Speaker #0Salut internet et bienvenue sur Vie, ma vie d'artiste ratée, le podcast qui te dévoile l'enfer du décor d'une vocation très souvent fantasmée. Alors aujourd'hui je te parle de rap game, d'un petit bar étrange et de notre rapport à la créativité. Je m'appelle Adrien, je suis musicien pro depuis une vingtaine d'années et je propose également des séances d'accompagnement pour t'aider de l'intention à la performance, à développer confiance et... équilibre. Alors oui, notre rapport à la créativité. La question que j'ai envie de me poser, c'est qu'est-ce qui fait qu'on a l'élan de créer, ou qu'est-ce qui fait qu'on est complètement bridé ? J'ai envie de tout de suite convoquer une anecdote personnelle pour préciser cette question, et peut-être essayer d'y apporter une forme de réponse. Ce qui a toujours nourri en moi l'envie de faire de l'art, c'est ce... Ce petit glandeur intérieur qui est là, qui a envie de parler, qui a envie de s'exprimer, qui a envie de faire des choses, qui a envie de raconter des histoires. Et à un moment dans ma vie, j'ai eu besoin un peu de me cadrer, et j'ai commencé à faire de la musique classique, j'ai commencé à rentrer dans des projets un peu sérieux. Et à l'époque, j'intègre, donc j'ai une vingtaine d'années, j'intègre un projet de chanson française tenue par deux frangins hyper sérieux, hyper déterminés. Il y a un batteur dans le groupe qui joue hyper bien, c'est hyper carré. Le projet a déjà des concerts pro annoncés, ils sont déjà passés en studio. Bref, c'est un projet qui est déjà professionnel. Et c'est avec eux que je vais vraiment commencer à me former en tant que musicien, à vraiment l'exercice de la scène, faire des balances, assurer un vrai show d'une heure et demie, faire des enregistrements en studio. Donc c'est hyper formateur pour moi, vraiment. Seulement, il y a une ambiance dans ce groupe qui est très déterminée, il y a des vrais objectifs. L'intention des deux frangins qui tiennent ce groupe, elle est vraiment très viscérale. Ils savent où ils vont, ils savent pourquoi ils font ça. Et moi, le petit mec rigolo, léger, je ne m'y retrouve pas en termes d'énergie personnelle. Mais je n'écoute pas ça, parce que je suis content de ce que ça m'amène, je suis content d'être dans un projet professionnel. J'ai besoin d'avancer, j'ai besoin de me cadrer. Et on va faire plein plein plein de concerts, plein de choses. Ces deux frangins, c'est d'anciens sportifs. Donc ils ont un rapport très... Je vais pas dire compétition, c'est pas vraiment ça, mais très... Allez, on fait des séries. Allez mec, tu fais une petite série de 10 et puis on y va, on y va. Moi j'ai pas du tout ce rapport-là. A l'époque en plus je suis pas du tout un sportif. J'ai un corps de lâche moi. J'ai mon petit ventre rond, mes petits bras maigres. Puis y'a pas de honte à avoir un corps de lâche. Comme y'a pas de honte à avoir... Un esprit de lâche. Et puis y'a pas de honte non plus à avoir un cœur de lâche. Hé, cœur de lâche, ça sonne bien ça. Cœur de lâche, voilà, c'est le nom de mon futur projet de rap. Voilà. Donc restez connectés, ça sort bientôt. Non mais bref, c'était pas... Je voulais pas tacler sur le physique, mais je veux dire, voilà, moi je me retrouve à l'époque avec ces deux garçons ultra sérieux. Et l'un comme l'autre, ils sont taillés à la serpette. Et moi je suis un peu rondoudou, rigolo, pas très discipliné. Mais voilà, j'ai cet élan d'aller vers un peu plus de discipline. Seulement, je vois pas que petit à petit, je suis un peu en train de dévier de ma trajectoire et de fermer mes oreilles à mon glandeur intérieure, à celui qui aime jubiler, qui aime créer dans l'instant, où il y a cette espèce de spontanéité. Mais c'est pas grave, je continue, et puis surtout on fait plein de concerts. Par exemple... Tous les vendredis soirs, on joue dans un petit bar, un tout petit bar, c'est une espèce de cours des miracles incroyable. Et dans ce petit bar, en fait, il y a vraiment une population complètement bigarrée, c'est là où je te parle de cours des miracles. Des étudiants sans le sou, des vieilles prostituées, des poivrons, enfin il y a vraiment, c'est absolument génial. Et en fait, ce bar a une particularité, c'est qu'il est tenu par un couple d'hommes, moines. qui font des séances de confession au-dessus du bar pour d'anciennes prostituées. Alors bien sûr, ils ne sont pas d'obédience catholique classique, c'est une branche différente de la chrétienté. C'était des gens tellement gentils, tellement le cœur sur la main. Et puis, de par