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20 Divin, le Podcast du Vin

20 Divin #84 Maison Joseph Drouhin, une institution en Bourgogne

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27min |04/11/2025
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20 Divin #84 Maison Joseph Drouhin, une institution en Bourgogne

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27min |04/11/2025
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Description

Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin.


Pour ouvrir le bal, j’ai le plaisir de recevoir Véronique Boss Drouhin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouhin, elle incarne la quatrième génération à la tête d’une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans.


Tout commence en 1880, à Beaune, lorsque Joseph Drouhin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vins. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et ouvre une nouvelle page de l’histoire familiale. Trois ans plus tard, il acquiert la première parcelle de la maison : le mythique « Clos des Mouches », qui deviendra l’un des emblèmes du domaine.


Dans cette première partie d’entretien, nous revisitons l’histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la Maison.


A écouter 🎧 sur toutes les plateformes de podcasts et sur www.20divin.fr


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Transcription

  • Speaker #0

    Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin et pour ouvrir le bal, j'ai le plaisir de recevoir Véronique Boss-Drouin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouin, elle incarne la quatrième génération à la tête d'une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans. Tout commence en 1880 à Beaune, lorsque Joseph Drouin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vin. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et trois ans plus tard, acquirent la première parcelle de la maison le mythique Clos des Mouches, qui deviendra l'un des emblèmes du domaine. Dans cette première partie d'entretien, nous revisitons l'histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la maison. Je m'appelle Philippe Hermé, bienvenue dans Vin Divin. Bonjour Véronique, bienvenue dans Vin Divin et merci de nous recevoir chez vous ici à Beaune. Alors même si la maison a été fondée en 1880 par Joseph Drouin, c'est plutôt à son fils Maurice, votre grand-père, que l'on doit l'essor de la maison.

  • Speaker #1

    Maurice était en fait, lui, plutôt parti dans une carrière militaire. Il se trouve qu'il a hérité de cette petite maison familiale, dont il s'est fort bien et beaucoup occupé. La naissance du domaine Joseph Drouin, c'est lui. En 1921, il fait l'acquisition d'une parcelle dont il aimait beaucoup les vins, qui s'appelle le Clos des Mouches, le Bonne Clos des Mouches. C'est un bon premier cru qui a cette particularité aujourd'hui de faire du pinot noir et du chardonnay. C'est assez rare en Bourgogne sur le même climat. ou le même finage, on est les deux couleurs. Mais Maurice aimait vraiment beaucoup les vins de cet endroit. Et en fait, on oublie qu'à l'époque, donc en 1921, on va dans les vignes avec les chevaux, et il fallait trouver quelque chose, il voulait faire une acquisition, mais ça ne pouvait pas être très très loin de sa cuverie, qui était ici dans le centre de Beaune. Et le Clos des Mouches remplissait toutes les cases de qualité et du côté pratique. La même année, il fait une acquisition qui là était déjà trop loin pour lui personnellement de s'occuper de la vigne. C'est au Clos de Vougeot. Alors là, il a un ami qui s'occupe de faire les travaux viticoles. Par contre, au moment des vendanges, les raisins sont quand même rapatriés, en charrette certainement à l'époque, à la cuverie. Et alors, il y a des histoires extraordinaires avec mon grand-père, qui était vraiment un homme, un grand humaniste, et qui a dévoué beaucoup de son temps à l'Hôtel-Dieu, aux Hospices de Beaune, et bien sûr au développement de la Maison de Rouen. Il parlait bien anglais, il parlait bien allemand. C'est un homme très intelligent et très bon, que je n'ai malheureusement pas connu.

  • Speaker #0

    Et donc je crois aussi qu'il a été caché par les souspices pendant la Seconde Guerre mondiale. Oui,

  • Speaker #1

    c'est en fait une belle histoire, parce que Première Guerre mondiale, Maurice, qui se retrouve sur un champ de bataille, comme beaucoup de jeunes à cette époque-là, voit un jeune soldat qui est mourant, blessé, en tout cas gémissant, et il se dit, bon, c'était l'ennemi, ils vont venir le chercher, leur soldat. Et le lendemain matin, le pauvre jeune est toujours là en train de gémir et là il s'est dit ça c'est pas possible. Donc il a dit à l'ennemi, il a fabriqué avec ce qu'il a trouvé un drapeau blanc en disant vous devez venir prendre soin de votre jeune soldat. Et ils ont cru que c'était un guet-apens, il a dit mais je vais vers lui et vous pourrez faire ce que vous voulez. Et du coup en fait ils sont restés amis, puis la guerre s'est terminée. Et malheureusement, la Deuxième Guerre mondiale arrive, mon grand-père aide la résistance, ce n'était pas très bien vu par l'ennemi, il a été emprisonné en 1942, puis libéré. Mais bon, il a continué des activités de résistant. Là en fait, ce soldat allemand prévient mon grand-père, « Maurice, attention, tu vas être arrêté, probablement fusillé, il faut que tu te planques. » Et donc là, on est le lendemain du D-Day, le 7 juin 1944, et effectivement les Allemands viennent frapper à la porte, mais mon grand-père s'est préparé et il a dit à ma grand-mère, s'ils viennent dans la journée, je suis fichue, s'ils viennent le soir ou dans la nuit... J'ai peut-être une chance de me sauver par les caves. Ce qu'il dit à sa femme, il lui dit tu leur diras s'ils viennent que je suis partie pour affaire à Paris. Ce qu'il dit aux enfants, c'est pas tu leur diras, c'est je vais partir pour affaire à Paris. Donc les Allemands viennent vers 4-5 heures du matin, frappent à la porte, demandent à voir Maurice Douin et ma grand-mère dit il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. Alors il ne la croit pas, ils vont réveiller les enfants. qui eux, assez innocemment, disent « Non, papa, il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. » Donc ils ont eu un petit doute, mais pendant ce temps-là, Maurice est descendu dans les caves et est ressorti par une porte qu'il espérait ne soit pas gardée. Effectivement, il avait raison, parce qu'elle ressortait dans une rue qui s'appelle la rue Paradis et qui est à 30 secondes à pied des hospices. Donc il est parti se cacher là-bas. Alors il ne savait pas combien de temps il allait y rester, mais Beaune a été libéré le 8 septembre 1944. Et donc là, il a pu ressortir. Mais entre-temps, ma grand-mère a dû gérer l'activité. La maison était toute petite, mais il y avait quand même du vin à gérer. Et donc, tout d'un coup, la mère supérieure va souvent, tous les jours, à l'église. Ma grand-mère, qui y allait tous les dimanches, soudainement, y va tous les jours. Et c'est comme ça qu'elle pouvait communiquer avec mon grand-père via Sœur Germain, la mère supérieure. Donc, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires avec Maurice. Malheureusement, en 1957, il a fait un AVC qui l'a laissé paralysé. et là il a appelé Mon père en disant, il faut que tu viennes m'aider. Alors papa était en Algérie. À l'âge de 24 ans, notre père se retrouve ici à diriger une petite maison. Alors lui, complètement autodidacte, quand même formé par son père, parce qu'il était toujours dans ses, on dirait des baskets aujourd'hui, mais à l'époque dans ses godillots pour aller dans les vignes et voir nos partenaires viticoles, puisqu'on a toujours beaucoup acheté de raisins à des amis vignerons. Et puis voilà, et papa a fait beaucoup grandir la maison au niveau du domaine, avec des très belles acquisitions de vignes. On parle du Musini, des Amoureuses, des Bonnemars...

  • Speaker #0

    Ça c'est plutôt début des années 60, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est le début des années 60, exactement.

  • Speaker #0

    Et puis très visionnaire sur le Chablis ? Très visionnaire sur le Chablis. En 68, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que, exactement, Chablis c'est une région extrêmement sinistrée, puisque Chablis n'est pas très loin du bassin parisien, la clientèle des vins de Chablis c'est le bassin parisien. Malheureusement, il y a eu l'ophiloxéra, puis l'oïdium, enfin toutes ces maladies qui ont beaucoup abîmé le vignoble. Il y a eu deux guerres. qui fait que les jeunes, il n'y en avait plus. Les chevaux, il n'y en avait plus. Du matériel ou des produits phytosanitaires, du cuivre ou du sauf, il n'y en avait pas. Donc Chablis, c'était en 68 500 hectares. Et aujourd'hui, Chablis, c'est 5000 hectares. Donc c'est vrai qu'il a été assez visionnaire. Et papa, ça a commencé en 68 avec Chablis et un petit peu en amont avec l'acquisition de ces très belles parcelles. C'est vrai qu'aujourd'hui, c'est extrêmement compliqué en Bourgogne d'acquérir des parcelles. C'est extrêmement cher le foncier. Le foncier est très cher. D'accord.

  • Speaker #0

    Donc on parle de Chablis, ça tombe bien puisqu'on va déguster, non ?

  • Speaker #1

    On va déguster. Alors c'est un Chablis premier cru, 2023. Donc ça c'est un vin qui est 100% de Chablis, qui est bien sûr du Chardonnay. Ça pousse sur des sols extrêmement calcaires et c'est une région un petit peu plus fraîche. Donc ça fait des vins qui sont vibrants, qui ont une acidité assez presque mordante. C'est des vins très ciselés et qui se boivent plutôt dans leur genèse. Moi je ne conseille pas trop aux gens. de garder des Chablis très longtemps. Les grands crus, oui, mais l'appellation Chablis. Et souvent, les degrés alcooliques sont modestes, donc ce ne sont pas des vins loups, ce ne sont pas des vins fatigants.

  • Speaker #0

    Là,

  • Speaker #1

    c'est frais, c'est coulant. Ce sont des vins qui sont très faciles en accord mes vins. Parfois, avec des choses d'ifile, l'asperge, par exemple, ce n'est pas toujours un accord mes vins très simple. Chablis, ça va très bien. On ne pense pas toujours non plus au fromage, le fromage de chèvre, délicieux. Donc, il y a beaucoup d'accords. On sent presque le coquillage, parce que les sols chablisiens, si on se promène, on voit beaucoup de ces petites huîtres fossilisées.

  • Speaker #0

    Il n'est pas finalement si minéral que ça.

  • Speaker #1

    On est sur un millésime 23, qui est quand même un millésime chaud.

  • Speaker #0

    Un peu solaire, oui. Oui, qui est assez solaire. Mais c'est très agréable.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il a quand même beaucoup de fraîcheur, je trouve, pour un millésime. Alors, 23, ça a été chaud, mais j'allais dire dans la fin de sa vie. Mais je suis quand même assez contente qu'on ait réussi à faire, sur 2023, des vins qui ont une jolie fraîcheur. Malgré ce petit dôme de chaleur qu'on a eu.

  • Speaker #0

    Très agréable. Pour revenir sur la fratrie, votre frère Enéphipe que j'ai rencontré l'année dernière au Clos-Vougeot, c'est lui qui a introduit la biodynamie assez tôt chez vous ?

  • Speaker #1

    Oui, il a été dans le groupe des premières personnes qui ont réfléchi à cette viticulture. Ils étaient très contrariés par les recettes qui étaient données par les ingénieurs agro. Ils se sont dit assez rapidement qu'on l'envalait dans le mur. C'était très visionnaire aussi. A l'époque, c'est Frédéric Lafarge, Dominique Laffont, Aubert de Villene, Anne-Claude Leflaire. Ce petit noyau se met à réfléchir à des alternatives. Il y avait déjà quelques personnes, on n'appelait pas ça de la bio, mais qui travaillaient avec des produits naturels, donc pas des produits de synthèse. Philippe a dit, je me souviens très bien, qu'un jour il a dit, j'aimerais bien vous parler. Je voudrais qu'on passe le domaine en culture bio. C'est vraiment le tout début où on parle de ces pratiques viticoles très respectueuses de l'environnement. Et il a dit, ce n'est pas sans risque, on risque probablement de perdre de la récolte, ce qui a été le cas, mais on ne polluera plus nos sols, on va réapprendre aux vignes à se défendre elles-mêmes contre les agressions extérieures. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait rien, on a bien sûr continué à utiliser du soufre et du cuivre, ce qui est toujours le cas parce qu'on n'a rien trouvé de naturel pour remplacer ces deux produits, qui eux sont des produits naturels. Par contre, on s'est interdit d'utiliser des produits de synthèse. Quand on dit des produits de synthèse, c'est-à-dire des produits qu'on appelle systémiques. Et systémiques, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça rentre dans le système de la plante. Elle n'a pas le choix, la plante, que de prendre ses produits. Alors c'est vrai que ça la protège. Alors que les produits bio ou biodynamie, puisqu'après on a poursuivi sur la biodynamie, en fait on va appliquer ce soufre ou ce cuivre, ou des préparations qu'on appelle de la 501, c'est de la bouse de corde, on va prendre des choses qui paraissent un peu ésotériques mais en fait qui marchent, où là on applique ça sur le raisin. Avec l'inconvénient, s'il pleut, c'est comme quand on a du savon et qu'on va sous la douche, ça part et il faut recommencer. Donc c'est une viticulture qui demande beaucoup de présence dans les vignes, beaucoup d'attention, beaucoup de connaissances. Donc c'est pas dire on ne fait plus rien, on fait presque plus parce qu'on est beaucoup plus proche de la culture de la vigne.

  • Speaker #0

    Donc là on va déguster le Saint-Romain.

  • Speaker #1

    On déguste le Saint-Romain. J'ai choisi ce vin parce que c'est la dernière acquisition de la famille. Donc, sa roman se trouve entre... Meursault et un village qui s'appelle Montcli, on part un petit peu dans le fond d'une vallée et on monte un peu en altitude. Donc ça c'est un vignoble qui est plutôt en altitude, donc là on est sur le blanc, ça en même produit des blancs et des rouges. Moi je suis plus attirée par les blancs que par les rouges, qui parfois ont des fins de maturité compliquées. Par contre sur les blancs je trouve que c'est des vins qui ont énormément de fraîcheur et sur ces millésimes qui commencent à être chauds et on en aura de plus en plus. Là on a un équilibre, on a une élégance. qui est très classique de ces chardonnays de notre Côte d'Or. Et ça, c'est un vin qui est vinifié en fûts de 500 litres. Donc, c'est des fûts qui sont plus gros que le fût classique de 228 litres parce que là, on a une belle adéquation entre le volume de vin et la quantité de bois. C'est-à-dire qu'on va avoir un petit peu moins de bois par rapport au volume de vin. Donc, on a essayé plusieurs choses et on trouvait que c'est un ratio qui allait bien. Bien sûr, ce n'est pas des fûts neufs. Il y a peut-être 10% de bois neufs. Et là, on fait très attention aussi. à ne pas utiliser trop de fût neuf.

  • Speaker #0

    Assez rond, hein ?

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est assez rond, c'est assez élégant, c'est une jolie finale. C'est un vin très délicat. Et je pense que c'est important qu'on fasse connaître ces vins au public parce que la Bourgogne a cette réputation d'être chère, elle l'est. Mais c'est vraiment ce haut de gamme des premiers crus ou des villages célèbres, Merceau, Pligny-Chassagne, ça fait des vins délicieux, mais qui deviennent quand même assez chers. Et je trouve que c'est très important parce qu'ils existent et qu'ils sont bons et qu'ils sont... disponible et abordable, qu'on fasse connaître ces vins-là.

  • Speaker #0

    On est sur quelle gamme de prix ? On est sur

  • Speaker #1

    35 euros TTC.

  • Speaker #0

    On ne va pas tout seul. Aujourd'hui, vous êtes quatre à gérer le domaine Joseph Drouin. Est-ce que ce n'est pas compliqué de travailler en famille ? En fait,

  • Speaker #1

    on a très souvent la question, mais honnêtement, je trouve que c'est plutôt une chance et une force. Bon, on a la chance de très bien s'entendre, on a la chance aussi que chacun ne va pas marcher sur les plates-bandes des autres. Philippe, c'est les vignes, moi c'est les vins, Laurent c'est plutôt la commercialisation, Frédéric c'est plutôt le management. Mais j'avoue quand même que c'est aussi une direction presque collégiale, parce que quand on va acheter une vigne de Saint-Romain, Frédéric Padillé, où je vais acheter une vigne sans main. investissement, c'est des emprunts. Voilà, donc là, bien sûr, il va demander l'accord de la famille, et même mon père qui a 91 ans, on va lui demander son avis parce qu'il est toujours très passionné par ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors pour revenir à la Bourgogne, vous avez quand même un domaine qui est incroyable. Donc vous avez... J'ai compté, vous avez 21 grands crus bourguignons, c'est quand même énorme. Avec des noms effectivement très très connus, les Bonnemars, les Echezeaux, Chambertin, Claude Baize, etc. 47 premiers crus, j'ai vu. Donc là, Chambol-Musigny qui est quand même l'une de vos appellations préférées, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on adore les vins de Chambol. Et je pense que c'est un peu un héritage de notre grand-père Maurice. Joseph peut-être aussi mais je ne sais pas mais en tout cas Maurice aimait beaucoup les vins de Chambol et notre père adore les vins de Chambol d'ailleurs c'est pour ça qu'ils ont essayé de faire des acquisitions et à l'époque c'était possible donc du musini, des amoureuses des Chambol beaux vous dites que c'est le cachemire de la Bourgogne oui moi je trouve que c'est le cachemire de la Bourgogne mon frère m'a dit un jour ah mais j'aime bien cette expression parce que pour décrire cette qualité de tannin parce que les vins de Chambol en fait c'est vraiment oui on pourrait dire du velours ou de la soie mais je trouve que c'est plus que ça parce que c'est un côté très soyeux et très caressant, mais en même temps, il y a une belle matière dans ces vins. Mais c'est des tannins sans qu'ils soient tanniques. Donc, c'est pour ça qu'ils vieillissent bien. Mais on a ce côté très... Ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, le grain du tannin, qui est très coulant, très soyeux. C'est vraiment des vins hyper délicats et extrêmement complexes et raffinés.

