- Laura
Salut, moi c'est Laura, et dans A Feu Doux, je m'assieds avec des restaurateurs pour échanger sur ce qui compte tellement dans nos vies, et qui fait aussi le sel de leur métier, les relations et le partage. Ici, ils nous racontent les liens tissés, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Ceux qui les ont fait grandir, ou qui parfois les ont bousculés. Ceux qui ont forgé leur parcours, leur manière de recevoir, et qui continuent de les porter aujourd'hui. Toutes ces histoires qui rendent leur métier profondément humain. Alors, si toi aussi t'as toujours un peu de mal à refuser un dernier verre et t'aimes bien rester papoté en fin de service, viens t'asseoir avec nous.
Pour ce premier épisode A Feu doux, Je me rends chez Pristine, dans le 9e arrondissement de Paris. Michelle a ouvert ce restaurant il y a deux ans, avec Jérémy, son compagnon. Tous les deux ont quitté le Luxembourg pour repartir d'une page blanche. Pristine, ça veut dire pur, originel. Un mot qui raconte bien ce nouveau départ, mais aussi leur envie de revenir à l'essentiel, avec une cuisine majoritairement végétale et des produits sourcés directement auprès des producteurs. Aujourd'hui, c'est Michelle qui m'accueille chez eux. Elle nous parle de son parcours, de ses liens avec les producteurs, de son équipe, et de l'équilibre à trouver quand on entreprend en couple. Puis... Il y a ce qui l'anime chaque jour, cette joie toute simple de voir ses clients heureux. Une première rencontre qui finalement illustre parfaitement l'esprit A feu doux. Bonjour Michelle, merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui chez Pristine.
- Michelle
Comment tu vas ? Bonjour Laura, très bien, très content d'être là. Merci.
- Laura
Merci à toi. Au départ, restauration, ce n'était pas forcément ta vocation. Tu voulais faire médecin pour aider les gens à aller mieux. Qu'est-ce qui a fait que tu t'es finalement orientée vers des études dans la restauration ?
- Michelle
En vrai, je viens d'un milieu où la restauration, ce n'était pas un choix très naturel. Donc, si tu veux faire un métier, c'est des métiers un peu plus classiques. Et je pensais toujours vouloir faire de la médecine. Honnêtement, je ne sais même pas pourquoi. Je n'avais pas de raison particulière à ça. Et c'est suite à un stage dans un hôpital où je me suis rendue compte que ce n'est pas du tout ce qui me plaît, que ce n'est pas du tout un milieu positif comme je pensais. Je pensais si tu es toujours en allait mieux dans un hôpital évidemment ce que tu fais et que du coup c'est ça va être un milieu plus positif et où les gens vont être plus heureux à la base. Et évidemment, ce n'était pas du tout le cas. Donc, c'était un peu naïf à ce moment-là. Donc, tant mieux que j'ai fait le stage. Du coup, ça m'a fait un peu changer. Et vu que je travaillais toujours à côté déjà de mes études assez jeunes dans les bars, dans les clubs, un peu pour juste gagner un peu d'argent de poche, et que ça ne m'a super bien plu, je me suis dit pourquoi pas faire un métier de ça en fait.
- Laura
Et qu'est-ce qui t'a plu au départ dans tes expériences un peu étudiantes ? Avant de te dire, je me lance vraiment là-dedans. Qu'est-ce qui t'a plu ?
- Michelle
J'avais beaucoup de chance que je n'avais pas du tout ce côté négatif de la fête qu'on peut avoir. Moi, j'étais entourée de personnes vraiment très bienveillantes. Et du coup, c'était tout le côté positif, faire la fête, les gens sont contents, on entrait partout. Il n'y avait vraiment que ce côté très festif, très joyeux, sans avoir les côtés négatifs de la fête qu'on peut avoir aussi. Donc moi, je me sentais très en sécurité, toujours très bien. Et justement, c'était là où les gens qui vivaient des expériences ensemble, pas juste qu'on faisait vivre des expériences, mais qu'on vivait des expériences ensemble avec les gens, qui m'ont bien plu. Et je me suis dit, en vrai, là, c'est peut-être juste un petit job de côté, mais en fait, ça peut être un métier.
- Laura
Donc, après le bac, tu as commencé directement des études dans la restauration ?
- Michelle
C'est ça. En fait, j'ai un peu mélangé les deux. J'ai fait des études à distance, un bachelor en gestion hôtelière. Mais du coup, à distance, j'ai commencé tout de suite à travailler ensemble. Donc, j'ai fait les études en temps plein et j'ai travaillé en temps plein. Donc, c'était un peu un choix comme ça. Mais j'ai réussi à le finir avec un peu plus de temps, ça a été. Et du coup, avec notre métier, quand même, il y a l'expérience qui est limite plus importante que vraiment les études classiques. Donc, c'était un peu plus pour rassurer mes parents et donner un peu plus de sérieux à ce choix qu'en fait, vraiment me dire j'en ai besoin. Mais du coup, c'était bien parce que j'avais du coup le côté plus sérieux. Terre nous a servi pour Pristine pour assurer aussi d'autres agents qui nous ont aidés. Mais de l'autre côté, j'avais aussi l'expérience directe sur le terrain. J'ai eu des responsabilités assez jeunes, donc ça m'a quand même permis de grandir assez rapidement dans les boîtes et vraiment de m'épanouir assez rapidement.
- Laura
Et justement, tes parents, au départ, quand tu leur as dit que tu allais faire de la restauration, ils étaient contents ?
- Michelle
Je pense que c'était le grand choc. Je pense que c'était un très grand choc. J'ai de la chance, je m'entends super bien avec mes parents, ils ont toujours été méga encourageants. Le restaurant sans eux, ils ne seraient pas là, ils m'ont vraiment toujours encouragée de faire ce que je voulais de ma vie. Mais c'est clair, si tu leur dis, en fait, je ne veux pas être médecin, mais je vais te remoncer en tant que serveuse, je pense qu'aucun parent ne serait content. Surtout que ma grand-mère a eu un restaurant, des cafés plus dans le temps, et que ma mère a... J'avais justement l'autre expérience, donc plus négative, que c'était beaucoup de boulot, que c'était beaucoup de soir. C'est aussi un peu le côté les bistrots classiques, donc tu as des gens bourrés, tu as des gens mal plongés. Et elle m'a dit, mais t'es sûre, tu veux aller là-dedans ? Parce qu'elle n'avait pas peut-être cette vision de la nouvelle restauration, que c'est un vrai métier, qu'il y a une vraie recherche, qu'il y a vraiment quelque chose de peut-être, je ne veux pas dire plus qualitatif, mais peut-être que les gens dans la restauration sont beaucoup plus respectés que peut-être dans le temps où c'était un peu... si tu ne savais pas faire de quoi ta vie, tu ouvrais un bistrot. C'est un peu comme ça dans le temps et aujourd'hui, c'est un vrai métier. Mais du coup, je pense qu'avec le temps, qu'elle a vu que c'est vraiment ce qui me plaît et aussi qu'elle a vu que j'étais bien dedans et que j'arrivais à être assez sûre et serein dans ma vie. Là, évidemment, c'était bien et aujourd'hui, je suis hyper fière et très contente. C'est nos premiers clients et on est très content de ça.
- Laura
Les premiers clients qui sont venus chez Pristine ?
- Michelle
Oui, clairement. Les premiers, surtout. Ils regardent tout. Ma mère me dit « Ah, mais j'ai vu, t'as posté quelque chose sur Instagram. » Enfin, elle suit tout. Ils sont vraiment très, très derrière nous. Et c'est super. Donc, ils m'ont vraiment laissé le choix dès le départ. Mais c'est sûr qu'au début, ce n'était pas rassurant, c'est clair. Enfin, pour aucun part, évidemment.
- Laura
Oui, complètement. Et tu sens qu'il y a justement, entre peut-être le début de tes études et aujourd'hui, une vision de la restauration qui a évolué, en fait, dans… au regard du grand public, un petit peu une valorisation qui est meilleure aujourd'hui que peut-être quand tu as commencé à étudier ?
- Michelle
Moi, ça ne fait pas si longtemps. Donc, moi, mes études, c'était il y a 15 ans. Donc déjà, là, c'était quand même, je pense, un peu dans cette veine-là. Je pense qu'il y a, pour moi, en tout cas, c'est ma vision vraiment subjective qui a changé, c'est vraiment ce côté écologique qui s'est rajouté. Je pense qu'on est beaucoup plus un regard environnemental sur notre métier, Mais je pense que généralement, les médias nous aident énormément. Je pense qu'aujourd'hui, on a un peu cette starification de notre métier, notamment des chefs, et ça nous aide énormément parce que les gens se rendent compte de l'enjeu du métier, qui sont des fois durs, on travaille beaucoup, on travaille tard, c'est des choses qu'on ne peut juste pas changer. Mais aussi que c'est un super métier, que c'est des gens hyper créatifs qui ont vraiment envie de créer des choses, qui ont envie de démontrer vraiment leur expérience, de faire voyager à travers leurs assiettes. au-delà juste des chefs aussi en salle, c'est vraiment des métiers qui sont liés. Et je pense que ça nous aide énormément.
