- Speaker #0
Parlez-moi d'ailleurs, un podcast Voyage Galima. Bienvenue. Aujourd'hui, laissez-vous raconter la Sicile par celles et ceux qui la vivent. Elle est au cœur de la Méditerranée, elle est presque trois fois plus grande que la Corse, elle est entourée d'une constellation d'autres petites îles et elle abrite un volcan. La Sicile est riche à la fois de sa géographie et de son histoire. C'est Alice Chéron, autrice pour les guides coup de cœur aux éditions Voyages Gallimard, qui partagera avec nous ses conseils pour bien préparer son voyage. En seconde partie, nous parlerons gastronomie et il y a à dire, Cédric Casanova est producteur d'huile d'olive Il nous racontera son terroir et bien sûr tous les plats incontournables à découvrir sur place. Enfin, cet épisode se terminera par la lecture d'un extrait du Professeur et la sirène, un roman de Giuseppe Tomasi d'Illampedusa. Au fil des époques, l'île qui est rattachée à l'Italie depuis 1861 a vu passer les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Arabes, les Espagnols et même les Normands. Et toutes ces civilisations ont laissé leur empreinte. C'est donc une île qui s'aborde côté pile par une culture foisonnante, côté face par un art de vivre et des paysages qui donnent des envies de crapahuter, ou bien de prendre la mer pour la découvrir par ses côtes. Alice Chéron vit en Italie, elle a eu l'occasion de se rendre en Sicile à plusieurs reprises. pour ses vacances et pour les guides coup de cœur. Alors pour commencer, comment définirais-tu le rythme de vie sicilien ?
- Speaker #1
Moi j'ai l'impression qu'en Sicile en fait, tout est exacerbé. Il y a une forme d'excessivité. Je ne sais pas si ça vient de la vie insulaire, de l'histoire très très riche de l'île ou bien même de la présence du volcan qui donne une espèce d'énergie particulière. Mais je crois qu'il y a quelque chose qui se joue toujours en Sicile dans les extrêmes. Donc d'un côté, tu as des villes. frénétique de créativité, de choses à voir, à faire. Ça peut être Catane, ça peut être Palerme. Et puis, de l'autre côté, tu as ce qu'on appelle la vitalenta en Italie, le fameux slow life, mais qui a son paroxysme en Sicile. Donc, je trouve qu'il y a vraiment cette ambivalence. Et pour moi, c'est quelque chose que j'aime toujours faire. Quand je visite l'Italie, moi, je vais dans les cafés parce que je trouve que c'est un lieu qui est à la portée de tout le monde et où tu comprends tout de suite quelque chose. de là où tu es. Et en Sicile, les cafés, je trouve que c'est différent d'un Florence ou d'un Rome où tu vas zipper ton espresso au comptoir, faire un petit coup à ton barman et partir en furie. Là aussi, tu prends ton temps. Il y a une histoire vraiment de profiter de la vie, je trouve, qui est très très forte là-bas.
- Speaker #0
Alors, on a bien compris la distinction entre la Sicile et l'Italie sur ce plan-là. Et sur le plan architectural maintenant ?
- Speaker #1
Alors le plan architectural, il y a quelque chose qui m'a toujours fascinée en Sicile, c'est la tonara, qui est un lieu qui n'est plus utilisé, mais qui existait pour la pêche au thon. Donc c'est vraiment des structures qui sont assez impressionnantes, qu'on appelle des structures d'archéologie industrielle. Et donc d'archéologie industrielle, tu en as quand même une soixantaine en tout en Sicile. Tu le retrouves vraiment dans plein de petits bouts de l'île. Soit ils sont abandonnés et ça donne quand même... des paysages qui sont très beaux et des choses à aller visiter où je pense notamment dans celle de Vendicari où tu as ces colonnades où tu peux faire par exemple des photos magnifiques. Et puis, tu en as d'autres qui ont été repris et qui sont devenus soit des lieux culturels. Je pense notamment à celle de Favignana qui fait plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés qui a été repris par la région. Et maintenant, il y a une librairie, il y a un musée photo. Tu peux faire des visites guidées. En fait, tu peux vraiment profiter de ce lieu très particulier. Et puis, il y en a d'autres qui ont été repris pour des hébergements. Je pense à celle très, très sympa, la Tonara di Scopello, qui a vraiment des chambres que tu peux louer pour passer deux, trois jours comme ça face à la mer dans un bâtiment qui est vraiment particulier.
