- Speaker #0
Salut, moi c'est Laura, et dans A Feu Doux, je m'assieds avec des restaurateurs pour échanger sur ce qui compte tellement dans nos vies, et qui fait aussi le sel de leur métier, les relations et le partage. Ici, ils nous racontent les liens tissés, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Ceux qui les ont fait grandir, qui parfois les ont bousculés. Ceux qui ont forgé leur parcours, leur manière de recevoir, et qui continuent de les porter aujourd'hui. Toutes ces histoires qui rendent leur métier fondément humain. Alors, si toi aussi t'as toujours un peu de mal à refuser un dernier verre, Et t'aimes bien rester papoter en fin de service ? Viens t'asseoir avec nous. Aujourd'hui, je me rends chez Lazu, dans le 9e arrondissement de Paris, pour rencontrer Rémi. Rémi était ingénieur, mais passionné par la cuisine depuis l'enfance, il décide de sauter le pas et de se reconvertir à 31 ans. Après quelques années à exercer, il ouvre Lazu, son premier restaurant, en 2018. Dans cet épisode, Rémi raconte ce qu'il a mis en place chez Lazu pour que ses clients se sentent comme si on était invité chez chez lui, à la maison. Il évoque aussi son souhait d'aller encore plus loin avec son deuxième restaurant, le comptoir Lazu. Un lieu pensé cette fois pour que les clients se sentent comme chez eux. Il nous parle également de sa volonté de rendre ses équipes visibles auprès de ses clients et de son souhait de leur permettre d'avoir un meilleur équilibre de vie, notamment en adoptant la semaine de 4 jours. Il explique enfin la manière dont il travaille main dans la main avec les commerçants de son quartier. Je suis très heureuse de clôturer l'année 2025 avec l'histoire de Rémi, qui illustre parfaitement l'esprit à feu doux en rappelant à quel point Merci. Le métier de restaurateur est un métier profondément humain. Bonjour Rémi, merci de m'accueillir aujourd'hui chez Lazu.
- Speaker #1
Je t'en prie.
- Speaker #0
Comment tu vas ?
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
Peut-être pour commencer, pour revenir un petit peu sur ton parcours, je crois que tu n'as pas toujours été chef et restaurateur. Est-ce que tu peux me dire un petit peu ce que tu as fait avant et pourquoi la cuisine ?
- Speaker #1
Alors j'ai commencé bon élève, donc j'ai fait... Quelques études, des études d'ingénieur. Je suis devenu ingénieur en système d'information. J'ai fait ça quelques années, jusqu'à mes 30 ans, 31 ans. Et j'ai décidé très rapidement, assez brutalement, de changer de carrière.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
La cuisine avait toujours été dans ma vie. Depuis que j'étais petit.
- Speaker #0
La famille était un peu là-dedans ?
- Speaker #1
Une mère au foyer qui avait fait l'école hôtelière, qui a après arrêté parce qu'on est trois garçons.
- Speaker #0
Intense au petit bien. C'était un métal à la maison.
- Speaker #1
Mais voilà, la première chose que j'ai dit quand j'étais petit, c'est que je voulais être cuisinier et je voulais habiter au-dessus pour ne pas perdre de temps.
- Speaker #0
D'accord, donc avoir le restaurant en dessous.
- Speaker #1
Donc c'est toujours resté Je cuisinais de plus en plus les week-ends Et la grande question de savoir si ça restait qu'une passion Ou si on faisait un métier au risque de l'abîmer J'ai tenté le coup
- Speaker #0
Ok, à quel âge du coup ?
- Speaker #1
31 Ok,
- Speaker #0
donc au départ quand t'as passé le bac etc Tu t'es dit je choisis la voie de la raison Est-ce que t'avais déjà la cuisine en tête à ce moment-là ?
- Speaker #1
Ouais j'avais la cuisine en tête J'ai arrêté ma troisième année d'ingénieur Parce que je me posais à nouveau la question Ok. Je l'ai reprise après.
- Speaker #0
Tu as fait une pause ? Oui,
- Speaker #1
j'ai fait une pause d'une demi-année.
- Speaker #0
Et tu as fait de la cuisine à ce moment-là ?
- Speaker #1
Un petit peu de tout.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Oui, besoin de voir autre chose. Mais j'ai fait de la cuisine deux mois dans un restaurant pour essayer. Et puis, j'ai décidé de finir mes études quand même. Ce que je ne regrette pas du tout, je suis chef de cuisine et gérant. Donc, ça me sert tous les jours.
- Speaker #0
Oui, d'avoir fait tes études en fait, un peu ingénieur, commercial, etc. Et est-ce qu'au moment où tu as fait ta pause, est-ce que tu as eu peur peut-être d'arrêter à ce moment-là ? Ou à ce moment-là, c'était vraiment pas envisagé ?
- Speaker #1
Ça ne m'a jamais fait peur. Peut-être la seule peur que j'avais, c'est qu'il fallait que je me prouve que j'y arrive. Si je le faisais, il fallait y arriver. Oui,
- Speaker #0
il ne fallait pas se monter. Et du coup, quel a été un peu ton déclic quand à 30 ans, tu t'es dit j'arrête et je me lance pour de vrai cette fois ?
- Speaker #1
Alors, j'ai du mal à l'expliquer.
- Speaker #0
Ok, pas de raison particulière.
- Speaker #1
Non, c'était devenu un peu une obligation. C'était une obligation ? En fait, peu importe ce que j'entreprenais comme projet professionnel, il manquait quelque chose. Je me rends compte maintenant qu'il manquait deux choses. Il manquait l'entrepreneuriat. Et il manquait le contact avec la clientèle.
- Speaker #0
Puisque tu étais salarié dans un bureau avant.
- Speaker #1
Donc c'était très intéressant. On m'a proposé, peut-être que le déclic c'est qu'on m'ait proposé un très beau poste. Et qu'en me projetant sur ce très beau poste, je me suis dit, ça ne suffira toujours pas. C'est là que j'ai vu qu'il manquait, je ne savais pas quoi. Maintenant je peux dire que c'est faire plaisir à une clientèle. et cuisiner.
- Speaker #0
Donc là, ça a été l'évidence, entre guillemets, à ce moment-là. Tu t'es dit, je me relance dans des études. Donc, tu t'es relancé dans les études à 30 ans. Comment ça se passe quand on se lance dans des études ? Surtout qu'en cuisine, ils sont très jeunes. Parfois, ils sortent de l'école. Ils ont 16 ans.
- Speaker #1
Oui. Alors, on étudie un petit peu comment ça peut se passer en reconversion adulte. On n'a pas envie de retomber dans tout le schéma que les jeunes traversent dès 15 ans, parce qu'on ne veut pas mettre 10 ans à démarrer. Et je suis assez vite tombé sur l'école Ferrandi, qui proposait une formation en un an. J'ai postulé complètement en secret, personne n'était au courant. Et j'ai commencé à en parler quand je savais que j'étais reçu. Et très sincèrement, je ne savais pas ce que j'allais faire si je n'étais pas reçu.
- Speaker #0
Parce que tu avais déjà démissionné de ton travail ?
- Speaker #1
Non, je n'avais pas démissionné, mais je n'aurais pas pu continuer.
- Speaker #0
Tu sentais que tu te saturais complètement ? Oui.
- Speaker #1
Je me souviens de l'entretien chez Ferrandi, j'ai dit ce sera avec ou sans vous, mais ça se fera.
- Speaker #0
Ferrandi, tu as fait une année à temps plein, là tu as arrêté ton ancien boulot.
- Speaker #1
En fait, c'est six mois à temps plein à l'école et après quatre mois minimum en stage. J'en ai fait six, j'ai fait une année entière. Et à partir de là, le principe c'est d'être commis de cuisine et d'être, le mot n'est pas bon, mais exploitable avec deux bras, deux jambes et on sait bouger en cuisine sans gêner personne. Mais je pense que c'est le maximum qu'une école de cuisine puisse faire.
- Speaker #0
Oui, parce qu'après c'est la pratique qui te forme.
- Speaker #1
Je ne crois pas trop dans les études longues. dans ce domaine. C'est un métier qu'on fait en apprentissage. C'est un métier qu'on apprend sur le terrain. Il faut aller se confronter. Donc, je sais que maintenant, il y a des Ferrandi, d'ailleurs, qui proposent des parcours de bachelor plus longs.
- Speaker #0
Et cette année, est-ce qu'elle a été, du coup, j'imagine, très intense ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Mais ça ne t'a pas plus que ça effrayé sur la réalité du métier ?
- Speaker #1
Pas du tout.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Pas du tout. Et les autres années après ont été encore plus intenses. Ok. Mais... Quand j'en parle, en général, je dis que je connais deux personnes de ma promotion qui ont continué vraiment. Dont un qui a un restaurant maintenant qui a du renom à côté de Uzès dans le sud. Et une autre personne qui fait plutôt chef à domicile mais qui fonctionne bien. Donc ça fait trois avec moi.