- Laura
Pristine, on en reviendra tout à l'heure, mais c'est un projet que tu as montré avec Jérémy, donc ton compagnon. Exactement. Quel moment vous vous êtes rencontrés ?
- Michelle
On a fait le côté classique qu'on dit de ne pas faire. On a travaillé ensemble, on s'est rencontrés au boulot. Et en fait... Dès le départ, presque, on a pris beaucoup de café ensemble. Et lui, au début, il était chef exécutif quand on s'est rencontrés du groupe. Donc, on travaillait dans un grand groupe de restaurants au Luxembourg. Et moi, j'étais gérante en établissement. Et du coup, il m'invitait à prendre des cafés. On échangeait sur le restaurant, sur toute chose. Et à un moment donné, je me suis dit, on m'invite quand même souvent à boire des cafés. Je me suis dit, je pense peut-être qu'il est plus intéressé par moi que pour le café. pour parler des établissements, peut-être. donc j'ai un peu capté le truc finalement on s'est mis au couple ça s'est très bien passé entre temps on m'a augmenté du coup il faudrait être gérante opérationnelle du groupe donc c'était super ensemble avec du coup les patrons et quelqu'un d'autre en direction on m'a géré le groupe c'était une expérience intense mais super super valorisante pour nous et du coup ça nous a appris aussi de travailler en couple ensemble d'essayer de faire la part entre le côté privé et le côté professionnel qui n'est pas toujours facile mais du coup Pour nous, c'était super. C'était une super expérience. On a beaucoup appris et aussi il a appris sur nous de se dire qu'on est capable de travailler ensemble, ce qui n'est pas toujours le cas peut-être pour tout le monde. Et dès là, le choix, évidemment, moi, je voulais toujours ouvrir mes propres établissements. Donc, c'était sûr, et lui aussi, donc c'était sûr qu'on allait ouvrir tous les deux.
- Laura
Donc, en fait, depuis que vous vous êtes rencontrés, vous avez toujours travaillé ensemble.
- Michelle
Oui, c'est ça. Il n'y a pas eu de... On travaillait ensemble avant qu'on n'était en couple. On n'a pas fait l'inverse. On était vraiment... Donc, on n'a jamais connu le fait de ne pas travailler ensemble. Oui,
- Laura
c'est genre.
- Michelle
Après, évidemment, quand on est venus à Paris, on a des petites périodes. On n'avait pas le restant. On a vu travailler dans un autre établissement que moi, mais on a toujours eu les mêmes projets ensemble.
- Laura
Des compétences complémentaires finalement. Toi, tu es plus en salle. Lui, il est vraiment en cuisine ? Exactement.
- Michelle
C'est ça la base, comment on s'est organisé. Parce que lui, de base, son métier, c'est la cuisine et moi la salle. Mais après, on programme toutes les décisions ensemble déjà. Et aussi, on mélange vraiment quand même beaucoup nos compétences. Donc, moi, j'ai des idées en cuisine, même si je ne cuisine pas moi-même. Et de l'autre côté, lui, pareil, en salle, il me donne des idées. On échange quand même sur tout. C'est vraiment très... On collabore vraiment beaucoup sur chaque chose, en fait. Il n'y a aucune décision qui est prise sans que l'autre aille au courant. Oui, d'accord.
- Laura
Et votre idée de sauter le pas un petit peu et vraiment lancer votre activité, elle s'est faite à quel moment ?
- Michelle
En vrai, plutôt dès le départ. On était assez... Moi, je savais toujours que j'allais vouler partir. Je revenais seulement de New York. donc c'était simplement mon excursion, j'avais quitté Luxembourg pour aller à New York, j'avais adoré New York, donc moi c'était quand je suis revenue de Luxembourg, bon ça s'est pas fait volontairement, il y avait un problème de visa, donc voilà, j'ai pas trop le choix, donc j'ai commencé à travailler, ça s'est très bien passé au boulot, mais je savais toujours que je voulais repartir, donc ça indépendamment, on m'aurait vraiment pu mettre le tapis rouge, j'aurais voulu partir malheureusement, donc c'était assez clair pour moi, et puis en fait, lui aussi m'a dit, en fait... Moi aussi, j'ai envie d'être ouvert avec toi. Donc, ça s'est fait assez naturellement. Après, il y a Covid qui est arrivé.
- Laura
Donc,
- Michelle
ça a quand même fait un grand frein à ces projets. Et honnêtement, aussi, une grande remise en cause de tout. C'est dit, est-ce que ça vaut encore le coup aujourd'hui d'ouvrir des restaurants ? Je pense qu'il y a beaucoup de restaurateurs qui se sont dit, au moment-là, notre métier, est-ce qu'il y a beaucoup d'entente ? Donc, du coup, ça a pris beaucoup plus de temps. Et puis aussi, le temps de se dire, où est-ce qu'on va ? Qu'est-ce qu'on va faire ? Donc, on a un peu eu le temps aussi d'affiner tout ça pendant. C'était un mal pour un bien pour nous.
- Laura
Et qu'est-ce qui fait que vous avez surmonté cette crainte de post-Covid ? Potentiellement, c'est un métier qui ne durera pas, etc. Qu'est-ce qui fait que vous avez trouvé l'énergie de surmonter cet aspect-là ?
- Michelle
Je pense qu'il était bien, parce qu'on était encore en poste à ce moment-là. Donc nous, en vrai, on a eu vraiment beaucoup de chance pour le Covid. On avait le chômage technique, comme beaucoup de gens, dans la restitution, pas partout, mais au Luxembourg et pareil en France, on était quand même soutenus. Donc c'était une grande chance pour nous parce qu'en vrai on était vraiment très très bien si je compare à beaucoup d'autres gens à notre métier. Et du coup après on a repris le boulot et ça s'est petit à petit, les craintes sont un peu enlevées parce qu'on a revu quand même que nos métiers sont encore valorisés. Au contraire qu'il y avait des clients qui avaient tellement hâte de revenir dans nos restaurants. Donc c'était super cool de voir et ça nous donnait hyper envie et puis petit à petit ça s'est enlevé. Et je pense de l'autre côté aussi, quand tu as vraiment ce rêve, et c'est mon rêve, c'était vraiment, je pense, dix ans que j'en parlais. Vraiment, c'était très, très intense que je voulais être indépendante et ouvrir mon propre établissement. À un moment donné, tu te dis, je ne peux pas faire sans le faire. Je dois le faire. C'est plus fort que moi, quitte à ne pas réussir. Mais en tout cas, il faut l'essayer une fois. Et je pense que c'est ça le plus grand moteur. C'est vraiment la passion, l'envie de le faire. Et tu te dis, je ne peux pas sans le faire. Il faut le faire.
- Laura
Et justement, tu parlais de passion, de rêve, donc tu es hyper animée quand on parle. Qu'est-ce que tu aimes profondément dans ton métier ?
- Michelle
Moi, c'est vraiment le partage avec les gens. C'est aussi bien le partage avec mon client qu'on a la chance d'accueillir tous les jours. C'est aussi le fait de rencontrer d'autres gens passionnés. C'est des gens dans les équipes avec lesquels on travaille, c'est des créateurs de toutes sortes. C'est assez dingue, tous les gens que j'ai pu rencontrer juste à Paris en deux ans, c'est assez fou. Donc moi, c'est ça qui m'anime, des gens qui partagent la même... qui n'ont pas forcément toujours les mêmes valeurs ou les mêmes visions, mais quand on est hyper complémentaires et qu'on s'enrichit vraiment l'un à l'autre, c'est ça qui est moi qui m'anime. Donc, ça peut être n'importe qui dans n'importe quel métier et c'est super.
- Laura
Du coup, tu as l'impression d'aider les gens à aller mieux ?
- Michelle
Je pense qu'on a un métier, enfin, c'est un des seuls métiers pour moi, où tu vois instantanément le fait que les gens sont heureux. Tu n'as aucun autre métier. Tu peux dire, OK, même le coiffeur ou celui qui vend les fringues, il voit que tu es bien, mais en fait, non, tu sens bien au moment où tu mets la robe après. Oui, concrètement. Donc, ce n'est pas au moment même que tu l'achètes. Nous, on a les seuls métiers où les gens, vraiment, au moment même, tu manges leur assiette, ils passent un moment en tête-à-tête avec leur conjoint ou en date. C'est là où tu te dis, ils sont heureux et tu le vois. Et je pense que c'est ça, en fait, ce côté que tu as tous les jours. C'est un métier hyper bénéfique, vraiment très, très bénéfique. Et c'est ça qui, je pense, m'anime de voir que ça se passe bien, que les gens sont contents, que les gens sont heureux. Pas toujours, des fois, on se loupe, mais on essaie au maximum de le faire bien pour la majorité des gens, en tout cas.