  • Speaker #0

    Vous avez une centaine d'appellations, on l'a dit. Certaines ne sont pas à votre propriété, c'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, on est toujours... Mon rachet,

  • Speaker #0

    ce n'est pas vous qui possédez, mais vous. Vous vinifiez, vous récoltez ?

  • Speaker #1

    On récolte, on vinifie, donc ça c'est un bel exemple de partenariat.

  • Speaker #0

    De négoce intégré, je dirais. Oui,

  • Speaker #1

    de négoce intégré, c'est vrai que malheureusement le ménégociant n'est pas toujours très bien vu, je veux dire en France, et peut-être pour des bonnes raisons. époque les négociants étaient un peu pas tous mais certains bon on achetait un peu ce qu'on trouve on n'était pas trop regardant de la qualité et puis on commercialisait ça mais il y a quand même beaucoup de négociants très sérieux.

  • Speaker #0

    Il y a une différence aussi importante entre le négociant bordelais et le négociant bourguignon.

  • Speaker #1

    Ah oui, énorme. En fait, c'est le même mot pour deux métiers complètement différents. Le négociant bordelais, il achète des caisses de vin, donc il n'a jamais touché un raisin, il a du vin. Il achète des caisses qu'il va vendre pour le château, c'est un commerçant. Le négociant bourguignon va acheter des raisins ou du vin en vrac ou du mou et va vinifier, élever, mettre en bouteille. Donc vous faites le négociant... Comme en Champagne, quoi, finalement. Comme en Champagne. Ce qu'on appelle le négociant éleveur. Et en fait, nous, ce qu'on a beaucoup développé, c'est le partenariat. Dans toutes les appellations, on a j'allais dire pris premier cru, grand cru, c'est peut-être 80% du domaine. Et si on est sur Bourgogne et Villages, c'est 80% d'approvisionnement par des achats de raisons. C'est à peu près ça le ratio.

  • Speaker #0

    Alors on va parler un petit peu de vous. Comment vous faites en tant qu'œnologue de la famille depuis... 38 ans je crois, comment vous faites pour gérer sans appellation en tant qu'œnologue ? C'est un boulot de dingue !

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est beaucoup de travail et parfois on a des amis bordelais qui viennent et disent mais c'est un truc de fou, c'est incroyable ce que vous faites ici, on en a trois, on a trois vingt dans la cave. des volumes beaucoup plus conséquents que nous, c'est vraiment une discipline. C'est une discipline, il faut beaucoup déguster. Nous, le lundi, c'est la journée dégustation. Donc tous les lundis matins, l'équipe prend des échantillons. On ne va pas dans la cave avec la pipette parce que c'est trop fastidieux et on le déguste plutôt. pas assez bien, et surtout on fait prendre des échantillons, parce que parfois c'est une pièce, trois pièces, dix pièces, quinze pièces, de chaque appellation. Alors on ne fait pas tout toutes les semaines, on fait une semaine les blancs, une semaine les rouges. Mais ça fait, en cave, il y a peut-être à peu près 400 lots de vins différents, mais parfois effectivement c'est une pièce, c'est-à-dire 300 bouteilles, mais il faut quand même le déguster, et on déguste pour voir si tout va bien, si c'est le temps de soutirer, ou si c'est le temps de mettre en bouteille, ou si on a une appellation, on se dit, « Ouh, il n'est pas digne de son appellation, est-ce qu'on ne doit pas le rendre ? » replier, c'est-à-dire on va le déclasser dans une appellation inférieure. Ça, c'est très important de le faire pour maintenir la qualité des vins. Donc c'est une grosse partie de... c'est une grosse discipline et d'expérience. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup dégusté avec mon père. D'accord. On est quatre chronologues à la maison. On a un directeur technique, donc qui est vraiment le pilote et c'est lui qui est derrière, j'allais dire, tous les vins de la maison de moi. Il s'appelle Jérôme Forbrac. On travaille très bien en binôme mais comme moi, j'ai aussi l'Oregon que je voyage, lui, il est là tous les jours. D'accord. Donc c'est Jérôme vraiment qui pilote la cuverie, donc l'équipe et les vins. Et là, il a un palais aussi fabuleux et il a une connaissance des terroirs parce que c'est important en fait. Parce que quand je vais mettre un bouchon dans un morceau, c'est moi qui dois savoir que c'est vraiment un morceau, c'est pas à vous. Quand vous allez le goûter, vous devez vous dire, je goûte un morceau, c'est ça un morceau. Moi, il faut que quand je l'ai mis en bouteille, je me dise, ça c'est typique de l'appellation. Donc, on dit en anglais le sense of place, le lieu est super important. Donc c'est pour ça qu'on a toutes ces appellations, mais elles sont toutes un peu différentes. Le clou des mouches va être différent du clou de bougeot. Parce que le sous-sol est un petit peu différent, le microclimat est différent.

  • Speaker #0

    Alors il y a... J'ai entendu ou lu qu'il y a une femme qui vous a beaucoup inspirée qui s'appelle Laurence Jobard. Parlez-nous un petit peu de cette onologue.

  • Speaker #1

    Oui, Laurence qui est toujours de ce monde, qui est une femme merveilleuse. Et c'est vrai que moi j'ai grandi dans un univers très masculin. Mon père, maman qui était là et qui recevait beaucoup, qui était excellente cuisinière. J'ai trois frères, mon père est globalement dans la cuverie ou dans la cab, il n'y a que des hommes. Donc je me suis dit très tôt, ça c'est pas un truc que je ferais, moi je ne vais pas aller travailler dans l'entreprise familiale. Et quand j'ai 10 ans, la maison a grossi, mon père a besoin d'aide, il commence à embaucher du monde pour l'aider, directeur France, directeur Export, et une jeune femme pour faire les analyses dans un petit laboratoire qu'il crée. Et puis il se dit, au fond, je ne vais pas déguster tout seul, Laurence, vous allez déguster avec moi. Fille de vigneron, de pommard. Et là, il se rend compte qu'elle a des sacrées dispositions de dégustation, et il lui dit, mais Laurence, allez suivre des cours d'œnologie à Dijon. Son père, elle, lui dit, non mais une femme, ça ne devient pas une ologue, tu vois. Mais elle y va quand même. Et donc, très jeune, c'est une des premières femmes diplômées oenologues, travaille de plus en plus en binôme avec mon père, et puis reprend petit à petit vraiment ce que fait Jérôme, les vinifications. Et donc moi j'ai 10 ans, arrive une femme dans cet univers, et elle comme mon père m'ont beaucoup encouragée, moi j'ai beaucoup dégusté avec elle, j'ai beaucoup appris. J'ai travaillé pendant 5 ans dans le labo, j'étais la petite main avec une de mes très bonnes amies qui maintenant travaille pour nous en Oregon. Ils ont passé notre temps à déguster, on a beaucoup appris.

  • Speaker #0

    D'accord, alors on a évoqué tout à l'heure le réchauffement climatique, qui est un problème pour tout le monde. Est-ce que le Pinot Noir sera encore le cépage phare de la Bourgogne dans 20 ans ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je l'espère, mais après, est-ce que je peux mettre ma main à couper qu'il le sera ? Je pense que les vignes ont une certaine résilience et qu'elles s'adaptent. Elles se sont adaptées à beaucoup de choses, mais on ne peut pas s'interdire d'imaginer d'autres cépages. C'est-à-dire qu'on continue à faire notre Pinot et on espère que... Il va s'adapter. Et nous, je pense qu'on a aussi des pistes agronomiques. Parce que le problème, c'est vendanger plus tôt. En soi, ce n'est pas grave, c'est même bien. On vendange un petit peu plus tôt. Le problème, c'est les degrés d'alcool qui commencent à être... Mon père, il chaptalisait pratiquement tous les ans. On est plutôt à se dire, comment on fait pour ne pas avoir trop d'alcool ? Vendanger plus tôt, c'est une piste, mais ce n'est pas une super solution parce que ça oblige à vendanger des raisins pas tout à fait mûrs. Et franchement, des raisins pas tout à fait mûrs, surtout en rouge, ça ne fait pas très bon.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas terrible, non ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas terrible, c'est végétal. Après, on peut travailler sur, par exemple, la hauteur de rognage, pour faire de l'ombre portée, pour faire un peu parasol. On peut travailler sur l'effeuillage, effeuillé ou pas effeuillé, laisser les feuilles qui font aussi parasol. Donc on a quand même des choses. Des techniques. On peut travailler sur les sélections clonales, pour que les vignes débourent un petit peu plus tard. Donc voilà, oui, il y a des pistes, mais c'est vrai qu'il faut s'en occuper. Des portes-grèves qui sont plus adaptées. On commence à utiliser les portes-grèves méditerranéens ici, qui sont beaucoup moins sensibles à la sécheresse. Parce qu'il ne faut pas oublier, en Oregon, on a beaucoup de chance. L'irrigation est autorisée. On a très peu de législation. Ici, tout est interdit. On ne peut pas irriguer, on ne peut pas remettre de l'eau dans les cuves, ce qui est assez courant aux Etats-Unis. Donc, il faut vraiment faire. Peut-être que ça évoluera aussi. Donc là, on déguste peut-être le vin le plus connu de la maison.

  • Speaker #0

    Le Clos des Mouches.

  • Speaker #1

    Ou en tout cas le clou des mouches, le fameux clou des mouches.

  • Speaker #0

    2022.

  • Speaker #1

    Et pour la petite histoire, le nom du Clos des Mouches, c'était les mouches à miel. C'était un clos où il y avait des abeilles, enfin des ruches. Et donc, c'est le vieux nom français de l'abeille, la mouche à miel. Et voilà. Souvent, je l'explique parce qu'on se dit, oh, la mouche, c'est quand même pas très...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas très vendeur.

  • Speaker #1

    C'est pas très poétique, mais en fait, c'est l'abeille. Les petites...

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Les petites abeilles qui volent sur l'étiquette. Ouais. Donc ce fameux clou des mouches acheté par Maurice en 1921. C'est vrai que c'est...

  • Speaker #0

    C'était vraiment le début de l'aventure. Oui,

  • Speaker #1

    c'est le début de l'aventure du domaine. C'est vraiment un vignoble. Et alors, bon, là, je vous ai fait goûter le rouge, mais il y a le blanc qui est en chardonnay, et c'est pareil, c'est vraiment un grand vin. Et j'espère que dans 20 ans, on continuera à produire des choses comme ça. Vous voyez la finale, ça, c'est ce qu'on appelle, nous, la finesse, la longueur en bouche.

  • Speaker #0

    C'est excellent. Alors justement, ça me fait penser à une anecdote. Quand Maurice achète le Clos des Mouches, il se trouve qu'il replante du chardonnay, c'est ça je crois ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'avant le phylloxéra, qui a vraiment détruit tous les vignobles, il a lu dans les archives qu'au Clos des Mouches, il n'y avait pas que du pinot noir, il y avait du pinot gris, du pinot bureau et du chardonnay. Mais s'il dit qu'ils avaient mis du blanc, il va y avoir une raison. il a planté une petite parcelle. Et quand il a fait en 1928 ses deux premières pièces, et qu'il a dégusté le vin, il l'a trouvé excellent. Et là, il s'est dit, mais... Et c'est parti comme ça en fait.

  • Speaker #0

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet.

  • Speaker #1

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet, qui est propriétaire de chez Maxime.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Eugène adore le vin, il lui dit Maurice c'est délicieux, est-ce que je peux avoir l'exclusivité de ton clou de mouche blanc ? Et mon grand-père je crois aurait répondu, bah écoute, je vais en garder un petit peu pour nous, mais oui. Et donc pendant quelques années, je ne sais pas combien de temps, Maxime a eu l'exclusivité, et à l'époque Maxime c'était, comme on dit, the place to be seen. et il y avait beaucoup de... personne un peu connue, on l'appellerait les people aujourd'hui, mais aussi des têtes couronnées, enfin voilà. Et c'est vrai que ça a beaucoup contribué à faire connaître le clos des mouches.

  • Speaker #0

    Mais vous avez eu quelques clients illustres, notamment un, qui s'appelle Alfred Hitchcock.

  • Speaker #1

    Je me souviens d'un matin, mon père descend en disant, parce que le téléphone en plus à l'époque, c'était pas le portable de maintenant, et Hitchcock a appelé mon père pendant la nuit en lui disant... Hello Robert, I cannot find my Morachet. Alors en fait, il voulait des bouteilles de Morachet, il n'a pas du tout pensé au décalage horaire. Et mon père lui a répondu, je vais m'en occuper, ne vous inquiétez pas. Et voilà. Et il y a lui, dans les connus, il y a Louis de Funès.

  • Speaker #0

    Ah, Louis de Funès !

  • Speaker #1

    Louis de Funès qui était bon client de la maison et qui passait du temps à parler autant de son potager que des vins avec mon père.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, il y a une région sur laquelle vous aimeriez implanter le domaine ?

  • Speaker #1

    pas forcément en France oui oui franchement si j'avais de nouveau 25 ans je tenterais l'expérience je referais l'Oregon mais je tenterais l'expérience en Nouvelle-Zélande alors je n'y suis jamais allée j'ai eu beaucoup de stagiaires de là-bas j'ai dégusté pas mal de vin moi aussi j'ai eu l'occasion de déguster ils font des choses incroyables ils font des choses incroyables au Pinot Noir bon bien sûr le Sauvignon Blanc mais au Pinot Noir il y a des trucs incroyables

  • Speaker #0

    Donc là, on termine par ?

  • Speaker #1

    Alors, on termine par le Clos de Vougeot. C'est évidemment un château, on n'en a pas beaucoup en Bourgogne. On est très fiers des quelques châteaux qu'on a. Et le Clos de Vougeot est quand même, dans l'histoire de la Bourgogne, un endroit un peu mythique. C'est quand même le berceau de la viticulture bourguignonne, parce que c'est moine de Citeaux. Donc, c'est moine de Citeaux, c'est le berceau des Cisterciens. Citeaux ça vient de Sistel C'est un roseau, ils se sont mis dans des zones marécageuses, puis ils revenaient à une vie d'austérité. Et ils ont été les courageux qui ont défriché, planté et construit ce beau cellier au Clos de Vougeot. Alors il y a eu pendant longtemps, le Clos de Vougeot c'est 50 hectares, mais aujourd'hui c'est 80 propriétaires.

  • Speaker #0

    Ah oui quand même !

  • Speaker #1

    Donc voilà, on est toujours très fiers quand on peut ouvrir une bouteille de Clos de Vougeot. C'est aussi la confrérie des chevaliers du Tastevin, à son siège social au château du Comte, donc tous les chapitres. C'est un bel endroit. À Clos-Vougeot, on est en côte de nuit, on est sur un terroir. C'est marrant parce qu'on est à deux pas du Musigny. C'est très différent en nature de vin. On a un peu plus de structure. C'est des vins plus sérieux. Le style de Rouen, dans tous nos vins, on essaie d'amener de l'élégance. Là, il a le côté épicé. Mais comme c'est un grand cru, c'est un joli millésime, on a un peu travaillé avec l'avandange entière. Vous le sentez, ce côté un peu épice. Avec le temps, ça va aller sur des notes de... De rose, de pétales de rose, ça fait assez très complexe. Alors ça peut surprendre, ce côté un peu épicé peut surprendre à sa jeunesse, mais on le sait, au vieillissement, c'est superbe.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien.

  • Speaker #0

    Et à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Vous êtes toujours plus nombreux à suivre ce podcast. Si vous souhaitez en savoir plus sur le domaine drouin, rendez-vous sur 20divin.fr. Si vous avez apprécié ce contenu, partagez-le autour de vous. Abonnez-vous à 20divin sur les plateformes de podcast ou sur les réseaux sociaux. et créditez-nous de 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. C'est important pour remonter dans les classements. Ce contenu a été créé avec le soutien de Alma, société de conseils en croissance digitale. Dans le prochain épisode, nous retrouverons la suite de cet entretien avec Véronique Drouin, qui nous emmènera dans l'Oregon, sur la côte ouest des Etats-Unis. En attendant, portez-vous bien.