- Speaker #0
Les autres ont arrêté ?
- Speaker #1
Sur, je ne sais plus combien on était, mais trois groupes de 10 ou 12, donc sur 30, 35.
- Speaker #0
Et tout le monde a quitté ?
- Speaker #1
À ma connaissance, oui.
- Speaker #0
C'est assez intense, parce que c'était une promo que de personnes en reconversion.
- Speaker #1
Oui, c'est une promotion à part chez Ferrandi, donc on est trois groupes qu'en reconversion.
- Speaker #0
De
- Speaker #1
25 à 50 ans.
- Speaker #0
Oui, mais qui font un beau mélange. C'est assez... Et frayant, en fait, effectivement, ce chiffre de dire une finie sur une promo de 30, ça fait 10%. 10%, ouais,
- Speaker #1
10%. Et pour autant, moi, ça n'a jamais été un sujet.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #1
Vraiment pas.
- Speaker #0
Tu savais que tu avais envie de le faire et tu t'es lancé.
- Speaker #1
Ouais, je savais que c'était ça.
- Speaker #0
Oui, tu l'avais dès petit en tête. Ouais, ouais. Tu t'es repoussé un petit peu les géances.
- Speaker #1
Ouais, ouais. À force de dire... Alors, je suis allé dans des endroits bienveillants. À 30 ans, on a la chance de pouvoir choisir.
- Speaker #0
Oui, un peu plus que quand je suis jeune.
- Speaker #1
J'arrivais très clairement en disant que je voulais apprendre très vite. Donc, je n'avais aucun problème pour faire des heures. Mais par contre, il fallait apprendre et pas juste faire. Et dans une ambiance correcte. Et si ça ne me correspondait pas, je ne restais pas.
- Speaker #0
Tu as eu de la chance sur un peu toutes tes expériences. Quand tu dis ambiance correcte, plutôt d'un point de vue managérial.
- Speaker #1
J'ai eu une très belle expérience de trois ans. C'est là où j'ai fait mon stage. Donc après j'ai fait quelques autres restaurants mais je suis retourné. Chez ce chef, c'est la régalade, M. Bruno Doucet, qui m'a vraiment accueilli. J'étais un de ses clients en fait, et puis je suis arrivé un matin, un midi, et je lui ai dit, je suis pris chez Ferrandi, est-ce que je peux apprendre chez vous une fois que j'ai mon diplôme ? Il me dit, écoute, si tu arrives à faire l'année, t'es le bienvenu. Donc en arrivant chez Ferrandi, j'étais le seul du groupe à avoir déjà mon stage. Je savais que c'était chez lui que j'apprenais. C'était la bistronomie. C'était le classique et les débuts de la bistronomie. Pour moi, c'est là que ça commençait. J'ai eu d'autres expériences, plus ou moins belles, plus ou moins réussies. Quelques catastrophes.
- Speaker #0
Qu'est-ce que t'appelles catastrophe ? Je ne vais pas dire le nom. Non, mais voilà, en termes de...
- Speaker #1
À l'étranger. À travailler de... De 8h du matin à 3h du matin, pas de pause la journée, donc un quart d'heure, 20 minutes de pause une fois dans la journée pour manger.
- Speaker #0
C'était du service continu ?
- Speaker #1
Non, mais il y avait deux services qui s'enchaînaient avec des mises en place pour faire la suite, avec un nettoyage très long le soir où la cuisine était toute démontée. Alors c'était en 4 jours par semaine. Mais de 8h à 3h, quand on rentre chez soi à 4h du matin et qu'il faut se relever à 6h,
- Speaker #0
ça fait limite 4 fois de suite,
- Speaker #1
c'est juste pas possible.
- Speaker #0
On n'est pas loin des nocturnes, des gardes, des médecins. Oui, voilà, tout à fait. C'est encore plus dangereux pour eux.
- Speaker #1
Voilà, donc ça, j'ai arrêté très vite. Mais une des très belles expériences. Et surtout, le sentiment de conforter mon...
- Speaker #0
Oui, tes expériences confortent un peu ton envie de continuer. Oui,
- Speaker #1
mon choix. Quand j'allais dans un restaurant comme ça, où le rythme n'était pas tenable, j'en voulais à ce restaurant, je le trouvais pas bien, mais pas du tout à mon projet, quoi.
- Speaker #0
Oui, c'était pas la restauration dans son entente, c'était pas une généralité.
- Speaker #1
Celui-là, non, suivant, quoi.
- Speaker #0
Oui, et allons voir ailleurs ce qui s'y passe. Et donc là, ces expériences pro, elles ont duré... Combien de temps avant que tu ouvres ?
- Speaker #1
Elles ont duré 4 ans.
- Speaker #0
Ok. Donc au bout de 4 ans, tu as racheté Bouillon 47.
- Speaker #1
Et au bout de 4 ans, j'ai racheté Bouillon 47 dans le 9e. Donc j'ai cherché quelques mois, un restaurant à taille humaine, une quarantaine de places. Je voulais une grande cuisine parce que je ne voulais surtout pas être limité par l'outil de production. Ce qui est le cas d'énormément de lieux à Paris. Donc voilà, c'est un quartier que j'ai toujours adoré. Quinze ans avant, j'avais failli m'y installer et puis ça ne s'était pas fait. Ça me tenait à cœur de faire quelque chose ici.
- Speaker #0
Retour aux sources un petit peu d'une certaine manière.
- Speaker #1
Donc reprise d'un restaurant qui était déjà un restaurant français, bien tenu. Avec un positionnement un peu différent, mais il y avait une clientèle à reprendre.
- Speaker #0
Oui, il y avait déjà une activité en fait. Voilà,
- Speaker #1
donc n'étant pas connu, ouvrant une première adresse, ça m'a semblé, disons que j'avais pris suffisamment de risques, là sur ce coup-là, ça m'a semblé bien de...
- Speaker #0
Sécuriser un petit peu. Oui,
- Speaker #1
voilà.
- Speaker #0
Dans un quartier où effectivement, il y a quand même pas mal de passages.
- Speaker #1
Oui, et puis vraiment le fait que ce soit un restaurant avant et de garder le nom. C'était à moi après de fidéliser la clientèle, mais de façon assez classique, les gens reviennent au moins une fois testés.
- Speaker #0
Complètement.
- Speaker #1
Donc, j'avais des clients la première semaine d'ouverture. Pour moi, c'était important de le vivre comme ça.
- Speaker #0
Oui, parce que parfois les gens ne voient pas. pas en plus forcément soit un changement de chef soit un changement de propriétaire
- Speaker #1
Oui oui il y a des on a des clients qui s'en rendaient compte à la fin du repas parce qu'ils passent un peu devant chaque table pour discuter avec les clients et donc des habitués de l'ancien restaurateur qui ne comprenaient pas donc on explique mais ils étaient contents de leur dîner donc c'est ce qui compte
- Speaker #0
Et donc, ça a plutôt bien fonctionné puisque là, on est quasi dix ans plus tard.
- Speaker #1
Sept ans.
- Speaker #0
Sept ans ?
- Speaker #1
Oui. Donc, oui. Oui, oui. Sept ans, on peut dire que ça a fonctionné.
- Speaker #0
Quelle a été un petit peu ton organisation au départ ? Qu'est-ce que tu as voulu mettre en place ? Parce que ça y est, c'était ton restaurant.
- Speaker #1
Pour moi, il fallait que ce soit un... C'est un peu bateau, mais il fallait que les gens soient reçus comme chez moi. Donc ça tient un peu de choses, mais je faisais un travail sur le service qui soit assez, bien sûr professionnel, mais assez contracté. Pas de musique d'ambiance. Donc c'était au responsable de salle de donner un petit peu de la vie à la salle. Donc on est obligé, vraiment je ne voulais pas qu'on chuchote. Quand on reçoit les gens chez soi, on ne chuchote jamais. Et quand on arrive dans un restaurant un peu bistronomique ou gastronomique, on commence à chuchoter et le serveur se baisse devant la table pour échanger.
- Speaker #0
Il ne fait pas de bruit, on dérange personne.
- Speaker #1
Et si on démarre comme ça, toute la soirée se passe comme ça.
- Speaker #0
Et ça ne crée pas forcément de lien.
- Speaker #1
Ça fait que c'est très intrusif à chaque fois qu'on s'arrête la parole. Voilà, c'est quelque chose de tout bête, mais on avait le comptoir d'accueil à l'opposé de la table. Je demandais à mon responsable de salle d'accueillir et de dire bonsoir aux gens en parlant la voix suffisamment haute pour traverser la salle et de les inviter à le rejoindre pour trouver leur réservation et non pas aller vers eux, vers la porte, pour aller chuchoter. Vous avez une réservation ? Oui, vous êtes là. Donc les deux, trois tables qui étaient déjà installées, vous entendez tout ça ? Mais ça remplaçait, je trouve, avantageusement la musique.
