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Africa Fashion Tour

Koura-Rosy Kane, strategist + fashion consultante

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1h02 |12/06/2025
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Africa Fashion Tour

Koura-Rosy Kane, strategist + fashion consultante

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Description

Peut-on déconstruire les clichés du secteur de la mode et imposer une nouvelle narration pour la créativité africaine ? Koura Rosy Kane nous montre la voie.


Koura Rosy Kane, strategist et fashion consultante, fondatrice de l'agence Platform. Freelance, elle travaille pour des cabinets de tendances telles que WGSN ou The Future Laboratory.


Dans une industrie souvent enfermée dans des stéréotypes, Koura Rosy s'engage à briser les codes et à imposer une vision plus authentique. Elle nous offre une masterclasse inédite sur cette transformation cruciale dans le nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour.


Loin des sentiers battus, son parcours atypique l'a menée des cabinets de tendance internationaux aux scènes créatives d'Afrique de l'Ouest. Là, elle affine son regard ethnographique, cultivant une expertise unique en "Fashion and Cultural Studies".


À travers son agence Platform, elle amplifie les voix alternatives. Elle prouve que la mode se réinvente partout, hors du "Western gaze" et du "European gaze". Elle accompagne les marques indépendantes, de la recherche culturelle à la stratégie marketing.


Koura Rosy dénonce la "censure" et le "lissage" des corps noirs. Elle expose le "tokenisme" et l'appropriation culturelle, plaidant pour un "changement systémique profond". Son engagement est personnel : elle veut que les futures générations ne subissent plus l'absence de représentation.


Son expérience au Sénégal fut une révélation, lui inspirant des "espaces de discussion" physiques, comme à la Biennale de Dakar. Elle y invite des experts pour redéfinir les esthétiques endogènes. À terme, elle aspire à protéger légalement les biens culturels africains. Son but est d'assurer respect et juste rétribution, évitant toute dégradation.


Koura Rosy Kane incarne cette génération de professionnels qui transforment l'industrie. Son travail est essentiel pour une mode plus inclusive, faisant bouger les lignes pas à pas.


Le lien pour écouter cette masterclass inédite est disponible en commentaire !


Pour aller plus loin, voici le lien vers le site et le compte instagram de Koura-Rosy Kane


Africa Fashion Tour poursuit chaque semaine l'exploration des industries culturelles et créatives africaines avec des interviews d'entrepreneurs passionnés qui s'interrogent sur les questions de diversité et de représentation. Chacun des invités du podcast est passé du questionnement à l'action pour proposer des solutions concrètes, des business model vertueux pour promouvoir l'Afrique à travers les soft power.


J’en profite pour remercier les auditeur.e.s de plus en plus nombreux de ce podcast. Pour découvrir en avant première les dernières interviews et analyses de l'écosystème de la mode africaine, abonnez-vous à la ⁠⁠⁠Newsletter Africa Fashion Tour⁠⁠⁠.


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A très vite en Afrique ou ailleurs


Ramata Diallo 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Koura-Rosy

    Lorsqu'on était représentée, au final, c'était d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc, du coup, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, Je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations après moi, ou alors moi ou nos générations, ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire « pourquoi je ne suis pas représentée ? » « Pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière ? » « Ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes ? »

  • Ramata

    Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec... Moi, à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain, je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité. trop souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai assisté à ma première Fashion Week en Afrique et depuis, je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine.

  • Aujourd'hui, je suis en compagnie de Koura Rosi Khan. Koura Rosi est consultante spécialisée dans le secteur de la mode. Elle a notamment travaillé pour des cabinets de tendance et des magazines tels que WGSN ou Days Magazine. Elle est également fondatrice de l'agence Platform. Elle s'intéresse particulièrement aux Fashion et Cultural Studies et à la mode africaine. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son travail et de son parcours. Bienvenue Koura Rosi, comment vas-tu ?

  • Koura-Rosy

    Merci Ramata, bonjour et oui je vais bien et toi ?

  • Écoute Sana très bien, je suis ravie de te retrouver pour ce nouvel épisode du podcast Africain Fashion Tour. On va démarrer comme je le fais toujours, je vais te demander de te présenter.

  • Koura-Rosy

    D'accord, alors merci d'avoir pris le temps pour ce podcast, je suis ravie d'être ici aussi. Alors comme tu l'as dit, je suis à la fois créative stratégiste et consultante dans le secteur de la mode. Donc, j'ai pu travailler avec différentes agences, mais principalement au UK et à Amsterdam. J'ai donc cette activité en freelance. Et à côté de ça, j'ai du coup Platform, qui est une agence qui est focalisée sur les talents émergents et la molle alternative, qui a pour but vraiment de donner une voie et une place. à une narration et à des discours qui sont à l'encontre du discours dominant dans le secteur de la mode.

  • Très bien, merci beaucoup. Écoute, ça va être super intéressant qu'on échange ensemble, puisque moi, je suis vraiment sur ce sujet-là avec Africa Fashion Tour, ce principe de proposer une voie alternative et de mettre en avant des profils, des sujets qu'on n'a pas l'habitude de voir ou d'étudier dans les médias mainstream. Dans un premier temps, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est quel a été ton parcours en termes d'études et tes premiers jobs avant d'avoir cette activité de freelance et de fondatrice de ton agence plateforme ?

  • Koura-Rosy

    OK. Alors, ce qui est marrant, c'est qu'en soi, depuis le début, je fais du freelance. Et depuis le début, j'ai plateforme, depuis la dernière année de mes études, je dirais. Mais en gros, j'ai fait... Un double diplôme, donc j'ai fait cinq ans un master en communication avec une spécialisation en communication digitale. Et ensuite, je suis partie en bachelor de sociologie pour pouvoir commencer à intégrer en fait de la psychosocialité en activité. Et dès la fin de mes études, donc un an avant la fin de mes études, j'ai commencé plateforme. Donc ça fait déjà depuis 2018. Et à la base, c'était vraiment qu'un magazine où je mettais en avant les marques émergentes, surtout à Londres. Et je n'avais pas forcément de spécialisation encore en Afrique, parce que cette spécialisation s'est faite aussi à travers mon propre parcours personnel. Donc, j'ai débuté Plateforme vraiment avec l'intention de mettre en place un espace pour promouvoir d'autres manières et d'autres approches et d'autres visions de faire de la mode. Ça a inclus l'Afrique, mais ce n'était pas forcément focus que sur l'Afrique. Ça a inclus pas mal la diaspora, notamment. Et du coup, à l'issue de mes études, donc à l'issue du master ainsi que du bachelor en sociologie, j'ai directement commencé mon activité en freelance. J'ai travaillé pour des boîtes telles que WGSN. J'ai également beaucoup travaillé avec une futuriste basée à Londres qui s'appelle Géraldine Wary, qui m'a donné pas mal d'opportunités afin de commencer à poser les premières pierres de mon expertise, notamment avec celle de l'Afrique. J'ai écrit pas mal d'articles pour elle, également pour des magazines comme Metal Magazine. Il y avait également d'autres magazines qui étaient principalement à Londres. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de rentrer dans un programme de mentorship à WGSN qui s'appelait les Future Makers pendant le Covid. Ça m'a donné l'opportunité d'approfondir tout ce qui était compétences autour du trend forecasting, research, foresight. sémiotique, ethnographie, etc. Et à l'issue de ce mentorship qui a duré un an, ça m'a permis de postuler à des opportunités un peu plus dans le milieu de la recherche, du consulting, donc j'ai travaillé avec The Future Laboratory, j'ai travaillé avec Onboard, toutes ces agences de tendance qui sont focus vraiment sur le... qui sont basées sur la recherche pour dessiner des futurs potentiels. Et au bout d'un moment, lorsque le Covid a commencé à toucher l'Europe, j'ai décidé de partir au Sénégal. J'ai habité au Sénégal pendant plus de quatre ans. Et là, maintenant, je fais les allers-retours entre le Sénégal et la France. Et cela m'a permis vraiment de pouvoir faire ce qu'on appelle de l'étude ethnographique, donc d'aller directement sur le terrain pour étudier les milieux créatifs, comment ils s'organisent, les valeurs qui sont promues dans ces milieux, quels sont les mécanismes, quels sont les événements, quels sont les acteurs de cette industrie également. Et ça m'a ouvert également la porte sur les milieux créatifs d'Afrique de l'Ouest et puis ensuite de l'Afrique de manière plus générale. Donc, je dirais que mon focus sur African Studies et Cultural Studies s'est vraiment fait au cours, au fil de mon évolution personnelle également.

  • Très bien, super intéressant. Cette première introduction, elle me donne plein de pistes pour pouvoir échanger plus en détail avec toi. Donc, à un moment donné, tu as parlé de la première mission que tu as pu avoir chez WGSN ou chez de futurs laboratoriaux. Donc moi, je suis dans le secteur de la mode, je vois tout à fait de quoi il s'agit. Mais je pense que tu peux prendre le temps pour expliquer en fait ce que sont ces cabinets de tendance et comment ils travaillent afin qu'on puisse mieux comprendre en fait, toi, quelle était ta mission au sein de ces entreprises.

  • Koura-Rosy

    Oui, bien sûr. Alors, ces cabinets de tendance, leur objectif, c'est de recommander et de conseiller des grandes marques en général, des grandes institutions sur l'avenir et les changements qui sont prévus ou anticipés dans l'avenir. Donc, mon rôle, en fait, c'était vraiment de démarrer ce qu'on appelle une « desk research » , qui venait avec un brief. Donc, certaines marques avaient besoin, je ne sais pas, par exemple, de s'implémenter sur un certain territoire, notamment les territoires africains. ou alors pouvoir parler à une audience auxquelles ils n'avaient pas accès jusqu'ici. Et donc, notre mission et ma mission, c'était de faire des tests cuissages, de pouvoir dresser des profils de consommateurs, de pouvoir également dresser la liste des macro-trends qui vont ensuite impacter le secteur en question ou les populations en question, et de ces recherches en déduire des recommandations afin que les marques puissent prendre des décisions stratégiques. Notamment après le Covid, sachant que les marques étaient vraiment perdues en termes de stratégie et d'orientation stratégique, ce genre d'agence et ce genre de pratique a été beaucoup plus investi et important parce qu'il était très difficile pour les marques d'anticiper sur l'avenir. Ils n'avaient pas du tout les données ni les insights nécessaires. Donc, ils faisaient beaucoup appel à des agences de tendance. pour pouvoir ensuite prendre les décisions stratégiques, que ce soit pour le marketing ou pour le développement sur un marché ou un territoire sur lequel ils n'étaient pas. Donc, mon rôle était vraiment de faire les rapports, donc de commencer par la desk research, d'établir les macro-trends, de dresser les profils de consommateurs et ensuite de pouvoir en déduire des... des recommandations stratégiques afin qu'ils puissent les utiliser pour leur propre stratégie marketing de communication.

  • Très bien. Merci d'avoir précisé ce point. Donc, toi, tu t'es intéressée à la mode dans le côté recherche de tendance, explication, un petit peu de mouvement de fond pour pouvoir aider les marques à créer leur collection. Est-ce qu'à un moment donné, toi, tu as eu envie de créer ta propre marque ?

  • Koura-Rosy

    Alors, non, je ne pense pas. En fait, j'aime beaucoup le design, mais je n'ai jamais eu cet attrait massif pour devenir designer. J'ai cependant une boutique de secondement à Dakar. Donc, c'est la vente et revente d'habits déjà utilisés qui sont souvent des marques. c'est des marques assez connues mais j'ai jamais eu pour l'instant, l'envie de faire du fashion design. Après, j'ai vraiment toujours été attirée par la dimension culturelle et sociale de la mode. Pour moi, c'est vraiment quelque chose qui m'a directement attirée dès le départ. Je n'ai jamais vraiment été sur la narrative de la mode, ce qui est in, ce qui est out, ce qu'on doit porter, ce qu'on ne doit pas porter, etc. Ce n'était pas ce genre de tendance qui m'attirait. C'était vraiment de comprendre sociologiquement Merci. et culturellement en quoi la mode avait un rôle dans la société, en quoi elle influençait, ce qu'elle pouvait faire, ce qu'elle engendrait, ce qu'elle signifiait pour les personnes de la société. Également, elle a cette fonction de nous relater un peu les faits historiques. Lorsqu'on regarde la mode à une certaine époque, ça nous permet de nous plonger également dans le système de valeurs de cette époque. Donc, c'était... Vraiment cet aspect culturel et sociologique que j'aimais beaucoup dans la mode. Mais je ne ferme pas la porte au fashion design. Mais je pense que j'aurais évidemment besoin d'une équipe et de gens qui sont beaucoup plus experts et expérimentés et qualifiés pour pouvoir faire une collection de A à Z. Mais c'est vrai que j'interviens souvent sur les recommandations pour les collections de marques de plus en plus, pour les guider sur qu'est-ce qui... est possible de faire aujourd'hui en 2025 pour une nouvelle marque ou pour une nouvelle collection ?

  • Ramata

    Très bien, c'est toujours intéressant de poser ces questions-là. Après, peut-être que tu y viendras par la suite, on verra, et probablement en équipe, parce que les compétences qu'on n'a pas, l'idée, c'est de pouvoir s'associer avec des personnes qui les ont. Dans ton parcours, il y a cette partie d'émission auprès de cabinets de tendance, et puis il y a aussi du travail, je pense, un peu d'édito-mode avec des magazines, et notamment, tu viens de partager sur... LinkedIn que tu avais travaillé avec eBay Camara pour un édito pour le magazine Dazed. J'aurais bien aimé que tu nous parles aussi de ce volet-là de ton travail.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors ce volet-là s'est développé en parallèle, je dirais, de la recherche. Plus je recherchais, parce qu'il y a toute une dimension visuelle que je fais également dans la recherche, donc plus je recherchais de manière générale et plus j'avais cet attrait pour la création visuelle. Mais ça a vraiment... Donc, je commençais à faire des shootings de manière indépendante dès le départ. J'en ai fait à Dakar. J'en ai fait également à Londres, qui ont été publiés dans Tiff Magazine il y a très longtemps. Donc, ça a toujours fait partie de ma pratique. Mais c'est vrai que là, ces dernières années, j'ai observé vraiment un changement et une espèce de professionnalisation de cette pratique de styling, surtout. Et la première grosse expérience que j'ai eue, c'est d'être assistante de Georgia Pendlebury pour le film de Gabriel Moses l'année dernière, fait en collaboration avec Adidas et Pharrell, qui a été filmé à Dakar. et là j'étais en charge de la curation de tous les vêtements. Donc il a fallu que je cherche des vêtements de seconde main de partout à Dakar pour pouvoir... pour pouvoir habiller toutes les personnes du cast. Et récemment, oui, on a shooté le dernier... Parce que c'est sa dernière édito... Enfin, pas collectionnée, pardon, c'est sa dernière couverture de Dazed. Ibé Camara part de Dazed. Il est déjà parti. Donc, on a eu l'opportunité de faire un dernier édito, End of Era, à Dakar. Enfin, non, pas à Dakar, à Saint-Louis. Et là, par contre, c'était totalement un autre volet puisqu'il s'agissait vraiment de vêtements haute couture, voire ready to wear. Donc, c'était vraiment un autre, je dirais, pan de la mode. C'était moins sur le thrift et la seconde hand. C'était vraiment plus... Comme on voit dans les éditos en Europe, en réalité, il y avait vraiment beaucoup plus de marques auxquelles je n'avais pas forcément été confrontée auparavant. C'était super intéressant. Et j'ai également pu faire un édito où j'étais lead stylist à Dakar, toujours. pour Days, et là c'était plus concentré sur le streetwear et la jeunesse, donc voilà mais c'est vraiment dernièrement, cette dernière année plus, je dirais ça fait un ou deux ans où j'ai vraiment développé cette activité de stealing J'espère pouvoir aussi détendre également Creative Direction, c'est quelque chose qui me parle beaucoup parce que je trouve que la recherche alimente beaucoup ce genre de pratiques.

  • Ramata

    Très bien. Toi, j'ai l'impression que presque directement après tes études, tu n'es pas allée vers le salariat, que tout de suite, tu as été dans le freelance et travaillé sur des missions assez variées, variés, avec comment dire... des missions variées et puis dans des zones géographiques aussi variées. Tout de suite, ça n'a pas été « je vais trouver un job à la Défense et puis je ferai 9 to 5 » . Comment tu expliques ce choix-là que je trouve assez audacieux et qui ne va pas forcément dans le sens dans lequel, déjà, ce n'est pas vraiment français en termes de mentalité d'être comme ça. Et puis, ce n'est pas… quand on finit ses études ou autre, ce n'est pas vraiment le choix vers lequel on nous invite à aller. On a tendance à vouloir nous... Et c'est probablement pour nous protéger, que ce soit au niveau des écoles ou même dans notre famille. On va plutôt nous inviter à prendre un job safe, 9 to 5, et comme ça, tu seras en sécurité.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors, c'est très intéressant comme question. J'avoue, encore aujourd'hui, après avoir... J'ai fini mes études il y a peut-être plus de 7 ans. Et j'avoue que j'ai commencé directement, c'est vrai, en freelance. J'ai été un an, onze mois plus précisément, dans une agence à Amsterdam. Et même là, j'étais sous un contrat de freelance pour des questions administratives. Mais j'ai quand même pris le temps de déménager. C'était la plus longue relation avec une entreprise que j'ai eue. Mais en fait, mes études, durant mes études, moi, j'ai toujours été un peu la... La personne qui ne faisait jamais vraiment comme les autres, par exemple, on avait pas mal de stages, surtout en communication, et beaucoup faisaient des stages en France, et moi je ne voulais absolument pas rester en France, même si le corps de professeur me disait souvent « Non, pour pouvoir écrire ta thèse, il faudrait que tu restes ici, ça serait plus facile, etc. » Moi j'ai toujours challengé cette idée qu'on devait rester dans notre cadre pour pouvoir valider notre année. Donc j'ai directement dit à mon professeur que moi... peu importe ce qui se passe, je dirais à l'étranger pour les stages. Je fais mes études en France parce que je suis française en partie et qu'il était plus facile au niveau administratif de rester en France et que les études en France sont vachement plus abordables que dans d'autres pays. Donc, c'est pour ça que j'ai fait le choix de rester en France pour mes études. Mais en ce qui concerne les stages, je les ai toujours faits à l'étranger. Et je trouvais surtout, alors la France est en train de changer, mais lorsque j'ai fait mes études, c'était dans les années 2016, 2018, etc. On était quand même assez arriérés en termes professionnels. Donc, je trouvais que c'était vraiment important de pouvoir aller voir autre part, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. J'ai fait aussi des stages là-bas et au UK, où ils étaient beaucoup plus progressifs. Et surtout parce que le trend forecasting, le foresight, etc., c'était vraiment des disciplines qui étaient vachement... plus avancé là-bas. En France, c'était encore un peu une niche. Ça s'est développé récemment. Donc, c'est pour ça que j'ai décidé de faire mes études à l'étranger, principalement. Et puis, non pas que je juge les personnes sous le salariat. Je pense que c'est quelque chose qui est totalement normal. Mais ce n'était vraiment pas fait pour moi. Je ne suis vraiment pas une personne faite pour le salariat. Je l'ai compris très rapidement. Et malgré le fait que... Le freelance, c'est quelque chose de très difficile, même encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas constant. C'est beaucoup d'instabilité. Ça demande énormément de travail pour se faire des contacts, savoir qui contacter, avoir les opportunités, etc. C'est vraiment un challenge quotidien. Mais j'ai préféré faire ce choix et braver ces challenges plutôt qu'être dans une entreprise et être sous le salariat parce que ce n'était vraiment pas quelque chose qui correspondait à ma personnalité. Je n'arrive pas vraiment à m'investir dans le cadre du salariat. Je ne comprends pas trop le... Ce n'est pas que je ne comprends pas le but, mais je ne comprends pas le rôle individuel de chaque salarié. Je comprends que collectivement, on a un seul et même but, mais de manière individuelle, je n'arrive pas vraiment à me motiver pour le salariat. J'ai eu la chance de pouvoir continuer de freelance. Ce n'est pas une chose facile. J'ai eu quand même pas mal de support familial et ça, c'est totalement un privilège. J'en suis totalement consciente. Mais le... Le freelance était vraiment l'option, je pense, la plus adéquate pour mon caractère et ma personnalité et ce que je voulais faire, en fait. Et vu que j'avais aussi également un pan qui était autour de la décolonisation et déconstruction des systèmes autour du trend forecasting, du foresight, parce que je pense que c'est très important de pouvoir transporter ces disciplines dans des contextes qui ne sont pas forcément occidentaux, Vu que j'avais cette motivation, je n'avais pas vraiment le choix que d'être en indépendant pour développer des modèles et des mécanismes qui n'étaient pas forcément eurocentrés. C'est pour ça que j'ai continué en freelance, mais ça n'a vraiment pas été facile. J'ai voulu abandonner plusieurs fois, j'ai beaucoup été dans le doute, beaucoup été dans le stress financier, etc. Encore aujourd'hui. Mais aujourd'hui, pour rien au monde, par contre, je changerai cette position. J'aime beaucoup être en freelance et j'aime beaucoup avoir mes projets et les mener tel que je le veux.

  • Ramata

    Très bien. Je voulais en venir maintenant à, je l'appellerais ça, ta troisième activité, puisqu'on a évoqué le trend forecasting. On a évoqué également ton travail avec les éditomates pour des magazines. Tu es à l'origine de la création... d'abord d'un média et qui aujourd'hui est en train de se transformer en agence de conseil qui s'appelle Plateforme. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors Plateforme, je l'ai fait du coup dans ma dernière année d'études, comme je disais. Vraiment à la base, c'était vraiment basé sur de la curation et ça a bien pris parce que je trouve, je pense que les gens étaient prêts à avoir d'autres esthétiques et d'autres approches et visions de la mode à l'époque où je l'ai commencé. Et du coup, ça m'a menée vraiment dans des endroits très intéressants. J'ai pu interviewer beaucoup de marques qui n'étaient pas forcément alignées au discours dominant. J'ai fait des très belles rencontres de designers, très belles rencontres de créatifs. À un moment, il y avait beaucoup de créatifs et de designers avec qui je travaillais, qui étaient principalement à Londres parce que j'y vivais et que la mode à Londres était vraiment avant-gardiste avant que le Brexit arrive. Donc, c'était vraiment chouette. Le magazine, progressivement, s'est transformé. J'ai commencé à faire mes shootings. J'ai pu commencer à être de plus en plus dans la création de contenus, d'esthétiques et de visuels, au-delà des articles qui étaient écrits. Ensuite, de plus en plus, je me suis rendue compte que... L'expertise et les informations que je développais et que j'avais réussi à récolter au fil des années sous le pan du magazine étaient vraiment utiles pour pouvoir supporter les talents émergents et la mode alternative, donc peut-être les marques un peu plus indépendantes qui ne sont pas soumises au calendrier de la mode ou aux normes et aux dictats du système de la mode. et surtout c'était intéressant parce que ça me permettait d'aller voir dans des endroits qui n'étaient pas forcément considérés comme fashionable. Donc c'était très important pour moi de démocratiser la mode et de dire que la mode n'était pas une question de ville ni une question de pays, mais qu'elle se développait de manière différente dans différents contextes et différentes cultures. Donc au terme de ça, avec les recherches et les interactions que j'ai pu avoir avec les créatifs, les designers, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un besoin de guidance et de support pour ces personnes qui n'étaient pas forcément dans le champ de la mode dominante. Donc, j'ai commencé à me dire que je pouvais faire plus du consulting, parce que je pouvais en fait allier la recherche avec la stratégie. donc ce qui est intéressant dans toute cette approche c'est de pouvoir avoir avoir la dimension recherche, donc pouvoir interroger leur audience potentielle, pouvoir faire de la recherche visuelle, pouvoir faire de la recherche culturelle, sociale, ethnographique, sémiotique, etc. et ensuite le transformer en recommandations. Et de ces recommandations, faire ensuite des stratégies actionnables, donc travailler avec eux sur que ça soit leur collection, l'émergence de leurs marques, la diffusion de leurs messages auprès des audiences ciblées, la promotion sur des plateformes qui correspondent également à leurs audiences, etc. De plus en plus, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment une pertinence à pouvoir accompagner les marques du début jusqu'à la fin en leur recommandant de commencer par la recherche. Parce que pour moi, même si la création visuelle est totalement différente, je pense qu'elle s'inspire beaucoup de la recherche, qu'elle soit insight, textuelle, mais également visuelle. pour ensuite la transformer en concept viable et tangible pour les marques.

  • Ramata

    Très bien, super intéressant. Aujourd'hui, c'est un profil multi-passettes, mais en même temps, ça reste quand même concentré dans le secteur de la mode. Tu parles beaucoup de cette notion que tu avais dès le départ pendant tes études de décolonisation, de déconstruction, d'un petit peu… de certains messages mainstream qui sont un peu toujours les mêmes et qui font parfois quand on va balayer différents magazines, balayer les pages de différents magazines, on va un peu avoir l'impression de voir tout le temps la même chose. Toi, comment est-ce que c'est venu au départ cette volonté d'être dans cette logique de décolonisation des constructions ? Est-ce que c'est à force de voir des magazines qui présentaient toujours la même chose, de dire « moi, j'ai envie » . Je pense qu'il y a tout un autre plein d'autres univers qui ne sont pas explorés, je trouve ça dommage. Est-ce que tu as toujours eu ça ou est-ce que c'est quelqu'un qui t'a sensibilisé à ces questions-là,

  • Koura-Rosy

    à ce sujet-là ? Alors non, j'ai toujours eu ça, mais en fait, je ne l'avais pas vraiment conscientisé. Donc, le problème, c'est que quand on est racisé ou noir, je vais dire, en France, qu'on vient de parents descendants africains ou caribéens, parce que moi, je suis à moitié guadeloupéenne et à moitié sénégalaise. Lorsque je feuilletais les magazines, je n'avais aucune représentation, donc c'était très difficile pour moi de me projeter. Et en fait, je me suis rendue compte que ce n'était pas immédiat. J'ai beaucoup essayé de fitter dans les standards. J'étais très complexée, j'étais très aliénée. J'ai eu des traumas vis-à-vis de la mode parce qu'il y avait ce problème de représentation. Et lorsqu'on était représentée, au final, c'était... d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ou ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc du coup, en fait, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations... après moi ou alors moi ou nos générations ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire pourquoi je ne suis pas représentée, pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière, ou ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes, et ce n'est pas du tout diversifié, c'est vraiment orienté et curate selon un goût européen. Et du coup, en fait, progressivement, je me suis rendue compte que déjà ça c'était lié à un plus grand problème, ce n'était pas que la mode, c'était lié à un plus grand problème social, donc lié à la colonisation et au néocolonialisme qui est présent aujourd'hui. Et du coup, progressivement, je me suis rabattue sur ces questions de la représentation, de l'esthétique, de l'oppression des minorités, des personnes racisées dans le secteur de la mode. et de juste pouvoir laisser place à un discours qui était véhiculé par les personnes concernées, mais pas véhiculé par d'autres personnes parce que le problème est qu'on a souvent des personnes hors de cette communauté qui parlent pour nous. Donc pour moi, c'était vraiment un problème. Et j'ai voulu vraiment dépasser ces mécanismes qui étaient normalisés dans le secteur de la mode pendant un très long moment et qui le sont encore aujourd'hui. On n'est pas sortis de l'auberge. Je veux dire, le changement systémique est encore pas loin. Il est en train d'être fait, mais il a encore besoin d'être vraiment investi. Il a besoin d'être encore... Juste... Comment je pourrais dire ? On a besoin encore de travailler pour un changement systémique profond. Donc, vraiment, ça a été vraiment progressif d'après mon expérience. J'ai pu aussi... J'ai eu l'occasion, comme je te disais, de... de partir au Sénégal et d'y vivre. Donc, je me suis rendue compte qu'en fait, on nous mentait totalement sur nos cultures, ce qui m'a permis vraiment, moi-même, de déconstruire mes biais. Parce que la diaspora aussi a des biais. Le fait qu'on soit nés sur le territoire européen et qu'on ait internalisé beaucoup de choses nous place également dans une catégorie différente que des personnes qui sont nées sur le territoire africain qui ont en eux... une certaine perception que nous, nous n'avons pas et des priorités que nous n'avons pas, etc. Donc, il y a eu tout un travail que j'ai dû faire également de décolonisation de ma psyché lorsque je suis arrivée au Sénégal pour ne pas être problématique face aux populations locales. Donc, oui, ça s'est fait vraiment de manière progressive. Ce n'est pas forcément une personne. Je dirais que c'est vraiment mes origines qui m'ont guidée jusqu'à présent. Et le fait vraiment que je voulais, en fait... pouvoir participer à ce mouvement de représentation plus juste et également que les générations d'après n'aient pas à subir ce que nous, on a vécu avec ce racisme systémique et ces représentations totalement erronées de nos communautés.

