génial ! Je pense que la psychologue était passée déjà pour parler de moi un petit peu. Ils m'ont accepté et j'ai signé un CDI pour travailler dans le FAM. Donc ça a duré plus de 4 ans, il fallait l'admicaliser. Et voilà, c'était juste pareil, encore des moments incroyables. C'est là qu'on se rend compte que nous on va se plaindre pour telle et telle chose. Mais au final, nous c'est ridicule par rapport à toutes ces personnes-là qui sont en situation de handicap. Eux, ils ont une force incroyable, qu'elle soit physique ou mentale. Ils sont passionnants.
- Speaker #1
Et tu racontes aussi dans ton livre que tu as accompagné des personnes. Donc, par exemple, l'autisme. Il peut y avoir des autismes dans le trouble du spectre autistique. Il y en a des plus ou moins légers. Et toi, tu as accompagné des personnes qui avaient des autismes très lourds. Et tu parles notamment d'un monsieur qui pouvait se faire du mal ou faire du mal aux autres et qui était souvent à l'isolement. Et toi, tu ne supportais pas ça. Voilà,
- Speaker #0
personne ne voulait s'en occuper. Mais c'était la réalité des choses. Il faut s'occuper de la personne, peu importe le trouble. Il faut y aller parce que c'est un être humain. Il y a quelque chose derrière tout ça. Donc certes, il y a la violence, il y a tout ça. Mais si on est main dans la main, encore une fois, on peut y arriver. Et j'ai pris mon courage à deux mains et j'y suis allé avec une autre personne qui, elle, était soignante. Moi, j'étais agent hospitalier, en fait. Et ça s'est bien passé. Donc après, il faut juste analyser la personne. Donc on savait très bien qu'il pouvait être très vulgaire, très violent. très excité, etc. Mais avec de la douceur, on avait mis un casque pour qu'il entende de la musique douce, plein de choses comme ça. Le rassurer, ça a fonctionné.
- Speaker #1
Oui, vous aviez trouvé finalement des moyens de l'entourer. Et donc, tu travailles là-bas, tu l'as dit, pendant de nombreuses années. Et est-ce que tu dirais que ça t'a abîmé un petit peu psychologiquement ?
- Speaker #0
Il y a toujours des traces, en fait. Il faut se servir de ces traces-là à bon escient. Ah voilà comment ils étaient alors, Ludo, allez, ne te plains pas.
- Speaker #1
Parce que ce que tu racontes, en tout cas dans ton livre, c'est qu'au moment où tu arrêtes, tu as arrêté parce que justement, on est en 2015 et tu as extrêmement mal vécu les attentats. J'ai l'impression quand même que tu as un tempérament un petit peu hypersensible et toi, tu dis que c'est un moment où ton corps a dit stop. En fait, tu avais des longs trajets quotidiens. Je pense que peut-être aussi tu ressentais l'anxiété de prendre ces trajets là parce que cette époque là, on avait peur.
- Speaker #0
Maman me dit, c'est fou parce que quand on s'appelle, elle me dit, fais attention à mon fils maintenant. Avant, ce n'est pas des langages qu'elle utilisait. Mais maintenant, oui, la priorité, c'est ça, c'est la sécurité.
- Speaker #1
La sécurité.
- Speaker #0
Oui, mon corps a dit stop, du coup. Encore une fois, la bonne rencontre, on en arrive à le fait que... Ma voisine, avec qui je m'entendais pas trop, elle avait un ami qui lui me dit « tu travailles super loin de Morigny-Champigny » donc c'est là où j'habitais à l'époque. Je travaillais à Chartreville donc plus de trois heures et demie trajet en tout cas entre le métro, le bus, le verre. Et tu sais que la ville de Paris recrute. J'ai fait « ah bon et dans quoi ? » Elle me disait « Bouheur » . « Ah là là, c'est pas des yeux que j'ai, c'est des étoiles, c'est tout ce que tu veux, c'est un feu d'artifice, c'est… » Je dis « Ouais, mais c'est tout ce que je veux faire depuis toujours en fait, j'ai jamais su comment. » Et là, tu me l'amènes sur un plateau d'argent. Il me dit « Mais écoute, t'as juste envoyé un CV, t'as de la motivation et tu suis les étapes, ils te répondront. » Et voilà, c'est ce que j'ai fait, j'ai suivi les étapes.
