- Speaker #0
Au coeur de la boulangue, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulangue. Je suis Hugues Dubois-Baudry, bienvenue dans ce nouvel épisode de Au coeur d'aller boulange, le podcast de l'édition 1071. Mon invité aujourd'hui est à l'origine d'un concept de boulangerie atypique, atypique quant à l'offre bien sûr, mais aussi atypique quant à la structure de l'entreprise. Bonjour Nicolas Dabart.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes initiateur et cofondateur de Tête de Meule, une boulangerie artisanale à Vannes qui ne propose que du pain et des brioches, ce qui est déjà assez atypique. Mais Tête de Meule, c'est aussi une scope, un modèle d'entreprise peu répandue en boulangerie artisanale et peu répandue tout court. Avant d'enchaîner sur la scope, on va d'abord planter le décor. Tête de Meule, c'est une boulangerie qui ne propose que du pain sur le vin et des brioches. Rien d'autre et surtout tout au poids et pas de baguettes non plus, si je ne me trompe pas.
- Speaker #1
Et pas de croissants.
- Speaker #0
Et pas de croissants, pas de viennoiserie. Est-ce que vous pouvez nous... brosser rapidement le concept.
- Speaker #1
Sur le concept, alors, je n'ai pas été chercher midi à 14h, je me suis inspiré d'une boulangerie dans laquelle j'ai travaillé qui s'appelle Antoinette Pain et Brioche qui est à Lyon, qui a été fondée par Cédric Alibert et Agathe Simonot. Donc, ils ne proposent également que du pain et de la brioche. Le pain, je me suis... intégralement inspiré de leur méthode c'est à dire qu'on fait un pain pur levain alors oui la petite nuance c'est quand même on met pas du tout de levure là où Cédric compagnon du Tour de France et puis comme beaucoup ils mettent quand même toujours et c'est avec beaucoup de respect que je le dis 0,5 ou 1 g de levure au kilo de farine et souvent c'est pour une question de sécurité pour une question de sécurité et ce qui est complètement après là où moi j'étais plutôt à l'aise je me sens aussi bien en sécurité en pur levain parce qu'avant de travailler dans cette boulangerie j'avais déjà l'expérience de pain de panification pur levain, c'est comme ça que j'ai appris à faire du pain, je l'ai appris à l'étranger et à l'étranger il n'y a pas cette coutume de la levure forcément mais ça on pourra y revenir peut-être un peu plus tard donc du coup on est sur des pointages bac température ambiante
- Speaker #0
en fonction de la période, des fois on les passe un peu au froid histoire de refroidir les pâtes en été donc ça veut dire que fermentation à température ambiante ça veut dire que votre levain, vous ne le mettez pas au froid vous ne le mettez pas à 10 degrés, vous le mettez à 20-25 alors là je parlais de pointage,
- Speaker #1
c'est à dire une fois pétri les pâtes, on les laisse entre 3 et 4 heures à température ambiante dans le labo pour le pointage Et après, on fait une pousse lente, c'est-à-dire qu'on façonne en grand bâtard. Donc ça, c'est la signature de nos pains et largement inspirée d'Antoinette. C'est qu'on façonne en gros bâtard entre 4 et 5 kilos. Et en fait, on laisse en pousse lente dans les chambres entre 2 et 6 degrés en fonction des périodes, en fonction des pâtes, etc. Donc,
- Speaker #0
bloqué froid. Voilà. Donc, on va jongler entre du pré-pousser bloqué et de la pousse lente. en fonction de la température de la chambre et en fonction des pâtes, comment elles auront démarré. Et pas de fermentation en masse, donc c'est en gros bâtard tout le temps ? C'est en gros bâtard sur les spéciaux et on fait du pointage bac sur la tradition. D'accord. Et pourquoi en gros ?
- Speaker #1
On a quand même une offre de tradition où on fait un pointage bac qu'on vient diviser le lendemain, on fait un léger rabat le lendemain et on vient diviser à la paline. Donc ce n'est pas du tout pesé et ça fait un équivalent de... Ce n'est pas de la baguette, c'est du gros pain de tradition qui va osciller entre 600 et 800 grammes, vendu au poids, et qui va se rapprocher. La stratégie de faire ça, c'est d'avoir un produit entrée de gamme qui parle à tout le monde. C'est-à-dire que les gens, ils arrivent, ils se disent, je veux une baguette, on n'a pas de baguette. C'est un peu sec si on n'a pas un peu d'alternative. Là, on a quand même le pain de tradition. Déjà, le mot tradition va faire écho. Ça rassure. Ça rassure. Le pain, on s'y retrouve un peu dans la forme. On est sur un pain long. On est sur des tartines qui vont être assez similaires et en plus on est sur une recette la seule dans laquelle on intègre de la levure pour avoir une texture de mie qui soit aussi comparable, une texture de croûte qui soit assez proche de la baguette. Par contre nous c'est moins contraignant, on n'est pas là en train d'investir dans de la diviseuse, dans de la façonneuse, on ne façonne pas à la main des baguettes à tir l'arigot, c'est vraiment le bac, on le retourne, un rabat, coupé à la paline, on met ça sur couche, petite détente et on met au four.
- Speaker #0
C'est beaucoup plus simple en fabrication, c'est plus rationnel. Donc là, ça c'est le pointage bague tradition que vous mettez en gros pain le lendemain. En pain long, 600-800 grammes. Et les pains spéciaux, après, ce que je voulais finir par dire, c'est de la pousse en gros bâtard, 4-5 kilos par gros bâtard. Et le lendemain,
- Speaker #1
comme la pâte est prise au froid, on vient couper au couteau à génoise les pâtons pour faire des pâtons d'environ 1,2 kilos pour qu'à la fin, on sorte des pains d'un kilo. Et ce qui donne la caractéristique de ces pains, c'est qu'en fait, du coup, on a une entaille sur les deux côtés des pâtons à la cuisson. qui va donner une signature au produit.
- Speaker #0
Et la pâte a pris suffisamment de force pour qu'on puisse se permettre de faire une grille sur le dessus aussi. Et on a des pains qui sont garantis de la concurrence. Et la pousse en gros bâtard, c'est pour atteindre un certain goût ou c'est question de simplicité ?
- Speaker #1
Les deux, mon capitaine ! Les deux ! Simplicité, enfin plus que simplicité, c'est comment rationaliser la production. Au moment du façonnage, on ne pèse pas, on débaque après le pointage, on façonne des gros bâtards, sur un bac on fait trois gros bâtards en moyenne. On peut très vite comprendre que la rapidité du façonnage est largement optimisée par rapport au fait de diviser, de peser, de façonner la pièce, sachant que traditionnellement on divise, on pré-façonne, on laisse une détente, on refaçonne derrière. Là, on façonne directement trois gros bâtards mis sur couche et on enchaîne comme ça les bacs. Donc on façonne très très rapidement les quantités à produire. Ça c'est une chose. Et après, sur le goût, on y gagne énormément parce que forcément on a une fermentation qui est plus en masse. Donc c'est un espèce de compromis finalement entre la pièce à l'unité au kilo qui va pousser gentiment au froid, du bac. On est entre les deux. Le fait d'avoir de la masse, c'est toujours pareil. Dans la boulangerie, on parle tout le temps de la même chose. C'est l'inertie qui fait les arômes. Plus on va laisser de la fermentation avec de la masse, plus on va exaucer les arômes de nos farines, nos ingrédients. Donc on y gagne sur les arômes et sur la conservation également.
- Speaker #0
Et donc tout sur le vin, donc 0 g de levure. Alors là, il y a quand même des contraintes, parce que c'est ce qu'on disait tout de suite, c'est certains boulangers, et là j'avais l'exemple aussi d'un compagnon aussi qui expliquait ça dans le Finistère, les quelques grammes, non, pas les quelques grammes, mais la toute petite dose de levure pour éviter les ratés complets, entre guillemets, c'était un peu le filet de sécurité. Là, ça ne peut pas avoir, justement, qui dit absence de filet de sécurité, dit quand même un petit peu plus sport qu'est-ce que ça implique le 100% levain il y a quelques difficultés non ?
- Speaker #1
honnêtement non pour commencer il y a des ratés mais en fait les ratés on se rend compte que c'est déjà c'est pas des ratés en fait je pense je vais refaire le fil Je pense que ce n'est pas un an franc, c'est plutôt un an à condition de savoir ce qu'on cherche à la fin comme régularité. C'est-à-dire que la plus grosse hantise qu'on peut avoir, c'est un levain pas suffisamment actif, une pâte qui ne va pas avoir assez démarré et au final un pain qui va être soit plat parce qu'on va avoir raté la fréquentation, ou souvent c'est plus généralement le pétrissage qui est malmené. En tout cas chez nous, je ne fais pas des règles générales de la boulangerie, mais par rapport à chez nous, c'est plutôt là l'enjeu, c'est la qualité de pétrissage. Donc là, à cet endroit-là, c'est la qualité de notre formation en interne des boulangers, des boulangères. Et après, l'autre enjeu qu'il peut y avoir, c'est des pains qui soient trop serrés. Donc là, ça joue beaucoup à l'hydratation et après à un manque de fermentation. Donc les aléas comme ceux-là, en fait, ça se sécurise assez bien. en ayant des personnes qui soient compétentes pour encadrer. C'est là où on en revient à la notion de pilote. Et finalement, sans le dire, dans notre boulangerie, on se rapproche assez de la notion de brigade dans la cuisine. C'est-à-dire qu'on a quand même un pilote, un second, même si ce n'est pas clairement nommé, mais il y a quand même une échelle de compétence dans l'équipe qui fait qu'il y a plusieurs yeux qui vont regarder l'état des pâtes, l'état des pétrissages, au façonnage. régler les chambres, ajuster. Je pense qu'il y a de la compétence, ça c'est le premier enjeu pour pouvoir s'amuser 100% le 20. C'est dans le recrutement que ça se joue, et après dans la formation interne, et dans la surveillance au quotidien. Il y a l'enjeu de la continuité de la saison, donc s'assurer qu'il y ait suffisamment de personnes qui s'assurent de l'évolution, qui soient sensibles à la météo, aux farines, aux nouveaux stocks, nouvelles récoltes, en fonction de s'il pleut ou pas, la qualité de cuisson, etc. Donc c'est plein de paramétrages. Donc c'est mettre l'accent beaucoup sur la compétence et sur l'humain pour s'assurer de la régularité. Mais à la fin, ce que je voulais dire, c'est l'acceptation de l'irrégularité du produit. En fait, je pense que c'est là que ça se joue beaucoup. Par rapport à l'enjeu de travailler en pur levain, c'est d'accepter qu'on va avoir des produits qui ne vont pas être 100% réguliers tous les jours. Parce qu'il va y avoir l'enjeu le plus grand, c'est le facteur humain. Je prends souvent, j'en ai vu beaucoup, des boulangers et des boulangères passionnés qui sont seuls à garantir la régularité. Ils bossent 100% levain, ils s'acharnent, ils s'arrachent les cheveux pour sortir les mêmes produits tous les jours. Nous, il y a un enjeu, c'est qu'en plus on est en coopérative, ça change tous les jours. Les gens changent au poste du pétrin, au poste du façonnage, au poste de la cuisson. C'est autant de paramètres qui rajoutent énormément de variabilité. Donc c'est encore plus une leçon d'humilité que de dire quel est le niveau de régularité qu'on souhaite tous les jours. Et à cet endroit-là, on est plutôt satisfait. On a toujours des pains avec une mie qui est suffisamment développée. On cherche quand même des mie moelleuses, des croûtes épaisses, croustillantes. Donc ça va jouer à l'hydratation, longueur de fermentation et le type de cuisson. Et après, c'est accepter qu'on a une marge de manœuvre entre un produit qui va peut-être être de temps en temps sous-cuit parce que la personne au four ne se rend pas compte qu'il pleut et ne va pas assez accentuer le séchage. On va avoir des fois des mises un peu plus serrées parce qu'au façonnage, on a un peu trop serré. On va des fois avoir des pâtes qui vont se relâcher parce qu'au pétrin, on va avoir trop pétri, etc. Donc ça va dépendre des gens, des humeurs, etc. Mais on n'aura pas les pains plats et on n'aura pas les fusées à la sortie du four. Et c'est ça qu'on cherche avant tout à éviter.
- Speaker #0
Le recette sur le vin,
- Speaker #1
il n'est pas énorme.