- Laura
Comment tu gères justement les petits moments de... De loupés, etc. Ou les clients difficiles.
- Michelle
En vrai, on a beaucoup de chance. Les gens sont vraiment assez cool chez nous. On a des gens hyper ouverts, hyper qui font vraiment dans le monde de la découverte. Après, on a des services où on se loupe, comme tout le monde. Donc, on s'excuse, on essaie de faire mieux. Mais en général, on a beaucoup de chance. Les gens sont très cool, ils nous prennent bien. Et aussi, on est quand même dans un monde assez... Enfin, ma prestige, on est quand même assez détendu dans l'ensemble. Donc, il n'y a pas ce côté hyper perfection. J'essaie de dire qu'on est plus dans la sensation que dans la perfection. On a plus envie de partager une expérience et de faire un truc cool que de se dire que ça doit être nickel avec des tables nappées.
- Laura
C'est vrai qu'il y a très peu.
- Michelle
Les gens sont déjà dans un esprit très détendu quand ils arrivent. Je pense que ça aide aussi beaucoup.
- Laura
Mutuellement, tout le monde se détend et c'est plus agréable. Vous venez tous les deux du Luxembourg et vous avez décidé d'ouvrir votre resto à Paris. Pourquoi Paris plutôt qu'une autre île ?
- Michelle
En fait, ce n'était pas un choix évident. Moi, c'est sûr que c'était après New York, justement, qu'il fallait aller dans une capitale. Moi, j'avais adoré New York. J'avais besoin de ce côté très contemporain, vraiment très dynamique, qui changerait rapidement. C'est un peu dans mon caractère, donc voilà, ça me plaisait bien. Donc, c'était un peu le choix entre Amsterdam, Barcelone, Paris. Il faut s'éprimer un peu les capitales culinaires en Europe. Londres, pas, parce que je ne suis pas très fan de Londres, même s'ils sont à un niveau de dingue en restauration. Mais c'est une ville juste de base qui ne me plaît pas, qui ne me plaît pas personnellement. Et c'était un peu ce côté, on parle la langue, c'est proche. On avait essayé Amsterdam, ça ne s'est pas trop fait pour des raisons administratives, c'était compliqué. Et Jérémy, il avait travaillé déjà à Paris quand il était plus jeune, il n'avait pas aimé. Donc c'est lui un peu qui a poussé contre Paris. Et finalement, on a fait des week-ends tous les deux, vraiment en mode juste personnel, et qu'il a adoré. Il m'a dit, en fait, pourquoi pas Paris ? Il a dit, moi, dès le départ, mon premier choix, c'était Paris. Et voilà, du coup, ça s'est fait comme ça. Et on a trouvé le local assez naturellement. On a rencontré des gens naturellement, ça s'est vraiment fait bien. Que les parents se sentaient bien.
- Laura
Vous n'aviez pas d'attache, en fait ? Vous n'aviez pas de personne, ressource ?
- Michelle
On n'avait personne. On n'avait ni d'amis ici, ni aucun client potentiel qui pourrait venir, aucun fournisseur. On a vraiment commencé page blanche.
- Laura
OK, on part de zéro. Exactement. Et donc, Pristine va souffler ses deux bousilles très bientôt. Oui,
- Michelle
la semaine prochaine. Et donc,
- Laura
Pristine, ça veut dire effectivement primaire, pure, originelle. qu'est-ce que ce nom ? représentait pour vous ?
- Michelle
Honnêtement, la recherche, c'était très compliqué. À Paris, il y a vraiment beaucoup trop de restaurants. Et c'est au moment où on voulait commander déjà le papier, parce qu'on avait un papier récité assez spécial et tous les papiers du coin avaient un nom. Et le papier blanc s'appelait Pristine. Et du coup, on s'est dit, en fait, c'est exactement ça. Pour nous, c'est une page blanche. On repart à zéro. Comme tu as dit, c'est exactement ça. Et en plus, Pristine veut dire primaire, sauvage, vraiment l'origine de tout. et on s'est dit en fait c'est ça pour nous c'est le tout départ De un. Et de deux aussi, vu qu'on avait l'idée dès le départ de travailler en direct producteur et vraiment des produits de la région, notamment Île-de-France, on s'est dit, en fait, c'est ça, les produits, c'est la base. Donc, les produits, c'est vraiment l'origine. Et on s'est dit, c'est ça le concept. En fait, Pristine, ça le représente plutôt bien.
- Laura
Oui, ça m'a été hyper bien avec le concept. Et justement, ce concept d'être en direct des producteurs favorisait vraiment l'agriculture locale. Cette idée, elle est venue d'où ?
- Michelle
Je pense que c'était un peu quelque chose qui m'en me tient à cœur depuis... Longtemps, même si ça s'est affiné quand même un peu à la fin. Je pense qu'aujourd'hui, dans les restaurants, n'importe où on va, souvent, ça passe par Rungis. À Paris, il ne faut pas chercher, c'est le plus grand marché alimentaire au monde. Et c'est un peu, tu prends le téléphone le soir, t'appelles, et on te livre tes pêches, tes tomates, n'importe ce que tu veux, n'importe où. Et je ne veux pas dire que c'est de la mauvaise qualité, peut-être pas. Je ne sais pas, je travaille pas avec, donc je ne sais pas. Mais ce n'est pas forcément mauvais. Mais moi, ça me moquait vraiment ce côté sens, en fait. Pourquoi aujourd'hui je te sers une tomate, pourquoi demain je n'en ai pas ? J'avais vraiment besoin de savoir d'où ça vient, à qui l'a fait, et vraiment donner du sens à ce que je fais. Être fière tous les matins quand je me lève de me dire « Là, je te sers, peut-être que ce n'est pas parfait, mais en tout cas, je sais pourquoi je le fais. » C'est ça un truc qui me poussait vraiment de manière subjective. Et puis aussi, objectivement, on est en 2025, il faut se rendre compte qu'il y a un changement climatique. On ne peut plus faire venir des fruits et des légumes de l'autre bout du monde en cargo. C'est plus possible. Il faut être honnête, ça ne marche pas. Et pareil, comme ça ne marche plus de manger de la viande trois fois par jour, je ne dis pas qu'il ne faut plus jamais manger d'avocat ou il ne faut plus jamais manger de la viande, ce n'est pas tout ce que je dis, mais il faut généralement quand même se remettre un peu en cause, manger plus localement, favoriser l'agriculture locale. Je ne vais pas faire un grand discours politique, mais il y a quand même beaucoup d'enjeux. L'agriculture locale, elle va très mal, aussi bien en France qu'au Luxembourg. Il y a beaucoup de choses qui se passent mal et je pense que nous, en tant que restaurateurs, on a quand même ce grand pouvoir. C'est quand même un des agents clés dans l'alimentation. On a un énorme pouvoir. Déjà parce qu'on a le pouvoir de choix avec qui on travaille, mais aussi parce qu'on a des gens qui viennent chez nous, on sert des milliers de clients par mois, et qui viennent avec un état d'esprit hyper découvert, et on peut leur faire passer des messages. Et si c'est un message de bienveillance et d'agriculture locale, ça me plaît très bien.
- Laura
Ça te plaît ?
- Michelle
Ça me plaît très bien. Ce que tu dis,
- Laura
effectivement,
- Michelle
c'est à nous,
- Laura
restaurateurs,
- Michelle
de donner à nos clients le goût du bon choix. C'est exactement ça. En fait, c'est aussi de ne pas culpabiliser les gens. Je trouve souvent, on a l'impression que surtout quand on parle de changements climatiques et de transition écologique et tout ça, c'est un peu ce côté culpabilisant. D'un côté, il le faut parce qu'on est dans un état d'urgence énorme. Mais je trouve qu'on parle dans un restaurant parce qu'on a envie de passer un bon moment. Donc, t'es avec tes potes et avec... avec ton amoureux, avec ton mari, avec n'importe qui. Et en fait, tu ne viens pas pour sauver le monde. Sinon, tu fais de la politique ou l'inverse de la politique. Ça, on peut en discuter. Mais en fait, tu viens vraiment pour passer un bon moment. Et je trouve qu'il ne faut pas casser ce côté positif quand les gens viennent au restaurant. Au contraire, utiliser cet état d'esprit de découverte et de bienveillance et vraiment d'ouverture d'esprit pour justement faire passer un message de manière très positive, très engageante et plus convaincre les gens par le bien-faire. que par le faire culpabiliser. Souvent, quand on fait culpabiliser les gens, là, il se braque, il dit de voir aussi n'importe quoi. Vous, les écolos, bobos, parisiens, c'est tout ce qu'on lit. En fait, j'ai envie de le faire d'une autre manière, de dire déjà, vous passez un super moment, c'est bon. Et de l'autre côté, on a aussi des enjeux d'ailleurs qu'on essaie de convaincre. Et si ça ne t'intéresse pas, ce n'est pas grave. Tu passes un bon moment, ça me va très bien. Je n'ai pas envie de te forcer. C'est à toi de le voir. Mais par contre, si ça t'intéresse, voilà t'as nos producteurs sur nos cartes donc On fait des petits jeux de mots, des fois sur les cartes, un peu rigolos. Donc on essaye de faire passer les messages, mais si tu as juste envie de passer un bon moment, très cool, on est là pour ça.