- Speaker #0
Si on veut en savoir plus sur la culture sicilienne, que ce soit une visite, un atelier, un événement, qu'est-ce que tu conseillerais ?
- Speaker #1
Alors moi, je trouve ça vraiment très sympa de profiter des vacances pour faire un atelier et aller à la rencontre des artisans et des spécialités. à Modica, qui est un des villages baroques, situés au sud-est de l'île. Et c'est un village qui est reconnu pour son chocolat. C'est un chocolat qui est IGP, qui est protégé par l'Union Européenne, donc c'est vraiment un trésor local. Quel est le secret d'une granite à Modica ?
- Speaker #2
Simplement, une masse de cacao,
- Speaker #3
du sucre de canne à graisse,
- Speaker #2
une masse de cacao de bonne qualité, on met des pommes de canne et de la vanille,
- Speaker #3
qui sont comme des chocolats de modica, qui sont des éléments essentiels.
- Speaker #1
Deux types de chocolat de modica,
- Speaker #2
on met à ébullition jusqu'à environ 90°C,
- Speaker #3
afin de faire griller toutes les caractéristiques organolettiques du cacao, et ensuite on va le mantecailler.
- Speaker #1
C'est un chocolat qui est particulier parce qu'en fait il n'est pas lisse, il est très très très granuleux, il a un aspect très très brut. Même au goût, la saveur explose en bouche d'une manière tout à fait différente qu'un chocolat classique. Et en fait, ce qui est sympa, c'est qu'il y a une société qui s'appelle Laéqua, qui organise des ateliers à peu près d'une heure trente. Tu peux te greffer un groupe ou alors privatiser un atelier, notamment par exemple si tu viens avec tes enfants, et tu fabriques tes barres de chocolat. Donc voilà, ça c'est vraiment quelque chose que je trouve très sympa.
- Speaker #0
Et surprenant parce qu'on ne s'attend pas à parler chocolat quand on parle de Sicile en fait aussi.
- Speaker #1
Complètement. Il n'y a que là-bas que tu trouves cette façon de faire.
- Speaker #0
Ensuite, tu as parlé du symbole de la Sicile qui est l'Etna. Évidemment, quelle place il a ce volcan sur l'île et dans la vie des habitants ?
- Speaker #1
Écoute, je pense que c'est vraiment, tu ne peux pas parler de Sicile si tu ne parles pas d'Etna. C'est quand même le volcan le plus haut d'Europe. Et je crois que c'est un rappel très simple de vie et de mort chaque jour. Le volcan, c'est la vie pour beaucoup de choses parce qu'en fait, ça crée des terrains, des sous-sols qui sont ultra riches et permettent notamment d'avoir... des vignes sur les flancs du volcan qui poussent dans des conditions qui sont assez extrêmes et tu as une saveur particulière que le monde entier vient goûter. Il faut savoir qu'il y a des caves à vin sur les flancs de l'Etna qui se visitent et il y a un truc formidable à faire qui est ce petit train qui s'appelle le Chirco Metna qui propose en fait des circuits où tu peux aller de cave en cave tu t'arrêtes avec le train il y a un petit bus qui vient te chercher qui te monte à la cave qui te redescend au train puis t'avances comme ça. et donc qui permet en fait de découvrir tout ça.
- Speaker #3
Le chemin de fer a le privilège de tourner autour du volcan et de voir le volcan sous toutes ses coutures, sous toutes ses différentes faces. Donc le volcan semble toujours rester au-dessus de toi. Il te contrôle, il t'observe, et disons qu'en connaissant son histoire, Ça t'oblige à rester toujours attentif, car d'un moment à l'autre, il peut y avoir une éruption, une coulée, une explosion qui peut être intéressante.
- Speaker #1
Il faut savoir aussi qu'autour de l'Etna, même un peu plus loin que vraiment les flancs du Votor, en fait, tu as des jardins qui sont extraordinaires et ultra luxuriants, grâce en fait toujours à ce terrain très très fertile. Je pense à un jardin botanique que moi j'ai eu la chance de visiter qui s'appelle Radicepura. Il est entre Naxos et Achireale, c'est vraiment un jardin qui regarde la mer. Et tu vas te balader entre les oliviers plus récentes mers, les plantes exotiques incroyables. Et puis, il y a même des roses blanches absolument divines qui s'appellent les neiges de l'Etna.
