- Speaker #0
J'ai découvert le mouvement Nowax, dont j'ignorais l'existence, dans des livres écrits par des historiennes de l'art. Et je me suis dit, c'est super intéressant, ce sera ma façon, en incarnant ce mouvement Nowax dans un personnage, ce sera ma façon d'aborder la question de l'appropriation culturelle, mais sous un autre angle. Parce que je me suis clairement questionnée sur, est-ce que je vais parler d'appropriation culturelle, et comment ? Est-ce que je suis capable, moi, d'apporter quelque chose de pertinent à ce débat à propos duquel j'ai l'impression que tout a déjà été dit ? Est-ce qu'il n'y a pas un risque là d'apporter du bruit au bruit, d'alimenter potentiellement les polémiques en fait ? Et ça, je ne voulais vraiment pas. Ça, c'est un truc que je ne supporte pas. Je ne veux pas alimenter les polémiques. Moi, je veux nourrir le débat. Je veux potentiellement... nourrir les lecteurs et lectrices qui, après, peut-être, dans le meilleur des cas, pourront porter un regard peut-être un peu plus éclairé sur les questions et se positionner.
- Speaker #1
Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec moi à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain. Je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité, souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai hésité à ma première Fashion Week en Afrique.
- Speaker #2
Et depuis,
- Speaker #1
je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine. Aujourd'hui, je suis en compagnie de Justine So, l'autrice de la bande dessinée Wax Paradox. Justine est journaliste à la télévision belge et diplômée de l'école Saint-Luc de Bruxelles en bande dessinée. Wax Paradox est son premier album publié en tant que scénariste et dessinatrice. Son album a été présenté lors du lancement de l'exposition Wax au Musée de l'Homme à Paris. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son parcours, de sa BD et de sa vision du wax. Bienvenue Justine, comment vas-tu ?
- Speaker #0
Merci. Merci, bonjour Amata, ça va très bien, merci pour l'invitation.
- Speaker #2
Écoute, c'est moi qui te remercie de l'avoir accepté. On s'est rencontré au Musée de l'Homme lors de l'avant-première de la présentation de l'exposition Wax. Et du coup, on se retrouve aujourd'hui pour pouvoir discuter du cas des Wax Paradox. Donc on va commencer cette interview comme je le fais toujours, je vais te demander de te présenter.
- Speaker #0
Moi, je m'appelle Justine Saut. Je suis née à Bruxelles, où j'ai grandi. Mon père vient de Guinée-Conakry. Il est né dans les montagnes du Fouta, des Peules. Et ma maman était belge, donc je suis issue de ce métissage. J'utilise le terme métissage parce qu'il n'y a pas encore, je trouve, d'autres mots qui peuvent décrire mieux ce qu'on vit. Même si le métissage, il peut être culturel, il peut être social, il peut être économique, il peut être de plein de genres différents. Et donc moi, ma famille, elle est comme ça, elle est considérée comme mixte. Et moi, je n'ai jamais vécu en Afrique. Je suis allée seulement trois fois dans le cadre de vacances. Donc la Guinée, c'est un pays que je connais peu. Et ayant évolué et grandi à Bruxelles, c'est ici que j'ai fait mes études. Donc je suis diplômée de journalisme en 2008. J'ai commencé à travailler en tant que journaliste directement. Donc ça fait 15 ans que je suis journaliste maintenant. Et j'ai aussi un diplôme en migration, relations interculturelles et diversité ethnique que j'ai fait à l'Université libre de Bruxelles, en collaboration avec l'Université de Liège, en Wallonie, en Belgique, parce que c'est des questions qui m'intéressent beaucoup et que j'avais envie de creuser. Donc, j'ai fait ça en 2016. Et puis, après, encore sur le tard, j'ai eu envie de... De revenir au dessin, de découvrir ce que c'était que de créer une œuvre d'art. J'ai entrepris des études en bande dessinée à Saint-Luc, qui est une école d'art assez réputée ici à Bruxelles. On a de la chance de l'avoir. Je ne savais pas qu'on pouvait apprendre à faire de la bande dessinée dans une école. Et quand j'ai découvert ça, je me suis inscrite, donc je suis passée à mi-temps. pour avoir plus de temps, pour pouvoir suivre les cours en cours du jour, et pas en cours du soir. C'était quelque chose d'assez intéressant, parce que je me suis retrouvée avec des jeunes de 18 ans qui commençaient leur cursus en école supérieure. Et moi, j'arrivais au milieu de tous ces jeunes pour apprendre à dessiner, pour apprendre à scénariser, pour apprendre à raconter des histoires en cours de dessiné. Ok,
- Speaker #2
super intéressant. Ce que j'aime bien dans ce que tu expliques là, c'est que tu retournais à l'école en fait. Après avoir eu ton premier diplôme de journaliste, tu as travaillé, et puis à un moment donné, tu reprends des études.
- Speaker #0
Comment ça s'est fait ce cheminement-là ?
- Speaker #2
J'ai dit retourner à l'école.
- Speaker #0
Ça a été très long. J'identifie deux ou trois périodes de ma vie qui ont... qui ont vraiment joué, et notamment mon mariage. Je me suis mariée en 2017, ici à Bruxelles, avec mon mari. Mon mari est artiste peintre. Dans leur discours de mariage, je fais vraiment une petite parenthèse perso, mais c'est vrai que ça explique comment j'en suis arrivée là. Et dans leur discours de mariage, mon père et ma sœur ont tous les deux répété que ça ne les étonnait pas, que j'épouse un artiste, et rappelle-toi, tu dessinais tout le temps, quand tu étais petite, souviens-toi, tu faisais ça du matin au soir. Et puis ma sœur a beaucoup parlé de la présence de l'art visuel à la maison, ou d'instruments de musique qui traînaient un peu à gauche, à droite. Mon père, il ne fait pas de musique, mais il nous a par exemple... beaucoup parlé de l'importance de la flûte traversière chez les Peules. Et du côté de ma mère, j'avais une grand-mère qui dessinait, qui faisait de la sculpture, qui faisait de la peinture, qui faisait du piano, qui m'a appris tout ça. J'ai eu beaucoup de chance à ce niveau-là. Et donc, l'art était quand même présent un peu comme un terrain de jeu, en fait, pour ma sœur et moi. On jouait avec les vinyles de nos parents qu'on mettait sur le tournevisque, on regardait les pochettes, on s'amusait avec tout ça. Et tout d'un coup, en fait, ça m'a rappelé que ça a toujours été très important pour moi. Et je ne sais pas très bien pourquoi j'ai arrêté de dessiner à un moment. J'étais ado, je passais à autre chose. Je me suis éloignée de tout ça. Et là, je ne sais pas très bien expliquer pourquoi ni comment, mais en tout cas, c'est devenu une obsession à partir de ce moment-là. Je me suis dit, il faut absolument que je me reconnecte au dessin, à qui j'étais quand j'étais enfant, à ce qui me faisait vibrer quand j'étais plus petite. Et donc, à partir de ce moment-là, j'ai cherché des cours du soir en dessin, en modèle vivant. Donc, je n'avais jamais fait ça de ma vie. Donc, le modèle vivant, c'est vous entrez dans une classe et il y a une personne qui retire ses vêtements et qui pose pour vous. Donc, c'est quand même pas rien comme exercice quand on n'a jamais fait ça. Moi, je ne me suis jamais retrouvée dans cette situation-là avant de reprendre des cours. J'étais très impressionnée et j'ai pris des cours de modèle vivant pour apprendre à dessiner le corps humain. Et ensuite, il y a d'autres exercices qui vous apprennent à dessiner la perspective, les immeubles, les choses en mouvement, qui nous apprennent à voir le monde différemment. Donc, apprendre le dessin, ou en tout cas réapprendre le dessin à 35 ans, ça a été un bouleversement dans ma vie parce que vous voyez la réalité différemment en termes de masse, en termes de couleurs, de valeurs, de teintes. Vous comprenez le rythme, le mouvement dans les choses. Vous comprenez pourquoi un paysage vous semble beau. Alors qu'avant, vous regardez, vous dites « oui, c'est beau » , mais quand vous avez cet enseignement artistique, vous comprenez ce qui crée en fait cette sensation de beauté. Et ça, je trouve très précieux d'avoir cette chance de voir la réalité qui est sous nos yeux d'une autre façon. Et puis, j'en voulais plus, je dessinais tout le temps, tout le temps, tout le temps. Il y a eu une période où je n'ai même plus vu mes amis parce que je restais chez moi à dessiner, dessiner, dessiner parce que ça me procurait vraiment une sensation très agréable parce que... On est un peu dans une forme de méditation aussi quand on dessine. Et donc, puisque j'adorais le dessin, que j'ai toujours adoré le cinéma, que j'adore la narration, que j'adore le scénario, quand je regarde un film, je m'amuse toujours à analyser un petit peu, à me dire « Ah, mais pourquoi ils ont fait faire cette action-là à ce personnage ? Est-ce qu'ils auraient pas pu mieux faire, de présenter des choses autrement ? Ou alors je vais être attentive à la façon dont on présente un personnage féminin ? » dont on le met en scène, est-ce que c'est pas stéréotypé ? Et ce personnage afro-descendant, pourquoi on lui fait faire ça ? Quel rôle il a dans l'histoire ? Je me suis dit, si je fais le résumé de tout ça, le dessin, le scénario, la narration, la mise en scène, et le fait de vouloir raconter des histoires, le rêve enfui de devenir autrice, je me suis dit, c'est la BD qui rassemble tout ça. Et c'est comme ça que je me suis renseignée, que j'ai découvert qu'on pouvait apprendre à faire de la bande dessinée dans une école et que donc j'ai entrepris à 35 ans de retourner sur les bancs de l'école. Donc il a fallu calculer un budget, passer à mi-temps, s'assurer qu'on ait suffisamment d'argent pour payer les frais scolaires, pour subir une baisse de salaire, de revenu. Donc c'est bien bien organisé avec mon mari et si je n'avais pas eu son soutien, je pense que je ne serais pas arrivée. parce que je suis devenue maman aussi entre temps avec tout ça. Donc, ça a été de l'organisation, vraiment. Mais je ne regrette rien. Je suis très, très contente, même s'il y a eu des moments difficiles, faire un master quand on est en train de travailler, qu'on va bientôt coucher. Il y a eu des moments plus difficiles, effectivement, mais je me suis accrochée. Et il n'y a pas que ça, il n'y a pas que la volonté personnelle, il y a aussi un contexte favorable qui est autour, c'est-à-dire une famille aimante, soutenante, qui a été là pour moi.