- Laura
Tu sens qu'il y a une curiosité justement de vos clients ? Sur cet aspect agriculture locale,
- Michelle
énorme. Les gens, je pense surtout à Paris, c'est direct. Le Paris vient d'où ? Ça vient d'où ? Et surtout, nous, vu qu'on met les producteurs sur les cartes, comme beaucoup de restaurants maintenant le font, et c'est super. Ils nous demandent vraiment, ça vient d'où ? C'est qui ça ? Et c'était drôle, il y a deux semaines, il y a un petit truc de livraison. On a eu la livraison à 10h au milieu de la nuit avec notre ferme collaboratrice. Il y avait des gens, mais ils étaient choqués. Il y avait vraiment le fermier lui-même qui livrait les légumes. C'était drôle, il avait accueilli un Américain en terrasse et il n'arrivait pas à y croire. Il a guelé sur la terrasse, mais c'est incroyable. Il a dit, oui, mais vous pensez que ça vient d'où ? Évidemment, ça vient de quelque part, c'était de la terre, il y a quelques heures, c'est comme ça qu'on travaille.
- Laura
C'est vraiment direct pour du pain.
- Michelle
Surtout, il faut être honnête, on a des fois des aléas, des erreurs de livraison, des choses que je n'ai pas envie de nous glorifier plus qu'on le fait, mais on essaye. en tout cas, au maximum, de travailler en direct producteur, le plus en local possible aussi. Par exemple, nos fruits secs, il n'y en a pas en France, ils viennent du sud-ouest, par contre, aussi en direct producteur. Mais voilà, en tout cas, c'est l'idée de valoriser au maximum. Et les gens sont méga ouverts, hyper à la découverte. Et je pense qu'il faut juste trouver le bon moyen pour leur parler, s'ils ont envie,
- Laura
faire preuve de pédagogie.
- Michelle
C'est la transition vers où on va. Les gens, ils ont envie de savoir qu'est-ce qu'ils mangent. Il y a vraiment, je pense, un changement. énorme, qui se fait peut-être pas partout, mais en tout cas à Paris, je le sens énorme, que les gens, ça les intéresse vraiment beaucoup et qu'ils sont très ouverts et qu'ils trouvent ça super, qu'ils valorisent. On a beaucoup de gens qui nous disent, on vient aussi chez vous parce qu'on a envie de défendre ça dans nos choix qu'on fait.
- Laura
Ils mangent bien dans tous les sens du terme. C'est bon et ils savent d'où ça vient et ça a une démarche vertueuse derrière. Et vos producteurs, vous les sélectionnez comment ?
- Michelle
Alors au début, c'était vraiment très Gen Z. C'était Instagram, Facebook. On a regardé des restaurants qu'on aime bien, avec qui ils travaillent. Donc on a vraiment fait une recherche de base sur Internet parce qu'on ne connaissait personne. Et puis c'était en fonction de rencontrer des gens. On a dit qu'en fait, on a besoin d'oeufs, on a besoin de ça. Et qui nous ont dit d'autres producteurs. Donc en fait, on a un peu trouvé comme ça aussi. Donc ça, c'était assez bien. Mais aujourd'hui, ça change encore. Il se peut qu'on essaie de trouver encore quelqu'un d'autre. On veut encore un autre produit qu'on recherche encore en bio, qu'on a du mal à trouver. C'est quand même encore évolutif, toujours. On trouve des nouveaux produits super, aussi des nouveaux producteurs qui s'installent. Ça change tout le temps. Les fermes urbaines, ça bouge tout le temps. Ça évolue quand même toujours. Mais on a quand même quelques producteurs fixes. Dès le départ, on est très fiers d'eux. On est très contents.
- Laura
Justement, avec ces quelques producteurs fixes, vous avez mis en place On place, notamment avec une ferme, un contrat avec une rémunération mortuelle. C'est important pour vous d'assurer une certaine stabilité économique de ces acteurs-là, de vos producteurs ?
- Michelle
Clairement, c'est notamment avec la ferme de l'Envol qu'on fait, qui est basée à Bretagne-sur-Orge. C'est notre ferme première avec laquelle on se fournit en légumes, un peu en fruits, mais surtout en légumes. Là, ce sont les fruitiers et les prusses, donc il n'y en a pas trop encore. Et eux, en fait, ils ont mis justement ce système d'envolement en place. donc l'idée c'est que nous on... on s'engage sur un montant fixe pendant toute l'année. Du coup, on paye chaque mois n'importe ce qu'on prend en légumes. Évidemment, le calcul est fait vers moitié fin de l'année. Donc, soit on paye un surplus, soit on a un droit à un surplus de légumes. Mais du coup, nous, ça nous engage financièrement, clairement. Mais eux aussi, ça leur permet d'être plus ou moins rentables sur toute l'année. N'importe si en janvier, ils ont, j'exagère un peu, mais des oignons et des courges et pas grand-chose d'autre. Et en été, ils ont des tomates, ils ont plein plein plein de choses donc en fait Ça leur permet de couvrir les coûts fixes pendant toute l'année, tous les coûts fixes qu'ils ont, les salaires, sans être en stress. Ce qui est un énorme problème aujourd'hui. L'agriculture française a un grand problème, surtout dans les fermes à taille petite et moyenne. Il y en a plein de producteurs qui font des jobs à côté, surtout en hiver, parce qu'ils n'ont pas assez pour vendre et du coup, pas de quoi se nourrir. Et eux, en plus, ils ont vraiment tout un projet agroécologique. C'est de base un projet agroécologique. Donc il y a plein d'autres enjeux qui rentrent en compte. Et du coup, c'était vraiment l'idée de suivre la démarche jusqu'au bout, de vraiment être un vrai partenaire, au-delà de juste dire « on achète des légumes auprès de vous » , au début de la première année, on ne l'a pas fait. Les premiers six mois, du coup, parce qu'on a ouvert en juillet et on n'a pas fait, tout simplement parce qu'on ne pouvait pas s'engager. On n'avait plus d'argent quand on a ouvert et j'aurais dit très honnêtement, j'ai envie de travailler avec vous, mais je n'ai plus d'argent. Je ne peux pas vous assurer un montant par mois alors que je ne sais même pas combien ça va vous tourner. Comment on va tourner ? On a un peu travaillé ensemble et dès les premiers six mois finis, deux semaines, on s'est tout de suite mis. On a commencé ça, on est hyper fiers de ça. Je trouve que c'est super cool pour les deux côtés. Et ça fait qu'aujourd'hui, on a un lien au-delà de juste acheter des légumes. On échange régulièrement, on reçoit les photos de la ferme. J'essaie d'y aller tous les quelques mois à la ferme aussi. On s'entend super bien et ça fait une vraie relation au-delà de juste dire on achète quelque chose chez vous.
- Laura
Votre carte, elle est très évolutive. Vous vous adaptez aux saisons en fonction des fruits et légumes. Et vous avez aussi réduit un petit peu la proportion de viande progressivement, notamment l'été dernier avec un de vos producteurs, un fournisseur. Qui était en vacances, vous avez décidé d'arrêter la viande complètement pendant ses vacances.
- Michelle
C'est clair. Moi, justement, j'ai un peu de problème avec le mot « saison » . Parce qu'en fait, les gens, ils pensent que « saison » , c'est que tu as une saison X qui commence. Là, les fraises, ça commence le 1er avril. Et pendant tout l'avril et tout le mai, tu as les fraises. Mais en fait, ce n'est pas ça le cas. Des fois, si on achète seulement un seul produit avec un producteur, après une semaine, il n'y en a plus. Les chances ne sont pas énormes. À moins que tu fais des monocultures. Mais voilà, on redevient à un autre sujet compliqué. Donc, en fait... Ce que nous on fait, c'est vraiment d'essayer de travailler ce qu'il y a vraiment dans les champs. Donc des fois, là, tout bêtement, on avait de la rhubarbe pendant trois semaines, après on n'avait plus parce qu'ils étaient entre les plantations qui étaient sous serre et qui étaient dans les champs pleins, donc on n'en a plus pendant deux semaines et on reçoit pendant trois semaines. Donc en fait, on les met sur les cartes, on les relève, on les remet. Et c'est un peu ça le truc de vraiment réellement travailler ce qu'il y a, où des fois il y a des puissances sur une plantation, dans une semaine il n'y en a pas. Enfin, il y a des petites choses comme ça, de vraiment travailler ce qu'il y a réellement, et pas juste se dire il y a un truc que... pendant un an. Et c'est exactement ce qui s'est passé avec la volaille l'année dernière. Oui, on a un seul producteur de viande avec lequel on travaille dès le départ. Pierre-Nicolas a Amélie Laforêt, qui est super, qui travaille en bio plus plus, qui est une super personne qui fait tout lui-même, avec sa femme maintenant qui est réagie à la ferme, c'est super. Mais du coup, on s'est dit, on travaille avec lui dès le départ, on ne travaille pas d'autres viandes, on a déjà plusieurs choix, on ne va faire que de la volaille. Et on s'est dit, il est en vacances, c'est comme ça. L'agriculture, c'est un métier d'humain. Donc, les muséums, ils prennent des vacances. Et c'est comme ça. Et d'ailleurs, on a exactement communiqué comme ça aux gens. Normalement, on a de la volaille. Là, pendant un mois, notre producteur, il est en vacances. C'est comme ça. On ne va pas dépanner avec quelqu'un d'autre qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas envie de faire. C'est comme ça, oui. C'est des gens derrière qui travaillent. Et d'ailleurs, tout le monde l'a pris hyper bien. justement parce qu'on l'a expliqué exactement comme ça de dire bah oui c'est pas quelqu'un on n'achète pas ça à un registre ni au supermarché C'est vraiment une personne derrière. Et je pense que si on l'amène bien, si on l'explique bien, les gens, ils comprennent.
