- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Au cœur de la boulange, le podcast de l'édition 10.71, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulange. Bienvenue à tous dans notre deuxième partie de l'interview de Bernard Pétzoul, fondateur et dirigeant du cabinet Jira, dont le métier est accompagner les professionnels de la restauration à chaque étape de leur projet. Dans la première partie, nous avons évoqué la classe de la boulangerie artisanale sur le marché de la restauration, sur le marché du repas du midi. Nous nous sommes également penchés sur les forces des artisans boulangers face aux autres acteurs de la restauration. Enfin, nous nous sommes interrogés sur l'orientation que devait prendre la boulangerie artisanale pour répondre aux besoins des consommateurs sur le plan de la restauration. En somme, nous avons essayé de répondre aux questions suivantes. Comment évolue et doit évoluer la boulange par rapport au métier de la restauration ? Dans 10 ans, le boulanger sera-t-il encore un boulanger ? Et pour les artisans boulangers, s'orienter vers la franchise, est-ce une bonne idée ? Et nous reprenons cette interview. à la question non moins importante de l'expérientiel en boulangerie. Mais avant, je vous rappelle que vous pouvez retrouver la première partie ainsi que tous les autres épisodes sur www.e1071.com ainsi que sur votre plateforme d'écoute habituelle. Et on aborde la question de l'expérientiel, parce que dans votre discours, c'est souvent ce que vous mettez en avant, faire attention à l'expérience. Alors maintenant, on exagère, et là vous allez me préciser les choses, parce que maintenant, je ne sais pas si c'est la mode bobo parisienne, je ne sais pas trop quoi, mais on entend parler des DJ sets à droite, à gauche, chez French Pasta, avec Bob Sinclair, chez Intel, bref. Maintenant, ça devient, quand vous regardez les réseaux sociaux, je sais, ce n'est pas la réalité, mais on commence à dire, maintenant dans une lingerie, il faut quasiment avoir ça. Pour vous, l'expérience, ce n'est pas ça. Ça, c'est juste une collab. C'est juste un coup, un one-shot, juste de la com, du marketing. Vous, quand vous parlez d'expérience, d'expérientiel, qu'est-ce que ça recouvre ?
- Bernard Boutboul
La collab, attention, c'est une excellente initiative marketing et j'encourage tous ceux qui font des collabs à continuer à le faire, en condition que la collab soit cohérente. Je ne prendrais pas un rappeur chez Paul. Vous voyez ce que je veux dire ? Il faut qu'on soit plutôt cohérent. Par contre, quand je vois des rappeurs faire des ouvertures de Hotacos, là, on est très cohérent. Donc, les collabs, excellente idée. Et puis, ça existe d'ailleurs depuis assez longtemps. Je sais que Sushi Shop fait souvent des collabs avec des chefs japonais de haut niveau. Bref, collabs, très, très bien. La collab, effectivement, vous avez raison, n'a rien à voir avec l'expérience souhaitée par le client. Alors c'est quoi l'expérience souhaitée par le client ? C'est une expérience tridimensionnelle. Il faut que le consommateur puisse vivre une expérience avec le lieu dans lequel vous le faites rentrer, ou dans le lieu où vous le faites acheter ou manger. Ça veut dire quoi une expérience avec le lieu ? C'est qu'il y ait un visuel hyper agréable, voire instagramable. Un mur extraordinaire, vous savez il y a des murs végétaux qu'on voit de plus en plus. ça peut être un joli siège, un joli fauteuil, enfin bref. Il faut qu'il y ait du visuel avec des mini-wow. Deuxième niveau d'expérience avec le produit. Et là, il faut qu'on fasse très attention parce que ce n'est pas la qualité du produit, c'est un prérequis, c'est le côté Instagramable du produit. Il faut que le produit soit beau, sexy, qu'on ait envie de le partager avec nos communautés, etc. Je le prends en photo, je le poste et les gens disent « Ah, wow, c'est que tu as mangé un truc pareil, c'est vachement bon » . On ne vend ce que... que ce que l'on montre. Les gens achètent ce qu'ils voient. Donc, Instagram est par définition le réseau social qui correspond le plus à ça. Donc, cette expérience avec le produit, je répète, ce n'est pas la qualité, c'est le côté super beau du produit. Et le troisième niveau expérientiel, alors là, c'est celui qui est le plus compliqué par le temps qui court, c'est de vivre une expérience avec le personnel. Les consommateurs ne souhaitent plus qu'on leur dise… Qu'est-ce que vous voulez ? 