- Speaker #2
Super intéressant et super inspirant comme parcours. Vraiment, ce côté détermination et comment on t'explique, en fait, comment est-ce que tu en es venue à réaliser... à tous les lieux, à réaliser.
- Speaker #0
Je pense que c'est un rêve d'étudiant,
- Speaker #2
mais en tout cas, aller au bout de cette forme d'intuition et de cette passion que tu as pour le dessin et de le concrétiser comme ça avec ses études. Et du coup, dans ton parcours, ce qui va être intéressant, c'est que là, du coup, on va évoquer la BDWAC, c'est-à-dire que très peu de temps après ton diplôme, à partir du moment où est-ce que tu commences à envisager des échanges l'écriture en fait, ou la réalisation d'une BD, et comment t'en es venue dans la web ?
- Speaker #0
Alors, là il y a différentes personnes qui sont intervenues. Donc il faut savoir que moi je suis très contente d'avoir fait ces 5 ans d'études. A l'origine les gens me disaient « non mais t'as pas besoin, toi t'es journaliste, tu sais raconter des histoires etc. » Et moi en tout cas je ressentais le... J'estimais qu'il était indispensable que j'apprenne ça, qu'on me l'enseigne. Je voulais que quelqu'un me transmette les choses et je pense que j'ai bien fait. Parce que la narration, le scénario et tout ça, c'est des choses qui s'apprennent. Et donc, moi, quand j'ai repris ces études, d'abord, tu sais, tu as des petits exercices à faire. On commence par devoir faire une BD de quatre planches. Et ça semble rien comme ça, mais quand t'as jamais fait ça de ta vie, rien qu'une planche, c'est super compliqué à faire. Ça prend des jours et des jours, inventer des histoires, faire un découpage cohérent, et puis le dessin, etc. Et donc j'ai fait petit à petit des exercices, et je les ai tous faits jusqu'au bout. Et c'est ça que je regrette vraiment pas, parce que je les fais sérieusement. J'ai auto-édité mes petites bandes dessinées, donc une fois que je les avais faites, je les imprimais correctement, je les agrafais, ça faisait comme un petit livret à chaque fois. Et chaque année, elle faisait plus de pages, jusqu'à ce que je parvienne à faire une BD de 36 ou 40 pages, je ne sais plus, plus ou moins une quarantaine de pages. Et quand je suis arrivée en fin de Master 1, donc il ne me reste plus qu'un an, il ne me reste plus que le Master 2, j'ai une de mes profs de scénario qui s'appelle Lou Weefang, qui est scénariste de bande dessinée, qui me dit « Écoute, j'ai parlé de toi à un éditeur, il va prendre contact avec toi, je vous mets juste en contact, je n'ai pas d'autre rôle là-dedans. » Donc maintenant, si tu me l'autorises, je donne tes coordonnées. Et puis, vous faites un bout de chemin ensemble si vous le souhaitez. Son rôle s'arrêtait là. Et donc, en fait, on a été mis en contact comme ça. Donc c'est elle qui, dans une grande générosité, et je la remercie encore, a créé le contact. Et c'est à ce moment-là que j'apprends que le musée de l'Homme à Paris... veut organiser une exposition sur le wax dans le cadre de leur grande exposition sur les migrations, qu'ils ont l'idée non pas de proposer un livre d'exposition comme habituellement, mais de proposer une bande dessinée à leur public, en collaboration avec Bayard Graphique, parce qu'il y a des contacts qui préexistaient entre Bayard et le Musée de l'Homme. Et donc Bayard est à la recherche d'une personne avec qui collaborer pour créer cette bande dessinée. Et donc, quand Louis Fang a parlé de moi à Bayard, Bayard m'a contactée. On a fait des zooms, on s'est rencontrés. J'ai envoyé mes petites bandes dessinées que j'avais faites soigneusement et sérieusement dans le cadre de mes études. Et c'est ça qui a tout fait, parce qu'ils ont adoré. Ils ont fait « Ok, on aime ton style, on aime ton univers, on aime la nuance que tu mets dans tes bandes dessinées. On part avec toi sur un projet de BD. » Et c'est comme ça qu'en fait, tout a commencé. Et à l'origine, il m'avait dit, tu sais, il y a cette super expo sur le wax en février. C'est vraiment dommage, on n'aura pas le temps. Le délai est trop court. Et c'est vrai que le délai était vraiment court. Une bande dessinée, normalement, c'est au moins deux ans. Donc, il y a un an qui sert à faire des recherches, le scénario, le découpage. Le découpage, c'est vraiment les dessins en brouillon. Comment on va découper l'histoire ? Comment on va la raconter ? Et puis après, encore un an pour finaliser tous les dessins, mettre les couleurs, faire les corrections, le texte, etc. Et souvent, on rajoute quelques mois parce qu'on n'est pas prêt. Et là, cette bande dessinée, on l'a faite en 15 mois. Pourquoi ? Parce qu'il y avait cette date fixe qui ne bougeait pas, qui était le vernissage de l'Expo Wax à Paris. Il fallait que cette bande dessinée soit prête, parce que d'une part, certaines planches étaient exposées dans l'exposition. Mais en plus, il fallait que la BD soit disponible pour le public qui allait se rendre au musée et qui peut-être allait vouloir en savoir plus sur le wax ou en savoir différemment, puisque cette BD, elle ne fait pas doublon avec l'expo. Ce n'est pas l'expo sur le wax que vous retrouvez dans la bande dessinée. Le musée n'est pas intervenu dans la confection de la BD. Le musée nous a fait totale confiance, ce qui est très étonnant. Et moi, je me sens vraiment très honorée de ça. La bande dessinée, c'est quoi ? C'est une série de problématiques que j'ai listées en me documentant beaucoup sur le wax, dans des livres, mais aussi en procédant à des interviews, que j'ai incarnées dans des personnages sensibles, attachants, pour qu'on puisse en apprendre sur le wax, mais sans que ce soit trop explicatif, sans avoir l'impression que quelqu'un est en train de nous expliquer quelque chose. Et donc, on apprend des choses sur le wax en étant initié à ce tissu, en même temps que le personnage principal qui n'y connaît pas. pas grand-chose et qui doit apprendre et qui doit explorer ce tissu. Ça, c'était vraiment le point de vue que je voulais adopter. C'était celui-là, celui d'un personnage métissé comme moi, dont on a l'impression que peut-être elle s'y connaît sur le wax, parce qu'on imagine qu'elle est proche de ses racines africaines et en fait, ce n'est pas le cas. Et ça crée un malaise chez elle et on va comprendre au fil des pages pourquoi. Voilà, j'ai un peu parlé d'autre chose, je me suis éloignée de ta question.