- Speaker #0
Oui, il y a du bruit, de fond, une ambiance en fait.
- Speaker #1
Plein de petites choses. Alors bien sûr, passer devant toutes les tables pour ne serait-ce que saluer les gens, discuter un peu plus avec ceux qui en ont envie. Parce que je pense que quand on reçoit chez soi, on échange un minimum.
- Speaker #0
Oui, on échange, on fait convivre.
- Speaker #1
Toujours essayer de rebondir et ne pas parler que de ma cuisine. on ne te rend ça à parler que de ça tous les touristes leur demandaient d'où ils viennent si c'est le début ou la fin de leur de leur visite s'ils connaissaient déjà Paris S'ils le font plutôt en hôtellerie ou dans un appartement. C'est intéressant, s'ils sont en appartement, on sait qu'ils veulent vivre un peu la vie parisienne. Finalement, il y a un lien qui se crée. Ils nous demandent une deuxième table, où est-ce que je peux aller manger demain ? Où on pourrait être reçu de la même façon ? Là, on sent qu'on a fait plaisir.
- Speaker #0
Ils ont passé un bon moment et que tu as réussi à créer une connexion sur l'instant.
- Speaker #1
Peut-être autre chose que j'ai mis en place assez rapidement. C'est de surtout pas cacher mon équipe.
- Speaker #0
Ok, qu'est-ce que tu veux dire par ne pas cacher ?
- Speaker #1
Quand tu rentres dans un restaurant, tu vois les serveurs, sommeliers, tout, mais presque jamais les cuisiniers. Pour voir les cuisiniers, on a commencé à faire des cuisines ouvertes. Ce que je voulais faire en fait, et que Dieu merci je n'ai pas fait. Ce qui a un long sens maintenant aujourd'hui. Parce que faire de la cuisine, ça fait du bruit. De la vraie cuisine, pas de l'assemblage, mais de la vraie cuisine. Ça fait du bruit. Et obliger des cuisiniers qui travaillent énormément d'heures à faire ce travail-là sans bruit...
- Speaker #0
C'est rajouter une pression pendant le service. Oui,
- Speaker #1
c'est extrêmement compliqué. C'est faire attention dès qu'on pose une poêle, dès qu'on demande quelque chose, trouver des minuteurs qui ne sonnent pas trop fort, au risque de ne pas les entendre. C'est bête, mais un minuteur au milieu d'une salle de cuisine, de restaurant, c'est fatigant quand même.
- Speaker #0
Si on entend le réveil qui sonne toutes les 5 minutes.
- Speaker #1
Et donc, comment montrer aux gens qu'il y a des cuisiniers dans la maison sans avoir une cuisine ouverte ? Et donc, en fait, ça paraît tout bête, mais si tu te balades dans la rue à Paris, tu ne vois jamais les cuisiniers devant les restaurants. Ils sont soit dans la cour derrière, soit, chose extraordinaire, sur le trottoir d'en face. alors ça peut être pour fumer une cigarette mais c'est aussi pour faire un débriefing c'est fait pour faire une liste de travail pour le lendemain, pour faire une liste de commandes et donc moi mon équipe je les ai invitées à s'installer sur la terrasse ou l'hiver sur une table libre du restaurant donc il y a encore des clients mais on s'installe on est encore habillés en cuisinier Et on réfléchit, on analyse le travail, on prépare notre journée du lendemain. Si je dois appeler un fournisseur, je l'appelle et je ne vais pas me cacher.
- Speaker #0
Oui, parce qu'en fait, il y a une vie dans tout le monde. Montrer la vie de la maison, oui.
- Speaker #1
Et donc, de temps en temps, les gens se lèvent et passent une tête et viennent dire merci à tous les cuisiniers. Oui. Et je pense que c'est la seule chance pour eux de pouvoir avoir accès à ça.
- Speaker #0
Oui, ils sont... Moins invisibilisés, en fait. Oui,
- Speaker #1
tout à fait. Quand on leur demande d'être spécifiquement derrière...
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
en cours ou sur le trottoir d'en face.
- Speaker #0
C'est vraiment, il ne faut pas qu'on vous voit.
- Speaker #1
Oui, c'est vraiment anciennement les cuisines au sous-sol et on ne voit rien.
- Speaker #0
Alors que nos assiettes n'arrivent pas comme ça, comme par magie, sur la table.
- Speaker #1
Mais vous avez des restaurants avec une cuisine ouverte qui, dès que les cuisiniers sortent de la cuisine, sont cachés. Parce qu'un cuisinier, il est là pour cuisiner et puis c'est tout, quoi. Complètement.
- Speaker #0
Alors qu'effectivement, il a aussi peut-être envie de créer du lien avec les clients.
- Speaker #1
Oui, oui. Et quand on a des petits problèmes de service, on peut avoir un cuisinier qui vient faire le service aussi, qui sort avec les assiettes. Donc ça, ça se fait un petit peu plus maintenant. Il y a un très bon restaurant à côté, gastronomique, qui fonctionne de cette façon. Il y a un maître d'hôtel qui s'occupe du service du vin, qui s'occupe du redresser, tout ça. Le cuisinier, quand il a fini ses assiettes, c'est un petit restaurant de 20 places, il sort avec ses assiettes et il vient les poser à table. Donc déjà, ça crée un lien. Lui, il a trouvé une autre solution pour ce lien. Donc ça, c'était important pour essayer de faire une maison, comme à la maison, familiale. Donc c'est une équipe, mais c'est une famille. Il n'y a pas une équipe de salle, une équipe de cuisine qu'on cache.
- Speaker #0
Tu passes de la cuisine à la table comme tu le ferais à la maison.
- Speaker #1
Et l'équipe de salle et de cuisine s'entraide, ce qui est très rare.
- Speaker #0
Souvent il y a un peu de rivalité entre la salle et l'équipe. Oui,
- Speaker #1
il y a trop de bons qui arrivent d'un coup, c'est la faute de la salle. Il y a trop d'attentes, c'est la faute de la cuisine. Il y a une erreur, c'est la faute de l'un ou de l'autre. Il y a des restaurants, encore aujourd'hui en 2025, où l'équipe de salle ne peut pas rentrer en cuisine.
- Speaker #0
Ok, oui.
- Speaker #1
Donc, il y a quand même une frontière. Tout à l'heure,
- Speaker #0
effectivement, quand je suis arrivée, j'ai entendu Marine dire à l'équipe de cuisine, ça y est, les chatons, le service est fini, tout le monde est parti. je trouvais ça tellement adorable en fait et vous montrez qu'effectivement il n'y avait pas de frontières et il y a une vraie communication ouais ouais
- Speaker #1
c'est vraiment dit comme ça tu l'as entendu j'ai trouvé ça adorable ça fait un peu bizarre à mes nouveaux arrivées à chaque fois effectivement c'est un peu c'est pas habituel je suis pas le seul je
- Speaker #0
suis pas le seul mais je travaille beaucoup là dessus et t'as jamais eu de remarques particulières de la part des clients enfin en tout cas c'est plutôt bien accueilli c'est euh...
- Speaker #1
presque tout le temps bien accueillis, ayant eu une ou deux remarques en 7 ans, je pense qu'il y a quelques personnes que ça dérange.
- Speaker #0
OK.
- Speaker #1
Parce que quand on a une ou deux remarques, ça veut dire qu'il y en a au moins 10-20.
- Speaker #0
Oui, entre la proportion de personnes qui osent dire... Tu sais,
- Speaker #1
les gens qui disent oui, c'était très très bien, et qui mettent une étoile derrière, donc ils doivent exister aussi pour la visibilité de l'équipe de cuisine. Donc forcément, mais je pense que ça en est... étonne positivement beaucoup plus que ça ne dérange.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
complètement. Mais ça s'est inversé. Cet été, il me manquait deux personnes dans le staff et je me suis mis à ranger la terrasse en fin de service. Et un client qui sortait pour fumer une cigarette était tellement étonné que ce soit le chef qui range la terrasse qu'il s'est mis à fumer sa cigarette et puis à ranger la terrasse avec moi. ah oui docteur hyper sympa je lui ai dit non non ça me gêne et tout bah regardez votre cuisinier il vous aide aussi là donc pourquoi pas moi trop sympa donc voilà il y a quand même des réactions les gens comprennent ce qu'on fait quoi complètement et que en fait c'est participatif aussi ça peut être participatif ouais exactement
- Speaker #0
donc c'était assez lunaire c'est pas arrivé trois fois mais mais on revient un peu à ce concept de comme à la maison voilà en fait même si t'es invité Tu participes petit à petit parfois. Oui,
- Speaker #1
quand ça pleut, on range les chaises, tout le monde y va.
- Speaker #0
Et donc toi aujourd'hui, j'imagine que l'équipe est un peu plus grosse qu'au départ. Tu fais les deux, donc tes cuisines, salles, tu arrives à être un peu...