ce qu'ils étaient, c'est-à-dire moines, homosexuels qui tiennent un bar, je veux dire, là, c'est une ouverture à l'altérité, à dire Waouh ! Alors je sais pas, pour moi il y avait des petits cadres bien définis, et là, il y a tout qui pète. On se retrouve à jouer tous les vendredis soirs dans ce bar. Franchement, c'est génial, c'est magique. Et puis surtout, tu vois, t'as 20 ans, tu commences le métier, t'arrives. Enfin, c'est... Franchement, je me suis éclaté, j'ai un souvenir de ça. Et c'est pour ça, toute cette période où, avec ce groupe, on a fait plein de concerts, quand je me la remémore, quand les souvenirs me reviennent, je me dis que ça a été riche. C'était une expérience très, très riche. Ceci dit, ce qui se passe c'est que comme je te le disais, l'ambition de ce projet, l'objectif, la manière d'être des protagonistes de ce projet, c'était pas vraiment en adéquation avec qui j'étais. Et créativement en fait je me sentais assez bloqué, c'est-à-dire j'exécutais la partie de contrebasse qui marchait le mieux pour faire que ça tienne la route sur ce projet, mais je sentais pas le petit truc qui vibrait en moi. Et à l'époque en plus vu que je commençais aussi la musique classique, j'étais déjà dans ce truc très sérieux. Donc tu comprends là ce que je suis en train de dire, c'est que j'étais en train de me diriger vers une espèce de flèche un peu perfectionniste, où bah tiens il faut que je fasse des efforts, il faut que je me donne des objectifs, il faut que je maîtrise ce que je fasse, mais de me couper un peu de ce petit glandeur intérieur qui sait un peu où est ma zone de génie, où sont mes choses faciles. Et vu que la vie est bien faite, et bien c'est venu toquer à ma porte de manière complètement incongrue. Un été, avec ce groupe, on fait un enregistrement pour notre premier disque, et on va se retrouver dans un studio où il fait une chaleur harassante, tu vois c'est l'été, il y a une espèce de canicule, le soleil qui tape sur les tuiles du studio, l'ingénieur du son qui nous accueille est incompétent, pas spécialement chaleureux, Il n'y a pas une très bonne ambiance pendant cet enregistrement, il n'y a pas une très bonne ambiance dans le groupe. On a une façon d'enregistrer où on enregistre instrument par instrument, on laisse rien passer, on écoute les parties. Ah ouais, non, là, il y a une petite corde de guitare qui frotte. Bref, ce n'est pas très agréable. Et quand je finis les sessions de studio le soir, sachant qu'on fait vraiment une très grosse journée, qui fait parfois 10h, minuit, il y a de la fatigue qui arrive en plus. Et j'ai un pote. qui n'a rien à voir avec le groupe, un pote qui n'est même pas musicien, qui est comptable dans une civil, qui m'appelle, il me fait Hé Adrien, passe au local ce soir. À l'époque, avec une autre bande de groupe, on a un local pour faire de la musique. Je lui dis Bah ok, carrément, je termine pas trop tard le studio, j'arrive. Et là, mon pote comptable m'attend dans le local, à aller sur le canapé, il est habillé avec un boubou africain. Tu vois, mon pote, il est comptable, d'habitude, il porte un petit costard, et puis c'est plutôt un mec chicos, et là, il porte un putain de boubou africain. Mais qu'est-ce que tu fous, mec ? il m'accueille, il a un espèce d'énorme verre de rhum qui est mélangé avec un sirop de citron, enfin bref, un espèce de cocktail local que tu ne peux goûter que dans cet endroit, et bien sûr des espèces de vapeurs de plantes odoriférantes. Et là il m'éplait sur un petit lecteur mp3, il me fait écoute ça mec. Et là je commence à entendre un petit son, ok bah c'est Snoop Dogg, une instrute Snoop Dogg, et là... Au lieu que Snoop Dogg se mette à rapper, c'est mon pote qui rappe. Et là il me regarde avec des petits yeux jubilateurs et complètement rouges. Et il explose de rire. Et j'écoute le truc, je fais non mais c'est génial ! Sur une instru de Snoop Dogg, mon pote est en train de rapper. Et puis bien sûr il dit que de la merde. Donc là il me regarde, il me dit t'as compris ? Et là je fais yes, j'ai compris. Donc là j'ai passé la période de ma vie la plus créative. Une période qui n'a absolument rien donné en termes professionnels, il n'y avait vraiment aucun objectif, il n'y avait aucune velléité même de se faire écouter, si ce n'est que nos autres potes de ce cercle d'amis. Et donc on se donne un nom, notre projet de rap va s'appeler Lacoste Ouest. Lacoste comme les surbêtements, voilà. Bon, j'espère que tu apprécieras le jeu de mots, nous on l'a beaucoup apprécié. Lacoste Ouest