- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur 123 français le podcast des parents expatriés Je m'appelle Audrey, je suis franco-allemande et je vis en Allemagne depuis 15 ans. Je suis maman de deux enfants nés en Allemagne et qui grandissent avec deux langues, l'allemand et le français. Je suis professeure de français langue étrangère et langue maternelle. En 2022, j'ai lancé les Franco-Expat pour permettre aux enfants francophones de Cologne et de l'étranger de garder un lien actif avec la langue française ainsi qu'avec la culture francophone. Aujourd'hui, je lance le podcast 1, 2, 3 français afin de donner la parole aux parents expatriés sur leur expérience de l'éducation bilingue au quotidien de leurs enfants. J'accueillerai aussi des professionnels qui apporteront des conseils et donneront des idées pour soutenir ces familles expatriées. Bonne écoute !
- Speaker #1
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Laurence qui vit en Suède et dont les enfants et les petits-enfants sont nés en Suède. Bonjour Laurence !
- Speaker #2
Bonjour !
- Speaker #1
Est-ce que tu peux te présenter ?
- Speaker #2
Je suis franco-ontoise d'origine et j'ai rencontré un Suédois en vacances en France. Je suis venue habiter en Suède en 1983, donc ça fait très longtemps. Mon mari, qui est ex-mari maintenant, ne parlait pas français, donc c'était l'anglais. On parlait anglais ensemble jusqu'à ce que je puisse parler suédois. Voilà, et j'ai fait toutes mes études en Suède, parce que quand je suis venue en Suède, j'avais quitté le lycée très tôt. Donc, j'ai fait mes études en cours du soir pour être en école maternelle. Et ensuite, j'ai fait un doctorat et j'ai travaillé à l'université à Malmö dans le cours pour les instits. J'ai fait de la recherche aussi en pédagogie. Voilà, et maintenant je suis... En retraite, mais je travaille encore quelques heures à l'université quand ils ont besoin de moi.
- Speaker #1
Et alors, est-ce que tu peux nous dire l'âge de tes enfants et de tes petits-enfants ?
- Speaker #2
Mes filles ont 38 et 32 ans. Mes petits-enfants ont 7 ans et 4 ans.
- Speaker #1
Et donc, tout ce petit monde grandit bilingue ?
- Speaker #2
Pas mes petits-enfants, en fait. On leur lit des livres en français, mais moi, je ne les vois pas assez souvent pour pouvoir leur parler français régulièrement. De plus, ils ont un papa qui est moitié marocain, moitié suisse, enfin quart de suisse. Donc, il y a l'allemand, l'arabe, le français, le suédois. Donc, finalement, non, ils ne parlent que suédois.
- Speaker #1
Comment s'est passée, d'abord pour tes filles, comment s'est passée la transmission du français ?
- Speaker #2
Au départ, quand elles sont nées, quand la première est née, j'avais déjà habité quatre ans en Suède. Donc je parlais suédois couramment, mais je leur parlais français. Et à cette époque-là, c'était juste une transition sur ce qu'il fallait faire et ne pas faire avec les enfants. Par exemple, ma tante qui habitait en France et qui avait été prof de français me dit « Oh, il ne faut absolument pas que tu mélanges les langues, il ne faut pas leur parler français parce que je sais que les enfants bilingues, ils n'ont que des demi-langues, ils ne parlent jamais correctement l'une et l'autre. » qu'ici, on commençait de dire que c'était très important de parler sa langue maternelle, mais il ne fallait absolument pas mélanger. Donc, on me disait, il faut que tu leur parles uniquement français et leur papa uniquement suédois, sinon ça ne va pas marcher. Alors qu'aujourd'hui, on parle de translanguaging, où les bilingues mélangent les langues sans problème. Donc, je leur parlais uniquement français au départ, les premières années, et elle... parlait aussi français entre elles. Elle parlait mieux français que suédois les trois, quatre premières années. Et ensuite, il y avait un français à Malmeux qui a tout fait pour qu'on ouvre une crèche, enfin une maternelle pour bilingues. Parce qu'à Malmeux, il y avait déjà des maternelles bilingues, espagnoles suédois, arabes suédois, enfin toutes sortes. Il n'y avait pas pour les français. Donc il a tout fait et finalement ça s'est ouvert. Mais Il n'y avait personne pour y travailler, personne de l'ingue. Et moi, j'étais à la maison avec mes deux filles encore, donc ils m'ont convaincue de venir travailler dans cette maternelle. Donc j'avais mes filles avec moi en même temps, ce qui n'était pas trop trop bien, parce que pour elles, c'était un peu compliqué de penser que j'étais un stit. et j'étais maman en même temps. Mais bon, ça a été ouvert deux ans à peu près. Et là, il y avait aussi une psychologue qui venait pour nous dire qu'il ne fallait absolument pas mélanger les langues, qu'il ne fallait absolument pas que je parle suédois avec les bilingues et tout. Et bon, je l'acceptais parce que j'étais embauchée et je devais, mais les autres parents français n'acceptaient pas ça parce qu'il y avait des parents français dont le... La maman était française, le père était suédois, mais les deux parlaient très bien français. Donc, ils disaient, nous, on parle français quand on est entre nous. Mais si on a des invités, on parle tous suédois. Et d'autres, enfin, il y avait différents points de vue sur la façon dont on devait parler à nos enfants. Voilà, et après, cette maternelle a fermé parce qu'il n'y avait pas assez d'enfants français.