- Speaker #0
Alors ça, c'est une petite partie finalement de la Sicile qui est relativement grande comme île et qui en plus a la particularité d'être entourée d'autres petites îles, ce qui fait qu'on peut un peu s'y perdre. au moment d'organiser son voyage. Comment tu nous conseilles d'appréhender ce voyage ? J'imagine qu'on est obligé de faire des choix.
- Speaker #1
Alors, on est obligé de faire des choix en Sicile parce qu'en fait, je crois que très vite, tu tombes amoureux de l'île, de son ambiance, de sa particularité, de sa saveur. Et en fait, tu as envie de revenir. Et chaque voyage va être quelque chose de très, très différent. Tu parlais un peu de l'Inception, des îles dans l'île. Et en effet, en Sicile, c'est vraiment ça. Tu as vraiment, pour te citer trois zones différentes, les îles Égade qui sont celles plutôt du nord-ouest, qui sont des îles à vivre, moi je dirais, pour ralentir, pour se poser, pour avoir ce sentiment de repos, de respiration, parce que tu es vraiment un peu guidé par les éléments. C'est une île qui a encore un caractère brut, notamment celle de Favignana, tu as des routes en terre, tu vas louer ton petit scooter, tu dors dans ces petits hôtels complètement charmants de 5-6 chambres, et tu vas aller au village le matin, prendre tes aranchinis, tu vas aller au port louer ton petit bateau, tu vas aller chercher peut-être ta crique préférée. Tu n'as pas vraiment de plage, c'est plutôt des gros rochers, donc tu as envie de reprendre le bateau pour découvrir d'autres petites zones. Mais je crois que tu as vraiment ce plaisir de refaire un peu la même chose chaque jour, ce qui pour moi est vraiment un des secrets des vacances, pour retrouver un peu le repos. Tu as les îles éoliennes, celles-là, elles sont au nord, où là, tu peux les envisager de plein de manières différentes, parce que tu peux te poser dans un hôtel sublime et ne rien faire, mais c'est aussi des îles qui permettent des vacances plutôt sportives. Par exemple, si tu loues un voilier avec un petit skipper, Tu peux faire du trekking sur le volcan à Stromboli et profiter de la Chiara del Foco, qui est ce moment où le soleil descend et où tu vois l'éruption sortir. C'est incroyable. Moi, j'avais fait des petits trekking sur l'île de Panarea. Tu as des sentiers de 8-10 kilomètres pour aller capter les meilleurs panoramas. Donc, c'est des vacances qui peuvent être plutôt dynamiques. Même si tu es posé sur une île, tu peux louer des kayaks pour découvrir. Et puis, si tu es en famille, c'est très sympa aussi de louer un catamaran pour un petit peu plus de confort, mais avoir quand même ce système de découverte des îles depuis l'eau. C'est ça, je trouve, qui rend les choses magiques. Et enfin, je pense aussi à Pantelleria, qui est la perle noire de la Sicile. Alors là, je n'ai pas eu la chance d'y aller, mais je connais beaucoup de familles qui y vont et qui s'y posent trois semaines avec leurs enfants. Donc, c'est vraiment une île très, très sympa à faire avec toute la famille. Voilà, donc plein de choses à faire. comme ça avec les enfants. Mais comme tu le dis justement, je pense qu'il faut choisir. Et c'est ça la beauté de la Sicile, c'est qu'en fait, tu as le choix du type de vacances que tu as envie de faire.
- Speaker #0
Enfin, tu nous conseillerais quel type de logement ou d'hébergement pour découvrir la Sicile ? Alors,
- Speaker #1
je pense que quand tu veux faire des vacances où tu restes au même endroit, que ce soit dans les villages baroques, je pense, tu vois, où tu peux circuler, faire beaucoup de choses autour, mais sans bouger de maison, que ce soit sur l'île de Pantelleria, je pense que louer une maison, C'est ce qui... qui permet d'être ancré dans le rythme local. Je crois que c'est ça dont il faut profiter en Sicile. C'est cette idée de voir des choses magnifiques, certes, mais de comprendre où est-ce que tu es, comment vivent les gens. Très vite, tu vas voir que tu sympathises avec tes voisins de maison qui sont les vrais Siciliens locaux, parce qu'ils ne peuvent pas s'empêcher d'échanger. C'est comme ça en Italie, mais ça l'est encore plus là-bas. Après, tu vois, pour un logement original, notamment si tu fais un long road trip, peut-être que tu pars trois semaines. Je pense que dormir dans une tonara, c'est quelque chose qui permet de rythmer les vacances et de changer de typologie de logement. Après, ce qui est formidable, en fait, c'est de trouver ces petits hôtels, allez, 10 chambres max, mais où en fait, on va te faire le petit déjeuner fait maison gargantuesque. On va te proposer le dîner le soir et ça, tu le retrouves quand même pas mal en Sicile aussi.