- Laura
Ils comprennent, oui. De la même manière qu'ils vont accepter que vous soyez fermé à telle ou telle période. Ils ne viendront pas, ils viendront à la rentrée.
- Michelle
C'est exactement la même chose.
- Laura
Tout le monde a le droit des vacances tout au long de ta chaîne d'approvisionnement, en fait. C'est ça,
- Michelle
exactement. Et du coup, pour finir sur la volaille, on va arrêter maintenant de toute la viande. On a, dès le départ, on a 10 minutes. déjà dès le départ, on était à 90% végétariens, dont l'idée justement de défendre la cuisine végétale. Avec, par contre, le parti de prix de ne pas dire on est végétarien et de mettre un tout petit peu de poisson au début et du coup, un tout petit peu de volaille, mais c'est vraiment pas grand-chose sur la quantité de légumes qu'on faisait, pour justement accueillir une clientèle qui n'était pas végétarienne et faire un peu évoluer les regards sur la cuisine végétarienne. Et c'est d'ailleurs parti gagné. Il y a eu plein de retours des gens qui disaient « C'est la première fois que je mange vraiment autant de légumes ou de quoi ? » Et là, après deux ans, tout le monde nous qualifie déjà comme restants végétariens.
- Laura
sans l'avoir connu On s'est mis en avant de manière hyper...
- Michelle
Exactement, sans jamais l'avoir dit, parce qu'on n'avait justement pas envie de mettre l'étiquette dessus. Et du coup, on a un peu évolué, on a graduellement encore enlevé ce qui déjà n'était pas beaucoup dès le départ. Et du coup, malade, encore une fois, notre poteur qui part en vacances. Et du coup, après ça, on a décidé de ne pas reprendre. On a déjà arrêté le poisson il y a quelques mois. Et du coup, on passe du coup le cap d'être 100% végétarien. Pour nous, c'est juste un choix logique. Notre démarche, c'était assez évident. Et d'ailleurs, Papien, nous, on a fait des fruits. On est très contents parce qu'on l'adore. Donc, on a chouetté avec lui.
- Laura
Mais vous continuez la relation au travail.
- Michelle
Les liens, ils restent. Donc, c'est bien. Même si c'était triste. Et aussi, justement, ça finit peut-être bien le sujet. Pour nous aussi, c'était dur de lui dire, en fait, on aime bien ce que tu fais parce que si on ne travaillait pas avec toi. Et d'ailleurs, sans lui, je pense qu'on aurait été arrêtés déjà plus tôt. c'est sûr et de se dire c'est pas de te dire qu'on a plus envie de te défendre parce qu'on te défend toujours enfin sinon on aurait pas continué autant voilà mais de se dire c'est quand même un choix commercial qu'on a fait une suite logique pour nous
- Speaker
Mais ça fait mal, parce que c'est une super personne avec laquelle on a parlé pendant deux ans.
- Laura
C'est difficile de rompre le lien.
- Speaker
C'est clair. Lui, il a très bien pris ce qu'il a dit. Ça ne m'étonne pas, je comprends.
- Laura
Et là, en t'écoutant, je me dis qu'effectivement, tu as découvert tout un univers d'agriculture de proximité, de relations avec les producteurs, et que tu as découvert tout un champ de compétences, toi. Qu'est-ce que tu as appris en termes de ressources personnelles avec cette aventure, Pristine ?
- Speaker
C'est incroyable quand je me compare aujourd'hui à il y a deux ans, où vraiment je ne savais pas grand-chose sur l'agriculture. Aujourd'hui, je ne sais rien. Mais c'est vraiment en visitant les fermes, en étant en parlant avec eux, qu'il y a plein d'enjeux, déjà plein d'enjeux politiques, que je ne me rendais pas compte à quel point l'agriculture biologique n'est pas forcément favorisée. Aussi plein d'enjeux, pourquoi c'est assez compliqué de produire bien, parce qu'on n'est pas forcément encouragé. Aussi de voir c'est quoi vraiment leur sujet à eux. Déjà il y a un grand problème de rémunération dans la culture aujourd'hui, il y en a plein de producteurs qui ont du mal à survivre. Aussi de l'autre côté, les entendre dire que les restaurateurs ne sont pas forcément aptes à s'adapter, donc moi ce qui m'étonne assez, parce que je me dis que c'est vraiment mon rêve de travailler comme ça, mais quand ils me disent qu'on n'a pas tant de clients comme ça... qui sont ouverts au changement ou qui veulent quand même les mêmes produits sur un mois, deux mois, trois mois, on parlait de saisons, c'est un peu ça. Donc, il y a quand même beaucoup de choses qui doivent changer ou peut-être j'ai un peu idéalisé la chose avant de commencer et que je me rends compte que ce n'est pas forcément facile. Et de l'autre côté, pour finir sur une bonne note, il y a des gens méga passionnés, des gens vraiment qui adorent ça, qui connaissent tout sur la Terre. C'est incroyable. Quand je parle avec les familles de la femme de l'envol, moi, ça m'impressionne à quel point... Ils sont aussi passionnés par plus de ce qu'ils font que moi, quand je mange pas de la cuisine. Ça fait super plaisir de travailler avec des gens comme ça et ça me laisse quand même rester hyper optimiste quand on va dans le bon sens. Surtout que les restaurateurs, on peut vraiment avoir une différence.
- Laura
Ça donne encore plus de sens à ce que tu fais et à votre projet.
- Speaker
C'est clair.
- Laura
Et justement, toute cette passion, etc., est-ce que c'est quelque chose que vous recherchez aussi chez les personnes que vous embauchez en interne, pour bosser en cuisine ou en salle chez Pristine ?
- Speaker
J'aurais dit oui. On cherche les gens avec les mêmes valeurs. C'est un peu ce qu'on dit, ce qu'on écoute, ce que tout le monde écrit sur Insta qu'on recrute. Les gens avec les mêmes valeurs, tout le ressemble, tout ça. d'une certaine manière, c'est vrai, on ne va pas embaucher quelqu'un qui a honte de refaire des steaks frites. Voilà, j'ai l'air de la chose. Ce n'est pas très heureux non plus. Il faut que ça soit donnant-donnant, que la personne aime aussi notre univers et aime travailler avec nous. Après, je pense qu'aujourd'hui, on est dans un peu plus du problème de recrutement et on a des gens qui viennent de milieux totalement différents aujourd'hui dans nos cuisines. Il faut aussi se rendre compte que ce ne sont pas des gens qui ont les mêmes backgrounds que nous. On ne peut pas s'attendre à quelqu'un qui vient et d'ailleurs, qui a totalement vécu une autre enfance, un autre milieu, qui a les mêmes valeurs que nous. Enfin, ce n'est juste pas possible. Et je trouve que c'est un peu élitiste de toujours dire « Ah oui, mais tout le monde va avoir nos valeurs. » Ben non, nous, on est hyper privilégiés dans nos vies de ce qu'on a pu faire. Je dis « nous » , je t'inclue dedans. Mais on ne peut pas s'attendre à avoir les mêmes valeurs. Et évidemment, des gens qui ont du mal à juste se mourir, il ne faut pas leur dire « En fait, il faut faire des légumes en bio, en direct producteur, en fait. » Enfin, vraiment, il faut aussi un peu sortir de son cheval, enfin, je ne sais pas si ça se dit en français, mais un peu de descendre, avoir les pieds par terre et se rendre compte quand même de la réalité. C'est clair. Et vraiment de partager. C'est une citation de Will Guitara que j'adore. Je t'invite à lire son livre Unreasonable Hospitality. Je l'invite tout le monde à le lire. Il écrit on cherche des gens qui ont envie d'apprendre ce qu'ils ont à apprendre et ont envie de partager ce qu'ils ont déjà appris. Et c'est un peu ça. C'est vraiment d'échanger. de ce que nous, on a envie de leur donner, mais aussi de prendre ce qu'ils ont envie de donner, se rendre compte qu'on est tous différents, qu'on ne va pas forcément faire le même parcours après, qu'il n'y a pas forcément quelqu'un qui est passé par ici qui va faire la même chose après, qui a envie de défendre les mêmes valeurs. Et c'est OK. Oui.