- Speaker #0
Mais justement, l'effet des compétences, il y a du turnover, mais ce n'est pas du turnover, c'est de la rotation sur les postes. Mais est-ce que justement, ça, ça marche sur une équipe ? total, c'est-à-dire magasin et production de 15 personnes, et est-ce que ça marcherait sur une prod uniquement de 20 ou 25 personnes ? Je n'ai pas la réponse parce que je n'ai pas l'expérience sur une prod de 20 personnes. Par contre, je peux déjà dire que nous, sur 15 personnes, ça reste quand même un défi de toutes les semaines. D'ailleurs, je rends hommage à Luc et Sandrine qui s'occupent des plannings. On fait des choix beaucoup portés sur l'humain. prises, notamment la rotation des postes, donc accepter qu'on puisse avoir des vendeurs et des vendeuses qui descendent à la prod,
- Speaker #1
des gens de la prod qui montent à la vente, dans le souci, en fait, de faire du brassage et c'est un peu du vie-ma-vie, de sortir de ces clans de « Ah, à la vente, ils comprennent rien, ou à la prod, ils sont jamais à la hauteur. » Enfin, je fais des gros raccourcis, c'est pas aussi violent dans la boulangerie, mais il y a toujours un peu ces petites guéguerres que j'ai pu voir par le passé, dans l'expérience, plus ou moins radicale. Là, le fait de brasser, il y a de l'empathie. Ça génère de l'empathie parce que je comprends ce que tu vis, je suis capable de parler et je suis capable de coopérer. C'est toujours ça l'enjeu final, c'est de favoriser la coopération. Maintenant, à 15, on a pu le faire au début jusqu'à 8-9, je pense. À 15, ça devient très complexe. Quand même, on tend vers de la spécialisation. On garde l'enjeu du vie-ma-vie, mais par contre, il est beaucoup plus chirurgical qu'avant. On essaye de tendre vers ça. Après, là où peut-être on garde le cap, c'est comme notre vision, c'est de réenchanter les métiers de la boulangerie, de faire en sorte que la prod puisse remonter régulièrement pour réduire les semaines complètes en fabrication. Parce que ça reste quand même un métier pénible et pour le réenchanter, une des façons simples, c'est de faire tourner les postes. C'est-à-dire que quelqu'un qui est en boulangerie, qui est en profil boulanger chez nous, va être amené à faire au moins une vente par semaine. Ça permet de se soulager physiquement, et encore que, parce que la vente, ça reste quand même assez pénible physiquement, mais ce n'est pas la même pénibilité. Et aussi, et ce n'est peut-être pas le moindre désavantage, de bénéficier de la reconnaissance du métier, parce qu'on est en direct avec les clients. Et c'est quand même un sacré moteur quand on est boulanger et boulangère,
- Speaker #0
d'avoir le retour des clients, de profiter en fait de cette gratification des clients et des clientes qui vont dire « Ah, il est magnifique votre pain ! » ou qui vont poser des questions, et en tant que boulanger et boulangère, pouvoir y répondre, c'est au service de l'entreprise, la relation client. mais c'est aussi humainement hyper gratifiant. C'est gagnant-gagnant parce que le client aussi aime bien voir ceux qui fabriquent et leur parler. Oui,
- Speaker #1
et de la même manière, les vendeurs et les vendeuses apprécient de pouvoir descendre en prod pour pouvoir avoir les réponses, monter en compétence à cet endroit-là. Tout le monde est gagnant dans cette rotation. Maintenant l'enjeu c'est de faire tourner les plannings. s'assurer de la stabilité des équipes en bas, de la robustesse. Et voilà, à 15, ça devient quand même un sacré défi. Donc, mon appréhension sur des équipes de 20, 25, etc., c'est une question de dosage après. Je ne pense pas que j'aurai une réponse de non, ce n'est pas possible. C'est juste, ce n'est pas le même dosage. Je reste convaincu du brassage, de l'intérêt du brassage dans les entreprises et de manière générale. Et là, j'invite à lire des bouquins comme « Réinventons les organisations » de Frédéric Lalou, qui parle beaucoup de l'entreprise libérée. Et qui met beaucoup en avant ça.
- Speaker #0
Et oui, justement, quand je suis allé pour le reportage, j'ai oublié son nom, pardon, la responsable comme ? Pardon ? Juliette. Voilà, c'est ça, Juliette, là, qui m'expliquait que vous aviez aussi... Tout le monde avait été formé, même au niveau vente, sur les bienfaits du pain, sur le côté nutritionnel, sur le côté céréales, sur le côté farine, et que vous aviez même tous été visiter un moulin et savoir comment ça marche, justement pour expliquer aux clients les bienfaits du pain, et qu'est-ce que c'est que ce pain, celui-ci, celui-là, pourquoi il y a tel ou tel type de farine, et qu'est-ce que c'est que cette farine-là ou cette céréale-là. Et c'est vrai que j'ai rarement vu ça dans les boulangeries. Et en général, quand les gens répondent, ce sont les boulangers qui sortent du fournil pour expliquer au client. Et surtout, le vendeur ou la vendeuse dit au client, attendez, je vais chercher quelqu'un qui va vous répondre. Et j'ai senti aussi, dans ce que disait Juliette, que ça faisait plaisir à tout le monde de maîtriser justement ça.
- Speaker #1
Tout à fait, c'est ce que j'allais dire. C'est un des gros curseurs aussi dans nos valeurs, c'est de favoriser l'autonomie, la responsabilisation. Et je pense que c'est quelque chose qu'on a tous besoin en tant qu'être humain, c'est se sentir autonome. Donc être vendeur, vendeuse et savoir répondre à des questions techniques au client, il y a quelque chose, encore une fois, qui est très gratifiant. Et on a eu effectivement la chance de pouvoir organiser cette formation avec toute l'équipe l'année dernière, avec Caroline Masson, nutritionniste. Quand même hors perles, d'une grande pédagogie, une femme adorable en plus, par ailleurs très passionnée. Donc on était toute l'équipe et pour pouvoir profiter de... Donc on a fermé la boutique, tout le monde était... c'était sur une journée de travail. Et on a pu en fait, l'intérêt c'était de partager un sens que le commun de connaissances. De se dire, si on parle de nutrition, on a tous un minimum de connaissances en commun, en interne et auprès des clients sur lesquels on est tous d'accord. Ça, c'était le grand enjeu. On a même été plus loin, c'est que suite à cette formation, Valentin, qui est boulanger dans l'équipe, mais qui est anciennement illustrateur, enfin qui continue à faire de l'illustration, parce que c'est aussi ça notre équipe, c'est des multipotentiels, dont on saisit l'opportunité pour nourrir le projet de l'entreprise, il a été à l'initiative de la création d'un livre à nutrition, donc c'est un peu le petit bébé de cette formation, qui va sortir là à la fin de l'année, avec des superbes illustrations, pour reprendre tout ce qu'on a appris. tout ce qu'on a récolté à droite à gauche, pour avoir cette connaissance en accès auprès des vendeurs et des vendeuses et des clients et en faire un vrai objet, un bel objet à transmettre. Parce que c'est vraiment quelque chose qui nous porte à cœur, c'est de se dire qu'on ne vend pas que du pain, on vend aussi un conseil. C'est ce qu'on dit souvent dans la boulangerie, puis des plombes en fait. C'est, je pense,
- Speaker #0
une des grandes valeurs ajoutées qu'on peut avoir dans la boulangerie, c'est d'avoir des produits de qualité. et un accueil de qualité. C'est les deux à la fois qui font la différence, pour moi. C'est ce que recherchent les gens, c'est ce que cherchent les clients. Justement, il y a beaucoup de boulangeries qui font fuir leurs clients, non pas par leurs produits, mais par le service, même si ça tend à s'améliorer quand même. Les boulangers ont quand même compris qu'ils faisaient du commerce.
- Speaker #1
Du commerce, et puis c'est surtout un lieu emblématique, la boulangerie. On n'a plus les postes... comme lieu de rencontre, comme c'était à l'époque, puisque c'était le dernier endroit de l'État dans les communes, la boulangerie reste quand même le lieu de rencontre, de brassage de population. D'ailleurs, c'est un des enjeux qu'on a eu au début, ce qu'on s'appelle boulangerie biologique et coopérative, c'était la grosse question entre cofondateurs. On est face à la mairie et on s'est dit, je fais un raccourci, on a eu pas mal d'échanges là-dessus, mais à la fin, la conclusion, ça a été de se dire, on va afficher pas les brioches, c'est ce qui rassemble. Les gens viennent chercher du pain et de la brioche. Après, on racontera l'histoire au comptoir, pour ceux que ça intéresse. Et je sais que tu vas me poser des questions sur les labels. Ça, c'était un enjeu aussi de dire, non, on n'affiche pas l'abbé, quoi. L'abbé, pas l'abbé Pierre. biologique parce que c'est pas notre argument. Notre argument, c'est des produits de qualité et de l'hospitalité. Ça, c'est vraiment nos deux forces, nos idées fortes du démarrage. Et ça commence par un bonjour.
- Speaker #0
Un bonjour, un sourire, comment ça va ? C'est les bases. Donc, il y a quand même boulangerie sur la façade, sur le fronton. Non. Ah non, c'est vrai, c'est pain de meule,
- Speaker #1
tête de meule, pain et brioche.
- Speaker #0
Et on a fait plus fort, on a écrit pain et brioche en gros et les têtes de meule sont en tout. pour souligner. Donc, on ne s'est pas mis en avant en termes de non commercial. Mais ça, c'est le marketing premium. C'est faire du non marketing. C'est le bust du marketing.
- Speaker #1
Après, le risque, c'est que les gens appellent la boutique pas Ebriush. Ils n'ont pas compris qu'on s'appelait peut-être de même, mais ce n'est pas grave. On ne leur en veut pas.
- Speaker #0
Donc, en fait, c'est quasiment vous avez failli faire le sketch de Fernand Reno avec les oeufs. Ici, on vend des oeufs frais du jour.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Donc là, vous avez quasiment failli ne rien écrire sur la façade.
- Speaker #1
Exactement. Mais on a quand même du monde qui nous demande encore des croissants et de la pâtisserie.
- Speaker #0
Oui, mais en même temps, on peut se dire pain, brioche, viennagerie, pâtisserie, ça aurait fait long, donc ils se sont arrêtés à pain et brioche. On peut se dire ça aussi. Et c'est vrai que Scope, ça trie quand même la clientèle, parce que Scope, ça peut faire peur quand même, parce que ça peut faire communautaire, communauté. bio ça traie aussi parce qu'on peut dire que c'est cher boulangerie on peut se dire bon bah il y a des baguettes mais on n'en trouvera pas et le bio les gens le demandent en boutique ils en parlent ou le bio tout le monde s'en fiche alors c'est pas là où l'autre j'aime bien le fait que tu me mets une bonne échelle entre minimum et maximum Euh...
- Speaker #1
On va avoir de tout. On a quand même une clientèle très hétéroclite. Donc on a des gens qui viennent chercher du bio, qui posent la question. On a des gens qui sont très experts, qui viennent chercher du levain, du pur levain. Il y en a qui sont très connaisseurs, qui demandent du pur levain. Il y en a qui vont jusqu'à demander l'étang de fermentation. Il y en a qui vont jusqu'à demander si c'est possible de visiter le fournil. Voilà, en termes de précision de clientèle. Et puis il y en a qui cherchent juste de la baguette. et puis qu'on va soit orienter vers une boulangerie du coin parce qu'on sent qu'ils veulent vraiment qu'il y ait de la baguette, soit on va réussir à accrocher, entre guillemets, avec notre pain de tradition, et puis qu'on va revoir progressivement et qu'on va voir finir avec du pain de petite épaule ou des pains de variété ancienne parce qu'ils se laissent bercer en fait, ils nous font confiance petit à petit. On a de tout, sur la coopérative c'est pareil, il y en a qui vont être très curieux, on ferme, alors là on va commencer à ralentir un peu l'allure, mais pendant longtemps on a fermé tous les derniers de jeudi du mois. La boutique pour réunir toute l'équipe, c'était le seul moyen de réunir toute l'équipe sur du temps de travail. C'est un gros enjeu, c'est un gros investissement. C'est investir sur l'humain aussi. Et donc, on affichait fermeture pour journée coopérative. Donc, beaucoup de clients venaient nous voir le lendemain. Alors, comment s'était la journée coopérative ? Ils se pensaient sur notre modèle, puis d'autres, beaucoup moins. L'aspect scope, c'est intéressant parce que ce n'est pas forcément ce qu'on met en avant. Et finalement, on se rend compte qu'en discutant... On discute avec nos clients, puis on se rend compte que ça parle à une grande majorité d'idées de travailler à la coopération. Ce n'est pas tant l'idée d'être communautaire, d'être des pseudo-communistes, etc. Je pense que ce n'est plus trop dans l'air du temps. Moi, je suis vraiment confiant et optimiste avec l'idée que toute structure aujourd'hui commence à réfléchir à comment on coopère ensemble dans l'entreprise, avec nos partenaires, avec nos clients. C'est un sujet qui monte de plus en plus fort, que ce soit dans le public ou dans le privé d'ailleurs. Et parler d'une journée coopérative, il y en a beaucoup qui viennent nous voir qui ne sont pas forcément orientés là-dedans, mais à qui ça résonne en se disant « Ah, j'aimerais bien qu'on fasse ça dans mon service à l'hôpital, dans mon service à l'entreprise, qu'on passe des temps où on se réunisse et on parle vraiment de nos challenges et de comment on les résout tous ensemble. » Donc je pense que ça résonne énormément, beaucoup plus qu'on imagine. Après, le choix scope, c'est autre chose. C'est un choix... par rapport à nous, des règles qu'on a voulu mettre en place. Mais finalement, les fondamentaux de comment on partage un outil de travail, c'est assez universel. Donc ça résonne assez fort avec notre clientèle quand on commence à parler sous cet angle-là. Et nous, on a aussi quelque chose de fort. On n'est pas forcément… On a des personnes qui peuvent être militantes, entre guillemets. À Paris, avec beaucoup de respect, je le dis, c'est une forme de militantisme qu'on fait déjà, mais… Je dis militante au sens d'aller plus loin dans comment revoir la notion de pouvoir dans l'entreprise, à vouloir défendre l'idée qu'on puisse avoir tous le même salaire dans l'entreprise, tous le même pouvoir. On n'est pas là, nous, aux têtes de meule. Mais il y a certaines personnes au sein des têtes de meule qui aimeraient tirer vers ça. Et ça reste comme à l'Assemblée nationale, c'est en discussion. Il y a de la démocratie dans l'entreprise, donc voilà, ça fait partie des couleurs qu'on a dans l'entreprise. Mais aujourd'hui, la couleur globale de l'entreprise, ce n'est pas celle-là. On est dans beaucoup de nuances, en fait, dans cette scope. Et c'est dans ce sens-là où je pense que ça peut facilement résonner avec tout un chacun au comptoir. Là où je sais qu'il y a d'autres boulangeries et coopératives qui défendent beaucoup plus de choses politiquement, et de fait, vont avoir une clientèle qui va leur ressembler aussi. Et c'est OK. Donc au comptoir, ils vont avoir beaucoup plus d'échanges, plus engagés politiquement. Nous, c'est moins notre cas, parce que de fait, on incarne moins ça et on est plus dans l'échange de ce qui nous relie, sans entrer dans les travers politiques.