- Speaker #2
Non, non, mais c'est parfait. En tout cas, on a compris le point. C'est super intéressant. Moi, j'aime bien qu'on prenne le temps de raconter comment l'histoire se crée, quels sont les points de départ. Et là, c'est intéressant de voir comment cette opportunité est venue par une discussion de tes professeurs qui a amené quelque chose, qui a pris une vie. Toi, les premières BD que tu avais faites étant étudiante, ce n'était pas lié au sujet du wax. C'est vraiment ce que tu as pris par rapport à une commande de... Et c'est un sujet, du coup, qui, toi, te paraît, dès le départ, avec lequel tu étais confort, c'était quelque chose qui a nécessité pour toi un temps d'appréhension, peut-être, ou de réflexion, avant de te dire « Ok, let's go, j'y vais » .
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Déjà, il y a cette question perpétuelle, j'ai l'impression, de légitimité qui revient régulièrement dans ma vie ou dans mon travail. je vais me demander, tiens, mais est-ce que je suis légitime, moi, à m'emparer de ce sujet, en tant que personne métissée ? Ça, c'est une question qui revient souvent. Et la solution, quand on ne se sent pas légitime, c'est de voir s'il est possible que l'on s'imprègne des choses suffisamment longtemps et de manière suffisamment authentique pour pouvoir produire une œuvre sensible, qui va toucher les gens et qui va... pas être à côté de la plaque. Et l'autre solution aussi que j'ai trouvée, en fait, pour régler ce petit problème de légitimité, puisque moi, je m'y connaissais à ce moment-là très très peu, en wax, c'était d'assumer le point de vue qui est le mien. Donc, de mettre en scène un personnage métissé qui est très ignorante sur la question et qui va devoir aller au-delà de ça. et qui va en fait proposer au lecteur, si tu veux, un moment où l'exploration du tissu se mue en exploration d'elle-même et en quête identitaire. Et donc moi j'ai proposé à l'éditeur de croiser ces deux thématiques, c'est-à-dire la complexité culturelle du wax. avec cet apport des colons hollandais, avec cette technique indonésienne dont on s'est emparé sans demander l'autorisation. Et puis on arrive à un produit finalement qu'on... propose à une clientèle africaine et puis les africaines vont investir ce produit de toute leur culture, elles vont suggérer des couleurs, des motifs et elles vont réellement participer à l'essor et au succès du wax. Je trouve qu'il y a déjà là une très très belle complexité quand même et déjà de belles contradictions. Et je me suis dit mais ça, ça fait quand même écho aux contradictions qu'on peut aussi ressentir ou vivre en étant une personne métissée. Et donc, j'ai décidé de croiser ces deux thématiques-là. Mais c'est vrai que si je n'avais pas fait ces petits exercices à l'école, disons, je ne m'en serais jamais sentie capable. Qui peut se lever un matin et dire, « Ouais, mais moi, je vais faire une bourse dessinée. Ah oui, mais moi, je vais faire une œuvre d'art. Ah oui, mais moi, je vais être journaliste. » Je pense que c'est en faisant qu'on... En tout cas, dans mon cas, c'est ça. C'est en faisant que je découvre que je suis capable de faire. Et donc... Comment je suis devenue journaliste ? Déjà à la base, c'est aussi un petit peu par un concours de circonstances. C'est pour ça qu'il n'y a pas que le travail. Ce n'est pas du tout une question de mérite. Ce n'est pas qu'une question de volonté. Pas du tout. C'est aussi une question de rencontre, de chance et d'environnement favorable. Moi, je n'étais pas encore diplômée. J'allais l'être que j'ai reçu un coup de fils d'un gars qui était dans ma classe. de journalisme et qui m'a dit « Ah, excuse-moi, je fais quelques piges. » Donc, les piges, ce sont des petites journées de travail qu'on fait dans la presse. « Ah, je fais quelques piges dans telle rédaction. » On cherche quelqu'un. J'ai appelé quelqu'un avant toi, la personne n'a pas décroché son téléphone, t'étais la prochaine dans la liste, est-ce que ça t'intéresse ? C'est comme ça que j'ai commencé à faire ce qu'on appelle des piges dans une rédaction. Et encore une fois, je l'ai fait sérieusement en me disant que... De toute façon, ça, c'est ma façon d'être. C'est-à-dire que le travail doit être bien fait. J'ai été caissière quand j'étais étudiante. Je faisais correctement mon travail. Je veux que les choses soient bien faites, que ça soit bien fait, que les gens qui viennent soient contents. Et donc, j'ai travaillé sérieusement et ça a plu. Et donc, c'est comme ça que j'ai eu plus de journées de travail. Et puis finalement, je suis devenue journaliste avec un contrat à la clé. Donc il y a déjà toujours ce concours de circonstances en début de carrière. Et puis ici, cette prof, mon nom qui sort, c'est aussi une chance. Et si mon nom est sorti, c'est parce qu'évidemment, elle connaissait bien mon travail et qu'elle a vu qu'elle pouvait se porter garante de moi parce que je faisais les choses sérieusement. Mais encore une fois, si elle n'avait pas pensé à moi à ce moment-là, si elle avait pensé à quelqu'un d'autre, on ne serait pas en train de discuter de cette bande dessinée, vous et moi, aujourd'hui.
- Speaker #2
Très bien. En tout cas, il y a, comment dire, un travail de la détermination, et puis après, il y a des opportunités qu'on saisit et qui fonctionnent pas, mais en tout cas, il y a au préalable un travail qui a été fait, qui a permis que ce soit possible.
- Speaker #0
Oui, et si je n'avais pas fait ces exercices, si je n'avais pas été journaliste avant, peut-être que je ne me serais jamais sentie capable, parce que... Je suppose qu'il y a des gens qui ont vraiment beaucoup d'estime d'eux-mêmes et qui se considèrent capables de tout faire. Moi, ce n'est pas mon cas. J'ai vraiment besoin de collaborer et d'être dans le fait pour avoir après le résultat sous mes yeux et me dire « Ok, j'étais capable, j'ai beaucoup douté, mais finalement, ça s'est fait. » Et puis, il y a la question du plaisir aussi. Pour moi, c'est... Ça a été un très très très grand plaisir de faire cette bande dessinée. D'abord de chercher les infos, d'en apprendre énormément, de chercher les intervenants, d'avoir la chance de rencontrer des personnes très qualifiées, des historiennes de l'art. Je pense à une historienne de l'art belge, Anne-Marie Bloutiot, qui a écrit un super bouquin sur le wax, qui a répondu vraiment aussi très généreusement à mes questions. Des afrodescendants qui portent du wax, qui n'en portent pas, qui vivent en Occident, qui vivent... en Afrique, ou les deux, qui partagent leur vie entre les deux, qui me parlent de leur relation au wax. C'est une chance aussi de pouvoir réceptionner, de pouvoir les écouter. On vous raconte du vécu, on vous parle d'émotions, on vous parle d'histoires familiales, c'est une grande chance aussi. Donc toute cette partie-là était vraiment très agréable, et puis comment je vais incarner les problématiques dans des personnages, ça aussi j'ai trouvé ça passionnant. Après, il y a la partie plus fastidieuse, en tout cas pour moi, qui est la partie dessin. Là, c'est des heures tout seul devant sa tablette graphique, parce que moi, j'ai fait cette BDA à la tablette graphique, à dessiner, dessiner, dessiner, dessiner, puis se rendre compte qu'en fait, ça fait sept heures qu'on dessine et qu'il faut faire une pause. Donc, c'était aussi une organisation personnelle. Trouver des espaces de coworking pour pouvoir travailler le soir, parce qu'avec un enfant en bas âge, ce n'est pas possible de travailler à la maison. On se rappelle tous très bien ce que les employeurs ont demandé de faire aux parents qui avaient des enfants en bas âge durant le Covid, de travailler en présence de leurs enfants en bas âge. Je veux dire, pour moi, ce n'est pas possible. Donc, il faut trouver d'autres... d'autres lieux pour pouvoir travailler, s'organiser, qui va garder l'enfant, jusqu'à quelle heure. On n'a plus le temps parfois de gérer les aspects très banals du quotidien, faire les courses, le nettoyage. Donc j'ai eu énormément de chance d'avoir un partenaire sur qui compter. Mon mari a été très présent pour tout ça.