  • Ramata

    Très bien. Alors, il y a des points sur lesquels j'ai envie de rebondir avec toi. Est-ce que toi, tu peux donner peut-être des exemples de... Quand tu parles de représentations erronées ou de représentations qui ne nous correspondaient pas, est-ce que tu peux donner des exemples, soit des campagnes, soit peut-être des souvenirs que tu peux avoir de certains magazines ou de certains défilés ou autres qui t'ont particulièrement marqué en fait et qui sont un peu, je dirais pour toi aujourd'hui, le symbole de comment ça se passait avant et c'est déjà cette première question-là.

  • Koura-Rosy

    Ok, alors En termes, il y en a plein. Alors, je ne veux pas tout confondre parce que je sais que c'est quelque chose d'autre, mais que ça fait partie également du discours des coloniales. Tout ce qui est autour de l'appropriation culturelle, ça pour moi, ça a été un élément déclencheur parce que je me suis souvent vue voir l'utilisation des produits culturels africains de manière générale utilisés dans les collections sans crédit, sans rien. sans argent et bénéfices économiques reversés aux populations qui ont été l'inspiration de ces collections. Par exemple, Dior, avec leur collection avec Maria Grazia, je crois que c'était en croisière 2020 ou quelque chose comme ça, qui avait pris clairement des tissus et qui avait dit qu'elle s'était inspirée, mais sans vraiment donner de données. ou d'insights tangibles sur le reversement des profits faits par cette collection sur les communautés. Donc ça, pour moi, ça a été vraiment un problème. C'est-à-dire que les gens s'inspiraient vraiment beaucoup des cultures africaines, des tissus. Ça a commencé par les tissus et ensuite ne reversaient absolument rien aux communautés concernées. Donc ça, moi, la dimension financière, c'est quelque chose qui m'a vraiment intéressée, qui m'a vraiment motivée déjà pour... pour ce genre d'approche. Et puis, en termes de collection, bien évidemment, on a eu des choses comme Marc Jacobs avec les dreads qui étaient juste scandaleux. Il y avait eu... Il y a eu tellement de choses, des représentations avec des Noirs avec des signes d'esclaves. On a aussi le problème à une période où on éclaircissait les peaux des mannequins noirs. Maintenant, après, on est passé également à le fait qu'on les rendait plus foncés. Il y a eu tellement d'étapes, il y a eu tellement d'étapes de bafouement de notre communauté, d'exploitation des biens culturels de notre communauté, qu'en fait, je ne saurais même pas par où commencer. En tout cas, dans les magazines, que ça soit Vogue, que ça soit Elle, à un moment, il y avait Jalouse aussi, que je lisais énormément. Lorsqu'on était représentés, c'était vraiment selon des standards eurocentrés. quoi donc euh C'était vraiment une dimension très unilatérale de la représentation de la femme noire. Et puis, lorsqu'elle n'était pas dans cette dimension, on ne la calculait simplement pas, ou on disait qu'elle était sauvage. Je ne sais pas, il y avait tellement de... Il y avait cette espèce de symbolique autour de la femme noire et de l'homme... Je ne parle pas forcément de l'homme noir, parce que, pour le coup, j'ai l'impression qu'il a été moins... enfin pas moins bafouée, c'est pas ça, mais que ces dernières années, on lui a laissé plus de place que la femme noire. Mais que vraiment, en fait, les communautés noires, sans parler de genre, ont été vraiment, je dirais, exploitées. C'est-à-dire que les Américains disent souvent qu'ils adorent notre culture, mais qu'ils ne nous aiment pas, nous. Et je trouve que c'est très révélateur. C'est-à-dire qu'ils prennent beaucoup de choses qui... et qui émanent de nos cultures, mais sans nous prendre nous, en fait. Donc, sans nous mettre, nous inviter à la table, que ce soit dans les cohortes décisionnelles, etc. On a eu tout un moment aussi où on voyait énormément de mannequins noirs dans les publicités, les campagnes de mode. Mais lorsqu'on faisait un peu de recherche... On voyait que dans les organes décisionnels, dans les bureaux, etc., il n'y avait aucune diversité. Donc, c'était vraiment du tokenisme. Et il y en a tellement, même encore aujourd'hui, que c'est difficile pour moi de dire un seul exemple. Mais oui, je dirais qu'il y a eu Dior, il y a eu Marc Jacobs, il y a eu tous les magazines de Vogue, il y a eu Jalouse, il y a eu tellement de scandales, il y en a eu tellement que c'est difficile d'en citer un seul.

  • Ramata

    Très bien, mais déjà dans le CT3, c'est déjà beaucoup. Et à un moment donné, tu parles de tokenism, de token. Est-ce que tu peux expliciter ce concept qui n'est peut-être pas compris ou entendu par tous ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors le tokenism, c'est le fait de prendre une personne qui est faisant partie, donc je n'aime pas dire des minorités, mais des personnes de la communauté racisée, donc du groupe qui n'est pas dominant. de l'insérer dans un contexte du groupe dominant et de dire aux personnes qui ne sont pas du groupe dominant, regardez, on a pris l'un de vous, nous sommes vachement dans la diversité et l'inclusion. Alors que lorsqu'on fouille un peu, la diversité s'arrête vraiment en termes d'images, c'est-à-dire qu'elle ne traverse pas, comme je disais, les organes décisionnels dans les bureaux, dans les cohortes décisionnelles, que ce soit pour la Fédération de la mode de la couture, par exemple, en France, ou aussi FDA aux États-Unis, le British Fashion Council. En fait, lorsqu'on regarde les personnes qui travaillent dans ces organes, dans ces institutions, elles sont principalement blanches et du groupe dominant. Mais lorsqu'il s'agit de communiquer, par contre, sur ces... sur ces organes ou sur ces entreprises, ils vont toujours mettre en avant une personne avec soit des origines ou une personne noire, etc., comme si leur diversité s'arrêtait vraiment à l'image.

  • Ramata

    Très bien, je te remercie d'expliquer ce point un peu plus en détail, puisqu'on peut aborder des concepts qui peuvent être extrêmement bien compris par une partie de mon audience et pas forcément par une autre. Donc, quand on sent un engagement assez fort qui est né, je pense, de... En tout cas, tu l'as évoqué, je pense, tu l'as évoqué de vraiment ton histoire personnelle et de certaines batailles que tu as dû mener pour toi. Et à un moment donné, l'idée, c'est que tu t'en es quelque part servi pour te dire, moi, je vais aller vers des missions qui vont me permettre d'apporter des solutions, de proposer, de travailler sur la représentation de façon à ce que moi, ce que j'ai pu... souffrir en étant petite, en grandissant, ça n'arrive pas à d'autres. Aujourd'hui, est-ce que tu peux nous parler, évoquer des exemples, soit de campagne, soit de mission que tu as pu avoir, ou tu as le sentiment que sur la question de la décolonisation, déconstruction, ou ces notions de tokenisation, il y a eu un travail de fait où on intègre la diversité de manière qualitative et inclusive ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors est-ce que c'est plutôt par rapport à d'autres marques ou est-ce que je peux citer des exemples d'initiatives que moi j'ai faites ?

  • Ramata

    Le mieux, c'est que tu parles de toi, mais c'est comme tu veux.

  • Koura-Rosy

    Ok, allons-y. Alors, tout d'abord, je pense que les nouvelles générations, celles qui sont nées, je dirais, dans les années 90 et celles qui sont nées dans les années 2000, ont permis aussi de démocratiser en quelque sorte ce genre d'initiative, dans le sens où les nouvelles générations ne sont pas du tout désolées d'être noires, ni d'être racisées, ni d'être quoi que ce soit. Donc, en fait, elles vont s'imposer au système. en termes de d'initiatives. Moi, ce que j'ai fait, et là, c'était assez récemment, l'année dernière, durant la Biennale de Dakar, j'ai fait un talk, un panel discussion autour de la décolonisation des narratives dans le secteur de la mode. Et ce qui nous a permis de vraiment créer des espaces de discussion qui encouragent le changement social. structurelle, parce que moi, en fait, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le changement structurel, c'est que la structure bouge afin que chacun puisse naviguer la structure de manière équitable, sereine et saine. Donc, du coup, je pense que c'est très important pour nous et tout type de communauté non blanche de s'informer sur que ce soit les mécanismes, l'histoire et les solutions. Donc, en créant ce type d'événement, donc bien évidemment, c'est à Dakar, mais Merci. Pour moi, il est important de le faire directement sur le territoire parce que malheureusement, surtout dans les secteurs de la mode, nous prenons souvent en modèle de référence le modèle occidental, alors qu'il ne peut pas vraiment être appliqué dans des milieux tels que le Sénégal ou dans toute l'Afrique ou l'Afrique de l'Ouest. Donc, le but, c'était vraiment de pouvoir engager la discussion sur quels sont les fondements du secteur ou de la mode. hors du Western gaze, du European gaze, sans prendre en compte le modèle dominant autour de la mode. Donc, j'ai eu l'occasion d'inviter trois personnes. Il y avait Devyn Hurst, qui est une Américaine, mais qui a vécu et fait des ethnographies auprès des communautés, par exemple, qui récoltent le sel au nord du Sénégal. et leur rapport aux vêtements. Donc, le fait qu'ils utilisent des vêtements, par exemple, pour couvrir les table-celles, etc. Donc, c'était très intéressant. Elle fait des études très intéressantes sur les communautés qui utilisent les vêtements, mais pas forcément dans le cadre de la mode. On a eu Cher Kébé qui, lui, pour le coup, était vraiment dans le secteur de la mode pure et dure au Sénégal puisqu'il a une marque qui s'appelle Maison Kébé. Et on avait également Toby Onalubu qui est un artiste ghanéen qui travaille au Bénin et autour du Vaudou. Donc vraiment, c'était pour pouvoir mettre en concordance différentes pratiques, différents points de vue, différentes expertises, pour montrer à quel point toutes ces expertises et ces pratiques peuvent nous aider à redéfinir, de manière endogène, nos esthétiques et nos narratives autour de la mode et du milieu créatif de manière plus générale. Donc je dirais que c'est ce genre d'initiative, je pense que la création d'espaces de discussion est fondamentale pour un changement profond et structurel. Et je pense également qu'il faut qu'on ait un regard très critique sur nous-mêmes, surtout si on vient de la diaspora et qu'on souhaite faire des choses en Afrique. Je pense qu'il faut être conscient qu'on a, comme je disais, on a internalisé certains biais, donc il ne faut pas qu'on arrive comme des néocolons. en mode, ouais, la mode, c'est comme ça, c'est comme ça, c'est comme ça, vous devriez faire comme ça, comme ça, comme ça. Bien au contraire, je pense qu'il faut vraiment s'insérer dans le milieu et le contexte culturel et local, et ensuite essayer de naviguer ce contexte culturel et local en fonction des réalités, des valeurs, des approches, etc. Donc voilà, j'ai tant à faire de plus en plus d'événements comme ça. Pour moi, c'est très important qu'on ait des espèces de discussions. Notamment, c'est bien... Internet, c'est chouette et ça permet de diffuser l'information de manière très massive. Mais je pense que le physique et les expériences physiques sont très importantes pour nos communautés. Donc, il est important pour moi de les encourager.

  • Ramata

    Très bien. Moi, ce que je ferais, je partagerais les liens vers ta plateforme et vers également, j'imagine, tes réseaux sociaux. De toute façon, à ce que mon audience puisse être informée des différentes initiatives et des différents événements que tu peux... promouvoir et mettre en place. Et puis après, si c'est à Dakar, si c'est à Londres ou Paris, on saura où te trouver puisque moi, j'ai une communauté qui suit le podcast, qui est assez internationale avec une partie de la population que je salue, qui est à Paris, qui est à Dakar, qui est à Abidjan. Donc, c'est ça la force aussi du podcast, c'est qu'on peut toucher des gens à travers le monde. Donc, tu l'as évoqué plusieurs fois, tu as passé quatre ans au Sénégal et donc, nous avons pu travailler avec des marques sur place, avec des professionnels du secteur des industries culturelles et créatives. est-ce que tu peux du coup parler un petit peu de cette expérience-là, de ce volet-là et de ce que ça peut t'apporter aujourd'hui dans ton quotidien quand tu vas travailler pour WGSN ou tu vas travailler pour un magazine comment est-ce que ça te nourrit et comment est-ce que du coup ça t'enrichit par rapport à d'autres profils qui n'auraient pas ce background.

  • Koura-Rosy

    Ok, très intéressant. Alors, je continue à partager mon temps entre le Sénégal et la France. Idéalement, sincèrement, j'aimerais pouvoir naviguer entre les deux de manière super fluide. Mais je continue à vivre à moitié à Dakar. J'y étais il n'y a pas très longtemps, j'y vais assez souvent. Mais sincèrement, ça a changé ma vie. Je ne vais pas mentir. Comme je disais, quand on est niais en France, le truc, c'est qu'on intègre beaucoup le fait que l'Afrique, c'est pas bien, l'Afrique, c'est sauvage, l'Afrique, c'est le bantel, l'Afrique, c'est la misère, l'Afrique, la nina, là. Et donc, du coup, en fait, on a tendance à y croire, mais on sait, au fond de nous, que c'est un discours très colonial et qu'il faut pour nous, en tant que personnes de descendance africaine, de pouvoir le vivre par nous-mêmes. Donc, le fait d'y être allée, d'avoir vu les réalités, donc tout n'est pas parfait, bien évidemment, il y a des gros problèmes. Que ça soit économique, que ça soit au niveau de la santé, que ça soit au niveau de l'éducation, il y a des vrais problèmes et des choses à améliorer qui sont factuelles, c'est véridique. Mais cependant, moi, ça a changé ma vie parce que je me suis rendue compte qu'en fait, on n'était pas du tout obligé de vivre comme en Occident. C'était vraiment un modèle qui nous avait été appris, mais que ce modèle n'était déjà pas un pas universel, pas le meilleur. qui n'était pas le plus naturel également pour nous, parce que pour certains, nos parents ne sont pas nés sur le territoire français. Donc, ils sont venus ici pour des raisons bien spécifiques. Et donc, on a toujours su en nous, parce qu'on était nés dans des foyers pas forcément occidentaux, qu'il y avait autre chose. au-delà de la manière de vivre en Occident. Et je dois avouer que moi, quand je suis en France, je m'ennuie parfois beaucoup. C'est des réalités qui sont... Il y a beaucoup d'opportunités en France, je ne dis pas le contraire. Même en Europe, il y a beaucoup d'opportunités. Aux États-Unis, il y a beaucoup d'opportunités. C'est là où, je dirais, les principales...

  • Ramata

    Oui,

  • Koura-Rosy

    les entreprises sont ici. Cependant, la vie, j'ai l'impression d'avoir redécouvert... la vraie vie quand je suis allée en Afrique de l'Ouest et que j'ai pu voir les gens vivre de manière très humaine en communauté. Le sens de la communauté est totalement différent, donc ça fait du bien. Les gens vivent vraiment, que ce soit l'espace urbain, à l'extérieur, la dimension corporelle, la communication corporelle des gens que je trouve beaucoup plus naturelle également. parce qu'en Occident, j'ai l'impression qu'on est vraiment réprimé et contrôlé et que ça se voit aussi sur notre manière de bouger, notre communication non-verbale. Et en termes de travail, ce que ça m'a apporté, c'est que vraiment, ça m'a permis de dire à toutes ces entreprises, que ce soit WGSN ou d'autres entreprises avec qui j'ai pu travailler, de dire, écoutez, c'est bien de vouloir faire des choses sur le continent africain, mais en fait, il ne va pas falloir le faire de manière néocoloniale. Il va falloir venir avec une conscience que... ces personnes ont leur propre modèle, que vous n'essayez pas de les changer, que vous essayez au pire de les soutenir. Mais même ça, je trouve que c'est parfois encore très problématique. Mais que vous essayez à la limite de vous insérer dans le champ et les réalités locales, il n'y a pas de problème, mais d'imposer des modèles qui sont externes pour leur dire que ça, c'est mieux, etc. Ça, c'est hors de question. Donc, ça m'a permis vraiment d'introduire cette dimension de décolonisation auprès de ces entreprises, qu'elles veuillent l'entendre ou pas. Ça, moi, après, ça m'est un peu égale. Je ne vais pas forcément me vendre et leur faire plaisir pour alimenter le néocolonialisme. Ce n'est pas mon but dans la vie. Donc voilà, ça m'a permis de juste faire en sorte et de m'assurer que certaines personnes arrivent avec la bonne mentalité et pas avec cette mentalité néocoloniale. Et je pense à l'avenir, moi, il y a quelque chose que j'aimerais beaucoup faire à l'avenir, c'est en fait pouvoir participer à toute cette régulation et cette mouvance de policies, donc de manière plus légale et juridique pour protéger nos communautés, que ce soit au niveau de l'utilisation des patterns ou des tissus ou du textile ou des pratiques ou des approches qui sont typiquement... qui viennent du continent, de les réguler afin que les gens qui sont externes à ces communautés puissent à la limite les utiliser, mais dans un cadre légal bien spécifique. Moi, à terme, je pense que c'est quelque chose qui m'intéresse vraiment et je pense qui est vraiment lié à ma pratique de recherche. C'est, oui, développer des policiers qui peuvent protéger les communautés sur le continent et pouvoir être toujours dans l'échange, pourquoi pas, mais le respect le plus important et surtout pouvoir faire en sorte qu'il n'y ait pas de dégradation des biens culturels, pas de dégradation de l'environnement non plus, parce qu'on sait que... Avec la seconde main, on a un vrai problème. L'Occident, on voit beaucoup de seconde main en Afrique et malheureusement, ça pollue énormément. Et il n'y a pas que les vêtements, il y a aussi l'électronique, etc. Donc vraiment, si je peux à terme participer à cette régulation de manière légale ou à mon niveau, au niveau de la recherche, etc., je pense que c'est quelque chose qui me ferait vraiment plaisir et que ce serait vraiment un but, un accomplissement assez important, je pense.

  • Ramata

    Très intéressant. Est-ce qu'il y a des... Dans ce que tu dis, je me retrouve un petit peu dans... Moi, j'ai voyagé sur le continent assez tard dans ma vie par rapport à toi. Alors, moi, je suis de Rochelle-Guinéenne, mais le premier voyage que j'ai fait, pas accompagné par les parents, seul pour aller... Je l'ai appelé Africa Fashion Tour et ça a été un voyage d'un mois à travers quatre capitales. que j'ai appelé les capitales de la mode africaine. J'ai commencé par Conakry parce que je suis d'origine guinéenne. Ensuite, j'ai fait Abidjan, Accra et l'Écosse. Et c'est vrai que ça a complètement changé ma perspective sur l'Afrique, sur toutes les représentations que je pouvais avoir. Et même dans ma manière d'en parler, je fais attention parfois quand je parle d'Afrique à vraiment toujours ajouter le continent aux 54 pays, parce qu'à chaque fois, je me dis, le vocabulaire qu'on utilise, il est tellement réducteur par rapport à tout ce qu'il y a comme richesse créative sur place. Et du coup, j'entends dans ce que tu dis, ce que tu évoques, on a besoin d'avoir un autre storytelling, d'autres discours, avec d'autres visions. On a la vision de l'Occident, il est temps d'avoir d'autres voix qui racontent d'autres histoires, en fait. Et on va se rendre compte qu'elles sont opposées, qu'elles sont différentes. Mais en tout cas, on a besoin de multitude de points de vue et de perspectives pour pouvoir se faire sa propre idée. Et donc, j'aime beaucoup ta démarche et la façon de le décrire. Et je pense que parfois, quand tu es en Occident, tu dois avoir le mal du pays. Oui,

  • Koura-Rosy

    tellement. Non,

  • Ramata

    mais quand tu y vas, après, tu ne peux plus, en fait. Au bout de trois mois ici, tu te dis, mais il faut que je prenne un billet, ce n'est pas possible.

  • Koura-Rosy

    Non. Et ça, vraiment, il n'y a que nous qui pouvons comprendre, en fait.

  • Ramata

    Que ceux qui font aller, parce qu'après, ce n'est pas un truc, je pense, que de... Je pense ceux qui sont allés et qui sont tombés amoureux là-bas. Oui,

  • Koura-Rosy

    vraiment. Après, tellement il y a de bonheur sur place, tu ne peux pas rester ici sans ressentir un vrai manque. Exact. Mais c'est que la vie ici, elle est trop cadrée. Elle est plus naturelle, elle est trop organisée. Tandis que j'ai l'impression d'avoir redécouvert ce que c'était de vivre. que ça soit le sens de la communauté, comme je te disais, le rapport que tu as à ton corps lorsque tu es là-bas. Les cheveux, n'en parlons pas. Les cheveux, je crois que ça a été ma plus grande révélation, le fait qu'on n'avait pas du tout un cadre pour prendre soin de nos cheveux en Occident. C'est un cas de verre. Alors peut-être que les Américains en ont un peu plus parce que les Afro-Américains ont vraiment créé leur communauté à eux propres. Mais en France, c'est une catastrophe. Si tu n'es surtout pas née à Paris, parce que moi, je ne suis pas née à Paris, ... les opportunités pour les cheveux, c'est une horreur. C'est un enfer. Ça me stresse, moi, encore aujourd'hui. Et tu as totalement raison. Le champ lexical est très important. C'est pour ça que je précise tout le temps l'Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Ouest ou continent africain. Pour moi, c'est des terminologies qui sont importantes à distinguer parce qu'en effet, on a souvent cette narrative de l'Afrique, le pays, comme si c'était un bloc monolithique, alors que c'est tellement divers et varié. qu'il serait impossible pour nous de... On a des similarités, bien évidemment, parce qu'on est sur le même continent, mais c'est impossible de dresser un profil commun d'un Africain, ça ne veut strictement rien dire. Non,

  • Ramata

    mais après, moi, je... Et puis ça, en fait, on va dire les Occidentaux ou les Européens, ils arrivent à le comprendre quand on leur dit qu'on est bien d'accord qu'un Suédois et un Portugais, ça n'a rien à voir. Donc, quand on ramène... En fait, tout le monde est capable de le comprendre, mais c'est vrai que... Et c'est là qu'on... Donc, ils se rendent compte qu'ils parlent d'Europe, certes, mais pas tant que ça. Ou pas avec la même facilité avec laquelle ils vont parler d'Afrique. Ils vont beaucoup moins dire Europe qu'ils vont dire Afrique pour désigner, dans des situations vraiment à des contextes très précis, ils mettront les noms des quatre pays dont ils veulent parler. Ils vont parler de l'Europe côté méditerranéen ou les pays du Nord. Et on sait qui est-ce qu'on désigne, mais on ne dit pas Europe à tout bout de champ, comme si ça regroupait, comme si ça… tout le monde se ressemblait et se connaissait. Pour l'Afrique, c'est encore plus fort les différences qu'il peut y avoir. C'est important. Ce sont des différences qui font la richesse du continent. C'est des choses dont il est important de s'emparer. écoute pour conclure toi ce que tu dis c'est que tu fais beaucoup d'aller-retour entre entre je m'imagine Dakar et Paris pour quelqu'un qui s'intéresse à la mode et qui prépare un voyage à Dakar qu'est-ce que tu nous conseilles quels sont les endroits alors qui s'intéresse à la mode à la culture quels sont les endroits où toi si tu dois nous donner un peu the place to be in Dakar où est-ce qu'il faut aller ah

  • Koura-Rosy

    Il y en a tellement, mais je dirais que s'il s'intéresse à la mode, déjà au niveau de la consommation, je lui dirais déjà d'expérimenter les marchés. Parce que contrairement à l'Occident, comme d'habitude, on n'a pas de... En fait, tout est beaucoup plus informel, comme tu le sais. Donc du coup, les marchés, c'est vraiment une expérience sociale qui pour moi est très importante dans l'expérience en Afrique de l'Ouest, parce qu'elle permet à la fois de comprendre comment les gens s'habillent, comment ils consomment des habits, comment l'impact des déchets textiles va impacter les communautés locales, et aussi toute l'expérience sociale, donc d'être dans les marchés, être avec les gens, les marchands, les gens qui crient. C'est toute une expérience, une ambiance, que ce soit l'expérience sonore, sensorielle, auditive, bref. Je recommanderais quand même d'aller dans des marchés, que ce soit Gueule Tapée, Marché Colobane, Saldaga. Après, il y a des collectifs qui font des ateliers de poterie, qui sont aussi sous une association pour les personnes handicapées. C'est au Mamel, à Wacam, c'est très intéressant, parce que ça permet de faire de la poterie et de donner de l'argent à une association. Il y a aussi le Ban Café qui est... un peu plus formel, mais qui est très intéressant également. Il y a des collectifs comme Doucement, qui donnent des cours, par exemple, de DJing, qui est très intéressant. Bien évidemment, il y a la Ro Compagnie, qui avait été créée par Koyo Péasounam, qui est un espace superbe. Je crois que c'est l'un de mes espaces préférés à Dakar, parce qu'il y a une bibliothèque très exhaustive. Les expositions sont très intéressantes, la team est superbe également. Et puis, il y a vraiment beaucoup de choses. Il y a des centres culturels un peu plus réservés à une population expatriée, mais qui sont quand même intéressants d'aller voir. C'est Espaces Tram. Qu'est-ce qu'on a d'autre ? On a le musée des civilisations africaines, des civilisations noires. Et puis aussi sortir un peu de Dakar, pourquoi pas aller visiter aussi Saint-Louis, c'est une très intéressante ville, c'est l'ancienne capitale coloniale bien évidemment, mais l'ambiance est totalement différente, l'architecture est totalement différente, le chemin vers Saint-Louis est génial. Donc voilà, qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Je réfléchis, je réfléchis, mais principalement, sincèrement, je pense que de toute façon, à Dakar, le monde créatif est quand même... BÊT C'est grand, mais ce n'est pas à l'échelle des grandes... Ça ne s'organise pas de la même façon qu'en Occident. Ce sont des secteurs qui sont encore très... Je dirais pas nouveaux, mais les gens investissent de plus en plus leur effort dans ces milieux créatifs. De plus en plus, la jeunesse se mobilise dans ces milieux créatifs, ce qui n'était pas forcément le cas avant. Après, à la personne, je lui dirais par exemple d'aller aussi au marché artisanal vers Sunbejun. C'est très intéressant. Il y a beaucoup de choses à boire. Sunbejun aussi, qui est le marché aux poissons, c'est très intéressant. Oui, c'est principalement ça que j'ai en top of mind. Ben écoute, c'est déjà pas mal, super. Moi, il y a pas mal de choses que j'ai déjà fait de la carte plusieurs fois, mais je n'ai pas encore fait toute la liste de ce que tu suggères là. Donc, du coup, moi, ça me fait ma petite liste pour mon prochain voyage. Ben écoute, on arrive à la fin de cette interview. Moi, j'ai été ravie de pouvoir échanger avec toi et d'avoir en fait un petit peu ton point de vue qui part de ton histoire et de la manière dont ça a pu te guider sur l'évolution de ta carrière. dans le milieu créatif et ta volonté d'être engagée dans ce que tu crées, dans ce que tu veux proposer et un petit peu de challenger des idées reçues et des institutions, qu'il s'agisse des médias ou des cabinets de tendance. C'est vrai qu'ils ne font pas forcément la part belle à la représentation de la diversité. Et toi, en travaillant de l'intérieur, tu peux ouvrir des portes campagne après campagne, édito après édito, initiative après initiative. Et c'est comme ça que les choses vont bouger Petit à petit, mais il faut des gens dans l'intérieur de ces cercles qui soient conscients de ces sujets-là pour pouvoir faire bouger les lignes. Donc, pour ça, merci et bravo, j'ai envie de dire. Merci, c'est très gentil. Et puis, ton travail également est important. Diffuser les histoires qui ne sont pas dominantes, c'est super important. On a besoin de... Ça crée aussi des archives pour le futur. Donc, je trouve que c'est un travail... ethnographique, digital, très important. Je trouve ça fantastique que tu puisses interviewer des gens de la diaspora comme du continent et également c'est une approche assez très sociologique également que je trouve très pertinente dans le champ actuel.

  • Ramata

    C'était exactement, merci beaucoup, c'est exactement le chemin que j'ai pris quand j'ai lancé ce média, c'était l'information à laquelle je n'ai pas accès facilement je vais la rendre accessible à d'autres qui pourraient un jour se poser les mêmes questions que moi. Et j'avais envie de le faire d'une manière qui soit gratuite pour diffuser le plus possible cette parole-là qui est encore aujourd'hui invisibilisée. Et après, moi, chaque jour, quand je vois l'audience du podcast qui monte, je me dis que ce n'est pas un sujet de niche, en fait, pas du tout. ça peut être peut avoir l'air d'être un sujet de niche quand on se place d'un point de vue occidental en fait, mais si on se place d'un point de vue afrique-francophone, c'est pas du tout un sujet de niche et donc moi, petit à petit, je vois l'audience monter et je me dis, voilà, c'est un travail de fourmi mais il n'y a pas de raison que ça ne paye pas, il faut aller à ces sujets-là en étant déterminé et serein dans le fait que ces sujets-là et sinon, et sinon. je ne vais pas dire porteurs, mais ils sont importants en tout cas.

  • Koura-Rosy

    Totalement, ils sont fondateurs en tout cas. Ça, c'est clair.