- Speaker #0
Les oliviers font partie du paysage sicilien. Vous en croiserez forcément à un moment ou à un autre de votre voyage. Pour Cédric Casanova, c'est quasiment son quotidien. Ce franco-sicilien a fondé la société La Tête dans les Olives et il navigue entre les deux pays pour suivre ses productions et pour travailler à ce qu'il appelle l'opération agricole. Il nous l'explique.
- Speaker #2
L'opération agricole travaille à la valorisation territoriale et à la réorganisation d'un territoire dans le but d'avoir une production qui se vend, et qui se vend selon des critères qui se veulent équitables.
- Speaker #0
Alors ça veut dire que vous avez des oliviers sur place, combien ?
- Speaker #2
Dans l'opération agricole, la notion de propriété n'est pas ce qui est la plus importante, ce qui va être mis en avant c'est la logique avec laquelle on va produire et le sens qu'on va donner à la production. A partir du sens, on va développer un marché. J'ai 50 000 arbres en gestion. En personnel j'en ai peu, je vais arriver à peine à 200.
- Speaker #0
Et votre région c'est quoi ?
- Speaker #2
Ma région c'est la région du tremblement de terre. Il y a eu une grande faille en 68 qui a détruit toute une partie de la Sicile. Elle part de Palerme et descend jusqu'à Agrigento. L'épicentre était là où je suis, à Salaparut, à Djibéline, qui est dans l'intérieur des terres au niveau de Chaka. Il pleut en Sicile où la terre a tremblé trois fois aujourd'hui. En réalité, depuis le jour fatidique, la terre n'a jamais cessé de trembler. mais ce matin Elle a tremblé beaucoup plus fort et avec la même intensité qu'il y a dix jours. Alors partout, ce fut la panique. À Palerme comme ailleurs, d'un seul coup, des milliers de personnes ont tout abandonné, courant en tous sens dans les ruines, sachant où trouver refus. Pluie, folie, terreur, ruines désolées, voilà le décor dans lequel évoluent les sauveteurs qui n'ont plus rien à sauver pratiquement.
- Speaker #0
Et ce tremblement de terre a provoqué des changements au niveau organisation de la région, de la production agricole aussi ?
- Speaker #2
De la production agricole, non. De l'identité, oui. Dans le cadre du tremblement de terre, il y a structurellement une identité qui a disparu. La reconstruction a été assez compliquée. Et donc là, il y a une faille, il y a vraiment une cicatrice. Et moi, je l'aperçois, je perçois, si vous voulez, dans la vision qu'ils ont d'eux-mêmes. Vous allez sur les villages qu'il y a sur la côte de Catagne, vous allez dans les nouveaux villages, il y a une différence, il y a une rupture, on la sent.
- Speaker #0
Le vieux village de Djibéline, qu'est-ce qu'il est devenu ?
- Speaker #2
Il est devenu, c'est cette œuvre de Landat. qui a été fait par Bourri. Il a recréé le village en prenant tous les pâtés de maison. Il les a coulés dans de la chaux. Et donc, vous avez ce labyrinthe, il est de nulle part, tout blanc. C'est magnifique.
- Speaker #0
Alors, on s'est un peu éloigné des questions gastronomiques. Mais puisqu'on est parti de la production d'huile d'olive, quelles sont les productions agricoles siciliennes à découvrir ?
- Speaker #2
La production, alors la Sicile, ça vend tout du blé. On retrouve plus de 54 variétés. On retrouve un blé tendre qui s'appelle le Mallorca. Ça fait partie de l'invasion espagnole. Et donc sur le pain, malgré ce qu'on dit, moi je trouve que le pain sicilien est très bon. Vous avez le pane con sat, qui est un type de sandwich qu'on va retrouver, qui est à base d'anchois, de tomates et d'huile d'olive et d'origan. Certains rajoutent de la ricotta salée, moi c'est ce que je fais. Ensuite vous avez la production de raisins, production d'huile, et puis après c'est le potager. Une grande richesse de potager, l'aubergine.