3,50€. Non. Vous allez dans un restaurant, vous avez choisi ? Non. Aujourd'hui, ils veulent être pris en charge. Ils veulent qu'on leur explique. Je ne sais pas, par exemple, le samedi... quasiment tous les boulangers se lâchent avec leurs pains spéciaux magnifiques etc. Peut-être qu'il faudrait une introduction en disant alors aujourd'hui notre boulanger nous a fait un pain aux olives, un pain aux noix, avec telle et telle farine. C'est ça l'expérience, c'est qu'on commence à m'expliquer un certain nombre de choses, à m'accompagner dans mon choix. D'ailleurs on observe les gens qui rentrent dans les boulangeries où il y a des pains spéciaux magnifiques etc. Ils sont là, ils regardent etc. mais ils ne savent pas. Et donc les... expliquons-le, qu'est-ce qu'on a fait aujourd'hui comme pain spéciaux, qu'est-ce qui serait intéressant, est-ce que vous aimez les noix, que vous aimez les raisins, enfin bref, on peut accompagner le consommateur. Vous voulez être plutôt sans gluten, etc. C'est ça, vivre une expérience avec le personnel, c'est que le personnel soit à notre écoute, soit à force de proposition et soit en explication de ce que vous voyez là sur mon étalage. Ça c'est facile à dire, c'est extrêmement complexe ce que je viens de raconter.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
C'est que chaque client soit véritablement pris en charge. En gros, c'est ça. Oui,
- Bernard Boutboul
complètement. Parce que quand vous avez la queue dans une boulangerie, samedi matin, peu importe, chaque client ne vient pas pour la même chose. Moi, je viens peut-être pour des viennoiseries, et puis je ne sais pas combien je vais en prendre, et puis peut-être que je fais un mix entre des mini-bonnes et des grosses viennoiseries. Enfin bref, voilà. Celui qui est derrière moi, il vient plutôt pour du pain. et particulièrement pour des pains de pression. Donc on est obligé de... Et puis quand vous discutez de ça avec quelqu'un, avec tous les gens qui sont là que derrière, les autres, ils écoutent. C'est ça qui est vachement intéressant. C'est ça le côté expérientiel, c'est qu'il se passe quelque chose avec le personnel qui est en contact avec le client. Il se passe quelque chose.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Le client de devant est quasiment le prescripteur pour le client qui suit.
- Bernard Boutboul
Je me suis aperçu parce que j'ai vu dans des boulangeries où ils sont vraiment très bons au niveau expérience. Je vois les gens avec eux qui se bougent, qui se déportent sur la droite, et on gagne du temps en plus. Parce que j'ai écouté ce qu'ils ont dit sur les pains aux noix, les pains aux raisins, etc. Et quand j'arrive, je dis, en fin de compte, je vous ai entendu sur les pains aux noix, je vais prendre celui-là. On gagne du temps, on gagne du temps en plus.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Mais ça, comme vous dites, c'est très compliqué. Parce que ne serait-ce que quand on demande au personnel de vente parfois quelle est la différence entre telle baguette et telle baguette. Déjà ça coince. Donc effectivement, si c'est pour prendre en charge complètement le client dans son parcours d'achat, ça risque d'être difficile.
- Bernard Boutboul
Vous vous dites quelle différence entre deux baguettes. Moi j'ai entendu dans les boulangeries des gens qui disent ce pain là il a l'air beau etc. Il est fait avec quelle farine ? C'est une question simple quand on le boulanger. Et j'ai vu le gars ou la fille, je ne me souviens plus, être un peu embêté parce qu'il n'a pas la réponse. Et ça c'est embêtant parce que... Aujourd'hui, il y a des gens qui veulent manger sans gluten, il y a des gens qui veulent du gluten, mais qui veulent du gluten un peu allégé, etc. Et puis peut-être des farines, on parle de farines anciennes, etc. Il y a plein de trucs qui arrivent sur le marché. La moindre des choses, c'est que je dis que ce pain-là, il fait avec telle farine. Mais je ne peux pas ignorer comment ont été fabriqués les produits que je vends. Ce n'est pas possible.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Parce que les ingrédients, c'est quand même la base. Surtout la farine dans du pain.