  • Ramata

    Écoute, moi, j'étais ravie de cet échange. Je te dis à très vite à Dakar, Voyeur.

  • Koura-Rosy

    Oui, à très vite et merci beaucoup, Ramata.

  • Ramata

    Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite, en Afrique ou ailleurs.

Description

Peut-on déconstruire les clichés du secteur de la mode et imposer une nouvelle narration pour la créativité africaine ? Koura Rosy Kane nous montre la voie.


Koura Rosy Kane, strategist et fashion consultante, fondatrice de l'agence Platform. Freelance, elle travaille pour des cabinets de tendances telles que WGSN ou The Future Laboratory.


Dans une industrie souvent enfermée dans des stéréotypes, Koura Rosy s'engage à briser les codes et à imposer une vision plus authentique. Elle nous offre une masterclasse inédite sur cette transformation cruciale dans le nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour.


Loin des sentiers battus, son parcours atypique l'a menée des cabinets de tendance internationaux aux scènes créatives d'Afrique de l'Ouest. Là, elle affine son regard ethnographique, cultivant une expertise unique en "Fashion and Cultural Studies".


À travers son agence Platform, elle amplifie les voix alternatives. Elle prouve que la mode se réinvente partout, hors du "Western gaze" et du "European gaze". Elle accompagne les marques indépendantes, de la recherche culturelle à la stratégie marketing.


Koura Rosy dénonce la "censure" et le "lissage" des corps noirs. Elle expose le "tokenisme" et l'appropriation culturelle, plaidant pour un "changement systémique profond". Son engagement est personnel : elle veut que les futures générations ne subissent plus l'absence de représentation.


Son expérience au Sénégal fut une révélation, lui inspirant des "espaces de discussion" physiques, comme à la Biennale de Dakar. Elle y invite des experts pour redéfinir les esthétiques endogènes. À terme, elle aspire à protéger légalement les biens culturels africains. Son but est d'assurer respect et juste rétribution, évitant toute dégradation.


Koura Rosy Kane incarne cette génération de professionnels qui transforment l'industrie. Son travail est essentiel pour une mode plus inclusive, faisant bouger les lignes pas à pas.


Le lien pour écouter cette masterclass inédite est disponible en commentaire !


Pour aller plus loin, voici le lien vers le site et le compte instagram de Koura-Rosy Kane


Africa Fashion Tour poursuit chaque semaine l'exploration des industries culturelles et créatives africaines avec des interviews d'entrepreneurs passionnés qui s'interrogent sur les questions de diversité et de représentation. Chacun des invités du podcast est passé du questionnement à l'action pour proposer des solutions concrètes, des business model vertueux pour promouvoir l'Afrique à travers les soft power.


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A très vite en Afrique ou ailleurs


Ramata Diallo 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Koura-Rosy

    Lorsqu'on était représentée, au final, c'était d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc, du coup, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, Je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations après moi, ou alors moi ou nos générations, ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire « pourquoi je ne suis pas représentée ? » « Pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière ? » « Ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes ? »

  • Ramata

    Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec... Moi, à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain, je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité. trop souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai assisté à ma première Fashion Week en Afrique et depuis, je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine.

  • Aujourd'hui, je suis en compagnie de Koura Rosi Khan. Koura Rosi est consultante spécialisée dans le secteur de la mode. Elle a notamment travaillé pour des cabinets de tendance et des magazines tels que WGSN ou Days Magazine. Elle est également fondatrice de l'agence Platform. Elle s'intéresse particulièrement aux Fashion et Cultural Studies et à la mode africaine. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son travail et de son parcours. Bienvenue Koura Rosi, comment vas-tu ?

  • Koura-Rosy

    Merci Ramata, bonjour et oui je vais bien et toi ?

  • Écoute Sana très bien, je suis ravie de te retrouver pour ce nouvel épisode du podcast Africain Fashion Tour. On va démarrer comme je le fais toujours, je vais te demander de te présenter.

  • Koura-Rosy

    D'accord, alors merci d'avoir pris le temps pour ce podcast, je suis ravie d'être ici aussi. Alors comme tu l'as dit, je suis à la fois créative stratégiste et consultante dans le secteur de la mode. Donc, j'ai pu travailler avec différentes agences, mais principalement au UK et à Amsterdam. J'ai donc cette activité en freelance. Et à côté de ça, j'ai du coup Platform, qui est une agence qui est focalisée sur les talents émergents et la molle alternative, qui a pour but vraiment de donner une voie et une place. à une narration et à des discours qui sont à l'encontre du discours dominant dans le secteur de la mode.

  • Très bien, merci beaucoup. Écoute, ça va être super intéressant qu'on échange ensemble, puisque moi, je suis vraiment sur ce sujet-là avec Africa Fashion Tour, ce principe de proposer une voie alternative et de mettre en avant des profils, des sujets qu'on n'a pas l'habitude de voir ou d'étudier dans les médias mainstream. Dans un premier temps, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est quel a été ton parcours en termes d'études et tes premiers jobs avant d'avoir cette activité de freelance et de fondatrice de ton agence plateforme ?

  • Koura-Rosy

    OK. Alors, ce qui est marrant, c'est qu'en soi, depuis le début, je fais du freelance. Et depuis le début, j'ai plateforme, depuis la dernière année de mes études, je dirais. Mais en gros, j'ai fait... Un double diplôme, donc j'ai fait cinq ans un master en communication avec une spécialisation en communication digitale. Et ensuite, je suis partie en bachelor de sociologie pour pouvoir commencer à intégrer en fait de la psychosocialité en activité. Et dès la fin de mes études, donc un an avant la fin de mes études, j'ai commencé plateforme. Donc ça fait déjà depuis 2018. Et à la base, c'était vraiment qu'un magazine où je mettais en avant les marques émergentes, surtout à Londres. Et je n'avais pas forcément de spécialisation encore en Afrique, parce que cette spécialisation s'est faite aussi à travers mon propre parcours personnel. Donc, j'ai débuté Plateforme vraiment avec l'intention de mettre en place un espace pour promouvoir d'autres manières et d'autres approches et d'autres visions de faire de la mode. Ça a inclus l'Afrique, mais ce n'était pas forcément focus que sur l'Afrique. Ça a inclus pas mal la diaspora, notamment. Et du coup, à l'issue de mes études, donc à l'issue du master ainsi que du bachelor en sociologie, j'ai directement commencé mon activité en freelance. J'ai travaillé pour des boîtes telles que WGSN. J'ai également beaucoup travaillé avec une futuriste basée à Londres qui s'appelle Géraldine Wary, qui m'a donné pas mal d'opportunités afin de commencer à poser les premières pierres de mon expertise, notamment avec celle de l'Afrique. J'ai écrit pas mal d'articles pour elle, également pour des magazines comme Metal Magazine. Il y avait également d'autres magazines qui étaient principalement à Londres. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de rentrer dans un programme de mentorship à WGSN qui s'appelait les Future Makers pendant le Covid. Ça m'a donné l'opportunité d'approfondir tout ce qui était compétences autour du trend forecasting, research, foresight. sémiotique, ethnographie, etc. Et à l'issue de ce mentorship qui a duré un an, ça m'a permis de postuler à des opportunités un peu plus dans le milieu de la recherche, du consulting, donc j'ai travaillé avec The Future Laboratory, j'ai travaillé avec Onboard, toutes ces agences de tendance qui sont focus vraiment sur le... qui sont basées sur la recherche pour dessiner des futurs potentiels. Et au bout d'un moment, lorsque le Covid a commencé à toucher l'Europe, j'ai décidé de partir au Sénégal. J'ai habité au Sénégal pendant plus de quatre ans. Et là, maintenant, je fais les allers-retours entre le Sénégal et la France. Et cela m'a permis vraiment de pouvoir faire ce qu'on appelle de l'étude ethnographique, donc d'aller directement sur le terrain pour étudier les milieux créatifs, comment ils s'organisent, les valeurs qui sont promues dans ces milieux, quels sont les mécanismes, quels sont les événements, quels sont les acteurs de cette industrie également. Et ça m'a ouvert également la porte sur les milieux créatifs d'Afrique de l'Ouest et puis ensuite de l'Afrique de manière plus générale. Donc, je dirais que mon focus sur African Studies et Cultural Studies s'est vraiment fait au cours, au fil de mon évolution personnelle également.

  • Très bien, super intéressant. Cette première introduction, elle me donne plein de pistes pour pouvoir échanger plus en détail avec toi. Donc, à un moment donné, tu as parlé de la première mission que tu as pu avoir chez WGSN ou chez de futurs laboratoriaux. Donc moi, je suis dans le secteur de la mode, je vois tout à fait de quoi il s'agit. Mais je pense que tu peux prendre le temps pour expliquer en fait ce que sont ces cabinets de tendance et comment ils travaillent afin qu'on puisse mieux comprendre en fait, toi, quelle était ta mission au sein de ces entreprises.

  • Koura-Rosy

    Oui, bien sûr. Alors, ces cabinets de tendance, leur objectif, c'est de recommander et de conseiller des grandes marques en général, des grandes institutions sur l'avenir et les changements qui sont prévus ou anticipés dans l'avenir. Donc, mon rôle, en fait, c'était vraiment de démarrer ce qu'on appelle une « desk research » , qui venait avec un brief. Donc, certaines marques avaient besoin, je ne sais pas, par exemple, de s'implémenter sur un certain territoire, notamment les territoires africains. ou alors pouvoir parler à une audience auxquelles ils n'avaient pas accès jusqu'ici. Et donc, notre mission et ma mission, c'était de faire des tests cuissages, de pouvoir dresser des profils de consommateurs, de pouvoir également dresser la liste des macro-trends qui vont ensuite impacter le secteur en question ou les populations en question, et de ces recherches en déduire des recommandations afin que les marques puissent prendre des décisions stratégiques. Notamment après le Covid, sachant que les marques étaient vraiment perdues en termes de stratégie et d'orientation stratégique, ce genre d'agence et ce genre de pratique a été beaucoup plus investi et important parce qu'il était très difficile pour les marques d'anticiper sur l'avenir. Ils n'avaient pas du tout les données ni les insights nécessaires. Donc, ils faisaient beaucoup appel à des agences de tendance. pour pouvoir ensuite prendre les décisions stratégiques, que ce soit pour le marketing ou pour le développement sur un marché ou un territoire sur lequel ils n'étaient pas. Donc, mon rôle était vraiment de faire les rapports, donc de commencer par la desk research, d'établir les macro-trends, de dresser les profils de consommateurs et ensuite de pouvoir en déduire des... des recommandations stratégiques afin qu'ils puissent les utiliser pour leur propre stratégie marketing de communication.

  • Très bien. Merci d'avoir précisé ce point. Donc, toi, tu t'es intéressée à la mode dans le côté recherche de tendance, explication, un petit peu de mouvement de fond pour pouvoir aider les marques à créer leur collection. Est-ce qu'à un moment donné, toi, tu as eu envie de créer ta propre marque ?

  • Koura-Rosy

    Alors, non, je ne pense pas. En fait, j'aime beaucoup le design, mais je n'ai jamais eu cet attrait massif pour devenir designer. J'ai cependant une boutique de secondement à Dakar. Donc, c'est la vente et revente d'habits déjà utilisés qui sont souvent des marques. c'est des marques assez connues mais j'ai jamais eu pour l'instant, l'envie de faire du fashion design. Après, j'ai vraiment toujours été attirée par la dimension culturelle et sociale de la mode. Pour moi, c'est vraiment quelque chose qui m'a directement attirée dès le départ. Je n'ai jamais vraiment été sur la narrative de la mode, ce qui est in, ce qui est out, ce qu'on doit porter, ce qu'on ne doit pas porter, etc. Ce n'était pas ce genre de tendance qui m'attirait. C'était vraiment de comprendre sociologiquement Merci. et culturellement en quoi la mode avait un rôle dans la société, en quoi elle influençait, ce qu'elle pouvait faire, ce qu'elle engendrait, ce qu'elle signifiait pour les personnes de la société. Également, elle a cette fonction de nous relater un peu les faits historiques. Lorsqu'on regarde la mode à une certaine époque, ça nous permet de nous plonger également dans le système de valeurs de cette époque. Donc, c'était... Vraiment cet aspect culturel et sociologique que j'aimais beaucoup dans la mode. Mais je ne ferme pas la porte au fashion design. Mais je pense que j'aurais évidemment besoin d'une équipe et de gens qui sont beaucoup plus experts et expérimentés et qualifiés pour pouvoir faire une collection de A à Z. Mais c'est vrai que j'interviens souvent sur les recommandations pour les collections de marques de plus en plus, pour les guider sur qu'est-ce qui... est possible de faire aujourd'hui en 2025 pour une nouvelle marque ou pour une nouvelle collection ?

  • Ramata

    Très bien, c'est toujours intéressant de poser ces questions-là. Après, peut-être que tu y viendras par la suite, on verra, et probablement en équipe, parce que les compétences qu'on n'a pas, l'idée, c'est de pouvoir s'associer avec des personnes qui les ont. Dans ton parcours, il y a cette partie d'émission auprès de cabinets de tendance, et puis il y a aussi du travail, je pense, un peu d'édito-mode avec des magazines, et notamment, tu viens de partager sur... LinkedIn que tu avais travaillé avec eBay Camara pour un édito pour le magazine Dazed. J'aurais bien aimé que tu nous parles aussi de ce volet-là de ton travail.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors ce volet-là s'est développé en parallèle, je dirais, de la recherche. Plus je recherchais, parce qu'il y a toute une dimension visuelle que je fais également dans la recherche, donc plus je recherchais de manière générale et plus j'avais cet attrait pour la création visuelle. Mais ça a vraiment... Donc, je commençais à faire des shootings de manière indépendante dès le départ. J'en ai fait à Dakar. J'en ai fait également à Londres, qui ont été publiés dans Tiff Magazine il y a très longtemps. Donc, ça a toujours fait partie de ma pratique. Mais c'est vrai que là, ces dernières années, j'ai observé vraiment un changement et une espèce de professionnalisation de cette pratique de styling, surtout. Et la première grosse expérience que j'ai eue, c'est d'être assistante de Georgia Pendlebury pour le film de Gabriel Moses l'année dernière, fait en collaboration avec Adidas et Pharrell, qui a été filmé à Dakar. et là j'étais en charge de la curation de tous les vêtements. Donc il a fallu que je cherche des vêtements de seconde main de partout à Dakar pour pouvoir... pour pouvoir habiller toutes les personnes du cast. Et récemment, oui, on a shooté le dernier... Parce que c'est sa dernière édito... Enfin, pas collectionnée, pardon, c'est sa dernière couverture de Dazed. Ibé Camara part de Dazed. Il est déjà parti. Donc, on a eu l'opportunité de faire un dernier édito, End of Era, à Dakar. Enfin, non, pas à Dakar, à Saint-Louis. Et là, par contre, c'était totalement un autre volet puisqu'il s'agissait vraiment de vêtements haute couture, voire ready to wear. Donc, c'était vraiment un autre, je dirais, pan de la mode. C'était moins sur le thrift et la seconde hand. C'était vraiment plus... Comme on voit dans les éditos en Europe, en réalité, il y avait vraiment beaucoup plus de marques auxquelles je n'avais pas forcément été confrontée auparavant. C'était super intéressant. Et j'ai également pu faire un édito où j'étais lead stylist à Dakar, toujours. pour Days, et là c'était plus concentré sur le streetwear et la jeunesse, donc voilà mais c'est vraiment dernièrement, cette dernière année plus, je dirais ça fait un ou deux ans où j'ai vraiment développé cette activité de stealing J'espère pouvoir aussi détendre également Creative Direction, c'est quelque chose qui me parle beaucoup parce que je trouve que la recherche alimente beaucoup ce genre de pratiques.

  • Ramata

    Très bien. Toi, j'ai l'impression que presque directement après tes études, tu n'es pas allée vers le salariat, que tout de suite, tu as été dans le freelance et travaillé sur des missions assez variées, variés, avec comment dire... des missions variées et puis dans des zones géographiques aussi variées. Tout de suite, ça n'a pas été « je vais trouver un job à la Défense et puis je ferai 9 to 5 » . Comment tu expliques ce choix-là que je trouve assez audacieux et qui ne va pas forcément dans le sens dans lequel, déjà, ce n'est pas vraiment français en termes de mentalité d'être comme ça. Et puis, ce n'est pas… quand on finit ses études ou autre, ce n'est pas vraiment le choix vers lequel on nous invite à aller. On a tendance à vouloir nous... Et c'est probablement pour nous protéger, que ce soit au niveau des écoles ou même dans notre famille. On va plutôt nous inviter à prendre un job safe, 9 to 5, et comme ça, tu seras en sécurité.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors, c'est très intéressant comme question. J'avoue, encore aujourd'hui, après avoir... J'ai fini mes études il y a peut-être plus de 7 ans. Et j'avoue que j'ai commencé directement, c'est vrai, en freelance. J'ai été un an, onze mois plus précisément, dans une agence à Amsterdam. Et même là, j'étais sous un contrat de freelance pour des questions administratives. Mais j'ai quand même pris le temps de déménager. C'était la plus longue relation avec une entreprise que j'ai eue. Mais en fait, mes études, durant mes études, moi, j'ai toujours été un peu la... La personne qui ne faisait jamais vraiment comme les autres, par exemple, on avait pas mal de stages, surtout en communication, et beaucoup faisaient des stages en France, et moi je ne voulais absolument pas rester en France, même si le corps de professeur me disait souvent « Non, pour pouvoir écrire ta thèse, il faudrait que tu restes ici, ça serait plus facile, etc. » Moi j'ai toujours challengé cette idée qu'on devait rester dans notre cadre pour pouvoir valider notre année. Donc j'ai directement dit à mon professeur que moi... peu importe ce qui se passe, je dirais à l'étranger pour les stages. Je fais mes études en France parce que je suis française en partie et qu'il était plus facile au niveau administratif de rester en France et que les études en France sont vachement plus abordables que dans d'autres pays. Donc, c'est pour ça que j'ai fait le choix de rester en France pour mes études. Mais en ce qui concerne les stages, je les ai toujours faits à l'étranger. Et je trouvais surtout, alors la France est en train de changer, mais lorsque j'ai fait mes études, c'était dans les années 2016, 2018, etc. On était quand même assez arriérés en termes professionnels. Donc, je trouvais que c'était vraiment important de pouvoir aller voir autre part, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. J'ai fait aussi des stages là-bas et au UK, où ils étaient beaucoup plus progressifs. Et surtout parce que le trend forecasting, le foresight, etc., c'était vraiment des disciplines qui étaient vachement... plus avancé là-bas. En France, c'était encore un peu une niche. Ça s'est développé récemment. Donc, c'est pour ça que j'ai décidé de faire mes études à l'étranger, principalement. Et puis, non pas que je juge les personnes sous le salariat. Je pense que c'est quelque chose qui est totalement normal. Mais ce n'était vraiment pas fait pour moi. Je ne suis vraiment pas une personne faite pour le salariat. Je l'ai compris très rapidement. Et malgré le fait que... Le freelance, c'est quelque chose de très difficile, même encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas constant. C'est beaucoup d'instabilité. Ça demande énormément de travail pour se faire des contacts, savoir qui contacter, avoir les opportunités, etc. C'est vraiment un challenge quotidien. Mais j'ai préféré faire ce choix et braver ces challenges plutôt qu'être dans une entreprise et être sous le salariat parce que ce n'était vraiment pas quelque chose qui correspondait à ma personnalité. Je n'arrive pas vraiment à m'investir dans le cadre du salariat. Je ne comprends pas trop le... Ce n'est pas que je ne comprends pas le but, mais je ne comprends pas le rôle individuel de chaque salarié. Je comprends que collectivement, on a un seul et même but, mais de manière individuelle, je n'arrive pas vraiment à me motiver pour le salariat. J'ai eu la chance de pouvoir continuer de freelance. Ce n'est pas une chose facile. J'ai eu quand même pas mal de support familial et ça, c'est totalement un privilège. J'en suis totalement consciente. Mais le... Le freelance était vraiment l'option, je pense, la plus adéquate pour mon caractère et ma personnalité et ce que je voulais faire, en fait. Et vu que j'avais aussi également un pan qui était autour de la décolonisation et déconstruction des systèmes autour du trend forecasting, du foresight, parce que je pense que c'est très important de pouvoir transporter ces disciplines dans des contextes qui ne sont pas forcément occidentaux, Vu que j'avais cette motivation, je n'avais pas vraiment le choix que d'être en indépendant pour développer des modèles et des mécanismes qui n'étaient pas forcément eurocentrés. C'est pour ça que j'ai continué en freelance, mais ça n'a vraiment pas été facile. J'ai voulu abandonner plusieurs fois, j'ai beaucoup été dans le doute, beaucoup été dans le stress financier, etc. Encore aujourd'hui. Mais aujourd'hui, pour rien au monde, par contre, je changerai cette position. J'aime beaucoup être en freelance et j'aime beaucoup avoir mes projets et les mener tel que je le veux.

  • Ramata

    Très bien. Je voulais en venir maintenant à, je l'appellerais ça, ta troisième activité, puisqu'on a évoqué le trend forecasting. On a évoqué également ton travail avec les éditomates pour des magazines. Tu es à l'origine de la création... d'abord d'un média et qui aujourd'hui est en train de se transformer en agence de conseil qui s'appelle Plateforme. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors Plateforme, je l'ai fait du coup dans ma dernière année d'études, comme je disais. Vraiment à la base, c'était vraiment basé sur de la curation et ça a bien pris parce que je trouve, je pense que les gens étaient prêts à avoir d'autres esthétiques et d'autres approches et visions de la mode à l'époque où je l'ai commencé. Et du coup, ça m'a menée vraiment dans des endroits très intéressants. J'ai pu interviewer beaucoup de marques qui n'étaient pas forcément alignées au discours dominant. J'ai fait des très belles rencontres de designers, très belles rencontres de créatifs. À un moment, il y avait beaucoup de créatifs et de designers avec qui je travaillais, qui étaient principalement à Londres parce que j'y vivais et que la mode à Londres était vraiment avant-gardiste avant que le Brexit arrive. Donc, c'était vraiment chouette. Le magazine, progressivement, s'est transformé. J'ai commencé à faire mes shootings. J'ai pu commencer à être de plus en plus dans la création de contenus, d'esthétiques et de visuels, au-delà des articles qui étaient écrits. Ensuite, de plus en plus, je me suis rendue compte que... L'expertise et les informations que je développais et que j'avais réussi à récolter au fil des années sous le pan du magazine étaient vraiment utiles pour pouvoir supporter les talents émergents et la mode alternative, donc peut-être les marques un peu plus indépendantes qui ne sont pas soumises au calendrier de la mode ou aux normes et aux dictats du système de la mode. et surtout c'était intéressant parce que ça me permettait d'aller voir dans des endroits qui n'étaient pas forcément considérés comme fashionable. Donc c'était très important pour moi de démocratiser la mode et de dire que la mode n'était pas une question de ville ni une question de pays, mais qu'elle se développait de manière différente dans différents contextes et différentes cultures. Donc au terme de ça, avec les recherches et les interactions que j'ai pu avoir avec les créatifs, les designers, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un besoin de guidance et de support pour ces personnes qui n'étaient pas forcément dans le champ de la mode dominante. Donc, j'ai commencé à me dire que je pouvais faire plus du consulting, parce que je pouvais en fait allier la recherche avec la stratégie. donc ce qui est intéressant dans toute cette approche c'est de pouvoir avoir avoir la dimension recherche, donc pouvoir interroger leur audience potentielle, pouvoir faire de la recherche visuelle, pouvoir faire de la recherche culturelle, sociale, ethnographique, sémiotique, etc. et ensuite le transformer en recommandations. Et de ces recommandations, faire ensuite des stratégies actionnables, donc travailler avec eux sur que ça soit leur collection, l'émergence de leurs marques, la diffusion de leurs messages auprès des audiences ciblées, la promotion sur des plateformes qui correspondent également à leurs audiences, etc. De plus en plus, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment une pertinence à pouvoir accompagner les marques du début jusqu'à la fin en leur recommandant de commencer par la recherche. Parce que pour moi, même si la création visuelle est totalement différente, je pense qu'elle s'inspire beaucoup de la recherche, qu'elle soit insight, textuelle, mais également visuelle. pour ensuite la transformer en concept viable et tangible pour les marques.

  • Ramata

    Très bien, super intéressant. Aujourd'hui, c'est un profil multi-passettes, mais en même temps, ça reste quand même concentré dans le secteur de la mode. Tu parles beaucoup de cette notion que tu avais dès le départ pendant tes études de décolonisation, de déconstruction, d'un petit peu… de certains messages mainstream qui sont un peu toujours les mêmes et qui font parfois quand on va balayer différents magazines, balayer les pages de différents magazines, on va un peu avoir l'impression de voir tout le temps la même chose. Toi, comment est-ce que c'est venu au départ cette volonté d'être dans cette logique de décolonisation des constructions ? Est-ce que c'est à force de voir des magazines qui présentaient toujours la même chose, de dire « moi, j'ai envie » . Je pense qu'il y a tout un autre plein d'autres univers qui ne sont pas explorés, je trouve ça dommage. Est-ce que tu as toujours eu ça ou est-ce que c'est quelqu'un qui t'a sensibilisé à ces questions-là,

  • Koura-Rosy

    à ce sujet-là ? Alors non, j'ai toujours eu ça, mais en fait, je ne l'avais pas vraiment conscientisé. Donc, le problème, c'est que quand on est racisé ou noir, je vais dire, en France, qu'on vient de parents descendants africains ou caribéens, parce que moi, je suis à moitié guadeloupéenne et à moitié sénégalaise. Lorsque je feuilletais les magazines, je n'avais aucune représentation, donc c'était très difficile pour moi de me projeter. Et en fait, je me suis rendue compte que ce n'était pas immédiat. J'ai beaucoup essayé de fitter dans les standards. J'étais très complexée, j'étais très aliénée. J'ai eu des traumas vis-à-vis de la mode parce qu'il y avait ce problème de représentation. Et lorsqu'on était représentée, au final, c'était... d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ou ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc du coup, en fait, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations... après moi ou alors moi ou nos générations ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire pourquoi je ne suis pas représentée, pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière, ou ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes, et ce n'est pas du tout diversifié, c'est vraiment orienté et curate selon un goût européen. Et du coup, en fait, progressivement, je me suis rendue compte que déjà ça c'était lié à un plus grand problème, ce n'était pas que la mode, c'était lié à un plus grand problème social, donc lié à la colonisation et au néocolonialisme qui est présent aujourd'hui. Et du coup, progressivement, je me suis rabattue sur ces questions de la représentation, de l'esthétique, de l'oppression des minorités, des personnes racisées dans le secteur de la mode. et de juste pouvoir laisser place à un discours qui était véhiculé par les personnes concernées, mais pas véhiculé par d'autres personnes parce que le problème est qu'on a souvent des personnes hors de cette communauté qui parlent pour nous. Donc pour moi, c'était vraiment un problème. Et j'ai voulu vraiment dépasser ces mécanismes qui étaient normalisés dans le secteur de la mode pendant un très long moment et qui le sont encore aujourd'hui. On n'est pas sortis de l'auberge. Je veux dire, le changement systémique est encore pas loin. Il est en train d'être fait, mais il a encore besoin d'être vraiment investi. Il a besoin d'être encore... Juste... Comment je pourrais dire ? On a besoin encore de travailler pour un changement systémique profond. Donc, vraiment, ça a été vraiment progressif d'après mon expérience. J'ai pu aussi... J'ai eu l'occasion, comme je te disais, de... de partir au Sénégal et d'y vivre. Donc, je me suis rendue compte qu'en fait, on nous mentait totalement sur nos cultures, ce qui m'a permis vraiment, moi-même, de déconstruire mes biais. Parce que la diaspora aussi a des biais. Le fait qu'on soit nés sur le territoire européen et qu'on ait internalisé beaucoup de choses nous place également dans une catégorie différente que des personnes qui sont nées sur le territoire africain qui ont en eux... une certaine perception que nous, nous n'avons pas et des priorités que nous n'avons pas, etc. Donc, il y a eu tout un travail que j'ai dû faire également de décolonisation de ma psyché lorsque je suis arrivée au Sénégal pour ne pas être problématique face aux populations locales. Donc, oui, ça s'est fait vraiment de manière progressive. Ce n'est pas forcément une personne. Je dirais que c'est vraiment mes origines qui m'ont guidée jusqu'à présent. Et le fait vraiment que je voulais, en fait... pouvoir participer à ce mouvement de représentation plus juste et également que les générations d'après n'aient pas à subir ce que nous, on a vécu avec ce racisme systémique et ces représentations totalement erronées de nos communautés.

  • Ramata

    Très bien. Alors, il y a des points sur lesquels j'ai envie de rebondir avec toi. Est-ce que toi, tu peux donner peut-être des exemples de... Quand tu parles de représentations erronées ou de représentations qui ne nous correspondaient pas, est-ce que tu peux donner des exemples, soit des campagnes, soit peut-être des souvenirs que tu peux avoir de certains magazines ou de certains défilés ou autres qui t'ont particulièrement marqué en fait et qui sont un peu, je dirais pour toi aujourd'hui, le symbole de comment ça se passait avant et c'est déjà cette première question-là.