- Speaker #0
Ce que tu es en train de dire, le message que tu veux faire passer, c'est que Scope, c'est un modèle, mais c'est comme pour tout type d'entreprise. C'est comme une SAS ou une SARL non Scope. Toutes les SARL ou les SAS non Scope ne sont pas pareilles, ne fonctionnent pas de la même façon. Et toi, c'est ce que tu veux dire au niveau des Scopes. Scope, ce n'est pas un label, c'est juste un modèle. mais sur lequel on travaille et on évolue selon ses affinités, ses sensibilités, son état d'esprit, enfin sa vision. Deux scopes peuvent avoir une vision totalement différente. Enfin, peut-être pas totalement différente, pas opposée, mais différente quand même.
- Speaker #1
Deux scopes vont forcément partager un secret commun qui va autour de la coopération et du partage du pouvoir. Mais après, dans les modalités d'application, on peut avoir des scopes totalement différentes. C'est sûr. Et on peut se retrouver beaucoup plus proche de SARL ou de SAS par la taille, par le secteur d'activité, par l'âme du porteur du projet ou de la porteuse du projet. Et même dans l'application, c'est-à-dire qu'une casque qui monte une SARL peut appliquer exactement les mêmes règles du jeu de la SCOP sans chercher la graine en SCOP. Donc tout ça, c'est une question de qu'est-ce qu'on va chercher. Nous, dans la SCOP, ce qu'on a été chercher, pour dire concrètement et illustrer... avec les cofondateurs, ça a été la sécurité des contrats de travail, en premier lieu. C'est-à-dire qu'en tant qu'entrepreneur, le fait de monter une scope, on est salarié de notre entreprise. Si on monte une SARL, on est dirigeant, et à ce titre-là, on se prélève de la rémunération, mais on n'est pas salarié, on n'a pas la même couverture sociale. L'intérêt de la scope, c'est qu'on peut être associé et même jusqu'à gérant, tout en restant avec le statut de salarié. Donc, on profite de la couverture sociale, la prévoyance mutuelle, etc., le chômage, la retraite au même titre qu'un salarié. Ça, c'est une énorme protection en tant qu'entrepreneur. L'un des grands liens, c'est qu'on n'a pas l'avantage de l'entrepreneur plus libre qui va être dans les autres statuts juridiques classiques, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de récupération de la valeur ajoutée de ce qu'on a créé. C'est-à-dire qu'au moment où on revend l'entreprise, où on vend ses parts, on ne fait pas de plus-value. Ça reste quand même la scope, le gros, ce que je n'ai pas dit depuis tout à l'heure quand même, mais je le dis là, c'est non capitalistique une scope. On crée une entreprise qui va durer des générations. C'est quand même la fierté de se dire, nous on le vit comme ça avec les cofondateurs. Là on a créé une scope, on a déjà un cofondateur qui a quitté les effectifs de l'entreprise, qui reste associé mais qui a quitté les effectifs. On sait depuis le début que notre scope qu'on a créé, ce n'est pas la nôtre maintenant. Et elle va peut-être vivre 100 ans, 200 ans, la plus vieille dans le Morbihan, elle a 150 ans, je crois, c'est une imprimerie. Ce n'est pas du tout la même équipe qu'au démarrage. Donc c'est vraiment une notion de créer un outil de travail et ça devient un patrimoine commun qui se lègue de génération en génération. Et ce n'est pas notre entreprise. Ça, c'est une grosse différence par rapport aux autres statuts juridiques. Mais ça permet de se poser la question en tant qu'entrepreneur, qu'est-ce qui m'appartient ? Quelle est ma place ? C'est quoi ma valeur ajoutée ? à quel endroit je me protège aussi, à quel endroit je suis aussi un salarié et j'ai aussi besoin de soutien, j'ai aussi besoin de formation et de moins prendre le risque de planer un peu et de se surcharger aussi en tant qu'unique porteur d'un projet d'entreprise, ce qui est un peu moins le cas pour un des associés. Mais il y a vraiment, dès le début, Scope s'est accepté que je fais naître un projet, mais il ne m'appartient déjà plus. Une fois qu'il est né, il ne m'appartient déjà plus.
- Speaker #0
Donc là, on a embrayé sur le sujet de la scope. Là, souvent, dans les scopes, c'est... Bon, t'intègres la scope, et puis en gros, c'est pour devenir à 3, 6, 9, 18 mois sociétaire. Sociétaire, c'est les actionnaires d'une scope. même si ce n'est pas capitalistique, mais il y a quand même une histoire d'argent au départ. Et comme on disait, la SCOP, c'est une personne, une voix, et non pas telle somme de capital, tel nombre de voix. Ça, on est d'accord. Et là, ce que toi et tes associés avez voulu faire, c'est laisser la possibilité aux membres de la SCOP d'intégrer la SCOP. sans avoir l'objectif à très court terme de devenir sociétaire. Et même, on peut ne pas devenir du tout sociétaire, c'est ça ?
- Speaker #1
Exactement. En fait, dans l'univers des coopératives, je pense qu'il reste quand même une majorité... où l'intention, on a tous la même intention, c'est que tous les salariés, idéalement, puissent devenir sociétaires. Pourquoi ? Parce que c'est un peu l'image que si tous les salariés sont sociétaires, tout le monde s'approprie le projet de l'entreprise, contribue au capital et contribue aussi à la stratégie de l'entreprise. C'est la garantie d'une adhésion pleine de l'équipe de salariés au projet. Ça, c'est un idéal. Après, le chemin pour tendre vers cet idéal, il est… Ça peut être de deux manières différentes. Soit, comme je disais, il y a une grande majorité, c'est dès la signature du contrat de travail, le ou la salarié s'engage à postuler au sociétariat, à devenir actionnaire, sous un délai, qui peut être de 3, comme tu disais, 3 à 6, 18 mois, 2 ans. Et ça, c'est dès le début dans les termes de contrat. Soit c'est une candidature libre. Nous, on a fait le choix de la candidature libre, avec les cofondateurs, donc avec Luc et Quentin, parce qu'on était assez d'accord pour se dire, tout le monde n'est pas fait. pour devenir associé. Tout le monde n'a pas la volonté de devenir associé. Et le fait de faire ça, c'est peut-être quelque part, on a fait ce pari de se dire, c'est peut-être excluant au recrutement. Parce qu'il y a certaines personnes qui vont peut-être se dire, je suis intéressé par le poste technique, mais par contre, le fait de devenir associé, pour moi, c'est too much. Je n'ai pas l'argent à mettre au capital. Je n'ai pas envie de me prendre la tête dans ma vie à m'engager plus que ça. Ça me va très bien d'être juste salarié et je m'impliquerai aussi bien en étant juste salarié. Et pour laisser cette possibilité-là et s'offrir le plus de potentiel possible au recrutement finalement. On a fait le choix de garder la candidature libre. Par contre, on a aussi réalisé en même temps que de faire ce choix-là, nous, challengez-nous en tant que sociétaires associés à rendre attractif le sociétariat. Et c'est là où on s'est mis à un défi nous-mêmes de se dire,
- Speaker #0
idéalement, on cherche quand même à ce qui devienne associé nos salariés. On laisse la possibilité, mais notre envie secrète, c'est qu'ils deviennent tous sociétaires, c'est ça ? Exactement. Donc c'est toute une question de comment on va les charmer. D'où le parcours sociétaire. D'où l'idée d'un parcours,
- Speaker #1
d'un espèce de jeu de loi qu'on a appelé Scope Game et qui comprend une quinzaine d'étapes pour petit à petit accompagner les salariés à monter en maturité à une potentielle candidature. In fine, ils ont le choix toujours d'être candidats ou pas. Par contre, ce parcours-là, il est pour tous les salariés. Et dans tous les cas, ce n'est pas perdu, puisque ce parcours, il permet de monter en conscience de qu'est-ce que la coopérative, comment elle fonctionne, à la fois de manière générale et à la fois spécifiquement en tête de meule. Donc, c'est quand même faire monter en compétence nos équipes sur le fonctionnement de l'entreprise et donc quand même, mine de rien, à l'adhésion au fonctionnement de l'entreprise et à son projet, quand bien même ils ne devraient pas associer in fine. Et ce parcours-là, il est fait de moult étapes qui sont autant d'étapes de...
- Speaker #0
de point de rencontre entre les associés et les potentiels candidats. Tu en as 17, ça ? 17 étapes ? J'ai dit une quinzaine, je crois. Oui, 17, c'est vrai. 17 étant les dernières, étant des étapes de transmission. Une fois qu'on est sociétaire,
- Speaker #1
ça reste dans le parcours associé. Une fois qu'on est associé, on a encore des étapes de comment devenir accompagnant pour les futurs sociétaires.
- Speaker #0
Ah oui, d'accord. Vous avez été jusqu'à la transmission. Ah ok, jusqu'à de recruter à recruteur. C'est un peu ça. Exactement. Parce que l'idée, c'est toujours cette idée que cette scope, elle est potentiellement immortelle. Mais même comme une SAS normale aussi. Oui, c'est pas faux. J'espère.
- Speaker #1
Je te le souhaite. Oui, on a aussi pensé à la continuité, la transmission. Mais ces étapes-là, il y a des étapes de formation en externe. C'est notamment notre partenaire principal, c'est l'Union régionale des coopératifs, qui a des formations toutes faites pour... les montées en compétences de la vie coopérative avec une formation d'une journée, c'est bienvenue en SCOP pour comprendre ce qu'est une SCOP. Après, on a une formation associée, c'est sur trois jours et puis une formation administrateur de coopérative sur six jours. Et en doublon, on forme en interne pour traduire ce qu'ils vont apprendre à l'extérieur au sein des têtes de meule, comment ça s'applique parce qu'on a encore des règles spécifiques au sein des têtes de meule. Et après, il y a de la participation aux réunions. les réunions opérationnelles et les réunions stratégiques. Et ensuite, il y a les étapes de contribution. C'est-à-dire qu'on va commencer à demander l'avis des potentiels candidats pendant les réunions. On ne va pas les prendre en compte, mais on va voir comment chacun se positionne dans les réunions, comment ils auraient interagi sur ce sujet-là, ce sujet-là. Et ça permet de se sonder progressivement et de voir à la fois les avis défendus, la façon de défendre l'avis, la façon de s'exprimer, la façon de réagir en réunion, la façon d'écouter, la façon de participer. C'est autant de choses comme ça, subtiles,
- Speaker #0
qui vont être sondées, qui vont permettre in fine à la fois au candidat ou à la candidate de sentir sa maturité, si elle est mûre, si elle a envie, si elle a l'élan, et aussi aux sociétaires déjà en place de se dire « Ok, est-ce que je me sens suffisamment en sécurité avec cette personne pour l'accueillir dans notre collectif ? » Oui, parce qu'au final, l'acceptation ou pas du candidat, ça matche ou ça ne matche pas avec les autres sociétaires.
- Speaker #1
Oui, ça reste quand même une dimension très humaine. C'est ce que je voulais dire aussi, c'est qu'on avait réfléchi à un moment donné à des critères objectifs pour rendre transparent la démarche de validation d'une candidature ou pas, pour se dire, OK, chaque candidat ou candidate a clairement les règles du jeu, va savoir sur quels critères sa candidature va être évaluée. Donc, on était rentrés dans cette logique-là, une logique très rationnelle. Et puis, à force de discussions avec les associés, on s'est rendu compte qu'en fait... Non, ce qu'on choisit plutôt, c'est de laisser place à l'organique, à l'humain et à se dire, ça reste quand même, est-ce que je me sens ? Et c'est bien la formule, ce n'est pas, est-ce que cette personne est bonne ou mauvaise ? Ce n'est pas juger la candidature ou la personne en tant que telle, c'est, est-ce que moi, quand je me projette à travailler en tant qu'associé avec cette personne, je me sens suffisamment en sécurité et en confiance ? Et ça, c'est hyper important, c'est la clé quand même pour assurer un bon collectif. Et c'est à cet endroit-là où c'est juste. de pouvoir réagir. Et après, d'être à l'écoute de ça et de se dire « Ok, pourquoi je ne me sens pas suffisamment en sécurité ? Parce que j'ai besoin de me rassurer sur ça, ça, ça. » Et à ce moment-là, la candidature, elle refait une boucle, on repart en arrière, on refait des phases d'immersion pour, petit à petit, se sonder et se rassurer.
