- Speaker #0
Salut, moi c'est Laura, et dans A Feu Doux, je m'assieds avec des restaurateurs pour échanger sur ce qui compte tellement dans nos vies, et qui fait aussi le sel de leur métier, les relations et le partage. Ici, ils nous racontent les liens tissés, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Ceux qui les ont fait grandir, ou qui parfois les ont bousculés. Ceux qui ont forgé leur parcours, leur manière de recevoir, et qui continuent de les porter aujourd'hui. Toutes ces histoires qui rendent leur métier profondément humain. Alors, si toi aussi t'as toujours un peu de mal à refuser un dernier verre et t'aimes bien rester papoté en fin de service, viens t'asseoir avec nous.
Aujourd'hui, je rencontre Charles, qui a ouvert deux restaurant dans le 9e arrondissement de Paris. L'office et Ardent. Enfant, Charles dessinait déjà le restaurant de ses rêves. Rouge, un peu comme un théâtre. Si ses plans déco ont légèrement changé, son envie de recevoir les gens chez lui est restée intacte. Dans cet épisode, Charles revient sur les rencontres qui ont marqué son parcours. Celle avec Charlie, son chef, avec qui il travaille depuis bientôt 8 ans et à qui il fait une confiance totale. Celle avec Arthur, son associé chez Ardent, qu'il a embarqué dans le projet alors que Charles était alité à la suite d'un accident. Puis il y a son équipe. Quand ils en parlent, on sent la place qu'ils occupent dans son quotidien et la reconnaissance qu'il a pour eux. Ils racontent notamment à quel point leur soutien a été précieux l'année dernière, lorsque l'Office a pris feu et qu'ils se sont tous mobilisés pour permettre aux restaurants de rouvrir. A la fin de notre rencontre, Charles m'a confié qu'il avait peur d'avoir trop parlé de lui. Pourtant, en l'écoutant, on découvre surtout l'importance qu'il accorde aux personnes qui l'entourent et qui lui permettent, chaque jour, de réaliser son rêve. Bonjour Charles.
- Speaker #2
Bonjour Laura.
- Speaker #0
Comment tu vas aujourd'hui ?
- Speaker #2
Ça va très bien, et toi ?
- Speaker #0
Très bien, merci. Merci de m'accueillir aujourd'hui à L'Office. Je commence toujours un petit peu en demandant pourquoi la restauration ? Et toi, tu m'avais dit que dès l'enfance, tu dessinais le restaurant de tes rêves. À quoi il ressemblait le restaurant de tes rêves ?
- Speaker #2
Il était tout rouge, c'était ridicule. Oui, c'est vrai que je griffonnais, j'avais un bloc à quatre comme ça et je dessinais un restaurant qui n'était pas du tout le style de resto que j'ai aujourd'hui. Ça ressemblait un peu à un théâtre. C'est un peu l'idée que j'ai du resto aussi. Tu vois, tu es un peu en toute l'équipe. et un peu en représentation. Et les gens que tu reçois, ils viennent un petit peu, ils se confient entre tes mains, pendant tout un service.
- Speaker #0
Et donc, comment après, ça s'est construit progressivement dans ta vie ?
- Speaker #2
C'était un peu, c'était un rêve d'enfant. Quand j'en parlais à mes parents au début, ce n'était pas assez classique peut-être comme choix de carrière. Du coup, j'ai fait des études de droit. Je n'étais pas très épanoui dans cette voie-là. Et dès que j'ai pu, j'ai commencé à travailler dans des restaurants et petit à petit, j'ai gravi les échelons. Et j'avais toujours envie d'avoir mon resto ou mes restos, de recevoir les gens vraiment chez moi. Dès que j'ai pu, dès que je me sentais prêt, j'ai acheté l'office.
- Speaker #0
Ok. Et donc, dans ta famille, il n'y avait pas du tout de personnes dans la restauration ?
- Speaker #2
Personne. Vraiment personne. Ce qui est marrant, c'est qu'aujourd'hui... On est six garçons à la maison. J'ai cinq petits frères, je suis l'aîné. Et sur les six, il y a Pierre, Guillaume et Stan qui ont travaillé avec moi à un moment donné. Soit pour gagner un peu d'argent pendant leurs études ou avant de partir en voyage. Et le dernier, Guillaume, il est à l'école hôtelière. Donc, tu vois, lui, il a carrément fait son choix de carrière. J'ai un peu ouvert les portes pour lui.
- Speaker #0
Oui, c'est plus facile quand on arrive à la fin que les parents. C'est plus facile. Oui. Et donc, qu'est-ce qui s'est passé entre tes études de droit et l'ouverture ?
- Speaker #2
Le premier resto dans lequel j'ai bossé, c'était à Londres. C'était Sketch, qui était un resto hyper à la mode à Londres, de Pierre Gagnère. C'était un énorme immeuble dans lequel il y a plein de restos. Il y a un resto de trois étoiles, il y a un resto un peu plus festif, des bars et tout. Et je travaillais là-bas, c'était ma première expérience de resto. Et ensuite, plutôt à Paris, Palace, au Royal Monceau. Ensuite, j'ai travaillé pour le groupe Caspia, dont je m'occupais des restaurants Maison de la Truffe. J'ai été envoyé ensuite en Thaïlande, à Bangkok, pour ouvrir des franchises de Maison de la Truffe. C'est en rentrant que j'ai commencé à chercher un resto pour moi.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui, dans ces expériences, a confirmé ton envie de continuer dans la restauration ?
- Speaker #2
Immédiatement, je me sentais hyper bien au milieu d'un restaurant rempli. D'apporter une attention hyper particulière, un service très personnalisé aux gens, les reconnaître, me souvenir de leurs habitudes, de les anticiper. Vraiment, j'ai adoré ce côté. Alors peut-être que d'avoir commencé dans des restaurants de luxe où on t'apprend à jamais dire non à un client, quelle que soit la demande, à toujours essayer de la contenter, même si elle est hyper farfelue. Ça, ça m'a toujours un peu fasciné. Tu sais, le côté où le client arrive et en fait, tu vas te plier en quatre. pour lui apporter ce qu'il recherche. Et j'ai bien aimé ce côté service très personnalisé. Ça, c'est un truc que j'essaye de transmettre un peu aux gens qui travaillent avec nous sur les restos aujourd'hui. C'est de faire en sorte que le client ait vraiment tout ce qu'il veut.
- Speaker #0
Donc, tu restes sur une dynamique, le client est roi, on ne lui dit pas non ?
- Speaker #2
Je n'aime pas dire le client est roi, parce qu'en vrai, il n'y a rien de plus important que... Les équipes, pour moi, ce sera toujours la priorité numéro un. C'est leur confort, que ce soit un cadre agréable pour travailler, qu'ils se sentent bien au boulot. Mais sans client, il n'y a pas de resto non plus. C'est un équilibre à trouver entre les deux. La phrase de client et roi, ce n'est pas ma phrase préférée. Essayer de dire oui et de voir ça comme un challenge.