- Speaker #2
Très bien. Donc il y a vraiment ce côté support système, organisation qui a été... très important dans la réalisation de cette BD. Et puis après, il y a en termes de compétences, ce que j'entends, parce que... Alors moi, je ne connais pas bien l'univers de la BD, mais moi, j'avais l'impression qu'il y avait quelqu'un qui décidait à quel point je suivais, et que c'était parfois la même personne, mais que ce n'était pas toujours le cas. Il y avait vraiment une distanciation, et toi, avec ton parcours, il y a vraiment ce que tu fais les temps. qui fait tout le scénario, qui fait tout un travail comme si on recherche au préalable pour pouvoir raconter une histoire. Et c'est ma première bédé, finalement.
- Speaker #0
Oui, c'est ma première bédé publiée chez un éditeur. Et effectivement, c'est souvent comme ça. Il y a souvent un dessinateur ou une dessinatrice et un ou une scénariste. Mais pas toujours. Parfois, il y a une seule personne qui fait tout. Et en fait, petite parenthèse à propos de Saint-Luc, le projet pédagogique de Saint-Luc s'articule autour de cette notion d'auteur complet. Ce qu'on va faire à Saint-Luc, c'est vous former à tout, au dessin, au scénario, et puis après, vous choisissez ce que vous faites. En tout cas, quand vous sortez du master, vous êtes capable de faire des oeufs. Ce qui est évidemment génial, parce qu'on est autonome. Là, je peux m'asseoir sur le coin d'une table et imaginer ma prochaine BD, commencer mes dessins, commencer mon scénario, mon décor. on ne dépend pas de quelqu'un d'autre.
- Speaker #2
Très bien. Du coup, cette BD, en fait, moi je l'ai connue à l'heure du Musée de l'Homme, il me semble qu'elle a été présentée avant au Festival d'Angoulême. Du coup, tu peux un petit peu expliquer qu'elles ont été les étapes, en fait, une fois que, effectivement, que ce soit avec la maison d'édition ou avec le Musée de l'Homme, vous m'étiez d'accord et que tu commences à travailler. participation au Festival Langoulême, comment ça se passe ensemble ?
- Speaker #0
Alors, tout ça est décidé par l'éditeur. Donc, c'est l'éditeur qui va choisir quel BD il va mettre en avant, à quel moment, à quel festival, parce que le travail d'un éditeur, c'est évidemment d'accompagner l'auteur, l'autrice dans son travail, mais il y a aussi toute une question de marketing, toute une question commerciale qui, nous, nous échappe en tant qu'auteurs et autrices totalement. On n'est pas du tout dans ces discussions-là. Et donc à un moment donné, ils m'ont annoncé qu'ils voulaient faire de Wax Paradox leur BD événement à Angoulême, c'est-à-dire qu'on va la mettre un peu plus en avant que les autres, avec notamment un grand panneau. C'est la couverture de la BD, mais qui est imprimée sur un grand panneau lumineux, devant les tables de dédicaces, et comme ça, ça attire le regard, etc. Au début, quand ils m'ont annoncé ça, je me suis dit « ils sont complètement fous, il n'y a personne qui me connaît parce que dans le milieu, c'est ma première bande dessinée. » Et personne ne connaît la bande dessinée puisqu'elle n'est même pas encore en librairie. On la présente en avant-première au festival d'Angoulême. Et je pense qu'à un moment donné, c'est pour ça que je me dis que j'arrive vraiment en profane. Moi, je ne connais pas le milieu de l'édition. Et en fait, l'éditeur sait très bien ce qu'il fait. Il sent les choses. Il sait que le thème du wax, c'est un thème qui est très porteur. Les gens sont curieux. Ils ont envie d'en savoir plus, peu importe leur profil, que ce soit des personnes qui ont vécu en Afrique, qui ont du wax chez elles ou pas du tout, qui s'en tiennent éloignées, qui ne me connaissent pas. Il y a des personnes qui veulent s'intéresser à l'histoire. Il y a des personnes qui sont intéressées par le tissu, qui font de la couture. Il y a des personnes qui sont plus attirées. Je vous dis ça parce que c'est ce que les gens me disent quand ils viennent en dédicace, qu'ils sont plus attirés par exemple par la question identitaire. Ils ont lu ce qu'on appelle la quatrième de couverture. C'est quand on retourne la BD, qu'est-ce qui est écrit au dos de la BD ? ils voient un petit peu l'histoire, ils constatent, tiens, on parle d'un personnage métissé, tiens, on parle d'un personnage métissé qui mène une quête identitaire, pour qui c'est pas facile, etc. Ils se reconnaissent dedans, ils achètent la BD pour ça, ils ont envie d'en savoir plus à ce sujet-là. Il y a tout ce retour déjà qui était arrivé à ce moment-là et ils ont eu raison de mettre en avant la BD parce que le public d'Angoulême, c'est un public qui est très particulier. En fait, ce sont des gens qui sont très curieux. Il y a ce qu'on appelle les chasseurs de dédicaces, donc c'est des personnes qui vont courir et qui vont faire la file pendant quatre heures pour avoir une dédicace de telle ou telle star de la bande dessinée. Il y a aussi beaucoup de gens qui flânent, qui marchent dans les rayons, qui regardent... les tables de dédicaces, qui regardent les stands et puis qui sont attirés par la couleur, par un motif, par une couverture, et qui viennent vous parler comme ça et on papote et puis finalement ils demandent une dédicace et ils repartent avec votre BD sous le bras. Et donc l'éditeur je pense savait très bien ça, savait que le public d'Angoulême est un public curieux, et donc on a eu un super retour, très accueillant, on a eu des super ventes, donc ça c'était déjà un bel encouragement en tout cas pour la suite. Et puis cette collaboration avec le musée, bien évidemment que ça met en avant la bande dessinée aussi. Et donc il y a des invitations qui arrivent au compte-gouttes, il y a le bouche-à-oreille, il y a telle librairie qui veut mettre en avant votre BD, on organise une séance de dédicaces. Donc tout ça est géré avec une personne, en particulier chez Bayard, qui gère le lien avec les festivals littéraires, le lien avec les libraires, le lien avec... Même, je ne sais pas moi, par exemple, les écoles qui organisent un petit festival de bande dessinée. Il y a une personne qui gère tout ça, qui gère un agenda, qui après vous propose à l'auteur ou l'autrice une feuille de route, donc un récapitulatif de toutes les dates, avec tous les lieux, on réserve votre train, etc. Donc moi, je suis en train de découvrir ce que c'est que la vie d'autrice quand on a la chance, parce que pour moi, c'est une grande chance. de travailler avec une maison d'édition qui est importante, parce qu'en fait, Bayard, c'est une maison d'édition qui est spécialisée en jeunesse, qui a énormément d'expérience, et ils ont créé Bayard Graphique, qui est leur label long jeunesse, dans lequel on va retrouver des bandes dessinées plutôt sociales, qui parlent de faits de société, très très proches du réel, avec peu de fiction. Et si on utilise la fiction, comme c'est mon cas dans Wax Paradox, c'est toujours pour éclairer le réel. d'une façon ou d'une autre. Et donc, ça, c'est vraiment le job de l'éditeur. Il va chercher à mettre en avant la bande dessinée le plus possible parce que ça va très vite. Il y a énormément de nouveautés qui sortent chaque semaine. Et donc, l'occasion que vous avez de mettre en avant la BD et qu'elle soit vue par des potentiels lecteurs et lectrices qui puissent l'acheter et la lire, ça passe très vite. C'est... Je ne sais plus quels sont les chiffres, mais je veux dire, on a déjà rien qu'en France, il y a à peu près 5000 titres littéraires, je pense, qui sont publiés par an pour une des plus grandes maisons d'édition. Donc après, il y a toutes les autres. Il faut imaginer que les rayons sont inondés de nouveautés non-stop. Et donc, si vous ratez le coche, si vous arrivez trop tard, si vous ne faites pas bien votre promo, c'est factuel, les gens ne le verront pas. la bande dessinée, ils ne la liront pas et tout ce travail aboutira à la poubelle. Donc l'éditeur a une grande responsabilité à ce niveau-là et je dois dire que moi en tout cas je m'estime super bien suivie chez Bayard Graphique je les trouve adorables, ils sont juste super gentils ils sont très respectueux de mon travail la collaboration se passe super bien c'est ma première expérience et elle se passe super bien donc j'ai... Ça fait un peu Fayotte qui dit qu'elle est contente de son éditeur, mais honnêtement, je suis juste super contente.