- Speaker #1
Ah, c'est dommage.
- Speaker #2
Pour que ça continue. Donc j'ai commencé de travailler dans une maternelle pour suédois et... iranien à la place. Au changement. Voilà. En tant que suédoise, avec la langue suédoise. Et là, mes enfants, donc, ont commencé de parler de plus en plus suédois entre eux. Le suédois a commencé de dominer. Elles avaient beaucoup d'amis qui venaient à la maison. Donc, j'ai commencé de leur parler de plus en plus suédois. Et après, on a perdu le français entre nous. Donc, on parlait français quand on allait en France ou quand on avait de la famille qui venait nous voir en Suède. Mais entre nous, petit à petit, je pense qu'une fois qu'elles ont eu une dizaine d'années, on a commencé à parler de plus en plus suédois entre nous.
- Speaker #1
Et alors, est-ce qu'aujourd'hui, elles parlent français comme des Français, on va dire, ou est-ce qu'on peut leur dire qu'elles sont étrangères, entre guillemets ?
- Speaker #2
On peut dire qu'elles sont étrangères. Malgré tout, la plus jeune est allée travailler au Pair à Paris, à deux périodes. L'aînée est allée faire des cours à la Sorbonne aussi, pendant deux semestres. Et on est passé tous les Noëls en France, mais on entend qu'elles ont un accent étranger. Et la plus jeune, automatiquement, elle dit « le » quand il faut dire « la » et « une » quand il faut dire « un » . Et elle n'a jamais pu changer. Alors on lui dit « pense différemment » , mais non, automatiquement, elle se trompe.
- Speaker #1
Il y a des petites choses comme ça qui restent. Est-ce que, du coup, elle parle français ? français avec leurs enfants ?
- Speaker #2
Elles lient des livres pour enfants en français, mais c'est tout. Donc elles ne leur parlent pas le français au quotidien ? Non, non, non.
- Speaker #1
Est-ce que toi, tu essayes de faire cette transmission du français pour que tes petits-enfants, du coup, apprennent quand même un peu la langue ?
- Speaker #2
Pas vraiment, non. Quand ils étaient tout petits, oui, je leur chantais une chanson, des chansons en français. Ça, ils veulent encore. Par exemple, pour s'endormir, tout ça. Ils me demandent de leur chanter la chanson en français. Mais je leur dis certains mots, je leur demande « Est-ce que tu sais comment on dit ça en français ? » Mais ce n'est pas une langue parlée, c'est plus des mots par-ci, par-là. Et quand on est allé quelques fois en France, ils aiment être là, ils sont curieux, ils posent beaucoup de questions. Et des fois, quand on est dans la rue, par exemple, qu'ils entendent quelqu'un parler une langue étrangère, ils me demandent « Est-ce que c'est du français, ça ? » « Ou c'est de l'anglais ? » Mais sinon, non.
- Speaker #1
C'est quand même bien, il y a cette curiosité de la langue quand même. C'est déjà un bon signe.
- Speaker #2
Oui, et de la culture aussi. C'est intéressant comment on fait ça en France.
- Speaker #1
Tu m'avais marqué quand tu m'as contacté que tu as aussi fait des études sur le multilinguisme. Est-ce qu'à ce niveau-là, toi, tu as des conseils, tu fais des recherches, des découvertes qui pourraient intéresser justement des parents qui élèvent leurs enfants de manière multilingue ?