- Speaker #1
Alors, je suis là où c'est nécessaire. J'ai eu des périodes où j'ai été pendant six mois en salle.
- Speaker #0
Oui, ok.
- Speaker #1
J'ai toujours fait la création en cuisine. Mais une fois le travail un peu fait d'études le matin, je passais en salle et je ne faisais que de la salle. Et vraiment, à un moment, j'avais zéro serveur. Donc, c'était moi à 100%. J'ai démarré qu'avec un seul serveur. Et donc, avant d'en trouver un deuxième, j'ai eu un passage où j'étais seul. Et plutôt que de trouver un serveur, c'est le moment où j'ai trouvé un second sérieux. Et donc je lui ai dit, tu prends les rênes, la carte est en place et je vais faire le service, le temps de trouver quelqu'un. Ça me permettait de faire les essais, d'être en salle pendant qu'ils faisaient les essais et de choisir la bonne personne. A l'inverse, j'ai déjà eu, comme je touche du bois en ce moment, deux personnes totalement autonomes en salle. Et donc là, je ne suis jamais que 100% en cuisine, mais je viens en salle pour discuter avec les gens, pour... Prendre une commande pour fluidifier quand c'est un gros soir et qu'il y a de la vente de vin ou de cocktail et qu'il y a une table qui attend, la cuisine qui attend du travail, j'y vais.
- Speaker #0
Oui, ça permet de... Exactement.
- Speaker #1
Ou alors un habitué qu'on n'a pas vu depuis un moment et donc plutôt que d'aller le voir qu'à la fin, ça me permet de l'accueillir et de prendre sa commande. Mais ça se limite à ça quoi. C'est vraiment très peu. Et ça, alors, c'est en fait, effectivement, mon équipe a bien grossi. Et donc, c'est en la faisant grossir que je suis passé d'un côté à l'autre. Et j'ai décidé il y a deux ans de passer toute mon équipe, suite à la période du Covid, de passer toute mon équipe en quatre jours par semaine au lieu de cinq. Donc, le restaurant est resté ouvert cinq jours, mais toute l'équipe travaille quatre jours. Et il me manque une ou deux personnes chaque jour.
- Speaker #0
Ok, sur les deux, tu as effectivement Lazu et le comptoir Lazu depuis quelques mois.
- Speaker #1
Alors le comptoir, on a ouvert en cinq jours. En salle, ça restera en cinq jours parce que j'ai une personne du matin et une personne du soir. Donc ça fait 40 heures de façon très classique en cinq jours. En cuisine, il faut qu'on arrive à notre point d'équilibre pour avoir une troisième personne et faire une rotation. Pour avoir chacun quatre jours et une personne qui manque. À chaque fois. J'ai mis 4 ans et demi, presque 5 ans à le faire ici. Donc j'ai un cuisinier qui travaillait au restaurant et qui est passé en tant que second au comptoir. Donc il est repassé en 5 jours. Mais voilà, il vit l'ouverture d'un restaurant, la création, le lancement. Donc il n'y a pas eu de soucis.
- Speaker #0
Oui, ça a été un choix mutuel.
- Speaker #1
Ils comprennent. Et puis j'ai fait mes preuves dans le restaurant en réussissant à fonctionner en quatre jours. Ils savent très bien que dès que ce sera possible, ce sera le cas. Donc ça, ça m'a poussé encore plus à être là où j'étais utile. Parce que j'allais souvent soit au dressage, soit au cuisson, en cuisine. Alors que là maintenant, je prends plutôt le poste de la personne qui manque.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
ça peut être au froid ça peut être aux garnitures donc ils font des photos de moi quand je me mets à la plonge et en salle de la même façon quand j'ai ma chef de rang qui est là je fais un petit peu le rôle de responsable de salle et quand c'est ma chef de rang qui n'est pas là je fais le commis de salle je laisse Marine faire vivre son restaurant Et moi, je débarrasse, je redresse, je sers le plat pour qu'elle reste dans sa dynamique. C'est à elle de créer le lieu. Oui,
- Speaker #0
tu ne viens pas, entre guillemets, manger. Non,
- Speaker #1
je ne remplace pas. Tu viens l'aider,
- Speaker #0
la soutenir.
- Speaker #1
Exactement. Et ça crée des situations très intéressantes.
- Speaker #0
Par exemple ?
- Speaker #1
Parce que, en tant que responsable de salle, si tu es capable de driver ton chef comme un chef de rang, peux avoir un peu n'importe quel extra ou n'importe quelle personne qui va venir pour un soir ou pour un essai ou un début de contrat le temps de faire connaissance on se connaît pas encore tu vas réussir à gérer quoi pas si tu as osé dire à ton chef ce que tu as tombé de lui et le reprendre quand c'était pas le cas complètement le début fait que je demande Je suis à la rue ce soir, tu peux me le dire quand même. Et donc, quand je l'ai vu s'ouvrir et prendre de l'épaisseur, en fait, ça lui sert tous les jours. Et c'est le cas également, beaucoup moins pour les autres, mais c'est le cas également pour mon second.
- Speaker #0
Qui a pris sa place, vraiment.
- Speaker #1
Quand il prend la place de chef, parce que je suis en salle, et que c'est lui qui donne la musique. Donc au lieu d'être focalisé sur un poste ou deux postes, il est focalisé sur la totalité de la cuisine. Et c'est une hauteur de vue qui n'est pas facile à apprendre. Parce qu'on ne peut pas être à côté de lui et lui dire tu fais ça, tu fais ça. On n'est jamais suffisamment nombreux pour faire ça.
- Speaker #0
Donc il faut un peu se jeter dans l'eau. Oui, et c'est vraiment prendre le temps, l'économie.
- Speaker #1
Et une fois qu'ils y arrivent... On gagne énormément parce qu'ils gagnent en confiance. Ils apprécient énormément la confiance qu'on leur a donnée.
- Speaker #0
Et donc, ils la rendent aux autres. Ils essayent de faire grandir les autres.
- Speaker #1
Tu sors des vieux schémas, je dirais, peut-être un peu... Pas cliché, parce que c'est une réalité de la cuisine où, justement, c'est parfois très violent, condescendant, rapport de supériorité.
- Speaker #0
J'en suis conscient. J'ai fait quelques mauvaises rencontres de personnes qui peuvent en profiter. Donc, en fait, soit tu comprends très rapidement comment on fonctionne, soit tu veux profiter de moi et puis tu vas profiter ailleurs. Mais c'est arrivé.
- Speaker #1
Oui, d'avoir des déceptions sur des...
- Speaker #0
Pas forcément des mauvaises personnes. Malheureusement, habitués au schéma que tu décris.
- Speaker #1
Oui, plus. Pas habitués à avoir un schéma plus bienveillant et plus dans le...
- Speaker #0
Non, mais pour eux, il y avait un piège.
- Speaker #1
Oui, c'était pas normal.
- Speaker #0
Oui, ils se demandaient à quel moment ça allait se retourner contre eux.
- Speaker #1
Ah oui, c'est fou quand même. Donc, ils étaient sur leur garde.
- Speaker #0
Ou ils me mettaient de côté. Ces chefs-là, ingérables.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Et il se tirait dans les pattes avec les autres cuisiniers.
- Speaker #1
D'accord, oui.
- Speaker #0
Pour être le meilleur. Dès que la place de seconde sera libérée, c'est pour moi. Des choses comme ça.
- Speaker #1
Donc, tu mets en place, en plus, du point de vue malsain de compétition.
- Speaker #0
Ce qui se fait dans les cuisines, en général, tous les chefs de parti sont en guerre pour la place du dessus. Tous les commis sont en guerre pour être chefs de parti.
- Speaker #1
Toi, tu disais, tu fais rouler les... Postes ? Alors, pas de temps. Oui,
- Speaker #0
je les fais tourner. Donc, les postes sont tournants. Alors, le fait de les faire travailler en quatre jours, ça a également créé ce besoin qui est, je trouve, très positif. C'est que tous les jours, j'ai une personne qui est absente et c'est une personne qui est responsable d'un poste. Donc, il faut nécessairement qu'une autre personne de l'équipe, en plus de moi, parce que... j'ai tendance à faire ce travail-là, mais pas à 100%, connaissent le poste qui est vacant.
- Speaker #1
Pour pouvoir se substituer à une journée personnelle.
- Speaker #0
Exactement. Auparavant, on le faisait quand une personne était malade. On n'est pas très malade dans notre pays.
- Speaker #1
On n'est pas malade. C'est vrai.
- Speaker #0
Le principe a été de... J'avais déjà ce principe-là avant, qui était de... Ça m'a mis en difficulté de temps en temps, c'est-à-dire que tu as des chefs qui mettent leur équipe dans les meilleures positions, les meilleurs postes pour que ça serve au mieux l'entreprise.