- Speaker #0
Et justement, par rapport à ça, par rapport au fonctionnement classique d'autres scopes, qui peut y avoir, une période d'essai ? de 3, 6, 9 mois, ça ne serait pas suffisant ? Oui. Effectivement, il y en a beaucoup qui fonctionnent comme ça. Notre point de vue là-dessus, ça a été de se dire 3, 6, 9 mois,
- Speaker #1
c'est déjà le temps de l'intégration dans une équipe et dans une fonction technique, ce qui est déjà assez court. Je prends un profil boulanger ou boulangère qui débarque. S'approprier le process de fabrication, l'ambiance de l'équipe, la rotation des postes. Comment les décisions arrivent dans l'entreprise, tout notre modèle d'entreprise, c'est déjà beaucoup à gérer. En parallèle, en tant qu'associé, c'est très peu de temps de manière relative, 3, 6 ou 9 mois. On est 15, le temps de se croiser suffisamment au déj, travailler ensemble, etc. Pour bien sentir les choses, c'est quand même relativement court. Et puis, je rajouterais autre chose, c'est que... On arrive dans l'entreprise par le statut de salarié. Statut de salarié, on dit généralement, enfin je dis on dit, c'est ce que j'ai en tête moi de mon expérience, c'est une année pour acquérir de l'aisance, du confort, des repères sur un poste et l'année suivante, on commence à vraiment apporter de la performance entre guillemets. Avec l'autonomie, il y a de la valeur ajoutée. Alors je n'aime pas trop ce mot-là, mais on rend un peu à l'entreprise et on va plus loin que ce qui nous est demandé. Alors c'est des grandes lignes, mais on a quand même ça en tête. Donc sur la vie de salarié, c'est déjà des échelles de temps qui sont assez longues. Quand on rajoute la notion d'associé, qui est encore une autre posture, ça prend encore plus de temps, selon nous. Après, il peut y avoir des gens qui veulent candidater très vite, et ils peuvent le faire, rien ne les empêche. Sur la première année, c'est le gérant qui décide si la candidature est soumise ou pas, et à partir de la première année...
- Speaker #0
Tout le monde peut candidater au statut d'associé. Et la candidature qui est arrivée le plus tôt, ça a été quoi par exemple ? Combien ? C'était la première intégration, ça a été Pierre, Pierre Guitton, premier nouveau associé après les trois cofondateurs et c'était un an. Oui, donc c'est bien ça, c'est un an d'intégration, de prise de poste, de formation entre guillemets, de formation maison entre guillemets et après on y va pour les plus rapides.
- Speaker #1
Oui, voilà, pour les plus rapides. Après, Pierre, c'est quelqu'un qui a énormément d'expérience en boulangerie. C'est le plus expérimenté de la boîte. Il est venu ambassadeur du pain cette année. C'est quelqu'un de très passionné que je connaissais déjà avant. C'est même la première personne à qui j'ai proposé de s'associer pour monter la boîte. Donc, il y avait déjà une grande maturité sur le projet. Il a pris en main le fournil très rapidement. Déjà, au bout de six mois, j'étais le seul boulanger au début dans l'équipe. Et au bout de six mois, il prenait les clés du fournil. D'accord. Donc il y a eu un nombre de transmissions entre nous sur la partie prod, et puis après, dès le début quasiment, il était clair qu'il voulait devenir associé. Donc ça c'est pour le plus rapide. Après, ce n'est pas du tout la moyenne. Aujourd'hui, on voit bien dans l'équipe, et puis il y a une forme d'appréhension. Maintenant qu'on est 15, on est 7 associés, la boîte est quand même conséquente. C'est des bilans qui sont conséquents, c'est des gros chiffres, donc ça effraie davantage. et puis c'est des discussions, c'est-à-dire qu'on est sept associés. Aujourd'hui, on voit les retours des potentiels candidats, c'est l'appréhension de « vous êtes déjà sept, vous avez déjà du mal à vous mettre d'accord, je ne vais pas me raconter mon grain de sel, ça va être compliqué » . Ça, c'est un argument, il y en a d'autres. Des fois, c'est l'appréhension de passer du temps en plus au temps de travail, alors que, je tiens à faire la petite parenthèse, ça c'est assez rare dans le monde des coopératifs, c'est tout le temps associé, nous on le rémunère, on le rémunère en tant que salarié, beaucoup. de coopératives, le temps associé est du temps bénévole. Pas tout à fait bénévole parce qu'à la fin, il y a l'option pour une scope de verser la dividende. Par contre, cette dividende, du coup, elle devient arbitraire. On vient rémunérer les parts du capital, mais ce n'est pas une rémunération qui est proportionnelle au temps qui aura été passé sur le temps associé. Nous, on fait le choix inverse, on rémunère tout le temps associé, considérant que c'est du temps de travail, et par contre, on ne verse pas de dividende. Puisqu'on considère que tout le temps a été rémunéré, tout le temps de travail.
- Speaker #0
Et il y a l'aspect travail, le poste, il y a l'aspect sociétaire, mais il y a aussi l'aspect, même sans être sociétaire, on peut avoir une autre casquette au sein des têtes de meuleux.
- Speaker #1
Oui, parce que c'est vrai que, surtout dans la boulangerie, beaucoup de scopes font le choix de l'autogestion dans la vie de l'entreprise. L'autogestion, c'est une façon d'organiser le travail qui consiste à répartir les tâches de manière égalitaire entre toutes les personnes. Il n'y a pas de notion de pouvoir ou de responsabilité. Enfin, il y a de la responsabilité individuelle, mais elle est horizontale. Nous, on a fait le choix de faire un mix entre pyramide hiérarchique et d'horizontalité. Ça donne quoi ? Ça donne... Un organigramme, on se retrouve à avoir des pilotes par domaine. Donc, les domaines qu'on va retrouver chez nous, ça va être la fabrication, la vente, la livraison, la communication, les ressources humaines, les finances et les moyens généraux. Les moyens généraux, c'est tout ce qui est arrière-boutique. Donc, on a une personne qui va candidater en interne, qui va être recrutée pour ça. Alors là, en l'occurrence, on n'a fait que des montées en compétences en interne. et qui va être la... le ou la coordinatrice de son domaine. L'enjeu, ça va être de trouver le subtil équilibre entre être directif, parce que je porte un domaine et que j'ai une vision à 360 degrés de ce domaine-là, et pour l'illustrer, la fabrication, si on veut mettre en place une recette, la personne qui est pilote, en l'occurrence c'est Pierre en ce moment, va avoir la vision globale de l'organisation du travail, donc va avoir un avis éclairé sur qui est-ce qui va être possible ou pas possible. Par contre... la nuance qu'on y met, c'est qu'elle va être amenée à faire de la sollicitation d'avis elle va solliciter l'avis de l'équipe pour quand même nourrir son avis à elle en tant que pilote pour se dire, est-ce que cette idée ou est-ce que ce changement va remporter suffisamment d'adhésion pour que l'équipe suive sur les choix qui sont faits, de recettes, de réorganisation, etc. Mais également, profiter de cette intelligence collective, et là aussi on a fait un gros investissement cette année, on a formé toute l'équipe à l'animation de l'atelier participatif pour mettre en place des outils d'intelligence collective, pour aussi permettre à la personne qui pilote à ne pas réfléchir toute seule, à faire émerger des idées, des équipes, des salariés, des gens qui sont sur les postes directement tous les jours. Donc c'est un subtil équilibre entre hiérarchie... et gouvernance partagée avec beaucoup de sollicitations d'avis et d'intelligence collective. Donc on est à cheval entre vraiment le modèle de brigade de cuisine où on va avoir le chef et on écoute ce qu'il dit et point barre, et il y a vraiment une hiérarchie assez militaire, et l'entreprise plutôt en autogestion où tout le monde a son mot à dire parce qu'on est sur quelque chose de très horizontal. Nous, on est sur une hiérarchie diagonale.
- Speaker #0
Oui, et puis… N'importe qui peut se retrouver chef de projet sur un petit, moyen ou gros projet, c'est ça ? Oui, là où on met de l'air, c'est qu'on a les pilotes par domaine, mais après on a les projets transversaux. Je prends un exemple, c'est là où on participe à un projet de recherche qui est mené par l'Union régionale et coopérative, qui s'appelle EOL, sur la notion de transition sociale et écologique des entreprises.
- Speaker #1
Ils réfléchissent, entre coopératives, à comment mettre en situation les structures dans des... dans des scènes de crise pour voir comment la structure peut travailler sa résilience en par anticipation. Ça c'est un projet externe, un projet transversal. C'est deux salariés, deux profils vendeurs qui participent à ce projet en externe. Ils ne sont pas pilotes, ils sont salariés. Il y a du temps qui est détaché pour eux pour travailler sur ce projet parce qu'ils répondent à nos valeurs et parce qu'ils permettent la diversité dans leurs tâches. Et ça pour le coup c'est une autre façon de se développer dans l'entreprise. C'est vrai que ça me rappelle quand on s'est vu... Ça m'avait aidé à mettre de la conscience. C'est qu'on a plein d'axes d'évolution dans l'entreprise. Il y a l'expertise métier, il y a la transversalité avec des projets, comme je dis. Il y a de la responsabilité avec des postes de pilote. Il y a le sociétariat en devenant associé. Et c'est autant d'axes possibles pour tout un chacun dans l'entreprise pour ne pas tourner en rond, parce que c'est quand même le gros enjeu pour garder les effectifs. C'est d'avoir toujours la perspective. Et ça, ça reste un besoin universel. On a tous besoin de perspective, de se dire, et de mettre de la conscience sur moi. En tant que personne, aujourd'hui, j'ai envie de m'améliorer sur l'expertise. Ok, on va déclencher une action de formation sur le levain, par exemple, le panéthone. Moi, j'ai envie de monter en compétence sur la gestion de l'entreprise. Ok, ça t'intéresse de devenir associé. Moi, je suis passionné par la transition écologique. Ok, il y a un projet transversal. On veut faire un bilan écologique, un bilan de carbone. Est-ce que ça te prend la mission ? Ok, on y va. Et voilà, on essaye d'être à l'écoute des élans de chacun, avec la confiance que c'est la somme des élans de chacun qui fait que... L'entreprise, un peu comme un organisme vivant, il prend sa direction, il grandit. On maîtrise une certaine partie, il y a une autre partie, on ne fait qu'accompagner là où ça pousse.
- Speaker #0
Et comme il n'y a pas de chef, entre guillemets, il n'y a pas de grand chef ? On a un gérant. Comment ? On a un gérant. Ça reste une entreprise qui se doit d'avoir un monétaire social et qui est représentant au sens légal. Donc, c'était ma question. Est-ce que c'est lui qui tranche d'un côté ou de l'autre quand ça coince pour tout type de projet ? Je ne pense pas pour les projets stratégiques, mais les grands projets stratégiques qui misent sur l'avenir de Tête de Meule. Mais sur les petits ou moyens projets, c'est lui qui tranche ?
- Speaker #1
En fait, on n'a pas l'occasion. C'est une vraie, vraie,
- Speaker #0
vraie question, ça. En ce moment, notre actualité, pour répondre à la question, je vais prendre un peu l'évolution. Au début, on a été en mode très tribal. C'est-à-dire qu'on était un petit collectif, donc on fonctionnait... Une bande de chaises copains, c'est ça ? Ouais, frère.
- Speaker #1
Alors on ne se connaissait pas. Moi, mes associés s'étaient rencontrés avec une petite annonce. Mais très vite, on s'est liés. Effectivement, il y a eu de l'amitié qui a débarqué très vite, de la complicité. Et donc, ça avait le côté très itératif, organique, par la voix orale, peu décrit et donc très réactif. Et puis, c'était une montée. C'était un peu comme une start-up, quand même, notre boulangerie. On a ouvert la porte, on s'est fait exposer et on n'a pas arrêté de recruter pendant quatre ans. Donc, il y avait un peu cet enjeu de suivre cette croissance-là. Et donc, ça allait très vite. Et c'était beaucoup basé sur la confiance. Et les décisions, on les prenait au consentement. Donc c'était à la fois comment on enrichit la vie de l'autre, et il n'y a pas de l'un contre l'autre, c'est plutôt l'un et l'autre, et les idées dépassent l'idée de chacun. On a beaucoup fonctionné comme ça, depuis un ou deux ans, le fait d'être plus nombreux, le fait d'être plus d'associés, on a commencé à revoir la copie de cette modalité de prise de décision, parce qu'on a vu toute l'inertie que ça impliquait. Donc on a commencé à faire notre premier vote, Vraiment au sens de vote démocratique, et c'est le principe d'Unscapant, ça reste une démocratie donc on est amené à faire des votes. La première décision pour laquelle on a été amené à organiser un vote et à sortir de notre tradition du consentement, c'était pour la création d'un nouveau local. C'est-à-dire que l'année dernière, on a fini par faire le constat qu'on était à l'étroit, on a une grosse croissance à deux chiffres, on a un petit local, et c'était comment on répond à cette équation des volumes qui continuent de grandir dans un espace limité. Donc c'est vraiment à l'échelle de... Il n'y a pas de planète B, nous c'était à notre échelle, il n'y a pas de local B. Donc est-ce qu'on en cherche un ou pas ? Et on n'était pas d'accord, on a passé beaucoup de temps à se réunir, à échanger sur la question, et à un moment donné, le besoin qui l'a emporté, c'était le besoin d'avancer. Et ça, c'était unanime, pour le coup, on se retrouvait là-dessus. Donc on a accepté tous ensemble de se dire, ok, on va faire un vote. On a suffisamment échangé, on n'arrive pas à se mettre d'accord, on va trancher par le vote. Donc on a commencé par faire ça, et depuis, on a vraiment grandi à cet endroit-là, on est plus à l'aise à faire des votes. avec la vigilance, à passer suffisamment de temps quand même à améliorer chaque sujet. Parce que le but, ce n'est pas non plus de faire des votes à tir l'arigot et puis sans prendre le temps de partager suffisamment d'informations ensemble. Donc, il y a quand même toujours un temps de mise en lumière des enjeux, des chiffrages, etc. Un temps d'échange, de tour de parole. Et après, in fine, arriver à des votes et accepter que, même si on n'est pas pour, des choses puissent être validées. Donc ça fonctionne quand même beaucoup comme ça à l'échelle des associés, même intégralement comme ça. Le gérant, là où il peut avoir de l'influence, mais pas tant ça être amené à trancher, c'est sur des réunions plus opérationnelles, parce que là, à ce temps-là, ça va être des réunions qui vont réunir. Il y a des réunions flash toutes les semaines, auxquelles je ne participe pas du tout d'ailleurs. C'est pour dire à quel point le modèle vit de manière organique. On va avoir la fabrication, la vente et le gérant. Et souvent, les clients pros, ils vont être amenés à décider ensemble des décisions très efficaces. Comment organiser les commandes ? Comment cette semaine on va réaffecter les volumes ? Si ça déborde, etc. Et ça, pareil, ce n'est pas du tout seul. Il y a extrêmement peu d'endroits où il va trancher. Et j'ai envie de dire, les seuls endroits où il va vraiment trancher, c'est le rythme auquel vont être posées les réunions, qui a quand même une certaine influence, et la manière d'aborder les heures du jour dans les réunions. Ça paraît dérisoire comme ça, mais ça reste quand même assez influent sur la manière dont on s'oriente l'entreprise. Par contre, factuellement, il n'y a pas de situation où il va dire c'est moi qui ai décidé, on va faire ça comme ça. Ça, ça n'arrive pas.