- Laura
C'est OK.
- Speaker
C'est vraiment d'échanger au max, essayer de prendre au maximum les deux côtés et voilà, accepter qu'on est tous différents et que c'est bien comme ça.
- Laura
Oui. Vous nous laissez de cette différence des personnes avec qui vous travaillez au quotidien, que ce soit à la fois les producteurs Ou vos employés chez Pristine. Oui,
- Speaker
exactement. En tout cas, j'ai envie de dire qu'on essaie de le faire. C'est vraiment ce que je trouve. Je pense qu'aujourd'hui, c'est comme ça. On a un métier tellement divers. Il y a des gens tellement divers. On ne peut pas s'attendre à être tous pareils. Ce serait ennuyant.
- Laura
Complètement. C'est l'altérité que tu t'enrichis aussi humainement. D'autant plus dans ce métier où tu es en permanence à la rencontre des autres. Et donc, tu travailles avec Jérémie. Comment vous gérez un petit peu ce côté pro-perso ? Comment vous arrivez à mettre la frontière entre... Il y a Pristine toute la journée. Comment est-ce qu'on réussit à switcher ? Comment vous arrivez à garder quelques moments à vous, malgré tout, en dehors de Pristine ?
- Speaker
C'est hyper dur. C'est notre plus grand problème depuis qu'on est ensemble, depuis qu'on a déjà travaillé ensemble, qu'on s'est mis en couple. C'est très compliqué, surtout parce qu'on est tous les deux méga passionnés. Donc n'importe où on va, on va manger au restaurant, on parle tout de suite des assiettes, les trucs. C'est normal, c'est plus fort que nous, on adore ça. Et d'ailleurs, je pense que je n'aurais pas vu avec quelqu'un qui n'est pas aussi passionné. C'est compliqué aussi. Donc en fait, c'est bien. Des fois, on se dit, on arrête pas les boulots et on essaye de ne pas le faire. Après, ça dure dix minutes. J'ai vu ça, j'ai parlé avec lui.
- Laura
Ça revient naturellement.
- Speaker
Ça revient. Je pense qu'au-delà de juste être en couple, c'est aussi un truc personnel quand même que tu dis. C'est quand même des métiers qui prennent beaucoup. Tu as tout le temps un truc à faire. Tu pourrais travailler 24 heures sur 24 si t'en veux. Même pas dans la restauration, même juste quand t'es indépendant ou quand t'es passionné de ton métier. Vraiment, c'est quelque chose que je pense apprendre, que j'essaie d'apprendre parce que je sais que je suis mieux quand je suis plus posée. Mais oui, évidemment, ça n'aide pas quand t'es en couple aussi, mais c'est des choses à apprendre. Vraiment, c'est faire des erreurs sans brouiller. Les phases où il y a plus de stress, on se dispute plus, c'est normal. Mais je pense qu'on a le même but et ça fait plaisir et on y arrive quand même.
- Laura
Oui, en fait, ça reste un couple qui se dispute en phase de stress. C'est une source différente, mais toi, ce n'est pas normal non plus et tu apprends à gérer au quotidien progressivement. Et donc, la restauration, c'est quand même effectivement un milieu qui est assez dans le speed tout le temps. Comment tu arrives à rééquilibrer et à te poser ?
- Speaker
En ce moment, très peu. Tout simplement parce qu'on est en train de faire deux aménagements. En ce moment, il y a beaucoup de choses qui se font. Nous, on a la chance qu'on a des équipes super sur le terrain qui arrivent très bien à gérer quand on n'est pas là, quand on peut vraiment se reposer sur eux. Ça aide beaucoup quand même. Mais c'est sûr que le plus compliqué, c'est de... arriver à éteindre le cerveau, c'est même pas de se prendre le temps de ne pas être là, mais aussi de se dire là je ne suis vraiment pas là et je ne vais pas me mettre sur mon lundi, je ne vais pas faire un truc, j'essaie juste de dormir, de lire un livre. En ce moment c'est compliqué, mais ça dépend vraiment des périodes aussi. Il y a des périodes où ça va mieux, où il y a peut-être moins d'enjeux, où il y a moins de stress et d'Ottawa, il y a plein de choses qui se font. Donc là, évidemment, c'est plus compliqué. Mais de l'autre côté, c'était notre rêve de faire ça. C'est incroyable qu'on ait la chance d'ouvrir un deuxième établissement. Je ne vais pas me plaindre du fait que je travaille beaucoup et que je suis fatiguée. C'est un peu ce truc de faire attention à ce que tu rêves ou ce que tu souhaites. Si ça arrive, en fait, voilà, t'es bien. Donc, je suis très contente. Et voilà, pour essayer de trouver l'équilibre un peu au quotidien et faire du sport. Ça, ça m'aide beaucoup. J'essaie d'être assez régulier sur mon sport. Ça va.
- Laura
Ça te permet de redescendre un peu. Clairement, oui. Et donc là, vous ouvrez un deuxième établissement à la rentrée.
- Speaker
Oui.
- Laura
Comment vous l'envisagez ? Est-ce que vous restez un petit peu dans la même veine que Pristine ?
- Speaker
Alors, même veine, oui. J'ai un peu envie de dire que c'est le 2.0. Ça se compare plus à l'extrême, surtout les créneaux. Donc, ça va encore être plus végétal. Donc, pour le coup, ça va être vraiment 100% végétal. Et de deux, ça va être plus gastronomique. Donc, on essaie de pousser un peu le curseur de ce qu'on fait, donc avec un menu unique. Mais après, tout le reste, ça ne change pas. Donc, toujours en direct producteur, toujours au maximum en Ile-de-France, toujours dans une ambiance détendue, toujours pas de la planche, toujours pas de smoking de cravate, mais voilà, juste un peu tout, un peu plus bossé.
- Laura
Effectivement, tu dis pas de la planche, pas de smoking de cravate. Qu'est-ce que vous essayez de mettre en place pour avoir cette proximité, justement, avec vos clients ? Est-ce que tu vois que, par exemple, vous avez des habitués qui reviennent aujourd'hui déjà chez Pristine ?
- Speaker
En fait, je me suis toujours dit... Tout d'abord, je veux un lieu qui me ressemble à moi, qui me plaît à moi. Après, le deuxième, ça doit plaire à des clients. Et le troisième, ça doit marcher aussi. C'est sûr qu'il n'y a pas de business. Mais ce n'est juste pas moi. Je ne me vois pas travailler avec smoking-cravate. Je ne vois pas travailler avec des nappes blanches. Je n'ai jamais fait ça dans ma vie. Et ça ne me ressemble juste pas. Je n'ai pas des lieux que j'aime bien faire. Je ne pensais pas du tout non plus à la tendance des restaurants d'aujourd'hui. Ça crée direct une distance. Quand tu parles de proximité, ça crée direct une distance avec les clients. Et ça ne peut pas dire qu'il n'y a pas une prestation de haut niveau juste parce que tu es plus détendu ou plus proche avec les clients. Et j'ai vraiment envie de créer un lieu où tu te sens bien. Et ma mère, elle disait... Non, ce n'est pas ma mère. Elle me dit qu'il ne faut pas aller dans la cave pour rigoler. C'est un petit endroit où tu peux rigoler, tu peux parler. C'est très joli. C'est vrai. Je peux juste... comme nous, on parle, on parle fort. Moi, je suis quelqu'un où je parle beaucoup, je parle très fort, je parle avec beaucoup mes mains et tout, et j'aime bien ça. Et du coup, j'ai envie d'être rock, qui me ressemble, qui sent un peu bruyant, et ça, je pense un peu ce qui se plaît, parce que du coup, il y a quand même beaucoup de gens qui reviennent, et peut-être que ça ne plaît pas à tout le monde, c'est clair, et il ne faut pas non plus essayer de plaire à tout le monde, parce que tu ne pourras jamais. Ou sinon, tu fais des steaks frites Coca-Cola, voilà. Mais tu ne pourras pas. Donc, il faut faire un truc qui, toi, te plaît déjà, et essayer, évidemment, de car aussi que ça plaît aux gens de prendre les retours. Se remettre en question quotidiennement, presque, et avancer, mais avancer dans une direction qui déjà te plaît à toi. Je pense que c'est déjà un bon conseil.
- Laura
Comment tu gères justement cet aspect retour, critique, etc., au quotidien ?