- Bernard Boutboul
Mais vous savez, ce qu'on dit sur la boulangerie, on le constate dans la grande distribution. Vous allez chez Darty, j'ai rien contre Darty ou Fnac, vous hésitez entre deux appareils. Vous lisez les étiquettes et vous ne voyez pas pourquoi il y en a un qui est, je dis n'importe quoi, 150 euros de plus cher que l'autre. Donc vous avez quelqu'un et vous dites, vous pouvez me dire la différence entre les deux ? Et le gars ou la fille lit les étiquettes. C'est bon, ça je l'ai déjà fait. On a un problème de parfaite connaissance des produits qu'on vend. Mais on constate ça aussi dans les restaurants. Moi, j'entends aussi des consommateurs qui me disent, « Ah, il est super votre sauce, qu'est-ce qu'il y a dedans ? » C'est vrai.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Je reviens juste aux franchises, parce que j'ai oublié un sujet. On parlait d'évolution de l'offre. L'offre évoluait au cours de la journée, et donc la déclinaison des concepts. On commence à avoir de plus en plus des boulangeries-cafés. Est-ce que là, on n'est pas... Vous parliez d'américanisation tout à l'heure. Est-ce qu'on ne s'éloigne pas complètement du métier ? la légitimité... Quelle est-elle pour un boulanger, à part les viennoiseries ? Et comme vous dites, certains ne les font pas. Est-ce que là, on ne développe pas un autre métier ? Et est-ce qu'on ne s'américanise pas trop non plus avec... Bon, après, s'américaniser, est-ce que c'est un problème si le client le veut ? Mais cette évolution du café, vous la voyez comment ?
- Bernard Boutboul
Déjà, moi je dis qu'on ne s'américanise pas en termes de produits, mais on s'américanise en termes de comportement. L'américanisation du comportement, c'est de ne pas manger systématiquement. L'américanisation au niveau des produits, c'est manger des produits qu'ils consomment dans les pays anglo-saxons que nous, on ne consomme pas. Et d'ailleurs, on a vu beaucoup de concepts américains se casser le nez sur la France. parce que nous ne mangeons pas les produits qu'ils mangent. Donc, je pense que la France est vraiment l'un des rares pays au monde qui ne s'américanise pas au niveau des produits. En revanche, si on peut appeler ça comme ça, nous nous américanisons dans notre fragmentation de nos repas ou collations tout au long de la journée. Ça, oui. Mais il y a un autre aspect sur lequel on ne s'est américanisé pas du tout. S'il y a un peuple au monde qui ne boit pas et qui ne mange pas en mouvement, c'est bien les Français. On ne mange pas et on ne boit pas dans la rue, on ne mange pas et on ne boit pas dans les transports. Si vous voyez quelqu'un avec un mug de café dans la rue en train de boire son café, il y a de grandes chances que ce soit un anglo-saxon. Nous, il faut qu'on se pose plus ou moins confortablement pour manger et boire ce qu'on a acheté. C'est très français. Et Starbucks a compris, malheureusement, un peu tard, qu'on n'allait pas au poire du café en marchant. Vous savez, les constructeurs automobiles du monde entier nous ont mis au milieu des porcoblets. Quand vous allez dans une voiture à Londres, en Australie, à Los Angeles ou à New York, c'est leur deuxième cuisine. Il y a à boire, il y a à manger, il y a tout ça. Quand vous rentrez dans une voiture en France, nous, on met des pièces et des clés. Donc, on ne mange pas et on ne boit pas en mouvement. Ça fait des années que je le dis, mais je dois avoir un problème de compréhension sur le sujet. Et d'ailleurs, on en a la preuve. C'est que notre restauration rapide en France, notre cycling, notre fast-food, a les places assises les plus importantes au monde. Parce qu'il faut qu'on se pose. Paul, Brioche Dorée ont mis des places assises. Les McDo ont beaucoup de places assises. Quand vous allez aux Etats-Unis, les McDo, ils ont très peu de places assises. On prend un burger, on marche dans la rue et je mange mon burger dans la rue avec mon coca. Non, il faut qu'on se pose.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et vous parliez aussi de l'adaptation à la France. C'est vrai que le Big Mac fourme d'ambert, on ne le verra pas aux Etats-Unis, c'est sûr. Ça,
- Bernard Boutboul
c'est sûr. Même si les Américains sont assez fans de notre cuisine, de nos fromages et de notre vin, non, la fourme d'ambert aux Etats-Unis, surtout pas. Alors que, quand McDo... fait un burger avec de la viande charolaise, alors les Français ils disent « ah enfin de la viande charolaise dans mon hamburger » . Ça, ça les intéresse.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
C'est d'ailleurs comme ça que McDo a fini par réussir en France, en s'adaptant au goût français.