- Speaker #2
Moi, c'était plus au niveau de la maternelle où j'ai fait de la recherche sur comment on enseigne les mathématiques en maternelle et où je me suis rendu compte qu'on associe la connaissance de la langue suédoise avec la connaissance des mathématiques. Donc, quand un enfant ne parle pas très bien suédois, on pense automatiquement qu'il ne comprend pas les mathématiques. Et c'est un problème parce qu'il prend du retard dès le début alors que ça n'a rien à voir. On peut très bien comprendre. très bien la logique et mathématiques sans pouvoir s'exprimer comme il faut en suédois. Donc ça a été le but de ma recherche. Oui,
- Speaker #1
en effet, c'est étonnant d'ailleurs de dire ça. Moi, on m'a toujours dit soit tu es matheuse, soit tu es langue, littérature et tout ça. Vraiment les deux opposés.
- Speaker #2
Oui, mais là, quand ils font des mathématiques en maternelle, si la majorité des enfants sont bilingues ou ne comprennent pas très bien le suédois, ils baissent le niveau. automatiquement. Donc ils font des choses très simples qui se rapprochent plus à l'apprentissage de la langue, comment on dit un triangle en suédois, plutôt que de comprendre qu'est-ce que c'est qu'une forme. Donc ça les handicap, c'était le but de ce que j'ai vu dans ma recherche. Et aussi, ce que je vois, c'est que les enfants qui parlent français, ils sont plus appréciés que les enfants qui parlent arabe, par exemple. Par exemple, si on rencontre des gens dans la rue, ils entendent « Oh, ils parlent deux langues, oh, ils parlent français ou anglais ou allemand, c'est super ! » S'ils parlent arabe, on ne trouve pas ça super. Donc c'est aussi un... un problème, mais ça c'est plus au niveau de la maternelle et où on pense qu'il faut absolument que les enfants apprennent le suédois donc on n'apprécie pas trop si les autres parlent une autre langue et qu'on ne comprenne pas moi quand je travaillais dans la maternelle je me rendais beaucoup compte que mes collègues n'appréciaient pas du tout que je parle français par exemple avec les parents parce qu'elles ne comprenaient pas ce qu'on disait ou trop avec les enfants parce que Merci. Elles avaient peur qu'elles n'apprennent pas le suédois correctement. Et cette peur, elle existe encore dans la société. Ok. Oui.
- Speaker #1
Donc, en fait, c'est bien vu d'être bilingue, mais c'est quand même mieux d'apprendre le suédois.
- Speaker #2
Voilà.
- Speaker #1
C'est difficile que d'aller les deux, je pense.
- Speaker #2
Oui, oui. Mais mes conseils en tant que parent, ben oui, il faut parler le plus possible. Après, j'avais un ami suédois qui disait à ses enfants, parce que mes enfants, elle... Même si je leur parlais français, elles pouvaient me répondre en suédois. Pour moi, ça n'avait pas d'importance. Alors que lui, il disait à ses enfants, je ne comprends pas ce que vous dites. Alors, moi, je lui disais, non, moi, je ne mens pas à mes enfants. Elles savent très bien que je parle suédois. Pourquoi je leur dirais, je ne comprends pas ce que vous dites ? Oui, mais il faut qu'elles apprennent. Et quand ses enfants ont été plus âgés, ils refusaient de lui parler. Alors, ils me téléphonent, mes enfants ne veulent plus me parler.
- Speaker #1
On en rit, mais c'est vrai que c'est quand même un peu triste.
- Speaker #2
Oui, c'est triste.
- Speaker #1
Est-ce que maintenant, ils se reparlent quand même ?
- Speaker #2
Oui, je m'aperçois que de tous les parents, le groupe de parents français où on était, en fait, ses enfants à lui et les enfants d'une autre aussi, dont le père parlait français aussi, donc il parlait français à la maison, et lui aussi, sa femme était suédoise, mais parlait français, donc ils parlaient beaucoup français à la maison, tous ensemble. Les enfants, maintenant adultes, parlent beaucoup, beaucoup mieux français que les miens. Donc, je pense que ça agit beaucoup si les deux parents peuvent parler français entre eux aussi, que les enfants sont baignés dans la langue. Alors que chez moi, j'étais la seule qui parlait français avec elles, donc elles ont moins appris.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a toujours aussi des actions locales pour soutenir le français chez les enfants francophones ? Justement, tu as parlé de ce... C'était quand même maternel, mais qui a fermé. Est-ce que maintenant, il y a d'autres structures ?