  • Koura-Rosy

    Ok, alors En termes, il y en a plein. Alors, je ne veux pas tout confondre parce que je sais que c'est quelque chose d'autre, mais que ça fait partie également du discours des coloniales. Tout ce qui est autour de l'appropriation culturelle, ça pour moi, ça a été un élément déclencheur parce que je me suis souvent vue voir l'utilisation des produits culturels africains de manière générale utilisés dans les collections sans crédit, sans rien. sans argent et bénéfices économiques reversés aux populations qui ont été l'inspiration de ces collections. Par exemple, Dior, avec leur collection avec Maria Grazia, je crois que c'était en croisière 2020 ou quelque chose comme ça, qui avait pris clairement des tissus et qui avait dit qu'elle s'était inspirée, mais sans vraiment donner de données. ou d'insights tangibles sur le reversement des profits faits par cette collection sur les communautés. Donc ça, pour moi, ça a été vraiment un problème. C'est-à-dire que les gens s'inspiraient vraiment beaucoup des cultures africaines, des tissus. Ça a commencé par les tissus et ensuite ne reversaient absolument rien aux communautés concernées. Donc ça, moi, la dimension financière, c'est quelque chose qui m'a vraiment intéressée, qui m'a vraiment motivée déjà pour... pour ce genre d'approche. Et puis, en termes de collection, bien évidemment, on a eu des choses comme Marc Jacobs avec les dreads qui étaient juste scandaleux. Il y avait eu... Il y a eu tellement de choses, des représentations avec des Noirs avec des signes d'esclaves. On a aussi le problème à une période où on éclaircissait les peaux des mannequins noirs. Maintenant, après, on est passé également à le fait qu'on les rendait plus foncés. Il y a eu tellement d'étapes, il y a eu tellement d'étapes de bafouement de notre communauté, d'exploitation des biens culturels de notre communauté, qu'en fait, je ne saurais même pas par où commencer. En tout cas, dans les magazines, que ça soit Vogue, que ça soit Elle, à un moment, il y avait Jalouse aussi, que je lisais énormément. Lorsqu'on était représentés, c'était vraiment selon des standards eurocentrés. quoi donc euh C'était vraiment une dimension très unilatérale de la représentation de la femme noire. Et puis, lorsqu'elle n'était pas dans cette dimension, on ne la calculait simplement pas, ou on disait qu'elle était sauvage. Je ne sais pas, il y avait tellement de... Il y avait cette espèce de symbolique autour de la femme noire et de l'homme... Je ne parle pas forcément de l'homme noir, parce que, pour le coup, j'ai l'impression qu'il a été moins... enfin pas moins bafouée, c'est pas ça, mais que ces dernières années, on lui a laissé plus de place que la femme noire. Mais que vraiment, en fait, les communautés noires, sans parler de genre, ont été vraiment, je dirais, exploitées. C'est-à-dire que les Américains disent souvent qu'ils adorent notre culture, mais qu'ils ne nous aiment pas, nous. Et je trouve que c'est très révélateur. C'est-à-dire qu'ils prennent beaucoup de choses qui... et qui émanent de nos cultures, mais sans nous prendre nous, en fait. Donc, sans nous mettre, nous inviter à la table, que ce soit dans les cohortes décisionnelles, etc. On a eu tout un moment aussi où on voyait énormément de mannequins noirs dans les publicités, les campagnes de mode. Mais lorsqu'on faisait un peu de recherche... On voyait que dans les organes décisionnels, dans les bureaux, etc., il n'y avait aucune diversité. Donc, c'était vraiment du tokenisme. Et il y en a tellement, même encore aujourd'hui, que c'est difficile pour moi de dire un seul exemple. Mais oui, je dirais qu'il y a eu Dior, il y a eu Marc Jacobs, il y a eu tous les magazines de Vogue, il y a eu Jalouse, il y a eu tellement de scandales, il y en a eu tellement que c'est difficile d'en citer un seul.

  • Ramata

    Très bien, mais déjà dans le CT3, c'est déjà beaucoup. Et à un moment donné, tu parles de tokenism, de token. Est-ce que tu peux expliciter ce concept qui n'est peut-être pas compris ou entendu par tous ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors le tokenism, c'est le fait de prendre une personne qui est faisant partie, donc je n'aime pas dire des minorités, mais des personnes de la communauté racisée, donc du groupe qui n'est pas dominant. de l'insérer dans un contexte du groupe dominant et de dire aux personnes qui ne sont pas du groupe dominant, regardez, on a pris l'un de vous, nous sommes vachement dans la diversité et l'inclusion. Alors que lorsqu'on fouille un peu, la diversité s'arrête vraiment en termes d'images, c'est-à-dire qu'elle ne traverse pas, comme je disais, les organes décisionnels dans les bureaux, dans les cohortes décisionnelles, que ce soit pour la Fédération de la mode de la couture, par exemple, en France, ou aussi FDA aux États-Unis, le British Fashion Council. En fait, lorsqu'on regarde les personnes qui travaillent dans ces organes, dans ces institutions, elles sont principalement blanches et du groupe dominant. Mais lorsqu'il s'agit de communiquer, par contre, sur ces... sur ces organes ou sur ces entreprises, ils vont toujours mettre en avant une personne avec soit des origines ou une personne noire, etc., comme si leur diversité s'arrêtait vraiment à l'image.

  • Ramata

    Très bien, je te remercie d'expliquer ce point un peu plus en détail, puisqu'on peut aborder des concepts qui peuvent être extrêmement bien compris par une partie de mon audience et pas forcément par une autre. Donc, quand on sent un engagement assez fort qui est né, je pense, de... En tout cas, tu l'as évoqué, je pense, tu l'as évoqué de vraiment ton histoire personnelle et de certaines batailles que tu as dû mener pour toi. Et à un moment donné, l'idée, c'est que tu t'en es quelque part servi pour te dire, moi, je vais aller vers des missions qui vont me permettre d'apporter des solutions, de proposer, de travailler sur la représentation de façon à ce que moi, ce que j'ai pu... souffrir en étant petite, en grandissant, ça n'arrive pas à d'autres. Aujourd'hui, est-ce que tu peux nous parler, évoquer des exemples, soit de campagne, soit de mission que tu as pu avoir, ou tu as le sentiment que sur la question de la décolonisation, déconstruction, ou ces notions de tokenisation, il y a eu un travail de fait où on intègre la diversité de manière qualitative et inclusive ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors est-ce que c'est plutôt par rapport à d'autres marques ou est-ce que je peux citer des exemples d'initiatives que moi j'ai faites ?

  • Ramata

    Le mieux, c'est que tu parles de toi, mais c'est comme tu veux.

  • Koura-Rosy

    Ok, allons-y. Alors, tout d'abord, je pense que les nouvelles générations, celles qui sont nées, je dirais, dans les années 90 et celles qui sont nées dans les années 2000, ont permis aussi de démocratiser en quelque sorte ce genre d'initiative, dans le sens où les nouvelles générations ne sont pas du tout désolées d'être noires, ni d'être racisées, ni d'être quoi que ce soit. Donc, en fait, elles vont s'imposer au système. en termes de d'initiatives. Moi, ce que j'ai fait, et là, c'était assez récemment, l'année dernière, durant la Biennale de Dakar, j'ai fait un talk, un panel discussion autour de la décolonisation des narratives dans le secteur de la mode. Et ce qui nous a permis de vraiment créer des espaces de discussion qui encouragent le changement social. structurelle, parce que moi, en fait, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le changement structurel, c'est que la structure bouge afin que chacun puisse naviguer la structure de manière équitable, sereine et saine. Donc, du coup, je pense que c'est très important pour nous et tout type de communauté non blanche de s'informer sur que ce soit les mécanismes, l'histoire et les solutions. Donc, en créant ce type d'événement, donc bien évidemment, c'est à Dakar, mais Merci. Pour moi, il est important de le faire directement sur le territoire parce que malheureusement, surtout dans les secteurs de la mode, nous prenons souvent en modèle de référence le modèle occidental, alors qu'il ne peut pas vraiment être appliqué dans des milieux tels que le Sénégal ou dans toute l'Afrique ou l'Afrique de l'Ouest. Donc, le but, c'était vraiment de pouvoir engager la discussion sur quels sont les fondements du secteur ou de la mode. hors du Western gaze, du European gaze, sans prendre en compte le modèle dominant autour de la mode. Donc, j'ai eu l'occasion d'inviter trois personnes. Il y avait Devyn Hurst, qui est une Américaine, mais qui a vécu et fait des ethnographies auprès des communautés, par exemple, qui récoltent le sel au nord du Sénégal. et leur rapport aux vêtements. Donc, le fait qu'ils utilisent des vêtements, par exemple, pour couvrir les table-celles, etc. Donc, c'était très intéressant. Elle fait des études très intéressantes sur les communautés qui utilisent les vêtements, mais pas forcément dans le cadre de la mode. On a eu Cher Kébé qui, lui, pour le coup, était vraiment dans le secteur de la mode pure et dure au Sénégal puisqu'il a une marque qui s'appelle Maison Kébé. Et on avait également Toby Onalubu qui est un artiste ghanéen qui travaille au Bénin et autour du Vaudou. Donc vraiment, c'était pour pouvoir mettre en concordance différentes pratiques, différents points de vue, différentes expertises, pour montrer à quel point toutes ces expertises et ces pratiques peuvent nous aider à redéfinir, de manière endogène, nos esthétiques et nos narratives autour de la mode et du milieu créatif de manière plus générale. Donc je dirais que c'est ce genre d'initiative, je pense que la création d'espaces de discussion est fondamentale pour un changement profond et structurel. Et je pense également qu'il faut qu'on ait un regard très critique sur nous-mêmes, surtout si on vient de la diaspora et qu'on souhaite faire des choses en Afrique. Je pense qu'il faut être conscient qu'on a, comme je disais, on a internalisé certains biais, donc il ne faut pas qu'on arrive comme des néocolons. en mode, ouais, la mode, c'est comme ça, c'est comme ça, c'est comme ça, vous devriez faire comme ça, comme ça, comme ça. Bien au contraire, je pense qu'il faut vraiment s'insérer dans le milieu et le contexte culturel et local, et ensuite essayer de naviguer ce contexte culturel et local en fonction des réalités, des valeurs, des approches, etc. Donc voilà, j'ai tant à faire de plus en plus d'événements comme ça. Pour moi, c'est très important qu'on ait des espèces de discussions. Notamment, c'est bien... Internet, c'est chouette et ça permet de diffuser l'information de manière très massive. Mais je pense que le physique et les expériences physiques sont très importantes pour nos communautés. Donc, il est important pour moi de les encourager.

  • Ramata

    Très bien. Moi, ce que je ferais, je partagerais les liens vers ta plateforme et vers également, j'imagine, tes réseaux sociaux. De toute façon, à ce que mon audience puisse être informée des différentes initiatives et des différents événements que tu peux... promouvoir et mettre en place. Et puis après, si c'est à Dakar, si c'est à Londres ou Paris, on saura où te trouver puisque moi, j'ai une communauté qui suit le podcast, qui est assez internationale avec une partie de la population que je salue, qui est à Paris, qui est à Dakar, qui est à Abidjan. Donc, c'est ça la force aussi du podcast, c'est qu'on peut toucher des gens à travers le monde. Donc, tu l'as évoqué plusieurs fois, tu as passé quatre ans au Sénégal et donc, nous avons pu travailler avec des marques sur place, avec des professionnels du secteur des industries culturelles et créatives. est-ce que tu peux du coup parler un petit peu de cette expérience-là, de ce volet-là et de ce que ça peut t'apporter aujourd'hui dans ton quotidien quand tu vas travailler pour WGSN ou tu vas travailler pour un magazine comment est-ce que ça te nourrit et comment est-ce que du coup ça t'enrichit par rapport à d'autres profils qui n'auraient pas ce background.

  • Koura-Rosy

    Ok, très intéressant. Alors, je continue à partager mon temps entre le Sénégal et la France. Idéalement, sincèrement, j'aimerais pouvoir naviguer entre les deux de manière super fluide. Mais je continue à vivre à moitié à Dakar. J'y étais il n'y a pas très longtemps, j'y vais assez souvent. Mais sincèrement, ça a changé ma vie. Je ne vais pas mentir. Comme je disais, quand on est niais en France, le truc, c'est qu'on intègre beaucoup le fait que l'Afrique, c'est pas bien, l'Afrique, c'est sauvage, l'Afrique, c'est le bantel, l'Afrique, c'est la misère, l'Afrique, la nina, là. Et donc, du coup, en fait, on a tendance à y croire, mais on sait, au fond de nous, que c'est un discours très colonial et qu'il faut pour nous, en tant que personnes de descendance africaine, de pouvoir le vivre par nous-mêmes. Donc, le fait d'y être allée, d'avoir vu les réalités, donc tout n'est pas parfait, bien évidemment, il y a des gros problèmes. Que ça soit économique, que ça soit au niveau de la santé, que ça soit au niveau de l'éducation, il y a des vrais problèmes et des choses à améliorer qui sont factuelles, c'est véridique. Mais cependant, moi, ça a changé ma vie parce que je me suis rendue compte qu'en fait, on n'était pas du tout obligé de vivre comme en Occident. C'était vraiment un modèle qui nous avait été appris, mais que ce modèle n'était déjà pas un pas universel, pas le meilleur. qui n'était pas le plus naturel également pour nous, parce que pour certains, nos parents ne sont pas nés sur le territoire français. Donc, ils sont venus ici pour des raisons bien spécifiques. Et donc, on a toujours su en nous, parce qu'on était nés dans des foyers pas forcément occidentaux, qu'il y avait autre chose. au-delà de la manière de vivre en Occident. Et je dois avouer que moi, quand je suis en France, je m'ennuie parfois beaucoup. C'est des réalités qui sont... Il y a beaucoup d'opportunités en France, je ne dis pas le contraire. Même en Europe, il y a beaucoup d'opportunités. Aux États-Unis, il y a beaucoup d'opportunités. C'est là où, je dirais, les principales...

  • Ramata

    Oui,

  • Koura-Rosy

    les entreprises sont ici. Cependant, la vie, j'ai l'impression d'avoir redécouvert... la vraie vie quand je suis allée en Afrique de l'Ouest et que j'ai pu voir les gens vivre de manière très humaine en communauté. Le sens de la communauté est totalement différent, donc ça fait du bien. Les gens vivent vraiment, que ce soit l'espace urbain, à l'extérieur, la dimension corporelle, la communication corporelle des gens que je trouve beaucoup plus naturelle également. parce qu'en Occident, j'ai l'impression qu'on est vraiment réprimé et contrôlé et que ça se voit aussi sur notre manière de bouger, notre communication non-verbale. Et en termes de travail, ce que ça m'a apporté, c'est que vraiment, ça m'a permis de dire à toutes ces entreprises, que ce soit WGSN ou d'autres entreprises avec qui j'ai pu travailler, de dire, écoutez, c'est bien de vouloir faire des choses sur le continent africain, mais en fait, il ne va pas falloir le faire de manière néocoloniale. Il va falloir venir avec une conscience que... ces personnes ont leur propre modèle, que vous n'essayez pas de les changer, que vous essayez au pire de les soutenir. Mais même ça, je trouve que c'est parfois encore très problématique. Mais que vous essayez à la limite de vous insérer dans le champ et les réalités locales, il n'y a pas de problème, mais d'imposer des modèles qui sont externes pour leur dire que ça, c'est mieux, etc. Ça, c'est hors de question. Donc, ça m'a permis vraiment d'introduire cette dimension de décolonisation auprès de ces entreprises, qu'elles veuillent l'entendre ou pas. Ça, moi, après, ça m'est un peu égale. Je ne vais pas forcément me vendre et leur faire plaisir pour alimenter le néocolonialisme. Ce n'est pas mon but dans la vie. Donc voilà, ça m'a permis de juste faire en sorte et de m'assurer que certaines personnes arrivent avec la bonne mentalité et pas avec cette mentalité néocoloniale. Et je pense à l'avenir, moi, il y a quelque chose que j'aimerais beaucoup faire à l'avenir, c'est en fait pouvoir participer à toute cette régulation et cette mouvance de policies, donc de manière plus légale et juridique pour protéger nos communautés, que ce soit au niveau de l'utilisation des patterns ou des tissus ou du textile ou des pratiques ou des approches qui sont typiquement... qui viennent du continent, de les réguler afin que les gens qui sont externes à ces communautés puissent à la limite les utiliser, mais dans un cadre légal bien spécifique. Moi, à terme, je pense que c'est quelque chose qui m'intéresse vraiment et je pense qui est vraiment lié à ma pratique de recherche. C'est, oui, développer des policiers qui peuvent protéger les communautés sur le continent et pouvoir être toujours dans l'échange, pourquoi pas, mais le respect le plus important et surtout pouvoir faire en sorte qu'il n'y ait pas de dégradation des biens culturels, pas de dégradation de l'environnement non plus, parce qu'on sait que... Avec la seconde main, on a un vrai problème. L'Occident, on voit beaucoup de seconde main en Afrique et malheureusement, ça pollue énormément. Et il n'y a pas que les vêtements, il y a aussi l'électronique, etc. Donc vraiment, si je peux à terme participer à cette régulation de manière légale ou à mon niveau, au niveau de la recherche, etc., je pense que c'est quelque chose qui me ferait vraiment plaisir et que ce serait vraiment un but, un accomplissement assez important, je pense.

  • Ramata

    Très intéressant. Est-ce qu'il y a des... Dans ce que tu dis, je me retrouve un petit peu dans... Moi, j'ai voyagé sur le continent assez tard dans ma vie par rapport à toi. Alors, moi, je suis de Rochelle-Guinéenne, mais le premier voyage que j'ai fait, pas accompagné par les parents, seul pour aller... Je l'ai appelé Africa Fashion Tour et ça a été un voyage d'un mois à travers quatre capitales. que j'ai appelé les capitales de la mode africaine. J'ai commencé par Conakry parce que je suis d'origine guinéenne. Ensuite, j'ai fait Abidjan, Accra et l'Écosse. Et c'est vrai que ça a complètement changé ma perspective sur l'Afrique, sur toutes les représentations que je pouvais avoir. Et même dans ma manière d'en parler, je fais attention parfois quand je parle d'Afrique à vraiment toujours ajouter le continent aux 54 pays, parce qu'à chaque fois, je me dis, le vocabulaire qu'on utilise, il est tellement réducteur par rapport à tout ce qu'il y a comme richesse créative sur place. Et du coup, j'entends dans ce que tu dis, ce que tu évoques, on a besoin d'avoir un autre storytelling, d'autres discours, avec d'autres visions. On a la vision de l'Occident, il est temps d'avoir d'autres voix qui racontent d'autres histoires, en fait. Et on va se rendre compte qu'elles sont opposées, qu'elles sont différentes. Mais en tout cas, on a besoin de multitude de points de vue et de perspectives pour pouvoir se faire sa propre idée. Et donc, j'aime beaucoup ta démarche et la façon de le décrire. Et je pense que parfois, quand tu es en Occident, tu dois avoir le mal du pays. Oui,

  • Koura-Rosy

    tellement. Non,

  • Ramata

    mais quand tu y vas, après, tu ne peux plus, en fait. Au bout de trois mois ici, tu te dis, mais il faut que je prenne un billet, ce n'est pas possible.

  • Koura-Rosy

    Non. Et ça, vraiment, il n'y a que nous qui pouvons comprendre, en fait.

  • Ramata

    Que ceux qui font aller, parce qu'après, ce n'est pas un truc, je pense, que de... Je pense ceux qui sont allés et qui sont tombés amoureux là-bas. Oui,

  • Koura-Rosy

    vraiment. Après, tellement il y a de bonheur sur place, tu ne peux pas rester ici sans ressentir un vrai manque. Exact. Mais c'est que la vie ici, elle est trop cadrée. Elle est plus naturelle, elle est trop organisée. Tandis que j'ai l'impression d'avoir redécouvert ce que c'était de vivre. que ça soit le sens de la communauté, comme je te disais, le rapport que tu as à ton corps lorsque tu es là-bas. Les cheveux, n'en parlons pas. Les cheveux, je crois que ça a été ma plus grande révélation, le fait qu'on n'avait pas du tout un cadre pour prendre soin de nos cheveux en Occident. C'est un cas de verre. Alors peut-être que les Américains en ont un peu plus parce que les Afro-Américains ont vraiment créé leur communauté à eux propres. Mais en France, c'est une catastrophe. Si tu n'es surtout pas née à Paris, parce que moi, je ne suis pas née à Paris, ... les opportunités pour les cheveux, c'est une horreur. C'est un enfer. Ça me stresse, moi, encore aujourd'hui. Et tu as totalement raison. Le champ lexical est très important. C'est pour ça que je précise tout le temps l'Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Ouest ou continent africain. Pour moi, c'est des terminologies qui sont importantes à distinguer parce qu'en effet, on a souvent cette narrative de l'Afrique, le pays, comme si c'était un bloc monolithique, alors que c'est tellement divers et varié. qu'il serait impossible pour nous de... On a des similarités, bien évidemment, parce qu'on est sur le même continent, mais c'est impossible de dresser un profil commun d'un Africain, ça ne veut strictement rien dire. Non,

  • Ramata

    mais après, moi, je... Et puis ça, en fait, on va dire les Occidentaux ou les Européens, ils arrivent à le comprendre quand on leur dit qu'on est bien d'accord qu'un Suédois et un Portugais, ça n'a rien à voir. Donc, quand on ramène... En fait, tout le monde est capable de le comprendre, mais c'est vrai que... Et c'est là qu'on... Donc, ils se rendent compte qu'ils parlent d'Europe, certes, mais pas tant que ça. Ou pas avec la même facilité avec laquelle ils vont parler d'Afrique. Ils vont beaucoup moins dire Europe qu'ils vont dire Afrique pour désigner, dans des situations vraiment à des contextes très précis, ils mettront les noms des quatre pays dont ils veulent parler. Ils vont parler de l'Europe côté méditerranéen ou les pays du Nord. Et on sait qui est-ce qu'on désigne, mais on ne dit pas Europe à tout bout de champ, comme si ça regroupait, comme si ça… tout le monde se ressemblait et se connaissait. Pour l'Afrique, c'est encore plus fort les différences qu'il peut y avoir. C'est important. Ce sont des différences qui font la richesse du continent. C'est des choses dont il est important de s'emparer. écoute pour conclure toi ce que tu dis c'est que tu fais beaucoup d'aller-retour entre entre je m'imagine Dakar et Paris pour quelqu'un qui s'intéresse à la mode et qui prépare un voyage à Dakar qu'est-ce que tu nous conseilles quels sont les endroits alors qui s'intéresse à la mode à la culture quels sont les endroits où toi si tu dois nous donner un peu the place to be in Dakar où est-ce qu'il faut aller ah

  • Koura-Rosy

    Il y en a tellement, mais je dirais que s'il s'intéresse à la mode, déjà au niveau de la consommation, je lui dirais déjà d'expérimenter les marchés. Parce que contrairement à l'Occident, comme d'habitude, on n'a pas de... En fait, tout est beaucoup plus informel, comme tu le sais. Donc du coup, les marchés, c'est vraiment une expérience sociale qui pour moi est très importante dans l'expérience en Afrique de l'Ouest, parce qu'elle permet à la fois de comprendre comment les gens s'habillent, comment ils consomment des habits, comment l'impact des déchets textiles va impacter les communautés locales, et aussi toute l'expérience sociale, donc d'être dans les marchés, être avec les gens, les marchands, les gens qui crient. C'est toute une expérience, une ambiance, que ce soit l'expérience sonore, sensorielle, auditive, bref. Je recommanderais quand même d'aller dans des marchés, que ce soit Gueule Tapée, Marché Colobane, Saldaga. Après, il y a des collectifs qui font des ateliers de poterie, qui sont aussi sous une association pour les personnes handicapées. C'est au Mamel, à Wacam, c'est très intéressant, parce que ça permet de faire de la poterie et de donner de l'argent à une association. Il y a aussi le Ban Café qui est... un peu plus formel, mais qui est très intéressant également. Il y a des collectifs comme Doucement, qui donnent des cours, par exemple, de DJing, qui est très intéressant. Bien évidemment, il y a la Ro Compagnie, qui avait été créée par Koyo Péasounam, qui est un espace superbe. Je crois que c'est l'un de mes espaces préférés à Dakar, parce qu'il y a une bibliothèque très exhaustive. Les expositions sont très intéressantes, la team est superbe également. Et puis, il y a vraiment beaucoup de choses. Il y a des centres culturels un peu plus réservés à une population expatriée, mais qui sont quand même intéressants d'aller voir. C'est Espaces Tram. Qu'est-ce qu'on a d'autre ? On a le musée des civilisations africaines, des civilisations noires. Et puis aussi sortir un peu de Dakar, pourquoi pas aller visiter aussi Saint-Louis, c'est une très intéressante ville, c'est l'ancienne capitale coloniale bien évidemment, mais l'ambiance est totalement différente, l'architecture est totalement différente, le chemin vers Saint-Louis est génial. Donc voilà, qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Je réfléchis, je réfléchis, mais principalement, sincèrement, je pense que de toute façon, à Dakar, le monde créatif est quand même... BÊT C'est grand, mais ce n'est pas à l'échelle des grandes... Ça ne s'organise pas de la même façon qu'en Occident. Ce sont des secteurs qui sont encore très... Je dirais pas nouveaux, mais les gens investissent de plus en plus leur effort dans ces milieux créatifs. De plus en plus, la jeunesse se mobilise dans ces milieux créatifs, ce qui n'était pas forcément le cas avant. Après, à la personne, je lui dirais par exemple d'aller aussi au marché artisanal vers Sunbejun. C'est très intéressant. Il y a beaucoup de choses à boire. Sunbejun aussi, qui est le marché aux poissons, c'est très intéressant. Oui, c'est principalement ça que j'ai en top of mind. Ben écoute, c'est déjà pas mal, super. Moi, il y a pas mal de choses que j'ai déjà fait de la carte plusieurs fois, mais je n'ai pas encore fait toute la liste de ce que tu suggères là. Donc, du coup, moi, ça me fait ma petite liste pour mon prochain voyage. Ben écoute, on arrive à la fin de cette interview. Moi, j'ai été ravie de pouvoir échanger avec toi et d'avoir en fait un petit peu ton point de vue qui part de ton histoire et de la manière dont ça a pu te guider sur l'évolution de ta carrière. dans le milieu créatif et ta volonté d'être engagée dans ce que tu crées, dans ce que tu veux proposer et un petit peu de challenger des idées reçues et des institutions, qu'il s'agisse des médias ou des cabinets de tendance. C'est vrai qu'ils ne font pas forcément la part belle à la représentation de la diversité. Et toi, en travaillant de l'intérieur, tu peux ouvrir des portes campagne après campagne, édito après édito, initiative après initiative. Et c'est comme ça que les choses vont bouger Petit à petit, mais il faut des gens dans l'intérieur de ces cercles qui soient conscients de ces sujets-là pour pouvoir faire bouger les lignes. Donc, pour ça, merci et bravo, j'ai envie de dire. Merci, c'est très gentil. Et puis, ton travail également est important. Diffuser les histoires qui ne sont pas dominantes, c'est super important. On a besoin de... Ça crée aussi des archives pour le futur. Donc, je trouve que c'est un travail... ethnographique, digital, très important. Je trouve ça fantastique que tu puisses interviewer des gens de la diaspora comme du continent et également c'est une approche assez très sociologique également que je trouve très pertinente dans le champ actuel.

  • Ramata

    C'était exactement, merci beaucoup, c'est exactement le chemin que j'ai pris quand j'ai lancé ce média, c'était l'information à laquelle je n'ai pas accès facilement je vais la rendre accessible à d'autres qui pourraient un jour se poser les mêmes questions que moi. Et j'avais envie de le faire d'une manière qui soit gratuite pour diffuser le plus possible cette parole-là qui est encore aujourd'hui invisibilisée. Et après, moi, chaque jour, quand je vois l'audience du podcast qui monte, je me dis que ce n'est pas un sujet de niche, en fait, pas du tout. ça peut être peut avoir l'air d'être un sujet de niche quand on se place d'un point de vue occidental en fait, mais si on se place d'un point de vue afrique-francophone, c'est pas du tout un sujet de niche et donc moi, petit à petit, je vois l'audience monter et je me dis, voilà, c'est un travail de fourmi mais il n'y a pas de raison que ça ne paye pas, il faut aller à ces sujets-là en étant déterminé et serein dans le fait que ces sujets-là et sinon, et sinon. je ne vais pas dire porteurs, mais ils sont importants en tout cas.

  • Koura-Rosy

    Totalement, ils sont fondateurs en tout cas. Ça, c'est clair.

  • Ramata

    Écoute, moi, j'étais ravie de cet échange. Je te dis à très vite à Dakar, Voyeur.

  • Koura-Rosy

    Oui, à très vite et merci beaucoup, Ramata.

  • Ramata

    Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite, en Afrique ou ailleurs.