- Bernard Boutboul
Ça prend six ans complètement, alors que là on est en train de parler de l'américanisation. Je ne sais pas si vous voyez l'allère-tour. Les Américains ont des problèmes avec McDo aux États-Unis, mais comment on fait une machine arrière ? marche avant quand on est américain aux états unis quand j'étais il ya quelques années dans un mcdo à new york j'ai cru régresser de 20 ans je pense que les français ne se rendent pas compte de la qualité des établissements macdonald qu'ils ont en france sont plus confortables on sent plus de graillons en s'entendant chez eux la qualité s'est sérieusement améliorée ils achètent tout en france qui s'expose au salon à l'agriculture Moi, j'aime bien qu'on critique McDo, je n'ai pas de problème là-dessus, mais quand on compare un McDo en France avec un McDo aux États-Unis, mais là, ça n'a rien à voir. La France a complètement francisé ce concept américain. Complètement.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et en plus, ils sont mieux entretenus en général, les lieux.
- Bernard Boutboul
Ah oui, beaucoup plus hygiéniques, c'est sûr. Et puis, n'oubliez pas que c'est les Français qui ont inventé le McCafé.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et là, on revient à le café, la viennoiserie, le gâteau de verriage, les petits muffins.
- Bernard Boutboul
La pâtisserie, ils ont des gâteaux au chocolat, des tartes au citron meringuées. Et le matin, ils ont du café qu'ils vous servent dans des tasses en dur. Et ils vous proposent des croissants, des petits pochons, etc. Et ça, c'est quoi ? C'est le boulot de brioche dorée de Paul que fait McDon. Et de la boulangerie qui est en train de le faire actuellement.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et ils ont développé en plus le service à table, le quasi-service à table aussi, McDo. Oui,
- Bernard Boutboul
alors ils appellent ça du service à table, c'est un peu... C'est un peu limite comme expression parce que ce n'est pas du frais service-adapt, c'est ce que chez Girard on appelle du semi-service-adapt. C'est-à-dire qu'on vous dit, elle m'achète, je paye et puis on va te l'amener. Donc, c'est presque du service-adapt. Burger King a été plus loin. Burger King dit, rentre chez nous, assieds-toi à la table, papote avec la personne à l'équité, tu scans le QR code qui est là, tu passes ta commande, tu payes, tu continues à papoter, on va te donner le produit. là On est presque au service à table, sauf qu'il n'y a pas de présence humaine.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Il n'y a pas de présentation de la carte.
- Bernard Boutboul
Voilà, Burger King a été plus loin que McDo. Comment McDo va répliquer ?
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Mais quand j'ai vu ça chez McDo, j'ai trouvé que c'était un grand pas pour eux. C'est énorme.
