- Speaker #0
Nous allons voir dans les deux prochains épisodes un nouvel outil pour aider Adèle à encore mieux communiquer avec son collègue Stéphane, la CNV. Cet outil peut sembler très simple, mais implique un changement profond dans notre manière d'interagir avec les autres. Je suis Will, créateur de la méthode éponyme qui réconcilie humain et performance au travail. T'as déjà beaucoup amélioré ton message, grâce aux positions de perception. Je te propose maintenant d'aller un cran plus loin, pour vraiment dire les choses à Stéphane, sans le braquer, grâce à la CNV, la communication non-violente. Tu connais ?
- Speaker #1
Ouais, ça me dit vaguement quelque chose, mais franchement, pour moi, c'était un truc de bisounours, non ?
- Speaker #0
Tout dépend comment tu la pratiques. Ça se passe en quatre étapes. O, S, B, D. En gros, quand tu veux dire quelque chose en communication non-violente, ça fait comme ça. Quand j'observe que, observation, je me sens, sentiment, parce que j'ai besoin de, besoin, est-ce que tu serais OK pour, demande ?
- Speaker #1
OK, mais c'est pas très très naturel ton truc là.
- Speaker #0
Dit comme ça, ça fait très robotique, mais c'était juste pour expliquer. Je te rassure, dans la vraie vie, c'est beaucoup plus fluide. D'ailleurs, j'aimerais bien que tu essayes sur le cas de Stéphane.
- Speaker #1
OK. Je veux bien tenter. Stéphane, quand j'observe que tu ne veux pas me répondre, je me sens trahi, voire méprisé, parce que moi j'ai besoin d'avoir un retour. Est-ce que tu serais OK pour me répondre ? C'est pas mal ça, non ?
- Speaker #0
On va voir. Déjà, est-ce que tu ne veux pas me répondre ? C'est une observation selon toi.
- Speaker #1
Oui, il ne me répond pas.
- Speaker #0
C'est déjà très différent de « tu ne veux pas me répondre » . Comment tu penses que Stéphane réagirait à cette observation ?
- Speaker #1
C'est sûr qu'il répondrait comme d'habitude. « Je n'ai pas accès à faire que de répondre à tes mails à rallonge » ou un truc comme ça.
- Speaker #0
Exactement, il risque de se braquer. Et ça, c'est parce que ton observation n'est pas une observation, mais un jugement.
- Speaker #1
Un jugement ? Mais comment je fais la différence avec une observation, du coup ?
- Speaker #0
Une observation, c'est centré sur toi. En CNV, on dit le « tu, tu » . Parce qu'en fait, tu parles à la place de l'autre, donc tu prends le risque d'interpréter et donc de le braquer. Essaye de reformuler ton observation, mais en utilisant le « je » .
- Speaker #1
Euh... Ok, avec un « je » , euh... Je... C'est difficile. J'ai pas reçu de réponse à mes messages, malgré mes relances.
- Speaker #0
C'est déjà beaucoup mieux. Même si la dernière partie de ta phrase reste un jugement pour moi. Parce que Stéphane peut se braquer en mode « ça va, on n'est pas obligé de te répondre dans la minute » . Parce qu'une observation, c'est aussi factuel. Autre astuce, imagine qu'une caméra filme la scène, que dirait le transcript de cette caméra ?
- Speaker #1
Je sais pas, un truc du genre « pas de nouveau message dans la boîte d'aide d'elle depuis les 30 dernières minutes » , un truc comme ça ?
- Speaker #0
Exactement. Sauf que si tu parles comme ça à Stéphane, il va te prendre pour une folle. Comment tu peux lui dire ça de manière plus naturelle ?
- Speaker #1
Euh... Ok. Euh... J'ai pas vu passer de réponse à mes messages.