- Speaker
Beaucoup mieux aujourd'hui qu'au début. Je suis quelqu'un, je regarde les commentaires Google, je pense, dix fois par jour. Ça me stresse beaucoup. Toujours aujourd'hui ? Toujours aujourd'hui. Mais je les prends avec beaucoup plus de distance, tout simplement parce que je pense que n'importe ce qui est écrit... Il faut le prendre avec des parcettes. Les gens disent que c'est la meilleure table qu'ils aient jamais faite. Ce n'est pas vrai, il y a des meilleures tables, on le sait. Les gens disent que c'est la pire expérience. Ce n'est pas vrai non plus. Donc en fait, il faut prendre du recul un peu là-dessus. Nous, on est quand même beaucoup dans les établissements, donc on voit beaucoup ce qui se fait. On sait les choses qui vont bien, on sait les choses qui ne vont pas bien. Mais des fois, quand ça va moins bien, les gens sont très contents parce que des fois, c'est des choses que nous, on se rend compte, mais franchement, il n'y a personne qui le voit. Des petits détails. Oui,
- Laura
c'est la partie sur la fausse note au piano qu'en fait personne n'entend,
- Speaker
personne ne voit. Donc, il faut vraiment, je pense, essayer de prendre du recul et de l'autre côté, quand même pas devenir arrogant et dire ce que je fais, c'est incroyable. Mais vraiment se dire, aussi bien avec les équipes, les demander qu'est-ce qu'on peut améliorer, qu'est-ce qu'ils ont pensé. Mais aussi avec les gens, juste essayer d'écouter tout le monde, déjà de ce qu'ils ont à dire. Et après, prendre avec les pincettes où ils ont raison, qu'est-ce qu'on peut améliorer, qu'est-ce qu'on peut faire sans non plus toujours jeter le bébé avec l'huile du pain. C'est quelqu'un qui dit, je ne sais pas, le végétal n'a pas fait sur quoi. Ce qui n'est pas facile, surtout quand on a ouvert, il n'y avait personne. Parce qu'on n'a pas fait de bonne pub avant et que personne ne nous connaît à Paris, parce qu'on n'est pas de Paris. Et du coup, là, c'est très dur parce que tu as un restaurant vide, tu fais deux couverts et il y a des gens qui arrivent, qui ne savent pas du tout où ils mettent les pieds. Donc, ils disent, ah oui, il n'y a pas de viande, il n'y a pas ça, je ne sais pas trop. t'es tenté à te dire notre concept, ça ne tient pas à la route, il faut changer direct. où il faut tenir... et essayer de trouver le compromis entre ce que tu as envie de faire et ce qui marche. Pour l'instant, je suis plutôt contente avec ce compromis qu'on a réussi à trouver. En tout cas, moi, je suis contente de venir et c'est déjà bien.
- Laura
Et comment as-tu réussi à surmonter cette peur par moments, cette inquiétude et vraiment à la surpasser et aller trouver l'énergie de continuer comme vous l'avez conçu initialement ?
- Speaker
Je pense qu'à ce moment-là, tu n'as vraiment pas de choix. Je ne te cache pas, c'est hyper dur. t'as pas envie de venir les matins surtout les travaux aussi on avait beaucoup de galères de travaux et on a vraiment limite la peinture était sèche on a dû ouvrir parce qu'on avait plus d'argent c'était très dur et tu ouvrais t'as personne, en plus on a ouvert en été y'a personne à Paris en été on a vraiment fait toutes les erreurs pour faire son ouverture et c'est hyper dur j'étais tellement contente d'ouvrir que je suis venue, pas du tout j'étais fatiguée, j'étais épuisée mentalement comme physiquement mais t'as pas de choix tu n'as plus d'argent et tu sais si tu n'es pas là tu ne peux pas payer les gens pour venir donc tu le fais avec un faux sourire un peu et tu essaies de tenir la route en espérant que ça va aller mieux mais c'est des moments là où c'est vraiment juste la force mentale de venir ça ne fait pas plaisir c'est comme un peu sur un marathon road et tu espères que ça ne dure pas longtemps on a beaucoup de chance de ne pas durer longtemps et après c'était justement l'inverse donc c'est trop bien c'est trop bon Trop bon retour presse, trop bon retour client. Ça s'est vraiment fait hyper évaluant, puisqu'on n'aurait jamais imaginé que ça se passait. Donc, c'était super. Mais encore là, il y a des périodes, quand tu as des vacances ou quoi, ou des longs week-ends, des trucs, tu as moins de monde. Tout de suite, tu as peur, parce que tu as ce sentiment. Au début, tu te dis, peut-être ça y est, il y a tout le monde, les gens ne s'appelaient plus et tout. Mais des fois, il faut juste se dire, voilà, essayer d'être obéitif, prendre un peu du recul, peut-être aussi des fois sur vraiment ce qui se passe, ce sont les chiffres d'être trop stressé et de se dire ok Ça y est, ça va, les retours sont bien. Voir aussi ce qui est bien, ce qu'on peut améliorer. Et là aussi, ça aide beaucoup d'être deux. Ça, c'est clair. Vu qu'on est deux, on peut échanger. Il n'y a pas ce côté où tu essaies d'être poli. Avec la famille, tu ne dis peut-être pas tout. Les amis qui ont préparé ne sont pas dans le métier ou ne sont pas chez toi. Avec tes équipes, tu leur dis des choses, mais tu ne dis jamais tout parce que tu ne veux pas les inquiéter quand ça ne va pas. Tu as toujours ce côté un peu quand même où c'est bien quand tu es deux. Parce qu'au moins, il n'y a zéro filtre avec Jérémy. C'est une tour de l'université de la Bocoua.
- Laura
Et justement, il est en cuisine, toi en salle, mais sur les aspects plus personnels, comment vous vous équilibrez en termes de force et de faiblesse ? Est-ce qu'il y en a un qui est plus positif que l'autre ou plus patient ?
- Speaker
Jérémy a clairement plus de force mentale que moi. C'est lui qui m'a, depuis qu'on est ensemble, qui m'a aidé énormément à vraiment être beaucoup plus serein dans ce qu'on fait. Lui aussi a eu des expériences avant déjà différentes, donc il sait que ce n'est pas la fin du monde quand ça ne marche pas. En ce moment, nous avons beaucoup de chance aujourd'hui, on n'a pas d'enfants, on n'a pas d'enjeux en soi. Ça aide de prendre du recul, justement, de se dire évidemment, ce n'est pas ce que tu souhaites, mais c'est bien d'effort de se rappeler de ça quand ça ne va pas. Mais lui est beaucoup plus fort mentalement dessus, donc ça m'aide beaucoup. Et d'ailleurs, je pense qu'on échange beaucoup et on sent quand même aussi comment l'autre est. Donc, il y a des moments où c'est lui le négatif, c'est moi du coup qui le rassure. Et des fois, c'est l'inverse. Et je pense, cela dit, c'est aussi hyper important de juste être content. Ça, c'est un truc qu'on essaie maintenant de faire, juste être content quand ça va bien. C'est-à-dire, écoute, tous les deux, on va manger au restaurant et on va être content. En fait, ça se passe hyper bien. Parce que tu as toujours ce côté, quand ça ne va pas, tu es stressé et tu en parles. mais quand ça va il va bien C'est très souvent le cas, tu ne prends pas le temps, parce que tu es dans le jus, tu es toujours la tête dans le guidon, tu y vas, tu es tout le temps dans le truc, et tu n'as jamais le moment de te dire, je ne suis pas content, comment on est arrivés, parce qu'on se dit, là, on fête les deux ans, donc c'est un moment pour nous un peu sentimental, parce que ça fait une date,
- Laura
et je me dis,
- Speaker
mais c'est incroyable ce qu'on a quand même fait en deux ans, c'est fou, donc il faut aussi se rendre compte de ça, et je pense être content, et c'est important, parce que ça te donne la force pour continuer derrière, et pour justement être un peu plus aisée de se... de toute cette bienveillance pour quand ça va pas.
- Laura
Je sens que quand on parle, t'as un peu de l'émotion.
- Speaker
Oui, c'est vrai, je m'en rends pas compte. Non, non, mais c'est sûr. Bah oui, parce que nous, c'est énorme. On ne pensait pas vraiment quand je pense à tous les moments où c'était très dur au début, on ne pensait pas vraiment être là après deux ans. Avec autant de personnes bien qui nous entourent, ça fait hyper plaisir.
- Laura
Puis avec un nouveau projet, c'est fou.
- Speaker
Oui, un nouveau projet, c'est fou. C'est vraiment fou, ouais. Et je me rends pas, même en maje, je me rends compte, je ne prends pas assez de temps pour aussi me rendre compte donc euh Donc c'est important de se dire, voilà, c'était le rêve, on a réussi, c'est cool, on fait des autres projets. Et pas juste se dire, allez, on y va, on y va, il y a ça qui est le problème, il y a la machine là qui est cassée, il faut racheter ça. Enfin, il y a des trucs, il y a des petits trucs tout le temps et t'as l'impression qu'il y a tout le temps des petits problèmes et que du coup, tu te rends pas compte qu'elle pensait bien.
- Laura
Se poser, faire pause,
- Speaker
c'est ça, c'est cool. Le chemin derrière,
- Laura
faire courir, il est grand,
- Speaker
on n'est pas négligible. C'est sûr, c'est important parce que ça te donne envie de continuer aussi.