- Speaker #1
Donc celui qui est le meilleur... T'es très bon au froid,
- Speaker #0
tu restes au froid. T'es très bon au chaud, tu restes au chaud. T'es très bon au cuisson, tu restes au cuisson. Mais t'es très bon à la plonge, tu restes à la plonge toute ta vie.
- Speaker #1
Tu ne progresses pas, tu ne te diversifies pas.
- Speaker #0
Et donc moi, dès que c'était possible, quand un poste était bien maîtrisé, j'ai décidé de changer. Et en fait, le fait d'avoir fait ça avant de passer en quatre jours, a fait que ça m'a aidé à passer en quatre jours. Parce que je me suis dit, quand je vais passer en quatre jours, comment je m'en sors avec le poste vacant ? En fait, ils sont tous passés, on sortait de Covid. Et mon équipe était restée la même grâce aux aides et au chômage technique. Donc, ils arrivaient, ils connaissaient tous les postes. Et on s'est dit, c'est marrant, à quel poste on démarre ? Pas forcément celui où on s'est arrêté. On a changé de saison, on a changé de carte, on peut changer. Et donc, je leur ai dit, on va démarrer en quatre jours. Vous allez avoir un poste de référence. Et de toute façon, vous devez maîtriser les autres postes parce qu'une fois par semaine, vous allez faire le poste de quelqu'un d'autre. Mais si vous faites le poste de quelqu'un d'autre, votre poste est vacant. Donc la personne à côté doit savoir faire aussi. Donc tout se décale d'un cran. Et moi, je peux me mettre au cran que je veux. Ce n'est pas moi qui subis exactement chaque poste. Le poste vacant, ce n'est pas forcément le poste de la personne qui n'est pas là le jour même.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Et selon si c'est un petit, un gros service, je ne me mets pas à la même position. Si j'ai besoin d'être... Des fois, il me manque une personne en cuisine et une personne en salle.
- Speaker #1
Donc,
- Speaker #0
j'ai besoin d'être entre les deux. Pareil, je me mets dans des postes... Je ne vais pas être responsable de salle et chef de cuisine. Oui,
- Speaker #1
parce que là, c'est quand même intensif.
- Speaker #0
Donc voilà, ça s'est fait comme ça. Et pour eux, c'est super enrichissant.
- Speaker #1
Oui, j'imagine qu'ils l'ont...
- Speaker #0
Oui, c'est super enrichissant. Mais on est allé jusqu'à... Mon second, un jour, m'a fait faire un marché.
- Speaker #1
C'est-à-dire ?
- Speaker #0
On avait un peu trop changé les postes.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Un peu trop tout d'un coup. Et ça devenait difficile de faire les mises en place, d'être à l'heure. Et Isma m'a dit, là, on a trop changé. Il faut au moins qu'on en remette un à son ancien poste. Ça désagréait trop. Parce que je ne peux pas faire tout mon travail et en même temps apprendre un nouveau poste à deux personnes. Ça ne rentre plus.
- Speaker #1
Surtout en quatre jours de journée.
- Speaker #0
Voilà, exactement. Et donc, si tout le monde fait quatre jours, en fait, tout le monde ne se voit que trois jours. Donc ça réduit vachement les interactions.
- Speaker #1
Oui, avec le roulement de personnes.
- Speaker #0
Et donc cette façon de fonctionner, ça apporte beaucoup de solidarité. C'est quelque chose qui... Bon, de toute façon, on ne pourrait plus revenir en arrière, mais pour la première fois... Donc ça fait deux ans maintenant, on fait vraiment des horaires normaux.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu appelles horaires normaux ?
- Speaker #0
On fait une quarantaine d'heures, 42 heures sur quatre jours.
- Speaker #1
Ok, donc ça fait 7 heures par jour.
- Speaker #0
Oui, 10-11 heures, c'est des grosses journées. Parce que sur une amplitude plus large, il y a une pause d'après-midi. Mais avant, tu aurais ajouté 10-12 de plus. Oui,
- Speaker #1
complètement.
- Speaker #0
Et en fait, j'ai trouvé des gens plus reposés.
- Speaker #1
Tu les trouves, du coup, tu vois un vrai bénéfice sur tes salariés.
- Speaker #0
Oui, sur énormément de choses. Sur leur engagement, c'est-à-dire qu'avant, on était là cinq jours. Donc, si on a un service qui est calme, on se repose. Là, maintenant, on est là quatre jours. S'il y a un service qui est calme, on va faire de la mise en place pour prendre de l'avance pour le lendemain. Parce qu'on ne va pas être là le lendemain ou parce que notre copain ne sera pas là le lendemain. Donc, de toute façon, c'est évident. On fait le même travail et on est là un jour de moins. On voit les 20% d'efficacité qui sont gagnés. Oui,
- Speaker #1
c'est ça en fait. C'est vraiment une optimisation et une efficacité.
- Speaker #0
il y a quelque chose au niveau du repos où on a On a plus l'esprit libre avec une journée de repos en plus. Un soir de libre, ça permet d'aller au restaurant. Moi je suis fermé le dimanche lundi, donc comme énormément de restaurants. Et donc demander à ces équipes de travailler sur sa culture culinaire, de participer à la carte. à la création, mais ne jamais pouvoir aller dans un restaurant, c'est embêtant.
- Speaker #1
Complètement. Maintenant,
- Speaker #0
on est des fiffes, où est-ce que tu es allé manger ? Et les restaurants sont beaucoup plus intéressants que quand on n'avait que le dimanche-lundi,
- Speaker #1
où c'est la disponibilité qui choisit pour nous.
- Speaker #0
Donc ça, c'est très enrichissant aussi. C'est des jeunes qui ont 20 à 25 ans. Donc, pouvoir faire ça, c'est...
- Speaker #1
Oui, d'avoir un soir en plus dans la semaine où il peut aller dîner ailleurs. Oui,
- Speaker #0
exactement. Donc ça, ça a beaucoup apporté aussi en équilibre.
- Speaker #1
Oui. Et donc là, aujourd'hui, c'est vraiment, ils ont pu rééquilibrer. Et toi aussi, est-ce que tu as gagné en équilibre ? Tu dirais par rapport à... Je ne suis pas sûr. Je vais peut-être passer après les autres. Oui.
- Speaker #0
Non, parce qu'il me manque une à deux personnes tous les jours. Donc, ça m'a coûté un poste en plus. J'ai recruté une personne en plus. Et malgré cette personne en plus... J'ai 50% de mon temps qui est pris par de la production nécessaire ou du service nécessaire que je ne peux pas déléguer. Donc, ce n'est pas neutre.
- Speaker #1
Toi, tu es toujours à cinq jours du coup ? Oui.
- Speaker #0
Alors, quatre jours et demi. Le samedi, je fais soit que le matin, soit que le soir. S'il y a un gros service le soir, peut-être un samedi tous les deux mois, je ne viens pas. Le samedi, en fait, toute l'équipe est là.
- Speaker #1
Ok, d'accord.
- Speaker #0
Ils sont un peu absents en semaine, mais la plus grosse journée qui est le samedi, toute l'équipe est présente. Ok,
- Speaker #1
d'accord.
- Speaker #0
Et donc, quand c'est faisable, je peux prendre un samedi.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
J'ai réussi au début.
- Speaker #1
À être quatre jours, du coup ?
- Speaker #0
En fait, c'est l'inverse qui s'est passé. je prends l'histoire à l'envers. C'est une période où je faisais plutôt six jours, où j'ai décidé, eux faisaient cinq jours de façon classique, où j'ai décidé de ne plus venir le samedi, pour ne faire que cinq jours ou quatre jours quand j'arrivais à ne pas faire la paperasse le lundi. Et donc j'ai fini par réussir à me reposer, réussir à rattraper mon retard sur toute la gestion, et à être en quatre jours. Et je me suis rendu compte un petit peu de ce que ça a apporté.
- Speaker #1
Oui, de passer en quatre jours.
- Speaker #0
Une réflexion beaucoup plus posée, un corps beaucoup moins fatigué. Je suis plus âgé qu'eux, mais je pense qu'il n'est jamais trop tard pour faire des horaires correctes. Oui,
- Speaker #1
on doit prendre soin de soi.
- Speaker #0
Et donc, c'était plutôt avant. Et à partir du moment où je les ai mis en quatre jours... Moi,
- Speaker #1
je les ai perdus. Il a fallu compenser.
- Speaker #0
Mais j'ai bon espoir de compenser. Voilà, on a eu 2024 qui était un peu moins bien, 2025 qui est un peu mieux. Il faut trouver un équilibre financier pour que ça fonctionne. Voilà, c'est plutôt ça mon objectif.
- Speaker #1
De ce point de vue-là, un peu sur l'équilibre financier, etc. Est-ce que ça a eu un impact, j'imagine, de passer quatre jours ?