- Speaker #0
Comment tu as fait à ce niveau de service ?
- Speaker #2
Exactement.
- Speaker #0
Et donc, tu as... ensuite voulu avoir ton propre resto. Pourquoi du coup, te lancer à ton compte, etc. Qu'est-ce que ça a changé pour toi ?
- Speaker #2
Alors moi, j'ai un caractère où je pense que c'est vraiment une question de caractère. J'aime pas avoir de patron, je crois. C'est un peu... J'aime bien faire les choses à ma façon, de temps en temps peut-être un peu trop. J'avais besoin de cet endroit à moi où je reçois les gens à ma façon, tu vois. Moi, je suis vraiment dingue de resto. Je suis... passionné de ça. Dès que j'ai du temps libre, je passe mon temps à aller sortir, à aller au resto. Et je regarde toujours les restos dans lesquels je vais avec un œil un petit peu... Vraiment très observateur. De temps en temps, il y a des restos que j'adore où je suis hyper jaloux parce que je me dis, mais attends, les mecs, ils ont réussi à faire un truc incroyable. Vraiment, j'aurais rêvé de faire la même chose. De quel resto,
- Speaker #0
par exemple ?
- Speaker #2
Je n'en sais rien. Par exemple, au début, quand ça a commencé il y a quelques années, j'adorais le restaurant qui s'appelle Caché dans le 20e à Paris. C'était vraiment... Moi, j'avais l'impression d'être dépaysé quand j'y allais. J'avais l'impression de me retrouver à New York dans cette espèce d'énorme... sous cette énorme verrière et tout. L'équipe était incroyable. Là, ça fait un moment que je ne suis pas allé, mais c'était vraiment très chouette. Ou à Paris, j'adore aussi les restos qui ont beaucoup de succès. Ça me fascine un peu, genre le Bon Georges. C'est un resto qui est toujours rempli, qui a une carte des vins de zinzin. Et ça, c'est un truc qui me fascine un peu. Je suis récemment allé à New York où j'ai eu un coup de cœur pour deux restos qui étaient vraiment sublimes. Un qui s'appelle Chambers et un qui s'appelle Claude dans le village. Je trouve que c'était vraiment... où je me dis, en fait, j'ai envie d'avoir créé ces restos-là.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui change pour toi, justement, entre la restauration à New York et la restauration à Paris ? Est-ce qu'il y a des différences ?
- Speaker #2
Je trouve qu'on est quand même assez forts à Paris pour ça, mais il y a toujours un côté un peu nouvelle tendance, un peu avant-gardiste, et tu sais que ce que tu vois à New York aujourd'hui, généralement, dans 5-6 ans, il y a des tendances que tu vas retrouver par petites touches, au moins en France. Ça se produit souvent comme ça. Enfin, moi, j'ai l'impression d'observer ça. Ça fait un trajet un peu New York, Londres, Berlin, Paris, où il y a des tendances un peu générales qui font ce métier-là, qu'on retrouve quelques temps plus tard. Donc, c'est toujours intéressant d'aller voir ce qui se fait.
- Speaker #0
Donc, effectivement, après, tu as racheté l'office. Tu t'es lancé tout seul dans le rachat de l'office. Qu'est-ce que ça implique de se lancer seul dans un projet comme ça ?
- Speaker #2
Ça implique de... T'endosser beaucoup de casquettes différentes tout d'un coup. Moi, je garde un très bon souvenir. Alors, c'était un peu l'inconnu pour moi. Quand je me suis lancé, j'avais un petit carnet dans lequel je notais toutes les questions que je pouvais avoir et quelles étaient les personnes qui pouvaient m'aider à y répondre. Et en regardant après coup ce carnet, quand tu fais ton ouverture, t'es un peu la tête dans le guidon, mais quand tu regardes ce carnet après coup, tu te dis en fait, il y a des journées hyper riches avec plein de métiers différents ou... Moi, j'étais passionné de céramique, où j'avais rencontré une super céramiste qui s'appelle Judith Lasserie, qui nous avait fait une vaisselle sur mesure en Bourgogne pour tout le resto. Tout un service, tout fait à la main et tout. C'était sublime, hyper poétique. C'était vraiment très, très beau. Une heure après, tu as rendez-vous avec une comptable et deux heures après, un ou une graphiste. Et puis ensuite, tu vois quelqu'un qui va t'aider à faire ta carte des vins. Et après, tu parles à un chef cuisinier ou à un architecte. Tu vois tout ça dans la même journée. T'es obligé de t'entourer de bonnes personnes, mais aussi de maîtriser des langages très différents, des façons de travailler très différentes et d'apprendre plein de métiers un peu en surface, toujours évidemment. Mais c'est hyper enrichissant. C'est des journées qui ne se ressemblent jamais. Et ça, c'est vraiment la période que j'ai préférée et pour l'office et pour mon deuxième resto un peu plus tard à Ardent. c'était c'était La période de création du resto avant l'ouverture.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #2
Très, très, très riche.
- Speaker #0
Avant le lancement, comment tu conceptualises le tout.
- Speaker #2
Exactement, comment tu conceptualises et puis surtout tous les corps de métier que tu vas rencontrer. Et ça, oui, très chouette période.
- Speaker #0
Donc, l'office, c'était en quelle année ? L'office,
- Speaker #2
c'était en 2018, je crois.
- Speaker #0
Ok, d'accord. Et Ardent ?
- Speaker #2
Ardent, ça fait trois ans aujourd'hui. Mais je suis nul avec les années.
- Speaker #0
Post-Covid.
- Speaker #2
Post-Covid, ouais. Donc, ça fait trois ans. Ardent, on a fait les trois ans il y a deux, trois semaines.
- Speaker #0
Ok, d'accord. Donc, l'office ? Le chef n'a pas changé depuis ?
- Speaker #2
Le chef de l'office, en fait, je l'ai rencontré un peu par hasard. C'était son premier poste de chef. Réponse à une annonce, on s'est rencontrés. Je lui ai fait visiter le resto qui était en travaux. Je n'ai pas rencontré beaucoup de gens. Et puis, j'ai eu un hyper bon feeling avec lui. Il s'appelle Charles Abreuvar. Je me souviens, j'étais en train de faire mes travaux. J'étais vraiment la tête dans le guidon avant l'ouverture et je ne m'étais pas vraiment préoccupé de ça, alors que j'aurais pu aller droit dans le mur sans un super chef.
- Speaker #0
C'était venu dans un deuxième temps,
- Speaker #2
la cuisine française. En fait, je n'étais pas très stressé à ce moment-là et peut-être un peu complètement candide, je ne sais pas. Mais un matin, je me souviens très bien, il m'envoie un message en me disant « Ok, j'ai réfléchi, je prends le poste » . Bon, je lui ai dit génial et ça fait 7 ans maintenant, 7 ans et demi qu'on bosse ensemble. On n'a même plus besoin de se parler tellement on se comprend. J'ai jamais eu une relation de boulot aussi forte. Je devrais peut-être lui dire une fois de temps en temps. On ne parle pas trop de sentiments, mais c'est quelqu'un qui compte énormément pour moi parce que grâce à lui... J'ai vraiment pu réaliser mon rêve professionnel. C'est un mec qui a plein de talents, hyper intéressant, hyper intelligent, hyper sensible. Vraiment, je pense qu'on a tous des qualités et des défauts, mais lui trouver ses défauts, franchement, c'est hyper difficile.