- Speaker #2
Je ne sais pas, parce qu'à un moment donné, il y avait aussi une association qui s'appelait la CDI, où on pouvait aller en tant qu'adulte pour rencontrer d'autres adultes, mais aussi avec les enfants, où on fêtait par exemple la fête des rois, ou la fête de Noël, Pâques, tout ça, où il y avait des activités pour les enfants, ça a fermé aussi. Et je vois par exemple sur Facebook, le groupe des Français Recherche. Quelques fois d'autres parents français pour se rencontrer, pour parler ensemble, mais je ne pense pas qu'il y ait une association ou quelque chose de régulier maintenant à Malmeux.
- Speaker #1
D'accord, donc c'est vraiment aux parents, en fait, de faire cette démarche, de trouver d'autres parents, d'être actifs pour garder ce lien, notamment pour les enfants.
- Speaker #2
Oui. Sinon, il y a une maternelle-école à Lund qui est bilingue, enfin même trilingue, où ils parlent anglais, espagnol, français. Mais c'est privé et il faut... Pour les emmener, c'est un peu plus compliqué.
- Speaker #1
Est-ce que tu aurais des conseils spécifiquement pour les grands-parents qui ont déménagé à l'étranger et dont leurs enfants sont nés à l'étranger et qui ont eux-mêmes des petits-enfants et dont les petits-enfants sont la deuxième génération bilingue ? Et on entend souvent, moi c'est vrai que c'est quelque chose que j'ai pas mal entendu, ces petits-enfants ont plus de mal à apprendre le français que les enfants eux-mêmes.
- Speaker #2
Je pense qu'il faut les rencontrer souvent. Si on veut qu'ils apprennent une langue, il faudrait vraiment... D'abord, il faudrait continuer de parler français avec ses propres enfants pour que les petits-enfants entendent aussi la langue continuellement et prennent ça naturellement. Et les rencontrer très souvent parce que même si on les voit une fois par semaine, ce n'est pas suffisant pour leur apprendre une langue. En effet. Donc, très vite, on se rend compte qu'ils ne comprennent pas ce que je dis, donc je le dis en suédois à la place. Et puis, ça prend le dessus. Donc, je pense que oui, continuer de parler avec ses enfants en français très souvent et rencontrer ses petits-enfants souvent.
- Speaker #1
Ce que tous les grands-parents se souhaitent.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Alors, est-ce que tu as des anecdotes sur le bilinguisme de tes filles ? On va rester du coup avec tes filles quand elles étaient plus petites.
- Speaker #2
Eh bien, j'ai une, je sais, ma mère était en Suède, donc en vacances, elle regarde par la fenêtre, il faisait froid et il y avait un jeune qui avait seulement un t-shirt et elle dit « Ah, ben, il est réchauffé celui-là » . Le lendemain, ma fille voit la même chose et elle dit « Ah, il a réchauffé ses habits celui-là, c'est pour ne pas avoir froid » .
- Speaker #1
Ah, c'est mignon, oui.
- Speaker #2
et aussi au téléphone d'une elle lui dit on n'a pas acheté de de sapin de Noël encore parce qu'il n'aurait plus de poils.
- Speaker #1
C'est mignon, oui.
- Speaker #2
C'est les deux choses dont je me souviens qui se rapportent au français. Il y en avait certainement plus, mais c'est ce dont je me souviens. Oui,
- Speaker #1
il y en a certaines qui marquent plus que d'autres, en effet. Eh bien, je te dis merci pour ce témoignage très intéressant. Je suis sûre que ça va intéresser beaucoup de gens, notamment cette vision. comme tu dis, grands-parents qui ont élevé ces enfants bilingues et dont les enfants sont cette deuxième génération bilingue, parce qu'il y en a beaucoup.
- Speaker #2
Oui, oui.
- Speaker #1
Et beaucoup se posent cette question, justement, comment on peut aider ces petits-enfants à maintenir ce rapport avec la France, le français, la culture, etc.
- Speaker #2
D'un autre côté, je pense que c'est plus facile de maintenir la culture parce qu'on continue d'agir en français, même si on devient un peu suédois aussi. mais On va en vacances en France, on a la nourriture, on a la façon de parler et tout. Mais la langue, je pense que c'est plus difficile pour la deuxième génération.
- Speaker #1
En effet, c'est ce qui revient souvent, oui. Oui.
- Speaker #0
Eh bien,
- Speaker #1
merci et au revoir.
- Speaker #2
Merci, au revoir et bonne chance pour les autres.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
J'espère que cet épisode vous a plu et je vous donne rendez-vous bientôt pour un nouvel épisode. N'hésitez pas à me partager en commentaire vos impressions et vos questions. A bientôt !