- Speaker #1
Moi, le discours que je trouve super important que tu as, c'est qu'en fait, tu dis qu'au final, On ne laisse pas l'opportunité aux gens d'avoir envie d'être éboueur, par exemple. Puisque dès le départ, on le présente un petit peu comme le métier que tu feras si tu n'as pas des bonnes notes à l'école. Attention, tu vas être éboueur alors qu'on peut être éboueur par passion.
- Speaker #0
Exactement, comme moi.
- Speaker #1
Voilà, comme toi. Et puis, on le voit aussi aujourd'hui, je pense davantage, même si tristement, de la même manière que pour les soignants, les gens ont la mémoire parfois un peu courte. Mais par exemple, au moment du Covid, quand les éboueurs ne passaient pas. Et que oui, le fait qu'on applaudisse les soignants, mais aussi les éboueurs.
- Speaker #0
On nous a applaudis aussi,
- Speaker #1
on ne les applaudit plus. Enfin, sauf les enfants. Parce que moi, mes enfants, si un jour on se voit...
- Speaker #0
Avec grand plaisir. Si ils veulent monter sur le marche-pied que je suis derrière le camion, aucun problème.
- Speaker #1
Oh là là là là. On se fume. Avec plaisir. Le rendez-vous est pris.
- Speaker #0
Grand plaisir, vraiment.
- Speaker #1
Mais bon, donc on vous applaudissait. C'était parce qu'on s'est rendu compte en fait de ce que c'était que... Paris, donc là on parle de Paris, mais c'est pareil, je pense dans toutes les villes, mais on s'est rendu compte de ce que c'était Paris sans les éboueurs, et c'est...
- Speaker #0
C'est un désastre.
- Speaker #1
C'est un désastre.
- Speaker #0
Oui, c'est... Pendant les grèves aussi, il y a eu les grèves il y a quelques années, on a vu, Paris était divisé en deux, tu avais le côté privé et le côté public, c'est le côté public qui a fait grève. Je ne dis pas que le côté privé ne fait pas grève, pas du tout. Ils font grève aussi, il y a des moments où ils le font, nous on l'a fait à ce moment-là, mais l'amoncellement de déchets dans les rues c'était impressionnant C'est là qu'on se dit, ah mais l'éboueur est important, mais c'est fou parce qu'il faut un événement comme celui-ci pour se rendre compte que l'éboueur... Pour la conscience. Exactement. Alors que si vous passez dans une rue qui est propre, ça veut dire qu'il y a un éboueur qui est passé par là. Alors, il y a plusieurs facettes, il y a plusieurs étiquettes pour un éboueur. Un éboueur, c'est un balayeur. On va prendre l'exemple d'une fille, parce qu'on ne prend jamais l'exemple d'une fille. Une fille éboueur, ça peut être une balayeuse, ça peut être une ripper, celle qui est au cul du camion, qui collecte nos poubelles.
- Speaker #1
Les héros des enfants.
- Speaker #0
Voilà, on va en reparler. C'est une ou un lancier. Une lancière, je ne sais pas si ça se dit une lancière. En fait, c'est avec un gros tuyau, on lave les rues à l'eau. Il faut s'imaginer que la rue est bourrée de poussière. Faites le test chez vous. Vous laissez un carré de 10 cm sur 10 cm sur 10 cm. Vous ne le nettoyez pas pendant un mois. Vous allez voir ce qu'il va y avoir dessus. Il va y avoir ça de poussière. C'est pareil dans la rue. Dans la rue, il y a quoi ? Il y a la poussière plus nos cheveux, plus nos poils, etc. Donc, si on ne passe pas à l'eau, ça peut être vite critique. Ensuite, il y a l'encombrant, on enlève les encombrants, qui sont déclarés ou pas. Il y a le désherbage, il y a le désaffichage. Notre métier, il y a une panoplie, mais alors incroyable.
- Speaker #1
Vos journées ne se ressemblent pas.
- Speaker #0
Ah non, pas du tout. Et pour revenir à l'enfant qui est passionné par ce métier, j'ai eu la chance, moi, d'être ripper toute une année. Parce que maintenant je suis un petit peu le reaper du dimanche. Mais...
- Speaker #1
C'est plus physique, reaper.
- Speaker #0
C'est plus physique. C'est celui qui collecte nos bacs. Et les bacs sont lourds.
- Speaker #1
Ce que tu dis, c'est qu'on ne sait pas ce qu'on trouve dedans.