- Speaker #0
Dans le temps, vous avez réussi à nouer une relation de confiance dans le travail ?
- Speaker #2
La relation de confiance aujourd'hui, il supervise aussi. Donc, il est un peu plus sur Ardent en ce moment parce que l'équipe est suffisamment stable aujourd'hui à l'office. Mais le projet de troisième resto, c'est lui aussi qui va superviser l'équipe de cuisine. Aujourd'hui, lui aussi, il a évolué de façon à prendre vraiment de l'épaisseur dans son travail. C'est-à-dire qu'il supervise plusieurs équipes de cuisine, il s'occupe de plusieurs recrutements. plusieurs créations de cartes donc non c'est vraiment c'est une belle réussite donc tu lui fais sur la carte confiance aveugle complètement en fait moi je suis vraiment passionné de bouffe aussi donc au début on goûtait tous les plats et tout ensemble et on se demandait qu'est-ce qu'il faut rajouter, qu'est-ce qui manque qu'est-ce qui pourrait être amélioré aujourd'hui je le laisse faire 100% parce que Je n'ai plus rien à lui prendre sur ces niveaux-là. Il est complètement autonome et ça marche très bien grâce à lui.
- Speaker #0
Et donc, l'office a eu un incendie il y a combien de temps ?
- Speaker #2
Il y a un an, tout juste. Début octobre 2024. Là, pour le coup, c'est le plus douloureux moment de ma vie pro. C'est vendredi soir, début octobre, tu attends un resto complet qui déborde, tu vois, il n'y a que 22 places et on avait peut-être 50 et quelques résas, tu vois, tu as des gens plein de nationalité, tu as des anniversaires, tu vois, il se passe quelque chose et le service doit commencer à 7h et moi j'étais chez Ardent un peu plus loin dans la rue. Et j'ai Victor, le manager de l'office, qui m'appelle et qui me dit qu'il y a le resto qui est en train de cramer. Et en fait, il y a eu un court-circuit électrique dans la cuisine. Donc, on a appelé tout de suite les pompiers qui ont mis 10 minutes à venir. Sauf qu'ils nous ont demandé de sortir par précaution du resto. On n'a pas pu essayer d'éteindre avec les extinctards ou quoi que ce soit. Et toute la cuisine a pris feu. On a fermé pendant sept mois à la suite de ça. Si tu veux voir le resto qui brûle, que tu as construit, qui brûle sous tes yeux, alors que ta soirée ne devait pas du tout se passer comme ça.
- Speaker #0
Tu te souviens de ce que tu as ressenti à ce moment-là ?
- Speaker #2
Beaucoup d'impuissance, beaucoup de détresse. J'ai des flashs un peu de cette soirée-là. En revanche, j'ai beaucoup de trous sur cette soirée-là. Ça a été un peu traumatisant. Tu vas chercher ensuite des forces pour reconstruire tout ça et remettre le resto sur pied le plus rapidement possible parce que tu as toute une équipe qui est derrière et qui est là. Sinon, à la maison, tout d'un coup, du jour au lendemain, c'est des gens qui travaillent beaucoup, qui ont des vies qui sont assez... C'est intense de travailler dans un resto qui tourne. C'est un rythme qui est soutenu et tout. Et comme du jour au lendemain, tu te retrouves sans ton outil de travail. sans tes collègues et que tu ne sais pas quand est-ce que ça va réouvrir, tu n'as pas trop les infos, les assurances, les travaux, les autorisations et tout ça. Donc, c'était dur un peu pour tout le monde. Donc, on s'est retroussé les manches et rapidement, on a réussi à reconstruire tout ça.
- Speaker #0
C'est combien de personnes à l'office ?
- Speaker #2
À l'office, il y avait quatre personnes en cuisine, deux en salle, donc plus moi. Ça fait une petite équipe quand même qui, tout d'un coup, se retrouve sans boulot. Donc, on est restés extrêmement proches. Ça nous a beaucoup soudés.
- Speaker #0
Oui, tu as senti qu'il y a eu un mouvement un peu de solidarité.
- Speaker #2
Tu ne peux pas imaginer à quel point ils ont été incroyables. C'est là où tu te rends compte que peut-être pendant le quotidien, quand tu es tu es toujours un peu sous pression et tout, tu ne prends pas forcément le temps de connaître les gens à fond, de les remercier pour le travail qu'ils fournissent. Et là, si tu veux, les choses qu'ils ont faites pour m'aider à reconstruire ce resto, c'est absolument remarquable. Ça te donne une émotion incroyable, ça te donne une énergie incroyable et ça te donne envie de... Merci. de jamais... Tu ne peux pas oublier que les gens ont fait ça pour toi.
- Speaker #0
Il y a des petites choses qui t'ont particulièrement marqué.
- Speaker #2
Si tu veux, le resto était dans un état... T'imagines un resto avec les frigos remplis qui brûlent et tu n'as pas le droit de le toucher pendant les expertises ou les choses comme ça. Donc, tu as toute la bouffe qui est pourrie. En fait, tu as une espèce d'odeur qui est un peu traumatisante. Une odeur un peu de mort dans le resto. Et le jour où il a fallu aller vider les frigos parce que l'assurance nous demande un inventaire de ce qu'il y avait dedans, mais tout est cramé et pourri et qu'on se met tous des combinaisons de chimistes là et des gants pour aller peser ce qui reste, tu vois, et faire un espèce d'inventaire. Et qu'ils sont là alors que je leur ai rien demandé, tu vois, ils arrivent là, même des gens qui ne bossaient plus au resto et qui... mais qui étaient passés par là ou qui étaient touchés par l'histoire, qui viennent donner les coups de main et tout. Si tu veux, moi, je me suis dit, vraiment, je les admire. Je ne sais pas si moi, j'aurais eu cette générosité-là. Ils te donnent une leçon tout d'un coup humaine qui est absolument incroyable. Et voilà. Donc là, j'ai Julia, Dylan, Jeanne, Cléo, Victor, Salomé, Barrois. Tu vois, j'ai vraiment envie de les remercier parce que j'en oublie en plus, mais c'est des gens exceptionnels.
- Speaker #0
Mais du coup, le phoenix a fini par renaître de cette forme.
- Speaker #2
Exactement. Sur les mots. On a réouvert en avril. Et ce qui est marrant, c'est qu'on a réouvert le 12 avril. C'est la date d'anniversaire où j'avais ouvert le resto la première fois. Et c'est un hasard en fait. Mais il y a 7 ans, le 12 avril, j'avais signé l'office. Donc...