- Speaker #0
Donc, ce qui tranche,
- Speaker #1
c'est le vote. C'est un choix qu'on fait nous. Je tiens à insister, c'est un choix qu'on fait nous parce que ce n'est pas propre au scope. Pour avoir rencontré deux scopes, je sais qu'il y a deux scopes qui sont très à l'aise à avoir un modèle très hiérarchique où le gérant, il est élu, il prend toutes les décisions. Par contre, à l'AG, à l'Assemblée Générale Annuelle, il y a un vote de quitus. Donc si on est content ou pas content, les associés votent ou pas pour la continuité du gérant. Mais c'est un modèle plus traditionnel et ce n'est pas lié à la SCOP ce qu'on fait. C'est vraiment un choix, nous, qu'on a de faire vivre le plus possible la démocratie en entreprise tout au long de l'année. Et des SCOP, on voit durant le dégâts, la démocratie a lieu une fois par an à l'occasion de l'Assemblée Générale.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a un modèle ? qui te permet d'avancer plus vite que l'autre ou c'est une question bête ? Alors, il n'y a pas de question bête. Merci. Je pense que... Je vais rappeler la fameuse phrase « Ensemble, seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » . C'est quand même un truc qu'on utilise souvent dans le monde coopératif.
- Speaker #1
Je pense qu'il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse, comme dirait l'autre, petite référence culturelle. Ça dépend... Je pense que ça dépend de l'état de l'entreprise. L'entreprise, si on la prend comme un organisme vivant, parfois elle a besoin d'avancer vite, parfois elle a besoin de ralentir. Le collectif aujourd'hui, moi je sens qu'au sein de Tête de Meule, c'est très sain qu'elle ralentisse l'entreprise. Au début, j'étais gérant seul, même si je fonctionnais au consentement avec mes associés. Avec du recul, je constate qu'en fait j'avais quand même beaucoup d'affluence. dans la manière d'apporter les sujets, dans la détermination avec laquelle je les apportais, dans l'impulsion que je générais. In fine, on décidait ensemble, mais il y avait un truc très leader. Ça, c'est ma couleur, je finis par le reconnaître. Là, je ne suis plus du tout gérant depuis le début de l'année. C'est Luc qui a pris la relève, on a eu une phase tampon, on était co-gérant. Luc, il a une autre couleur qui est plus de l'ordre du médiateur, qui va faire du rassemblement, qui ne va pas forcément tirer ou pousser.
- Speaker #0
et qui va plutôt être très à l'écoute et essayer d'aller trouver le filon dans lequel ça réunit le plus d'adhésion, et qui est aussi nécessaire. Et je pense que c'est très sain à l'époque où on est dans l'entreprise. Parce que sinon, on pourrait vite se cramer à être tout le temps avec quelqu'un qui tire à tir la rigueur. Et puis, essouffler un peu le concept.
- Speaker #1
Essouffler le concept, et puis aussi, c'est perdre l'adhésion. À un moment donné, le risque de ça, c'est à vouloir être trop visionnaire, trop anticipé, trop ambitieux. C'est que l'équipe ne suit pas. Ou le disent oui, mais pensent non. Ça aussi, on l'a beaucoup vécu. Parce que ça reste de l'humain aussi, ça. C'est de dire, bon, il a l'air tellement convaincu, on y va. Et puis après, c'est, ouais, mais moi, finalement, je ne suis pas tant que ça. Et de ne pas remporter des pleines adhésions. Et je pense que pour ça, les loges du temps, elles font la différence. Surtout quand on devient nombreux. Donc, je crois vraiment à l'idée de ralentir pour aller plus loin ensemble et être plus résilient. Et je prends ma part. Moi, j'ai vraiment un gros travail à faire là-dessus. La notion de ralentir. Après, oui, dans les grandes lignes, c'est sûr, on met un patron ou une patronne, ça va beaucoup plus vite, ça tranche tous les jours. Maintenant, qu'est-ce qu'on veut ? Est-ce qu'on veut aller tout le temps plus vite ? Sachant qu'en plus, moi, souvent, j'ai quand même cette petite voix qui me dit le nombre de patrons ou de patronnes qui sont en péril, d'un point de vue santé mentale, parce qu'il y a de la surcharge, parce que c'est au bord du burn-out tout le temps, parce qu'il y a de l'équilibre famille qui n'est pas respecté. Il y a de plus en plus, on en parle de plus en plus de ça. L'enjeu d'être chef d'entreprise aujourd'hui, il est de plus en plus considérable. À l'aune où on a de plus en plus de taxes, de démarches administratives, ce n'est pas les boulangers d'il y a 50 ans où on faisait notre métier 90% de notre temps et puis il y avait un peu de pas de phrase. Là, ça devient très conséquent. Donc je pense qu'il y a un enjeu aussi dans le fait de répartir les décisions, répartir le pouvoir. Moi, je crois beaucoup, en tant qu'ex-gérant, à l'idée de protéger aussi. les administrateurs des entreprises, des structures. C'est vraiment un double, c'est gagnant-gagnant pour moi de réfléchir à ces nouveaux modalités d'organisation du travail parce que ça permet de faire ce switch dans la culture du travail. On est dans un carrefour de nos jours de c'est quoi notre rapport au travail de plus en plus depuis le Covid. Donc comment redonner goût du travail ? Pour moi, ça passe par redonner de l'autonomie de la responsabilité aux salariés et aussi pour les chefs d'entreprise. c'est de se décharger, apprendre à déléguer, apprendre à faire confiance, et ça, ça ne date pas d'hier. Mais la coopérative, pour moi, c'est une des stratégies qui répond à cet enjeu-là, pour tenir, pour être résilient, parce que c'est quand même ça qui nous attend. On est dans des mondes d'incertitude de plus en plus, politiquement, économiquement, écologiquement. Le gros enjeu des entreprises aujourd'hui, c'est de travailler leur robustesse, leur résilience. C'est comment faire avec l'inconnu tous les ans. il n'y a plus de... Un exemple frappant, c'est qu'on a une grille salariale de notre convention qui a changé, je crois, 5 fois en l'espace de 3 ans. Elle n'avait pas changé depuis 20 ans. Je ne sais plus, je sors des chiffres un peu comme ça à grande ligne. Je ne sais pas si c'est exactement ça, mais pour dire à quel point, ça va très, très vite.
- Speaker #0
Tout change plus souvent, quel que soit le secteur. Oui. Ça, c'est ce qu'on observe quand même. Est-ce que Tête de Meule, ça pourrait avoir 2, 3 sites ? un multi-site ou est-ce que tête de meule c'est une petite famille avec un seul site ? Et déjà est-ce que pardon j'ai juste la petite question que je me pose depuis tout à l'heure, est-ce que les 15 membres se croisent tous les jours ?
- Speaker #1
Non, pour répondre à cette question les 15 ne se croisent pas tous les jours parce qu'il y en a qui sont en formation il y en a qui sont... qui vont être en livraison peut-être, simplement au bureau en livraison. Il y en a qui vont avoir le chiffre de l'après-midi, qui vont faire l'après-midi, d'autres le matin. Donc on n'est pas amené à se croiser tous les jours. On se croise toutes les semaines si on n'est pas en congé. Et après, il y avait cette fameuse messe du dernier jeudi du mois qui était quand même l'occasion de couper avec l'activité, l'opérationnel et vraiment se rencontrer. Parce qu'il y a se rencontrer au bord d'une table de déj, au bord d'un comptoir, au bord d'un... une table de façonnage. Et après, il y a se rencontrer vraiment en mode « je suis disponible, c'est une journée qui est dédiée à ça » et on cultive le lien et la cohésion.
- Speaker #0
Donc, sans se forcer, avec le naturel des opérationnels, les 15 membres se croissent quand même une fois par semaine au moins.
- Speaker #1
Oui, on est amené à avoir des interactions régulièrement.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Parce que les fonctions se coupent. Moi, je suis amené, je suis au moins une journée de boulange par semaine. La vente, on essaie quand même de les descendre. Là, c'est vrai que c'est un temps pas trop, mais les descendre. Donc, par les postes techniques, on se mélange. Par les postes plus gestion, projet, on se mélange aussi à d'autres horizons.
- Speaker #0
Et puis après, il y a la journée d'équipe. Et puis après, il y a juste la salle d'équipe. On a une salle d'équipe qui est au cœur du local, qui est une grande salle avec des moulures en mur qui donnent sur la place du centre, qui est assez majestueuse, qu'on chérit. On a failli sabrer pour y mettre un labo pour augmenter notre capacité de production. Donc ça nous a passé de part à tête.
- Speaker #1
Moi, j'étais le premier à créer au Scandale, mais on n'était pas tous au même rang. On a quand même tous atterri en se disant non, ça reste. un endroit hyper stratégique pour la cohésion d'équipe donc on a gardé cette grande salle et on a le but c'est de la léger de plus en plus oui juste pour préciser on a le rez de chaussée on a la boutique derrière la boutique à deux trois marches on a cette fameuse salle c'est ça et on a le fournil qui est assez surprenant pour la province et pour vannes qui est en sous sol exactement voilà et après il ya les bureaux au premier ou deuxième un appartement deuxième étage
- Speaker #0
Ils font office de bureau, de salle de réunion, de salle de cohésion, de salle de repos, donc un peu multitâche. Du coup, cette salle permet aussi de se croiser de manière très organique parce qu'on va déjeuner au même moment. Ça, c'était la première question, est-ce qu'on se croise ? Et l'autre question que tu m'as posée, c'était ?
- Speaker #1
Les multisites.