- Speaker #0
Exactement. Il peut y avoir de l'eau. Un bac de 600 litres rempli d'eau. Je peux te garantir que c'est super lourd. Ça me rappelle un moment où on passait toujours dans la même rue. Et il y a un enfant et son papa qui étaient à la fenêtre. Et ils nous faisaient coucou. Tout le temps, c'est un rituel. Et d'un coup d'un seul, une journée en passe, on ne voit plus le gamin, on ne voit plus le papa. Moi ça m'a fait quelque chose. Et au final, on voit la porte s'ouvrir. de l'immeuble et là il vient le papa avec son enfant parce qu'il voulait non seulement monter sur le marchepied et il voulait aussi mettre le sac en place lui-même dans le camion poubelle. Mais quand tu vois ça, tu craques, c'est obligé. Mais moi ça me rappelle quand j'étais gamin parce que c'est là qu'est venue ma passion. Quand j'étais petit, j'étais caché derrière mon cyprès et je voyais ce monstre, donc le camion poubelle, imaginez-vous, pour avaler les poubelles, nos poubelles à nous, je dis waouh, c'est des génies ces gens-là. Et moi je vais être un génie. Bon voilà, maintenant je suis devenu un génie, pas en bleu mais en vert.
- Speaker #1
C'est vrai. C'est marrant parce qu'en plus, moi, mes enfants sont des grands fans de Camion Poubelle. Il y a d'ailleurs une histoire, parce qu'il y a tellement tous les enfants qui sont fans de Camion Poubelle qu'il y a le podcast Encore une histoire, qui est un podcast de Benjamin Muller et Céline Kallmann qui s'appelle Le Camion Poubelle Magique.
- Speaker #0
Trop bien.
- Speaker #1
Et qui raconte l'histoire d'un camion poubelle.
- Speaker #0
Ah mais trop bien.
- Speaker #1
Ah mais oui, il faut l'écouter.
- Speaker #0
Ça y est, on ne savait pas.
- Speaker #1
Ah oui, oui. Et donc, dans cette histoire, le camion poubelle est magique. Il a aussi le pouvoir de réparer les objets qu'on lui confie. Et donc, moi, mes enfants, ils sont comme ça quand ils écoutent. Et donc, maintenant, ils appellent les camions poubelle Miguel. Ça rime avec poubelle. Donc, tous les camions s'appellent Miguel. Et donc, à chaque fois, mais vraiment, là, mon fils, il a à peu près deux ans. Il reconnaît le bruit du camion poubelle qui est différent d'un autre camion et il se met à courir. Ils sont en poubelle, poubelle, poubelle. Il veut le voir.
- Speaker #0
C'est là que ça commence. Moi, c'est là que ça a commencé. Après, je ne sais pas si ton puce sera éboué par la suite. En tout cas, c'est là que ça commence et c'est hyper important. Parce que le petit, il va être sensibilisé. Et le but de tout ce que j'entreprends, c'est visibiliser les invisibles. Et lui, il nous a vus. Les adultes, non.
- Speaker #1
Et donc, comment tu commences les réseaux sociaux ?
- Speaker #0
C'est justement la deuxième année où j'étais ripper. Pourquoi j'ai dit Ripper du dimanche tout à l'heure ? En ce moment parce que je suis dans un atelier. Il faut savoir qu'à Paris, il y a 150 ateliers. Donc il y a à peu près 15 à 20 personnes par atelier. Donc on est 5000 éboueurs avec 600 femmes. Donc la première année, j'étais affecté dans un atelier où il n'y a que du ballet. La deuxième année, c'était Ripper. Et on passe Gare de Lyon dans le 12e arrondissement. On était dans les bouchons, arrêtés, au point mort. Et moi qui ai tendance à anticiper, chercher les bacs, etc. Derrière, on nous insulte. Oh pardon ! Sale fonctionnaire, dépêchez-vous, avancez, ça klaxonne, tout ce que tu veux. On ne peut pas avancer, monsieur. Ok, je dis à mon binôme, écoute, fais des photos, comme ça on mettra sur un réseau social qui s'appelle TikTok. Je voulais avoir une pub. Et je fais ma vidéo, je crée mon profil. Écoute-moi bien, la vidéo, elle fait 345 000 vues. D'un seul coup, en 15 jours, j'ai halluciné, j'ai eu peur. J'ai eu plein de notifications, je me suis dit, oh la la, elle m'a piraté mon téléphone. Et je ne comprenais pas, j'ai supprimé TikTok. Et quelques mois après, j'ai vu mon collègue qui s'appelle David. Il me dit, mais tu crois qu'on pourrait montrer notre métier sur les réseaux sociaux ? Et il me dit, mais pétard Ludo, mais fonce, c'est une super bonne idée. Tu seras le premier influenceur dans la propreté. Alors attention, je ne vais pas vous vendre des manets magiques. Peut-être qu'un jour, je vous montrerai les poubelles. Pourquoi pas avec un code promo et tout. Non, je rigole.