- Speaker #1
C'est symbolique.
- Speaker #2
J'ai rien de me rendre compte là tout d'un coup. On a réouvert, ça se passe hyper bien depuis. On a encore plus de monde qu'avant. Le resto est tout neuf, tout beau. Et toute l'équipe qui était là...
- Speaker #0
Même équipe qu'avant l'incendie.
- Speaker #2
Exactement.
- Speaker #0
Vous avez pu célébrer un petit peu la réouverture ensemble.
- Speaker #2
Alors déjà, l'avantage d'avoir un resto au bout de la rue, c'est que pendant les travaux, on se retrouvait souvent pour se faire des dîners ensemble. C'était ardent. On était trop contents de se retrouver à chaque fois. C'était hyper euphorique. Et ça permet en fait de voir ton équipe dans un autre contexte. Et c'était des très, très bons moments. Et depuis, ça marche très bien. On n'a pas... L'ouverture, c'était une grande fête.
- Speaker #0
Pour rester un peu sur l'équipe, quelle est, toi, aujourd'hui, ta vision de ta relation en tant que patron ? Ça évolue, ça grandit. Comment tu arrives à construire le lien avec eux ?
- Speaker #2
C'est une question qui est hyper intéressante et qui, je pense... touche tous les gens qui ont commencé dans une petite entreprise dans laquelle ils étaient très présents au quotidien et qui ont voulu la faire évoluer. Moi, quand j'ai ouvert l'office pendant les trois premières années, je jouais le rôle du manager. Donc, j'étais tous les jours en salle, du matin au soir, à faire tous les services dans une petite équipe. Donc, tu as immédiatement une relation qui est très proche. C'est presque des collègues de travail, en fait. Donc, ça devient des amis très rapidement. Et ensuite, le fait d'ouvrir un deuxième resto, de passer une équipe qui quasiment aujourd'hui, si tu consolides les deux, c'est quasiment une trentaine de personnes. Le rôle change complètement. Ce qui est difficile, c'est de trouver sa place. Parce que moi, j'aime beaucoup être très proche d'eux. Parce que c'est comme ça un peu que je conçois les relations. Tu travailles dans un resto de gens que tu vois tous les jours. Les services, c'est long. C'est des horaires qui sont compliqués. En fait, on est tout le temps en train de travailler quand les gens s'amusent. Tu vois, donc c'est un métier qui est très particulier. C'est vraiment... C'est une carrière de passion, tu vois. Et en fait, tu te rends compte que tu es obligé de prendre un petit peu de distance quand même à partir du moment où... il y a des managers dans chaque resto qui eux en fait sont ceux qui font le tampon entre les équipes et toi donc t'es obligé de prendre un peu de distance je pense que j'aime un peu moins mon métier depuis que j'ai deux restos et bientôt trois que ce que j'avais au début que t'es plus éloigné t'es un peu plus éloigné et en fait tu te rends compte que euh... Là, pour le coup, il te voit vraiment comme le patron et pas comme le collègue de travail. Et puis, tu peux moins te permettre d'avoir des affinités avec telle ou telle personne. Et tu es obligé vraiment de prendre un peu de distance. Je pense que c'est nécessaire parce que sinon, déjà, tu ne les laisses pas s'exprimer. Si tu es trop proche, les managers, ils n'ont pas vraiment le rôle de manager puisque tu prends un peu leur place. Donc, il faut laisser les... Il faut les laisser assez libres, de gérer un petit peu avec ta direction, mais les choses un peu à leur façon. Il faut leur faire confiance sur ces choses-là.
- Speaker #0
Est-ce que toi, tu vois une manière un petit peu de rééquilibrer, de revenir à un point qui, toi, te permettrait de renouer tout en leur laissant l'espace ?
- Speaker #2
C'est difficile de ne pas se retrouver dans la position du... Du gars qui passe pour contrôler et qui montre que ce qui ne va pas. Donc, j'essaye le plus possible, mais je ne le fais probablement pas assez, de dire de temps en temps que ce qui va. Hier, j'avais Julia qui est la responsable de la cuisine à l'office. Donc, Charlotte, tu sais, il supervise un peu les deux. Et donc, Julia, qui est là depuis trois ans maintenant à l'office, je l'appelle parce que j'avais dîné là et elle n'était pas là ce soir-là. Le lendemain, je l'appelle et tout allait bien. En fait, si tu veux, j'arrive, le resto était nickel, rempli, vibrant, hyper vivant. La cuisine était incroyable. Et le lendemain, je l'appelle juste pour lui dire franchement, c'était parfait. Tu n'étais pas là et ton équipe gère. incroyablement bien, j'ai goûté telle nouvelle entrée, tel nouveau plat, franchement bravo. Et là, elle me dit, trop mignonne, elle me dit, j'avais vraiment besoin de ce coup de fil là, parce que j'étais en train de me remettre en question, et là tu me dis que tout va bien, franchement c'est génial.
- Speaker #0
C'est agréable d'entendre, on a l'habitude parfois d'entendre ce qui ne va pas.
- Speaker #2
En fait, je crois qu'il faut faire hyper attention de dire plus ce qui va que ce qui ne va pas. Quand tu dis du coup ce qui ne va pas, ça a un peu plus d'impact, je pense aussi. Ça permet de corriger le tir plus facilement.
- Speaker #0
Tu sens que justement, ton management, il a évolué par rapport à ce que toi, tu as vécu dans la restauration pendant tes expériences passées.
- Speaker #2
C'est un sujet qui est très actuel. C'est sûr que c'était un peu plus dur quand j'ai commencé. Alors moi, je ne l'ai jamais mal vécu. On parle beaucoup de harcèlement, de... Je pense que c'est plus difficile d'être une femme que d'être un homme dans ce métier-là, malheureusement. J'ai été témoin, si tu veux, de... C'était à la dure, tu vois. Au début, un peu de chantage, un peu de casserole qui vole, des choses comme ça, malheureusement. Mais nous, on a la chance, en fait. Si tu veux, les équipes sont extrêmement jeunes et ils ne sont pas du tout concernés par ces générations-là. Il y a une vraie rupture. Non, nous, il y a... Personne n'a plus de... quasiment personne n'a plus de 30 ans dans nos équipes.
- Speaker #0
Ça change vraiment la philosophie.
- Speaker #2
Ça change complètement la philosophie. Il n'y a pas du tout... De temps en temps, c'est très serein et très sain. Dans nos restos, là, on a de la chance, mais ça veut dire qu'on ne s'est pas planté sur les recrutements, mais une vraie rupture avec cette époque-là. C'est très médiatisé aujourd'hui dès qu'il y a quelque chose. Il y a des chefs qui sont quasiment de ma génération et qui sont en tourmente en ce moment pour leur orchestre. Non,
- Speaker #1
je ne te rappelle pas.