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Description

Peut-on déconstruire les clichés du secteur de la mode et imposer une nouvelle narration pour la créativité africaine ? Koura Rosy Kane nous montre la voie.


Koura Rosy Kane, strategist et fashion consultante, fondatrice de l'agence Platform. Freelance, elle travaille pour des cabinets de tendances telles que WGSN ou The Future Laboratory.


Dans une industrie souvent enfermée dans des stéréotypes, Koura Rosy s'engage à briser les codes et à imposer une vision plus authentique. Elle nous offre une masterclasse inédite sur cette transformation cruciale dans le nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour.


Loin des sentiers battus, son parcours atypique l'a menée des cabinets de tendance internationaux aux scènes créatives d'Afrique de l'Ouest. Là, elle affine son regard ethnographique, cultivant une expertise unique en "Fashion and Cultural Studies".


À travers son agence Platform, elle amplifie les voix alternatives. Elle prouve que la mode se réinvente partout, hors du "Western gaze" et du "European gaze". Elle accompagne les marques indépendantes, de la recherche culturelle à la stratégie marketing.


Koura Rosy dénonce la "censure" et le "lissage" des corps noirs. Elle expose le "tokenisme" et l'appropriation culturelle, plaidant pour un "changement systémique profond". Son engagement est personnel : elle veut que les futures générations ne subissent plus l'absence de représentation.


Son expérience au Sénégal fut une révélation, lui inspirant des "espaces de discussion" physiques, comme à la Biennale de Dakar. Elle y invite des experts pour redéfinir les esthétiques endogènes. À terme, elle aspire à protéger légalement les biens culturels africains. Son but est d'assurer respect et juste rétribution, évitant toute dégradation.


Koura Rosy Kane incarne cette génération de professionnels qui transforment l'industrie. Son travail est essentiel pour une mode plus inclusive, faisant bouger les lignes pas à pas.


Le lien pour écouter cette masterclass inédite est disponible en commentaire !


Pour aller plus loin, voici le lien vers le site et le compte instagram de Koura-Rosy Kane


Africa Fashion Tour poursuit chaque semaine l'exploration des industries culturelles et créatives africaines avec des interviews d'entrepreneurs passionnés qui s'interrogent sur les questions de diversité et de représentation. Chacun des invités du podcast est passé du questionnement à l'action pour proposer des solutions concrètes, des business model vertueux pour promouvoir l'Afrique à travers les soft power.


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A très vite en Afrique ou ailleurs


Ramata Diallo 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Koura-Rosy

    Lorsqu'on était représentée, au final, c'était d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc, du coup, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, Je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations après moi, ou alors moi ou nos générations, ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire « pourquoi je ne suis pas représentée ? » « Pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière ? » « Ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes ? »

  • Ramata

    Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec... Moi, à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain, je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité. trop souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai assisté à ma première Fashion Week en Afrique et depuis, je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine.

  • Aujourd'hui, je suis en compagnie de Koura Rosi Khan. Koura Rosi est consultante spécialisée dans le secteur de la mode. Elle a notamment travaillé pour des cabinets de tendance et des magazines tels que WGSN ou Days Magazine. Elle est également fondatrice de l'agence Platform. Elle s'intéresse particulièrement aux Fashion et Cultural Studies et à la mode africaine. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son travail et de son parcours. Bienvenue Koura Rosi, comment vas-tu ?

  • Koura-Rosy

    Merci Ramata, bonjour et oui je vais bien et toi ?

  • Écoute Sana très bien, je suis ravie de te retrouver pour ce nouvel épisode du podcast Africain Fashion Tour. On va démarrer comme je le fais toujours, je vais te demander de te présenter.

  • Koura-Rosy

    D'accord, alors merci d'avoir pris le temps pour ce podcast, je suis ravie d'être ici aussi. Alors comme tu l'as dit, je suis à la fois créative stratégiste et consultante dans le secteur de la mode. Donc, j'ai pu travailler avec différentes agences, mais principalement au UK et à Amsterdam. J'ai donc cette activité en freelance. Et à côté de ça, j'ai du coup Platform, qui est une agence qui est focalisée sur les talents émergents et la molle alternative, qui a pour but vraiment de donner une voie et une place. à une narration et à des discours qui sont à l'encontre du discours dominant dans le secteur de la mode.

  • Très bien, merci beaucoup. Écoute, ça va être super intéressant qu'on échange ensemble, puisque moi, je suis vraiment sur ce sujet-là avec Africa Fashion Tour, ce principe de proposer une voie alternative et de mettre en avant des profils, des sujets qu'on n'a pas l'habitude de voir ou d'étudier dans les médias mainstream. Dans un premier temps, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est quel a été ton parcours en termes d'études et tes premiers jobs avant d'avoir cette activité de freelance et de fondatrice de ton agence plateforme ?

  • Koura-Rosy

    OK. Alors, ce qui est marrant, c'est qu'en soi, depuis le début, je fais du freelance. Et depuis le début, j'ai plateforme, depuis la dernière année de mes études, je dirais. Mais en gros, j'ai fait... Un double diplôme, donc j'ai fait cinq ans un master en communication avec une spécialisation en communication digitale. Et ensuite, je suis partie en bachelor de sociologie pour pouvoir commencer à intégrer en fait de la psychosocialité en activité. Et dès la fin de mes études, donc un an avant la fin de mes études, j'ai commencé plateforme. Donc ça fait déjà depuis 2018. Et à la base, c'était vraiment qu'un magazine où je mettais en avant les marques émergentes, surtout à Londres. Et je n'avais pas forcément de spécialisation encore en Afrique, parce que cette spécialisation s'est faite aussi à travers mon propre parcours personnel. Donc, j'ai débuté Plateforme vraiment avec l'intention de mettre en place un espace pour promouvoir d'autres manières et d'autres approches et d'autres visions de faire de la mode. Ça a inclus l'Afrique, mais ce n'était pas forcément focus que sur l'Afrique. Ça a inclus pas mal la diaspora, notamment. Et du coup, à l'issue de mes études, donc à l'issue du master ainsi que du bachelor en sociologie, j'ai directement commencé mon activité en freelance. J'ai travaillé pour des boîtes telles que WGSN. J'ai également beaucoup travaillé avec une futuriste basée à Londres qui s'appelle Géraldine Wary, qui m'a donné pas mal d'opportunités afin de commencer à poser les premières pierres de mon expertise, notamment avec celle de l'Afrique. J'ai écrit pas mal d'articles pour elle, également pour des magazines comme Metal Magazine. Il y avait également d'autres magazines qui étaient principalement à Londres. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de rentrer dans un programme de mentorship à WGSN qui s'appelait les Future Makers pendant le Covid. Ça m'a donné l'opportunité d'approfondir tout ce qui était compétences autour du trend forecasting, research, foresight. sémiotique, ethnographie, etc. Et à l'issue de ce mentorship qui a duré un an, ça m'a permis de postuler à des opportunités un peu plus dans le milieu de la recherche, du consulting, donc j'ai travaillé avec The Future Laboratory, j'ai travaillé avec Onboard, toutes ces agences de tendance qui sont focus vraiment sur le... qui sont basées sur la recherche pour dessiner des futurs potentiels. Et au bout d'un moment, lorsque le Covid a commencé à toucher l'Europe, j'ai décidé de partir au Sénégal. J'ai habité au Sénégal pendant plus de quatre ans. Et là, maintenant, je fais les allers-retours entre le Sénégal et la France. Et cela m'a permis vraiment de pouvoir faire ce qu'on appelle de l'étude ethnographique, donc d'aller directement sur le terrain pour étudier les milieux créatifs, comment ils s'organisent, les valeurs qui sont promues dans ces milieux, quels sont les mécanismes, quels sont les événements, quels sont les acteurs de cette industrie également. Et ça m'a ouvert également la porte sur les milieux créatifs d'Afrique de l'Ouest et puis ensuite de l'Afrique de manière plus générale. Donc, je dirais que mon focus sur African Studies et Cultural Studies s'est vraiment fait au cours, au fil de mon évolution personnelle également.

  • Très bien, super intéressant. Cette première introduction, elle me donne plein de pistes pour pouvoir échanger plus en détail avec toi. Donc, à un moment donné, tu as parlé de la première mission que tu as pu avoir chez WGSN ou chez de futurs laboratoriaux. Donc moi, je suis dans le secteur de la mode, je vois tout à fait de quoi il s'agit. Mais je pense que tu peux prendre le temps pour expliquer en fait ce que sont ces cabinets de tendance et comment ils travaillent afin qu'on puisse mieux comprendre en fait, toi, quelle était ta mission au sein de ces entreprises.

  • Koura-Rosy

    Oui, bien sûr. Alors, ces cabinets de tendance, leur objectif, c'est de recommander et de conseiller des grandes marques en général, des grandes institutions sur l'avenir et les changements qui sont prévus ou anticipés dans l'avenir. Donc, mon rôle, en fait, c'était vraiment de démarrer ce qu'on appelle une « desk research » , qui venait avec un brief. Donc, certaines marques avaient besoin, je ne sais pas, par exemple, de s'implémenter sur un certain territoire, notamment les territoires africains. ou alors pouvoir parler à une audience auxquelles ils n'avaient pas accès jusqu'ici. Et donc, notre mission et ma mission, c'était de faire des tests cuissages, de pouvoir dresser des profils de consommateurs, de pouvoir également dresser la liste des macro-trends qui vont ensuite impacter le secteur en question ou les populations en question, et de ces recherches en déduire des recommandations afin que les marques puissent prendre des décisions stratégiques. Notamment après le Covid, sachant que les marques étaient vraiment perdues en termes de stratégie et d'orientation stratégique, ce genre d'agence et ce genre de pratique a été beaucoup plus investi et important parce qu'il était très difficile pour les marques d'anticiper sur l'avenir. Ils n'avaient pas du tout les données ni les insights nécessaires. Donc, ils faisaient beaucoup appel à des agences de tendance. pour pouvoir ensuite prendre les décisions stratégiques, que ce soit pour le marketing ou pour le développement sur un marché ou un territoire sur lequel ils n'étaient pas. Donc, mon rôle était vraiment de faire les rapports, donc de commencer par la desk research, d'établir les macro-trends, de dresser les profils de consommateurs et ensuite de pouvoir en déduire des... des recommandations stratégiques afin qu'ils puissent les utiliser pour leur propre stratégie marketing de communication.

  • Très bien. Merci d'avoir précisé ce point. Donc, toi, tu t'es intéressée à la mode dans le côté recherche de tendance, explication, un petit peu de mouvement de fond pour pouvoir aider les marques à créer leur collection. Est-ce qu'à un moment donné, toi, tu as eu envie de créer ta propre marque ?

  • Koura-Rosy

    Alors, non, je ne pense pas. En fait, j'aime beaucoup le design, mais je n'ai jamais eu cet attrait massif pour devenir designer. J'ai cependant une boutique de secondement à Dakar. Donc, c'est la vente et revente d'habits déjà utilisés qui sont souvent des marques. c'est des marques assez connues mais j'ai jamais eu pour l'instant, l'envie de faire du fashion design. Après, j'ai vraiment toujours été attirée par la dimension culturelle et sociale de la mode. Pour moi, c'est vraiment quelque chose qui m'a directement attirée dès le départ. Je n'ai jamais vraiment été sur la narrative de la mode, ce qui est in, ce qui est out, ce qu'on doit porter, ce qu'on ne doit pas porter, etc. Ce n'était pas ce genre de tendance qui m'attirait. C'était vraiment de comprendre sociologiquement Merci. et culturellement en quoi la mode avait un rôle dans la société, en quoi elle influençait, ce qu'elle pouvait faire, ce qu'elle engendrait, ce qu'elle signifiait pour les personnes de la société. Également, elle a cette fonction de nous relater un peu les faits historiques. Lorsqu'on regarde la mode à une certaine époque, ça nous permet de nous plonger également dans le système de valeurs de cette époque. Donc, c'était... Vraiment cet aspect culturel et sociologique que j'aimais beaucoup dans la mode. Mais je ne ferme pas la porte au fashion design. Mais je pense que j'aurais évidemment besoin d'une équipe et de gens qui sont beaucoup plus experts et expérimentés et qualifiés pour pouvoir faire une collection de A à Z. Mais c'est vrai que j'interviens souvent sur les recommandations pour les collections de marques de plus en plus, pour les guider sur qu'est-ce qui... est possible de faire aujourd'hui en 2025 pour une nouvelle marque ou pour une nouvelle collection ?

  • Ramata

    Très bien, c'est toujours intéressant de poser ces questions-là. Après, peut-être que tu y viendras par la suite, on verra, et probablement en équipe, parce que les compétences qu'on n'a pas, l'idée, c'est de pouvoir s'associer avec des personnes qui les ont. Dans ton parcours, il y a cette partie d'émission auprès de cabinets de tendance, et puis il y a aussi du travail, je pense, un peu d'édito-mode avec des magazines, et notamment, tu viens de partager sur... LinkedIn que tu avais travaillé avec eBay Camara pour un édito pour le magazine Dazed. J'aurais bien aimé que tu nous parles aussi de ce volet-là de ton travail.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors ce volet-là s'est développé en parallèle, je dirais, de la recherche. Plus je recherchais, parce qu'il y a toute une dimension visuelle que je fais également dans la recherche, donc plus je recherchais de manière générale et plus j'avais cet attrait pour la création visuelle. Mais ça a vraiment... Donc, je commençais à faire des shootings de manière indépendante dès le départ. J'en ai fait à Dakar. J'en ai fait également à Londres, qui ont été publiés dans Tiff Magazine il y a très longtemps. Donc, ça a toujours fait partie de ma pratique. Mais c'est vrai que là, ces dernières années, j'ai observé vraiment un changement et une espèce de professionnalisation de cette pratique de styling, surtout. Et la première grosse expérience que j'ai eue, c'est d'être assistante de Georgia Pendlebury pour le film de Gabriel Moses l'année dernière, fait en collaboration avec Adidas et Pharrell, qui a été filmé à Dakar. et là j'étais en charge de la curation de tous les vêtements. Donc il a fallu que je cherche des vêtements de seconde main de partout à Dakar pour pouvoir... pour pouvoir habiller toutes les personnes du cast. Et récemment, oui, on a shooté le dernier... Parce que c'est sa dernière édito... Enfin, pas collectionnée, pardon, c'est sa dernière couverture de Dazed. Ibé Camara part de Dazed. Il est déjà parti. Donc, on a eu l'opportunité de faire un dernier édito, End of Era, à Dakar. Enfin, non, pas à Dakar, à Saint-Louis. Et là, par contre, c'était totalement un autre volet puisqu'il s'agissait vraiment de vêtements haute couture, voire ready to wear. Donc, c'était vraiment un autre, je dirais, pan de la mode. C'était moins sur le thrift et la seconde hand. C'était vraiment plus... Comme on voit dans les éditos en Europe, en réalité, il y avait vraiment beaucoup plus de marques auxquelles je n'avais pas forcément été confrontée auparavant. C'était super intéressant. Et j'ai également pu faire un édito où j'étais lead stylist à Dakar, toujours. pour Days, et là c'était plus concentré sur le streetwear et la jeunesse, donc voilà mais c'est vraiment dernièrement, cette dernière année plus, je dirais ça fait un ou deux ans où j'ai vraiment développé cette activité de stealing J'espère pouvoir aussi détendre également Creative Direction, c'est quelque chose qui me parle beaucoup parce que je trouve que la recherche alimente beaucoup ce genre de pratiques.

  • Ramata

    Très bien. Toi, j'ai l'impression que presque directement après tes études, tu n'es pas allée vers le salariat, que tout de suite, tu as été dans le freelance et travaillé sur des missions assez variées, variés, avec comment dire... des missions variées et puis dans des zones géographiques aussi variées. Tout de suite, ça n'a pas été « je vais trouver un job à la Défense et puis je ferai 9 to 5 » . Comment tu expliques ce choix-là que je trouve assez audacieux et qui ne va pas forcément dans le sens dans lequel, déjà, ce n'est pas vraiment français en termes de mentalité d'être comme ça. Et puis, ce n'est pas… quand on finit ses études ou autre, ce n'est pas vraiment le choix vers lequel on nous invite à aller. On a tendance à vouloir nous... Et c'est probablement pour nous protéger, que ce soit au niveau des écoles ou même dans notre famille. On va plutôt nous inviter à prendre un job safe, 9 to 5, et comme ça, tu seras en sécurité.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors, c'est très intéressant comme question. J'avoue, encore aujourd'hui, après avoir... J'ai fini mes études il y a peut-être plus de 7 ans. Et j'avoue que j'ai commencé directement, c'est vrai, en freelance. J'ai été un an, onze mois plus précisément, dans une agence à Amsterdam. Et même là, j'étais sous un contrat de freelance pour des questions administratives. Mais j'ai quand même pris le temps de déménager. C'était la plus longue relation avec une entreprise que j'ai eue. Mais en fait, mes études, durant mes études, moi, j'ai toujours été un peu la... La personne qui ne faisait jamais vraiment comme les autres, par exemple, on avait pas mal de stages, surtout en communication, et beaucoup faisaient des stages en France, et moi je ne voulais absolument pas rester en France, même si le corps de professeur me disait souvent « Non, pour pouvoir écrire ta thèse, il faudrait que tu restes ici, ça serait plus facile, etc. » Moi j'ai toujours challengé cette idée qu'on devait rester dans notre cadre pour pouvoir valider notre année. Donc j'ai directement dit à mon professeur que moi... peu importe ce qui se passe, je dirais à l'étranger pour les stages. Je fais mes études en France parce que je suis française en partie et qu'il était plus facile au niveau administratif de rester en France et que les études en France sont vachement plus abordables que dans d'autres pays. Donc, c'est pour ça que j'ai fait le choix de rester en France pour mes études. Mais en ce qui concerne les stages, je les ai toujours faits à l'étranger. Et je trouvais surtout, alors la France est en train de changer, mais lorsque j'ai fait mes études, c'était dans les années 2016, 2018, etc. On était quand même assez arriérés en termes professionnels. Donc, je trouvais que c'était vraiment important de pouvoir aller voir autre part, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. J'ai fait aussi des stages là-bas et au UK, où ils étaient beaucoup plus progressifs. Et surtout parce que le trend forecasting, le foresight, etc., c'était vraiment des disciplines qui étaient vachement... plus avancé là-bas. En France, c'était encore un peu une niche. Ça s'est développé récemment. Donc, c'est pour ça que j'ai décidé de faire mes études à l'étranger, principalement. Et puis, non pas que je juge les personnes sous le salariat. Je pense que c'est quelque chose qui est totalement normal. Mais ce n'était vraiment pas fait pour moi. Je ne suis vraiment pas une personne faite pour le salariat. Je l'ai compris très rapidement. Et malgré le fait que... Le freelance, c'est quelque chose de très difficile, même encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas constant. C'est beaucoup d'instabilité. Ça demande énormément de travail pour se faire des contacts, savoir qui contacter, avoir les opportunités, etc. C'est vraiment un challenge quotidien. Mais j'ai préféré faire ce choix et braver ces challenges plutôt qu'être dans une entreprise et être sous le salariat parce que ce n'était vraiment pas quelque chose qui correspondait à ma personnalité. Je n'arrive pas vraiment à m'investir dans le cadre du salariat. Je ne comprends pas trop le... Ce n'est pas que je ne comprends pas le but, mais je ne comprends pas le rôle individuel de chaque salarié. Je comprends que collectivement, on a un seul et même but, mais de manière individuelle, je n'arrive pas vraiment à me motiver pour le salariat. J'ai eu la chance de pouvoir continuer de freelance. Ce n'est pas une chose facile. J'ai eu quand même pas mal de support familial et ça, c'est totalement un privilège. J'en suis totalement consciente. Mais le... Le freelance était vraiment l'option, je pense, la plus adéquate pour mon caractère et ma personnalité et ce que je voulais faire, en fait. Et vu que j'avais aussi également un pan qui était autour de la décolonisation et déconstruction des systèmes autour du trend forecasting, du foresight, parce que je pense que c'est très important de pouvoir transporter ces disciplines dans des contextes qui ne sont pas forcément occidentaux, Vu que j'avais cette motivation, je n'avais pas vraiment le choix que d'être en indépendant pour développer des modèles et des mécanismes qui n'étaient pas forcément eurocentrés. C'est pour ça que j'ai continué en freelance, mais ça n'a vraiment pas été facile. J'ai voulu abandonner plusieurs fois, j'ai beaucoup été dans le doute, beaucoup été dans le stress financier, etc. Encore aujourd'hui. Mais aujourd'hui, pour rien au monde, par contre, je changerai cette position. J'aime beaucoup être en freelance et j'aime beaucoup avoir mes projets et les mener tel que je le veux.

  • Ramata

    Très bien. Je voulais en venir maintenant à, je l'appellerais ça, ta troisième activité, puisqu'on a évoqué le trend forecasting. On a évoqué également ton travail avec les éditomates pour des magazines. Tu es à l'origine de la création... d'abord d'un média et qui aujourd'hui est en train de se transformer en agence de conseil qui s'appelle Plateforme. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors Plateforme, je l'ai fait du coup dans ma dernière année d'études, comme je disais. Vraiment à la base, c'était vraiment basé sur de la curation et ça a bien pris parce que je trouve, je pense que les gens étaient prêts à avoir d'autres esthétiques et d'autres approches et visions de la mode à l'époque où je l'ai commencé. Et du coup, ça m'a menée vraiment dans des endroits très intéressants. J'ai pu interviewer beaucoup de marques qui n'étaient pas forcément alignées au discours dominant. J'ai fait des très belles rencontres de designers, très belles rencontres de créatifs. À un moment, il y avait beaucoup de créatifs et de designers avec qui je travaillais, qui étaient principalement à Londres parce que j'y vivais et que la mode à Londres était vraiment avant-gardiste avant que le Brexit arrive. Donc, c'était vraiment chouette. Le magazine, progressivement, s'est transformé. J'ai commencé à faire mes shootings. J'ai pu commencer à être de plus en plus dans la création de contenus, d'esthétiques et de visuels, au-delà des articles qui étaient écrits. Ensuite, de plus en plus, je me suis rendue compte que... L'expertise et les informations que je développais et que j'avais réussi à récolter au fil des années sous le pan du magazine étaient vraiment utiles pour pouvoir supporter les talents émergents et la mode alternative, donc peut-être les marques un peu plus indépendantes qui ne sont pas soumises au calendrier de la mode ou aux normes et aux dictats du système de la mode. et surtout c'était intéressant parce que ça me permettait d'aller voir dans des endroits qui n'étaient pas forcément considérés comme fashionable. Donc c'était très important pour moi de démocratiser la mode et de dire que la mode n'était pas une question de ville ni une question de pays, mais qu'elle se développait de manière différente dans différents contextes et différentes cultures. Donc au terme de ça, avec les recherches et les interactions que j'ai pu avoir avec les créatifs, les designers, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un besoin de guidance et de support pour ces personnes qui n'étaient pas forcément dans le champ de la mode dominante. Donc, j'ai commencé à me dire que je pouvais faire plus du consulting, parce que je pouvais en fait allier la recherche avec la stratégie. donc ce qui est intéressant dans toute cette approche c'est de pouvoir avoir avoir la dimension recherche, donc pouvoir interroger leur audience potentielle, pouvoir faire de la recherche visuelle, pouvoir faire de la recherche culturelle, sociale, ethnographique, sémiotique, etc. et ensuite le transformer en recommandations. Et de ces recommandations, faire ensuite des stratégies actionnables, donc travailler avec eux sur que ça soit leur collection, l'émergence de leurs marques, la diffusion de leurs messages auprès des audiences ciblées, la promotion sur des plateformes qui correspondent également à leurs audiences, etc. De plus en plus, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment une pertinence à pouvoir accompagner les marques du début jusqu'à la fin en leur recommandant de commencer par la recherche. Parce que pour moi, même si la création visuelle est totalement différente, je pense qu'elle s'inspire beaucoup de la recherche, qu'elle soit insight, textuelle, mais également visuelle. pour ensuite la transformer en concept viable et tangible pour les marques.

  • Ramata

    Très bien, super intéressant. Aujourd'hui, c'est un profil multi-passettes, mais en même temps, ça reste quand même concentré dans le secteur de la mode. Tu parles beaucoup de cette notion que tu avais dès le départ pendant tes études de décolonisation, de déconstruction, d'un petit peu… de certains messages mainstream qui sont un peu toujours les mêmes et qui font parfois quand on va balayer différents magazines, balayer les pages de différents magazines, on va un peu avoir l'impression de voir tout le temps la même chose. Toi, comment est-ce que c'est venu au départ cette volonté d'être dans cette logique de décolonisation des constructions ? Est-ce que c'est à force de voir des magazines qui présentaient toujours la même chose, de dire « moi, j'ai envie » . Je pense qu'il y a tout un autre plein d'autres univers qui ne sont pas explorés, je trouve ça dommage. Est-ce que tu as toujours eu ça ou est-ce que c'est quelqu'un qui t'a sensibilisé à ces questions-là,

  • Koura-Rosy

    à ce sujet-là ? Alors non, j'ai toujours eu ça, mais en fait, je ne l'avais pas vraiment conscientisé. Donc, le problème, c'est que quand on est racisé ou noir, je vais dire, en France, qu'on vient de parents descendants africains ou caribéens, parce que moi, je suis à moitié guadeloupéenne et à moitié sénégalaise. Lorsque je feuilletais les magazines, je n'avais aucune représentation, donc c'était très difficile pour moi de me projeter. Et en fait, je me suis rendue compte que ce n'était pas immédiat. J'ai beaucoup essayé de fitter dans les standards. J'étais très complexée, j'étais très aliénée. J'ai eu des traumas vis-à-vis de la mode parce qu'il y avait ce problème de représentation. Et lorsqu'on était représentée, au final, c'était... d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ou ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc du coup, en fait, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations... après moi ou alors moi ou nos générations ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire pourquoi je ne suis pas représentée, pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière, ou ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes, et ce n'est pas du tout diversifié, c'est vraiment orienté et curate selon un goût européen. Et du coup, en fait, progressivement, je me suis rendue compte que déjà ça c'était lié à un plus grand problème, ce n'était pas que la mode, c'était lié à un plus grand problème social, donc lié à la colonisation et au néocolonialisme qui est présent aujourd'hui. Et du coup, progressivement, je me suis rabattue sur ces questions de la représentation, de l'esthétique, de l'oppression des minorités, des personnes racisées dans le secteur de la mode. et de juste pouvoir laisser place à un discours qui était véhiculé par les personnes concernées, mais pas véhiculé par d'autres personnes parce que le problème est qu'on a souvent des personnes hors de cette communauté qui parlent pour nous. Donc pour moi, c'était vraiment un problème. Et j'ai voulu vraiment dépasser ces mécanismes qui étaient normalisés dans le secteur de la mode pendant un très long moment et qui le sont encore aujourd'hui. On n'est pas sortis de l'auberge. Je veux dire, le changement systémique est encore pas loin. Il est en train d'être fait, mais il a encore besoin d'être vraiment investi. Il a besoin d'être encore... Juste... Comment je pourrais dire ? On a besoin encore de travailler pour un changement systémique profond. Donc, vraiment, ça a été vraiment progressif d'après mon expérience. J'ai pu aussi... J'ai eu l'occasion, comme je te disais, de... de partir au Sénégal et d'y vivre. Donc, je me suis rendue compte qu'en fait, on nous mentait totalement sur nos cultures, ce qui m'a permis vraiment, moi-même, de déconstruire mes biais. Parce que la diaspora aussi a des biais. Le fait qu'on soit nés sur le territoire européen et qu'on ait internalisé beaucoup de choses nous place également dans une catégorie différente que des personnes qui sont nées sur le territoire africain qui ont en eux... une certaine perception que nous, nous n'avons pas et des priorités que nous n'avons pas, etc. Donc, il y a eu tout un travail que j'ai dû faire également de décolonisation de ma psyché lorsque je suis arrivée au Sénégal pour ne pas être problématique face aux populations locales. Donc, oui, ça s'est fait vraiment de manière progressive. Ce n'est pas forcément une personne. Je dirais que c'est vraiment mes origines qui m'ont guidée jusqu'à présent. Et le fait vraiment que je voulais, en fait... pouvoir participer à ce mouvement de représentation plus juste et également que les générations d'après n'aient pas à subir ce que nous, on a vécu avec ce racisme systémique et ces représentations totalement erronées de nos communautés.

  • Ramata

    Très bien. Alors, il y a des points sur lesquels j'ai envie de rebondir avec toi. Est-ce que toi, tu peux donner peut-être des exemples de... Quand tu parles de représentations erronées ou de représentations qui ne nous correspondaient pas, est-ce que tu peux donner des exemples, soit des campagnes, soit peut-être des souvenirs que tu peux avoir de certains magazines ou de certains défilés ou autres qui t'ont particulièrement marqué en fait et qui sont un peu, je dirais pour toi aujourd'hui, le symbole de comment ça se passait avant et c'est déjà cette première question-là.