- Speaker #0
Multisites. Oui, du coup, ça va de pair l'enjeu de l'impact que peut avoir créer un nouveau site, c'est se diviser. Comme on dit, diviser, c'est pour mieux régler. Sauf que chez nous, personne ne veut régler. On fait des allers-retours avec cette question. Ça nous pousse un peu... Moi, je crois que je suis le premier à avoir évoqué ça, parce que c'est mon tempérament à aimer, à entreprendre, à avoir des nouveaux défis. Alors j'apprends à me calmer avec ça. On a joué des tours. Mais déjà, au bout de six mois, techniquement... Quand j'ai monté le fournil, j'avais cramé toutes mes cartouches. J'avais prévu des emplacements pour installer des chambres et du matériel. Et au bout de six mois, je voyais que j'avais déjà rempli. Donc je voyais déjà qu'on allait vers « Oula, on va toucher les murs beaucoup plus vite que ce que j'avais imaginé » . Je prévoyais au moins trois ans de vision, d'anticipation. Donc au bout de six mois, j'étais déjà en train de dire à mes associés « Va falloir qu'on cherche un autre local » . Tant dire que ça n'a pas du tout été reçu, parce qu'on était déjà dans le vu en train d'essayer de surnager avec la vague qu'on se prenait. Et c'était très sain qu'ils réagissent comme ça. Après, ça m'a demandé de travailler pour accepter ça, mais je pense que c'était vraiment la meilleure des choses à faire. L'année dernière, on est revenu avec cette idée-là, parce que là, vraiment très techniquement, on voyait nos conditions de travail se dégrader avec des volumes conséquents et à remplir les chambres à ras bord. Avec un Noël, Noël c'est toujours un peu le marqueur. Un Noël qu'on a fait que sur commande l'année dernière, tellement on ne pouvait pas produire en plus. Et on a rempli le fournil. Donc cette année, on va refaire la même chose. Et après, nous, l'enjeu, c'est de dire, on a une mission. Est-ce qu'on souhaite finir à faire une boutique que sur commande ? Ou est-ce qu'on veut remplir cette mission de répondre à cette demande ? C'est quand même convertir des gens, c'est accompagner des gens qui sont dans cette consommation. On se dit qu'on ne cherche pas à grandir. C'est comme un plan de tomate qui pousse. L'enjeu, c'est plutôt comment on tutore le plan de tomate progressivement, tirer sur le plan de tomate. Le fait est que ça pousse. Maintenant, on a trouvé d'autres artifices pour tenir encore cette année, qui étaient assez légitimes. On a réduit des horaires. On a réduit les samedis déjà l'année dernière. Cette année, on a changé notre politique de marge, parce que ça, chez les associés... On se met d'accord sur les marges des produits. Et après, c'est les pilotes fabrication et magasins qui mettent en place les prix de vente. Mais ça a permis de rehausser un peu les prix de vente parce qu'on était clairement bas par rapport au marché local. Ça a freiné quelques ardeurs de consommation. Donc, ça a permis de ralentir un peu le rythme de la production. On a redémarré aussi des contrats avec des clients pros. Donc, on a rééquilibré un peu notre santé financière et ralenti un peu la croissance, mais on a quand même une croissance. L'année dernière, on a évoqué un nouveau local, on a dit oui, on a embauché Kenka pour bosser sur le projet, on avait trouvé un local, on a abandonné, on en a fait un deuxième. Et finalement, ce qui a péché pour qu'on arrive là, c'est qu'on avait les financeurs, le local, le modèle économique, mais on n'avait pas l'équipe en face. Moi, je n'étais pas chaud pour repartir sur un nouveau projet, paradoxalement, parce que j'ai fini par accepter que j'étais encore un peu trop fatigué de ce démarrage d'entreprise. de ma gérance et moi j'ai souffert d'un burn-out assez conséquent. Donc pas mûr, ça m'a permis de le voir, de le reconnaître et de le dire. Et dans l'équipe, pareil, c'était pas clair. Il y avait une partie qui était prête à le faire, mais sous couvert de la structure existante. Et Luc, qui était le co-gérant, lui, il n'était pas prêt à supporter la croissance d'une entreprise qui pouvait être amenée vite à dépasser les 20 personnes. Donc l'idée, ça a été de se dire, est-ce qu'on fait une autre structure juridique ? Et là, j'étais prêt à accompagner ceux qui voulaient monter la structure, mais ce n'était pas mûr, en fait. En fait, l'équipe n'était pas mûre, c'était ça la conclusion. Ça a été dur et ça a laissé quelques marques aussi dans le collectif parce qu'il y a eu ce télé-an de renouveau et puis d'un coup, ça s'est essoufflé il y a eu beaucoup d'incompréhension Ça a laissé des marques dans notre collectif d'associés. Cette année, on est revenu avec le sujet, avec un peu cette blessure, surtout qu'on a perdu de l'argent l'année dernière avec cet investissement. Je ne pense pas qu'on ait perdu en temps, mais on a investi de l'argent dans une personne, et ça a atteint largement notre bilan. On a fait un bilan nul l'année dernière, notamment avec ce choix-là. Et cette année, on revient avec cette question, parce que la réalité nous pousse à poser cette question. On arrive à tenir cette année, mais on est en train d'envisager effectivement un... Un local secondaire, maintenant, ce n'est pas encore voté, ce n'est pas clair, ça va dépendre de quel local, quel emplacement, quelle proximité avec l'océan existant et quelle taille. Ce qui se trame un peu, c'est quand même une toute petite marche. Et ça reste dans notre culture de la stratégie des petits pas.
- Speaker #1
Donc, moi,
- Speaker #0
ce que j'en... Ça, très souvent, et ça, c'est très propre au collectif, je pense. Je ne sais pas si tous les collectifs se reconnaîtront, mais je pense que pour être sains et avancer ensemble, c'est vraiment mettre de la conscience sur... On a une vision, on veut voir loin, et comment dire, ok, notre vision, c'est renchanter les métiers de la boulangerie, par contre là, demain, aujourd'hui, c'est quoi notre petit pas qui est abordable, crédible, réaliste et qui embarque tout le monde ?
- Speaker #1
Ce que j'entends, c'est ça ne se fera peut-être pas cette année ou dans deux ans, mais à terme, ça pousse tellement qu'à terme, l'équipe sera prête. Oui, c'est ça. C'est mon avis perso. Peut-être que les associés, il y en a qui vont se retourner sur leur chaise, ou qui vont faire la remarque demain, j'en sais rien. Mais je le dis bien, en tant que juste associé, j'ai cette sensation que ça arrivera à un moment ou à un autre. Après, le comment, avec qui, quoi,
- Speaker #0
ça va dépendre.
- Speaker #1
Ça sera peut-être avec une toute autre équipe, d'autres associés.
- Speaker #0
Effectivement, peut-être, oui. Je crois peu à l'option euh... On reste dans le local et on va finir par faire de la commande ou finir par réduire les horaires. Parce qu'une autre option, c'est à un moment donné, ça pousse tellement que de toute façon, on ne répond pas à la promesse de nos horaires. C'est-à-dire que le soir, l'enjeu, c'est ça. C'est si on affiche qu'on ferme à 19h, qu'on est du pain jusqu'à 19h. Si à un moment donné, notre capacité de prod nous fait fermer, nous vide les comptoirs à 16h, soit on change les horaires, on met du 9h à 16h, avec le risque... que quoi ? C'est que les gens viennent plus tôt ou viennent la veille pour avoir leur pain. Et de toute façon, c'est la course à l'échalote. Et c'est ce qu'on a déjà vu le samedi. On était ouvert jusqu'au soir. On a réduit à 14h. Le samedi matin,
- Speaker #1
c'est la queue pas possible. Les gens ont le mal à faire la queue. Ils viennent le vendredi soir. Ça a commencé à être la queue le vendredi soir. Du coup, les gens viennent le vendredi matin ou le jeudi soir. Les gens viennent. En fait, c'est quand même la magie du spectacle. C'est que les gens sont tellement appelées et on est tellement différenciés sur le marché local. que les gens continuent à pousser la porte. Et Vannes explose tellement en démographie.
- Speaker #0
Et on avait même envisagé une autre option, c'est aider d'autres boulangers à s'installer. C'était une des stratégies chez nous. Ils allaient toujours d'ailleurs.
- Speaker #1
Moi, ce dont j'étais frappé quand je suis venu, c'est qu'on avait rendez-vous à 9h. Ce n'était pas bête parce que ça ouvre à 9h. Mais moi, j'étais frappé de voir des gens attendre à 9h. Enfin, pour moi, à 9h, les gens bossent. Et même quand il ne bosse pas, être à 9h pour acheter son pain, être à 7h, je comprends, être à 11h ou midi, je comprends, être à 9h, c'est vrai que moi j'étais frappé, les gens attendaient l'ouverture. Enfin, ça existe aussi pour Carrefour et ça ne m'épate pas, mais devant une boulangerie, 9h, j'ai trouvé ça dingue. Je ne sais pas, je suis assez rassuré avec nos horaires. C'était un gros sujet, un gros débat en début de construction de projet. Parce qu'il y a beaucoup de boulangeries, un peu néo-boulangeries, qui font des ouvertures l'après-midi, qui permettent notamment de se prémunir contre le travail de nuit. Alors nous, on ne travaille pas la nuit, mais on est quand même à 9h.
- Speaker #0
C'est juste qu'on débarque à 6h et entre 6h et 9h, avec nos pousses lentes, on a le temps de mettre en place tout le carré gauche et les cuissons pour avoir le magasin rempli à 9h. 8 heures, c'est trop juste, ça fait 3 heures. Il y a encore 9 heures, là, on commence à avoir des créneaux qui démarrent à 5 heures parce qu'en cuisson, on ne cuit pas assez vite pour la vitesse à laquelle ça part en boutique. Donc là aussi, on a un problème. Mais on a beaucoup de... Ce que je voulais dire, c'est qu'on a une clientèle, il y a beaucoup de gens qui débarquent à Vannes qui sont en télétravail, donc qui sont plus souples sur leurs heures, d'une part. et de part il y a un autre truc qu'on se dit avec nos horaires c'est qu'on fait que des produits qui se conservent moi perso depuis le début je suis hyper à l'aise à me dire on vend pas de sandwich donc il n'y a pas de truc du matin les artisans ils viennent pas chez nous pour acheter des sandwichs et après nos produits vous venez les prendre quand vous voulez, vous pouvez les garder 2, 3, 4, 5 jours si vous voulez même de la brioche, la gastiale se garde facilement 6 jours non mais ça se défend je disais pas le contraire oui oui je sais mais ça me permet de souligner en fait ce fameux truc là de Merci. À quelle heure on peut ouvrir ? Ah mon Dieu ! Parce que derrière, c'est quand même les conditions de travail. Nous, c'est comment on réenchant le métier pour attirer des gens dans le métier. Et c'est quand même un gros sujet, ce truc de à quelle heure j'ouvre ma boutique, à quelle heure je la ferme pour viser quelle clientèle et toutes les croyances qu'on peut encore avoir sur est-ce que c'est réaliste en modèle économique ou pas. Il y en a plein aujourd'hui qui ont réussi à faire fonctionner les boutiques quand elles n'étaient ouvertes que l'après-midi. Et je pense que c'est du fait de la qualité des produits et la qualité de l'accueil. On a un boulevard devant nous avec ces nouvelles façons de faire.
- Speaker #1
Ce qui m'amène à une autre question, c'est, parce qu'on avait pas mal parlé quand je suis venu de ça, quel est toi, alors je ne demande pas tête de meule, je demande Nicolas Dabar, quel est toi, ta vision de la boulangerie française, parce que tu as été un peu à l'étranger, tu as travaillé un peu à l'étranger, et quand tu es revenu en France, C'est... Quelques trucs qui ne te froissaient pas, mais qui te surprenaient. C'est notamment le fameux croissant, le fameux pain au chocolat, et puis on s'arrête là. Même si on a des réquésers et des gens comme ça qui font des choses à la pistache et des choses comme ça. Mais toi, c'est un peu ta réaction. Tout est poussiéreux. C'est un peu ça. Sans être méchant quand même.
- Speaker #0
Franchement, je reconnais, j'avoue, j'ai utilisé un peu ce terme-là aussi et je n'ai pas envie de malmener la profession parce qu'il y a beaucoup de respect. Moi, j'ai débarqué sur le tard dans le secteur. Mais effectivement, j'ai voyagé. Alors, j'ai voyagé pour mes anciens métiers d'ingénieur, mais j'ai voyagé aussi, j'ai fait deux stages à l'étranger en Suède. avec un boulanger qui s'appelle Bicham Zougrim. Il y avait Adam Schiffon. Bicham Zougrim, il est mauricien. Adam Schiffon, il est israélien. Il y avait William Wu qui est de Singapour. Et moi-même, quand je suis tombé dans la boulangerie, je me suis beaucoup inspiré du travail de Chad Robertson à San Francisco qui a écrit un bouquin collector, la Tartine Bread. Et il y a beaucoup... Et d'ailleurs, j'étais étonné en France quand j'ai rencontré quelques chefs cuisiniers qui connaissent très bien Chad Robertson. Je me rends compte que dans les cuisines étoilées ou les cuisines un peu gastro, ils vont aussi chercher de l'inspire à l'étranger sur des approches de pain levain avec cette quête de l'excellence, du produit qui va vraiment être marqué, une quête d'arôme. En plus, Chad Robertson est cuisinier à la base. Il a vraiment une approche de pain qui est très particulière. Donc moi, j'ai baigné là-dedans et après, j'ai fait mon CAP. Donc c'est sûr que le grand écart était assez… assez puissant. Alors, j'ai fait le choix de faire un CAP. Je n'ai pas fait l'EIDB, je n'ai pas fait des écoles. J'ai fait Bourges, j'étais en internat. Mais j'ai été là-bas parce qu'à l'époque, j'habitais du côté d'Orléans. J'étais dans une ferme, j'avais un projet de monter, de me lancer en tant que paysan boulanger. Et puis après, la réalité m'a rattrapé, la réalité familiale, même pas du métier. Mais Bourges, pourquoi ? Et là, j'ai envie de faire un petit clin d'œil à mon formateur, Jean-Baptiste Traille, qui est un compagnon du Restez filés de leur devoir. pas longtemps de France, passionné du levain, et j'ai fait le choix d'aller parce qu'il était là. Parce que je savais que c'était un passionné du levain et que je voulais continuer à travailler sur le levain. Donc je voulais me former au CAP, sur un an, classique, faire la levure et les pains au lait et les petites formes et tout. Mais je voulais avoir un espace sur lequel continuer à travailler le levain et il m'a permis ça, il m'a accompagné. J'avais l'atelier, j'ai fait des recherches tout seul, des recettes de pains au cresson, des trucs qui me parlaient vraiment, qui me faisaient vibrer. et puis lui aussi, ça l'emmenait. Donc voilà, ça, c'était mon parcours. Et c'est vrai qu'après, j'ai commencé à bosser dans les boulangeries conventionnelles. En même temps, j'ai aussi bossé dans les boulangeries des fournits de bio, puis des paysans boulangers. J'ai été visiter les boulangeries plus industres. Donc voilà, j'avais cette curiosité de comprendre un peu tout le secteur avant de me dire, oui, j'ai raison, j'ai trouvé la voie. Et puis même, je n'aime pas me sentir enfermé, moi, dans une croyance. J'avais besoin de comprendre un peu l'ensemble. Puis même les meuneries aussi, je suis allé voir. et les paludiers. Voilà, il y avait un peu ce truc-là. Et j'étais étonné et frappé de voir, oui, cet écart entre des formations avec un Bicham Sougri, Mouliamou et Yadol Chiffon, avec qui on a fait de la panification pur levain et de la viennoiserie pur levain. Et ça, ça date d'il y a 15 ans. Et des produits, mais fabuleux. Et pour eux, c'est évident, il n'y a pas d'appréhension, il n'y a pas le gramme de levure, il n'y a pas... J'ai eu la sensation, et peut-être que je me trompe, mais je reste là, qu'il y a moins le poids de la tradition à l'étranger avec la boulangerie. Donc il y a plus d'espace de liberté et de créativité aux États-Unis aussi pour s'autoriser à sortir des sentiers battus dans cet univers qui est fascinant de la fermentation et de mélanger les genres. Des pains, William Wu nous a ramené des pains au riz, au riz gluant, avec des... des espèces d'enrobés de pâtes avec de la farine de manioc, avec des trucs hyper fins à la fin. Tu as l'impression plutôt de faire un nez que un pain. Mais on ne voit jamais ça en France, en fait. Et c'est vrai que sur les salons, on commence à voir ça depuis quelques années débarqués, mais il y a vraiment un travail de fond en France sur les ambassadeurs du pain, les moffs et puis même beaucoup de boulangers passionnés. Je pense à du pain pour demain. Mais effectivement, Kaiser, Franck Desperrier, etc., il y a des pionniers qui sont toujours là à essayer de... Mais même les paysans boulangers, pour moi, c'est des pionniers. Mais sur les 30 000 boulangeries, c'est ça que je veux dire. C'est là où, pour moi, il y a de la poussière. Je comprends. Oui,
- Speaker #1
c'est la proportion.