- Speaker #0
Très bien. Comme ça, même s'il a oublié d'appuyer sur « Envoyer » , il aura une réponse beaucoup plus neutre du type « C'est bizarre, j'étais répondu il y a trois jours. »
- Speaker #1
Ok, je pense que je commence à comprendre, mais en vrai, c'est quand même toujours pas très naturel.
- Speaker #0
C'est surtout différent de la façon dont on nous a appris à se parler. Le but d'une observation n'est pas de se mettre d'accord sur les faits. puisque chacun en a sa propre interprétation. Mais plutôt d'expliquer de la manière la plus constructive possible ce qui a déclenché chez nous un sentiment négatif. Passons maintenant au sentiment qui a déclenché chez toi cette observation. Tu as dit « je me sens trahi, voire méprisé » . Est-ce que c'est un sentiment selon toi ?
- Speaker #1
Je suppose que tu vas me dire que non.
- Speaker #0
Oui. En CNV, on appelle ça une évaluation masquée, parce que tu prêtes une intention à Stéphane. Comment tu penses qu'il réagirait si tu lui disais ça ?
- Speaker #1
C'est sûr qu'il réagirait avec un truc du genre « c'est bon, arrête de faire ta victime » .
- Speaker #0
Exactement, il va se braquer à nouveau.
- Speaker #1
Ok, mais du coup, comment on évite de faire des évaluations masquées ?
- Speaker #0
Deux astuces. La première, c'est de réfléchir à la façon dont tu pourrais mimer ton sentiment. Si tu arrives à le mimer toute seule, c'est que c'est un vrai sentiment. Exemple, la tristesse. Si par contre, tu as besoin d'inclure quelqu'un dans ton mime, c'est que c'est une évaluation masquée. Par exemple, trahir, t'es obligé d'inclure quelqu'un qui te plante un couteau dans le dos.
- Speaker #1
Ok, et la deuxième ?
- Speaker #0
La deuxième, c'est de réaliser que dans les évaluations masquées, tu peux ajouter « par » . Trahi par, abandonné par. Tous ces mots viennent de verbe. Trahir, abandonner. Alors qu'un sentiment, tu ne peux pas le transformer en verbe. Tu ne peux pas joyer ou trister.
- Speaker #1
Ok. Mais du coup, comment je vais chercher le sentiment derrière le mépris ?
- Speaker #0
En répondant à une question simple, comment tu te sens, toi, quand tu dis être méprisé ?
- Speaker #1
Triste.
- Speaker #0
Voilà. Ça, c'est un sentiment.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Comment tu penses que Stéphane réagirait si tu lui disais ça ?
- Speaker #1
Ah, je sais pas, je suis pas à sa place, mais il y a quand même plus de chances qu'il me réponde « je m'en rendais pas compte » ou voire même « je suis désolée » .
- Speaker #0
Exactement. Il sera peut-être plus en empathie avec toi. Contrairement aux faits qui sont subjectifs, car chacun les interprète à sa manière, les sentiments, eux, sont objectifs. Si j'éprouve de la tristesse, elle est indiscutable, même si ça déplaît à l'autre. Un sentiment négatif n'est rien d'autre qu'un signal nous avertissant que l'un de nos besoins fondamentaux n'est pas nourri. Pour un manager, la CNV constitue un outil très puissant pour communiquer avec ses collaborateurs de manière plus constructive. Formuler des observations en ramenant les choses à soi permet d'éviter de parler à la place de l'autre et donc de le braquer. Je sais qu'en tant que manager, vous entendez souvent qu'il ne faut pas parler de ses sentiments en entreprise. Mais verbaliser le sentiment que provoquent en nous ces observations permet souvent de le canaliser. Tout en aidant l'autre à comprendre ce qu'il se passe en nous. Mais attention, s'arrêter à son sentiment pourrait être perçu comme passif-agressif. Il faut vraiment faire l'effort de le relier aux besoins à nourrir grâce à une demande. La CNV prend alors toute sa puissance en nous permettant de rétablir le dialogue pour co-construire une solution. C'est ce que nous verrons au prochain épisode.