- Speaker #1
Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? Tu sais,
- Speaker #0
c'est vrai. Mais voilà, donc tu seras le premier influenceur dans la propreté. Et là où je vous influence, du coup, à jeter à la poubelle à la planète. propre. Et c'est la meilleure des influences. L'influence humaine, c'est la meilleure. Et voilà comment ça a démarré, en fait. Et après, il y a Combini qui m'a repéré. Et là, ça s'est enchaîné. Après, je suis parti chez Wendy Bouchard. La radio, ma première radio. C'était incroyable.
- Speaker #1
Et du coup, donc, les abonnés continuent à monter, etc.
- Speaker #0
Là, c'est constant. J'aurais pu faire le buzz et rentrer dans les oubliettes, rentrer dans l'oubli par la suite. Pas du tout. En fait, c'est constant. Récemment, tu vois, j'ai fait... Il y a deux jours, j'ai fait BFM, par exemple, mais en direct. Là, je vais passer dans le journal de France 2 bientôt, dans le 20h. Donc voilà, c'est en continuité, en fait. Et quand j'étais avec Konbini, j'avais à peu près 30 000 abonnés. Là, maintenant, j'en suis à 650 000. Il faut que tu aies de savoir qu'il y a du travail derrière tout ça. Je passe plus de 5 à 6 heures de temps sur les réseaux sociaux, plus le travail. Du coup, c'est pas pour rien. Et c'est vrai que c'est un vrai message. Et ça intéresse beaucoup les gens, et tant mieux. et pour moi c'est... 658 personnes, c'est 650 000 personnes sensibilisées à une planète propre. Je sais très bien que de mon vivant, je ne la verrai pas, cette planète propre, parce que là, elle est pourrie, mais je vais y contribuer pour la suite. En tout cas, je sais qu'on se rappellera le Ludo, mais mes archives, elles sont maintenant sur Internet. Genre, ça fait chic de lire ça.
- Speaker #1
Non, mais c'est bien. Chez Wikipédia,
- Speaker #0
je ne savais même pas.
- Speaker #1
Mais moi, ce que je trouve aussi intéressant, c'est, bon, évidemment, il y a plein de choses que je trouve super intéressantes. Ce que je trouve intéressant, c'est que tu dis, Je suis le porte-parole de la propreté, je ne suis pas le porte-parole des éboueurs.
- Speaker #0
Ah ouais, non, jamais de la vie.
- Speaker #1
Pourquoi tu poses cette nuance-là ?
- Speaker #0
Alors, je dis même que je suis peut-être l'ambassadeur du vivre ensemble. Parce que moi, mon message, il ne concerne pas que la ville de Paris. La ville de Paris, c'est vraiment une miette par rapport à tout ce qui se passe dans le monde entier. Quand on parle de ce septième continent, quand on voit qu'en Inde, ils jettent les déchets pour donner du boulot. Là, je vais partir en Afrique, je vais partir au Maroc, c'est ça mon soupeux. ... pour voir la propreté là-bas. C'est encore différent, ils gèrent différemment. Et il y a plein, plein, plein de choses partout. Non, moi, je n'ai pas la carrure pour être l'ambassadeur des éboueurs, parce que je suis désolé de le dire, mais il n'y a pas que des gens qui sont aussi motivés que moi. Je suis désolé, mais... Il y en a qui sont là aussi, malheureusement, que pour le statut. Je n'ai pas ma langue dans la poche et ce n'est pas demain la veille que je l'aurai. Et moi, je n'ai pas envie de représenter des gens qui ne s'en donnent pas la peine. Donc, après, il y a énormément de monde et tant mieux. Des boueurs qui sont motivés, qui sont à fond. Moi, je travaille avec des gars incroyables, vraiment. Dans notre atelier, c'est les mecs qui sont motivés. Quand on est en équipe, on fait des miracles.
- Speaker #1
Et tu as senti que ça a apporté un nouveau souffle, justement, le fait que tu communiques sur votre profession. Est-ce que ça a un petit peu changé le regard des gens parce que ce que tu as mis en lumière, moi, je ne me rendais pas compte, par exemple, parce que forcément, dans mon entourage, personne n'a jamais eu de gestes violents ou d'incivilité envers personne. toi tu dis que par contre les éboueurs vous vivez au quotidien des violences c'est à dire qu'on vous jette des bouteilles dessus, on vous jette des objets Parce que les gens n'arrivent pas à patienter du fait que forcément, c'est logique, quand il y a un camion poubelle devant nous, le camion poubelle doit prendre le temps de faire votre travail. Donc les gens sont violents envers vous ?