  • Koura-Rosy

    Ok, alors En termes, il y en a plein. Alors, je ne veux pas tout confondre parce que je sais que c'est quelque chose d'autre, mais que ça fait partie également du discours des coloniales. Tout ce qui est autour de l'appropriation culturelle, ça pour moi, ça a été un élément déclencheur parce que je me suis souvent vue voir l'utilisation des produits culturels africains de manière générale utilisés dans les collections sans crédit, sans rien. sans argent et bénéfices économiques reversés aux populations qui ont été l'inspiration de ces collections. Par exemple, Dior, avec leur collection avec Maria Grazia, je crois que c'était en croisière 2020 ou quelque chose comme ça, qui avait pris clairement des tissus et qui avait dit qu'elle s'était inspirée, mais sans vraiment donner de données. ou d'insights tangibles sur le reversement des profits faits par cette collection sur les communautés. Donc ça, pour moi, ça a été vraiment un problème. C'est-à-dire que les gens s'inspiraient vraiment beaucoup des cultures africaines, des tissus. Ça a commencé par les tissus et ensuite ne reversaient absolument rien aux communautés concernées. Donc ça, moi, la dimension financière, c'est quelque chose qui m'a vraiment intéressée, qui m'a vraiment motivée déjà pour... pour ce genre d'approche. Et puis, en termes de collection, bien évidemment, on a eu des choses comme Marc Jacobs avec les dreads qui étaient juste scandaleux. Il y avait eu... Il y a eu tellement de choses, des représentations avec des Noirs avec des signes d'esclaves. On a aussi le problème à une période où on éclaircissait les peaux des mannequins noirs. Maintenant, après, on est passé également à le fait qu'on les rendait plus foncés. Il y a eu tellement d'étapes, il y a eu tellement d'étapes de bafouement de notre communauté, d'exploitation des biens culturels de notre communauté, qu'en fait, je ne saurais même pas par où commencer. En tout cas, dans les magazines, que ça soit Vogue, que ça soit Elle, à un moment, il y avait Jalouse aussi, que je lisais énormément. Lorsqu'on était représentés, c'était vraiment selon des standards eurocentrés. quoi donc euh C'était vraiment une dimension très unilatérale de la représentation de la femme noire. Et puis, lorsqu'elle n'était pas dans cette dimension, on ne la calculait simplement pas, ou on disait qu'elle était sauvage. Je ne sais pas, il y avait tellement de... Il y avait cette espèce de symbolique autour de la femme noire et de l'homme... Je ne parle pas forcément de l'homme noir, parce que, pour le coup, j'ai l'impression qu'il a été moins... enfin pas moins bafouée, c'est pas ça, mais que ces dernières années, on lui a laissé plus de place que la femme noire. Mais que vraiment, en fait, les communautés noires, sans parler de genre, ont été vraiment, je dirais, exploitées. C'est-à-dire que les Américains disent souvent qu'ils adorent notre culture, mais qu'ils ne nous aiment pas, nous. Et je trouve que c'est très révélateur. C'est-à-dire qu'ils prennent beaucoup de choses qui... et qui émanent de nos cultures, mais sans nous prendre nous, en fait. Donc, sans nous mettre, nous inviter à la table, que ce soit dans les cohortes décisionnelles, etc. On a eu tout un moment aussi où on voyait énormément de mannequins noirs dans les publicités, les campagnes de mode. Mais lorsqu'on faisait un peu de recherche... On voyait que dans les organes décisionnels, dans les bureaux, etc., il n'y avait aucune diversité. Donc, c'était vraiment du tokenisme. Et il y en a tellement, même encore aujourd'hui, que c'est difficile pour moi de dire un seul exemple. Mais oui, je dirais qu'il y a eu Dior, il y a eu Marc Jacobs, il y a eu tous les magazines de Vogue, il y a eu Jalouse, il y a eu tellement de scandales, il y en a eu tellement que c'est difficile d'en citer un seul.

  • Ramata

    Très bien, mais déjà dans le CT3, c'est déjà beaucoup. Et à un moment donné, tu parles de tokenism, de token. Est-ce que tu peux expliciter ce concept qui n'est peut-être pas compris ou entendu par tous ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors le tokenism, c'est le fait de prendre une personne qui est faisant partie, donc je n'aime pas dire des minorités, mais des personnes de la communauté racisée, donc du groupe qui n'est pas dominant. de l'insérer dans un contexte du groupe dominant et de dire aux personnes qui ne sont pas du groupe dominant, regardez, on a pris l'un de vous, nous sommes vachement dans la diversité et l'inclusion. Alors que lorsqu'on fouille un peu, la diversité s'arrête vraiment en termes d'images, c'est-à-dire qu'elle ne traverse pas, comme je disais, les organes décisionnels dans les bureaux, dans les cohortes décisionnelles, que ce soit pour la Fédération de la mode de la couture, par exemple, en France, ou aussi FDA aux États-Unis, le British Fashion Council. En fait, lorsqu'on regarde les personnes qui travaillent dans ces organes, dans ces institutions, elles sont principalement blanches et du groupe dominant. Mais lorsqu'il s'agit de communiquer, par contre, sur ces... sur ces organes ou sur ces entreprises, ils vont toujours mettre en avant une personne avec soit des origines ou une personne noire, etc., comme si leur diversité s'arrêtait vraiment à l'image.

  • Ramata

    Très bien, je te remercie d'expliquer ce point un peu plus en détail, puisqu'on peut aborder des concepts qui peuvent être extrêmement bien compris par une partie de mon audience et pas forcément par une autre. Donc, quand on sent un engagement assez fort qui est né, je pense, de... En tout cas, tu l'as évoqué, je pense, tu l'as évoqué de vraiment ton histoire personnelle et de certaines batailles que tu as dû mener pour toi. Et à un moment donné, l'idée, c'est que tu t'en es quelque part servi pour te dire, moi, je vais aller vers des missions qui vont me permettre d'apporter des solutions, de proposer, de travailler sur la représentation de façon à ce que moi, ce que j'ai pu... souffrir en étant petite, en grandissant, ça n'arrive pas à d'autres. Aujourd'hui, est-ce que tu peux nous parler, évoquer des exemples, soit de campagne, soit de mission que tu as pu avoir, ou tu as le sentiment que sur la question de la décolonisation, déconstruction, ou ces notions de tokenisation, il y a eu un travail de fait où on intègre la diversité de manière qualitative et inclusive ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors est-ce que c'est plutôt par rapport à d'autres marques ou est-ce que je peux citer des exemples d'initiatives que moi j'ai faites ?

  • Ramata

    Le mieux, c'est que tu parles de toi, mais c'est comme tu veux.

  • Koura-Rosy

    Ok, allons-y. Alors, tout d'abord, je pense que les nouvelles générations, celles qui sont nées, je dirais, dans les années 90 et celles qui sont nées dans les années 2000, ont permis aussi de démocratiser en quelque sorte ce genre d'initiative, dans le sens où les nouvelles générations ne sont pas du tout désolées d'être noires, ni d'être racisées, ni d'être quoi que ce soit. Donc, en fait, elles vont s'imposer au système. en termes de d'initiatives. Moi, ce que j'ai fait, et là, c'était assez récemment, l'année dernière, durant la Biennale de Dakar, j'ai fait un talk, un panel discussion autour de la décolonisation des narratives dans le secteur de la mode. Et ce qui nous a permis de vraiment créer des espaces de discussion qui encouragent le changement social. structurelle, parce que moi, en fait, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le changement structurel, c'est que la structure bouge afin que chacun puisse naviguer la structure de manière équitable, sereine et saine. Donc, du coup, je pense que c'est très important pour nous et tout type de communauté non blanche de s'informer sur que ce soit les mécanismes, l'histoire et les solutions. Donc, en créant ce type d'événement, donc bien évidemment, c'est à Dakar, mais Merci. Pour moi, il est important de le faire directement sur le territoire parce que malheureusement, surtout dans les secteurs de la mode, nous prenons souvent en modèle de référence le modèle occidental, alors qu'il ne peut pas vraiment être appliqué dans des milieux tels que le Sénégal ou dans toute l'Afrique ou l'Afrique de l'Ouest. Donc, le but, c'était vraiment de pouvoir engager la discussion sur quels sont les fondements du secteur ou de la mode. hors du Western gaze, du European gaze, sans prendre en compte le modèle dominant autour de la mode. Donc, j'ai eu l'occasion d'inviter trois personnes. Il y avait Devyn Hurst, qui est une Américaine, mais qui a vécu et fait des ethnographies auprès des communautés, par exemple, qui récoltent le sel au nord du Sénégal. et leur rapport aux vêtements. Donc, le fait qu'ils utilisent des vêtements, par exemple, pour couvrir les table-celles, etc. Donc, c'était très intéressant. Elle fait des études très intéressantes sur les communautés qui utilisent les vêtements, mais pas forcément dans le cadre de la mode. On a eu Cher Kébé qui, lui, pour le coup, était vraiment dans le secteur de la mode pure et dure au Sénégal puisqu'il a une marque qui s'appelle Maison Kébé. Et on avait également Toby Onalubu qui est un artiste ghanéen qui travaille au Bénin et autour du Vaudou. Donc vraiment, c'était pour pouvoir mettre en concordance différentes pratiques, différents points de vue, différentes expertises, pour montrer à quel point toutes ces expertises et ces pratiques peuvent nous aider à redéfinir, de manière endogène, nos esthétiques et nos narratives autour de la mode et du milieu créatif de manière plus générale. Donc je dirais que c'est ce genre d'initiative, je pense que la création d'espaces de discussion est fondamentale pour un changement profond et structurel. Et je pense également qu'il faut qu'on ait un regard très critique sur nous-mêmes, surtout si on vient de la diaspora et qu'on souhaite faire des choses en Afrique. Je pense qu'il faut être conscient qu'on a, comme je disais, on a internalisé certains biais, donc il ne faut pas qu'on arrive comme des néocolons. en mode, ouais, la mode, c'est comme ça, c'est comme ça, c'est comme ça, vous devriez faire comme ça, comme ça, comme ça. Bien au contraire, je pense qu'il faut vraiment s'insérer dans le milieu et le contexte culturel et local, et ensuite essayer de naviguer ce contexte culturel et local en fonction des réalités, des valeurs, des approches, etc. Donc voilà, j'ai tant à faire de plus en plus d'événements comme ça. Pour moi, c'est très important qu'on ait des espèces de discussions. Notamment, c'est bien... Internet, c'est chouette et ça permet de diffuser l'information de manière très massive. Mais je pense que le physique et les expériences physiques sont très importantes pour nos communautés. Donc, il est important pour moi de les encourager.

  • Ramata

    Très bien. Moi, ce que je ferais, je partagerais les liens vers ta plateforme et vers également, j'imagine, tes réseaux sociaux. De toute façon, à ce que mon audience puisse être informée des différentes initiatives et des différents événements que tu peux... promouvoir et mettre en place. Et puis après, si c'est à Dakar, si c'est à Londres ou Paris, on saura où te trouver puisque moi, j'ai une communauté qui suit le podcast, qui est assez internationale avec une partie de la population que je salue, qui est à Paris, qui est à Dakar, qui est à Abidjan. Donc, c'est ça la force aussi du podcast, c'est qu'on peut toucher des gens à travers le monde. Donc, tu l'as évoqué plusieurs fois, tu as passé quatre ans au Sénégal et donc, nous avons pu travailler avec des marques sur place, avec des professionnels du secteur des industries culturelles et créatives. est-ce que tu peux du coup parler un petit peu de cette expérience-là, de ce volet-là et de ce que ça peut t'apporter aujourd'hui dans ton quotidien quand tu vas travailler pour WGSN ou tu vas travailler pour un magazine comment est-ce que ça te nourrit et comment est-ce que du coup ça t'enrichit par rapport à d'autres profils qui n'auraient pas ce background.

  • Koura-Rosy

    Ok, très intéressant. Alors, je continue à partager mon temps entre le Sénégal et la France. Idéalement, sincèrement, j'aimerais pouvoir naviguer entre les deux de manière super fluide. Mais je continue à vivre à moitié à Dakar. J'y étais il n'y a pas très longtemps, j'y vais assez souvent. Mais sincèrement, ça a changé ma vie. Je ne vais pas mentir. Comme je disais, quand on est niais en France, le truc, c'est qu'on intègre beaucoup le fait que l'Afrique, c'est pas bien, l'Afrique, c'est sauvage, l'Afrique, c'est le bantel, l'Afrique, c'est la misère, l'Afrique, la nina, là. Et donc, du coup, en fait, on a tendance à y croire, mais on sait, au fond de nous, que c'est un discours très colonial et qu'il faut pour nous, en tant que personnes de descendance africaine, de pouvoir le vivre par nous-mêmes. Donc, le fait d'y être allée, d'avoir vu les réalités, donc tout n'est pas parfait, bien évidemment, il y a des gros problèmes. Que ça soit économique, que ça soit au niveau de la santé, que ça soit au niveau de l'éducation, il y a des vrais problèmes et des choses à améliorer qui sont factuelles, c'est véridique. Mais cependant, moi, ça a changé ma vie parce que je me suis rendue compte qu'en fait, on n'était pas du tout obligé de vivre comme en Occident. C'était vraiment un modèle qui nous avait été appris, mais que ce modèle n'était déjà pas un pas universel, pas le meilleur. qui n'était pas le plus naturel également pour nous, parce que pour certains, nos parents ne sont pas nés sur le territoire français. Donc, ils sont venus ici pour des raisons bien spécifiques. Et donc, on a toujours su en nous, parce qu'on était nés dans des foyers pas forcément occidentaux, qu'il y avait autre chose. au-delà de la manière de vivre en Occident. Et je dois avouer que moi, quand je suis en France, je m'ennuie parfois beaucoup. C'est des réalités qui sont... Il y a beaucoup d'opportunités en France, je ne dis pas le contraire. Même en Europe, il y a beaucoup d'opportunités. Aux États-Unis, il y a beaucoup d'opportunités. C'est là où, je dirais, les principales...

  • Ramata

    Oui,

  • Koura-Rosy

    les entreprises sont ici. Cependant, la vie, j'ai l'impression d'avoir redécouvert... la vraie vie quand je suis allée en Afrique de l'Ouest et que j'ai pu voir les gens vivre de manière très humaine en communauté. Le sens de la communauté est totalement différent, donc ça fait du bien. Les gens vivent vraiment, que ce soit l'espace urbain, à l'extérieur, la dimension corporelle, la communication corporelle des gens que je trouve beaucoup plus naturelle également. parce qu'en Occident, j'ai l'impression qu'on est vraiment réprimé et contrôlé et que ça se voit aussi sur notre manière de bouger, notre communication non-verbale. Et en termes de travail, ce que ça m'a apporté, c'est que vraiment, ça m'a permis de dire à toutes ces entreprises, que ce soit WGSN ou d'autres entreprises avec qui j'ai pu travailler, de dire, écoutez, c'est bien de vouloir faire des choses sur le continent africain, mais en fait, il ne va pas falloir le faire de manière néocoloniale. Il va falloir venir avec une conscience que... ces personnes ont leur propre modèle, que vous n'essayez pas de les changer, que vous essayez au pire de les soutenir. Mais même ça, je trouve que c'est parfois encore très problématique. Mais que vous essayez à la limite de vous insérer dans le champ et les réalités locales, il n'y a pas de problème, mais d'imposer des modèles qui sont externes pour leur dire que ça, c'est mieux, etc. Ça, c'est hors de question. Donc, ça m'a permis vraiment d'introduire cette dimension de décolonisation auprès de ces entreprises, qu'elles veuillent l'entendre ou pas. Ça, moi, après, ça m'est un peu égale. Je ne vais pas forcément me vendre et leur faire plaisir pour alimenter le néocolonialisme. Ce n'est pas mon but dans la vie. Donc voilà, ça m'a permis de juste faire en sorte et de m'assurer que certaines personnes arrivent avec la bonne mentalité et pas avec cette mentalité néocoloniale. Et je pense à l'avenir, moi, il y a quelque chose que j'aimerais beaucoup faire à l'avenir, c'est en fait pouvoir participer à toute cette régulation et cette mouvance de policies, donc de manière plus légale et juridique pour protéger nos communautés, que ce soit au niveau de l'utilisation des patterns ou des tissus ou du textile ou des pratiques ou des approches qui sont typiquement... qui viennent du continent, de les réguler afin que les gens qui sont externes à ces communautés puissent à la limite les utiliser, mais dans un cadre légal bien spécifique. Moi, à terme, je pense que c'est quelque chose qui m'intéresse vraiment et je pense qui est vraiment lié à ma pratique de recherche. C'est, oui, développer des policiers qui peuvent protéger les communautés sur le continent et pouvoir être toujours dans l'échange, pourquoi pas, mais le respect le plus important et surtout pouvoir faire en sorte qu'il n'y ait pas de dégradation des biens culturels, pas de dégradation de l'environnement non plus, parce qu'on sait que... Avec la seconde main, on a un vrai problème. L'Occident, on voit beaucoup de seconde main en Afrique et malheureusement, ça pollue énormément. Et il n'y a pas que les vêtements, il y a aussi l'électronique, etc. Donc vraiment, si je peux à terme participer à cette régulation de manière légale ou à mon niveau, au niveau de la recherche, etc., je pense que c'est quelque chose qui me ferait vraiment plaisir et que ce serait vraiment un but, un accomplissement assez important, je pense.

  • Ramata

    Très intéressant. Est-ce qu'il y a des... Dans ce que tu dis, je me retrouve un petit peu dans... Moi, j'ai voyagé sur le continent assez tard dans ma vie par rapport à toi. Alors, moi, je suis de Rochelle-Guinéenne, mais le premier voyage que j'ai fait, pas accompagné par les parents, seul pour aller... Je l'ai appelé Africa Fashion Tour et ça a été un voyage d'un mois à travers quatre capitales. que j'ai appelé les capitales de la mode africaine. J'ai commencé par Conakry parce que je suis d'origine guinéenne. Ensuite, j'ai fait Abidjan, Accra et l'Écosse. Et c'est vrai que ça a complètement changé ma perspective sur l'Afrique, sur toutes les représentations que je pouvais avoir. Et même dans ma manière d'en parler, je fais attention parfois quand je parle d'Afrique à vraiment toujours ajouter le continent aux 54 pays, parce qu'à chaque fois, je me dis, le vocabulaire qu'on utilise, il est tellement réducteur par rapport à tout ce qu'il y a comme richesse créative sur place. Et du coup, j'entends dans ce que tu dis, ce que tu évoques, on a besoin d'avoir un autre storytelling, d'autres discours, avec d'autres visions. On a la vision de l'Occident, il est temps d'avoir d'autres voix qui racontent d'autres histoires, en fait. Et on va se rendre compte qu'elles sont opposées, qu'elles sont différentes. Mais en tout cas, on a besoin de multitude de points de vue et de perspectives pour pouvoir se faire sa propre idée. Et donc, j'aime beaucoup ta démarche et la façon de le décrire. Et je pense que parfois, quand tu es en Occident, tu dois avoir le mal du pays. Oui,

  • Koura-Rosy

    tellement. Non,

  • Ramata

    mais quand tu y vas, après, tu ne peux plus, en fait. Au bout de trois mois ici, tu te dis, mais il faut que je prenne un billet, ce n'est pas possible.

  • Koura-Rosy

    Non. Et ça, vraiment, il n'y a que nous qui pouvons comprendre, en fait.

  • Ramata

    Que ceux qui font aller, parce qu'après, ce n'est pas un truc, je pense, que de... Je pense ceux qui sont allés et qui sont tombés amoureux là-bas. Oui,

  • Koura-Rosy

    vraiment. Après, tellement il y a de bonheur sur place, tu ne peux pas rester ici sans ressentir un vrai manque. Exact. Mais c'est que la vie ici, elle est trop cadrée. Elle est plus naturelle, elle est trop organisée. Tandis que j'ai l'impression d'avoir redécouvert ce que c'était de vivre. que ça soit le sens de la communauté, comme je te disais, le rapport que tu as à ton corps lorsque tu es là-bas. Les cheveux, n'en parlons pas. Les cheveux, je crois que ça a été ma plus grande révélation, le fait qu'on n'avait pas du tout un cadre pour prendre soin de nos cheveux en Occident. C'est un cas de verre. Alors peut-être que les Américains en ont un peu plus parce que les Afro-Américains ont vraiment créé leur communauté à eux propres. Mais en France, c'est une catastrophe. Si tu n'es surtout pas née à Paris, parce que moi, je ne suis pas née à Paris, ... les opportunités pour les cheveux, c'est une horreur. C'est un enfer. Ça me stresse, moi, encore aujourd'hui. Et tu as totalement raison. Le champ lexical est très important. C'est pour ça que je précise tout le temps l'Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Ouest ou continent africain. Pour moi, c'est des terminologies qui sont importantes à distinguer parce qu'en effet, on a souvent cette narrative de l'Afrique, le pays, comme si c'était un bloc monolithique, alors que c'est tellement divers et varié. qu'il serait impossible pour nous de... On a des similarités, bien évidemment, parce qu'on est sur le même continent, mais c'est impossible de dresser un profil commun d'un Africain, ça ne veut strictement rien dire. Non,

  • Ramata

    mais après, moi, je... Et puis ça, en fait, on va dire les Occidentaux ou les Européens, ils arrivent à le comprendre quand on leur dit qu'on est bien d'accord qu'un Suédois et un Portugais, ça n'a rien à voir. Donc, quand on ramène... En fait, tout le monde est capable de le comprendre, mais c'est vrai que... Et c'est là qu'on... Donc, ils se rendent compte qu'ils parlent d'Europe, certes, mais pas tant que ça. Ou pas avec la même facilité avec laquelle ils vont parler d'Afrique. Ils vont beaucoup moins dire Europe qu'ils vont dire Afrique pour désigner, dans des situations vraiment à des contextes très précis, ils mettront les noms des quatre pays dont ils veulent parler. Ils vont parler de l'Europe côté méditerranéen ou les pays du Nord. Et on sait qui est-ce qu'on désigne, mais on ne dit pas Europe à tout bout de champ, comme si ça regroupait, comme si ça… tout le monde se ressemblait et se connaissait. Pour l'Afrique, c'est encore plus fort les différences qu'il peut y avoir. C'est important. Ce sont des différences qui font la richesse du continent. C'est des choses dont il est important de s'emparer. écoute pour conclure toi ce que tu dis c'est que tu fais beaucoup d'aller-retour entre entre je m'imagine Dakar et Paris pour quelqu'un qui s'intéresse à la mode et qui prépare un voyage à Dakar qu'est-ce que tu nous conseilles quels sont les endroits alors qui s'intéresse à la mode à la culture quels sont les endroits où toi si tu dois nous donner un peu the place to be in Dakar où est-ce qu'il faut aller ah

  • Koura-Rosy

    Il y en a tellement, mais je dirais que s'il s'intéresse à la mode, déjà au niveau de la consommation, je lui dirais déjà d'expérimenter les marchés. Parce que contrairement à l'Occident, comme d'habitude, on n'a pas de... En fait, tout est beaucoup plus informel, comme tu le sais. Donc du coup, les marchés, c'est vraiment une expérience sociale qui pour moi est très importante dans l'expérience en Afrique de l'Ouest, parce qu'elle permet à la fois de comprendre comment les gens s'habillent, comment ils consomment des habits, comment l'impact des déchets textiles va impacter les communautés locales, et aussi toute l'expérience sociale, donc d'être dans les marchés, être avec les gens, les marchands, les gens qui crient. C'est toute une expérience, une ambiance, que ce soit l'expérience sonore, sensorielle, auditive, bref. Je recommanderais quand même d'aller dans des marchés, que ce soit Gueule Tapée, Marché Colobane, Saldaga. Après, il y a des collectifs qui font des ateliers de poterie, qui sont aussi sous une association pour les personnes handicapées. C'est au Mamel, à Wacam, c'est très intéressant, parce que ça permet de faire de la poterie et de donner de l'argent à une association. Il y a aussi le Ban Café qui est... un peu plus formel, mais qui est très intéressant également. Il y a des collectifs comme Doucement, qui donnent des cours, par exemple, de DJing, qui est très intéressant. Bien évidemment, il y a la Ro Compagnie, qui avait été créée par Koyo Péasounam, qui est un espace superbe. Je crois que c'est l'un de mes espaces préférés à Dakar, parce qu'il y a une bibliothèque très exhaustive. Les expositions sont très intéressantes, la team est superbe également. Et puis, il y a vraiment beaucoup de choses. Il y a des centres culturels un peu plus réservés à une population expatriée, mais qui sont quand même intéressants d'aller voir. C'est Espaces Tram. Qu'est-ce qu'on a d'autre ? On a le musée des civilisations africaines, des civilisations noires. Et puis aussi sortir un peu de Dakar, pourquoi pas aller visiter aussi Saint-Louis, c'est une très intéressante ville, c'est l'ancienne capitale coloniale bien évidemment, mais l'ambiance est totalement différente, l'architecture est totalement différente, le chemin vers Saint-Louis est génial. Donc voilà, qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Je réfléchis, je réfléchis, mais principalement, sincèrement, je pense que de toute façon, à Dakar, le monde créatif est quand même... BÊT C'est grand, mais ce n'est pas à l'échelle des grandes... Ça ne s'organise pas de la même façon qu'en Occident. Ce sont des secteurs qui sont encore très... Je dirais pas nouveaux, mais les gens investissent de plus en plus leur effort dans ces milieux créatifs. De plus en plus, la jeunesse se mobilise dans ces milieux créatifs, ce qui n'était pas forcément le cas avant. Après, à la personne, je lui dirais par exemple d'aller aussi au marché artisanal vers Sunbejun. C'est très intéressant. Il y a beaucoup de choses à boire. Sunbejun aussi, qui est le marché aux poissons, c'est très intéressant. Oui, c'est principalement ça que j'ai en top of mind. Ben écoute, c'est déjà pas mal, super. Moi, il y a pas mal de choses que j'ai déjà fait de la carte plusieurs fois, mais je n'ai pas encore fait toute la liste de ce que tu suggères là. Donc, du coup, moi, ça me fait ma petite liste pour mon prochain voyage. Ben écoute, on arrive à la fin de cette interview. Moi, j'ai été ravie de pouvoir échanger avec toi et d'avoir en fait un petit peu ton point de vue qui part de ton histoire et de la manière dont ça a pu te guider sur l'évolution de ta carrière. dans le milieu créatif et ta volonté d'être engagée dans ce que tu crées, dans ce que tu veux proposer et un petit peu de challenger des idées reçues et des institutions, qu'il s'agisse des médias ou des cabinets de tendance. C'est vrai qu'ils ne font pas forcément la part belle à la représentation de la diversité. Et toi, en travaillant de l'intérieur, tu peux ouvrir des portes campagne après campagne, édito après édito, initiative après initiative. Et c'est comme ça que les choses vont bouger Petit à petit, mais il faut des gens dans l'intérieur de ces cercles qui soient conscients de ces sujets-là pour pouvoir faire bouger les lignes. Donc, pour ça, merci et bravo, j'ai envie de dire. Merci, c'est très gentil. Et puis, ton travail également est important. Diffuser les histoires qui ne sont pas dominantes, c'est super important. On a besoin de... Ça crée aussi des archives pour le futur. Donc, je trouve que c'est un travail... ethnographique, digital, très important. Je trouve ça fantastique que tu puisses interviewer des gens de la diaspora comme du continent et également c'est une approche assez très sociologique également que je trouve très pertinente dans le champ actuel.

  • Ramata

    C'était exactement, merci beaucoup, c'est exactement le chemin que j'ai pris quand j'ai lancé ce média, c'était l'information à laquelle je n'ai pas accès facilement je vais la rendre accessible à d'autres qui pourraient un jour se poser les mêmes questions que moi. Et j'avais envie de le faire d'une manière qui soit gratuite pour diffuser le plus possible cette parole-là qui est encore aujourd'hui invisibilisée. Et après, moi, chaque jour, quand je vois l'audience du podcast qui monte, je me dis que ce n'est pas un sujet de niche, en fait, pas du tout. ça peut être peut avoir l'air d'être un sujet de niche quand on se place d'un point de vue occidental en fait, mais si on se place d'un point de vue afrique-francophone, c'est pas du tout un sujet de niche et donc moi, petit à petit, je vois l'audience monter et je me dis, voilà, c'est un travail de fourmi mais il n'y a pas de raison que ça ne paye pas, il faut aller à ces sujets-là en étant déterminé et serein dans le fait que ces sujets-là et sinon, et sinon. je ne vais pas dire porteurs, mais ils sont importants en tout cas.

  • Koura-Rosy

    Totalement, ils sont fondateurs en tout cas. Ça, c'est clair.

  • Ramata

    Écoute, moi, j'étais ravie de cet échange. Je te dis à très vite à Dakar, Voyeur.

  • Koura-Rosy

    Oui, à très vite et merci beaucoup, Ramata.

  • Ramata

    Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite, en Afrique ou ailleurs.

Description

Peut-on déconstruire les clichés du secteur de la mode et imposer une nouvelle narration pour la créativité africaine ? Koura Rosy Kane nous montre la voie.


Koura Rosy Kane, strategist et fashion consultante, fondatrice de l'agence Platform. Freelance, elle travaille pour des cabinets de tendances telles que WGSN ou The Future Laboratory.