- Speaker #1
Insultato da tutti gli amici siciliani, perché oggi faccio la caponata di melanzana.
- Speaker #2
L'été c'est vraiment le carnaval de la tomate et de l'aubergine. Vous avez la caponate qui est la préparation emblématique, un aigre doux, comme une ratatouille avec un aigre doux. Rien à voir avec la ratatouille parce que la caponate a sui des étapes presque scientifiques et mathématiques. Il faut faire les choses dans l'ordre pour avoir une belle caponate.
- Speaker #1
Cette est la partie la plus importante de la recette, elle ne le dit pas à personne, mais elle est très importante. Maintenant, vous avez mis le pomodoro et la poivre, laissez-les se coller ensemble, laissez-les faire amitié, laissez-les un peu coller, qu'ils s'attaquent. Donc, les steaks de vins qui se brûlent, ils seront très savoureux.
- Speaker #0
Vous m'avez parlé de raisins, donc de vin aussi peut-être à découvrir ?
- Speaker #2
Une grande richesse de vin. Toute l'île est couverte de raisins. Et donc, l'identité du vin en Sicile est née depuis peu, depuis les années 60. Avant, c'était le réservoir pour le nord de l'Italie. Ils produisaient, ils produisaient. Mais avant ça, c'était déjà le cas avec les Anglais qui venaient prendre le mar de raisins pour faire du sherry et l'emmener en Angleterre. Ça, c'était vers les 1600. Avant ça, c'était les Romains, donc ça a toujours été un grenier pour les envahisseurs, en tout cas pour les gens qui arrivaient et occupaient l'île. Et en 1960, l'identité sicilienne du vin a commencé à naître. Donc effectivement, aujourd'hui, vous avez entre l'Etna et Maisone de Marsala, en couvrant toute l'île, en redescendant par le bas, vous avez une foison de cantines plus diverses avec des vins très très bons.
- Speaker #3
L'Etna, c'est un danger ou c'est une bénédiction ?
- Speaker #1
L'Etna, c'est les deux. C'est un danger parce qu'il faut toujours être en alerte. Il peut y avoir des cendres volcaniques, il peut y avoir des écarts de température de façon très soudaine. Mais tout cela, en même temps, est une bénédiction car cela donne naissance à des grappes qui donnent des vins vraiment, vraiment très spéciaux. Donc, c'est les deux à la fois.
- Speaker #2
La zone de Marsala qui est spécialisée dans les oxydés, il y a le Marsala. Puis après, en redescendant, vous avez les vignes classiques comme le cataracte, le grill, le grecal. C'est les vieilles vignes, Nero d'Avola. Et puis tout ce qui s'est fait. Il y a des cantines comme Baraco ou Marco de Bartoli qui font des choses exceptionnelles et plein d'autres.
- Speaker #0
Est-ce que vous avez un vin à recommander ou à tester ?
- Speaker #2
Moi, j'aime beaucoup les vins de Marco de Bartoli. J'aime beaucoup la Pietranera, un blanc qu'il a fait à partir d'un grill qui est à Panterreria.
- Speaker #0
J'ai aussi des questions sur le rythme de vie des Siciliens. Est-ce qu'ils ont sensiblement, j'imagine, le même rythme de vie que nous au niveau de l'ordre des repas ? Mais ensuite, pour la composition des repas, peut-être, est-ce que c'est un peu différent de ce qu'on connaît en Italie ou de ce qu'on connaît déjà en France ?
- Speaker #2
Le matin, c'est le café avec le croissant, souvent au bas. Et puis après, c'est le déjeuner. La structure du déjeuner, oui, ils mangent beaucoup. Il y a quand même l'entrée, le plat de pâtes, éventuellement la viande après. Après dans les champs, c'est différent, c'est surtout le soir qu'ils mangent. Typiquement, nous on a la pâte et ensuite on peut avoir un poisson, une viande. Moi je m'arrête en général à la pâte. Les plats typiques que vous allez voir, bord de mer, vous aurez plus de poissons que sur l'intérieur. Sur l'intérieur, vous aurez beaucoup de légumes. La période des artichauts, beaucoup d'artichauts. Là en ce moment, c'est la fève, les pâtes à la fève, avec du jus, comme une soupe. Ou la fave, ce qu'on appelle le mac. Avec le finocchiètre sauvage, vous avez la fève qui est réhydratée, qui est cuite après avec le petit fenou sauvage. Ça, c'est mis avec de l'eau des pâtes. Puis vous servez ça avec une pâte courte, en général une spaghettique assez délicieuse. À chaque saison, je dirais qu'il y a ces pâtes, oui.