- Speaker #0
Alors, ce n'est pas tous les jours, heureusement. Par exemple, j'ai un collègue qui s'est pris un coup de couteau sur le visage, complètement ouvert, il y a quelques années de ça. Là, moi, la deuxième année, je me suis fait cracher dessus. Non, c'était la première année, pardon, quand je me suis fait cracher dessus. J'arrive avec mon chariot, roule le sac. Pourquoi roule le sac ? Parce qu'on roulait avec le sac. Il y a un mec qui passe à l'angle et puis là, il me crache dessus. Sale fonctionnaire, nanana. Toujours le même discours. Je n'ai pas compris pourquoi il fait ça. Du coup, j'étais énervé, bien évidemment, mais j'ai pris sur moi. Et j'ai fini ma demi-journée. J'ai fini ma première partie. Et je suis parti dans l'atelier pour me déshabiller, prendre ma douche, enlever mes vêtements. Parce que j'étais souillé, en fait. Et là, j'étais sali. Et là j'y repense encore maintenant Il y a eu ça, ensuite il y a eu le coup de la bouteille Le coup de la bouteille J'étais avec un média Et on était en train de faire mon interview Il venait avec moi Je reçois une bouteille sur la tête Qu'est-ce que c'est ce bordel Je ne comprends pas pourquoi les gens sont si violents Avec des personnes qui Prennent soin de leur ville Mais même deux C'est un peu ça pour eux aussi Donc oui Heureusement que ce n'est pas tous les jours Merci. Attention, mais après il y a des quartiers aussi qui sont un peu plus sensibles que d'autres. J'ai une chance de travailler dans le centre de Paris, mais parfois c'est gratiné. Parce qu'on est vraiment, on est invisible. Pourtant on a des gilets, etc. On a tout ce qu'il faut pour être vu. Mais non, en fait on est en première ligne. Si, comme disait Laurent Ruquier, on est les premiers de cordée. Par exemple, quand j'ai fait son émission, en fait, si on n'est pas d'accord avec la municipalité actuelle, sur qui les gens vont se réfugier sur nous, quoi. Parce qu'on est en première ligne. Moi, on m'a traité de chien de Madame Hidalgo, tu vois. Alors que moi, je n'ai pas d'avis, je suis neutre. Moi, dans tout ça, je ne suis pas dans la politique.
- Speaker #1
Oui, tu dis que tu mets un point d'honneur à ne pas justement te politiser.
- Speaker #0
Bah oui, parce qu'à un moment donné, il faut être logique. Le déchet, mon message, c'est jeter à la poubelle. Donc, il concerne tous les partis politiques. On est tous concernés. Il faut que tout ce petit monde-là soit uni, main dans la main. pour une politique commune pour les déchets. Parce qu'on est tous des producteurs de déchets. Dans tous les cas, il va falloir réduire tout ça. Là, je prends l'exemple à Ivry-sur-Seine. Il y a un incinérateur qui maintenant va être détruit parce qu'ils en ont construit un autre qui, lui, a réduit de 30% sa capacité des déchets. Donc, il va falloir qu'on le fasse. C'est pour ça que je mets un point d'honneur à dire que je ne suis pas dans un parti politique. Maintenant, on a besoin de moi, on a besoin de mes idées. Je suis ouvert, il n'y a pas de problème, on y va, on fonce. Et je suis prêt à aider n'importe qui qui va dans ce sens-là.
- Speaker #1
Et quelle est la suite logique des choses ? Est-ce que tu as des projets pour pouvoir aller encore plus loin ?