Dans une industrie souvent enfermée dans des stéréotypes, Koura Rosy s'engage à briser les codes et à imposer une vision plus authentique. Elle nous offre une masterclasse inédite sur cette transformation cruciale dans le nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour.


Loin des sentiers battus, son parcours atypique l'a menée des cabinets de tendance internationaux aux scènes créatives d'Afrique de l'Ouest. Là, elle affine son regard ethnographique, cultivant une expertise unique en "Fashion and Cultural Studies".


À travers son agence Platform, elle amplifie les voix alternatives. Elle prouve que la mode se réinvente partout, hors du "Western gaze" et du "European gaze". Elle accompagne les marques indépendantes, de la recherche culturelle à la stratégie marketing.


Koura Rosy dénonce la "censure" et le "lissage" des corps noirs. Elle expose le "tokenisme" et l'appropriation culturelle, plaidant pour un "changement systémique profond". Son engagement est personnel : elle veut que les futures générations ne subissent plus l'absence de représentation.


Son expérience au Sénégal fut une révélation, lui inspirant des "espaces de discussion" physiques, comme à la Biennale de Dakar. Elle y invite des experts pour redéfinir les esthétiques endogènes. À terme, elle aspire à protéger légalement les biens culturels africains. Son but est d'assurer respect et juste rétribution, évitant toute dégradation.


Koura Rosy Kane incarne cette génération de professionnels qui transforment l'industrie. Son travail est essentiel pour une mode plus inclusive, faisant bouger les lignes pas à pas.


Le lien pour écouter cette masterclass inédite est disponible en commentaire !


Pour aller plus loin, voici le lien vers le site et le compte instagram de Koura-Rosy Kane


Africa Fashion Tour poursuit chaque semaine l'exploration des industries culturelles et créatives africaines avec des interviews d'entrepreneurs passionnés qui s'interrogent sur les questions de diversité et de représentation. Chacun des invités du podcast est passé du questionnement à l'action pour proposer des solutions concrètes, des business model vertueux pour promouvoir l'Afrique à travers les soft power.


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A très vite en Afrique ou ailleurs


Ramata Diallo 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Koura-Rosy

    Lorsqu'on était représentée, au final, c'était d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc, du coup, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, Je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations après moi, ou alors moi ou nos générations, ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire « pourquoi je ne suis pas représentée ? » « Pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière ? » « Ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes ? »

  • Ramata

    Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec... Moi, à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain, je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité. trop souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai assisté à ma première Fashion Week en Afrique et depuis, je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine.

  • Aujourd'hui, je suis en compagnie de Koura Rosi Khan. Koura Rosi est consultante spécialisée dans le secteur de la mode. Elle a notamment travaillé pour des cabinets de tendance et des magazines tels que WGSN ou Days Magazine. Elle est également fondatrice de l'agence Platform. Elle s'intéresse particulièrement aux Fashion et Cultural Studies et à la mode africaine. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son travail et de son parcours. Bienvenue Koura Rosi, comment vas-tu ?

  • Koura-Rosy

    Merci Ramata, bonjour et oui je vais bien et toi ?

  • Écoute Sana très bien, je suis ravie de te retrouver pour ce nouvel épisode du podcast Africain Fashion Tour. On va démarrer comme je le fais toujours, je vais te demander de te présenter.

  • Koura-Rosy

    D'accord, alors merci d'avoir pris le temps pour ce podcast, je suis ravie d'être ici aussi. Alors comme tu l'as dit, je suis à la fois créative stratégiste et consultante dans le secteur de la mode. Donc, j'ai pu travailler avec différentes agences, mais principalement au UK et à Amsterdam. J'ai donc cette activité en freelance. Et à côté de ça, j'ai du coup Platform, qui est une agence qui est focalisée sur les talents émergents et la molle alternative, qui a pour but vraiment de donner une voie et une place. à une narration et à des discours qui sont à l'encontre du discours dominant dans le secteur de la mode.

  • Très bien, merci beaucoup. Écoute, ça va être super intéressant qu'on échange ensemble, puisque moi, je suis vraiment sur ce sujet-là avec Africa Fashion Tour, ce principe de proposer une voie alternative et de mettre en avant des profils, des sujets qu'on n'a pas l'habitude de voir ou d'étudier dans les médias mainstream. Dans un premier temps, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est quel a été ton parcours en termes d'études et tes premiers jobs avant d'avoir cette activité de freelance et de fondatrice de ton agence plateforme ?

  • Koura-Rosy

    OK. Alors, ce qui est marrant, c'est qu'en soi, depuis le début, je fais du freelance. Et depuis le début, j'ai plateforme, depuis la dernière année de mes études, je dirais. Mais en gros, j'ai fait... Un double diplôme, donc j'ai fait cinq ans un master en communication avec une spécialisation en communication digitale. Et ensuite, je suis partie en bachelor de sociologie pour pouvoir commencer à intégrer en fait de la psychosocialité en activité. Et dès la fin de mes études, donc un an avant la fin de mes études, j'ai commencé plateforme. Donc ça fait déjà depuis 2018. Et à la base, c'était vraiment qu'un magazine où je mettais en avant les marques émergentes, surtout à Londres. Et je n'avais pas forcément de spécialisation encore en Afrique, parce que cette spécialisation s'est faite aussi à travers mon propre parcours personnel. Donc, j'ai débuté Plateforme vraiment avec l'intention de mettre en place un espace pour promouvoir d'autres manières et d'autres approches et d'autres visions de faire de la mode. Ça a inclus l'Afrique, mais ce n'était pas forcément focus que sur l'Afrique. Ça a inclus pas mal la diaspora, notamment. Et du coup, à l'issue de mes études, donc à l'issue du master ainsi que du bachelor en sociologie, j'ai directement commencé mon activité en freelance. J'ai travaillé pour des boîtes telles que WGSN. J'ai également beaucoup travaillé avec une futuriste basée à Londres qui s'appelle Géraldine Wary, qui m'a donné pas mal d'opportunités afin de commencer à poser les premières pierres de mon expertise, notamment avec celle de l'Afrique. J'ai écrit pas mal d'articles pour elle, également pour des magazines comme Metal Magazine. Il y avait également d'autres magazines qui étaient principalement à Londres. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de rentrer dans un programme de mentorship à WGSN qui s'appelait les Future Makers pendant le Covid. Ça m'a donné l'opportunité d'approfondir tout ce qui était compétences autour du trend forecasting, research, foresight. sémiotique, ethnographie, etc. Et à l'issue de ce mentorship qui a duré un an, ça m'a permis de postuler à des opportunités un peu plus dans le milieu de la recherche, du consulting, donc j'ai travaillé avec The Future Laboratory, j'ai travaillé avec Onboard, toutes ces agences de tendance qui sont focus vraiment sur le... qui sont basées sur la recherche pour dessiner des futurs potentiels. Et au bout d'un moment, lorsque le Covid a commencé à toucher l'Europe, j'ai décidé de partir au Sénégal. J'ai habité au Sénégal pendant plus de quatre ans. Et là, maintenant, je fais les allers-retours entre le Sénégal et la France. Et cela m'a permis vraiment de pouvoir faire ce qu'on appelle de l'étude ethnographique, donc d'aller directement sur le terrain pour étudier les milieux créatifs, comment ils s'organisent, les valeurs qui sont promues dans ces milieux, quels sont les mécanismes, quels sont les événements, quels sont les acteurs de cette industrie également. Et ça m'a ouvert également la porte sur les milieux créatifs d'Afrique de l'Ouest et puis ensuite de l'Afrique de manière plus générale. Donc, je dirais que mon focus sur African Studies et Cultural Studies s'est vraiment fait au cours, au fil de mon évolution personnelle également.

  • Très bien, super intéressant. Cette première introduction, elle me donne plein de pistes pour pouvoir échanger plus en détail avec toi. Donc, à un moment donné, tu as parlé de la première mission que tu as pu avoir chez WGSN ou chez de futurs laboratoriaux. Donc moi, je suis dans le secteur de la mode, je vois tout à fait de quoi il s'agit. Mais je pense que tu peux prendre le temps pour expliquer en fait ce que sont ces cabinets de tendance et comment ils travaillent afin qu'on puisse mieux comprendre en fait, toi, quelle était ta mission au sein de ces entreprises.

  • Koura-Rosy

    Oui, bien sûr. Alors, ces cabinets de tendance, leur objectif, c'est de recommander et de conseiller des grandes marques en général, des grandes institutions sur l'avenir et les changements qui sont prévus ou anticipés dans l'avenir. Donc, mon rôle, en fait, c'était vraiment de démarrer ce qu'on appelle une « desk research » , qui venait avec un brief. Donc, certaines marques avaient besoin, je ne sais pas, par exemple, de s'implémenter sur un certain territoire, notamment les territoires africains. ou alors pouvoir parler à une audience auxquelles ils n'avaient pas accès jusqu'ici. Et donc, notre mission et ma mission, c'était de faire des tests cuissages, de pouvoir dresser des profils de consommateurs, de pouvoir également dresser la liste des macro-trends qui vont ensuite impacter le secteur en question ou les populations en question, et de ces recherches en déduire des recommandations afin que les marques puissent prendre des décisions stratégiques. Notamment après le Covid, sachant que les marques étaient vraiment perdues en termes de stratégie et d'orientation stratégique, ce genre d'agence et ce genre de pratique a été beaucoup plus investi et important parce qu'il était très difficile pour les marques d'anticiper sur l'avenir. Ils n'avaient pas du tout les données ni les insights nécessaires. Donc, ils faisaient beaucoup appel à des agences de tendance. pour pouvoir ensuite prendre les décisions stratégiques, que ce soit pour le marketing ou pour le développement sur un marché ou un territoire sur lequel ils n'étaient pas. Donc, mon rôle était vraiment de faire les rapports, donc de commencer par la desk research, d'établir les macro-trends, de dresser les profils de consommateurs et ensuite de pouvoir en déduire des... des recommandations stratégiques afin qu'ils puissent les utiliser pour leur propre stratégie marketing de communication.

  • Très bien. Merci d'avoir précisé ce point. Donc, toi, tu t'es intéressée à la mode dans le côté recherche de tendance, explication, un petit peu de mouvement de fond pour pouvoir aider les marques à créer leur collection. Est-ce qu'à un moment donné, toi, tu as eu envie de créer ta propre marque ?

  • Koura-Rosy

    Alors, non, je ne pense pas. En fait, j'aime beaucoup le design, mais je n'ai jamais eu cet attrait massif pour devenir designer. J'ai cependant une boutique de secondement à Dakar. Donc, c'est la vente et revente d'habits déjà utilisés qui sont souvent des marques. c'est des marques assez connues mais j'ai jamais eu pour l'instant, l'envie de faire du fashion design. Après, j'ai vraiment toujours été attirée par la dimension culturelle et sociale de la mode. Pour moi, c'est vraiment quelque chose qui m'a directement attirée dès le départ. Je n'ai jamais vraiment été sur la narrative de la mode, ce qui est in, ce qui est out, ce qu'on doit porter, ce qu'on ne doit pas porter, etc. Ce n'était pas ce genre de tendance qui m'attirait. C'était vraiment de comprendre sociologiquement Merci. et culturellement en quoi la mode avait un rôle dans la société, en quoi elle influençait, ce qu'elle pouvait faire, ce qu'elle engendrait, ce qu'elle signifiait pour les personnes de la société. Également, elle a cette fonction de nous relater un peu les faits historiques. Lorsqu'on regarde la mode à une certaine époque, ça nous permet de nous plonger également dans le système de valeurs de cette époque. Donc, c'était... Vraiment cet aspect culturel et sociologique que j'aimais beaucoup dans la mode. Mais je ne ferme pas la porte au fashion design. Mais je pense que j'aurais évidemment besoin d'une équipe et de gens qui sont beaucoup plus experts et expérimentés et qualifiés pour pouvoir faire une collection de A à Z. Mais c'est vrai que j'interviens souvent sur les recommandations pour les collections de marques de plus en plus, pour les guider sur qu'est-ce qui... est possible de faire aujourd'hui en 2025 pour une nouvelle marque ou pour une nouvelle collection ?

  • Ramata

    Très bien, c'est toujours intéressant de poser ces questions-là. Après, peut-être que tu y viendras par la suite, on verra, et probablement en équipe, parce que les compétences qu'on n'a pas, l'idée, c'est de pouvoir s'associer avec des personnes qui les ont. Dans ton parcours, il y a cette partie d'émission auprès de cabinets de tendance, et puis il y a aussi du travail, je pense, un peu d'édito-mode avec des magazines, et notamment, tu viens de partager sur... LinkedIn que tu avais travaillé avec eBay Camara pour un édito pour le magazine Dazed. J'aurais bien aimé que tu nous parles aussi de ce volet-là de ton travail.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors ce volet-là s'est développé en parallèle, je dirais, de la recherche. Plus je recherchais, parce qu'il y a toute une dimension visuelle que je fais également dans la recherche, donc plus je recherchais de manière générale et plus j'avais cet attrait pour la création visuelle. Mais ça a vraiment... Donc, je commençais à faire des shootings de manière indépendante dès le départ. J'en ai fait à Dakar. J'en ai fait également à Londres, qui ont été publiés dans Tiff Magazine il y a très longtemps. Donc, ça a toujours fait partie de ma pratique. Mais c'est vrai que là, ces dernières années, j'ai observé vraiment un changement et une espèce de professionnalisation de cette pratique de styling, surtout. Et la première grosse expérience que j'ai eue, c'est d'être assistante de Georgia Pendlebury pour le film de Gabriel Moses l'année dernière, fait en collaboration avec Adidas et Pharrell, qui a été filmé à Dakar. et là j'étais en charge de la curation de tous les vêtements. Donc il a fallu que je cherche des vêtements de seconde main de partout à Dakar pour pouvoir... pour pouvoir habiller toutes les personnes du cast. Et récemment, oui, on a shooté le dernier... Parce que c'est sa dernière édito... Enfin, pas collectionnée, pardon, c'est sa dernière couverture de Dazed. Ibé Camara part de Dazed. Il est déjà parti. Donc, on a eu l'opportunité de faire un dernier édito, End of Era, à Dakar. Enfin, non, pas à Dakar, à Saint-Louis. Et là, par contre, c'était totalement un autre volet puisqu'il s'agissait vraiment de vêtements haute couture, voire ready to wear. Donc, c'était vraiment un autre, je dirais, pan de la mode. C'était moins sur le thrift et la seconde hand. C'était vraiment plus... Comme on voit dans les éditos en Europe, en réalité, il y avait vraiment beaucoup plus de marques auxquelles je n'avais pas forcément été confrontée auparavant. C'était super intéressant. Et j'ai également pu faire un édito où j'étais lead stylist à Dakar, toujours. pour Days, et là c'était plus concentré sur le streetwear et la jeunesse, donc voilà mais c'est vraiment dernièrement, cette dernière année plus, je dirais ça fait un ou deux ans où j'ai vraiment développé cette activité de stealing J'espère pouvoir aussi détendre également Creative Direction, c'est quelque chose qui me parle beaucoup parce que je trouve que la recherche alimente beaucoup ce genre de pratiques.

  • Ramata

    Très bien. Toi, j'ai l'impression que presque directement après tes études, tu n'es pas allée vers le salariat, que tout de suite, tu as été dans le freelance et travaillé sur des missions assez variées, variés, avec comment dire... des missions variées et puis dans des zones géographiques aussi variées. Tout de suite, ça n'a pas été « je vais trouver un job à la Défense et puis je ferai 9 to 5 » . Comment tu expliques ce choix-là que je trouve assez audacieux et qui ne va pas forcément dans le sens dans lequel, déjà, ce n'est pas vraiment français en termes de mentalité d'être comme ça. Et puis, ce n'est pas… quand on finit ses études ou autre, ce n'est pas vraiment le choix vers lequel on nous invite à aller. On a tendance à vouloir nous... Et c'est probablement pour nous protéger, que ce soit au niveau des écoles ou même dans notre famille. On va plutôt nous inviter à prendre un job safe, 9 to 5, et comme ça, tu seras en sécurité.

  • Koura-Rosy

    Oui, alors, c'est très intéressant comme question. J'avoue, encore aujourd'hui, après avoir... J'ai fini mes études il y a peut-être plus de 7 ans. Et j'avoue que j'ai commencé directement, c'est vrai, en freelance. J'ai été un an, onze mois plus précisément, dans une agence à Amsterdam. Et même là, j'étais sous un contrat de freelance pour des questions administratives. Mais j'ai quand même pris le temps de déménager. C'était la plus longue relation avec une entreprise que j'ai eue. Mais en fait, mes études, durant mes études, moi, j'ai toujours été un peu la... La personne qui ne faisait jamais vraiment comme les autres, par exemple, on avait pas mal de stages, surtout en communication, et beaucoup faisaient des stages en France, et moi je ne voulais absolument pas rester en France, même si le corps de professeur me disait souvent « Non, pour pouvoir écrire ta thèse, il faudrait que tu restes ici, ça serait plus facile, etc. » Moi j'ai toujours challengé cette idée qu'on devait rester dans notre cadre pour pouvoir valider notre année. Donc j'ai directement dit à mon professeur que moi... peu importe ce qui se passe, je dirais à l'étranger pour les stages. Je fais mes études en France parce que je suis française en partie et qu'il était plus facile au niveau administratif de rester en France et que les études en France sont vachement plus abordables que dans d'autres pays. Donc, c'est pour ça que j'ai fait le choix de rester en France pour mes études. Mais en ce qui concerne les stages, je les ai toujours faits à l'étranger. Et je trouvais surtout, alors la France est en train de changer, mais lorsque j'ai fait mes études, c'était dans les années 2016, 2018, etc. On était quand même assez arriérés en termes professionnels. Donc, je trouvais que c'était vraiment important de pouvoir aller voir autre part, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. J'ai fait aussi des stages là-bas et au UK, où ils étaient beaucoup plus progressifs. Et surtout parce que le trend forecasting, le foresight, etc., c'était vraiment des disciplines qui étaient vachement... plus avancé là-bas. En France, c'était encore un peu une niche. Ça s'est développé récemment. Donc, c'est pour ça que j'ai décidé de faire mes études à l'étranger, principalement. Et puis, non pas que je juge les personnes sous le salariat. Je pense que c'est quelque chose qui est totalement normal. Mais ce n'était vraiment pas fait pour moi. Je ne suis vraiment pas une personne faite pour le salariat. Je l'ai compris très rapidement. Et malgré le fait que... Le freelance, c'est quelque chose de très difficile, même encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas constant. C'est beaucoup d'instabilité. Ça demande énormément de travail pour se faire des contacts, savoir qui contacter, avoir les opportunités, etc. C'est vraiment un challenge quotidien. Mais j'ai préféré faire ce choix et braver ces challenges plutôt qu'être dans une entreprise et être sous le salariat parce que ce n'était vraiment pas quelque chose qui correspondait à ma personnalité. Je n'arrive pas vraiment à m'investir dans le cadre du salariat. Je ne comprends pas trop le... Ce n'est pas que je ne comprends pas le but, mais je ne comprends pas le rôle individuel de chaque salarié. Je comprends que collectivement, on a un seul et même but, mais de manière individuelle, je n'arrive pas vraiment à me motiver pour le salariat. J'ai eu la chance de pouvoir continuer de freelance. Ce n'est pas une chose facile. J'ai eu quand même pas mal de support familial et ça, c'est totalement un privilège. J'en suis totalement consciente. Mais le... Le freelance était vraiment l'option, je pense, la plus adéquate pour mon caractère et ma personnalité et ce que je voulais faire, en fait. Et vu que j'avais aussi également un pan qui était autour de la décolonisation et déconstruction des systèmes autour du trend forecasting, du foresight, parce que je pense que c'est très important de pouvoir transporter ces disciplines dans des contextes qui ne sont pas forcément occidentaux, Vu que j'avais cette motivation, je n'avais pas vraiment le choix que d'être en indépendant pour développer des modèles et des mécanismes qui n'étaient pas forcément eurocentrés. C'est pour ça que j'ai continué en freelance, mais ça n'a vraiment pas été facile. J'ai voulu abandonner plusieurs fois, j'ai beaucoup été dans le doute, beaucoup été dans le stress financier, etc. Encore aujourd'hui. Mais aujourd'hui, pour rien au monde, par contre, je changerai cette position. J'aime beaucoup être en freelance et j'aime beaucoup avoir mes projets et les mener tel que je le veux.

  • Ramata

    Très bien. Je voulais en venir maintenant à, je l'appellerais ça, ta troisième activité, puisqu'on a évoqué le trend forecasting. On a évoqué également ton travail avec les éditomates pour des magazines. Tu es à l'origine de la création... d'abord d'un média et qui aujourd'hui est en train de se transformer en agence de conseil qui s'appelle Plateforme. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors Plateforme, je l'ai fait du coup dans ma dernière année d'études, comme je disais. Vraiment à la base, c'était vraiment basé sur de la curation et ça a bien pris parce que je trouve, je pense que les gens étaient prêts à avoir d'autres esthétiques et d'autres approches et visions de la mode à l'époque où je l'ai commencé. Et du coup, ça m'a menée vraiment dans des endroits très intéressants. J'ai pu interviewer beaucoup de marques qui n'étaient pas forcément alignées au discours dominant. J'ai fait des très belles rencontres de designers, très belles rencontres de créatifs. À un moment, il y avait beaucoup de créatifs et de designers avec qui je travaillais, qui étaient principalement à Londres parce que j'y vivais et que la mode à Londres était vraiment avant-gardiste avant que le Brexit arrive. Donc, c'était vraiment chouette. Le magazine, progressivement, s'est transformé. J'ai commencé à faire mes shootings. J'ai pu commencer à être de plus en plus dans la création de contenus, d'esthétiques et de visuels, au-delà des articles qui étaient écrits. Ensuite, de plus en plus, je me suis rendue compte que... L'expertise et les informations que je développais et que j'avais réussi à récolter au fil des années sous le pan du magazine étaient vraiment utiles pour pouvoir supporter les talents émergents et la mode alternative, donc peut-être les marques un peu plus indépendantes qui ne sont pas soumises au calendrier de la mode ou aux normes et aux dictats du système de la mode. et surtout c'était intéressant parce que ça me permettait d'aller voir dans des endroits qui n'étaient pas forcément considérés comme fashionable. Donc c'était très important pour moi de démocratiser la mode et de dire que la mode n'était pas une question de ville ni une question de pays, mais qu'elle se développait de manière différente dans différents contextes et différentes cultures. Donc au terme de ça, avec les recherches et les interactions que j'ai pu avoir avec les créatifs, les designers, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un besoin de guidance et de support pour ces personnes qui n'étaient pas forcément dans le champ de la mode dominante. Donc, j'ai commencé à me dire que je pouvais faire plus du consulting, parce que je pouvais en fait allier la recherche avec la stratégie. donc ce qui est intéressant dans toute cette approche c'est de pouvoir avoir avoir la dimension recherche, donc pouvoir interroger leur audience potentielle, pouvoir faire de la recherche visuelle, pouvoir faire de la recherche culturelle, sociale, ethnographique, sémiotique, etc. et ensuite le transformer en recommandations. Et de ces recommandations, faire ensuite des stratégies actionnables, donc travailler avec eux sur que ça soit leur collection, l'émergence de leurs marques, la diffusion de leurs messages auprès des audiences ciblées, la promotion sur des plateformes qui correspondent également à leurs audiences, etc. De plus en plus, je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment une pertinence à pouvoir accompagner les marques du début jusqu'à la fin en leur recommandant de commencer par la recherche. Parce que pour moi, même si la création visuelle est totalement différente, je pense qu'elle s'inspire beaucoup de la recherche, qu'elle soit insight, textuelle, mais également visuelle. pour ensuite la transformer en concept viable et tangible pour les marques.

  • Ramata

    Très bien, super intéressant. Aujourd'hui, c'est un profil multi-passettes, mais en même temps, ça reste quand même concentré dans le secteur de la mode. Tu parles beaucoup de cette notion que tu avais dès le départ pendant tes études de décolonisation, de déconstruction, d'un petit peu… de certains messages mainstream qui sont un peu toujours les mêmes et qui font parfois quand on va balayer différents magazines, balayer les pages de différents magazines, on va un peu avoir l'impression de voir tout le temps la même chose. Toi, comment est-ce que c'est venu au départ cette volonté d'être dans cette logique de décolonisation des constructions ? Est-ce que c'est à force de voir des magazines qui présentaient toujours la même chose, de dire « moi, j'ai envie » . Je pense qu'il y a tout un autre plein d'autres univers qui ne sont pas explorés, je trouve ça dommage. Est-ce que tu as toujours eu ça ou est-ce que c'est quelqu'un qui t'a sensibilisé à ces questions-là,

  • Koura-Rosy

    à ce sujet-là ? Alors non, j'ai toujours eu ça, mais en fait, je ne l'avais pas vraiment conscientisé. Donc, le problème, c'est que quand on est racisé ou noir, je vais dire, en France, qu'on vient de parents descendants africains ou caribéens, parce que moi, je suis à moitié guadeloupéenne et à moitié sénégalaise. Lorsque je feuilletais les magazines, je n'avais aucune représentation, donc c'était très difficile pour moi de me projeter. Et en fait, je me suis rendue compte que ce n'était pas immédiat. J'ai beaucoup essayé de fitter dans les standards. J'étais très complexée, j'étais très aliénée. J'ai eu des traumas vis-à-vis de la mode parce qu'il y avait ce problème de représentation. Et lorsqu'on était représentée, au final, c'était... d'une manière très dégradante et très mauvaise. Et il y avait toujours aussi cette censure, ou ce lissage un peu, ce gaze qui était vraiment omniprésent pour la représentation des corps noirs et des femmes noires dans la mode. Et donc du coup, en fait, lorsque j'ai commencé à vouloir travailler dans la mode, je me suis dit que mon objectif, c'était que les générations... après moi ou alors moi ou nos générations ne soient pas réprimées, n'aient pas à subir cela, n'aient pas à se dire pourquoi je ne suis pas représentée, pourquoi lorsque je suis représentée, c'est de manière très grossière, ou ce n'est pas du tout accurate, représentatif de vraiment qui nous sommes, et ce n'est pas du tout diversifié, c'est vraiment orienté et curate selon un goût européen. Et du coup, en fait, progressivement, je me suis rendue compte que déjà ça c'était lié à un plus grand problème, ce n'était pas que la mode, c'était lié à un plus grand problème social, donc lié à la colonisation et au néocolonialisme qui est présent aujourd'hui. Et du coup, progressivement, je me suis rabattue sur ces questions de la représentation, de l'esthétique, de l'oppression des minorités, des personnes racisées dans le secteur de la mode. et de juste pouvoir laisser place à un discours qui était véhiculé par les personnes concernées, mais pas véhiculé par d'autres personnes parce que le problème est qu'on a souvent des personnes hors de cette communauté qui parlent pour nous. Donc pour moi, c'était vraiment un problème. Et j'ai voulu vraiment dépasser ces mécanismes qui étaient normalisés dans le secteur de la mode pendant un très long moment et qui le sont encore aujourd'hui. On n'est pas sortis de l'auberge. Je veux dire, le changement systémique est encore pas loin. Il est en train d'être fait, mais il a encore besoin d'être vraiment investi. Il a besoin d'être encore... Juste... Comment je pourrais dire ? On a besoin encore de travailler pour un changement systémique profond. Donc, vraiment, ça a été vraiment progressif d'après mon expérience. J'ai pu aussi... J'ai eu l'occasion, comme je te disais, de... de partir au Sénégal et d'y vivre. Donc, je me suis rendue compte qu'en fait, on nous mentait totalement sur nos cultures, ce qui m'a permis vraiment, moi-même, de déconstruire mes biais. Parce que la diaspora aussi a des biais. Le fait qu'on soit nés sur le territoire européen et qu'on ait internalisé beaucoup de choses nous place également dans une catégorie différente que des personnes qui sont nées sur le territoire africain qui ont en eux... une certaine perception que nous, nous n'avons pas et des priorités que nous n'avons pas, etc. Donc, il y a eu tout un travail que j'ai dû faire également de décolonisation de ma psyché lorsque je suis arrivée au Sénégal pour ne pas être problématique face aux populations locales. Donc, oui, ça s'est fait vraiment de manière progressive. Ce n'est pas forcément une personne. Je dirais que c'est vraiment mes origines qui m'ont guidée jusqu'à présent. Et le fait vraiment que je voulais, en fait... pouvoir participer à ce mouvement de représentation plus juste et également que les générations d'après n'aient pas à subir ce que nous, on a vécu avec ce racisme systémique et ces représentations totalement erronées de nos communautés.

  • Ramata

    Très bien. Alors, il y a des points sur lesquels j'ai envie de rebondir avec toi. Est-ce que toi, tu peux donner peut-être des exemples de... Quand tu parles de représentations erronées ou de représentations qui ne nous correspondaient pas, est-ce que tu peux donner des exemples, soit des campagnes, soit peut-être des souvenirs que tu peux avoir de certains magazines ou de certains défilés ou autres qui t'ont particulièrement marqué en fait et qui sont un peu, je dirais pour toi aujourd'hui, le symbole de comment ça se passait avant et c'est déjà cette première question-là.