- Speaker #0
Oui, ça a eu un impact. J'ai dû recruter une personne. Donc, c'est vraiment une personne dont je n'avais pas besoin avant. Donc, un salaire. Ce n'est pas neutre du tout parce que je compte rapidement. Je suis passé de 6 à 7. Mais encore une fois... C'est un pari, mais... Je leur ai dit, quand on a commencé à le faire, surtout, il ne va pas falloir m'en vouloir si on fait marche arrière, parce qu'on a beaucoup, beaucoup de chance de faire marche arrière.
- Speaker #1
Oui, soit ça marche, soit ça ne marche pas. Oui,
- Speaker #0
et plusieurs fois, on a failli ou peut-être on aurait dû faire marche arrière. Mais j'ai tenu bon et jusqu'à maintenant, on ne l'a pas fait.
- Speaker #1
Oui, ça fait deux ans.
- Speaker #0
Oui, ça fait deux ans au mois de juin.
- Speaker #1
Ok, donc quand même,
- Speaker #0
ça tient dans la vie. Ça a un coût, mais je ne sais pas si c'est un coût ou si c'était une réduction masquée avant. Oui,
- Speaker #1
ou tu fonctionnes en sous-effectif.
- Speaker #0
Oui, et parce que tout le monde fait 55 heures en cuisine, je peux embaucher des jeunes de 25 ans et leur demander 55 heures.
- Speaker #1
Tu arrives avec la surexploitation.
- Speaker #0
On va aller jusqu'à quand ?
- Speaker #1
D'autant que la nouvelle génération est très demandeuse d'un meilleur équilibre pro-perso, etc.
- Speaker #0
Oui, alors je crois que les cuisiniers ont raté ce passage-là.
- Speaker #1
Ah c'est vrai ?
- Speaker #0
Non, ce n'est pas complètement vrai. Ça se ressent beaucoup plus en service. Mais en cuisine, on a encore la passion et... La connaissance de cette façon de fonctionner est un peu malsaine. Donc, je ne sais pas si c'est être résigné. Mais on s'attend à ça, en tout cas.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai que quand j'échange parfois avec des chefs, ce qui ressort, c'est vraiment ce côté. De toute façon, c'est normal. Et je n'en fais pas tant une affaire d'État parce que j'ai tellement été habituée à ça que ça ne me choque presque pas tant que ça. Mais ça, c'est la raison pour laquelle ça continue. Voilà, c'est ça. Je condamne, mais... Malheureusement, je ne sais pas si ça me choque. En tout cas, au moment où je l'ai vécu, ça ne me choquait pas.
- Speaker #0
Oui, mais si on n'en fait rien, c'est pour ça que ça continue.
- Speaker #1
On n'en sort pas et on reste dans des schémas.
- Speaker #0
En cuisine, ils apprécient énormément ce rythme. Mais ils sont à une période de leur vie où on leur a dit depuis leurs 15 ans que choisir la cuisine, c'était ça. Donc, même ceux qui ont 25 ans, c'était il y a 10 ans.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Peut-être que ceux qui ont 15 ans aujourd'hui, on ne leur dit plus et ça s'améliorera.
- Speaker #1
Dans 10 ans, ils auront les mêmes revendications. Oui,
- Speaker #0
exactement. Donc ça, je pense que ça prend du temps, mais il ne faut pas attendre qu'il y ait des revendications. Moi, je l'ai fait très honnêtement, je l'ai fait également pour gagner en attractivité à la sortie du Covid. J'avais besoin d'un responsable de salle et lui proposer de travailler 4 jours au lieu de 5.
- Speaker #1
Là, tout de suite,
- Speaker #0
les CV que j'ai reçus n'avaient rien à voir.
- Speaker #1
Tu sens que tu attires davantage.
- Speaker #0
Alors que les CV que je reçois pour la cuisine n'ont pas énormément changé. C'est là qu'on voit qu'ils sont contents. C'est un truc en plus.
- Speaker #1
Mais ce n'est pas un critère. Voilà,
- Speaker #0
ça fait partie du package. C'est bien,
- Speaker #1
c'est un plus. Là où, effectivement, en salle, on est plus sur quelque chose.
- Speaker #0
Après, une fois qu'ils ont fait six mois, un an chez moi, je ne sais pas s'ils sont capables d'aller travailler ailleurs.
- Speaker #1
à 5 jours et de se dire tu es en train de briser la carrière ou en tout cas à élever les exigences ouais exactement et au delà de de l'équipe etc, tu as mis aussi en place un petit peu un petit écosystème avec les vendeurs les producteurs du quartier pour t'approvisionner au resto oui,
- Speaker #0
alors ça en fait moi quand j'ai ouvert il y a 7 ans C'était un prérequis de faire du circuit court. Maintenant, on n'est presque pas un restaurant si on ne fait pas circuit court, on fait maison. Voilà, il faut aligner les bases. Donc, j'ai fait appel à des fournisseurs que je connaissais de mes anciens postes, plus d'autres que j'avais sélectionnés. Et ça se passait plutôt bien. Et en fait, ça rejoint un petit peu mon histoire de vouloir faire une maison, de vouloir faire partie de quelque chose. Je me suis trouvé ou me logé dans le quartier, donc je suis devenu riverain du quartier. Et en regardant autour du restaurant, j'ai commencé à voir des fournisseurs qui étaient intéressants. Le premier a été la crèmerie, pour tout ce qui est fromage, crèmerie, qui était un ancien fournisseur du restaurant quand j'ai racheté le restaurant. Donc je suis allé me présenter et puis on a décidé de continuer ensemble. Alors que moi j'avais déjà, avant d'avoir trouvé mon restaurant, prévu quelques partenaires. Mais là, il s'imposait à moi. Il était en face, il faisait du très bon travail. Et ça n'a pas arrêté de grossir. Les choses les plus simples au début, le pain. C'est un ami qui est dans le dixième, juste à la limite, Thierry Breton, qui me livre le pain tous les jours. Ensuite, j'ai eu le café. J'ai rencontré Géraldine de chez Coffelia, qui fait sa torréfaction elle-même dans sa boutique. Donc on s'est mis d'accord. sur un type de café, sur un type de torréfaction.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Et elle nous fait des tournées régulières maintenant. Et on est à 50 mètres.
- Speaker #1
Oui, donc vous faites fonctionner le...
- Speaker #0
Oui, très proche. Ce que j'ai rajouté il y a un an, un an et demi, c'est tout ce qui est fruits et légumes. En fait, j'ai compris que le circuit court. J'essayais toujours de savoir d'où venaient les fruits et légumes. Et j'ai compris que le circuit de course, c'était un métier. Et que mon primeur en face du restaurant, c'était son métier, il le faisait très bien. Donc il sélectionne ses produits. Il est capable d'en sélectionner d'autres sur demande, davantage, pour avoir une palette un peu plus large. Il est capable de gérer une fraîcheur, une maturité pour chaque produit. Et il a une proximité impossible à égaler.
- Speaker #1
Pour le voir actuellement. Voilà, il est là.
- Speaker #0
Et donc ça répond à quoi ? C'est lui qui se porte garant de la traçabilité et de la bonne maîtrise de la fabrication des produits. J'ai toujours été plus agriculture raisonnée et bien faite que nécessairement bio. Il y a du bio qui vient de très loin, on le sait. Donc je préfère raisonner et connaître mon paysan. J'ai un paysan qui a pris sa retraite cette année, mais ça fait 7 ans qu'il me livrait son camion.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
J'attends de savoir qui prend la suite. Il m'a promis qu'il allait avoir quelqu'un. Et donc j'ai commencé à travailler avec ce primeur et ça a permis de discuter des produits avec les produits en face, de connaître l'arrivée ou la fin d'une saison de façon beaucoup plus précise, de pouvoir échanger quelques produits quand on a un problème de maturité d'une poire ou autre en traversant la rue, de pouvoir faire des essais en allant prendre un produit juste pour essayer sans attendre le lendemain de l'avoir commandé. de pouvoir se dépanner jusqu'à 21h30 le soir. Ça aide.
- Speaker #1
C'est complètement de dire si tu as une rupture ou tu l'exprimes. Exactement.
- Speaker #0
Et ça a apporté énormément d'énergie, d'énergie positive dans le quartier.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Mes clients me voient traverser la rue et récupérer des belles giroles en face. Inversement, quand je suis chez lui, ses clients euh voit le chef regarder les mêmes produits qu'eux, ils disent mais vous utilisez ça comme produit ? Oui, oui, ça ne vient pas d'ailleurs.
- Speaker #1
Donc tu te dis que c'est des produits, etc.