Description

Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin.


Pour ouvrir le bal, j’ai le plaisir de recevoir Véronique Boss Drouhin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouhin, elle incarne la quatrième génération à la tête d’une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans.


Tout commence en 1880, à Beaune, lorsque Joseph Drouhin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vins. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et ouvre une nouvelle page de l’histoire familiale. Trois ans plus tard, il acquiert la première parcelle de la maison : le mythique « Clos des Mouches », qui deviendra l’un des emblèmes du domaine.


Dans cette première partie d’entretien, nous revisitons l’histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la Maison.


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Transcription

  • Speaker #0

    Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin et pour ouvrir le bal, j'ai le plaisir de recevoir Véronique Boss-Drouin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouin, elle incarne la quatrième génération à la tête d'une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans. Tout commence en 1880 à Beaune, lorsque Joseph Drouin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vin. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et trois ans plus tard, acquirent la première parcelle de la maison le mythique Clos des Mouches, qui deviendra l'un des emblèmes du domaine. Dans cette première partie d'entretien, nous revisitons l'histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la maison. Je m'appelle Philippe Hermé, bienvenue dans Vin Divin. Bonjour Véronique, bienvenue dans Vin Divin et merci de nous recevoir chez vous ici à Beaune. Alors même si la maison a été fondée en 1880 par Joseph Drouin, c'est plutôt à son fils Maurice, votre grand-père, que l'on doit l'essor de la maison.

  • Speaker #1

    Maurice était en fait, lui, plutôt parti dans une carrière militaire. Il se trouve qu'il a hérité de cette petite maison familiale, dont il s'est fort bien et beaucoup occupé. La naissance du domaine Joseph Drouin, c'est lui. En 1921, il fait l'acquisition d'une parcelle dont il aimait beaucoup les vins, qui s'appelle le Clos des Mouches, le Bonne Clos des Mouches. C'est un bon premier cru qui a cette particularité aujourd'hui de faire du pinot noir et du chardonnay. C'est assez rare en Bourgogne sur le même climat. ou le même finage, on est les deux couleurs. Mais Maurice aimait vraiment beaucoup les vins de cet endroit. Et en fait, on oublie qu'à l'époque, donc en 1921, on va dans les vignes avec les chevaux, et il fallait trouver quelque chose, il voulait faire une acquisition, mais ça ne pouvait pas être très très loin de sa cuverie, qui était ici dans le centre de Beaune. Et le Clos des Mouches remplissait toutes les cases de qualité et du côté pratique. La même année, il fait une acquisition qui là était déjà trop loin pour lui personnellement de s'occuper de la vigne. C'est au Clos de Vougeot. Alors là, il a un ami qui s'occupe de faire les travaux viticoles. Par contre, au moment des vendanges, les raisins sont quand même rapatriés, en charrette certainement à l'époque, à la cuverie. Et alors, il y a des histoires extraordinaires avec mon grand-père, qui était vraiment un homme, un grand humaniste, et qui a dévoué beaucoup de son temps à l'Hôtel-Dieu, aux Hospices de Beaune, et bien sûr au développement de la Maison de Rouen. Il parlait bien anglais, il parlait bien allemand. C'est un homme très intelligent et très bon, que je n'ai malheureusement pas connu.

  • Speaker #0

    Et donc je crois aussi qu'il a été caché par les souspices pendant la Seconde Guerre mondiale. Oui,

  • Speaker #1

    c'est en fait une belle histoire, parce que Première Guerre mondiale, Maurice, qui se retrouve sur un champ de bataille, comme beaucoup de jeunes à cette époque-là, voit un jeune soldat qui est mourant, blessé, en tout cas gémissant, et il se dit, bon, c'était l'ennemi, ils vont venir le chercher, leur soldat. Et le lendemain matin, le pauvre jeune est toujours là en train de gémir et là il s'est dit ça c'est pas possible. Donc il a dit à l'ennemi, il a fabriqué avec ce qu'il a trouvé un drapeau blanc en disant vous devez venir prendre soin de votre jeune soldat. Et ils ont cru que c'était un guet-apens, il a dit mais je vais vers lui et vous pourrez faire ce que vous voulez. Et du coup en fait ils sont restés amis, puis la guerre s'est terminée. Et malheureusement, la Deuxième Guerre mondiale arrive, mon grand-père aide la résistance, ce n'était pas très bien vu par l'ennemi, il a été emprisonné en 1942, puis libéré. Mais bon, il a continué des activités de résistant. Là en fait, ce soldat allemand prévient mon grand-père, « Maurice, attention, tu vas être arrêté, probablement fusillé, il faut que tu te planques. » Et donc là, on est le lendemain du D-Day, le 7 juin 1944, et effectivement les Allemands viennent frapper à la porte, mais mon grand-père s'est préparé et il a dit à ma grand-mère, s'ils viennent dans la journée, je suis fichue, s'ils viennent le soir ou dans la nuit... J'ai peut-être une chance de me sauver par les caves. Ce qu'il dit à sa femme, il lui dit tu leur diras s'ils viennent que je suis partie pour affaire à Paris. Ce qu'il dit aux enfants, c'est pas tu leur diras, c'est je vais partir pour affaire à Paris. Donc les Allemands viennent vers 4-5 heures du matin, frappent à la porte, demandent à voir Maurice Douin et ma grand-mère dit il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. Alors il ne la croit pas, ils vont réveiller les enfants. qui eux, assez innocemment, disent « Non, papa, il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. » Donc ils ont eu un petit doute, mais pendant ce temps-là, Maurice est descendu dans les caves et est ressorti par une porte qu'il espérait ne soit pas gardée. Effectivement, il avait raison, parce qu'elle ressortait dans une rue qui s'appelle la rue Paradis et qui est à 30 secondes à pied des hospices. Donc il est parti se cacher là-bas. Alors il ne savait pas combien de temps il allait y rester, mais Beaune a été libéré le 8 septembre 1944. Et donc là, il a pu ressortir. Mais entre-temps, ma grand-mère a dû gérer l'activité. La maison était toute petite, mais il y avait quand même du vin à gérer. Et donc, tout d'un coup, la mère supérieure va souvent, tous les jours, à l'église. Ma grand-mère, qui y allait tous les dimanches, soudainement, y va tous les jours. Et c'est comme ça qu'elle pouvait communiquer avec mon grand-père via Sœur Germain, la mère supérieure. Donc, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires avec Maurice. Malheureusement, en 1957, il a fait un AVC qui l'a laissé paralysé. et là il a appelé Mon père en disant, il faut que tu viennes m'aider. Alors papa était en Algérie. À l'âge de 24 ans, notre père se retrouve ici à diriger une petite maison. Alors lui, complètement autodidacte, quand même formé par son père, parce qu'il était toujours dans ses, on dirait des baskets aujourd'hui, mais à l'époque dans ses godillots pour aller dans les vignes et voir nos partenaires viticoles, puisqu'on a toujours beaucoup acheté de raisins à des amis vignerons. Et puis voilà, et papa a fait beaucoup grandir la maison au niveau du domaine, avec des très belles acquisitions de vignes. On parle du Musini, des Amoureuses, des Bonnemars...

  • Speaker #0

    Ça c'est plutôt début des années 60, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est le début des années 60, exactement.

  • Speaker #0

    Et puis très visionnaire sur le Chablis ? Très visionnaire sur le Chablis. En 68, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que, exactement, Chablis c'est une région extrêmement sinistrée, puisque Chablis n'est pas très loin du bassin parisien, la clientèle des vins de Chablis c'est le bassin parisien. Malheureusement, il y a eu l'ophiloxéra, puis l'oïdium, enfin toutes ces maladies qui ont beaucoup abîmé le vignoble. Il y a eu deux guerres. qui fait que les jeunes, il n'y en avait plus. Les chevaux, il n'y en avait plus. Du matériel ou des produits phytosanitaires, du cuivre ou du sauf, il n'y en avait pas. Donc Chablis, c'était en 68 500 hectares. Et aujourd'hui, Chablis, c'est 5000 hectares. Donc c'est vrai qu'il a été assez visionnaire. Et papa, ça a commencé en 68 avec Chablis et un petit peu en amont avec l'acquisition de ces très belles parcelles. C'est vrai qu'aujourd'hui, c'est extrêmement compliqué en Bourgogne d'acquérir des parcelles. C'est extrêmement cher le foncier. Le foncier est très cher. D'accord.

  • Speaker #0

    Donc on parle de Chablis, ça tombe bien puisqu'on va déguster, non ?

  • Speaker #1

    On va déguster. Alors c'est un Chablis premier cru, 2023. Donc ça c'est un vin qui est 100% de Chablis, qui est bien sûr du Chardonnay. Ça pousse sur des sols extrêmement calcaires et c'est une région un petit peu plus fraîche. Donc ça fait des vins qui sont vibrants, qui ont une acidité assez presque mordante. C'est des vins très ciselés et qui se boivent plutôt dans leur genèse. Moi je ne conseille pas trop aux gens. de garder des Chablis très longtemps. Les grands crus, oui, mais l'appellation Chablis. Et souvent, les degrés alcooliques sont modestes, donc ce ne sont pas des vins loups, ce ne sont pas des vins fatigants.

  • Speaker #0

    Là,

  • Speaker #1

    c'est frais, c'est coulant. Ce sont des vins qui sont très faciles en accord mes vins. Parfois, avec des choses d'ifile, l'asperge, par exemple, ce n'est pas toujours un accord mes vins très simple. Chablis, ça va très bien. On ne pense pas toujours non plus au fromage, le fromage de chèvre, délicieux. Donc, il y a beaucoup d'accords. On sent presque le coquillage, parce que les sols chablisiens, si on se promène, on voit beaucoup de ces petites huîtres fossilisées.

  • Speaker #0

    Il n'est pas finalement si minéral que ça.

  • Speaker #1

    On est sur un millésime 23, qui est quand même un millésime chaud.

  • Speaker #0

    Un peu solaire, oui. Oui, qui est assez solaire. Mais c'est très agréable.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il a quand même beaucoup de fraîcheur, je trouve, pour un millésime. Alors, 23, ça a été chaud, mais j'allais dire dans la fin de sa vie. Mais je suis quand même assez contente qu'on ait réussi à faire, sur 2023, des vins qui ont une jolie fraîcheur. Malgré ce petit dôme de chaleur qu'on a eu.

  • Speaker #0

    Très agréable. Pour revenir sur la fratrie, votre frère Enéphipe que j'ai rencontré l'année dernière au Clos-Vougeot, c'est lui qui a introduit la biodynamie assez tôt chez vous ?

  • Speaker #1

    Oui, il a été dans le groupe des premières personnes qui ont réfléchi à cette viticulture. Ils étaient très contrariés par les recettes qui étaient données par les ingénieurs agro. Ils se sont dit assez rapidement qu'on l'envalait dans le mur. C'était très visionnaire aussi. A l'époque, c'est Frédéric Lafarge, Dominique Laffont, Aubert de Villene, Anne-Claude Leflaire. Ce petit noyau se met à réfléchir à des alternatives. Il y avait déjà quelques personnes, on n'appelait pas ça de la bio, mais qui travaillaient avec des produits naturels, donc pas des produits de synthèse. Philippe a dit, je me souviens très bien, qu'un jour il a dit, j'aimerais bien vous parler. Je voudrais qu'on passe le domaine en culture bio. C'est vraiment le tout début où on parle de ces pratiques viticoles très respectueuses de l'environnement. Et il a dit, ce n'est pas sans risque, on risque probablement de perdre de la récolte, ce qui a été le cas, mais on ne polluera plus nos sols, on va réapprendre aux vignes à se défendre elles-mêmes contre les agressions extérieures. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait rien, on a bien sûr continué à utiliser du soufre et du cuivre, ce qui est toujours le cas parce qu'on n'a rien trouvé de naturel pour remplacer ces deux produits, qui eux sont des produits naturels. Par contre, on s'est interdit d'utiliser des produits de synthèse. Quand on dit des produits de synthèse, c'est-à-dire des produits qu'on appelle systémiques. Et systémiques, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça rentre dans le système de la plante. Elle n'a pas le choix, la plante, que de prendre ses produits. Alors c'est vrai que ça la protège. Alors que les produits bio ou biodynamie, puisqu'après on a poursuivi sur la biodynamie, en fait on va appliquer ce soufre ou ce cuivre, ou des préparations qu'on appelle de la 501, c'est de la bouse de corde, on va prendre des choses qui paraissent un peu ésotériques mais en fait qui marchent, où là on applique ça sur le raisin. Avec l'inconvénient, s'il pleut, c'est comme quand on a du savon et qu'on va sous la douche, ça part et il faut recommencer. Donc c'est une viticulture qui demande beaucoup de présence dans les vignes, beaucoup d'attention, beaucoup de connaissances. Donc c'est pas dire on ne fait plus rien, on fait presque plus parce qu'on est beaucoup plus proche de la culture de la vigne.

  • Speaker #0

    Donc là on va déguster le Saint-Romain.

  • Speaker #1

    On déguste le Saint-Romain. J'ai choisi ce vin parce que c'est la dernière acquisition de la famille. Donc, sa roman se trouve entre... Meursault et un village qui s'appelle Montcli, on part un petit peu dans le fond d'une vallée et on monte un peu en altitude. Donc ça c'est un vignoble qui est plutôt en altitude, donc là on est sur le blanc, ça en même produit des blancs et des rouges. Moi je suis plus attirée par les blancs que par les rouges, qui parfois ont des fins de maturité compliquées. Par contre sur les blancs je trouve que c'est des vins qui ont énormément de fraîcheur et sur ces millésimes qui commencent à être chauds et on en aura de plus en plus. Là on a un équilibre, on a une élégance. qui est très classique de ces chardonnays de notre Côte d'Or. Et ça, c'est un vin qui est vinifié en fûts de 500 litres. Donc, c'est des fûts qui sont plus gros que le fût classique de 228 litres parce que là, on a une belle adéquation entre le volume de vin et la quantité de bois. C'est-à-dire qu'on va avoir un petit peu moins de bois par rapport au volume de vin. Donc, on a essayé plusieurs choses et on trouvait que c'est un ratio qui allait bien. Bien sûr, ce n'est pas des fûts neufs. Il y a peut-être 10% de bois neufs. Et là, on fait très attention aussi. à ne pas utiliser trop de fût neuf.

  • Speaker #0

    Assez rond, hein ?

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est assez rond, c'est assez élégant, c'est une jolie finale. C'est un vin très délicat. Et je pense que c'est important qu'on fasse connaître ces vins au public parce que la Bourgogne a cette réputation d'être chère, elle l'est. Mais c'est vraiment ce haut de gamme des premiers crus ou des villages célèbres, Merceau, Pligny-Chassagne, ça fait des vins délicieux, mais qui deviennent quand même assez chers. Et je trouve que c'est très important parce qu'ils existent et qu'ils sont bons et qu'ils sont... disponible et abordable, qu'on fasse connaître ces vins-là.

  • Speaker #0

    On est sur quelle gamme de prix ? On est sur

  • Speaker #1

    35 euros TTC.

  • Speaker #0

    On ne va pas tout seul. Aujourd'hui, vous êtes quatre à gérer le domaine Joseph Drouin. Est-ce que ce n'est pas compliqué de travailler en famille ? En fait,

  • Speaker #1

    on a très souvent la question, mais honnêtement, je trouve que c'est plutôt une chance et une force. Bon, on a la chance de très bien s'entendre, on a la chance aussi que chacun ne va pas marcher sur les plates-bandes des autres. Philippe, c'est les vignes, moi c'est les vins, Laurent c'est plutôt la commercialisation, Frédéric c'est plutôt le management. Mais j'avoue quand même que c'est aussi une direction presque collégiale, parce que quand on va acheter une vigne de Saint-Romain, Frédéric Padillé, où je vais acheter une vigne sans main. investissement, c'est des emprunts. Voilà, donc là, bien sûr, il va demander l'accord de la famille, et même mon père qui a 91 ans, on va lui demander son avis parce qu'il est toujours très passionné par ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors pour revenir à la Bourgogne, vous avez quand même un domaine qui est incroyable. Donc vous avez... J'ai compté, vous avez 21 grands crus bourguignons, c'est quand même énorme. Avec des noms effectivement très très connus, les Bonnemars, les Echezeaux, Chambertin, Claude Baize, etc. 47 premiers crus, j'ai vu. Donc là, Chambol-Musigny qui est quand même l'une de vos appellations préférées, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on adore les vins de Chambol. Et je pense que c'est un peu un héritage de notre grand-père Maurice. Joseph peut-être aussi mais je ne sais pas mais en tout cas Maurice aimait beaucoup les vins de Chambol et notre père adore les vins de Chambol d'ailleurs c'est pour ça qu'ils ont essayé de faire des acquisitions et à l'époque c'était possible donc du musini, des amoureuses des Chambol beaux vous dites que c'est le cachemire de la Bourgogne oui moi je trouve que c'est le cachemire de la Bourgogne mon frère m'a dit un jour ah mais j'aime bien cette expression parce que pour décrire cette qualité de tannin parce que les vins de Chambol en fait c'est vraiment oui on pourrait dire du velours ou de la soie mais je trouve que c'est plus que ça parce que c'est un côté très soyeux et très caressant, mais en même temps, il y a une belle matière dans ces vins. Mais c'est des tannins sans qu'ils soient tanniques. Donc, c'est pour ça qu'ils vieillissent bien. Mais on a ce côté très... Ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, le grain du tannin, qui est très coulant, très soyeux. C'est vraiment des vins hyper délicats et extrêmement complexes et raffinés.