- Bernard Boutboul
Ce n'est pas dans leur ADN de faire ça. Les Américains ont été très surpris de voir ça en France. Mais bon, la France, c'est un peu l'enfant terrible de McDo au monde. C'est la France qui... qui a pris des initiatives complètement dingues depuis 20 ans. C'est génial au passage que la France a été le premier pays au monde à changer son M jaune sur fond rouge en M jaune sur fond vert. Donc, oui, McDo France est l'enfant terrible de McDo au monde, mais en même temps, nous avons les McDo les plus profitables au monde. Et nous avons des clients qui sont hyper contents de McDo. Et alors, quand on explique ça à des restaurateurs, c'est alors les cheveux qui montent sur la tête. Je lui dis, tu devrais aller voir ce qui se passe le dimanche midi dans un McDonald's. Il me dit, ah bon, pourquoi ? Je lui dis, va voir, tu vas voir. J'ai mis bébé, mémé, le chien, les enfants, etc. qui viennent déjeuner chez McDonald's. Ils me disent, c'est pas possible. Mais je dis, viens, on y va. Et ils se sont outrés. Je comprends pas pourquoi ils sont outrés. Je comprends pas.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Oui, ils répondent à un besoin.
- Bernard Boutboul
Ils répondent à un besoin. Il y a l'air de jeu pour les enfants, il y a tout. C'est devenu cher, McDo France, attention, ils en profitent. Ils poussent, ils poussent. Mais moi, je me pose la question, pourquoi la famille avec les grands-parents, le chien et les enfants sont là dimanche midi, alors qu'avant, ils étaient à l'auberge du coin, sur la ferme familiale ? Ça, je n'ai pas la réponse à cette question. Mais c'est la question qu'il faut qu'on se pose, en tout cas.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et par rapport à la légitimité des boulangers pour faire les cafés, pour vous, c'est une bonne déclinaison ? C'est le boulanger qui doit faire ça ? Ça fait partie de son périmètre ?
- Bernard Boutboul
Le boulanger a avancé sur le snacking, le boulanger a avancé sur le frigo vide. Sa prochaine étape, il y a aussi le petit-déjeuner, sa prochaine étape, c'est qu'ils sont en train de se transformer en coffee shop. Mais attention, si vous faites du coffee shop... Il faut faire du véritable coffee shop. C'est-à-dire qu'il faut des boissons gourmandes, vous savez, des lattes, des matchas, des chai. Ces boissons que moi j'appelle gourmandes qui sont souvent accompagnées d'un produit sucré comme un cake, un muffin, etc. Et ça, c'est le job du boulanger. Ce qui n'est pas le job du boulanger, c'est d'avoir un barista qui nous fait des boissons gourmandes. Mais il faut qu'ils apprennent. Ils ont appris à nous faire du snacking pour midi, mais il faut qu'ils apprennent à faire des boissons gourmandes.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
effectivement faire des salades c'était pas forcément dans le périmètre du boulanger il y a quelques années ils apprennent peut-être pas ça en formation et deux petites dernières choses repas du midi c'est souvent les actifs il y a le télétravail depuis quelques années vous avez des chiffres clairs, nets et précis sur l'importance du télétravail, est-ce qu'il faut en avoir peur ou pas pour l'activité du midi Votre réponse est non.
- Bernard Boutboul
Le télétravail, on en parle beaucoup. On se cache derrière le télétravail pour expliquer ma contre-performance du midi. Or, et là, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le ministère du Travail qui nous a dit que oui, effectivement, pendant les confinements, on est tous partis en télétravail. Mais au lendemain des confinements, c'est-à-dire en 2021, quand les restaurants ont réouvert et ont été déconfinés, jusqu'à aujourd'hui, 2025, ça a été une chute. continuelle du télétravail. Aujourd'hui le ministère du travail nous dit il y a 15% des emplois télétravaillables qui sont télétravaillés. Alors déjà il faut savoir que nous avons une majorité d'emplois non télétravaillables donc sur la minorité il n'y a que 15% qui télétravaillent. Le télétravail c'est très grosses agglomérations, c'est très grosses entreprises. Et quand on les interroge, ils nous disent que c'est une à deux journées dans la semaine. Une à deux journées, ce n'est pas cinq jours par semaine au Tétraque. Les chefs d'entreprise français... ne sont vraiment pas des fans du télétravail. Alors que nous, on a interrogé des anglo-saxons qui nous disent, des chefs d'entreprise américains ou des chefs d'entreprise anglais, qui nous disent « mais attendez, le télétravail, tu augmentes ta productivité, tu ne passes pas de temps dans les transports, tu n'es pas fatigué, tu peux attaquer même plus tôt chez toi et tu vas être au calme toute la journée » . Les Français sont plutôt à dire « je ne peux pas contrôler quelqu'un qui est en télétravail, même si… » . S'il ne fait pas son boulot, il ne risque pas d'être efficace. Et puis, s'il est dérangé par des copains, par une copine, par les enfants, on est comme ça en France. Les anglo-saxons disent qu'on augmente la productivité quand on fait du télétravail. Les français limitent au maximum le télétravail. Donc, le télétravail ne pèse pas si lourd que ça.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et les anglo-saxons disent que la pause du midi est quasiment inexistante en télétravail.