- Speaker #0
Quelle est la suite ? Alors, j'ai fait pas mal de choses déjà. J'ai fait le premier tour de Paris, le tour de Paris en passant par les Maréchaux. J'ai ramassé 4800 litres de déchets. Ça s'est fait en deux jours et demi. Ensuite, je suis passé sur le pont Garigliano. Et là, j'ai vu qu'il y avait du papier toilette qui était suspendu sur le pont Garigliano. Là, j'ai eu mon deuxième défi. Donc dans ma tête, faire la tournée des ponts de Paris. Donc là, j'ai ramassé 2300 litres de déchets, donc c'est 23 sacs de 100 litres. Ensuite, j'ai fait étang Paris en 6 jours et demi. Et là, pareil, j'ai ramassé 68 sacs. Là, on s'est aperçu qu'en Essonne, il y avait des rivières de polystyrène. Ensuite, en fait, tout ça, c'est une grosse préparation pour faire le Paris-Marseille. J'ai fait Paris-Marseille en passant par la N7. On a mis 55 jours. On a ramassé 15 tonnes de déchets, soit 17 000 bouteilles en plastique, 20 000 canettes. Donc c'était juste... impressionnant, ça c'était en 2023 et là en fait, là maintenant je prépare le Tour de France Donc ça sera Tour de France à pied, pour ramasser les déchets encore une fois, pour sensibiliser. Et je vais faire le Tour de la France, mais un vrai. Il y a 319 jours, 4000 kilomètres. On va vraiment faire le Tour de la France. On va passer dans les Alpes, on va passer dans les Pyrénées, on va passer partout. Donc ça sera les départementales par contre. Alors normalement c'est prévu pour fin 2026. Donc il y a quand même un budget. Tant qu'on n'a pas le budget, on ne partira pas dans tous les cas. Donc une fois qu'on aura le budget, vous le saurez. Là on fera un maximum de communication. pour que vous puissiez nous rejoindre sur des étapes, pourquoi pas.
- Speaker #1
Super. Et comment faire pour justement stopper les incivilités ? Parce que toi qui es passé par des tas de moments justement très difficiles, tu as vécu dans la rue et tu te dis justement que par exemple, tu communiques beaucoup sur les réseaux sociaux, sur le fait que tu peux se trouver des selles humaines souvent sur le trottoir, etc. Et tu dis attention, il faut ouvrir les yeux, la plupart du temps.
- Speaker #0
Les canines, les canines. Il faut savoir que sur Paris, à l'année, il y a plus de 650 personnes. qui vont marcher sur une crotte et qui vont trébucher et ils vont se retrouver à l'hôpital. Je dis ça, je dis rien. Alors qu'on est tous aptes à avoir des petits sachets en plastique et ramasser la petite crotte de notre petit copain, l'animal.
- Speaker #1
Et puis les gens, c'est vrai, parfois, par exemple, même tout à l'heure, j'ai constaté quelqu'un qui a fini son déjeuner, qui a laissé sur le siège du métro les restes de son sandwich. Donc bon, c'est pas bien pour tout un tas de choses.
- Speaker #0
Non mais c'est un civilisé, quoi qu'il arrive, il faut arrêter ça à un moment donné.
- Speaker #1
Il y avait une poubelle vide tout à côté, vraiment. Et donc, comment tu penses qu'on pourrait aider pour que les choses se passent mieux ?
- Speaker #0
Moi, je ne remercierai jamais assez Eugène Poubelle. Eugène Poubelle, il est né en 1831, il était préféré en 1881. Déjà Paris, les gens, les parisiens étaient... Les gens, pas que les parisiens, mais un peu tout le monde, étaient sales. D'accord ? incivilisé. Donc, il a eu l'idée d'inventer le récipient qui est devenu la poubelle. Il faut savoir qu'à l'époque, on triait déjà. On triait les chiffons, les bouteilles en verre. Donc, ce n'est pas d'aujourd'hui. Il faut juste, la solution, c'est quoi ? C'est jeter la poubelle. Et nous, Français, soyons fiers de ça parce que la poubelle, elle est française. Et la poubelle, c'est exportée partout sur notre planète. Si elle est poubelle là-bas, c'est parce que nous, les Français, on y a pensé. Donc soyons fiers de ça, montrons l'exemple. Tu t'avais capable de le faire. Là maintenant, on a eu tellement d'années de laisser aller que tout ce qu'on a à faire maintenant, c'est ramasser un déchet, autant qu'on le peut, et le mettre à la poubelle. Il y a plein d'associations partout en France, partout. Rapprochez-vous d'une association et donnez-leur un coup de pouce. Et là, vous donnez un coup de pouce à une planète propre.
- Speaker #1
Merci beaucoup Ludovic, j'étais super contente de notre échange.
- Speaker #0
Merci à toi, merci, merci beaucoup,
- Speaker #1
vraiment. continue à faire ce que tu fais et à justement divulguer ton message tellement fort et positif sur les réseaux sociaux c'est un plaisir.
- Speaker #0
Merci beaucoup à très vite.
- Speaker #1
A très vite. Voilà le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage en attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.