  • Speaker #0

    Vous avez une centaine d'appellations, on l'a dit. Certaines ne sont pas à votre propriété, c'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, on est toujours... Mon rachet,

  • Speaker #0

    ce n'est pas vous qui possédez, mais vous. Vous vinifiez, vous récoltez ?

  • Speaker #1

    On récolte, on vinifie, donc ça c'est un bel exemple de partenariat.

  • Speaker #0

    De négoce intégré, je dirais. Oui,

  • Speaker #1

    de négoce intégré, c'est vrai que malheureusement le ménégociant n'est pas toujours très bien vu, je veux dire en France, et peut-être pour des bonnes raisons. époque les négociants étaient un peu pas tous mais certains bon on achetait un peu ce qu'on trouve on n'était pas trop regardant de la qualité et puis on commercialisait ça mais il y a quand même beaucoup de négociants très sérieux.

  • Speaker #0

    Il y a une différence aussi importante entre le négociant bordelais et le négociant bourguignon.

  • Speaker #1

    Ah oui, énorme. En fait, c'est le même mot pour deux métiers complètement différents. Le négociant bordelais, il achète des caisses de vin, donc il n'a jamais touché un raisin, il a du vin. Il achète des caisses qu'il va vendre pour le château, c'est un commerçant. Le négociant bourguignon va acheter des raisins ou du vin en vrac ou du mou et va vinifier, élever, mettre en bouteille. Donc vous faites le négociant... Comme en Champagne, quoi, finalement. Comme en Champagne. Ce qu'on appelle le négociant éleveur. Et en fait, nous, ce qu'on a beaucoup développé, c'est le partenariat. Dans toutes les appellations, on a j'allais dire pris premier cru, grand cru, c'est peut-être 80% du domaine. Et si on est sur Bourgogne et Villages, c'est 80% d'approvisionnement par des achats de raisons. C'est à peu près ça le ratio.

  • Speaker #0

    Alors on va parler un petit peu de vous. Comment vous faites en tant qu'œnologue de la famille depuis... 38 ans je crois, comment vous faites pour gérer sans appellation en tant qu'œnologue ? C'est un boulot de dingue !

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est beaucoup de travail et parfois on a des amis bordelais qui viennent et disent mais c'est un truc de fou, c'est incroyable ce que vous faites ici, on en a trois, on a trois vingt dans la cave. des volumes beaucoup plus conséquents que nous, c'est vraiment une discipline. C'est une discipline, il faut beaucoup déguster. Nous, le lundi, c'est la journée dégustation. Donc tous les lundis matins, l'équipe prend des échantillons. On ne va pas dans la cave avec la pipette parce que c'est trop fastidieux et on le déguste plutôt. pas assez bien, et surtout on fait prendre des échantillons, parce que parfois c'est une pièce, trois pièces, dix pièces, quinze pièces, de chaque appellation. Alors on ne fait pas tout toutes les semaines, on fait une semaine les blancs, une semaine les rouges. Mais ça fait, en cave, il y a peut-être à peu près 400 lots de vins différents, mais parfois effectivement c'est une pièce, c'est-à-dire 300 bouteilles, mais il faut quand même le déguster, et on déguste pour voir si tout va bien, si c'est le temps de soutirer, ou si c'est le temps de mettre en bouteille, ou si on a une appellation, on se dit, « Ouh, il n'est pas digne de son appellation, est-ce qu'on ne doit pas le rendre ? » replier, c'est-à-dire on va le déclasser dans une appellation inférieure. Ça, c'est très important de le faire pour maintenir la qualité des vins. Donc c'est une grosse partie de... c'est une grosse discipline et d'expérience. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup dégusté avec mon père. D'accord. On est quatre chronologues à la maison. On a un directeur technique, donc qui est vraiment le pilote et c'est lui qui est derrière, j'allais dire, tous les vins de la maison de moi. Il s'appelle Jérôme Forbrac. On travaille très bien en binôme mais comme moi, j'ai aussi l'Oregon que je voyage, lui, il est là tous les jours. D'accord. Donc c'est Jérôme vraiment qui pilote la cuverie, donc l'équipe et les vins. Et là, il a un palais aussi fabuleux et il a une connaissance des terroirs parce que c'est important en fait. Parce que quand je vais mettre un bouchon dans un morceau, c'est moi qui dois savoir que c'est vraiment un morceau, c'est pas à vous. Quand vous allez le goûter, vous devez vous dire, je goûte un morceau, c'est ça un morceau. Moi, il faut que quand je l'ai mis en bouteille, je me dise, ça c'est typique de l'appellation. Donc, on dit en anglais le sense of place, le lieu est super important. Donc c'est pour ça qu'on a toutes ces appellations, mais elles sont toutes un peu différentes. Le clou des mouches va être différent du clou de bougeot. Parce que le sous-sol est un petit peu différent, le microclimat est différent.

  • Speaker #0

    Alors il y a... J'ai entendu ou lu qu'il y a une femme qui vous a beaucoup inspirée qui s'appelle Laurence Jobard. Parlez-nous un petit peu de cette onologue.

  • Speaker #1

    Oui, Laurence qui est toujours de ce monde, qui est une femme merveilleuse. Et c'est vrai que moi j'ai grandi dans un univers très masculin. Mon père, maman qui était là et qui recevait beaucoup, qui était excellente cuisinière. J'ai trois frères, mon père est globalement dans la cuverie ou dans la cab, il n'y a que des hommes. Donc je me suis dit très tôt, ça c'est pas un truc que je ferais, moi je ne vais pas aller travailler dans l'entreprise familiale. Et quand j'ai 10 ans, la maison a grossi, mon père a besoin d'aide, il commence à embaucher du monde pour l'aider, directeur France, directeur Export, et une jeune femme pour faire les analyses dans un petit laboratoire qu'il crée. Et puis il se dit, au fond, je ne vais pas déguster tout seul, Laurence, vous allez déguster avec moi. Fille de vigneron, de pommard. Et là, il se rend compte qu'elle a des sacrées dispositions de dégustation, et il lui dit, mais Laurence, allez suivre des cours d'œnologie à Dijon. Son père, elle, lui dit, non mais une femme, ça ne devient pas une ologue, tu vois. Mais elle y va quand même. Et donc, très jeune, c'est une des premières femmes diplômées oenologues, travaille de plus en plus en binôme avec mon père, et puis reprend petit à petit vraiment ce que fait Jérôme, les vinifications. Et donc moi j'ai 10 ans, arrive une femme dans cet univers, et elle comme mon père m'ont beaucoup encouragée, moi j'ai beaucoup dégusté avec elle, j'ai beaucoup appris. J'ai travaillé pendant 5 ans dans le labo, j'étais la petite main avec une de mes très bonnes amies qui maintenant travaille pour nous en Oregon. Ils ont passé notre temps à déguster, on a beaucoup appris.

  • Speaker #0

    D'accord, alors on a évoqué tout à l'heure le réchauffement climatique, qui est un problème pour tout le monde. Est-ce que le Pinot Noir sera encore le cépage phare de la Bourgogne dans 20 ans ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je l'espère, mais après, est-ce que je peux mettre ma main à couper qu'il le sera ? Je pense que les vignes ont une certaine résilience et qu'elles s'adaptent. Elles se sont adaptées à beaucoup de choses, mais on ne peut pas s'interdire d'imaginer d'autres cépages. C'est-à-dire qu'on continue à faire notre Pinot et on espère que... Il va s'adapter. Et nous, je pense qu'on a aussi des pistes agronomiques. Parce que le problème, c'est vendanger plus tôt. En soi, ce n'est pas grave, c'est même bien. On vendange un petit peu plus tôt. Le problème, c'est les degrés d'alcool qui commencent à être... Mon père, il chaptalisait pratiquement tous les ans. On est plutôt à se dire, comment on fait pour ne pas avoir trop d'alcool ? Vendanger plus tôt, c'est une piste, mais ce n'est pas une super solution parce que ça oblige à vendanger des raisins pas tout à fait mûrs. Et franchement, des raisins pas tout à fait mûrs, surtout en rouge, ça ne fait pas très bon.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas terrible, non ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas terrible, c'est végétal. Après, on peut travailler sur, par exemple, la hauteur de rognage, pour faire de l'ombre portée, pour faire un peu parasol. On peut travailler sur l'effeuillage, effeuillé ou pas effeuillé, laisser les feuilles qui font aussi parasol. Donc on a quand même des choses. Des techniques. On peut travailler sur les sélections clonales, pour que les vignes débourent un petit peu plus tard. Donc voilà, oui, il y a des pistes, mais c'est vrai qu'il faut s'en occuper. Des portes-grèves qui sont plus adaptées. On commence à utiliser les portes-grèves méditerranéens ici, qui sont beaucoup moins sensibles à la sécheresse. Parce qu'il ne faut pas oublier, en Oregon, on a beaucoup de chance. L'irrigation est autorisée. On a très peu de législation. Ici, tout est interdit. On ne peut pas irriguer, on ne peut pas remettre de l'eau dans les cuves, ce qui est assez courant aux Etats-Unis. Donc, il faut vraiment faire. Peut-être que ça évoluera aussi. Donc là, on déguste peut-être le vin le plus connu de la maison.

  • Speaker #0

    Le Clos des Mouches.

  • Speaker #1

    Ou en tout cas le clou des mouches, le fameux clou des mouches.

  • Speaker #0

    2022.

  • Speaker #1

    Et pour la petite histoire, le nom du Clos des Mouches, c'était les mouches à miel. C'était un clos où il y avait des abeilles, enfin des ruches. Et donc, c'est le vieux nom français de l'abeille, la mouche à miel. Et voilà. Souvent, je l'explique parce qu'on se dit, oh, la mouche, c'est quand même pas très...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas très vendeur.

  • Speaker #1

    C'est pas très poétique, mais en fait, c'est l'abeille. Les petites...

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Les petites abeilles qui volent sur l'étiquette. Ouais. Donc ce fameux clou des mouches acheté par Maurice en 1921. C'est vrai que c'est...

  • Speaker #0

    C'était vraiment le début de l'aventure. Oui,

  • Speaker #1

    c'est le début de l'aventure du domaine. C'est vraiment un vignoble. Et alors, bon, là, je vous ai fait goûter le rouge, mais il y a le blanc qui est en chardonnay, et c'est pareil, c'est vraiment un grand vin. Et j'espère que dans 20 ans, on continuera à produire des choses comme ça. Vous voyez la finale, ça, c'est ce qu'on appelle, nous, la finesse, la longueur en bouche.

  • Speaker #0

    C'est excellent. Alors justement, ça me fait penser à une anecdote. Quand Maurice achète le Clos des Mouches, il se trouve qu'il replante du chardonnay, c'est ça je crois ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'avant le phylloxéra, qui a vraiment détruit tous les vignobles, il a lu dans les archives qu'au Clos des Mouches, il n'y avait pas que du pinot noir, il y avait du pinot gris, du pinot bureau et du chardonnay. Mais s'il dit qu'ils avaient mis du blanc, il va y avoir une raison. il a planté une petite parcelle. Et quand il a fait en 1928 ses deux premières pièces, et qu'il a dégusté le vin, il l'a trouvé excellent. Et là, il s'est dit, mais... Et c'est parti comme ça en fait.

  • Speaker #0

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet.

  • Speaker #1

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet, qui est propriétaire de chez Maxime.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Eugène adore le vin, il lui dit Maurice c'est délicieux, est-ce que je peux avoir l'exclusivité de ton clou de mouche blanc ? Et mon grand-père je crois aurait répondu, bah écoute, je vais en garder un petit peu pour nous, mais oui. Et donc pendant quelques années, je ne sais pas combien de temps, Maxime a eu l'exclusivité, et à l'époque Maxime c'était, comme on dit, the place to be seen. et il y avait beaucoup de... personne un peu connue, on l'appellerait les people aujourd'hui, mais aussi des têtes couronnées, enfin voilà. Et c'est vrai que ça a beaucoup contribué à faire connaître le clos des mouches.

  • Speaker #0

    Mais vous avez eu quelques clients illustres, notamment un, qui s'appelle Alfred Hitchcock.

  • Speaker #1

    Je me souviens d'un matin, mon père descend en disant, parce que le téléphone en plus à l'époque, c'était pas le portable de maintenant, et Hitchcock a appelé mon père pendant la nuit en lui disant... Hello Robert, I cannot find my Morachet. Alors en fait, il voulait des bouteilles de Morachet, il n'a pas du tout pensé au décalage horaire. Et mon père lui a répondu, je vais m'en occuper, ne vous inquiétez pas. Et voilà. Et il y a lui, dans les connus, il y a Louis de Funès.

  • Speaker #0

    Ah, Louis de Funès !

  • Speaker #1

    Louis de Funès qui était bon client de la maison et qui passait du temps à parler autant de son potager que des vins avec mon père.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, il y a une région sur laquelle vous aimeriez implanter le domaine ?

  • Speaker #1

    pas forcément en France oui oui franchement si j'avais de nouveau 25 ans je tenterais l'expérience je referais l'Oregon mais je tenterais l'expérience en Nouvelle-Zélande alors je n'y suis jamais allée j'ai eu beaucoup de stagiaires de là-bas j'ai dégusté pas mal de vin moi aussi j'ai eu l'occasion de déguster ils font des choses incroyables ils font des choses incroyables au Pinot Noir bon bien sûr le Sauvignon Blanc mais au Pinot Noir il y a des trucs incroyables

  • Speaker #0

    Donc là, on termine par ?

  • Speaker #1

    Alors, on termine par le Clos de Vougeot. C'est évidemment un château, on n'en a pas beaucoup en Bourgogne. On est très fiers des quelques châteaux qu'on a. Et le Clos de Vougeot est quand même, dans l'histoire de la Bourgogne, un endroit un peu mythique. C'est quand même le berceau de la viticulture bourguignonne, parce que c'est moine de Citeaux. Donc, c'est moine de Citeaux, c'est le berceau des Cisterciens. Citeaux ça vient de Sistel C'est un roseau, ils se sont mis dans des zones marécageuses, puis ils revenaient à une vie d'austérité. Et ils ont été les courageux qui ont défriché, planté et construit ce beau cellier au Clos de Vougeot. Alors il y a eu pendant longtemps, le Clos de Vougeot c'est 50 hectares, mais aujourd'hui c'est 80 propriétaires.

  • Speaker #0

    Ah oui quand même !

  • Speaker #1

    Donc voilà, on est toujours très fiers quand on peut ouvrir une bouteille de Clos de Vougeot. C'est aussi la confrérie des chevaliers du Tastevin, à son siège social au château du Comte, donc tous les chapitres. C'est un bel endroit. À Clos-Vougeot, on est en côte de nuit, on est sur un terroir. C'est marrant parce qu'on est à deux pas du Musigny. C'est très différent en nature de vin. On a un peu plus de structure. C'est des vins plus sérieux. Le style de Rouen, dans tous nos vins, on essaie d'amener de l'élégance. Là, il a le côté épicé. Mais comme c'est un grand cru, c'est un joli millésime, on a un peu travaillé avec l'avandange entière. Vous le sentez, ce côté un peu épice. Avec le temps, ça va aller sur des notes de... De rose, de pétales de rose, ça fait assez très complexe. Alors ça peut surprendre, ce côté un peu épicé peut surprendre à sa jeunesse, mais on le sait, au vieillissement, c'est superbe.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien.

  • Speaker #0

    Et à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Vous êtes toujours plus nombreux à suivre ce podcast. Si vous souhaitez en savoir plus sur le domaine drouin, rendez-vous sur 20divin.fr. Si vous avez apprécié ce contenu, partagez-le autour de vous. Abonnez-vous à 20divin sur les plateformes de podcast ou sur les réseaux sociaux. et créditez-nous de 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. C'est important pour remonter dans les classements. Ce contenu a été créé avec le soutien de Alma, société de conseils en croissance digitale. Dans le prochain épisode, nous retrouverons la suite de cet entretien avec Véronique Drouin, qui nous emmènera dans l'Oregon, sur la côte ouest des Etats-Unis. En attendant, portez-vous bien.

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Description

Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin.


Pour ouvrir le bal, j’ai le plaisir de recevoir Véronique Boss Drouhin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouhin, elle incarne la quatrième génération à la tête d’une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans.