- Speaker #2
Non, on est un peu éloigné de ces choses-là. Mais il faut toujours être hyper vigilant sur ça. J'ai déjà vu des salariés qui ne sont plus là faire deux ou trois rappels à l'ordre sur... des remarques un peu insistantes de garçons à des filles ou des messages trop tard le soir qu'ils auraient envoyés à leurs collègues de travail ou des choses comme ça, tu vois. Mais ça, tu mets tout de suite, tu fixes les règles et les limites. Et il y a un devoir un petit peu d'encadrement et éducatif de temps en temps, ces choses-là. C'est surtout de la prévention. Mais on a beaucoup de chance. On n'est pas trop confrontés, ni à l'Office, ni chez Ardent, à ces sujets-là.
- Speaker #0
Tu sens qu'il y a une vraie évolution.
- Speaker #2
Il y a une vraie évolution de génération, je pense.
- Speaker #0
Et sur les aspects évolution de génération aussi, notamment, on entend beaucoup que la nouvelle génération demande plus d'équilibre. Comment est-ce que toi, tu gères ça, à la fois au niveau de ton équipe et personnellement aussi ?
- Speaker #2
La première chose pour l'Office, fermer le week-end. Si tu veux, c'est un petit resto qui ne peut avoir qu'une seule équipe. Du coup, le parti pris, c'était lundi, vendredi et fermeture samedi, dimanche, de façon à garder un équilibre. Moi, je n'ai pas, enfin à l'époque, en tout cas, quand j'ai ouvert, je n'avais pas beaucoup d'amis ou de famille qui étaient dans ce milieu-là. Donc, j'avais besoin d'avoir cet équilibre et de pouvoir couper le week-end. Et c'est toujours le cas aujourd'hui. L'office est fermé le samedi, dimanche et ça... permet à tous les gens qui travaillent là de garder un lien vers l'extérieur. D'avoir les week-ends comme tout le monde. Donc toute la semaine, effectivement, de se travailler le soir. Il y a aussi un sujet que le Covid a un peu remis à plat, c'était la coupure, c'est-à-dire travailler et le déjeuner et le dîner avec une pause dans l'après-midi, ce qui est assez difficile. Aujourd'hui, on essaye, dans la mesure du possible, d'avoir moins de coupures qu'à l'époque. Moi, quand j'ai commencé à faire ce métier-là, c'était tous les jours. Parfois, avec des jours de repos, c'était un dimanche et un mercredi. Donc là, c'est tous les jours. Tout le monde a deux jours consécutifs. Et puis, j'essaye de donner des soirs off à tout le monde pendant la semaine, en fonction des envies de chacun. Cours de sport, un anniversaire, une fête de famille, un truc comme ça, tu vois. Mais ça, c'est hyper important. Ardent, c'est plus gros resto avec quasiment double équipe, donc on n'a pas...
- Speaker #0
On est ouvert le samedi, donc on n'a pas ce côté samedi-dimanche. Mais pour le coup, il n'y a que deux coupures, je crois, par personne, contre cinq à l'époque, tu vois, par semaine.
- Speaker #1
Donc, il y a presque deux équipes, une sur le midi, une sur le soir.
- Speaker #0
C'est surtout, ouais, tu as deux soirs off ou trois soirs off ou deux déj off dans la semaine, tu vois. Ils sont libres, en fait, les managers et assistants, les managers Aymeric et Cléo Chardin, ils font les plannings, tu vois. Le patron a trouvé vraiment un confort de vie à côté, entre eux.
- Speaker #1
Oui, ils arrivent à équilibrer entre tous.
- Speaker #0
Nous, on leur impose, si tu veux, d'encadrer la masse salariale pour qu'elle rentre dans notre business plan. mais euh On ne va pas mettre le nez dans « Ah, tu n'as pas travaillé ce soir, tu travailles demain. » Ils sont libres, ces choses-là. C'est comme ça que tu apprends à devenir manager, c'est à gérer ton équipe. Tu vas concilier la vie pro-vie perso, c'est hyper important.
- Speaker #1
Et toi, est-ce que tu arrives un peu plus maintenant, aujourd'hui, ou est-ce qu'à l'inverse, avec deux, bientôt trois restos, ça s'est encore plus piqué ? Moi,
- Speaker #0
je crois que j'avais plus d'insouciance quand j'ai ouvert l'office au début. le week-end j'arrivais plus à couper Aujourd'hui, c'est vrai que je pense un peu, je pense trop au travail. C'est des périodes, en fait. Non, c'est difficile. C'est toujours une petite veille, quand même.
- Speaker #1
La tête est un peu soit le fils, soit Chardin.
- Speaker #0
Ouais, ou les deux, ça rend mieux de la rue Richer. C'est sûr que c'est difficile. Et puis, si tu veux, c'est l'histoire d'un sandwich, je reviens dessus. En fait, tu te rends compte qu'il peut tout le temps se passer quelque chose. Et ça... Bon, les nuits, c'est un peu plus court, toi.
- Speaker #1
Oui, ça a rajouté une forme d'inquiétude que tu n'avais pas avant ?
- Speaker #0
Oui, ça a rajouté une petite angoisse.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Je ne sais pas, ça disparaîtra. Mais c'était... Écoute, j'ai beaucoup de chance sur tout. Mais là, c'était... Voilà, c'est un truc... que je souhaite à personne parce que moi j'étais hyper fier de ce resto et puis c'était mon petit cocon tu vois donc le fait que ça ça disparaisse comme ça c'est complètement impuissant donc tu vois c'est un peu marquant mais bon là ça va ça reste encore frais,
- Speaker #1
ça fait qu'un an et donc pour aller un peu plus sur Ardent peut-être tu t'es donc associé avec Arthur qui a un restaurant
- Speaker #0
rue Richer aussi Arthur il a un restaurant de viande maturée qui est super steakhouse au bout de la rue Richer et on s'est retrouvé au milieu de la rue pour ouvrir un radan il y a 3 ans un restaurant d'angle magnifique comment ça s'est fait écoute Arthur un jour m'appelle et me dit il y a le resto chinois du 40 rue Richer qui est à vendre est-ce que t'es chaud ?
- Speaker #1
vous le connaissiez avant ?
- Speaker #0
On se connaissait un petit peu, on avait beaucoup échangé, alors on est de la même génération, on a deux restos dans la même rue, on a beaucoup échangé sur des problématiques un peu techniques pendant le Covid, au début, tu vois, quand il y avait les histoires de chômage partiel, les aides, les PGE et tout, et en fait, on avait les mêmes problématiques, même genre de resto, même genre de clients, et on a commencé à pas mal parler à ce moment-là. Et un jour, il est venu me dire, OK, est-ce que tu serais chaud pour faire ça avec moi ? Et moi, je n'avais pas vraiment envisagé de m'associer au début. Lui, il l'avait déjà fait, mais il était séparé de son associé à ce moment-là. Et on a fait ça ensemble. C'était un projet assez ambitieux qu'on n'aurait probablement pas pu faire aussi rapidement après le Covid. Et lui et moi, chacun de notre côté. Et écoute, gros succès, c'est un très chouette resto. Oui,
- Speaker #1
très chouette. Et qu'est-ce qui fait qu'au départ tu t'es dit, ok, ça peut matcher avec lui, je peux m'associer, ça va fonctionner ?