- Speaker #0
En proportion, c'est dur. Mais je vois bien l'enjeu que c'est pour un artisan boulanger qui est là dans le métier depuis longtemps, qui est noyé sous les contraintes, l'énergie qui monte, la masse salariale qui monte. Les ingrédients qui sont compliqués, la clientèle qui part dans les surfaces, etc. Le coût de la transition, le coût du changement, il est énorme pour la majorité des boulangeries. Nous, c'est facile, on a démarré de zéro. C'était l'espace-lanche. Pour des gens qui sont punis, c'est leur âme, c'est des passionnés. Mais pour la grande partie du métier, je pense qu'il y a beaucoup de frustration, qu'il y aurait de l'envie à innover plus, etc. Mais c'est dur, quoi. Le temps, l'énergie à y mettre, l'argent à y mettre, à les former, à les trouver, à les tester, à avoir la confiance dans la clientèle, à emmener, ça demande d'avoir du courage, pour ne pas dire autre chose.
- Speaker #1
Après,
- Speaker #0
c'est un truc qui me porte, j'ai envie d'y contribuer. Et je pense qu'on est plusieurs à y contribuer, il y a des cabinets de conseil qui commencent à se lancer de plus en plus autour des boulangeries. à amener tout le métier, mais il y a vraiment un besoin d'accompagnement qui est flagrant pour moi, d'une grande majorité d'artisans qui sont en difficulté, je pense, pour se réinventer et pour préserver l'artisanat, mais vraiment en faisant des pas de côté plus grands que juste le creux fin. j'ai fait un petit tac j'aime bien le croffin mais je pense que c'est plus que ça qu'il va falloir mais je pense qu'on a le problème qu'on trouve toujours dans toutes les entreprises dans tous les secteurs dans toutes les professions,
- Speaker #1
dans tous les milieux ce sont toujours les mêmes qui vont se former il y a ça aussi celui qui est curieux il y a une frange qui est curieuse et souvent elle n'est pas majoritaire et enfin, et je ne veux pas m'attirer à les foudre de ces gens là, mais je ne suis pas sûr que les enseignes meunières ou les marques meunières ou que toutes les marques meunières aient aussi contribué à s'ouvrir aussi, on a souvent vu que chacun a son intérêt la facilité c'est toujours par définition plus facile Et je pense qu'il y a aussi ça, la mainmise de certaines marques meunières ou certains meuniers de marques meunières. Bon, ils avaient trouvé une manne et puis ils se sont cantonnés à ça. Je pense avec des mix, avec le pain de Noël, le pain de ceci, le pain de cela.
- Speaker #0
Oui, mais c'est pareil. Comme tu dis très bien, ce que je retiens dans ce que tu dis, c'est le besoin de facilité, le besoin de simplicité. Sans gênement, c'est un besoin qu'on a tous. En fait, c'est une question de dosage. Moi, là où je vois, et quand tu dis les instituts monnières, évidemment, on cherche tous en tant qu'entreprise un modèle économique qui est viable, qui est robuste, qui est durable. Tant que ça marche, pourquoi changer ? Après, quand on commence à avoir un peu, comment dire, on cherche une vision entrepreneuriale, on est toujours en train de se dire, si, il y a quand même un enjeu de se réinventer, de créer de l'innovation, l'enjeu de la R&D, etc., il est présent dans toutes les structures, même dans les petites structures comme les nôtres. Par contre, à quel... Jusqu'à quel point on pousse l'innovation, c'est dépendant de chacun et c'est dépendant aussi des pressions du marché, donc de ce qui vient de l'extérieur, la pression de la demande et puis la pression de l'interne. Les signaux aujourd'hui sont assez flagrants. On a une clientèle qui demande de plus en plus des produits sains, des produits locaux, des produits qui ne vont pas forcément... On va un peu vers l'environnement, mais c'est surtout la... Moi, de ce que je vois, de ce que j'entends, c'est surtout le côté sain qui est très important. Et après, il y a quelque chose qui vient aussi derrière, c'est la conservation. Ça commence à pousser de plus en plus, le côté non-gaspillage, le pouvoir conserver le pain. Ça, ça reste des marqueurs assez forts. Maintenant, est-ce que cette pression est suffisante pour faire bouger les lignes sur l'innovation des approches produits, etc. ? Je ne sais pas, je n'ai pas l'impression que ça pousse suffisamment fort pour créer des changements aussi forts dans les structures monnières, comme tu dis, ou dans les grandes filiales, ou pour que ce soit des messages à l'échelle nationale, ou que ça puisse commencer à se traduire par le fameux projet de décrépins, qui est un peu dans les coulisses depuis un certain temps, de sortir un nouveau décrépin. Je n'en sais rien, je ne sais pas si c'est mûr en ce moment. Ce que j'observe par contre, ce que je comprends, c'est qu'il y a de la résistance au changement. Moi, c'est ça que j'entends beaucoup, c'est la peur de l'inconnu. Ça reste humain. Plus on est une grosse structure, plus le pas de côté, le pas innovant, il peut être casse-gueule. Donc c'est toujours pareil. Pour moi, même un meunier, il a intérêt à se dire c'est quoi le petit pas sur lequel je peux me différencier, mais sur lequel je n'ai pas le temps d'être en l'air. Et peut-être là aussi, il y a encore un peu de poussière. Je réutilise le terme. Parce que je vois, nous, on a, je ne vais pas citer le nom, mais on a plusieurs partenaires en meunerie, dont un qui est assez connu dans le milieu et qui a un atelier de formation. Bon, rien qu'avec ça, je pense qu'on va deviner. En formation, sur la mise en place de gamme, nous, moi, je le dis en rigolant parce qu'on s'est marré avec le démonstrateur, il voulait absolument me faire mettre un gramme de levure. Je dis non, je ne veux pas mettre le gramme de levure. Et ça reste un débat de se dire, c'est quoi cette habitude ? C'est juste pour dire, et ça c'est une petite blague, qu'on reste attaché à des standards qui permettent, et qui sont déjà innovants, parce que faire un pain levain avec un gramme de levure, c'est déjà une énorme innovation dans le milieu de la boulangerie en France. Mais aller plus loin, à se dire, je vais faire, là nous c'est un peu notre dernier grand délire tête de meule, c'est de lancer une gamme de viennoiseries pur levain, de la brioche pur levain. Donc basé sur le panéton, mais aller chercher peut-être à commencer à faire de la PLF en pur levain. Pour vraiment continuer dans notre démarche, on est des têtes de meule, on ne fait pas comme les autres. Et ça, c'est quasiment inexistant et même très peu partagé à l'échelle de la France. Je pense que j'ai mon collègue Pierre qui me disait, il s'est renseigné plus que moi, il me disait que ça doit se compter sur les doigts d'une main, le nombre de boulangeries qui proposent des pâtes levées feuilletées pur levain en France. Alors qu'encore une fois, il y a dix ans en arrière, c'était déjà un sujet qui n'était pas… On parlait avec des Japonais. Enfin, moi, dans les voyages, dans mes formations, il y avait un peu des gens de tous les pays. C'était déjà un sujet qu'on évoquait tous. Donc, c'est pour ça que je me permets de parler un peu de poussière et que je pense, et j'ai envie de challenger un peu le milieu, on peut y aller. Je pense qu'il y a vraiment une clientèle en face qui est demandeur. C'est très différenciant. Les gens en boutique, on voit bien… Aujourd'hui, le marché des traînements diversifiés, c'est facile d'expliquer. Et puis, il y a une histoire derrière, il y a un savoir-faire. Tous les feux sont ouverts pour aller chercher ce type de produit. Et c'est surtout, in fine, l'artisanat. On revient à défendre un savoir-faire artisanal. On est loin de pouvoir automatiser de la viennoiserie et puis le vin. Ça va être un sujet, ça. C'est pareil pour le poulet.
- Speaker #1
Il faut remettre au centre la souplesse, la flexibilité de l'artisanat. Parce que c'est vrai que ce n'est pas sur une chaîne d'industriel qu'on va pouvoir tenter des choses. Là, on peut tenter des choses, on peut bosser le truc sur des petites quantités, de moins petites, jusqu'à en faire, comme tu dis, une offre sérieuse et une offre classique. Mais c'est là où les artisans, ils disent, on ne peut pas faire. Mais vous êtes artisan, donc vous pouvez faire un test sur un pétrin, une pétricée. Et aussi, pour continuer sur ce que tu dis, les habitudes réinterrogées. Et ça, c'est vrai dans tous les métiers, mais dans l'artisanat boulanger, c'est assez flagrant. Effectivement, c'est réinterroger pourquoi tu fais ça, pourquoi tu mets ce gramme, pourquoi tu mets deux grammes, pourquoi tu mets trois grammes. Pourquoi t'hydrates ? Pourquoi t'hydrates pas ? Pourquoi tu mets du sel ? Est-ce que le sel c'est le goût ? Est-ce que t'es sûr que c'est les goûts ? Est-ce que c'est la rétention d'eau ? Est-ce que t'es sûr que c'est la rétention d'eau ? A quoi il sert vraiment ton sel ? Et j'ai pas la réponse. Et bah va voir, va voir ton meunier, va voir ton formateur, va voir ceci, va voir cela. Et ah oui, mais personne n'a la réponse. Creuse encore. Et c'est vrai que des gens comme les ambassadeurs du pain, ils mettent un... À leur manière, ils mettent un coup de pied dans la fourmilière quand même. Et on a besoin de ce type de gens, c'est sûr. Oui,
- Speaker #0
c'est sûr, ça fait du bien. Là, c'est marrant, tu me prends l'exemple du sel. Moi, j'ai un souvenir qui était frappant. J'étais passé par Copenhague à une boulangerie. C'est ma madeleine de Proust. Une boulangerie qui s'appelle Mirabelle. Et ils ont un process de fabrication qui est hyper étonnant. Ce n'est pas sur des blés forts, sur des farines fortes, puisque c'est sur des farines... ils appellent ça les farines héritage, les farines de blé ancien. C'est un mélange. Donc j'ai goûté le pain, on était sortis de formation avec toute une tripaille, on était plusieurs, il y a des Anglais, des Francophones, et puis même des Africains, etc. On va manger dans un resto qui s'appelle Manfred's, on prend le pain, on le goûte, et puis on était pris dans notre élan, et on se dit, oh là, il y a du sarrasin, il y a du seigle, la croûte incroyable, la mie hyper ouverte, une mie qui était nacrée. hyper typé, enfin on décortique le truc au point qu'on avait plus faim pour manger les plats tellement on a mangé le pain. Le truc classique des boulangers. Et puis c'est que au feu de bois, alors chacun y allait de son truc quoi. On finit par sortir de table en se disant alors il faut absolument qu'on arrive dans cette boulangerie. On demande au cuistot, il nous indique, c'était à deux coins de rue, on y va. En fait c'était un four à gaz, je crois, ou électrique, je sais plus. Donc vraiment pas du tout ce qu'on imaginait. La farine c'était 95% de farine blanche avec 5% de farine complète. et c'était de la farine de variété quand même des grains anciens endémiques au Danemark. Par contre, c'est la fermentation. Le vin liquide rafraîchi quatre fois par jour, donc un levain fruité mais incroyable à l'odeur. Et en process de fabrication, c'était ce qu'appelait Banette à un moment donné la fermentolise. Donc très peu de pétrissage, un premier pétrissage, puis c'était quoi ? Toutes les 20 minutes je crois. Ils y bassinaient et ils repétrissaient. C'était un phrase à chaque fois. Et ça, sur 4, 5 à 6 fois. Et seulement à la fin, ils mettaient le sel. Et en fait, ils avaient compris. Il y avait une démarche qui était logique. Et ça, je l'ai revu plusieurs fois à l'étranger. Très rarement en France. C'est se rappeler que le sel, c'est aussi ce qui fixe les ponts de sulfure. Ce qui permet de fixer le réseau glutenique. Donc, c'est vraiment, il y a un processus chimique qui se passe au moment où on met le sel. Et de permettre... toute l'élasticité de la pâte, la dégradation des amidons, le développement des enzymes, etc. Et seulement à la fin, on vient faire le petit point de soutien avec le sel qui va faire que le réseau glutenique va devenir tenace. Au début, on travaille sur toute l'élasticité. Et à la fin, ils mettent le sel, ça affiche, la force de la pâte d'un coup qui apparaît, alors que ça fait 4 ou 5 heures qu'ils multiplient les fraçages pour petit à petit biberonner leur pâte. Et après, c'est fermentation à 12 degrés, en masse, le lendemain. Il n'y a rien. Ils divisent, ils mettent ça dans un bâton 15 minutes, même pas. Ils mettent ça au four. Et le pain, il est juste incroyable. Et c'est un autre chemin. On ne fait pas ça chez nous. Ça fait un bien de fou de voir des choses comme ça en se disant « Ah ouais, OK, on peut faire ça aussi. » Et ça donne ça comme produit. Ça n'a rien à voir.