Tout commence en 1880, à Beaune, lorsque Joseph Drouhin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vins. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et ouvre une nouvelle page de l’histoire familiale. Trois ans plus tard, il acquiert la première parcelle de la maison : le mythique « Clos des Mouches », qui deviendra l’un des emblèmes du domaine.


Dans cette première partie d’entretien, nous revisitons l’histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la Maison.


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Transcription

  • Speaker #0

    Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin et pour ouvrir le bal, j'ai le plaisir de recevoir Véronique Boss-Drouin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouin, elle incarne la quatrième génération à la tête d'une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans. Tout commence en 1880 à Beaune, lorsque Joseph Drouin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vin. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et trois ans plus tard, acquirent la première parcelle de la maison le mythique Clos des Mouches, qui deviendra l'un des emblèmes du domaine. Dans cette première partie d'entretien, nous revisitons l'histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la maison. Je m'appelle Philippe Hermé, bienvenue dans Vin Divin. Bonjour Véronique, bienvenue dans Vin Divin et merci de nous recevoir chez vous ici à Beaune. Alors même si la maison a été fondée en 1880 par Joseph Drouin, c'est plutôt à son fils Maurice, votre grand-père, que l'on doit l'essor de la maison.

  • Speaker #1

    Maurice était en fait, lui, plutôt parti dans une carrière militaire. Il se trouve qu'il a hérité de cette petite maison familiale, dont il s'est fort bien et beaucoup occupé. La naissance du domaine Joseph Drouin, c'est lui. En 1921, il fait l'acquisition d'une parcelle dont il aimait beaucoup les vins, qui s'appelle le Clos des Mouches, le Bonne Clos des Mouches. C'est un bon premier cru qui a cette particularité aujourd'hui de faire du pinot noir et du chardonnay. C'est assez rare en Bourgogne sur le même climat. ou le même finage, on est les deux couleurs. Mais Maurice aimait vraiment beaucoup les vins de cet endroit. Et en fait, on oublie qu'à l'époque, donc en 1921, on va dans les vignes avec les chevaux, et il fallait trouver quelque chose, il voulait faire une acquisition, mais ça ne pouvait pas être très très loin de sa cuverie, qui était ici dans le centre de Beaune. Et le Clos des Mouches remplissait toutes les cases de qualité et du côté pratique. La même année, il fait une acquisition qui là était déjà trop loin pour lui personnellement de s'occuper de la vigne. C'est au Clos de Vougeot. Alors là, il a un ami qui s'occupe de faire les travaux viticoles. Par contre, au moment des vendanges, les raisins sont quand même rapatriés, en charrette certainement à l'époque, à la cuverie. Et alors, il y a des histoires extraordinaires avec mon grand-père, qui était vraiment un homme, un grand humaniste, et qui a dévoué beaucoup de son temps à l'Hôtel-Dieu, aux Hospices de Beaune, et bien sûr au développement de la Maison de Rouen. Il parlait bien anglais, il parlait bien allemand. C'est un homme très intelligent et très bon, que je n'ai malheureusement pas connu.

  • Speaker #0

    Et donc je crois aussi qu'il a été caché par les souspices pendant la Seconde Guerre mondiale. Oui,

  • Speaker #1

    c'est en fait une belle histoire, parce que Première Guerre mondiale, Maurice, qui se retrouve sur un champ de bataille, comme beaucoup de jeunes à cette époque-là, voit un jeune soldat qui est mourant, blessé, en tout cas gémissant, et il se dit, bon, c'était l'ennemi, ils vont venir le chercher, leur soldat. Et le lendemain matin, le pauvre jeune est toujours là en train de gémir et là il s'est dit ça c'est pas possible. Donc il a dit à l'ennemi, il a fabriqué avec ce qu'il a trouvé un drapeau blanc en disant vous devez venir prendre soin de votre jeune soldat. Et ils ont cru que c'était un guet-apens, il a dit mais je vais vers lui et vous pourrez faire ce que vous voulez. Et du coup en fait ils sont restés amis, puis la guerre s'est terminée. Et malheureusement, la Deuxième Guerre mondiale arrive, mon grand-père aide la résistance, ce n'était pas très bien vu par l'ennemi, il a été emprisonné en 1942, puis libéré. Mais bon, il a continué des activités de résistant. Là en fait, ce soldat allemand prévient mon grand-père, « Maurice, attention, tu vas être arrêté, probablement fusillé, il faut que tu te planques. » Et donc là, on est le lendemain du D-Day, le 7 juin 1944, et effectivement les Allemands viennent frapper à la porte, mais mon grand-père s'est préparé et il a dit à ma grand-mère, s'ils viennent dans la journée, je suis fichue, s'ils viennent le soir ou dans la nuit... J'ai peut-être une chance de me sauver par les caves. Ce qu'il dit à sa femme, il lui dit tu leur diras s'ils viennent que je suis partie pour affaire à Paris. Ce qu'il dit aux enfants, c'est pas tu leur diras, c'est je vais partir pour affaire à Paris. Donc les Allemands viennent vers 4-5 heures du matin, frappent à la porte, demandent à voir Maurice Douin et ma grand-mère dit il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. Alors il ne la croit pas, ils vont réveiller les enfants. qui eux, assez innocemment, disent « Non, papa, il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. » Donc ils ont eu un petit doute, mais pendant ce temps-là, Maurice est descendu dans les caves et est ressorti par une porte qu'il espérait ne soit pas gardée. Effectivement, il avait raison, parce qu'elle ressortait dans une rue qui s'appelle la rue Paradis et qui est à 30 secondes à pied des hospices. Donc il est parti se cacher là-bas. Alors il ne savait pas combien de temps il allait y rester, mais Beaune a été libéré le 8 septembre 1944. Et donc là, il a pu ressortir. Mais entre-temps, ma grand-mère a dû gérer l'activité. La maison était toute petite, mais il y avait quand même du vin à gérer. Et donc, tout d'un coup, la mère supérieure va souvent, tous les jours, à l'église. Ma grand-mère, qui y allait tous les dimanches, soudainement, y va tous les jours. Et c'est comme ça qu'elle pouvait communiquer avec mon grand-père via Sœur Germain, la mère supérieure. Donc, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires avec Maurice. Malheureusement, en 1957, il a fait un AVC qui l'a laissé paralysé. et là il a appelé Mon père en disant, il faut que tu viennes m'aider. Alors papa était en Algérie. À l'âge de 24 ans, notre père se retrouve ici à diriger une petite maison. Alors lui, complètement autodidacte, quand même formé par son père, parce qu'il était toujours dans ses, on dirait des baskets aujourd'hui, mais à l'époque dans ses godillots pour aller dans les vignes et voir nos partenaires viticoles, puisqu'on a toujours beaucoup acheté de raisins à des amis vignerons. Et puis voilà, et papa a fait beaucoup grandir la maison au niveau du domaine, avec des très belles acquisitions de vignes. On parle du Musini, des Amoureuses, des Bonnemars...

  • Speaker #0

    Ça c'est plutôt début des années 60, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est le début des années 60, exactement.

  • Speaker #0

    Et puis très visionnaire sur le Chablis ? Très visionnaire sur le Chablis. En 68, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que, exactement, Chablis c'est une région extrêmement sinistrée, puisque Chablis n'est pas très loin du bassin parisien, la clientèle des vins de Chablis c'est le bassin parisien. Malheureusement, il y a eu l'ophiloxéra, puis l'oïdium, enfin toutes ces maladies qui ont beaucoup abîmé le vignoble. Il y a eu deux guerres. qui fait que les jeunes, il n'y en avait plus. Les chevaux, il n'y en avait plus. Du matériel ou des produits phytosanitaires, du cuivre ou du sauf, il n'y en avait pas. Donc Chablis, c'était en 68 500 hectares. Et aujourd'hui, Chablis, c'est 5000 hectares. Donc c'est vrai qu'il a été assez visionnaire. Et papa, ça a commencé en 68 avec Chablis et un petit peu en amont avec l'acquisition de ces très belles parcelles. C'est vrai qu'aujourd'hui, c'est extrêmement compliqué en Bourgogne d'acquérir des parcelles. C'est extrêmement cher le foncier. Le foncier est très cher. D'accord.

  • Speaker #0

    Donc on parle de Chablis, ça tombe bien puisqu'on va déguster, non ?

  • Speaker #1

    On va déguster. Alors c'est un Chablis premier cru, 2023. Donc ça c'est un vin qui est 100% de Chablis, qui est bien sûr du Chardonnay. Ça pousse sur des sols extrêmement calcaires et c'est une région un petit peu plus fraîche. Donc ça fait des vins qui sont vibrants, qui ont une acidité assez presque mordante. C'est des vins très ciselés et qui se boivent plutôt dans leur genèse. Moi je ne conseille pas trop aux gens. de garder des Chablis très longtemps. Les grands crus, oui, mais l'appellation Chablis. Et souvent, les degrés alcooliques sont modestes, donc ce ne sont pas des vins loups, ce ne sont pas des vins fatigants.

  • Speaker #0

    Là,

  • Speaker #1

    c'est frais, c'est coulant. Ce sont des vins qui sont très faciles en accord mes vins. Parfois, avec des choses d'ifile, l'asperge, par exemple, ce n'est pas toujours un accord mes vins très simple. Chablis, ça va très bien. On ne pense pas toujours non plus au fromage, le fromage de chèvre, délicieux. Donc, il y a beaucoup d'accords. On sent presque le coquillage, parce que les sols chablisiens, si on se promène, on voit beaucoup de ces petites huîtres fossilisées.

  • Speaker #0

    Il n'est pas finalement si minéral que ça.

  • Speaker #1

    On est sur un millésime 23, qui est quand même un millésime chaud.

  • Speaker #0

    Un peu solaire, oui. Oui, qui est assez solaire. Mais c'est très agréable.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il a quand même beaucoup de fraîcheur, je trouve, pour un millésime. Alors, 23, ça a été chaud, mais j'allais dire dans la fin de sa vie. Mais je suis quand même assez contente qu'on ait réussi à faire, sur 2023, des vins qui ont une jolie fraîcheur. Malgré ce petit dôme de chaleur qu'on a eu.

  • Speaker #0

    Très agréable. Pour revenir sur la fratrie, votre frère Enéphipe que j'ai rencontré l'année dernière au Clos-Vougeot, c'est lui qui a introduit la biodynamie assez tôt chez vous ?

  • Speaker #1

    Oui, il a été dans le groupe des premières personnes qui ont réfléchi à cette viticulture. Ils étaient très contrariés par les recettes qui étaient données par les ingénieurs agro. Ils se sont dit assez rapidement qu'on l'envalait dans le mur. C'était très visionnaire aussi. A l'époque, c'est Frédéric Lafarge, Dominique Laffont, Aubert de Villene, Anne-Claude Leflaire. Ce petit noyau se met à réfléchir à des alternatives. Il y avait déjà quelques personnes, on n'appelait pas ça de la bio, mais qui travaillaient avec des produits naturels, donc pas des produits de synthèse. Philippe a dit, je me souviens très bien, qu'un jour il a dit, j'aimerais bien vous parler. Je voudrais qu'on passe le domaine en culture bio. C'est vraiment le tout début où on parle de ces pratiques viticoles très respectueuses de l'environnement. Et il a dit, ce n'est pas sans risque, on risque probablement de perdre de la récolte, ce qui a été le cas, mais on ne polluera plus nos sols, on va réapprendre aux vignes à se défendre elles-mêmes contre les agressions extérieures. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait rien, on a bien sûr continué à utiliser du soufre et du cuivre, ce qui est toujours le cas parce qu'on n'a rien trouvé de naturel pour remplacer ces deux produits, qui eux sont des produits naturels. Par contre, on s'est interdit d'utiliser des produits de synthèse. Quand on dit des produits de synthèse, c'est-à-dire des produits qu'on appelle systémiques. Et systémiques, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça rentre dans le système de la plante. Elle n'a pas le choix, la plante, que de prendre ses produits. Alors c'est vrai que ça la protège. Alors que les produits bio ou biodynamie, puisqu'après on a poursuivi sur la biodynamie, en fait on va appliquer ce soufre ou ce cuivre, ou des préparations qu'on appelle de la 501, c'est de la bouse de corde, on va prendre des choses qui paraissent un peu ésotériques mais en fait qui marchent, où là on applique ça sur le raisin. Avec l'inconvénient, s'il pleut, c'est comme quand on a du savon et qu'on va sous la douche, ça part et il faut recommencer. Donc c'est une viticulture qui demande beaucoup de présence dans les vignes, beaucoup d'attention, beaucoup de connaissances. Donc c'est pas dire on ne fait plus rien, on fait presque plus parce qu'on est beaucoup plus proche de la culture de la vigne.

  • Speaker #0

    Donc là on va déguster le Saint-Romain.

  • Speaker #1

    On déguste le Saint-Romain. J'ai choisi ce vin parce que c'est la dernière acquisition de la famille. Donc, sa roman se trouve entre... Meursault et un village qui s'appelle Montcli, on part un petit peu dans le fond d'une vallée et on monte un peu en altitude. Donc ça c'est un vignoble qui est plutôt en altitude, donc là on est sur le blanc, ça en même produit des blancs et des rouges. Moi je suis plus attirée par les blancs que par les rouges, qui parfois ont des fins de maturité compliquées. Par contre sur les blancs je trouve que c'est des vins qui ont énormément de fraîcheur et sur ces millésimes qui commencent à être chauds et on en aura de plus en plus. Là on a un équilibre, on a une élégance. qui est très classique de ces chardonnays de notre Côte d'Or. Et ça, c'est un vin qui est vinifié en fûts de 500 litres. Donc, c'est des fûts qui sont plus gros que le fût classique de 228 litres parce que là, on a une belle adéquation entre le volume de vin et la quantité de bois. C'est-à-dire qu'on va avoir un petit peu moins de bois par rapport au volume de vin. Donc, on a essayé plusieurs choses et on trouvait que c'est un ratio qui allait bien. Bien sûr, ce n'est pas des fûts neufs. Il y a peut-être 10% de bois neufs. Et là, on fait très attention aussi. à ne pas utiliser trop de fût neuf.

  • Speaker #0

    Assez rond, hein ?

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est assez rond, c'est assez élégant, c'est une jolie finale. C'est un vin très délicat. Et je pense que c'est important qu'on fasse connaître ces vins au public parce que la Bourgogne a cette réputation d'être chère, elle l'est. Mais c'est vraiment ce haut de gamme des premiers crus ou des villages célèbres, Merceau, Pligny-Chassagne, ça fait des vins délicieux, mais qui deviennent quand même assez chers. Et je trouve que c'est très important parce qu'ils existent et qu'ils sont bons et qu'ils sont... disponible et abordable, qu'on fasse connaître ces vins-là.

  • Speaker #0

    On est sur quelle gamme de prix ? On est sur

  • Speaker #1

    35 euros TTC.

  • Speaker #0

    On ne va pas tout seul. Aujourd'hui, vous êtes quatre à gérer le domaine Joseph Drouin. Est-ce que ce n'est pas compliqué de travailler en famille ? En fait,

  • Speaker #1

    on a très souvent la question, mais honnêtement, je trouve que c'est plutôt une chance et une force. Bon, on a la chance de très bien s'entendre, on a la chance aussi que chacun ne va pas marcher sur les plates-bandes des autres. Philippe, c'est les vignes, moi c'est les vins, Laurent c'est plutôt la commercialisation, Frédéric c'est plutôt le management. Mais j'avoue quand même que c'est aussi une direction presque collégiale, parce que quand on va acheter une vigne de Saint-Romain, Frédéric Padillé, où je vais acheter une vigne sans main. investissement, c'est des emprunts. Voilà, donc là, bien sûr, il va demander l'accord de la famille, et même mon père qui a 91 ans, on va lui demander son avis parce qu'il est toujours très passionné par ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors pour revenir à la Bourgogne, vous avez quand même un domaine qui est incroyable. Donc vous avez... J'ai compté, vous avez 21 grands crus bourguignons, c'est quand même énorme. Avec des noms effectivement très très connus, les Bonnemars, les Echezeaux, Chambertin, Claude Baize, etc. 47 premiers crus, j'ai vu. Donc là, Chambol-Musigny qui est quand même l'une de vos appellations préférées, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on adore les vins de Chambol. Et je pense que c'est un peu un héritage de notre grand-père Maurice. Joseph peut-être aussi mais je ne sais pas mais en tout cas Maurice aimait beaucoup les vins de Chambol et notre père adore les vins de Chambol d'ailleurs c'est pour ça qu'ils ont essayé de faire des acquisitions et à l'époque c'était possible donc du musini, des amoureuses des Chambol beaux vous dites que c'est le cachemire de la Bourgogne oui moi je trouve que c'est le cachemire de la Bourgogne mon frère m'a dit un jour ah mais j'aime bien cette expression parce que pour décrire cette qualité de tannin parce que les vins de Chambol en fait c'est vraiment oui on pourrait dire du velours ou de la soie mais je trouve que c'est plus que ça parce que c'est un côté très soyeux et très caressant, mais en même temps, il y a une belle matière dans ces vins. Mais c'est des tannins sans qu'ils soient tanniques. Donc, c'est pour ça qu'ils vieillissent bien. Mais on a ce côté très... Ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, le grain du tannin, qui est très coulant, très soyeux. C'est vraiment des vins hyper délicats et extrêmement complexes et raffinés.