- Speaker #1
Si tout s'est bien passé,
- Speaker #0
tu vas bien. Ben voilà, tant mieux. Déjà,
- Speaker #1
il faut le dire, en fait.
- Speaker #0
Ben oui, parce qu'on entend plein de gens qui se plaignent. Ils ont tellement raison de se plaindre. Il y a beaucoup de choses à dénoncer dans le milieu du travail. Il y a des choses qui sont pas correctes. Il y a des auteurs qui sont pas payés. Il y a des auteurs qui sont payés en retard. Il y a des personnes... à qui on laisse plus la liberté de travailler avec un autre éditeur, on leur fait comprendre que c'est un problème et tout ça. Donc moi, j'ai entendu plein, plein, plein d'histoires en ce sens. Donc c'est vrai qu'il faut pouvoir dire aussi quand ça se passe bien. Et de toute façon, ma prof, donc Louis Fang, ma prof de scénario, m'avait présenté Bayard comme étant un éditeur sérieux et elle ne m'aurait pas envoyée non plus n'importe où.
- Speaker #1
En tout cas, après, c'est vrai que c'est un peu la success story où tout s'est bien passé, quoi. où vraiment jusqu'à la sortie peut-être que la ménée soit sélectionnée pour être mise en avant c'est des choses que toi Comment dire ? Parce que le projet, ce que tu dis, c'est que tu n'avais pas encore fini tes études.
- Speaker #0
Oui, effectivement, je n'ai pas fini cette idée-là. Tu veux bien te revenir là-dessus. Donc, quand il y a ce projet qui arrive, qui me tombe un peu dessus, entre guillemets, je dois faire un choix. Et je me dis, cette opportunité-là, c'est une fois dans ma vie. Il faut que je la saisisse. Je n'aurai jamais une autre opportunité telle que celle-là qui va arriver. Et donc, qu'est-ce que je fais ? Je le fais, j'abandonne les études, j'ai organisé toute ma vie. pour avoir ce diplôme qui compte pour moi. Et avant la dernière année, je décide de ne pas le faire. Et si je ne le fais pas, je ne l'aurai jamais, parce que j'arrivais au bout de ce qu'on appelle le créditant. Donc c'est une possibilité en Belgique de vous absenter temporairement de votre lieu de travail pour pouvoir faire une autre activité. Donc par exemple, reprendre des études. À l'issue du créditant, votre temps plein reprend. Vous devez retourner travailler. et reprendre votre contrat de travail tel qu'il était au préalable. Et donc moi, j'arrivais au bout de ça. Donc, je n'avais plus la possibilité de m'absenter pour pouvoir assister aux cours, pour pouvoir terminer mes études. Et donc, j'ai décidé de faire d'une pierre deux coups, parce que c'est vraiment ce que nos profs veulent. Ils veulent une mise à l'emploi. S'ils forment des jeunes, et moi, j'avais déjà 35 ans quand j'ai repris le master, à la bande dessinée, c'est parce qu'ils veulent qu'après, ces personnes publient des bandes dessinées. Ils ne veulent pas que ça reste un peu comme ça, un hobby, un truc. En tout cas, ce serait dommage. Et donc, j'ai proposé que cette bande dessinée soit en fait mon travail d'atelier de mon master 2. C'est comme ça que j'ai réussi à faire d'une pierre deux coups. Et que là, je viens d'être diplômée, j'ai dû postposer de six mois parce qu'il fallait aussi faire un mémoire théorique et j'ai bossé sur un autre thème. Il fallait faire un stade, des rapports de stade et tout ça. Enfin, tout ce qu'on connaît quand on termine les études. Même si ça faisait 15 ans que j'étais déjà insérée dans le milieu professionnel, j'ai quand même dû faire un stade et un rapport de stade. Il faut se plier quand même aux exercices. Et donc, c'est comme ça que j'ai pu faire les deux. Mais c'est vrai qu'on parle, oui, on peut, je pense, parler de successory parce qu'il y a un concours de circonstances ultra favorable, mais il y a aussi derrière énormément de travail. Moi, je ne vais pas m'étendre là-dessus parce que, déjà, ce n'est pas la question, mais ça a été très, très, très, très, très dur de travailler jusqu'à 2h du matin, tout seul, dans un espace de coworking, de ne plus voir mon enfant pendant... qui a commencé à développer des problèmes de sommeil, qui commençait à se réveiller quatre fois par nuit. Donc en plus de travailler jusqu'à pas d'heure, de devoir être près de mon enfant qui sentait que j'étais moins là, qui je pense à un âge où on est parfois très fusionnel avec sa mère, en dessous de trois ans, c'est quand même... Quand on a un enfant qui a moins de trois ans, c'est difficile de s'absenter de chez soi, de faire ma journée de travail de 6h à 14h. pour pouvoir après aller en cours jusqu'à 18 heures, pour pouvoir encore après travailler sur ma bande dessinée dans un espace de coworking, pour rentrer chez moi tard, à peine voir mon mari et tout ça, ne plus voir vraiment ma famille, ne plus voir mes amis. Donc voilà, je ne vais pas m'étendre là-dessus, parce que je ne veux pas faire ma malheureuse. Évidemment que j'ai énormément de chance dans tout ça, mais c'est vrai que ça a été très, très, très difficile avec des moments de privation de sommeil. J'ai considéré que ça valait la peine. Je me suis dit, ça aura une fin. je sais que c'est temporaire, à un moment ce sera fini, la BD sera publiée, je vais pouvoir souffler, et c'est ça qui a fait que j'ai réussi à tenir. Vous voyez, ce qui est très difficile, c'est quand ce n'est pas temporaire, quand on doit jongler avec beaucoup de choses difficiles dans la vie et qu'on ne voit pas le bout. Ça c'est très difficile, je pense notamment, c'est l'exemple qui me vient là, mais aux mères célibataires qui doivent tout gérer toutes seules, qui ont des soucis d'argent. qui doivent s'occuper de leurs gosses, qui doivent les confier, pour pouvoir travailler, pour pouvoir amener des sous, qui doivent gérer toute l'éducation, etc. Je prends l'exemple des mères célibataires, mais évidemment, il y en a plein d'autres à donner. Mais celui-là, quand même, est très présent dans notre société. Il n'y a pas un moment où on se dit, OK, bon, après, je vais pouvoir souffler. Non, il faut tenir, c'est comme un marathon sur le long terme. Moi, ici, je savais qu'il allait y avoir une fin, où j'allais finir ces études. finir la bande dessinée et reprendre un rythme de vie un peu plus normal. Mais évidemment que ça a été énormément, énormément, énormément d'efforts et que c'est parce que j'ai fait ces petites BD sérieusement que j'ai pu les envoyer, qu'elles étaient qualitatives et que ça a plu parce que Bayard aurait pu me contacter. OK, ils sont contents, ils trouvent que... Ils sont entrés en contact avec une journaliste qui fait aussi de la BD. Le profil les intéresse puisqu'ils sont dans une ligne éditoriale très proche du réel. Et puis j'envoie mes BD et ça ne leur parle pas. le graphisme ne leur parle pas, ou alors ma narration ne leur parle pas, et puis ça s'arrête là. Ça aurait pu aussi se passer comme ça.
- Speaker #1
Après, je pense que c'est important que tu parles du contexte, parce que parfois, on n'a que la petite-chasse pour rire,
- Speaker #0
et après, on a l'impression que c'est facile,
- Speaker #1
en fait. Donc, c'est important aussi de mettre en avant la forme de sacrifice des difficultés rencontrées, sans forcément être dans une forme de victimisation, mais juste de dire l'idée de ce que ça représente comme investissement et comme travail, d'arriver à ce niveau-là de réussite. Merci, Pac. tout est gros et tout a été facile et fluide. Donc, c'est important aussi de le partager parce que parfois, on a trop souvent, sur les réseaux sociaux, on a une erreur, on a trop souvent la belle image. On voit que la fin des livres, en fait. Donc, on se dit, ça a l'air facile, en fait. Donc, je pense que c'est important que tu partages ces éléments-là. Toi, aujourd'hui, par rapport à cette BD, qu'est-ce que tu imagines pour la suite, en fait ?