  • Koura-Rosy

    Ok, alors En termes, il y en a plein. Alors, je ne veux pas tout confondre parce que je sais que c'est quelque chose d'autre, mais que ça fait partie également du discours des coloniales. Tout ce qui est autour de l'appropriation culturelle, ça pour moi, ça a été un élément déclencheur parce que je me suis souvent vue voir l'utilisation des produits culturels africains de manière générale utilisés dans les collections sans crédit, sans rien. sans argent et bénéfices économiques reversés aux populations qui ont été l'inspiration de ces collections. Par exemple, Dior, avec leur collection avec Maria Grazia, je crois que c'était en croisière 2020 ou quelque chose comme ça, qui avait pris clairement des tissus et qui avait dit qu'elle s'était inspirée, mais sans vraiment donner de données. ou d'insights tangibles sur le reversement des profits faits par cette collection sur les communautés. Donc ça, pour moi, ça a été vraiment un problème. C'est-à-dire que les gens s'inspiraient vraiment beaucoup des cultures africaines, des tissus. Ça a commencé par les tissus et ensuite ne reversaient absolument rien aux communautés concernées. Donc ça, moi, la dimension financière, c'est quelque chose qui m'a vraiment intéressée, qui m'a vraiment motivée déjà pour... pour ce genre d'approche. Et puis, en termes de collection, bien évidemment, on a eu des choses comme Marc Jacobs avec les dreads qui étaient juste scandaleux. Il y avait eu... Il y a eu tellement de choses, des représentations avec des Noirs avec des signes d'esclaves. On a aussi le problème à une période où on éclaircissait les peaux des mannequins noirs. Maintenant, après, on est passé également à le fait qu'on les rendait plus foncés. Il y a eu tellement d'étapes, il y a eu tellement d'étapes de bafouement de notre communauté, d'exploitation des biens culturels de notre communauté, qu'en fait, je ne saurais même pas par où commencer. En tout cas, dans les magazines, que ça soit Vogue, que ça soit Elle, à un moment, il y avait Jalouse aussi, que je lisais énormément. Lorsqu'on était représentés, c'était vraiment selon des standards eurocentrés. quoi donc euh C'était vraiment une dimension très unilatérale de la représentation de la femme noire. Et puis, lorsqu'elle n'était pas dans cette dimension, on ne la calculait simplement pas, ou on disait qu'elle était sauvage. Je ne sais pas, il y avait tellement de... Il y avait cette espèce de symbolique autour de la femme noire et de l'homme... Je ne parle pas forcément de l'homme noir, parce que, pour le coup, j'ai l'impression qu'il a été moins... enfin pas moins bafouée, c'est pas ça, mais que ces dernières années, on lui a laissé plus de place que la femme noire. Mais que vraiment, en fait, les communautés noires, sans parler de genre, ont été vraiment, je dirais, exploitées. C'est-à-dire que les Américains disent souvent qu'ils adorent notre culture, mais qu'ils ne nous aiment pas, nous. Et je trouve que c'est très révélateur. C'est-à-dire qu'ils prennent beaucoup de choses qui... et qui émanent de nos cultures, mais sans nous prendre nous, en fait. Donc, sans nous mettre, nous inviter à la table, que ce soit dans les cohortes décisionnelles, etc. On a eu tout un moment aussi où on voyait énormément de mannequins noirs dans les publicités, les campagnes de mode. Mais lorsqu'on faisait un peu de recherche... On voyait que dans les organes décisionnels, dans les bureaux, etc., il n'y avait aucune diversité. Donc, c'était vraiment du tokenisme. Et il y en a tellement, même encore aujourd'hui, que c'est difficile pour moi de dire un seul exemple. Mais oui, je dirais qu'il y a eu Dior, il y a eu Marc Jacobs, il y a eu tous les magazines de Vogue, il y a eu Jalouse, il y a eu tellement de scandales, il y en a eu tellement que c'est difficile d'en citer un seul.

  • Ramata

    Très bien, mais déjà dans le CT3, c'est déjà beaucoup. Et à un moment donné, tu parles de tokenism, de token. Est-ce que tu peux expliciter ce concept qui n'est peut-être pas compris ou entendu par tous ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors le tokenism, c'est le fait de prendre une personne qui est faisant partie, donc je n'aime pas dire des minorités, mais des personnes de la communauté racisée, donc du groupe qui n'est pas dominant. de l'insérer dans un contexte du groupe dominant et de dire aux personnes qui ne sont pas du groupe dominant, regardez, on a pris l'un de vous, nous sommes vachement dans la diversité et l'inclusion. Alors que lorsqu'on fouille un peu, la diversité s'arrête vraiment en termes d'images, c'est-à-dire qu'elle ne traverse pas, comme je disais, les organes décisionnels dans les bureaux, dans les cohortes décisionnelles, que ce soit pour la Fédération de la mode de la couture, par exemple, en France, ou aussi FDA aux États-Unis, le British Fashion Council. En fait, lorsqu'on regarde les personnes qui travaillent dans ces organes, dans ces institutions, elles sont principalement blanches et du groupe dominant. Mais lorsqu'il s'agit de communiquer, par contre, sur ces... sur ces organes ou sur ces entreprises, ils vont toujours mettre en avant une personne avec soit des origines ou une personne noire, etc., comme si leur diversité s'arrêtait vraiment à l'image.

  • Ramata

    Très bien, je te remercie d'expliquer ce point un peu plus en détail, puisqu'on peut aborder des concepts qui peuvent être extrêmement bien compris par une partie de mon audience et pas forcément par une autre. Donc, quand on sent un engagement assez fort qui est né, je pense, de... En tout cas, tu l'as évoqué, je pense, tu l'as évoqué de vraiment ton histoire personnelle et de certaines batailles que tu as dû mener pour toi. Et à un moment donné, l'idée, c'est que tu t'en es quelque part servi pour te dire, moi, je vais aller vers des missions qui vont me permettre d'apporter des solutions, de proposer, de travailler sur la représentation de façon à ce que moi, ce que j'ai pu... souffrir en étant petite, en grandissant, ça n'arrive pas à d'autres. Aujourd'hui, est-ce que tu peux nous parler, évoquer des exemples, soit de campagne, soit de mission que tu as pu avoir, ou tu as le sentiment que sur la question de la décolonisation, déconstruction, ou ces notions de tokenisation, il y a eu un travail de fait où on intègre la diversité de manière qualitative et inclusive ?

  • Koura-Rosy

    Oui, alors est-ce que c'est plutôt par rapport à d'autres marques ou est-ce que je peux citer des exemples d'initiatives que moi j'ai faites ?

  • Ramata

    Le mieux, c'est que tu parles de toi, mais c'est comme tu veux.

  • Koura-Rosy

    Ok, allons-y. Alors, tout d'abord, je pense que les nouvelles générations, celles qui sont nées, je dirais, dans les années 90 et celles qui sont nées dans les années 2000, ont permis aussi de démocratiser en quelque sorte ce genre d'initiative, dans le sens où les nouvelles générations ne sont pas du tout désolées d'être noires, ni d'être racisées, ni d'être quoi que ce soit. Donc, en fait, elles vont s'imposer au système. en termes de d'initiatives. Moi, ce que j'ai fait, et là, c'était assez récemment, l'année dernière, durant la Biennale de Dakar, j'ai fait un talk, un panel discussion autour de la décolonisation des narratives dans le secteur de la mode. Et ce qui nous a permis de vraiment créer des espaces de discussion qui encouragent le changement social. structurelle, parce que moi, en fait, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le changement structurel, c'est que la structure bouge afin que chacun puisse naviguer la structure de manière équitable, sereine et saine. Donc, du coup, je pense que c'est très important pour nous et tout type de communauté non blanche de s'informer sur que ce soit les mécanismes, l'histoire et les solutions. Donc, en créant ce type d'événement, donc bien évidemment, c'est à Dakar, mais Merci. Pour moi, il est important de le faire directement sur le territoire parce que malheureusement, surtout dans les secteurs de la mode, nous prenons souvent en modèle de référence le modèle occidental, alors qu'il ne peut pas vraiment être appliqué dans des milieux tels que le Sénégal ou dans toute l'Afrique ou l'Afrique de l'Ouest. Donc, le but, c'était vraiment de pouvoir engager la discussion sur quels sont les fondements du secteur ou de la mode. hors du Western gaze, du European gaze, sans prendre en compte le modèle dominant autour de la mode. Donc, j'ai eu l'occasion d'inviter trois personnes. Il y avait Devyn Hurst, qui est une Américaine, mais qui a vécu et fait des ethnographies auprès des communautés, par exemple, qui récoltent le sel au nord du Sénégal. et leur rapport aux vêtements. Donc, le fait qu'ils utilisent des vêtements, par exemple, pour couvrir les table-celles, etc. Donc, c'était très intéressant. Elle fait des études très intéressantes sur les communautés qui utilisent les vêtements, mais pas forcément dans le cadre de la mode. On a eu Cher Kébé qui, lui, pour le coup, était vraiment dans le secteur de la mode pure et dure au Sénégal puisqu'il a une marque qui s'appelle Maison Kébé. Et on avait également Toby Onalubu qui est un artiste ghanéen qui travaille au Bénin et autour du Vaudou. Donc vraiment, c'était pour pouvoir mettre en concordance différentes pratiques, différents points de vue, différentes expertises, pour montrer à quel point toutes ces expertises et ces pratiques peuvent nous aider à redéfinir, de manière endogène, nos esthétiques et nos narratives autour de la mode et du milieu créatif de manière plus générale. Donc je dirais que c'est ce genre d'initiative, je pense que la création d'espaces de discussion est fondamentale pour un changement profond et structurel. Et je pense également qu'il faut qu'on ait un regard très critique sur nous-mêmes, surtout si on vient de la diaspora et qu'on souhaite faire des choses en Afrique. Je pense qu'il faut être conscient qu'on a, comme je disais, on a internalisé certains biais, donc il ne faut pas qu'on arrive comme des néocolons. en mode, ouais, la mode, c'est comme ça, c'est comme ça, c'est comme ça, vous devriez faire comme ça, comme ça, comme ça. Bien au contraire, je pense qu'il faut vraiment s'insérer dans le milieu et le contexte culturel et local, et ensuite essayer de naviguer ce contexte culturel et local en fonction des réalités, des valeurs, des approches, etc. Donc voilà, j'ai tant à faire de plus en plus d'événements comme ça. Pour moi, c'est très important qu'on ait des espèces de discussions. Notamment, c'est bien... Internet, c'est chouette et ça permet de diffuser l'information de manière très massive. Mais je pense que le physique et les expériences physiques sont très importantes pour nos communautés. Donc, il est important pour moi de les encourager.

  • Ramata

    Très bien. Moi, ce que je ferais, je partagerais les liens vers ta plateforme et vers également, j'imagine, tes réseaux sociaux. De toute façon, à ce que mon audience puisse être informée des différentes initiatives et des différents événements que tu peux... promouvoir et mettre en place. Et puis après, si c'est à Dakar, si c'est à Londres ou Paris, on saura où te trouver puisque moi, j'ai une communauté qui suit le podcast, qui est assez internationale avec une partie de la population que je salue, qui est à Paris, qui est à Dakar, qui est à Abidjan. Donc, c'est ça la force aussi du podcast, c'est qu'on peut toucher des gens à travers le monde. Donc, tu l'as évoqué plusieurs fois, tu as passé quatre ans au Sénégal et donc, nous avons pu travailler avec des marques sur place, avec des professionnels du secteur des industries culturelles et créatives. est-ce que tu peux du coup parler un petit peu de cette expérience-là, de ce volet-là et de ce que ça peut t'apporter aujourd'hui dans ton quotidien quand tu vas travailler pour WGSN ou tu vas travailler pour un magazine comment est-ce que ça te nourrit et comment est-ce que du coup ça t'enrichit par rapport à d'autres profils qui n'auraient pas ce background.

  • Koura-Rosy

    Ok, très intéressant. Alors, je continue à partager mon temps entre le Sénégal et la France. Idéalement, sincèrement, j'aimerais pouvoir naviguer entre les deux de manière super fluide. Mais je continue à vivre à moitié à Dakar. J'y étais il n'y a pas très longtemps, j'y vais assez souvent. Mais sincèrement, ça a changé ma vie. Je ne vais pas mentir. Comme je disais, quand on est niais en France, le truc, c'est qu'on intègre beaucoup le fait que l'Afrique, c'est pas bien, l'Afrique, c'est sauvage, l'Afrique, c'est le bantel, l'Afrique, c'est la misère, l'Afrique, la nina, là. Et donc, du coup, en fait, on a tendance à y croire, mais on sait, au fond de nous, que c'est un discours très colonial et qu'il faut pour nous, en tant que personnes de descendance africaine, de pouvoir le vivre par nous-mêmes. Donc, le fait d'y être allée, d'avoir vu les réalités, donc tout n'est pas parfait, bien évidemment, il y a des gros problèmes. Que ça soit économique, que ça soit au niveau de la santé, que ça soit au niveau de l'éducation, il y a des vrais problèmes et des choses à améliorer qui sont factuelles, c'est véridique. Mais cependant, moi, ça a changé ma vie parce que je me suis rendue compte qu'en fait, on n'était pas du tout obligé de vivre comme en Occident. C'était vraiment un modèle qui nous avait été appris, mais que ce modèle n'était déjà pas un pas universel, pas le meilleur. qui n'était pas le plus naturel également pour nous, parce que pour certains, nos parents ne sont pas nés sur le territoire français. Donc, ils sont venus ici pour des raisons bien spécifiques. Et donc, on a toujours su en nous, parce qu'on était nés dans des foyers pas forcément occidentaux, qu'il y avait autre chose. au-delà de la manière de vivre en Occident. Et je dois avouer que moi, quand je suis en France, je m'ennuie parfois beaucoup. C'est des réalités qui sont... Il y a beaucoup d'opportunités en France, je ne dis pas le contraire. Même en Europe, il y a beaucoup d'opportunités. Aux États-Unis, il y a beaucoup d'opportunités. C'est là où, je dirais, les principales...

  • Ramata

    Oui,

  • Koura-Rosy

    les entreprises sont ici. Cependant, la vie, j'ai l'impression d'avoir redécouvert... la vraie vie quand je suis allée en Afrique de l'Ouest et que j'ai pu voir les gens vivre de manière très humaine en communauté. Le sens de la communauté est totalement différent, donc ça fait du bien. Les gens vivent vraiment, que ce soit l'espace urbain, à l'extérieur, la dimension corporelle, la communication corporelle des gens que je trouve beaucoup plus naturelle également. parce qu'en Occident, j'ai l'impression qu'on est vraiment réprimé et contrôlé et que ça se voit aussi sur notre manière de bouger, notre communication non-verbale. Et en termes de travail, ce que ça m'a apporté, c'est que vraiment, ça m'a permis de dire à toutes ces entreprises, que ce soit WGSN ou d'autres entreprises avec qui j'ai pu travailler, de dire, écoutez, c'est bien de vouloir faire des choses sur le continent africain, mais en fait, il ne va pas falloir le faire de manière néocoloniale. Il va falloir venir avec une conscience que... ces personnes ont leur propre modèle, que vous n'essayez pas de les changer, que vous essayez au pire de les soutenir. Mais même ça, je trouve que c'est parfois encore très problématique. Mais que vous essayez à la limite de vous insérer dans le champ et les réalités locales, il n'y a pas de problème, mais d'imposer des modèles qui sont externes pour leur dire que ça, c'est mieux, etc. Ça, c'est hors de question. Donc, ça m'a permis vraiment d'introduire cette dimension de décolonisation auprès de ces entreprises, qu'elles veuillent l'entendre ou pas. Ça, moi, après, ça m'est un peu égale. Je ne vais pas forcément me vendre et leur faire plaisir pour alimenter le néocolonialisme. Ce n'est pas mon but dans la vie. Donc voilà, ça m'a permis de juste faire en sorte et de m'assurer que certaines personnes arrivent avec la bonne mentalité et pas avec cette mentalité néocoloniale. Et je pense à l'avenir, moi, il y a quelque chose que j'aimerais beaucoup faire à l'avenir, c'est en fait pouvoir participer à toute cette régulation et cette mouvance de policies, donc de manière plus légale et juridique pour protéger nos communautés, que ce soit au niveau de l'utilisation des patterns ou des tissus ou du textile ou des pratiques ou des approches qui sont typiquement... qui viennent du continent, de les réguler afin que les gens qui sont externes à ces communautés puissent à la limite les utiliser, mais dans un cadre légal bien spécifique. Moi, à terme, je pense que c'est quelque chose qui m'intéresse vraiment et je pense qui est vraiment lié à ma pratique de recherche. C'est, oui, développer des policiers qui peuvent protéger les communautés sur le continent et pouvoir être toujours dans l'échange, pourquoi pas, mais le respect le plus important et surtout pouvoir faire en sorte qu'il n'y ait pas de dégradation des biens culturels, pas de dégradation de l'environnement non plus, parce qu'on sait que... Avec la seconde main, on a un vrai problème. L'Occident, on voit beaucoup de seconde main en Afrique et malheureusement, ça pollue énormément. Et il n'y a pas que les vêtements, il y a aussi l'électronique, etc. Donc vraiment, si je peux à terme participer à cette régulation de manière légale ou à mon niveau, au niveau de la recherche, etc., je pense que c'est quelque chose qui me ferait vraiment plaisir et que ce serait vraiment un but, un accomplissement assez important, je pense.

  • Ramata

    Très intéressant. Est-ce qu'il y a des... Dans ce que tu dis, je me retrouve un petit peu dans... Moi, j'ai voyagé sur le continent assez tard dans ma vie par rapport à toi. Alors, moi, je suis de Rochelle-Guinéenne, mais le premier voyage que j'ai fait, pas accompagné par les parents, seul pour aller... Je l'ai appelé Africa Fashion Tour et ça a été un voyage d'un mois à travers quatre capitales. que j'ai appelé les capitales de la mode africaine. J'ai commencé par Conakry parce que je suis d'origine guinéenne. Ensuite, j'ai fait Abidjan, Accra et l'Écosse. Et c'est vrai que ça a complètement changé ma perspective sur l'Afrique, sur toutes les représentations que je pouvais avoir. Et même dans ma manière d'en parler, je fais attention parfois quand je parle d'Afrique à vraiment toujours ajouter le continent aux 54 pays, parce qu'à chaque fois, je me dis, le vocabulaire qu'on utilise, il est tellement réducteur par rapport à tout ce qu'il y a comme richesse créative sur place. Et du coup, j'entends dans ce que tu dis, ce que tu évoques, on a besoin d'avoir un autre storytelling, d'autres discours, avec d'autres visions. On a la vision de l'Occident, il est temps d'avoir d'autres voix qui racontent d'autres histoires, en fait. Et on va se rendre compte qu'elles sont opposées, qu'elles sont différentes. Mais en tout cas, on a besoin de multitude de points de vue et de perspectives pour pouvoir se faire sa propre idée. Et donc, j'aime beaucoup ta démarche et la façon de le décrire. Et je pense que parfois, quand tu es en Occident, tu dois avoir le mal du pays. Oui,

  • Koura-Rosy

    tellement. Non,

  • Ramata

    mais quand tu y vas, après, tu ne peux plus, en fait. Au bout de trois mois ici, tu te dis, mais il faut que je prenne un billet, ce n'est pas possible.

  • Koura-Rosy

    Non. Et ça, vraiment, il n'y a que nous qui pouvons comprendre, en fait.

  • Ramata

    Que ceux qui font aller, parce qu'après, ce n'est pas un truc, je pense, que de... Je pense ceux qui sont allés et qui sont tombés amoureux là-bas. Oui,

  • Koura-Rosy

    vraiment. Après, tellement il y a de bonheur sur place, tu ne peux pas rester ici sans ressentir un vrai manque. Exact. Mais c'est que la vie ici, elle est trop cadrée. Elle est plus naturelle, elle est trop organisée. Tandis que j'ai l'impression d'avoir redécouvert ce que c'était de vivre. que ça soit le sens de la communauté, comme je te disais, le rapport que tu as à ton corps lorsque tu es là-bas. Les cheveux, n'en parlons pas. Les cheveux, je crois que ça a été ma plus grande révélation, le fait qu'on n'avait pas du tout un cadre pour prendre soin de nos cheveux en Occident. C'est un cas de verre. Alors peut-être que les Américains en ont un peu plus parce que les Afro-Américains ont vraiment créé leur communauté à eux propres. Mais en France, c'est une catastrophe. Si tu n'es surtout pas née à Paris, parce que moi, je ne suis pas née à Paris, ... les opportunités pour les cheveux, c'est une horreur. C'est un enfer. Ça me stresse, moi, encore aujourd'hui. Et tu as totalement raison. Le champ lexical est très important. C'est pour ça que je précise tout le temps l'Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Ouest ou continent africain. Pour moi, c'est des terminologies qui sont importantes à distinguer parce qu'en effet, on a souvent cette narrative de l'Afrique, le pays, comme si c'était un bloc monolithique, alors que c'est tellement divers et varié. qu'il serait impossible pour nous de... On a des similarités, bien évidemment, parce qu'on est sur le même continent, mais c'est impossible de dresser un profil commun d'un Africain, ça ne veut strictement rien dire. Non,

  • Ramata

    mais après, moi, je... Et puis ça, en fait, on va dire les Occidentaux ou les Européens, ils arrivent à le comprendre quand on leur dit qu'on est bien d'accord qu'un Suédois et un Portugais, ça n'a rien à voir. Donc, quand on ramène... En fait, tout le monde est capable de le comprendre, mais c'est vrai que... Et c'est là qu'on... Donc, ils se rendent compte qu'ils parlent d'Europe, certes, mais pas tant que ça. Ou pas avec la même facilité avec laquelle ils vont parler d'Afrique. Ils vont beaucoup moins dire Europe qu'ils vont dire Afrique pour désigner, dans des situations vraiment à des contextes très précis, ils mettront les noms des quatre pays dont ils veulent parler. Ils vont parler de l'Europe côté méditerranéen ou les pays du Nord. Et on sait qui est-ce qu'on désigne, mais on ne dit pas Europe à tout bout de champ, comme si ça regroupait, comme si ça… tout le monde se ressemblait et se connaissait. Pour l'Afrique, c'est encore plus fort les différences qu'il peut y avoir. C'est important. Ce sont des différences qui font la richesse du continent. C'est des choses dont il est important de s'emparer. écoute pour conclure toi ce que tu dis c'est que tu fais beaucoup d'aller-retour entre entre je m'imagine Dakar et Paris pour quelqu'un qui s'intéresse à la mode et qui prépare un voyage à Dakar qu'est-ce que tu nous conseilles quels sont les endroits alors qui s'intéresse à la mode à la culture quels sont les endroits où toi si tu dois nous donner un peu the place to be in Dakar où est-ce qu'il faut aller ah

  • Koura-Rosy

    Il y en a tellement, mais je dirais que s'il s'intéresse à la mode, déjà au niveau de la consommation, je lui dirais déjà d'expérimenter les marchés. Parce que contrairement à l'Occident, comme d'habitude, on n'a pas de... En fait, tout est beaucoup plus informel, comme tu le sais. Donc du coup, les marchés, c'est vraiment une expérience sociale qui pour moi est très importante dans l'expérience en Afrique de l'Ouest, parce qu'elle permet à la fois de comprendre comment les gens s'habillent, comment ils consomment des habits, comment l'impact des déchets textiles va impacter les communautés locales, et aussi toute l'expérience sociale, donc d'être dans les marchés, être avec les gens, les marchands, les gens qui crient. C'est toute une expérience, une ambiance, que ce soit l'expérience sonore, sensorielle, auditive, bref. Je recommanderais quand même d'aller dans des marchés, que ce soit Gueule Tapée, Marché Colobane, Saldaga. Après, il y a des collectifs qui font des ateliers de poterie, qui sont aussi sous une association pour les personnes handicapées. C'est au Mamel, à Wacam, c'est très intéressant, parce que ça permet de faire de la poterie et de donner de l'argent à une association. Il y a aussi le Ban Café qui est... un peu plus formel, mais qui est très intéressant également. Il y a des collectifs comme Doucement, qui donnent des cours, par exemple, de DJing, qui est très intéressant. Bien évidemment, il y a la Ro Compagnie, qui avait été créée par Koyo Péasounam, qui est un espace superbe. Je crois que c'est l'un de mes espaces préférés à Dakar, parce qu'il y a une bibliothèque très exhaustive. Les expositions sont très intéressantes, la team est superbe également. Et puis, il y a vraiment beaucoup de choses. Il y a des centres culturels un peu plus réservés à une population expatriée, mais qui sont quand même intéressants d'aller voir. C'est Espaces Tram. Qu'est-ce qu'on a d'autre ? On a le musée des civilisations africaines, des civilisations noires. Et puis aussi sortir un peu de Dakar, pourquoi pas aller visiter aussi Saint-Louis, c'est une très intéressante ville, c'est l'ancienne capitale coloniale bien évidemment, mais l'ambiance est totalement différente, l'architecture est totalement différente, le chemin vers Saint-Louis est génial. Donc voilà, qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Je réfléchis, je réfléchis, mais principalement, sincèrement, je pense que de toute façon, à Dakar, le monde créatif est quand même... BÊT C'est grand, mais ce n'est pas à l'échelle des grandes... Ça ne s'organise pas de la même façon qu'en Occident. Ce sont des secteurs qui sont encore très... Je dirais pas nouveaux, mais les gens investissent de plus en plus leur effort dans ces milieux créatifs. De plus en plus, la jeunesse se mobilise dans ces milieux créatifs, ce qui n'était pas forcément le cas avant. Après, à la personne, je lui dirais par exemple d'aller aussi au marché artisanal vers Sunbejun. C'est très intéressant. Il y a beaucoup de choses à boire. Sunbejun aussi, qui est le marché aux poissons, c'est très intéressant. Oui, c'est principalement ça que j'ai en top of mind. Ben écoute, c'est déjà pas mal, super. Moi, il y a pas mal de choses que j'ai déjà fait de la carte plusieurs fois, mais je n'ai pas encore fait toute la liste de ce que tu suggères là. Donc, du coup, moi, ça me fait ma petite liste pour mon prochain voyage. Ben écoute, on arrive à la fin de cette interview. Moi, j'ai été ravie de pouvoir échanger avec toi et d'avoir en fait un petit peu ton point de vue qui part de ton histoire et de la manière dont ça a pu te guider sur l'évolution de ta carrière. dans le milieu créatif et ta volonté d'être engagée dans ce que tu crées, dans ce que tu veux proposer et un petit peu de challenger des idées reçues et des institutions, qu'il s'agisse des médias ou des cabinets de tendance. C'est vrai qu'ils ne font pas forcément la part belle à la représentation de la diversité. Et toi, en travaillant de l'intérieur, tu peux ouvrir des portes campagne après campagne, édito après édito, initiative après initiative. Et c'est comme ça que les choses vont bouger Petit à petit, mais il faut des gens dans l'intérieur de ces cercles qui soient conscients de ces sujets-là pour pouvoir faire bouger les lignes. Donc, pour ça, merci et bravo, j'ai envie de dire. Merci, c'est très gentil. Et puis, ton travail également est important. Diffuser les histoires qui ne sont pas dominantes, c'est super important. On a besoin de... Ça crée aussi des archives pour le futur. Donc, je trouve que c'est un travail... ethnographique, digital, très important. Je trouve ça fantastique que tu puisses interviewer des gens de la diaspora comme du continent et également c'est une approche assez très sociologique également que je trouve très pertinente dans le champ actuel.

  • Ramata

    C'était exactement, merci beaucoup, c'est exactement le chemin que j'ai pris quand j'ai lancé ce média, c'était l'information à laquelle je n'ai pas accès facilement je vais la rendre accessible à d'autres qui pourraient un jour se poser les mêmes questions que moi. Et j'avais envie de le faire d'une manière qui soit gratuite pour diffuser le plus possible cette parole-là qui est encore aujourd'hui invisibilisée. Et après, moi, chaque jour, quand je vois l'audience du podcast qui monte, je me dis que ce n'est pas un sujet de niche, en fait, pas du tout. ça peut être peut avoir l'air d'être un sujet de niche quand on se place d'un point de vue occidental en fait, mais si on se place d'un point de vue afrique-francophone, c'est pas du tout un sujet de niche et donc moi, petit à petit, je vois l'audience monter et je me dis, voilà, c'est un travail de fourmi mais il n'y a pas de raison que ça ne paye pas, il faut aller à ces sujets-là en étant déterminé et serein dans le fait que ces sujets-là et sinon, et sinon. je ne vais pas dire porteurs, mais ils sont importants en tout cas.

  • Koura-Rosy

    Totalement, ils sont fondateurs en tout cas. Ça, c'est clair.

  • Ramata

    Écoute, moi, j'étais ravie de cet échange. Je te dis à très vite à Dakar, Voyeur.

  • Koura-Rosy

    Oui, à très vite et merci beaucoup, Ramata.

  • Ramata

    Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite, en Afrique ou ailleurs.

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