- Speaker #0
Voilà, exactement. Donc c'est gagnant-gagnant. C'est vraiment quelque chose qui est devenu très agréable. Et donc là, ça a été le déclic, il y a un an et demi quand j'ai fait ça. Et c'était juste avant de commencer le projet du comptoir. Donc le comptoir, c'est un café, café comptoir. donc un peu plus abordable qui verse sans interruption de 8h le matin à 2h du matin donc qui fait petit déjeuner, déjeuner tea time, dîner petites assiettes à partager plutôt le soir et à des petits prix par rapport au restaurant bistronomique et je me suis dit il faut absolument que j'arrive, là en fait je crée un lieu Merci. de vie, une pièce en plus pour les gens, pour qu'ils se retrouvent. Alors là, ils ne vont pas être chez moi et je ne vais pas les recevoir chez moi, je vais les recevoir chez eux. C'est encore l'étape d'après. Donc il y a un petit patio à part pour être un petit groupe de 8-10 complètement en intimité. Sinon, il y a plein de petits espaces différents qui permettent de se sentir comme chez soi. Et alors, c'était primordial de continuer à travailler avec les commerces voisins et avec une question de coût, de budget très serré.
- Speaker #1
Oui, puisque pour le coup, tout est rendu à un prix. Voilà,
- Speaker #0
les coûts sont encore plus tendus. Mais il était hors de question de faire une belle affiche avec la bistronomie. Oui,
- Speaker #1
moins bon.
- Speaker #0
Et puis... Je ne sais pas si c'est moins bon, il y a des beaux produits. J'avais des beaux produits avant, mais en tout cas moins local. Mais pour rebondir avec ce que je disais au début, il y a 7 ans, c'était presque une obligation de faire du circuit court. On disait local d'ailleurs, proche. Et j'ai essayé de dévier un petit peu ça. Peu importe en fait, tant que la distance est raisonnable. Peu importe où le paysan, l'agriculteur, le boucher, l'éleveur travaillent. Le fait de passer par un fournisseur local, mais local dans la rue, ça rend déjà euh ça rattache tous mes fournisseurs au neuvième arrondissement.
- Speaker #1
Complètement, oui. Tu fais fonctionner vraiment ton économie locale.
- Speaker #0
Oui, tous les commerces vont mieux, à ma petite échelle. Tous les commerces font un petit peu plus de chiffre d'affaires, qui eux-mêmes vont peut-être avoir l'idée de consommer un peu chez les voisins, et c'est vertueux.
- Speaker #1
C'est intéressant, tout à l'heure, tu utilisais le mot de partenaire, justement.
- Speaker #0
Oui, je dis toujours partenaire. Quand je rencontre un fournisseur, je lui dis qu'on va être partenaire. Ça en perturbe certains. Partenaire, ça veut dire que quand on va s'engueuler, on va chercher tous les deux une solution. Fournisseur, si on s'engueule, moi je passe à autre chose.
- Speaker #1
C'est plus contractuel.
- Speaker #0
Partenaire, et s'il y en a un qui est un peu en galère, l'autre est à l'écoute. Sur un délai de facture, sur un produit qu'on m'avait promis. Un délai de facture, ce serait plutôt moi qui serait en erreur. Sur un produit qu'on m'a promis et qui n'est pas là, j'ai de la compréhension. En général, le partenaire ne le fait pas exprès. Le fournisseur, on ne sait pas s'il ne l'a pas donné à un meilleur client. Le partenaire, je pars du principe qu'il ne l'a pas fait exprès.
- Speaker #1
Tu crées vraiment un lien de confiance avec eux. sur la durée en plus.
- Speaker #0
Exactement. Mais comme je le fais avec les clients, c'est en amont et en aval. Et comme je le fais avec les employés, toute la chaîne.
- Speaker #1
Il y a vraiment une philosophie qui s'instille un peu tout le monde.
- Speaker #0
Exactement. J'ai des étrangers, des touristes qui viennent dîner chez moi. Mon but, c'est qu'ils préfèrent le 9e au 11e. C'est pour ça que je dis ancien. Et quand ils reviennent à la fin de la semaine et qu'ils reviennent manger le dernier soir avant de partir, je sais que j'ai gagné. C'est plus complètement. Mais voilà, ou quand ils viennent déjeuner et puis qu'à la fin du déjeuner, ils vont s'acheter quelques fruits en face. Voilà, on sait qu'ils ont... Il s'est passé quelque chose dans leur journée. Donc ça ne marche pas que avec les locaux. C'est plus large que ça.
- Speaker #1
Et tu arrives justement à échanger sur ces sujets avec les clients, que ce soit le fonctionnement un peu économique du quartier ou la place des... En fait,
- Speaker #0
tu ne choisis pas avec qui tu peux en parler.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Tu ne peux faire que répondre aux curieux.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des curieux du coup ?
- Speaker #0
C'est des sujets où, à la limite, sur les fournisseurs, ou alors sur le staff, vraiment en fin de soirée, Quand je vois mon équipe assise en train de travailler à la table, c'est plus rare. Alors que sur les produits un petit peu plus, ils s'intéressent à un produit, je vais tout de suite glisser que c'est Bader qui me le fournit en face. Et ça vient de telle région ou de tel agriculteur. Ce n'est pas parce que c'est pris... J'ai le primeur en face que je n'ai pas la traçabilité. Oui,
- Speaker #1
complètement.
- Speaker #0
Bien sûr. Mais donc, je sais très bien que sa vraie question, c'est de connaître que les girondes viennent de Corrèze, viennent d'Auvergne. Complètement. Mais avant de venir d'Auvergne, elles viennent d'en face. Elles ont été sélectionnées. Elles ont été sélectionnées et c'est un métier en soi. Et je ne suis pas un assez grand... Vous savez, dans les grands restaurants, il y a un acheteur. c'est un poste dans toutes les grandes entreprises il y a des acheteurs et moi je devrais être le meilleur acheteur du monde tout en étant gérant chef de cuisine commis de salle de temps en temps qui permet de déléguer d'une certaine manière exactement c'est encore un bénéfice si on les voit comme des partenaires c'est de la sous-traitance On délègue cette sélection-là. Mais on leur fait confiance parce que c'est un partenaire. Et puis, on n'est pas bien loin s'il y a un problème. On peut se parler.
- Speaker #1
On se voit.
- Speaker #0
Ce n'est pas du téléphone. C'est très agréable.
- Speaker #1
Tu as un visage, tu as un prénom. Ce n'est pas juste une boîte mail.
- Speaker #0
Donc, les curieux, oui, quand ils ont compris qu'ils ont tiré le fil, qu'il y avait un lien comme ça pour tout, ils veulent en savoir de plus en plus.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
donc Ils demandent si c'est la même chose pour les vignerons. Donc, pour les vignerons, j'ai un petit peu fait le même virage. J'avais énormément de vins achetés en direct domaine.
- Speaker #1
OK.
- Speaker #0
La moitié de ma carte. Et maintenant, je dois être à 20%, 15-20%.
- Speaker #1
Et tu t'approvisionnes.
- Speaker #0
Et je m'approvisionne plus avec des revendeurs. Au début, je disais non, il faut absolument que j'aille voir les vignons en direct. Mais ça ne m'empêche pas de rencontrer les vignons. Ils viennent quand même. Mais je me suis fait des amis dans le milieu, qui travaillent très très bien, qui savent sélectionner les bons domaines. Et à partir du moment où on a une très bonne entente, ils ont quatre ou cinq références que je veux travailler, je ne vais pas faire cinq commandes différentes. Non, je passe par lui. Alors oui, je vais peut-être payer 50 centimes de plus sur la bouteille et le vigneron va peut-être gagner 50 centimes de moins. Mais encore une fois, c'est un métier d'acheteur, de sélection et je trouve que ça l'est beau.
- Speaker #1
Oui, tu rémunères l'intermédiaire aussi.
- Speaker #0
C'était vraiment un intermédiaire que je ne pensais pas si utile auparavant. Je trouvais qu'il y avait une vraie valeur à aller chercher en direct domaine, on appelle ça. Ça ne me repousse pas du tout, mais c'est peut-être un dogme que j'ai un peu lâché.
- Speaker #1
Oui, tu as accepté en fait d'avoir des partenaires.
- Speaker #0
Exactement, mais le vigneron, on va le voir une fois tous les deux ans. Le partenaire, on le voit une fois tous les mois, il passe. Mais ce n'est pas pour nous forcer à nous vendre des choses et tout, c'est pour discuter qu'est-ce qui fonctionne bien, qu'est-ce qui ne fonctionne pas bien, est-ce que ça va ? Et moi je lui demande des autres clients comment ça va. On a quand même une période difficile dans la restauration, donc avoir des retours de partenaires, un fournisseur on ne le croit pas, un partenaire on le croit.
- Speaker #1
Comment ça se passe effectivement un peu plus dans l'écosystème de la restauration puisqu'il a des infos un petit peu à droite à gauche. C'est ça.
- Speaker #0
Je pense que le fait d'être une petite structure, ça pousse à aller chercher de l'aide avec des partenaires qui grandissent avec nous, plutôt qu'essayer de manger une petite marge sur les fournisseurs.