- Speaker #0
Vous avez des plats recommandés qu'il faut absolument tester ?
- Speaker #2
Ah oui, à Palerme, il faut manger la sardine al finocchiètre en blanc. Qu'est-ce que c'est ? Les sardines au fenou sauvage. Dans l'été, on va les faire avec de la tomate, on va les faire rouges. Et celle de Père-Lin, moi je la trouve spectaculaire, vraiment bonne, bonne, bonne. En général, on rajoute une chapelure croquante, la mollica turrata, ça s'appelle. On la trouve souvent maintenant à Paris, qui vient donner un croquant et une gourmandise. Qu'est-ce qu'il y a d'autre ?
- Speaker #0
Il n'y a pas l'herbe si on part sur d'autres côtes ou dans les terres.
- Speaker #2
À Trapani, il y a le couscous de poisson comme à Marsal. J'aime beaucoup la ville de Trapani et le couscous au poisson est vraiment très bon. C'est une base qui n'est pas très humide. Vous avez un bouillon de poisson qui est préparé. Le couscous est cuit dans le jus de poisson et puis ensuite c'est servi avec le poisson nettoyé. C'est délicieux.
- Speaker #0
Maintenant, à l'heure du départ, évidemment dans sa valise on va mettre de l'olive, mais qu'est-ce qu'on met d'autre ?
- Speaker #2
Vous allez mettre des tomates séchées, vous allez mettre des câpres, il y a les gâteaux aux amandes, toute la série des gâteaux aux amandes qui sont délicieuses, ou alors ils mélangent amandes et courges. C'est une préparation, une farce pour un gâteau, c'est assez typique, vous le trouvez à chaque Saint-Angelo d'Ibrol. Et c'est une préparation à base d'une courge, d'une courge verte, et de l'amande et du sucre. Qu'est-ce que je prendrais encore ? Des aromates, l'origan sicilien est vraiment explosif. Qu'est-ce que je prendrais de plus ?
- Speaker #0
On a déjà une balise et qui a 5 litres en plus. Et elle en dit ? Ouais ! Paolo Corbera est originaire de Palerme. Exilé en Italie du Nord, il cultive sa nostalgie de la Sicile avec un autre ressortissant, le sénateur Rosario Lassura. Ce dernier lui confie un jour un souvenir troublant. A l'été 1887, il vit une passion extraordinaire avec une sirène nommée Ligia, fille de Calliope. C'est un extrait de cette histoire que vous allez écouter, issu du roman ... Le professeur et la sirène de Giuseppe Tomassi d'Ilampedusa, un roman paru dans la collection Écoute et lire, élu par Michel Favori.
- Speaker #3
J'emportais toujours en quittant la rédaction cinq ou six quotidiens, et parmi eux, une fois, le Giornale di Sicilia. C'était les années où le Minculpop, le ministère de la culture populaire, sévissait le plus, et les journaux étaient tous identiques. Ce numéro du quotidien palermitain était plus banal que jamais et ne se distinguait d'un journal de Milan ou de Rome que par son imperfection typographique. Sa lecture fut donc brève pour moi et j'abandonnais vite la feuille sur la table. J'avais à peine entamé la contemplation d'une autre incarnation du Minculpop que mon voisin m'adressa la parole. « Pardonnez-moi, monsieur, cela vous gênerait-il que je jette un coup d'œil sur votre journal et d'ici Tchilia ? » « Je suis Sicilien et depuis vingt ans je n'ai pas eu l'occasion de voir un journal de chez moi. La voix était extrêmement cultivée, l'accent impeccable, les yeux gris du vieil homme me regardaient avec un détachement profond. Mais je vous en prie, faites donc. Vous savez, je suis Sicilien, moi aussi, si vous le souhaitez. Il m'est facile d'apporter ici le journal chaque soir. Merci. Je ne crois pas que cela soit nécessaire. » Ce n'est de ma part qu'une simple curiosité physique. Si la Sicile est encore comme de mon temps, j'imagine qu'il n'y arrive jamais rien de bon, comme depuis trois mille ans. » Il parcourut distraitement les pages, replia le journal, me le rendit et se plongea dans la lecture d'un opuscule. Au moment de partir, il voulait de toute évidence s'éclipser, s'en saluer, mais je me levai et me présentai. Il murmura entre ses dents son nom, que je ne compris