- Laura
C'est juste une petite question pour finir. Si tu devais retenir une leçon que la restauration t'a apprise sur les relations humaines, ce serait quoi ?
- Speaker
Je pense vraiment que tout le monde est différent et qu'il faut vraiment prendre les gens en commission. Et que des fois, ça ne va pas aller. Ce n'est pas parce qu'il y a un problème, peut-être, qu'on aurait pu avoir une influence, mais que des fois, ça matche, des fois, ça ne matche pas. Et qu'il faut essayer de vraiment échanger au maximum et prendre l'un l'autre ce qu'on peut prendre, mais peut-être moins... On va pouvoir forcer les choses, peut-être.
- Laura
Excepté que les choses prennent du temps.
- Speaker
Et justement, aussi, voir qu'il y a plein de gens qui ont des choses différentes à donner. Et qu'on est mieux, qu'on est ensemble. Le plus qu'on est, le mieux les idées y sont. Et d'essayer d'échanger au maximum.
- Laura
Et qu'on se nourrit vraiment l'un de l'autre. C'est ce que tu disais tout à l'heure, même dans votre équipe.
- Speaker
Se nourrir l'un de l'autre. Ça aurait été une bonne réponse. Exactement, dans le sens irrigatif. Se nourrir l'un de l'autre. J'ai envie que ce soit ma réponse.
- Laura
C'est quoi ton moment préféré dans la journée chez Pristine ?
- Speaker
Mon moment préféré, c'est tout bête, mais je me suis vraiment dit ça. C'est vraiment des gens qui disent, franchement, c'était hyper bon chez vous. Et c'est des petits trucs, ça peut venir, des fois, ça m'ému tellement quand quelqu'un me dit ça, mais des fois, c'est vraiment tout bête. C'est des gens qui ont mangé plein de veau, qui disent, franchement, c'était super chez vous. et des fois il y a des gens qui le disent d'une manière ça me touche vraiment Ça me touche tout simplement. La manière de le dire, en fait, parce que tu te dis, là, les gens, ils ont passé un bon moment, quoi.
- Laura
Tu sens la sincérité. Oui,
- Speaker
tu sens vraiment la sincérité. Et ça ne veut pas dire qu'ils mettent des super mots dessus ou pas, mais c'est vraiment ça, le moment qui manque, je pense, qui me donne envie de continuer, quoi. Malgré les journées où tu as des trucs à la con à faire, où tu es en stress et tout, mais tu te dis ça, et en fait, c'est pour ça que je suis là.
- Laura
C'est pour ça que je me suis levée ce matin. Juste pour finir, Est-ce qu'il y a un restaurant que tu recommandes ?
- Speaker
Il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup, les restaurants. Moi, c'est toujours la même réponse que je donne. Tout le monde se moque de moi, d'ailleurs, parce que j'abuse un peu. Moi, je suis méga fan de l'équipe Septim. D'ailleurs, ils travaillent aussi avec la même ferme. Je trouve qu'ils ont mis ce côté, justement, détente dans un monde gastronomique. Hyper, hyper élevé, une qualité hyper élevée. Pour moi, c'est une table aussi bien que la Matto, que leur cave, que cette team, que j'ai pu la faire une seule fois parce que c'est impossible de donner la relation, toujours. Pour moi, ils ont réussi à être vraiment impeccables dans ce qu'ils font. Et pour moi, être à la hauteur encore après autant d'années qu'ils sont, moi c'est ça vraiment que j'admire. Parce que je pense que tu arrives à être dans tes tendances, de faire tourner un restaurant si tu mets tous les efforts et tout ça. Mais d'y arriver, d'être encore au niveau là, après autant d'années, moi, je respecte vraiment énormément.
- Laura
Tu maintiens ton niveau d'exigence, de relationnel, etc. dans la durée, pas juste au moment du lancement.
- Speaker
Exactement. Pour moi, c'est un peu comme à Paris. Quand je suis arrivée à Paris, c'est vraiment... Au-delà de Paris aussi, mais après, j'en remettrais tout le monde dans mes dents, mais souvent, des tables à faire, c'est pas vraiment... Je respecte beaucoup ce qu'ils font.
- Laura
Tu prends le temps encore, toi, effectivement, avec Jérémy. vous prenez le temps vraiment d'aller manger ailleurs. Vous prenez le temps.
- Speaker
Oui, on n'essaye pas assez, pas autant qu'on voudrait peut-être, mais si, évidemment, on est à Paris. C'est pour ça aussi qu'on est venus à Paris, c'est qu'il y a plein de choses à faire. Et on arrive même maintenant, quand même de plus en plus, à juste profiter. Et je trouve qu'à Paris, il n'y a pas du tout ce côté, enfin du tout, mais en tout cas, il y a très peu ce côté concurrentiel. En tout cas, je ne le sens pas. Je trouve qu'on se sent super bien avec tous les restaurateurs. Et du coup, on arrive vraiment à... profiter quand on est chez quelqu'un d'autre, prendre le temps, bien manger, passer un bon moment. Donc, si, on essaie quand même au maximum parce que c'est ça qu'on aime. On aime bien être de l'autre côté aussi, des fois.
- Laura
Vous avez créé un peu des liens d'amitié avec d'autres restaurateurs progressivement sur les deux dernières années ?
- Speaker
Oui, clairement. D'amitié, je n'irai peut-être pas jusque-là. En tout cas, on s'entend super bien. D'ailleurs, peut-être une bonne histoire à finir. Ça parle des liaisons humaines assez inédites. Quand on a ouvert ici, on avait le seul restaurant en tête. On s'est dit qu'il pourrait être similaire dans les démarches, dans leurs trucs. C'était le restaurant Mieux, donc il n'est vraiment pas loin de Saint-Lazare. Et on s'est dit, peut-être, eux, il aurait été frissant, parce qu'on a un peu ce côté de Paris, c'est hyper concurrentiel, qu'on a vu à vif le film, je ne sais pas si tu l'as vu, mais cette scène de Paris, il y a très concurrence et tout. Et en fait, eux, ils ont voulu manger, donc on était très stressés, on s'est dit, il y a eux, et voilà. On avait peur qu'il y avait ce côté arrogant, je ne sais pas quoi. Ils n'ont pas vu qu'on est là et pas du tout. Au contraire, c'est super bien entendu avec eux. Et au-delà de ça, deux jours après, parce que c'était un moment où on avait très peu de monde, il y a des clients qui débarquent, qui nous disent qu'en fait, il y a le restaurant mieux qui nous a envoyés. Et en fait, ça s'est fait comme ça tout le début. À chaque fois qu'ils étaient pleins, ils ont dit aux gens de venir chez nous. Et donc, pour moi, c'est une humanité incroyable parce que tu te dis, eux, au moment-là, ils étaient fous. ils auraient pu dire je ne vais pas les envoyer chez quelqu'un potentiellement concurrentiel Ils n'avaient aucun intérêt commercial. On n'est pas liés. Pourquoi ils l'auraient fait ? Ils auraient pu juste dire, non, désolé, on est fous, c'est tout. Ils ont fait ça dès le début. Et nous, ça nous a vraiment rempli, au début, vraiment beaucoup de temps. Pour nous-mêmes, mentalement, ça a aidé énormément. Financièrement, évidemment, ça a aidé aussi. Et donc, on a gardé le lien avec eux. Donc aujourd'hui, nous, des fois, quand on est fous, on les envoie chez eux. Ils sont fous, mais voilà. On ne va pas leur aider plus que ça. Mais nous, humainement, c'est vraiment d'une bienveillance énorme et ça je ne le reprendrai jamais C'est un très beau geste. Oui, c'est un très beau geste. C'est vraiment une certaine solidarité. Oui, c'est vrai. On a déjà dit à chaque fois, oui, c'est normal. Ils n'ont pas fait un grand sketch de ça. On n'est pas compte. Combien ça comptait pour nous, je pense. Mais voilà. C'est pourquoi Paris, c'est quand même plus bien rien que ce qu'on a vu passer.
- Laura
Exactement. Merci beaucoup, Michelle.
- Michelle
Merci. C'était cool. Merci. Avec plaisir.
- Laura
Si tu souhaites découvrir la cuisine locale et engagée de Pristine et rencontrer Michelle, Jérémy et toute leur équipe, tu peux leur rendre visite aux 8 rue de Maubeuge dans le 9e arrondissement. Ne manque pas non plus l'ouverture, cet automne, de leur deuxième restaurant, qui s'appellera Vivide.
J'espère que tu as passé un bon moment et que tu as apprécié cet échange. Pour découvrir les coulisses du podcast et rester informé des prochains épisodes, tu peux suivre @afeudoux.podcast sur Instagram. En attendant, je te souhaite de bons petits plats mijotés, beaucoup de douceur, et te dis à très bientôt pour une nouvelle rencontre. Toujours à feu doux. Musique