- Bernard Boutboul
Oui, exactement. La pause du midi est quasiment inexistante. Alors ça, en France, on va avoir du mal, parce que quand on est en télétravail à la maison, je pense qu'on va manger quand même plus vite que si on était au boulot et qu'on s'en rendait avec des collègues déjeuner. Parce que je suis seul, parce que je ne vais pas passer une heure et demie à table tout seul, et je me dis quelque part, et puis même, j'ai peut-être négocié avec mon patron de prendre qu'une demi-heure, ou aller de prendre que 20 minutes, et puis de terminer plus tôt ce soir. J'entends beaucoup ce genre de négociations. Je vais faire une pause d'une demi-heure, donc est-ce que je peux terminer à 17h ? Ou à 16h30 ? Et j'ai beaucoup aussi entendu en télétravail, ça ne vous dérange pas si je commence à 8h le matin ? Chose que je ne ferais pas si je devais arriver au bureau. Donc oui, commence à 8h, fais tes 7h ou tes 8h dans la journée, à tes heures qui te rendent service. Les anglo-saxons me disent... En plus, le télétravail permet à des femmes au foyer ou à des hommes au foyer d'aller chercher leurs enfants à l'école, en commençant plus tôt le matin, attention, et en terminant beaucoup plus tôt le soir. Donc, dans une société où je sens très nettement que la vie personnelle va prédominer sur la vie professionnelle, je pense qu'aujourd'hui, il faut que les employeurs se calent sur le rythme de leur employé. Autrement dit, c'est le rythme de mon employé qui va déterminer ma façon de travailler avec lui. Ça, on n'a pas encore bien intégré ça.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Mais ça, ce n'est pas pour…
- Bernard Boutboul
Je suis vraiment très, très surpris de ce qu'ont introduit les nouvelles générations de restaurateurs qui sortent des grandes écoles. Ils embauchent des gens sur du temps choisi et non pas sur du temps imposé. J'ai entendu dans des recrutements, dis-moi quand tu veux travailler. Moi, je veux travailler uniquement le soir, pas de problème. Toi, tu veux travailler que le midi, pas de problème. Toi, c'est que le week-end, pas de problème. Je m'adapte à ton rythme personnel.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
C'est amusant parce que l'un des derniers reportages que j'ai fait, qui n'est pas encore paru, l'artisan me disait, la première question que je pose quand j'embauche, c'est à quelle heure tu veux travailler ? Est-ce que c'est le soir, le matin, la nuit ? Après, on voit.
- Bernard Boutboul
Et c'est par là qu'il faut démarrer des recrutements. Et non pas dire, bon, alors chez nous, c'est 9h, 18h, avec une pause de 1h15, et bien ça. Non, on a des nouvelles générations qui arrivent, qui ne veulent plus travailler comme ça. Déjà que ce n'est pas des carriéristes, en plus il faut les enfermer dans des modèles qui ne leur conviennent pas du tout. On a de plus en plus aujourd'hui de jeunes générations qui ont deux employeurs, trois employeurs. Et ça, c'est une nouvelle façon de travailler, on ne connaît pas ça. Mais par contre, ils sont fans du mi-temps, ils sont fans du temps partiel, ils sont fans du temps fragmenté.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Mais tout ça, ce n'est pas bon pour le business du midi ? Ou à moins que ça assainisse à terme le business ?