- Speaker #0
Alors si tu veux déjà, pour remettre les choses dans ce contexte, moi j'avais eu un accident de vélo juste avant qu'il vienne me voir. Triple fracture du fémur, plâtré, genou et pied à la hanche et on m'annonçait un an dans mon lit. Donc gros accident. Roulant et compagnie et Arthur vient me voir en me disant ça à ce moment-là. Donc gros respect à Arthur Lecomte qui est un peu fou, qui m'a proposé d'ouvrir un resto alors que je ne savais pas quand est-ce que j'allais remarcher. Et si tu veux, la première fois que j'ai visité Ardent, c'était un vieux resto chinois dans un état américain. catastrophique et il était en train de me pousser en siège roulant pour la visite. Je ne pouvais pas aller au sous-sol.
- Speaker #1
Tu avais peur à l'époque ?
- Speaker #0
Non, je n'avais pas peur. C'était un moment où j'avais beaucoup de temps pour réfléchir. Tu fais toute la journée dans ton lit.
- Speaker #1
Tu as le temps de jeter.
- Speaker #0
Moi, j'avais ma mère qui venait tous les jours au déjeuner pour me préparer des choses. Et Arthur qui venait de temps en temps, ce soir au bas de mon lit avec son ordi pour faire le business plan et parler du concept. Et finalement, je gardais dit. hyper mon souvenir de ces moments-là.
- Speaker #1
Oui, c'est quand même un gros signe de confiance.
- Speaker #0
Oui, c'est un gros signe de confiance. C'est un gros signe de confiance. Écoute, notre relation se passe très bien, si bien que le troisième resto se fait avec lui aussi.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
C'est une très, très belle rencontre aussi, parce qu'on a plaisir à se parler au quotidien, à se voir quasiment tous les jours et on est assez complémentaires.
- Speaker #1
Votre relation a un peu évolué depuis les débuts d'Ardent ?
- Speaker #0
Il faut trouver sa place dans un binôme. On se voit quasiment plus qu'un couple. Il faut accepter les qualités et les défauts de l'autre, les humeurs, comprendre quand il faut prendre la distance, quand il faut être proche. On est assez complémentaires.
- Speaker #1
Sur quels aspects, par exemple ?
- Speaker #0
Arthur est une brute d'organisation, de chiffres. Il est très discipliné dans tout le côté administratif. Moi, j'aime plus le côté opérationnel. On s'est divisé les tâches comme ça. Et je pense que c'est important de laisser de l'espace et d'accorder de la confiance à l'autre sur telle ou telle chose. Lui, il gère toutes les relations avec les fournisseurs, toute la compta, tout le côté un peu juridique aussi qu'on peut avoir. Et moi, j'anime un peu plus le resto, les relations avec les équipes. Voilà, plus être en lien avec les managers, avec les chefs sur le côté opérationnel. Et du coup, chacun fait un peu ce qui lui plaît et ce dans quoi il est bon.
- Speaker #1
Donc là, vous allez ouvrir un troisième resto tous les deux. Et il y a une troisième associée qui est une ancienne...
- Speaker #0
Exactement. Donc Louise, qui a commencé à l'office un été en tant que serveuse, à qui j'ai confié, alors qu'elle était hyper jeune, mais elle était... pleine d'énergie et très talentueuse, ardente en tant que manager de l'ouverture jusqu'à il y a quelques mois. Et elle a toujours eu envie aussi d'ouvrir son resto. Donc, moi, je me suis beaucoup reconnu dans cette personnalité-là, tu vois. et on lui a proposé de nous... d'être associé pour l'ouverture du troisième resto qui se fera au courant de l'année prochaine. Toujours dans le neuvième, mais un peu plus du côté de la rue des Martyrs. Et Louise, je trouve qu'à moins de 30 ans, je crois qu'elle a 27, 28 ans, se retrouver associé de son premier resto, c'est une belle réussite aussi. Et c'est la preuve que tu vois, tu peux... Tu peux évoluer hyper vite quand tu fais les bonnes rencontres au bon moment.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des choses que tu as envie de lui transmettre ?
- Speaker #0
On passe beaucoup de temps ensemble. Depuis trois ans, j'ai l'impression de lui avoir transmis ce côté, avoir envie de satisfaire le client. avant tout. Elle met énormément d'énergie pour ça. Elle est très douée aussi pour gérer les gros services. En fait, si tu veux, un resto, c'est vraiment... Il faut s'adapter aux temps forts et aux temps faibles. Et souvent, les temps forts, les soirs de fin de semaine ou la soirée du Nouvel An, la Saint-Valentin, les Fashion Week, où tu as une demande qui est colossale où il faut essayer de... de remplir au max le resto tout en maintenant une super qualité de service et de cuisine. Louise, elle a ça dans la peau, tu vois, et ça, ce n'est pas donné à tout le monde. Elle arrive à le faire sans paniquer. Quand Ardent est un resto de 40 places et qu'elle arrive à faire 110 couverts le samedi soir et en n'ayant que des commentaires 5 étoiles le lendemain matin, c'est un vrai talent et elle est très forte pour ça. Je pense que c'est la meilleure pour ça, de toutes les personnes avec qui j'ai travaillé.
- Speaker #1
Est-ce qu'on a le droit d'avoir des petites insights sur le prochain ? Le prochain, oui.
- Speaker #0
Ou encore sur Margot ? Si, écoute, c'est un super spot. C'est une rue qui est perpendiculaire à la rue des Martyrs, avec une grande terrasse. Il y aura 40 places à l'intérieur, une cinquantaine en terrasse. Ça sera un resto du soir, plutôt. très tournés sur le vin, des petites assiettes avec une cuisine complètement ouverte, un petit peu plus d'ambiance, peut-être un DJ sur les fins de semaine. Un resto un petit peu plus décomplexé que ce qu'on fait actuellement. Un peu moins de code et un petit peu plus rock'n'roll,
- Speaker #1
je pense. On évolue à chaque fois un petit peu en termes de restaurant. Est-ce qu'il y en a un qui se rapproche un peu plus de ton restaurant rouge non,
- Speaker #0
non, Dieu merci Dieu merci, c'était pas très mûr comme projet quand j'avais 10 ans et que j'ai dessiné ça, je pense que je suis un peu plus pragmatique aujourd'hui mais en fait tu sais, le truc qui me plaît de temps en temps c'est le truc dont j'ai besoin, c'est Ma drogue à moi, c'est le resto rempli, c'est d'entendre les bruits du resto, la musique un peu forte, de voir les gens qui se parlent, tu sens qu'il se passe un truc. J'ai toujours l'angoisse du resto vide. Moi, j'aime quand ça bouge, quand ça vibre. Et de temps en temps, j'ai besoin, le vendredi soir, le samedi soir, de passer au resto au cœur du service pour sentir ça. Voilà, c'est mon petit shot à moi.