- Speaker #1
J'aurais peut-être juste quelques petites questions pour terminer. La première, elle va peut-être regrouper un peu tout ce que tu as dit, puisque tu prends l'aspect humain énormément en compte dans toute ta manière d'exercer. Qu'est-ce que la restauration t'a appris sur les relations humaines ?
- Speaker #0
J'emploie beaucoup de jeunes, comme je disais. Donc ça m'a appris que la jeune génération a beaucoup plus de courage qu'on croit. Et je ne l'entends pas souvent.
- Speaker #1
Non, souvent on entend les jeunes n'ont plus envie de rien faire, etc.
- Speaker #0
Et moi, ils sont très courageux. Et j'ai formé des apprentis que j'ai embauchés après, donc qui ont eu le niveau. Ma responsable de ça, elle est une ancienne apprentie. Donc, la première chose que je retiendrai, c'est ça, sur eux. Qu'est-ce que m'a appris la restauration ? La deuxième chose, c'est peut-être pour se plaindre un peu, parce qu'on est commerçants quand même. On reste des commerçants. En l'espace de sept ans, et je n'attribue pas ça du tout à mes choix de fournisseurs, ou mes choix. de temps de travail parce que j'ai la tête bien faite et je sais compter. En 7 ans, j'ai vu une entreprise comme la mienne passer de très rentable à en difficulté. 7 ans, c'est court.
- Speaker #1
À l'échelle d'une entreprise, effectivement, c'est très court.
- Speaker #0
C'est très court pour changer autant. Alors, je pense que la crise du Covid n'y est pas pour rien. Mais un grand merci. D'ailleurs, on a eu les aides nécessaires et je trouve que ça s'est superbement bien passé. Moi, du jour au lendemain, on pouvait ouvrir. J'avais mon équipe. Elle était déjà là, je n'avais pas à la reformer. Mais voilà, l'augmentation des prix. On est tiraillé entre ce que la clientèle est prête à payer, un petit plafond de verre quand même, qui n'augmente pas du tout autant que le reste de la vie, et les matières premières qui explosent. les salaires qui augmentent. Pour encourager les gens à travailler dans la restauration, après le Covid, on a augmenté le SMIC hôtelier, le hôtelier-restauration, davantage que le SMIC classique. Donc nous, on a un SMIC supérieur. C'est pour attirer les gens. Moi, je pense que pour attirer les gens, il faut juste faire des horaires corrects, être bienveillant. Et par contre, qu'ils commencent au SMIC et que ça augmente après, ça va. Si ça fait vivre les entreprises, c'est peut-être bien. Oui,
- Speaker #1
complètement. D'avoir tous les fossiles qui sont pris en compte.
- Speaker #0
Oui, passer en quatre jours ne m'a pas empêché de les augmenter. Parce qu'ils ont tous leur vie qui augmente et il n'y a pas le choix. Donc, si ça m'a appris deux choses, c'est en fait... La génération derrière moi est courageuse.
- Speaker #1
Oui, ce n'est pas forcément optimal.
- Speaker #0
Mais moi-même, parfois, je disais le contraire. Donc, j'y ai particulièrement pensé avec ta question. Je suis bien obligé de le dire. Ça me fait mal. Je plaisante. Et la deuxième chose, c'est qu'est-ce que ce secteur va devenir ? Parce qu'une telle dégradation en sept ans... Euh... Euh... Moi, ce n'est pas comment j'étais il y a 7 ans et comment je suis aujourd'hui qui m'inquiète, c'est la pente. Ça veut dire que dans 7 ans, il n'y en a plus. Donc, inquiet.
- Speaker #1
Sur les perspectives et sur l'évolution.
- Speaker #0
Donc, ça m'a appris un truc bizarre. Ça m'a appris que c'était possible, puis non.
- Speaker #1
Oui, que tout n'était pas aussi...
- Speaker #0
Possible, puis beaucoup moins.
- Speaker #1
Il y a beaucoup plus de contraintes en fait.
- Speaker #0
Je me suis lancé en 2018 et autour de moi, il y a des confrères qui disaient « t'as raté les bonnes années, c'est fini » . Et moi, ça a bien marché. Et là, aujourd'hui, c'est peut-être rassurant, ça veut dire qu'on dit ça tout le temps, mais sept ans après, j'ai un ancien second qui ouvre son restaurant et je suis très fier de lui, l'année dernière qu'il a ouvert. mais je lui ai dit bon courage parce que c'est avec les prix d'énergie actuelle et tout ça donc Peut-être que ça s'arrangera. Je pense que les gens auront toujours envie.
- Speaker #1
Oui. Après, effectivement, il y a une conjoncture actuelle qui est à la fois mondiale, nationale, peut-être qui n'aide pas, je ne sais pas.
- Speaker #0
Mais j'ai l'impression que depuis...
- Speaker #1
Covid.
- Speaker #0
Depuis le Covid, on n'en est jamais sortis, en fait.
- Speaker #1
Oui, c'est un peu... Presque qu'on creuse notre...
- Speaker #0
Il n'y a pas un moment où il y a un peu de légèreté ?
- Speaker #1
Tout va bien, entre guillemets.
- Speaker #0
Oui, voilà. Bon, on verra. On va retenir que les jeunes sont courageux.
- Speaker #1
Pour revenir justement à une note peut-être un peu plus positive, quel est ton moment préféré dans la journée au restaurant ?
- Speaker #0
J'en ai deux. Le premier, c'est quand c'est une journée que je passe dans la cuisine. Parce que mes journées ne sont pas toujours au même endroit. Une journée que je passe dans la cuisine, en général, on commence à 9h, on se met en route, on réceptionne. Et entre 9h30 et 10h, on prend le temps de mettre une petite enceinte et on met de la musique.
- Speaker #1
Sympa.
- Speaker #0
Ça, c'est un bon moment. Et spécifiquement quand j'ai le droit de choisir la musique. Forcément, ça tourne. C'est encore un meilleur moment quand c'est moi.
- Speaker #1
Gardez le contrôle de la vue, c'est comme un voiture.
- Speaker #0
Le deuxième, c'est quand un gros service du soir, tous les plats principaux sont sortis. Et donc, tous les plats principaux sont sortis et il ne reste que les desserts. Et en général, c'est là où le chef qui n'aime pas trop faire les desserts s'en va. Et c'est un service qui a duré longtemps parce qu'il y avait deux services. Il y a des gens qui sont arrivés à 20h30, 22h. Donc il est minuit, minuit et demi. Les gens qui restent, il y a de l'ambiance. Et là, on s'arrête devant la salle et on regarde les gens profiter.
- Speaker #1
Prendre un peu de hauteur sur tout ce qui se passe.
- Speaker #0
Il se passe encore des choses parce qu'il y a la moitié de la salle qui n'a pas encore eu ses desserts. Mais c'est suffisamment calme en cuisine pour pouvoir sortir. Et ce n'est pas encore le moment d'aller voir tous les clients. Ils sont encore en train de manger. Donc, c'est le moment où il y a un petit flottement là. C'est peut-être le moment pour moi.
- Speaker #1
Et de se dire, les gens passent un bon moment.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
C'est chouette.
- Speaker #0
Oui. Voilà, le moment pour moi avant que ça repasse pour eux.
- Speaker #1
Et peut-être une dernière question. Si tu devais recommander justement... Des restaurants ?
- Speaker #0
Alors j'en aurais un en premier, désolé, il n'est pas à Paris. C'est Paou, à Arles. C'est mon ancien second qui a ouvert l'année dernière.
- Speaker #1
Trop chouette.
- Speaker #0
Et c'est sur une petite place, sous les arbres. C'est magnifique, il faut y aller.
- Speaker #1
Trop bien.
- Speaker #0
Je vais lui faire un bisou de ma part.
- Speaker #1
Un petit week-end à Arles.
- Speaker #0
Exactement. Et à Paris, ce serait Prével, rive gauche. Je fais une entorse à la rive droite.
- Speaker #1
Pas simple.
- Speaker #0
Voilà. Mais il m'arrive d'y aller et c'est très créatif, mais sans être pompeux. Il y a de la gourmandise.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
C'est ce qu'on aime.
- Speaker #1
Clairement. Merci beaucoup, Rémi.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Je ne peux que te recommander de courir découvrir la cuisine de Rémi chez Lazu, 47 rue Marguerite de Rochechouart et au comptoir Lazu, juste en face, au numéro 36. Tu auras l'occasion de rencontrer ces équipes qui sont géniales. et qui sauront t'accueillir comme à la maison. J'espère que tu as passé un bon moment et que tu as apprécié cet échange. Pour découvrir les coulisses du podcast et rester informé des prochains épisodes, tu peux suivre afedou.podcast sur Instagram. En attendant, je te souhaite de bons petits plats mijotés, beaucoup de douceur et te dis à très bientôt pour une nouvelle rencontre. Toujours Afedou.