parce que oui, bien sûr à l'époque on habite dans la ville la plus à l'est de France. Et bref, on va passer, je sais pas peut-être un été complet, à toutes nos soirées faire du rap. On pique des vieilles instru, on a un pote qui s'improvise ingénieur du son, bien sûr il est absolument pas ingénieur du son, en fait personne est compétent dans ce projet, et chaque soir on écrit des textes, on écrit des rimes, on écrit des trucs, c'est ridicule, on se tacle les uns les autres, c'est de la vanne machin, mais en terme de créativité, moi ça m'éclate, je ressors des sessions, on est ravis. Je me rappelle d'un soir où... On avait fait une session, on était hyper contents, et on est allé se boire des pintes après dans un bar, et j'avais vraiment cette sensation de l'accomplissement personnel, du travail bien fait. Alors que ce même sentiment d'accomplissement personnel et de travail bien fait, je ne l'ai jamais eu avec cet autre projet, avec lequel on faisait des concerts pro, pour lesquels on était payé, on jouait dans des festivals, avec lequel on a fait deux disques. Voilà, je ne l'ai jamais eu. Et je crois que là j'arrive petit à petit à la résolution de la question que je posais, c'est de se dire comment ça se fait que parfois, dans certains cas, on ne trouve pas notre créativité et dans d'autres, j'ai pas la réponse générale pour ça, mais en tout cas je peux te donner l'odeur que je sens par rapport à ça, c'est que parfois, moi en tout cas, ce qui se passe c'est que dans un cadre, parfois j'ai du mal avec les cadres, je m'impose des cadres et en sortir ça fait que je me bloque un peu. Et dans certains cas, en fait, ma créativité, elle est bloquée. Et elle se réouvre, en fait, quand je vais vers ce glandeur intérieur, quand je lui donne la libre expression et dire ok Et que parfois, en fait, il y a aussi cette espèce de croyance que pour que les choses soient professionnelles, il faut qu'elles soient sérieuses. Voilà. Et en fait finalement moi je suis jamais autant sérieux que quand je fais le con, que quand je libère mon clown, que quand je laisse la place à ce glandeur intérieur pour être ma boussole, pour être mon GPS. Et je pense que la joie est une vraie boussole dans la vie. Quand t'as de la joie à faire quelque chose c'est certainement que t'es à un endroit qui pousse, à un endroit qui est juste pour toi. En tout cas c'est ce que je repère pour moi. Et parfois je me suis un peu égaré à vouloir être très sérieux. Et maintenant, je me dis que si ce que j'aime faire c'est dire des conneries, faire des choses qui n'ont ni queue ni tête, et c'est aussi dans l'intimité ce qui me fait marrer, c'est quand je vois le clown intérieur des gens, quand je vois cette capacité à faire absolument n'importe quoi, le grain de folie qui est là, et ok c'est important d'être sérieux, et finalement dans ma construction personnelle, Ça a été essentiel de faire de la musique classique, de rentrer dans des projets qui étaient très cadrés. Mais ça a été aussi des moments où j'ai oublié de m'écouter. Et l'apprentissage que j'en ai fait, c'est de se dire, ok, c'est important parfois de se plier dans un cadre, d'en épouser les contours, les formes, et de faire de façon à ce que ça soit constructeur pour toi. Et j'allais dire même presque plus que constructeur, que ça soit contenant. Mais c'est aussi important de développer cette capacité d'écoute intérieure et de se dire Attends, voilà, moi ce que j'aime faire c'est raconter des conneries, raconter de la merde, il faut que je me trouve un cadre pour le faire. Et ça va pas forcément être un cadre professionnel. Mais en tout cas j'ai l'impression, pour aller plus loin que dans cette idée de cadre professionnel, moi parfois je voyais trop le pro, c'est vraiment très sérieux, faut que ce soit comme ça. Aujourd'hui j'ai tendance à me dire Ouais, non. Ça marche pas comme ça, voilà. Ta zone de génie, elle est souvent tellement là, tellement sous tes yeux que tu la vois même pas. Et voilà, rappelle-toi de cette petite boussole de la joie, cette petite boussole de la simplicité, cette petite boussole de l'évidence. Parce que très souvent, c'est aussi elle qui te mène vers l'efficience. Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. Si ça t'a parlé, si ça a résonné pour toi, eh bien partage sur les réseaux, mets des petits cœurs, mets des petites étoiles, ça participe grandement au référencement de cette aventure. On se voit bientôt pour de nouvelles aventures. Prends soin de toi, mange 5 fruits et légumes par jour, et à très vite.