- Bernard Boutboul
Non, je pense que ça ne va pas poser de problème au midi, parce que sachant qu'on mange à des moments de plus en plus différents, je me dis que je suis quand même de plus en plus surpris au fil des années qui passent. qu'à 11 heures, il y a plein de gens qui mangent, et à 16 heures, il y a plein de gens qui mangent aussi. Je me dis, ces gens-là, je suppose qu'ils ne déjeunent pas une deuxième fois. Non, c'est parce qu'ils n'ont pas pu déjeuner, ou alors ils déjeunent très très tôt, parce qu'ils ont un truc à faire à midi. Et ça, c'est notre nouvelle façon, notre nouveau rythme, et donc le business, les entreprises, les commerçants doivent s'adapter à ce nouveau rythme.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Ça fait beaucoup d'évolution et pour terminer sur la Gen Z, vous me disiez aussi précédemment que là c'est un comportement d'achat complètement différent des autres générations parce que on est c'est un peu la génération instagram et c'est la génération de prescripteurs c'est tiens on m'a dit ce boulanger il fait un superbe pain ou un super sandwich ou un super plat il faut que j'y aille même si c'est traversé la ville traversé l'agglomération voir à aller dans 2-3 vie d'à côté
- Bernard Boutboul
Oui, au niveau du bouche à oreille, puisque là on est dans le bouche à oreille. Le bouche à oreille des plus anciens, c'est le guide de la publicité. Pour le bouche à oreille ancien, on m'a dit que, le machin m'a dit que, les jeunes générations, ce n'est pas du tout ça. C'est plutôt sur les réseaux sociaux, sur Instagram, je suis un influenceur qui nous a fait découvrir un petit resto. dans une petite rue de Bordeaux incroyable où il a vécu une expérience complètement mal. Il voit ça le lendemain matin, le restaurant est plein. Ça marche comme ça. C'est le bouche à oreille réseaux sociaux qui est extrêmement puissant, sachant que quand je vois ce post, ce youtubeur, cet influenceur, je le partage à ma communauté qui elle-même mais en partenariat avec les communautés. Donc, on touche. des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes en très peu de temps. Et donc, ça va très vite. C'est ce qu'on appelle du buzz ou un poste viral. Et ça, c'est beaucoup plus efficace et ça va beaucoup plus vite que la publicité. Hier, il y a un de mes clients qui me disait, est-ce que tu penses que le 4x3 en bord de route est encore efficace ? Sinon, il ne l'est plus du tout. Je ne suis pas persuadé qu'en conduisant, en voyant un 4x3 qui me dit qu'il y a un resto qui est là, etc. En plus, si je le vois à 9h du matin, ça ne va rien faire. Et si je le vois à 17h non plus, non. Je pense qu'aujourd'hui, on est plutôt sur une instantanéité liée aux réseaux sociaux sur lesquels il faut quand même avouer que cette génération-là est collée quasiment toute la journée.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Et d'où l'importance de l'instagrammabilité des produits et de l'expérience.
- Bernard Boutboul
Absolument. Quand je parle de réseaux sociaux, je pense notamment à Instagram, qui est pour moi le réseau le plus puissant. Je ne sais pas si vous savez, mais 72% des posts au niveau mondial sur Instagram, c'est de la food. 72%. C'est de la food. Mais ça n'étonne pas, parce que, je me répète, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, on achète ce que l'on voit, on vend ce que l'on montre. Instagram, c'est de l'image. C'était de l'image, maintenant ils sont passés à la vidéo avec l'arrivée de TikTok derrière, mais l'image est la meilleure façon de vendre la food. Ça c'est sûr et certain, c'est acté.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
Donc d'où l'importance de l'esthétisme des produits, que ce soit même du pain, que ce soit des plats, que ce soit…
- Bernard Boutboul
L'esthétique des produits, c'est le mot qu'il faut utiliser, on dit Instagramable, mais c'est l'esthétisme.
- Hugues du Boisbaudry (L'Edition 10.71)
C'est le marketing de l'aspect, de l'esthétisme. Absolument. Très bien. Eh bien, merci pour le temps que vous nous avez accordé. On en sait beaucoup plus sur l'importance de l'expérience. Et là, on en revient, on finit avec ça d'ailleurs, sur l'instagrammabilité des produits et sur l'évolution de l'emploi de la boulangerie et ce vers quoi les artisans doivent aller. Merci beaucoup. Et puis, merci Bernard Boutboul pour toutes ces informations. Et merci à tous de nous avoir écoutés. Merci bien. Au revoir.