  • Speaker #0

    Vous avez une centaine d'appellations, on l'a dit. Certaines ne sont pas à votre propriété, c'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, on est toujours... Mon rachet,

  • Speaker #0

    ce n'est pas vous qui possédez, mais vous. Vous vinifiez, vous récoltez ?

  • Speaker #1

    On récolte, on vinifie, donc ça c'est un bel exemple de partenariat.

  • Speaker #0

    De négoce intégré, je dirais. Oui,

  • Speaker #1

    de négoce intégré, c'est vrai que malheureusement le ménégociant n'est pas toujours très bien vu, je veux dire en France, et peut-être pour des bonnes raisons. époque les négociants étaient un peu pas tous mais certains bon on achetait un peu ce qu'on trouve on n'était pas trop regardant de la qualité et puis on commercialisait ça mais il y a quand même beaucoup de négociants très sérieux.

  • Speaker #0

    Il y a une différence aussi importante entre le négociant bordelais et le négociant bourguignon.

  • Speaker #1

    Ah oui, énorme. En fait, c'est le même mot pour deux métiers complètement différents. Le négociant bordelais, il achète des caisses de vin, donc il n'a jamais touché un raisin, il a du vin. Il achète des caisses qu'il va vendre pour le château, c'est un commerçant. Le négociant bourguignon va acheter des raisins ou du vin en vrac ou du mou et va vinifier, élever, mettre en bouteille. Donc vous faites le négociant... Comme en Champagne, quoi, finalement. Comme en Champagne. Ce qu'on appelle le négociant éleveur. Et en fait, nous, ce qu'on a beaucoup développé, c'est le partenariat. Dans toutes les appellations, on a j'allais dire pris premier cru, grand cru, c'est peut-être 80% du domaine. Et si on est sur Bourgogne et Villages, c'est 80% d'approvisionnement par des achats de raisons. C'est à peu près ça le ratio.

  • Speaker #0

    Alors on va parler un petit peu de vous. Comment vous faites en tant qu'œnologue de la famille depuis... 38 ans je crois, comment vous faites pour gérer sans appellation en tant qu'œnologue ? C'est un boulot de dingue !

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est beaucoup de travail et parfois on a des amis bordelais qui viennent et disent mais c'est un truc de fou, c'est incroyable ce que vous faites ici, on en a trois, on a trois vingt dans la cave. des volumes beaucoup plus conséquents que nous, c'est vraiment une discipline. C'est une discipline, il faut beaucoup déguster. Nous, le lundi, c'est la journée dégustation. Donc tous les lundis matins, l'équipe prend des échantillons. On ne va pas dans la cave avec la pipette parce que c'est trop fastidieux et on le déguste plutôt. pas assez bien, et surtout on fait prendre des échantillons, parce que parfois c'est une pièce, trois pièces, dix pièces, quinze pièces, de chaque appellation. Alors on ne fait pas tout toutes les semaines, on fait une semaine les blancs, une semaine les rouges. Mais ça fait, en cave, il y a peut-être à peu près 400 lots de vins différents, mais parfois effectivement c'est une pièce, c'est-à-dire 300 bouteilles, mais il faut quand même le déguster, et on déguste pour voir si tout va bien, si c'est le temps de soutirer, ou si c'est le temps de mettre en bouteille, ou si on a une appellation, on se dit, « Ouh, il n'est pas digne de son appellation, est-ce qu'on ne doit pas le rendre ? » replier, c'est-à-dire on va le déclasser dans une appellation inférieure. Ça, c'est très important de le faire pour maintenir la qualité des vins. Donc c'est une grosse partie de... c'est une grosse discipline et d'expérience. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup dégusté avec mon père. D'accord. On est quatre chronologues à la maison. On a un directeur technique, donc qui est vraiment le pilote et c'est lui qui est derrière, j'allais dire, tous les vins de la maison de moi. Il s'appelle Jérôme Forbrac. On travaille très bien en binôme mais comme moi, j'ai aussi l'Oregon que je voyage, lui, il est là tous les jours. D'accord. Donc c'est Jérôme vraiment qui pilote la cuverie, donc l'équipe et les vins. Et là, il a un palais aussi fabuleux et il a une connaissance des terroirs parce que c'est important en fait. Parce que quand je vais mettre un bouchon dans un morceau, c'est moi qui dois savoir que c'est vraiment un morceau, c'est pas à vous. Quand vous allez le goûter, vous devez vous dire, je goûte un morceau, c'est ça un morceau. Moi, il faut que quand je l'ai mis en bouteille, je me dise, ça c'est typique de l'appellation. Donc, on dit en anglais le sense of place, le lieu est super important. Donc c'est pour ça qu'on a toutes ces appellations, mais elles sont toutes un peu différentes. Le clou des mouches va être différent du clou de bougeot. Parce que le sous-sol est un petit peu différent, le microclimat est différent.

  • Speaker #0

    Alors il y a... J'ai entendu ou lu qu'il y a une femme qui vous a beaucoup inspirée qui s'appelle Laurence Jobard. Parlez-nous un petit peu de cette onologue.

  • Speaker #1

    Oui, Laurence qui est toujours de ce monde, qui est une femme merveilleuse. Et c'est vrai que moi j'ai grandi dans un univers très masculin. Mon père, maman qui était là et qui recevait beaucoup, qui était excellente cuisinière. J'ai trois frères, mon père est globalement dans la cuverie ou dans la cab, il n'y a que des hommes. Donc je me suis dit très tôt, ça c'est pas un truc que je ferais, moi je ne vais pas aller travailler dans l'entreprise familiale. Et quand j'ai 10 ans, la maison a grossi, mon père a besoin d'aide, il commence à embaucher du monde pour l'aider, directeur France, directeur Export, et une jeune femme pour faire les analyses dans un petit laboratoire qu'il crée. Et puis il se dit, au fond, je ne vais pas déguster tout seul, Laurence, vous allez déguster avec moi. Fille de vigneron, de pommard. Et là, il se rend compte qu'elle a des sacrées dispositions de dégustation, et il lui dit, mais Laurence, allez suivre des cours d'œnologie à Dijon. Son père, elle, lui dit, non mais une femme, ça ne devient pas une ologue, tu vois. Mais elle y va quand même. Et donc, très jeune, c'est une des premières femmes diplômées oenologues, travaille de plus en plus en binôme avec mon père, et puis reprend petit à petit vraiment ce que fait Jérôme, les vinifications. Et donc moi j'ai 10 ans, arrive une femme dans cet univers, et elle comme mon père m'ont beaucoup encouragée, moi j'ai beaucoup dégusté avec elle, j'ai beaucoup appris. J'ai travaillé pendant 5 ans dans le labo, j'étais la petite main avec une de mes très bonnes amies qui maintenant travaille pour nous en Oregon. Ils ont passé notre temps à déguster, on a beaucoup appris.

  • Speaker #0

    D'accord, alors on a évoqué tout à l'heure le réchauffement climatique, qui est un problème pour tout le monde. Est-ce que le Pinot Noir sera encore le cépage phare de la Bourgogne dans 20 ans ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je l'espère, mais après, est-ce que je peux mettre ma main à couper qu'il le sera ? Je pense que les vignes ont une certaine résilience et qu'elles s'adaptent. Elles se sont adaptées à beaucoup de choses, mais on ne peut pas s'interdire d'imaginer d'autres cépages. C'est-à-dire qu'on continue à faire notre Pinot et on espère que... Il va s'adapter. Et nous, je pense qu'on a aussi des pistes agronomiques. Parce que le problème, c'est vendanger plus tôt. En soi, ce n'est pas grave, c'est même bien. On vendange un petit peu plus tôt. Le problème, c'est les degrés d'alcool qui commencent à être... Mon père, il chaptalisait pratiquement tous les ans. On est plutôt à se dire, comment on fait pour ne pas avoir trop d'alcool ? Vendanger plus tôt, c'est une piste, mais ce n'est pas une super solution parce que ça oblige à vendanger des raisins pas tout à fait mûrs. Et franchement, des raisins pas tout à fait mûrs, surtout en rouge, ça ne fait pas très bon.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas terrible, non ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas terrible, c'est végétal. Après, on peut travailler sur, par exemple, la hauteur de rognage, pour faire de l'ombre portée, pour faire un peu parasol. On peut travailler sur l'effeuillage, effeuillé ou pas effeuillé, laisser les feuilles qui font aussi parasol. Donc on a quand même des choses. Des techniques. On peut travailler sur les sélections clonales, pour que les vignes débourent un petit peu plus tard. Donc voilà, oui, il y a des pistes, mais c'est vrai qu'il faut s'en occuper. Des portes-grèves qui sont plus adaptées. On commence à utiliser les portes-grèves méditerranéens ici, qui sont beaucoup moins sensibles à la sécheresse. Parce qu'il ne faut pas oublier, en Oregon, on a beaucoup de chance. L'irrigation est autorisée. On a très peu de législation. Ici, tout est interdit. On ne peut pas irriguer, on ne peut pas remettre de l'eau dans les cuves, ce qui est assez courant aux Etats-Unis. Donc, il faut vraiment faire. Peut-être que ça évoluera aussi. Donc là, on déguste peut-être le vin le plus connu de la maison.

  • Speaker #0

    Le Clos des Mouches.

  • Speaker #1

    Ou en tout cas le clou des mouches, le fameux clou des mouches.

  • Speaker #0

    2022.

  • Speaker #1

    Et pour la petite histoire, le nom du Clos des Mouches, c'était les mouches à miel. C'était un clos où il y avait des abeilles, enfin des ruches. Et donc, c'est le vieux nom français de l'abeille, la mouche à miel. Et voilà. Souvent, je l'explique parce qu'on se dit, oh, la mouche, c'est quand même pas très...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas très vendeur.

  • Speaker #1

    C'est pas très poétique, mais en fait, c'est l'abeille. Les petites...

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Les petites abeilles qui volent sur l'étiquette. Ouais. Donc ce fameux clou des mouches acheté par Maurice en 1921. C'est vrai que c'est...

  • Speaker #0

    C'était vraiment le début de l'aventure. Oui,

  • Speaker #1

    c'est le début de l'aventure du domaine. C'est vraiment un vignoble. Et alors, bon, là, je vous ai fait goûter le rouge, mais il y a le blanc qui est en chardonnay, et c'est pareil, c'est vraiment un grand vin. Et j'espère que dans 20 ans, on continuera à produire des choses comme ça. Vous voyez la finale, ça, c'est ce qu'on appelle, nous, la finesse, la longueur en bouche.

  • Speaker #0

    C'est excellent. Alors justement, ça me fait penser à une anecdote. Quand Maurice achète le Clos des Mouches, il se trouve qu'il replante du chardonnay, c'est ça je crois ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'avant le phylloxéra, qui a vraiment détruit tous les vignobles, il a lu dans les archives qu'au Clos des Mouches, il n'y avait pas que du pinot noir, il y avait du pinot gris, du pinot bureau et du chardonnay. Mais s'il dit qu'ils avaient mis du blanc, il va y avoir une raison. il a planté une petite parcelle. Et quand il a fait en 1928 ses deux premières pièces, et qu'il a dégusté le vin, il l'a trouvé excellent. Et là, il s'est dit, mais... Et c'est parti comme ça en fait.

  • Speaker #0

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet.

  • Speaker #1

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet, qui est propriétaire de chez Maxime.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Eugène adore le vin, il lui dit Maurice c'est délicieux, est-ce que je peux avoir l'exclusivité de ton clou de mouche blanc ? Et mon grand-père je crois aurait répondu, bah écoute, je vais en garder un petit peu pour nous, mais oui. Et donc pendant quelques années, je ne sais pas combien de temps, Maxime a eu l'exclusivité, et à l'époque Maxime c'était, comme on dit, the place to be seen. et il y avait beaucoup de... personne un peu connue, on l'appellerait les people aujourd'hui, mais aussi des têtes couronnées, enfin voilà. Et c'est vrai que ça a beaucoup contribué à faire connaître le clos des mouches.

  • Speaker #0

    Mais vous avez eu quelques clients illustres, notamment un, qui s'appelle Alfred Hitchcock.

  • Speaker #1

    Je me souviens d'un matin, mon père descend en disant, parce que le téléphone en plus à l'époque, c'était pas le portable de maintenant, et Hitchcock a appelé mon père pendant la nuit en lui disant... Hello Robert, I cannot find my Morachet. Alors en fait, il voulait des bouteilles de Morachet, il n'a pas du tout pensé au décalage horaire. Et mon père lui a répondu, je vais m'en occuper, ne vous inquiétez pas. Et voilà. Et il y a lui, dans les connus, il y a Louis de Funès.

  • Speaker #0

    Ah, Louis de Funès !

  • Speaker #1

    Louis de Funès qui était bon client de la maison et qui passait du temps à parler autant de son potager que des vins avec mon père.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, il y a une région sur laquelle vous aimeriez implanter le domaine ?

  • Speaker #1

    pas forcément en France oui oui franchement si j'avais de nouveau 25 ans je tenterais l'expérience je referais l'Oregon mais je tenterais l'expérience en Nouvelle-Zélande alors je n'y suis jamais allée j'ai eu beaucoup de stagiaires de là-bas j'ai dégusté pas mal de vin moi aussi j'ai eu l'occasion de déguster ils font des choses incroyables ils font des choses incroyables au Pinot Noir bon bien sûr le Sauvignon Blanc mais au Pinot Noir il y a des trucs incroyables

  • Speaker #0

    Donc là, on termine par ?

  • Speaker #1

    Alors, on termine par le Clos de Vougeot. C'est évidemment un château, on n'en a pas beaucoup en Bourgogne. On est très fiers des quelques châteaux qu'on a. Et le Clos de Vougeot est quand même, dans l'histoire de la Bourgogne, un endroit un peu mythique. C'est quand même le berceau de la viticulture bourguignonne, parce que c'est moine de Citeaux. Donc, c'est moine de Citeaux, c'est le berceau des Cisterciens. Citeaux ça vient de Sistel C'est un roseau, ils se sont mis dans des zones marécageuses, puis ils revenaient à une vie d'austérité. Et ils ont été les courageux qui ont défriché, planté et construit ce beau cellier au Clos de Vougeot. Alors il y a eu pendant longtemps, le Clos de Vougeot c'est 50 hectares, mais aujourd'hui c'est 80 propriétaires.

  • Speaker #0

    Ah oui quand même !

  • Speaker #1

    Donc voilà, on est toujours très fiers quand on peut ouvrir une bouteille de Clos de Vougeot. C'est aussi la confrérie des chevaliers du Tastevin, à son siège social au château du Comte, donc tous les chapitres. C'est un bel endroit. À Clos-Vougeot, on est en côte de nuit, on est sur un terroir. C'est marrant parce qu'on est à deux pas du Musigny. C'est très différent en nature de vin. On a un peu plus de structure. C'est des vins plus sérieux. Le style de Rouen, dans tous nos vins, on essaie d'amener de l'élégance. Là, il a le côté épicé. Mais comme c'est un grand cru, c'est un joli millésime, on a un peu travaillé avec l'avandange entière. Vous le sentez, ce côté un peu épice. Avec le temps, ça va aller sur des notes de... De rose, de pétales de rose, ça fait assez très complexe. Alors ça peut surprendre, ce côté un peu épicé peut surprendre à sa jeunesse, mais on le sait, au vieillissement, c'est superbe.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien.

  • Speaker #0

    Et à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Vous êtes toujours plus nombreux à suivre ce podcast. Si vous souhaitez en savoir plus sur le domaine drouin, rendez-vous sur 20divin.fr. Si vous avez apprécié ce contenu, partagez-le autour de vous. Abonnez-vous à 20divin sur les plateformes de podcast ou sur les réseaux sociaux. et créditez-nous de 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. C'est important pour remonter dans les classements. Ce contenu a été créé avec le soutien de Alma, société de conseils en croissance digitale. Dans le prochain épisode, nous retrouverons la suite de cet entretien avec Véronique Drouin, qui nous emmènera dans l'Oregon, sur la côte ouest des Etats-Unis. En attendant, portez-vous bien.

Description

Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin.


Pour ouvrir le bal, j’ai le plaisir de recevoir Véronique Boss Drouhin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouhin, elle incarne la quatrième génération à la tête d’une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans.


Tout commence en 1880, à Beaune, lorsque Joseph Drouhin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vins. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et ouvre une nouvelle page de l’histoire familiale. Trois ans plus tard, il acquiert la première parcelle de la maison : le mythique « Clos des Mouches », qui deviendra l’un des emblèmes du domaine.