- Speaker #0
Pour cette BD-là, tu veux dire, ou pour une autre ?
- Speaker #1
ou cette psychédé en tout cas, vu que c'est allé assez vite avec le festival d'Angoulême et aujourd'hui le musée de l'homme, c'est quoi le parcours ? Parce que là, j'ai envie de dire, ce n'est pas vraiment un parcours classique de BD.
- Speaker #0
Oui, oui, et la thématique aussi fait qu'on intéresse un public et potentiellement des événements en plus, c'est-à-dire que... Je vous donne un exemple, il y a une libraire à Angoulême qui vient de Martinique, qui est venue nous trouver en disant « moi j'ai un festival de BD, est-ce que vous accepteriez de venir ? » Je lui ai dit « mais madame, moi je signe maintenant, donnez-moi le papier, je vais le remplir tout de suite. Mon rêve d'aller en Martinique à votre festival de BD, malheureusement je n'ai plus une nouvelle de cette dame. Donc si elle nous écoute, madame, je suis toujours disponible pour venir vous rendre visite en Martinique, avec grand plaisir. » Et donc voilà, c'est le wax, c'est la thématique qui a fait que cette dame est venue nous parler. Si j'avais fait une BD sur autre chose, c'est un autre type de personne qui serait venue nous trouver. Donc moi j'espère en tout cas que cette BD, elle va potentiellement nous faire voyager, on ne sait pas peut-être. Et c'est vrai que là, le festival de la BD en Goulême, ça parle de BD, mais ici on a une date au Pop Roman Festival, ici le 8 mars. Il y a un aspect féministe aussi, parce que je suis une femme autrice, parce que le personnage principal qui est mis en scène est un personnage féminin, parce que je suis très sensible aux questions de female gaze, donc de la façon dont on va mettre en scène un personnage féminin, de ne pas le morceler, le découper, de ne pas le présenter comme un objet qui sert à l'histoire principale, qui sert à mettre en avant un personnage masculin principal, de... de présenter le personnage féminin comme un sujet pensant et agissant qui est moteur de l'histoire. Tout ça, c'était des questions très importantes pour moi. Donc, il y a aussi des interventions possibles grâce à cette BD en ce qui concerne ce Ausha de la narration, le féminisme. Et puis, après, moi, j'ai l'impression... Il y a peut-être des surprises qui vont arriver. On a quelques dates en France, ça c'est très sympa. On en a une au Luxembourg, il y a deux ou trois dates comme ça en Europe, en plus de celles qui sont en Belgique. Mais pourquoi pas aller plus loin, moi j'adorerais.
- Speaker #1
Très bien, donc le champ des possibles est ouvert pour l'exposition et la promotion de cette BD. Est-ce que tu peux parler un peu de la couverture et du format de la BD,
- Speaker #0
puisqu'il y a eu un travail d'effet aussi ?
- Speaker #1
pouvoir faire référence au wax, ça va être une expérience on va dire auditive pour les auditeurs, mais en tout cas, il y a un sujet là-dessus que j'aimerais bien que tu abordes.
- Speaker #0
Donc, la BD, c'est plus ou moins un format A4 avec une couverture cartonnée. Et la couverture, on voit les motifs d'un wax qui s'intitule Cosmic, qui est le motif que je préfère. dans tout ce que j'ai vu, que je voulais mettre sur la couverture. Je l'adore, je le trouve trop beau, les couleurs et tout ça. Et on a donc le personnage principal de Sophia qui semble sortir d'un lieu, pousser un peu un rideau comme ça et elle regarde sur le côté et je voulais ce regard-là, je voulais une forme de curiosité dans le personnage de Sophia. Donc... Sur cette couverture, le personnage principal de Sophia apparaît avec un regard un peu curieux. Et moi, je voulais ça, je voulais qu'on voit la curiosité. Parce que cette histoire-là, elle est d'abord un peu réfractaire, à l'idée de travailler sur le wax. On va comprendre au fil des pages pourquoi, ce que ça vient faire résonner, en tout cas chez elle. Et petit à petit, elle va laisser place à une forme de curiosité. Et c'est comme ça que cette exploration de tissus se met en exploration d'elle-même. Et donc, je voulais ce regard un peu curieux sur la couverture. On a créé un effet sur la couverture, sur le papier, pour rappeler la sensation du tissu. Donc quand on touche la couverture, c'est un effet qui est particulier, ce n'est pas tout à fait lisse, ça rappelle un peu le tissu. Et puis on a une grande bande sur le côté d'un rouge-orange un peu coquelicot, assez flash, avec le titre qui apparaît en très grand, d'une typo. assez bold, comme ça, assez grasse et en jaune un peu flash et on a fait plusieurs tests avec une bande couleur un peu plus sobre, on va dire, une sorte de taupe un peu gris, un peu brun et moi je voulais ce rouge-là et on a fait un test et ça a super bien fonctionné donc c'est comme ça qu'on l'a gardé et je pense qu'on a bien fait parce que Ce que m'ont dit les gens en Angoulême, c'est qu'on est venus parce qu'on a vu les couleurs, on a vu les motifs, on a envie de couleurs, on a envie de gaieté. Les temps en ce moment sont durs, ils sont tristes, ils sont stressants, ils sont anxiogènes, avec tout ce qui se passe dans le monde, avec tout ce qui se passe en politique, on a envie de couleurs, on a envie de gaieté visuelle, et on a envie de thématiques qui montrent que nos cultures, nos pays, nos histoires sont entrelacées, et que c'est très bien comme ça. et qu'on n'est pas chacun chez soi, et que c'est illusoire de considérer nos histoires de façon parallèle, de considérer qu'on va rester chacun chez soi, de considérer les choses en termes de nous et eux. Et ça, c'est quelque chose que j'ai fort senti chez les personnes qui sont intéressées par cette bande dessinée, c'est le soulagement aussi, la joie de lire des histoires qui montrent les choses différemment, qui montrent un entrelacement. pas toujours facile, mais en tout cas très fécond dans les histoires et plus proche en fait de la réalité. C'est plus proche de la réalité plutôt que de nous faire croire que, ouais, qu'on peut considérer les histoires de façon parallèle.
- Speaker #1
Très intéressant, tu nous dévoiles là un petit peu, on va dire, le parti pris, en tout cas la ligne directrice que tu prends avec la BD et ce que, comment on dirait, cette histoire du wax. Le wax, il fait souvent l'objet de... ... polémique en fait questionnement de la loi que c'est il africain ou pas et c'est vrai que moi dans des interviews que je peux faire avec un designer il y en a qui rejette en loi que c'est qu'ils refusent de l'utiliser dans leur collection c'est un tissu africain et que ce qu'ils veulent c'est mettre en avant des vrais ça ce qu'il considère comme étant de vrais savoir faire avec du tissu comme le boulon, le caneté ou autre. Et puis, il y en a d'autres, par contre, qui vont vraiment mettre le wax avant parce qu'ils adorent ce tissu, qu'ils ont toujours vu leur maman ou leur grand-mère et qu'ils portent à la mort. Et donc, ça leur paraît complètement naturel et normal de l'utiliser. Toi, par rapport à ça, est-ce que c'est quelque chose qui a fait partie de ta réflexion par rapport à justement... l'écriture de cette BD Wax Paradox, est-ce que cette question-là ça a été quelque chose auquel tu as pu réfléchir ?