- Speaker #1
Et justement, quel est un peu ton rapport, toi, à la salle et aux clients aujourd'hui ?
- Speaker #0
J'ai la chance d'avoir rencontré et d'être devenu ami avec beaucoup de mes clients. Et quand j'ai mes clients chéris qui viennent au resto, quelque soit ce que j'ai prévu, si je n'ai pas prévu d'être au resto, normalement, il y a toujours un moment où dans la soirée, je passe les voir ou je vais passer un moment avec eux. tu vois, c'est des... des amis qui étaient des clients, mais qui j'ai eu des espèces de coups de foudre un peu amicaux qui habitent aux États-Unis ou qui habitent à l'autre bout du monde. Et quand ils viennent à Paris, je sais que leur premier stop, c'est soit à l'office, soit à Célardin. Donc, moi, c'est vraiment pour ça que je fais ce métier-là. C'est pour recevoir les gens chez moi. Et c'est comme si je faisais un dîner à la maison. Donc, je vais tout de suite les voir.
- Speaker #1
C'est mes meilleurs moments. même si tu es plus à distance aujourd'hui même si je suis plus à distance tout de suite je vais aller voir tu m'avais évoqué aussi le fait que vous aviez un peu internalisé la production sur la viande, vous avez racheté une ferme je crois ?
- Speaker #0
alors moi non, mais mon associé Arthur donc la viande c'était un sujet très sensible Très important pour lui parce qu'il ne vend quasiment que de la viande dans son restaurant. Et si tu veux, on est vraiment à une époque où on entend qu'il faut manger moins de viande et mieux la manger. Et lui, il a réussi à faire ça, à pousser le curseur le plus loin possible. C'est-à-dire qu'il est devenu actionnaire de cette ferme dans le Pas-de-Calais qui s'appelle la ferme de Châteauneuf et qui fournit toute la viande. dans son restaurant bien élevé et toute la viande dans notre restaurant ardent. Une maîtrise totale du circuit. Tu sais exactement comment ont été élevées les bêtes, comment elles se sont nourries, comment elles ont été abattues. Tu as une traçabilité complète. Il n'y a rien qui passe par un gis. Tu as une qualité époustouflante de viande à des prix complètement maîtrisés parce qu'il est en direct. Tu es livré deux à trois fois par semaine en direct par le chauffeur de la ferme. Il te dépose la viande dans ta chambre froide ou dans ta cave de maturation pour lui. Je vous engage à goûter, c'est exceptionnel. Voilà, c'est donc OK pour manger moins de viande, mais mieux la manger. Et là, Ardent et Bien Élevé sont les deux restos dans lesquels tu peux faire ça à Paris, les yeux fermés.
- Speaker #1
Et vous le communiquez un petit peu aux clients, cette démarche ?
- Speaker #0
On le communique, oui, bien sûr. On le communique. On le communique. D'ailleurs, sur nos cartes, c'est indiqué que la ferme vient en direct de la ferme de Châteauneuf. Et nos clients, aujourd'hui, le savent. Et puis, on leur explique aussi. C'est vraiment un des atouts, un des grands atouts du resto. C'est la top qualité des produits. Et ça, c'est un souci que moi, j'ai eu dès le début. À l'office, au début, il y avait beaucoup de fruits et légumes, les herbes aromatiques qui venaient. De notre potager, on a une grande maison en Normandie, et si tu veux, mais nous on a été élevés un peu comme ça. À la maison, ma mère disait une phrase qui nous irait. Elle nous disait, quand elle n'avait pas préparé le dessert, elle nous disait, le dessert est dans le potager.
- Speaker #1
Elle nous dit,
- Speaker #0
il y avait des framboises, des pêches, des pommes, des poires, des abricots, des cerises, des figues et tout. Et au début de l'office, quand l'activité était encore artisanale, Toutes les semaines, je revenais avec mes paniers de fruits et légumes et Charlie cuisinait ça. C'était génial. Après, c'est devenu trop intense pour être autosuffisant. Ce n'était pas possible, c'était trop artisanal. Mais ça, c'était incroyable. Tu vas à table et tu dis aux clients, écoutez, ces tomates, on les a cueillies hier dans notre potager. Elles sont presque encore chaudes. Tu as une fierté de servir ces produits, c'est incroyable.
- Speaker #1
Tu sais directement d'où ils viennent, etc.
- Speaker #0
Surtout, ça n'a pas le même goût. C'était très chouette.
- Speaker #1
Et ça reste un enjeu que vous gardez un petit peu à l'esprit ?
- Speaker #0
On le garde beaucoup pour le poisson, pour la viande. Pour le vin aussi, c'est extrêmement important de faire travailler uniquement des vignerons et pas des grosses coopératives. D'essayer de comprendre comment leurs produits sont faits. façon à faire découvrir des choses un peu uniques plutôt que... Tu vois, les gens, quand ils viennent au resto, c'est pas pour bouffer de la bouffe des super-marchais.
- Speaker #1
Ils cherchent une qualité effectivement différente. Exactement. Et sur le vin, qu'est-ce qu'ils gèrent chez vous ?
- Speaker #0
Le vin, c'est plutôt moi. C'est vraiment une passion aussi. Alors, depuis longtemps, c'est vraiment quelque chose que j'aime énormément. Et on a des cartes qui sont assez pointues. On a plus de 200 références chez Ardent, peut-être 150 à l'office. Pour des restos de ces tailles-là, c'est quand même des cartes qui sont assez complètes. Et pareil, toujours le souci de mettre en avant des vignerons, des petits vignerons indépendants plutôt que ce que tu trouves partout.
- Speaker #1
Et toi, tu vas à leur rencontre un petit peu ?
- Speaker #0
Souvent, pendant les vacances, je fais un petit détour. pour aller à la rencontre des vignerons et puis rapporter des choses, tu vois. Mais ce n'est pas forcément ça. Tu vois, l'année dernière, l'été dernier, j'étais allé au Portugal et j'avais été voir un mec qui faisait de l'huile d'olive de manière complètement artisanale avec des oliviers millénaires. Donc, des trucs dans la fin fond de la campagne du Portugal, limite à la frontière espagnole. Et pareil, tu vois, ça te permet de rapporter au resto une huile d'olive d'exception, de faire goûter aux gens quelque chose de complètement unique au monde où tu as l'impression de découvrir l'huile d'olive pour la première fois. Ce souci du produit, quand tu voyages un peu, tu reviens toujours avec des bonnes idées.
- Speaker #1
Oui, puisque nécessairement, ça devient impacté en bout de chaîne, ta cuisine.
- Speaker #0
Oui, exactement.
- Speaker #1
J'ai peut-être juste quelques questions pour terminer.
- Speaker #0
Je t'écoute.
- Speaker #1
Quel est ton moment préféré dans la journée ? au resto ?