Dans cette première partie d’entretien, nous revisitons l’histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la Maison.


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Transcription

  • Speaker #0

    Chaque trimestre, je vous donne désormais rendez-vous avec une figure du monde du vin et pour ouvrir le bal, j'ai le plaisir de recevoir Véronique Boss-Drouin. Arrière-petite-fille de Joseph Drouin, elle incarne la quatrième génération à la tête d'une maison qui fait rayonner le vignoble bourguignon depuis plus de 140 ans. Tout commence en 1880 à Beaune, lorsque Joseph Drouin, jeune homme de 23 ans, abandonne sa librairie pour se lancer dans le négoce de vin. Son fils Maurice prend la relève en 1918 et trois ans plus tard, acquirent la première parcelle de la maison le mythique Clos des Mouches, qui deviendra l'un des emblèmes du domaine. Dans cette première partie d'entretien, nous revisitons l'histoire familiale à travers quelques cuvées phares de la maison. Je m'appelle Philippe Hermé, bienvenue dans Vin Divin. Bonjour Véronique, bienvenue dans Vin Divin et merci de nous recevoir chez vous ici à Beaune. Alors même si la maison a été fondée en 1880 par Joseph Drouin, c'est plutôt à son fils Maurice, votre grand-père, que l'on doit l'essor de la maison.

  • Speaker #1

    Maurice était en fait, lui, plutôt parti dans une carrière militaire. Il se trouve qu'il a hérité de cette petite maison familiale, dont il s'est fort bien et beaucoup occupé. La naissance du domaine Joseph Drouin, c'est lui. En 1921, il fait l'acquisition d'une parcelle dont il aimait beaucoup les vins, qui s'appelle le Clos des Mouches, le Bonne Clos des Mouches. C'est un bon premier cru qui a cette particularité aujourd'hui de faire du pinot noir et du chardonnay. C'est assez rare en Bourgogne sur le même climat. ou le même finage, on est les deux couleurs. Mais Maurice aimait vraiment beaucoup les vins de cet endroit. Et en fait, on oublie qu'à l'époque, donc en 1921, on va dans les vignes avec les chevaux, et il fallait trouver quelque chose, il voulait faire une acquisition, mais ça ne pouvait pas être très très loin de sa cuverie, qui était ici dans le centre de Beaune. Et le Clos des Mouches remplissait toutes les cases de qualité et du côté pratique. La même année, il fait une acquisition qui là était déjà trop loin pour lui personnellement de s'occuper de la vigne. C'est au Clos de Vougeot. Alors là, il a un ami qui s'occupe de faire les travaux viticoles. Par contre, au moment des vendanges, les raisins sont quand même rapatriés, en charrette certainement à l'époque, à la cuverie. Et alors, il y a des histoires extraordinaires avec mon grand-père, qui était vraiment un homme, un grand humaniste, et qui a dévoué beaucoup de son temps à l'Hôtel-Dieu, aux Hospices de Beaune, et bien sûr au développement de la Maison de Rouen. Il parlait bien anglais, il parlait bien allemand. C'est un homme très intelligent et très bon, que je n'ai malheureusement pas connu.

  • Speaker #0

    Et donc je crois aussi qu'il a été caché par les souspices pendant la Seconde Guerre mondiale. Oui,

  • Speaker #1

    c'est en fait une belle histoire, parce que Première Guerre mondiale, Maurice, qui se retrouve sur un champ de bataille, comme beaucoup de jeunes à cette époque-là, voit un jeune soldat qui est mourant, blessé, en tout cas gémissant, et il se dit, bon, c'était l'ennemi, ils vont venir le chercher, leur soldat. Et le lendemain matin, le pauvre jeune est toujours là en train de gémir et là il s'est dit ça c'est pas possible. Donc il a dit à l'ennemi, il a fabriqué avec ce qu'il a trouvé un drapeau blanc en disant vous devez venir prendre soin de votre jeune soldat. Et ils ont cru que c'était un guet-apens, il a dit mais je vais vers lui et vous pourrez faire ce que vous voulez. Et du coup en fait ils sont restés amis, puis la guerre s'est terminée. Et malheureusement, la Deuxième Guerre mondiale arrive, mon grand-père aide la résistance, ce n'était pas très bien vu par l'ennemi, il a été emprisonné en 1942, puis libéré. Mais bon, il a continué des activités de résistant. Là en fait, ce soldat allemand prévient mon grand-père, « Maurice, attention, tu vas être arrêté, probablement fusillé, il faut que tu te planques. » Et donc là, on est le lendemain du D-Day, le 7 juin 1944, et effectivement les Allemands viennent frapper à la porte, mais mon grand-père s'est préparé et il a dit à ma grand-mère, s'ils viennent dans la journée, je suis fichue, s'ils viennent le soir ou dans la nuit... J'ai peut-être une chance de me sauver par les caves. Ce qu'il dit à sa femme, il lui dit tu leur diras s'ils viennent que je suis partie pour affaire à Paris. Ce qu'il dit aux enfants, c'est pas tu leur diras, c'est je vais partir pour affaire à Paris. Donc les Allemands viennent vers 4-5 heures du matin, frappent à la porte, demandent à voir Maurice Douin et ma grand-mère dit il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. Alors il ne la croit pas, ils vont réveiller les enfants. qui eux, assez innocemment, disent « Non, papa, il n'est pas là, il est parti pour affaire à Paris. » Donc ils ont eu un petit doute, mais pendant ce temps-là, Maurice est descendu dans les caves et est ressorti par une porte qu'il espérait ne soit pas gardée. Effectivement, il avait raison, parce qu'elle ressortait dans une rue qui s'appelle la rue Paradis et qui est à 30 secondes à pied des hospices. Donc il est parti se cacher là-bas. Alors il ne savait pas combien de temps il allait y rester, mais Beaune a été libéré le 8 septembre 1944. Et donc là, il a pu ressortir. Mais entre-temps, ma grand-mère a dû gérer l'activité. La maison était toute petite, mais il y avait quand même du vin à gérer. Et donc, tout d'un coup, la mère supérieure va souvent, tous les jours, à l'église. Ma grand-mère, qui y allait tous les dimanches, soudainement, y va tous les jours. Et c'est comme ça qu'elle pouvait communiquer avec mon grand-père via Sœur Germain, la mère supérieure. Donc, c'est vrai qu'il y a beaucoup d'histoires avec Maurice. Malheureusement, en 1957, il a fait un AVC qui l'a laissé paralysé. et là il a appelé Mon père en disant, il faut que tu viennes m'aider. Alors papa était en Algérie. À l'âge de 24 ans, notre père se retrouve ici à diriger une petite maison. Alors lui, complètement autodidacte, quand même formé par son père, parce qu'il était toujours dans ses, on dirait des baskets aujourd'hui, mais à l'époque dans ses godillots pour aller dans les vignes et voir nos partenaires viticoles, puisqu'on a toujours beaucoup acheté de raisins à des amis vignerons. Et puis voilà, et papa a fait beaucoup grandir la maison au niveau du domaine, avec des très belles acquisitions de vignes. On parle du Musini, des Amoureuses, des Bonnemars...

  • Speaker #0

    Ça c'est plutôt début des années 60, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est le début des années 60, exactement.

  • Speaker #0

    Et puis très visionnaire sur le Chablis ? Très visionnaire sur le Chablis. En 68, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que, exactement, Chablis c'est une région extrêmement sinistrée, puisque Chablis n'est pas très loin du bassin parisien, la clientèle des vins de Chablis c'est le bassin parisien. Malheureusement, il y a eu l'ophiloxéra, puis l'oïdium, enfin toutes ces maladies qui ont beaucoup abîmé le vignoble. Il y a eu deux guerres. qui fait que les jeunes, il n'y en avait plus. Les chevaux, il n'y en avait plus. Du matériel ou des produits phytosanitaires, du cuivre ou du sauf, il n'y en avait pas. Donc Chablis, c'était en 68 500 hectares. Et aujourd'hui, Chablis, c'est 5000 hectares. Donc c'est vrai qu'il a été assez visionnaire. Et papa, ça a commencé en 68 avec Chablis et un petit peu en amont avec l'acquisition de ces très belles parcelles. C'est vrai qu'aujourd'hui, c'est extrêmement compliqué en Bourgogne d'acquérir des parcelles. C'est extrêmement cher le foncier. Le foncier est très cher. D'accord.

  • Speaker #0

    Donc on parle de Chablis, ça tombe bien puisqu'on va déguster, non ?

  • Speaker #1

    On va déguster. Alors c'est un Chablis premier cru, 2023. Donc ça c'est un vin qui est 100% de Chablis, qui est bien sûr du Chardonnay. Ça pousse sur des sols extrêmement calcaires et c'est une région un petit peu plus fraîche. Donc ça fait des vins qui sont vibrants, qui ont une acidité assez presque mordante. C'est des vins très ciselés et qui se boivent plutôt dans leur genèse. Moi je ne conseille pas trop aux gens. de garder des Chablis très longtemps. Les grands crus, oui, mais l'appellation Chablis. Et souvent, les degrés alcooliques sont modestes, donc ce ne sont pas des vins loups, ce ne sont pas des vins fatigants.

  • Speaker #0

    Là,

  • Speaker #1

    c'est frais, c'est coulant. Ce sont des vins qui sont très faciles en accord mes vins. Parfois, avec des choses d'ifile, l'asperge, par exemple, ce n'est pas toujours un accord mes vins très simple. Chablis, ça va très bien. On ne pense pas toujours non plus au fromage, le fromage de chèvre, délicieux. Donc, il y a beaucoup d'accords. On sent presque le coquillage, parce que les sols chablisiens, si on se promène, on voit beaucoup de ces petites huîtres fossilisées.

  • Speaker #0

    Il n'est pas finalement si minéral que ça.

  • Speaker #1

    On est sur un millésime 23, qui est quand même un millésime chaud.

  • Speaker #0

    Un peu solaire, oui. Oui, qui est assez solaire. Mais c'est très agréable.

  • Speaker #1

    Moi, je trouve qu'il a quand même beaucoup de fraîcheur, je trouve, pour un millésime. Alors, 23, ça a été chaud, mais j'allais dire dans la fin de sa vie. Mais je suis quand même assez contente qu'on ait réussi à faire, sur 2023, des vins qui ont une jolie fraîcheur. Malgré ce petit dôme de chaleur qu'on a eu.

  • Speaker #0

    Très agréable. Pour revenir sur la fratrie, votre frère Enéphipe que j'ai rencontré l'année dernière au Clos-Vougeot, c'est lui qui a introduit la biodynamie assez tôt chez vous ?

  • Speaker #1

    Oui, il a été dans le groupe des premières personnes qui ont réfléchi à cette viticulture. Ils étaient très contrariés par les recettes qui étaient données par les ingénieurs agro. Ils se sont dit assez rapidement qu'on l'envalait dans le mur. C'était très visionnaire aussi. A l'époque, c'est Frédéric Lafarge, Dominique Laffont, Aubert de Villene, Anne-Claude Leflaire. Ce petit noyau se met à réfléchir à des alternatives. Il y avait déjà quelques personnes, on n'appelait pas ça de la bio, mais qui travaillaient avec des produits naturels, donc pas des produits de synthèse. Philippe a dit, je me souviens très bien, qu'un jour il a dit, j'aimerais bien vous parler. Je voudrais qu'on passe le domaine en culture bio. C'est vraiment le tout début où on parle de ces pratiques viticoles très respectueuses de l'environnement. Et il a dit, ce n'est pas sans risque, on risque probablement de perdre de la récolte, ce qui a été le cas, mais on ne polluera plus nos sols, on va réapprendre aux vignes à se défendre elles-mêmes contre les agressions extérieures. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait rien, on a bien sûr continué à utiliser du soufre et du cuivre, ce qui est toujours le cas parce qu'on n'a rien trouvé de naturel pour remplacer ces deux produits, qui eux sont des produits naturels. Par contre, on s'est interdit d'utiliser des produits de synthèse. Quand on dit des produits de synthèse, c'est-à-dire des produits qu'on appelle systémiques. Et systémiques, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça rentre dans le système de la plante. Elle n'a pas le choix, la plante, que de prendre ses produits. Alors c'est vrai que ça la protège. Alors que les produits bio ou biodynamie, puisqu'après on a poursuivi sur la biodynamie, en fait on va appliquer ce soufre ou ce cuivre, ou des préparations qu'on appelle de la 501, c'est de la bouse de corde, on va prendre des choses qui paraissent un peu ésotériques mais en fait qui marchent, où là on applique ça sur le raisin. Avec l'inconvénient, s'il pleut, c'est comme quand on a du savon et qu'on va sous la douche, ça part et il faut recommencer. Donc c'est une viticulture qui demande beaucoup de présence dans les vignes, beaucoup d'attention, beaucoup de connaissances. Donc c'est pas dire on ne fait plus rien, on fait presque plus parce qu'on est beaucoup plus proche de la culture de la vigne.

  • Speaker #0

    Donc là on va déguster le Saint-Romain.

  • Speaker #1

    On déguste le Saint-Romain. J'ai choisi ce vin parce que c'est la dernière acquisition de la famille. Donc, sa roman se trouve entre... Meursault et un village qui s'appelle Montcli, on part un petit peu dans le fond d'une vallée et on monte un peu en altitude. Donc ça c'est un vignoble qui est plutôt en altitude, donc là on est sur le blanc, ça en même produit des blancs et des rouges. Moi je suis plus attirée par les blancs que par les rouges, qui parfois ont des fins de maturité compliquées. Par contre sur les blancs je trouve que c'est des vins qui ont énormément de fraîcheur et sur ces millésimes qui commencent à être chauds et on en aura de plus en plus. Là on a un équilibre, on a une élégance. qui est très classique de ces chardonnays de notre Côte d'Or. Et ça, c'est un vin qui est vinifié en fûts de 500 litres. Donc, c'est des fûts qui sont plus gros que le fût classique de 228 litres parce que là, on a une belle adéquation entre le volume de vin et la quantité de bois. C'est-à-dire qu'on va avoir un petit peu moins de bois par rapport au volume de vin. Donc, on a essayé plusieurs choses et on trouvait que c'est un ratio qui allait bien. Bien sûr, ce n'est pas des fûts neufs. Il y a peut-être 10% de bois neufs. Et là, on fait très attention aussi. à ne pas utiliser trop de fût neuf.

  • Speaker #0

    Assez rond, hein ?

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est assez rond, c'est assez élégant, c'est une jolie finale. C'est un vin très délicat. Et je pense que c'est important qu'on fasse connaître ces vins au public parce que la Bourgogne a cette réputation d'être chère, elle l'est. Mais c'est vraiment ce haut de gamme des premiers crus ou des villages célèbres, Merceau, Pligny-Chassagne, ça fait des vins délicieux, mais qui deviennent quand même assez chers. Et je trouve que c'est très important parce qu'ils existent et qu'ils sont bons et qu'ils sont... disponible et abordable, qu'on fasse connaître ces vins-là.

  • Speaker #0

    On est sur quelle gamme de prix ? On est sur

  • Speaker #1

    35 euros TTC.

  • Speaker #0

    On ne va pas tout seul. Aujourd'hui, vous êtes quatre à gérer le domaine Joseph Drouin. Est-ce que ce n'est pas compliqué de travailler en famille ? En fait,

  • Speaker #1

    on a très souvent la question, mais honnêtement, je trouve que c'est plutôt une chance et une force. Bon, on a la chance de très bien s'entendre, on a la chance aussi que chacun ne va pas marcher sur les plates-bandes des autres. Philippe, c'est les vignes, moi c'est les vins, Laurent c'est plutôt la commercialisation, Frédéric c'est plutôt le management. Mais j'avoue quand même que c'est aussi une direction presque collégiale, parce que quand on va acheter une vigne de Saint-Romain, Frédéric Padillé, où je vais acheter une vigne sans main. investissement, c'est des emprunts. Voilà, donc là, bien sûr, il va demander l'accord de la famille, et même mon père qui a 91 ans, on va lui demander son avis parce qu'il est toujours très passionné par ce qui se passe.

  • Speaker #0

    Alors pour revenir à la Bourgogne, vous avez quand même un domaine qui est incroyable. Donc vous avez... J'ai compté, vous avez 21 grands crus bourguignons, c'est quand même énorme. Avec des noms effectivement très très connus, les Bonnemars, les Echezeaux, Chambertin, Claude Baize, etc. 47 premiers crus, j'ai vu. Donc là, Chambol-Musigny qui est quand même l'une de vos appellations préférées, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on adore les vins de Chambol. Et je pense que c'est un peu un héritage de notre grand-père Maurice. Joseph peut-être aussi mais je ne sais pas mais en tout cas Maurice aimait beaucoup les vins de Chambol et notre père adore les vins de Chambol d'ailleurs c'est pour ça qu'ils ont essayé de faire des acquisitions et à l'époque c'était possible donc du musini, des amoureuses des Chambol beaux vous dites que c'est le cachemire de la Bourgogne oui moi je trouve que c'est le cachemire de la Bourgogne mon frère m'a dit un jour ah mais j'aime bien cette expression parce que pour décrire cette qualité de tannin parce que les vins de Chambol en fait c'est vraiment oui on pourrait dire du velours ou de la soie mais je trouve que c'est plus que ça parce que c'est un côté très soyeux et très caressant, mais en même temps, il y a une belle matière dans ces vins. Mais c'est des tannins sans qu'ils soient tanniques. Donc, c'est pour ça qu'ils vieillissent bien. Mais on a ce côté très... Ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, le grain du tannin, qui est très coulant, très soyeux. C'est vraiment des vins hyper délicats et extrêmement complexes et raffinés.