- Speaker #0
Oui, donc déjà moi j'ai découvert le mouvement No Wax dont j'ignorais l'existence dans des livres écrits par des historiennes de l'art et je me suis dit c'est super intéressant ce sera ma façon en incarnant ce mouvement No Wax dans un personnage ce sera ma façon d'aborder la question de l'appropriation culturelle mais sous un autre angle. Parce que je me suis clairement questionnée sur, est-ce que je vais parler d'appropriation culturelle et comment ? Est-ce que je suis capable, moi, d'apporter quelque chose de pertinent à ce débat à propos duquel j'ai l'impression que tout a déjà été dit ? Est-ce qu'il n'y a pas un risque là d'apporter du bruit au bruit, d'alimenter potentiellement les polémiques en fait ? Et ça, je ne voulais vraiment pas. Ça, c'est un truc que je ne supporte pas. Je ne veux pas alimenter des polémiques. Moi, je veux nourrir le débat. Je veux potentiellement nourrir les lecteurs et lectrices qui, après, peut-être, dans le meilleur des cas, pourront porter un regard peut-être un peu plus éclairé sur les questions et se positionner de façon neuve sur ces questions-là, ou peut-être se positionner de façon plus circonstanciée en se disant, tiens, mais... Mais grâce à ce que j'ai appris là, ça me permet de voir les choses différemment, ça me permet d'être plus apaisée sur ce genre de débat. Je trouve aussi que la question de l'appropriation culturelle prend énormément de place en ce qui concerne le wax, et donc va... faire de l'ombre à plein d'autres thématiques qui sont très intéressantes, et notamment ce mouvement Noax. Ce que je voulais aussi, en incarnant ces problématiques dans des personnages, c'est que cette scène de Noax, c'est quoi ? On est dans un... En fait, le personnage principal rencontre les membres d'un collectif décolonial, et l'un d'eux se dit Noax et dit « voilà, moi je porte » . Pas de wax, moi je mets en avant Là je porte du lépi C'est un tissu traditionnel D'ailleurs j'ai des guinéens dans la bande dessinée Mais certains diront que non c'est un tissu traditionnel Peul et que j'aurais mieux fait De l'écrire comme ça Il y a des débats sur tout ce qui concerne les tissus Et Et je voulais qu'on le comprenne en fait, je voulais qu'on comprenne son raisonnement, qu'on se dise « bah oui, je comprends ce qu'il dit en fait, je comprends qu'il ait envie de mettre en avant les tissus traditionnels, je comprends qu'il considère que c'est difficile pour les tisserands de certains pays de rivaliser avec des tissus imprimés tels que le wax, qui sont issus d'un processus industriel. Je voulais que ce personnage soit attachant, sensible et qu'on le comprenne. Et en même temps, je voulais qu'on comprenne aussi... L'autre membre du collectif qui dit « Non mais attends, moi le Ouak c'est ma grand-mère, qui est dans l'affectif, dans l'émotion, qui adore ce tissu parce que ça lui rappelle son enfance, parce que pour elle c'est typiquement africain, et qui vit pas bien le fait qu'on remette en question le fait que ce soit typiquement africain. Je voulais qu'on la comprenne aussi. » Et je trouvais intéressant de faire naître ce débat au sein même d'un collectif décolonial, pour montrer qu'en fait, même au sein d'un collectif décolonial, les avis sont divergents. Pourquoi ? Parce qu'un collectif décolonial, ça rassemble des personnes qui ont des vécus différents et qui sont issues de générations différentes. Et donc, vous n'allez pas porter le même regard sur le wax quand vous êtes né en Afrique, que vous avez grandi là-bas, et que vous, peut-être, poursuivez une partie de votre vie en Occident, que si vous êtes né en Occident, et que vous avez grandi en Occident, que peut-être vous n'avez jamais mis les pieds en Afrique. Vous n'allez pas porter le même regard sur le wax si vous avez 70 ans que si vous en avez 20. Donc... Il y a une richesse là, dans ces collectifs décoloniaux, que je trouvais très chouette et que j'ai eu envie aussi de mettre en scène. Et puis, il y a ce personnage de Sophia qui se demande pourquoi elle ne porte pas de wax. Qu'est-ce que ça vient faire résonner chez elle ? Mais donc, j'ai aussi eu en dédicace des personnes, disons, on va parler comme les Américains, blancs, on va parler en termes de blancs et de noirs. Comme ça, c'est plus simple. Mais donc, des personnes, oui, caucasiennes à la peau claire, qui viennent me dire, moi, je ne sais toujours pas quoi en penser. J'ai eu des débats dans ma famille sur l'appropriation culturelle parce qu'ils ont vu que j'avais utilisé du wax. On me dit que je ne peux pas et je ne sais toujours pas en quoi en penser, etc. Et donc, elles viennent acheter la BD en ayant l'espoir de trouver peut-être éventuellement quelques réponses. Et c'est chouette de pouvoir échanger parce que de leur rappeler que le wax, on est dans le à la fois, c'est à la fois un produit. culturelles avec une charge identitaire très importante. Ce sont des motifs qui veulent dire quelque chose, qui sont parfois utilisés dans des périodes très particulières de la vie. Je pense notamment au wax qui sont utilisés dans les périodes de deuil. Il est clair que si on n'est pas informé et que on va se faire une petite pochette avec un wax qui est normalement, dans certains pays, réservé aux périodes de deuil, ça ne le fait pas trop. Mais en même temps, cette petite personne qui, je ne sais pas moi, aime bien la couture, qui n'a rien à voir avec l'Afrique et qui trouve des motifs de wax super beaux et qui a envie d'en porter. Moi, personnellement, je ne vois pas où est le problème, parce qu'effectivement, c'est un article culturel, mais c'est aussi un produit commercial, dont le but est de générer du profit de manière totalement désincarnée. Ceux qui ont créé le wax à l'origine, ils n'étaient pas dans la culture. Ils se sont emparés d'une technique indonésienne sans demander l'autorisation et leur objectif, c'était de vendre. Et donc... Le wax est très particulier parce qu'il y a ces contradictions qui font que le wax est le wax. Et il y en a pour qui ça pose problème, il y en a pour qui ça ne pose pas de problème. Mais en tout cas, je trouve que la critique sociale qui dit que le capitalisme vampirise parfois des cultures pour générer du profit est une critique tout à fait pertinente, légitime. Je trouve qu'il est très important d'aller dénicher ça et d'essayer de... En tout cas, de porter un regard critique là-dessus, bien sûr. Mais je pense aussi que les personnes qui n'ont rien à voir avec l'Afrique ou qui sont métissées, par exemple, ou qui sont afrodescendants mais qui n'ont jamais mis les pieds en Afrique et qui veulent s'emparer du wax, doivent le faire de manière libre et ne doivent pas culpabiliser. Tout le monde a le droit de porter du wax. C'est aussi comme une veste en jean. C'est aussi juste un problème. Ah oui, voilà, un produit commercial ou quelque chose qu'on trouve joli et dont on a envie de s'emparer, et pourquoi pas ?
- Speaker #1
Ouais, intéressant.
- Speaker #0
Je ne sais pas ce que toi, tu en penses ?
- Speaker #1
Moi, je pense que quand le point de vue économique, effectivement, ça a été importé, et je te rejoins sur le côté à la fois, parce que quand on a des générations, des générations de familles africaines, du nord au sud, d'est en ouest, qui portent ce tissu, il y a un moment où, ouais. Elles se sont empruntées le tissu, il fait partie de l'histoire de la famille. Et aujourd'hui, et pendant des années, au moment de doter une femme, quand on est encore dans ces contextes-là de tradition, pendant la valise, il y a du wax plombé en fait. C'est partie de la culture et de la tradition. Du coup, je trouve ça difficile. Enfin, je trouve ça difficile. Je trouve qu'en tout cas,
- Speaker #0
c'est pas une réponse aussi simple.
- Speaker #1
Oui. C'est africain ou non, ce n'est pas africain. Et qu'il y a des tissus wax qu'on m'a offerts et que je garde précieusement parce que c'est vraiment quelque chose qui fait partie de l'histoire de ma famille. Et le tissu wax ou pas, pour beaucoup de familles africaines, c'est chargé de l'histoire. C'est chargé de l'histoire. Donc pour moi, je vais te rejoindre sur... Pour faire des politiques, c'est bien de sortir un petit truc comme ça. Je veux savoir, le wax n'est pas africain, le wax... Mais quand on creuse un peu, est-ce qu'à un moment donné, quelqu'un qui dit, moi je ne porte jamais de wax, il ne se coupe pas d'une partie de son histoire ? Parce que sa mère s'en remportait probablement.