- Speaker #0
Mon moment préféré dans la journée au resto, je crois que c'est... Alors, je te décris le moment, si tu veux. Samedi dernier, je passe au début du service pour booster un peu l'équipe et vérifier que tout va bien avant le service parce que chez Arnaud, on attendait énormément de monde. Tout le monde est gonflé à bloc. En fait, je rentre chez moi et j'étais crevé. Donc, j'essayais de me coucher tôt et je me suis rendu compte que j'étais en train de réactualiser Tu sais, mes petits logiciels pour suivre un peu ce qui se passait au resto. Et finalement, j'ai vécu un peu par procuration le service avec eux. Et à la fin du service, je reçois une photo de toute l'équipe qui était... En gros, je leur avais donné un objectif. Je leur avais dit, vous pouvez choisir une bouteille pour fêter la fin de la semaine que vous avez faite tous ensemble après le service, si vous atteignez l'objectif. Et puis, je reçois une photo d'eux en train de trinquer à la fin du service qu'ils avaient dégommé l'objectif. et si tu veux tu dis en fait if Ils travaillent bien, ils sont épanouis. Et le resto tourne. Et en fait, je n'étais pas au resto, mais mon cœur était vraiment avec eux. Donc ça, c'était mon préféré.
- Speaker #1
Quand tu vois que les équipes sont bien.
- Speaker #0
Quand je vois qu'ils n'ont pas besoin de moi et qu'ils se débrouillent très bien sans moi, ça veut dire que je pense qu'on a choisi et on a formé les bonnes personnes.
- Speaker #1
Peu qu'on a un parent qui laisse ses enfants quitter le nid et qui voit qu'ils se débrouillent tout seuls.
- Speaker #0
Exactement. Quand tu vois qu'ils font mieux que toi, tu te dis en vrai, c'est bon. tout gagner.
- Speaker #1
Paris réussit.
- Speaker #0
Et big up à eux parce que ils sont vraiment incroyables.
- Speaker #1
Ensuite, s'il y a une leçon que la restauration t'a apprise sur les relations humaines, ce serait quoi ?
- Speaker #0
C'est un très très beau métier, c'est un métier dans lequel tu fais plein de rencontres. Moi j'ai reçu énormément de soutien, si tu veux. Je donne un exemple qui se reproduit deux fois par an depuis quelques années, quand on fait la petite terrasse de l'office là. On fait ça tout le temps en famille. Et si tu veux... Tout le monde bloque ce week-end dans son agenda. On loue un camion. C'est mon père qui conduit le camion parce que personne n'est capable de conduire ce camion. Nous, on dévisse tous le truc, toutes les planches et tout. Tu reçois un amour et il y a de l'entraide tout le temps. Tu vois, c'est un endroit un peu où tout le monde se retrouve où tu oublies un peu tout ce qui se passe. Et c'est des su... super moment, alors que sur le papier, ça ne fait rêver personne de monter ou de défaire une terrasse un dimanche après. Et en fait, c'est des chouettes relations qui se découvrent et qui s'entretiennent. C'est très, très enrichissant.
- Speaker #1
On revient toujours un peu à des moments de solidarité un peu inattendus.
- Speaker #0
Exactement. Beaucoup de solidarité, beaucoup d'entraide, beaucoup de... Non, c'est vraiment... Tu vois, c'est très épanouissant, en fait. Quand tu regardes tous ces moments-là, tu te dis que c'est plus vraiment du travail. Tu passes du temps avec des chouettes personnes.
- Speaker #1
T'es en permanence, en fait, en contact avec les autres, que ce soit à tous les kits, à tes clients.
- Speaker #0
Il y a rarement un moment où t'es derrière un ordinateur toute la journée à ne pas voir le jour, quoi. Tu vois, c'est... hyper... Tu es tout le temps en mouvement, tu es tout le temps en train de parler à quelqu'un. Tu rencontres des gens toute la journée. Dites-toi que si tu as tous les jours 100 personnes chez Ardent et 50 à l'office, tous les jours, tu peux rencontrer 150 personnes différentes. C'est énorme.
- Speaker #1
Tu t'enrichis tellement, en fait. Tout le temps. Et si, pour finir peut-être, tu devais donner un conseil ? à quelqu'un qui souhaite se lancer dans la restauration ? Si on t'avait donné un conseil, toi, à l'époque ?
- Speaker #0
Alors, moi, j'ai pas mal travaillé dans des restos pour faire les petites conneries que t'aurais pu faire, tu vois, si tu te lançais trop tôt. Alors, par chance, toutes les planètes se sont bien alignées et nous, le côté business du resto s'est très bien passé du début. Même pendant le Covid jusqu'à maintenant, les restos se portent bien. Les conseils à quelqu'un qui veut ouvrir un resto, alors il y a beaucoup de gens qui nous en demandent maintenant. On a plein de personnes plus jeunes autour de nous qui veulent ouvrir des restos et qui nous posent des questions sur est-ce que tu penses que tel ou tel endroit est un bon spot ? Est-ce que... Est-ce que tu peux relire mon business plan ? Est-ce que tu peux me conseiller une banque ? Est-ce que tu peux me mettre en relation avec telle ou telle personne ? Je pense qu'il faut savoir que c'est un métier qui est physiquement difficile, que ça prend énormément de temps, qu'il faut être absolument passionné. Et souvent, je dis aux gens qui ne font pas ce métier-là... depuis quelques années, aller travailler pendant un long moment quand même dans un resto pour voir si physiquement, c'est assez glamour de l'extérieur, mais est-ce que tu tiens le coup ? Est-ce que le rythme ne te coupe pas trop du reste de ta vie ? Est-ce que tu es vraiment fait pour ça ? Et je pense que c'est que l'épreuve du temps qui te donne cette certitude-là. Et nous, on a des gens qui sont passés par le resto en nous disant « on veut » . ouvrir un resto et qui au bout de 6 mois te disent attends en fait je peux pas et en fait là pour le coup tu leur as vraiment appris quelque chose et leur passage n'a pas du tout servi à rien parce que ça leur a ouvert les yeux sur le fait que finalement ils étaient pas faits pour ça mais ceux qui aiment ça faites le parce que c'est hyper épanouissant c'est hyper enrichissant et puis il y a des très belles réussites dans ce domaine là donc moi je le recommande à tous ceux qui sont un peu mordus de resto
- Speaker #1
Ça me semble être une bonne conclusion. Merci beaucoup Charles.
- Speaker #0
Merci à toi Laura.
- Speaker #1
Si tu souhaites rencontrer Charles et ses super équipes, rendez-vous aux 3 Rerichés à l'office pour déguster leur mythique bœuf Wellington et toujours Reriché au numéro 40 pour savourer la cuisine embrasée d'ardent. J'espère que tu as passé un bon moment et que tu as apprécié cet échange. Pour découvrir les coulisses du podcast et rester informé des prochains épisodes, tu peux suivre afedou.podcast sur Instagram. En attendant... Je te souhaite de bons petits plats mijotés, beaucoup de douceur et te dis à très bientôt pour une nouvelle rencontre. Toujours à feu doux !