  • Speaker #0

    Vous avez une centaine d'appellations, on l'a dit. Certaines ne sont pas à votre propriété, c'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    oui, on est toujours... Mon rachet,

  • Speaker #0

    ce n'est pas vous qui possédez, mais vous. Vous vinifiez, vous récoltez ?

  • Speaker #1

    On récolte, on vinifie, donc ça c'est un bel exemple de partenariat.

  • Speaker #0

    De négoce intégré, je dirais. Oui,

  • Speaker #1

    de négoce intégré, c'est vrai que malheureusement le ménégociant n'est pas toujours très bien vu, je veux dire en France, et peut-être pour des bonnes raisons. époque les négociants étaient un peu pas tous mais certains bon on achetait un peu ce qu'on trouve on n'était pas trop regardant de la qualité et puis on commercialisait ça mais il y a quand même beaucoup de négociants très sérieux.

  • Speaker #0

    Il y a une différence aussi importante entre le négociant bordelais et le négociant bourguignon.

  • Speaker #1

    Ah oui, énorme. En fait, c'est le même mot pour deux métiers complètement différents. Le négociant bordelais, il achète des caisses de vin, donc il n'a jamais touché un raisin, il a du vin. Il achète des caisses qu'il va vendre pour le château, c'est un commerçant. Le négociant bourguignon va acheter des raisins ou du vin en vrac ou du mou et va vinifier, élever, mettre en bouteille. Donc vous faites le négociant... Comme en Champagne, quoi, finalement. Comme en Champagne. Ce qu'on appelle le négociant éleveur. Et en fait, nous, ce qu'on a beaucoup développé, c'est le partenariat. Dans toutes les appellations, on a j'allais dire pris premier cru, grand cru, c'est peut-être 80% du domaine. Et si on est sur Bourgogne et Villages, c'est 80% d'approvisionnement par des achats de raisons. C'est à peu près ça le ratio.

  • Speaker #0

    Alors on va parler un petit peu de vous. Comment vous faites en tant qu'œnologue de la famille depuis... 38 ans je crois, comment vous faites pour gérer sans appellation en tant qu'œnologue ? C'est un boulot de dingue !

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est beaucoup de travail et parfois on a des amis bordelais qui viennent et disent mais c'est un truc de fou, c'est incroyable ce que vous faites ici, on en a trois, on a trois vingt dans la cave. des volumes beaucoup plus conséquents que nous, c'est vraiment une discipline. C'est une discipline, il faut beaucoup déguster. Nous, le lundi, c'est la journée dégustation. Donc tous les lundis matins, l'équipe prend des échantillons. On ne va pas dans la cave avec la pipette parce que c'est trop fastidieux et on le déguste plutôt. pas assez bien, et surtout on fait prendre des échantillons, parce que parfois c'est une pièce, trois pièces, dix pièces, quinze pièces, de chaque appellation. Alors on ne fait pas tout toutes les semaines, on fait une semaine les blancs, une semaine les rouges. Mais ça fait, en cave, il y a peut-être à peu près 400 lots de vins différents, mais parfois effectivement c'est une pièce, c'est-à-dire 300 bouteilles, mais il faut quand même le déguster, et on déguste pour voir si tout va bien, si c'est le temps de soutirer, ou si c'est le temps de mettre en bouteille, ou si on a une appellation, on se dit, « Ouh, il n'est pas digne de son appellation, est-ce qu'on ne doit pas le rendre ? » replier, c'est-à-dire on va le déclasser dans une appellation inférieure. Ça, c'est très important de le faire pour maintenir la qualité des vins. Donc c'est une grosse partie de... c'est une grosse discipline et d'expérience. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup dégusté avec mon père. D'accord. On est quatre chronologues à la maison. On a un directeur technique, donc qui est vraiment le pilote et c'est lui qui est derrière, j'allais dire, tous les vins de la maison de moi. Il s'appelle Jérôme Forbrac. On travaille très bien en binôme mais comme moi, j'ai aussi l'Oregon que je voyage, lui, il est là tous les jours. D'accord. Donc c'est Jérôme vraiment qui pilote la cuverie, donc l'équipe et les vins. Et là, il a un palais aussi fabuleux et il a une connaissance des terroirs parce que c'est important en fait. Parce que quand je vais mettre un bouchon dans un morceau, c'est moi qui dois savoir que c'est vraiment un morceau, c'est pas à vous. Quand vous allez le goûter, vous devez vous dire, je goûte un morceau, c'est ça un morceau. Moi, il faut que quand je l'ai mis en bouteille, je me dise, ça c'est typique de l'appellation. Donc, on dit en anglais le sense of place, le lieu est super important. Donc c'est pour ça qu'on a toutes ces appellations, mais elles sont toutes un peu différentes. Le clou des mouches va être différent du clou de bougeot. Parce que le sous-sol est un petit peu différent, le microclimat est différent.

  • Speaker #0

    Alors il y a... J'ai entendu ou lu qu'il y a une femme qui vous a beaucoup inspirée qui s'appelle Laurence Jobard. Parlez-nous un petit peu de cette onologue.

  • Speaker #1

    Oui, Laurence qui est toujours de ce monde, qui est une femme merveilleuse. Et c'est vrai que moi j'ai grandi dans un univers très masculin. Mon père, maman qui était là et qui recevait beaucoup, qui était excellente cuisinière. J'ai trois frères, mon père est globalement dans la cuverie ou dans la cab, il n'y a que des hommes. Donc je me suis dit très tôt, ça c'est pas un truc que je ferais, moi je ne vais pas aller travailler dans l'entreprise familiale. Et quand j'ai 10 ans, la maison a grossi, mon père a besoin d'aide, il commence à embaucher du monde pour l'aider, directeur France, directeur Export, et une jeune femme pour faire les analyses dans un petit laboratoire qu'il crée. Et puis il se dit, au fond, je ne vais pas déguster tout seul, Laurence, vous allez déguster avec moi. Fille de vigneron, de pommard. Et là, il se rend compte qu'elle a des sacrées dispositions de dégustation, et il lui dit, mais Laurence, allez suivre des cours d'œnologie à Dijon. Son père, elle, lui dit, non mais une femme, ça ne devient pas une ologue, tu vois. Mais elle y va quand même. Et donc, très jeune, c'est une des premières femmes diplômées oenologues, travaille de plus en plus en binôme avec mon père, et puis reprend petit à petit vraiment ce que fait Jérôme, les vinifications. Et donc moi j'ai 10 ans, arrive une femme dans cet univers, et elle comme mon père m'ont beaucoup encouragée, moi j'ai beaucoup dégusté avec elle, j'ai beaucoup appris. J'ai travaillé pendant 5 ans dans le labo, j'étais la petite main avec une de mes très bonnes amies qui maintenant travaille pour nous en Oregon. Ils ont passé notre temps à déguster, on a beaucoup appris.

  • Speaker #0

    D'accord, alors on a évoqué tout à l'heure le réchauffement climatique, qui est un problème pour tout le monde. Est-ce que le Pinot Noir sera encore le cépage phare de la Bourgogne dans 20 ans ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je l'espère, mais après, est-ce que je peux mettre ma main à couper qu'il le sera ? Je pense que les vignes ont une certaine résilience et qu'elles s'adaptent. Elles se sont adaptées à beaucoup de choses, mais on ne peut pas s'interdire d'imaginer d'autres cépages. C'est-à-dire qu'on continue à faire notre Pinot et on espère que... Il va s'adapter. Et nous, je pense qu'on a aussi des pistes agronomiques. Parce que le problème, c'est vendanger plus tôt. En soi, ce n'est pas grave, c'est même bien. On vendange un petit peu plus tôt. Le problème, c'est les degrés d'alcool qui commencent à être... Mon père, il chaptalisait pratiquement tous les ans. On est plutôt à se dire, comment on fait pour ne pas avoir trop d'alcool ? Vendanger plus tôt, c'est une piste, mais ce n'est pas une super solution parce que ça oblige à vendanger des raisins pas tout à fait mûrs. Et franchement, des raisins pas tout à fait mûrs, surtout en rouge, ça ne fait pas très bon.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas terrible, non ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas terrible, c'est végétal. Après, on peut travailler sur, par exemple, la hauteur de rognage, pour faire de l'ombre portée, pour faire un peu parasol. On peut travailler sur l'effeuillage, effeuillé ou pas effeuillé, laisser les feuilles qui font aussi parasol. Donc on a quand même des choses. Des techniques. On peut travailler sur les sélections clonales, pour que les vignes débourent un petit peu plus tard. Donc voilà, oui, il y a des pistes, mais c'est vrai qu'il faut s'en occuper. Des portes-grèves qui sont plus adaptées. On commence à utiliser les portes-grèves méditerranéens ici, qui sont beaucoup moins sensibles à la sécheresse. Parce qu'il ne faut pas oublier, en Oregon, on a beaucoup de chance. L'irrigation est autorisée. On a très peu de législation. Ici, tout est interdit. On ne peut pas irriguer, on ne peut pas remettre de l'eau dans les cuves, ce qui est assez courant aux Etats-Unis. Donc, il faut vraiment faire. Peut-être que ça évoluera aussi. Donc là, on déguste peut-être le vin le plus connu de la maison.

  • Speaker #0

    Le Clos des Mouches.

  • Speaker #1

    Ou en tout cas le clou des mouches, le fameux clou des mouches.

  • Speaker #0

    2022.

  • Speaker #1

    Et pour la petite histoire, le nom du Clos des Mouches, c'était les mouches à miel. C'était un clos où il y avait des abeilles, enfin des ruches. Et donc, c'est le vieux nom français de l'abeille, la mouche à miel. Et voilà. Souvent, je l'explique parce qu'on se dit, oh, la mouche, c'est quand même pas très...

  • Speaker #0

    Oui, c'est pas très vendeur.

  • Speaker #1

    C'est pas très poétique, mais en fait, c'est l'abeille. Les petites...

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Les petites abeilles qui volent sur l'étiquette. Ouais. Donc ce fameux clou des mouches acheté par Maurice en 1921. C'est vrai que c'est...

  • Speaker #0

    C'était vraiment le début de l'aventure. Oui,

  • Speaker #1

    c'est le début de l'aventure du domaine. C'est vraiment un vignoble. Et alors, bon, là, je vous ai fait goûter le rouge, mais il y a le blanc qui est en chardonnay, et c'est pareil, c'est vraiment un grand vin. Et j'espère que dans 20 ans, on continuera à produire des choses comme ça. Vous voyez la finale, ça, c'est ce qu'on appelle, nous, la finesse, la longueur en bouche.

  • Speaker #0

    C'est excellent. Alors justement, ça me fait penser à une anecdote. Quand Maurice achète le Clos des Mouches, il se trouve qu'il replante du chardonnay, c'est ça je crois ?

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'avant le phylloxéra, qui a vraiment détruit tous les vignobles, il a lu dans les archives qu'au Clos des Mouches, il n'y avait pas que du pinot noir, il y avait du pinot gris, du pinot bureau et du chardonnay. Mais s'il dit qu'ils avaient mis du blanc, il va y avoir une raison. il a planté une petite parcelle. Et quand il a fait en 1928 ses deux premières pièces, et qu'il a dégusté le vin, il l'a trouvé excellent. Et là, il s'est dit, mais... Et c'est parti comme ça en fait.

  • Speaker #0

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet.

  • Speaker #1

    Et il le fait déguster à Eugène Cornichet, qui est propriétaire de chez Maxime.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Eugène adore le vin, il lui dit Maurice c'est délicieux, est-ce que je peux avoir l'exclusivité de ton clou de mouche blanc ? Et mon grand-père je crois aurait répondu, bah écoute, je vais en garder un petit peu pour nous, mais oui. Et donc pendant quelques années, je ne sais pas combien de temps, Maxime a eu l'exclusivité, et à l'époque Maxime c'était, comme on dit, the place to be seen. et il y avait beaucoup de... personne un peu connue, on l'appellerait les people aujourd'hui, mais aussi des têtes couronnées, enfin voilà. Et c'est vrai que ça a beaucoup contribué à faire connaître le clos des mouches.

  • Speaker #0

    Mais vous avez eu quelques clients illustres, notamment un, qui s'appelle Alfred Hitchcock.

  • Speaker #1

    Je me souviens d'un matin, mon père descend en disant, parce que le téléphone en plus à l'époque, c'était pas le portable de maintenant, et Hitchcock a appelé mon père pendant la nuit en lui disant... Hello Robert, I cannot find my Morachet. Alors en fait, il voulait des bouteilles de Morachet, il n'a pas du tout pensé au décalage horaire. Et mon père lui a répondu, je vais m'en occuper, ne vous inquiétez pas. Et voilà. Et il y a lui, dans les connus, il y a Louis de Funès.

  • Speaker #0

    Ah, Louis de Funès !

  • Speaker #1

    Louis de Funès qui était bon client de la maison et qui passait du temps à parler autant de son potager que des vins avec mon père.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, il y a une région sur laquelle vous aimeriez implanter le domaine ?

  • Speaker #1

    pas forcément en France oui oui franchement si j'avais de nouveau 25 ans je tenterais l'expérience je referais l'Oregon mais je tenterais l'expérience en Nouvelle-Zélande alors je n'y suis jamais allée j'ai eu beaucoup de stagiaires de là-bas j'ai dégusté pas mal de vin moi aussi j'ai eu l'occasion de déguster ils font des choses incroyables ils font des choses incroyables au Pinot Noir bon bien sûr le Sauvignon Blanc mais au Pinot Noir il y a des trucs incroyables

  • Speaker #0

    Donc là, on termine par ?

  • Speaker #1

    Alors, on termine par le Clos de Vougeot. C'est évidemment un château, on n'en a pas beaucoup en Bourgogne. On est très fiers des quelques châteaux qu'on a. Et le Clos de Vougeot est quand même, dans l'histoire de la Bourgogne, un endroit un peu mythique. C'est quand même le berceau de la viticulture bourguignonne, parce que c'est moine de Citeaux. Donc, c'est moine de Citeaux, c'est le berceau des Cisterciens. Citeaux ça vient de Sistel C'est un roseau, ils se sont mis dans des zones marécageuses, puis ils revenaient à une vie d'austérité. Et ils ont été les courageux qui ont défriché, planté et construit ce beau cellier au Clos de Vougeot. Alors il y a eu pendant longtemps, le Clos de Vougeot c'est 50 hectares, mais aujourd'hui c'est 80 propriétaires.

  • Speaker #0

    Ah oui quand même !

  • Speaker #1

    Donc voilà, on est toujours très fiers quand on peut ouvrir une bouteille de Clos de Vougeot. C'est aussi la confrérie des chevaliers du Tastevin, à son siège social au château du Comte, donc tous les chapitres. C'est un bel endroit. À Clos-Vougeot, on est en côte de nuit, on est sur un terroir. C'est marrant parce qu'on est à deux pas du Musigny. C'est très différent en nature de vin. On a un peu plus de structure. C'est des vins plus sérieux. Le style de Rouen, dans tous nos vins, on essaie d'amener de l'élégance. Là, il a le côté épicé. Mais comme c'est un grand cru, c'est un joli millésime, on a un peu travaillé avec l'avandange entière. Vous le sentez, ce côté un peu épice. Avec le temps, ça va aller sur des notes de... De rose, de pétales de rose, ça fait assez très complexe. Alors ça peut surprendre, ce côté un peu épicé peut surprendre à sa jeunesse, mais on le sait, au vieillissement, c'est superbe.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    De rien.

  • Speaker #0

    Et à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt.

  • Speaker #0

    Au revoir.

  • Speaker #1

    Au revoir.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Vous êtes toujours plus nombreux à suivre ce podcast. Si vous souhaitez en savoir plus sur le domaine drouin, rendez-vous sur 20divin.fr. Si vous avez apprécié ce contenu, partagez-le autour de vous. Abonnez-vous à 20divin sur les plateformes de podcast ou sur les réseaux sociaux. et créditez-nous de 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify. C'est important pour remonter dans les classements. Ce contenu a été créé avec le soutien de Alma, société de conseils en croissance digitale. Dans le prochain épisode, nous retrouverons la suite de cet entretien avec Véronique Drouin, qui nous emmènera dans l'Oregon, sur la côte ouest des Etats-Unis. En attendant, portez-vous bien.

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