- Speaker #0
Oui, C'est vraiment super complexe, moi j'aime bien ça, ça me passionne, mais je pense que l'esprit humain a un peu du mal avec ce genre de complexité, ou alors à admettre que parfois il n'y a pas de réponse. C'est-à-dire à qui appartient le wax ? Il est indéniable, aujourd'hui je veux dire, la personne qui dirait que ce n'est pas africain, et uniquement pas africain, on dirait mais attendez, il faut ouvrir les yeux, la porte de l'Afrique dans le wax c'est indissociable, le wax il est aujourd'hui. Enfin, indéniable, je dirais, et le wax, il est indissociable de ce continent. Vous voyez bien l'apport des femmes, je dis les femmes, mais il y a eu des hommes, mais des femmes africaines dans ce que le wax est aujourd'hui. C'est elles qui le rendent vivant, qui l'ont rendu vivant, qui l'ont intégré dans des rituels, etc., et qui fait que le wax est le wax aujourd'hui. Mais c'est surtout à certains égards qu'il n'est pas africain, et à d'autres égards, il est totalement africain. Et comme on est dans le « à la fois » et que ça semble être une contradiction, L'esprit humain a du mal à le considérer. Et je pense aussi que si on doit se poser la question de à qui il appartient, il y a peut-être aussi parfois pas de réponse. Et on doit pouvoir parfois accepter qu'il n'y a pas toujours de réponse à cette question. C'est-à-dire que pour certains, il va appartenir au continent africain. Pour d'autres, il va appartenir au continent européen. Pour d'autres, il va encore appartenir au continent, en tout cas à l'Indonésie par exemple. Et il faut accepter que chacun ait une vision différente des choses et que c'est comme ça.
- Speaker #1
Il y a aussi effectivement, comment dire, ce côté accepter de ne pas être... On ne doit pas tous être d'accord. C'est un sujet sur lequel il y a une vérité absolue, sur lequel on va tous s'entendre. À un moment donné, on va tous se dire, effectivement, on est tous d'accord. On a trouvé le résumé du WAP. Oui, voilà. Ça a été une manière à partir de Tentac, et maintenant, le débat est là.
- Speaker #0
Voilà, c'est ça. Je crois qu'on n'a pas fini d'en débattre, en tout cas. Effectivement,
- Speaker #1
comme tu le dis, il y a plusieurs angles, en fait. Si on parle d'un côté purement, où est-ce que c'est fabriqué, et par rapport à de l'argent, par cet angle-là, effectivement, on peut dire que ce n'est pas africain. Maintenant, c'est une histoire. Je pense que dans, en tout cas, ce questionnement sur le wax, il y a aussi une volonté de se réapproprier sa propre histoire et de se dire... L'hégémonie du wax vient aussi perturber un cours de l'histoire qui aurait pu être différent. Et il y a des savoir-faire, on va dire typiquement africains, qui n'ont pas la même force et la même visibilité parce que le wax, quelque part, il est venu prendre une place très très forte et il s'est un peu imposé, en fait. Donc il y a ça aussi, je pense, dans les revendications de certains sur le... On ne doit pas le considérer comme étant africain. Il a
- Speaker #0
Il a volé en place de guerre.
- Speaker #1
Oui, bien sûr.
- Speaker #0
Le sujet de l'histoire de l'Afrique, c'est là qu'elle est complexe. Mais c'est pour ça que j'aime bien engager ces conversations-là. Pas pour avoir... C'est pour ouvrir la discussion. Et parfois, effectivement, je te rejoins, laisser un point d'interrogation, en fait, et se dire, on ne va pas forcément avoir de réponse. Ça rappelle les exercices de philo au bac. Et puis à la fin, tu fais... En fait, les deux sont possibles. Je ne sais pas vraiment quoi. Oui, voilà.
- Speaker #1
Je crois qu'en tout cas, chacun est libre de mettre du sens là où il veut. Parce que, par exemple, moi, je ne porte pas de wax. J'en ai porté qu'une fois dans ma vie parce qu'une amie angolaise se mariait. Et donc, on nous a demandé de nous procurer un wax très précis, etc. C'est petit à l'exercice, on le rafait, c'était très chouette. Mais je n'en ai pas chez moi et ma grand-mère paternelle m'en a offert un, alors que c'est quand même moins présent en Guinée qu'en Acre. mais elle m'en a offert un, je ne mets plus la main dessus, mais j'ai bon espoir de le retrouver, parce que je suis assez abandonnique comme personne, et donc je pense qu'il doit être quelque part. Mais j'ai du lépi que mon père m'a offert, et là, pour moi, ça ferait sens d'emporter, parce que c'est du lépi, parce que c'est typiquement peu slash guinéen, parce que c'est mon père qui me l'a offert, et ça, ça fait sens, tu vois. Mais le wax, beaucoup moins.
- Speaker #0
Oui, mais c'est sûr pareil, comme tu l'as dit là, tu as cité deux exemples personnels et précis. Tu l'as porté une fois dans le cadre d'un mariage, c'était où tu... Et par rapport au dépit, pareil, il y a une histoire derrière. Donc c'est plus ça, c'est vraiment lié à l'histoire de chacun, en fait. C'est ça, comment tu vives de tel ou tel produit, quoi. C'est vraiment l'histoire qu'il y a derrière. Moi, j'avais fait un voyage en Côte d'Ivoire et j'étais... Je ne suis pas allée dans l'usine, mais j'étais allée chez des revendeurs de tissus wax fabriqués en Côte d'Ivoire. Et du coup, c'est pas les tissus... mais c'est des tissus que j'ai achetés. On me dit, voilà, ce n'est pas du wax made in China, c'est du wax made in Hollande, c'est un wax made in Africa. Du coup, ça a du présent même si tu nous dises qui appartient à une entreprise occidentale. Il n'en reste pas moins que c'est du made in Africa. Mais voilà, chacun peut poser un peu son... Pour moi, c'est bien une histoire. Chacun doit répondre. Je pense à un petit exemple pour qu'on prenne la perspective des uns et des autres. On arrive à la fin de cette interview. Je vais poser toutes les questions que je voulais te poser. Est-ce que tu as des prochaines dates, des signatures, des événements que tu peux nous partager ? Ou est-ce qu'on se dit que tu es au Musée de l'Homme pour trouver ta BD ?
- Speaker #1
Alors effectivement, la BD est au Musée de l'Homme dans la librairie du musée. J'ai quelques dates là, mais il faudrait que je retrouve le mail. En tout cas, les principales dates, c'est le 6 mars, on fait le lancement officiel de la BD, mais en France. On l'a déjà fait à Bruxelles. Là, on le fait à Paris, à la librairie Les Traversés. Le 8 mars, il y a donc cette rencontre dédicace au Pop Women Festival à Reims. En avril, début avril, il y a les escales du Livre de Bordeaux, où là aussi, on fera des rencontres dédicaces. Il y a encore des choses à confirmer au mois de mai, donc là je ne vais pas encore m'avancer, mais il y a potentiellement deux dates en mai encore en France. Il y a la Foire du Livre à Bruxelles, mi-mars aussi. Et puis au mois de juin, il y a le Festival de la BD d'Amiens. En octobre, il y a encore le Quai des Bulles à Saint-Malo. Et puis là, il y a encore des dates qui sont en train d'être fixées, donc entre Bayard et certaines librairies ou certains festivals littéraires. Moi, je n'ai pas de site internet, alors ça, ce n'est pas du tout professionnel. Donc, c'est en totale contradiction avec tout ce que j'ai raconté tout à l'heure, sur quoi il faut faire les choses sérieusement, etc. Mais donc, j'ai mon compte Instagram où j'essaie de poster quand même un peu l'agenda. C'est parfois difficile à suivre. On ne sait plus à qui on a dit quoi, qui veut aller où. Mais j'espère que quand même, dans les prochains mois, j'aurai un site web où je vais pouvoir mettre un calendrier digne de ce nom.
- Speaker #0
Très bien. De toute façon, les dates que tu m'as partagées là, je les mettrai en note de ma page de l'épisode. Elles seront aussi accessibles sur l'article que je vais écrire en parallèle de l'épisode. Et puis après, je mettrai aussi le lien vers ton compte Instagram de façon à ce qu'on puisse être au courant de l'actualité et savoir si tu seras présent dans le rire près de chez nous. En tout cas, je te remercie beaucoup d'avoir été là. disponible pour cet échange et toute ta générosité dans le partage de ton histoire et l'histoire de l'université.
- Speaker #1
Merci beaucoup, Ramatha. Merci pour l'invitation. Je passe un bon moment.
- Speaker #0
Merci. À très vite en Astrid Weyer.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #2
Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite en Afrique ou ailleurs.