pas. Mais ne me tendit pas la main. Sur le seuil du café, cependant, il se retourna, souleva son chapeau et cria fort « Salut, pays ! » provoquant des gémissements de désapprobation parmi les ombres qui jouaient. Il disparut sous les arcades, me laissant abasourdi. J'accomplis les rites magiques nécessaires à faire se matérialiser un garçon et je lui demandai, en montrant la table vide, qui était ce monsieur. « Quel ? » répondit-il. « C'est là, le sénateur Rosario Lazzura. » Ce nom disait beaucoup de choses, même à ma culture journalistique lacunaire. C'était celui de l'un des cinq ou six Italiens qui possèdent une réputation universelle et indiscutable, le nom du plus illustre helléniste de notre temps. Je pus m'expliquer les revues épaisses et la gravure caressée, de même le caractère revêche autant que le raffinement caché. Le lendemain, au journal, j'allais fouiller dans le fichier particulier qui contient les nécrologies encore inspètes en attente. L'affiche « La Ciura » était là, pour une fois passablement rédigée. Il y était dit que le grand homme était né à Racci-Castello, Catane, dans une famille pauvre de la petite bourgeoisie, avec le don d'une stupéfiante aptitude à l'étude du grec, et qu'à force de bourses et de publications érudites, Il avait obtenu à 27 ans la chaire de littérature grecque à l'université de Pavie, qu'il avait ensuite été appelé à celle de Turin, où il était resté jusqu'à la limite d'âge, qu'il avait donné des cours à Oxford et à Tübingen, et fait beaucoup de voyages, parfois même longs, car sénateur préfasciste et académicien d'Elinchey. Il était également docteur honoris causa à Yale, Harvard, Delhi et Tokyo, outre évidemment les plus illustres universités européennes, d'Uppsala à Salamanque. La liste de ses publications était très longue, et un grand nombre de ses ouvrages, en particulier sur les dialectes ioniens, étaient réputés pour être fondamentaux. Il suffit de dire qu'il avait été le seul étranger à être chargé de diriger l'édition Teubner des Iodes, qu'il avait fait précéder d'une introduction en latin d'une profondeur scientifique inégalée. Enfin, Gloire suprême, il n'était pas membre de l'Académie d'Italie. Ce qui l'avait toujours distingué de ses collègues, pourtant tous très érudits, c'était son sentiment vivant, presque charnel de l'Antiquité classique. Et cela s'était manifesté dans un recueil d'essais en italien, Hommes et dieux, qui avait été apprécié comme une œuvre non seulement de haute érudition, mais de grande poésie. Il était en somme l'honneur d'une nation, et un phare de toutes les cultures, concluait le compilateur de l'affiche. Il avait 75 ans et vivait, loin de l'opulence, mais dignement de sa retraite et de son indemnité sénatoriale. Il était célibataire. Il est inutile de le nier, nous, les Italiens, fils ou père de premier lit de la Renaissance, nous estimons le grand humaniste supérieur à n'importe quel autre être humain. La possibilité de me retrouver à présent Dans une proximité quotidienne, avec le plus illustre représentant de cette science délicate, quasi nécromancienne et peu rentable, me flattaient et me troublaient. J'éprouvais les mêmes sensations qu'un jeune Américain qui serait présenté à M. Gillette, crainte, respect et une forme particulière d'envie, dépourvue de toute bassesse.
- Speaker #0
C'est la fin de cet épisode. Merci d'avoir exploré la Sicile avec nous. Le générique est signé Hélène Biziot, les interviews et la réalisation Marjolaine Corr. Au fil de ce podcast, vous avez entendu les extraits d'un journal de l'ORTF, de l'émission Méditerranéo diffusée sur France 3 Provence et du documentaire Etna, un volcan en colère. Parlez-moi d'ailleurs, un podcast créé sur une idée originale des éditions Voyage Gallimard. Si vous avez aimé ce contenu, n'hésitez pas à nous laisser un commentaire sur les plateformes et bien sûr à le partager autour de vous. A bientôt et bon voyage !