- Speaker #1
J'ai eu un cœur d'œil,
- Speaker #0
Madeleine Lecousse.
- Speaker #1
Parce que moi, j'avais... Un paquet d'années là, j'avais été faire un reportage chez un boulanger qui travaille que deux nuits par semaine. Tu dois connaître, je pense. Oui, il y en a plein. C'est un compagnon, donc il travaille chez lui, petite chemière et tout. Et deux fois par semaine, et il ne s'occupe de son levain que deux fois par semaine.
- Speaker #0
Et donc en fait, au lieu de rafraîchir tous les jours, parce qu'il y en a beaucoup qui chouchoutent leur levain, leur chef, et là, lui, il rafraîchissait 3-4 fois juste avant la fournée. Comme quoi, il y a tout type de schéma, et je pense que vu son niveau, je pense que c'était bon. C'était correctement fait. Oui, ça c'est le truc typique aussi chez les paysans boulangers, qui vont faire la même chose. Qui rafraîchissent leur levain, qui le laissent l'homme dehors, ils le rafraîchissent. Deux fois la veille. Et ça, c'est le truc qu'on apprend à faire. Moi, j'ai démarré dans la cuisine. Donc ça ne me choque absolument pas. Mais tu auras des boulangers qui disent « Oh là là, sacrilège, un levain, ça doit être continu, ça doit être tous les jours, ça doit être ceci, cela. » C'est même pire. Nous, on travaille en pur levain, on ne le rafraîchit qu'une fois. On rafraîchit. On travaille sur levain dur. On rafraîchit notre levain dur le jour de notre pétricé. donc on pétrit les pâtes, on a rafraîchi juste derrière. Et on le met quasiment au froid dans la foulée, des fois on le laisse peut-être une demi-heure, une heure d'heure, le temps qu'il démarre un petit peu. Et on le met au froid et on le réutilise tel quel direct le lendemain. Il ne faut pas le rafraîchir le lendemain matin.
- Speaker #1
Et quand tu dis au froid, c'est ?
- Speaker #0
C'est dans la grande chambre avec le reste des pâtes. En fonction des pâtes, il va être entre 3 et 6 degrés. Et on le met en masse. En fait, il y a un phénomène d'inversis. Avec notre levain, on ne le met pas dans les petits bacs. Donc en fait, dès qu'on fait du pur levain, l'avantage, c'est qu'on a des volumes de levain qui sont plus conséquents. Donc on a l'effet de masse qui joue en notre faveur. Notre population de fermement, elle est plus simple à reproduire. Et pareil, nous, on n'est pas du tout de l'école qui allons peser le levain, faire des rapports de 1 pour 2, 1 pour 4, je ne sais pas quoi. Il nous reste 5, 10 kilos de levain, peut-être 15 kilos de levain. On fait surtout un rafraîchis qui va nous assurer d'avoir assez de levain pour faire la production le lendemain. Mais on n'est pas au cordeau sur les rapports de rafraîchis.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Donc, il y a plein de trucs qui se déconstruisent au quotidien. Ce que je peux comprendre, des appréhensions de dire « Ah, le levain, mon Dieu, c'est un truc habichonné, etc. » Alors là, pour le coup, on invite qui veut à venir chez nous. Il y a des choses qu'on fait de manière beaucoup plus instinctive, qui fonctionnent très bien et qui nous garantissent suffisamment de régularité au magasin. Et donc, pour revenir sur le… dépoussiérage, le travail au levain, ça fait partie du dépoussiérage ? Le travail au levain, est-ce que ça fait partie ? Non, je n'ai pas cet avis tranché, parce que ça reste... Moi, j'ai une passion pour le levain, parce que c'est quand même un monde qui est fascinant. C'est le côté vivant de la boulange, quand même. Oui, mais finalement, on travaille sur levure, c'est un côté vivant. La levure, ça reste un union vivant. Il n'y a rien à redire sur la levure. La levure, d'ailleurs, fait partie, et c'est carrément aussi, si Rémi, ça fait partie généralement des levures présentes dans les levins. Pas toujours, mais quand même la plupart du temps, de ce que j'en ai compris. Là où moi, je vote un peu en touche avec la levure de boulanger, c'est le process de fabrication. C'est un process qui est industriel, en grande cuve, qui implique de la mélasse, donc qui a un impact sur l'agriculture aussi derrière. C'est toute cette culture de la sélection qui me questionne. Le produit en soi d'utiliser la levure, je veux dire, Respectus Panis, des ambassadeurs du pain, fonctionne très bien sur levure, et j'en ai fait beaucoup, et ça développe des arômes de dingue, et c'est un starter qui est très bien. C'est juste une question de dose, c'est toujours pareil. Si on commence à faire des pains à 40 grammes au kilo de farine, on a plus le goût de champignon qu'autre chose dans la bouche, on a un pain qui est une croûte, etc. C'est pas ça que je vais chercher. Donc c'est plutôt comment on va s'en servir. Mais c'est pareil que Facebook ou l'intelligence artificielle, on pourrait dire de nos jours. Le problème, ce n'est pas l'outil, c'est comment on s'en sert. Je regarde toujours à ça. Et après, c'est comment il est fabriqué. Toujours pareil, il y a ça, ça fonctionne très bien avec ça aussi, c'est comment c'est fabriqué. Et la levure, c'est peut-être ça où ça vient me chercher. Et le levain, c'est la beauté de l'autonomie du boulanger quand même. Maintenant, c'est loin de dire le dépoussiérage, et tout le monde doit se mettre au levant. On peut faire des pains qui sont très bons, qui se gardent très bien sur des pouliches. J'ai envie de remettre ça un peu à l'ordre du jour. Oui, c'est un peu disparu la pouliche. Ou la bigare, parce que l'équivalent de la pouliche en dur, c'est la bigare, plus connue en Italie. C'est comme la pouliche, c'est un starter à base de levure, mais en pâte dure, c'est-à-dire qu'on ne fait pas une pâte liquide. Et oui, effectivement. Je ne sais pas pourquoi, on n'en entend plus trop parler. Mais ça reste des préfermentations largement valables pour le goût, la dégradation et la conservation. Voilà ma réponse.
- Speaker #1
Très bien, elle est satisfaisante.
- Speaker #0
Je vais revenir sur un truc qui me marque. Tu disais tout à l'heure, l'enjeu sur le débroussiérage, c'est de se rappeler le pourquoi. Pourquoi on fait ça ? Pourquoi on utilise du sel ? Pourquoi on pétrit comme ça ? Pourquoi on fait des autolyses ? Moi, j'ai envie de remettre cette question, le sens, le pourquoi. J'ai envie même de remonter à l'échelle de pourquoi j'ai fait une boulangerie ? Pourquoi je fonctionne comme ça ? À l'échelle du chef d'entreprise ou de la chef d'entreprise, pour moi, c'est une question qui est aussi, voire même encore plus importante, de pourquoi je suis en train de faire ce commerce tous les jours ? Au service de quoi je suis quand je fais ça ? Parce qu'il y a un truc qui m'a marqué dans ton podcast que j'affectionne particulièrement, c'est la diversité des modèles que tu mets en avant. Moi ça c'est un truc qu'on pourrait très bien vraiment tirer, c'est accepter qu'en France on sorte du modèle stéréotypé de la boulangerie pour aller vers un monde de la boulangerie en France très diversifié où tout est acceptable. Quelqu'un qui bosse deux jours par semaine, enfin comme tu dis j'en connais à Lyon ils font ça aussi ils bossent que le dimanche, lundi, mardi parce que eux ils ont envie de vivre la semaine avec leur famille je sais pas quoi machin. Il y en a ils veulent pas bosser la nuit il y en a ils préfèrent bosser la nuit. Il y a une boulangerie qui fait que tu pars sans gluten, ils préfèrent la nuit Et puis parce qu'il fait de la livraison. En fait, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Je pense que ce qui est important, c'est est-ce que je me suis posé la bonne question pour avoir la bonne réponse ? Je ne crois pas. Il cultivait une identité.
- Speaker #1
Moi, c'est ce que je trouve formidable dans la blanche. J'ai l'impression que c'est plus vrai qu'ailleurs. C'est la diversité. Enfin, il y a un champ des possibles de dingue au niveau de ce qu'on peut faire. Que ce soit au niveau du format. Que ce soit au niveau du produit, que ce soit au niveau du service, il y a quand même beaucoup beaucoup de choses. C'est pour ça que ça me fait peur les chaînes. Il y a des chaînes plus ou moins chaînes. Les chaînes d'artisans, on espère que ça restera artisanal. Mais les chaînes de gars qui sont sortis de l'école de commerce et qui se sont dit « Bon ben on y va et puis on lève quelques fonds et puis on va en veiller à la France » , j'ai un peu plus de mal. Mais surtout que tout le monde se met à proposer la même chose. Donc, j'ai un peu peur que ça devienne un peu comme la grande distribution où ils ne sont plus que 4-5 et puis c'est à peu près tout. C'est un peu... Et pourtant... Après,
- Speaker #0
c'est vrai qu'il y a un peu de qui nous prend en aide dans le secteur. C'est quand on voit à l'étranger, là, je parlais notamment avec un fabricant de choux belge qui me rappelle quand même que... On est un peu une exception avec nos modèles de fournils uniques, enfin de fournils sur place. Là où les modèles à l'étranger, c'est quand même beaucoup un fournil central et beaucoup de points de vente.
- Speaker #1
Oui, c'est en Allemagne. Moi, j'avais discuté avec un Allemand, enfin un boulanger installé en France qui était d'origine allemande, mais il dit, mais votre truc, les petits fournils partout, c'est du jamais vu en Allemagne. C'est en Allemagne. Bon, évidemment, ils sont toujours là. Ils ont toujours la maladie de faire les choses en grand, mais c'est vrai, c'est infournile pour à l'époque où un artisan boulanger,
- Speaker #0
quand il en avait 4 ou 7, c'était un industriel quasiment, là-bas c'était 10-15 ans, et ça c'est déjà il y a 20-25 ans. J'ai la sensation qu'il y a un peu aussi ce courant-là qui est en train de débarquer, en plus du courant de la restauration qui débarque à vitesse grand V.
- Speaker #1
Mais j'ai l'impression que le multi-site, enfin le fournil centralisé, j'ai l'impression que ça s'est un peu calmé quand même en France. Parce que moi, il y a 15-20 ans, on commençait à le voir et j'ai l'impression que ça se calme un peu. Mais bon, on verra. Après, il y en a d'autres qui font davantage, qui font un fournil qui est devenu quasiment un fournil industriel avec plusieurs... Plusieurs boutiques dans toute la France, plusieurs dizaines de boutiques dans toute la France. Donc ça, c'est plutôt un industriel maintenant.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
C'est dommage. Bien, eh bien, nous sommes à 1h40 quasiment.
- Speaker #0
Nous arrivons au terme.
- Speaker #1
Comment ?
- Speaker #0
J'ai dit ça va y être. Derrière, toi.
- Speaker #1
On va se simplifier la vie aussi. J'ai trouvé un moyen de me simplifier la vie, mais sans intelligence artificielle. Nous arrivons au terme de notre émission. Merci Nicolas d'avoir partagé toute l'expérience tête de meule, qui est quand même assez intéressante, que ce soit au niveau concept boutique, fournil, organisation de travail, mais aussi type d'organisation d'entreprise. Et pour en savoir plus et surtout voir à quoi ça ressemble, je vous donne plutôt rendez-vous sur www.e1071.com dans quelques semaines ou même déjà maintenant si vous nous écoutez déjà. Ça dépend à quelle date vous nous écoutez. Merci encore Nicolas et merci à tous et à toutes qui nous avez écoutés jusqu'au bout. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à le faire suivre, à le partager, à nous laisser un commentaire ou à nous écrire une suggestion, une question, une critique positive ou même négative. Je ne manquerai pas de faire suivre les critiques négatives à Nicolas si ça concerne les têtes de meule. Vous pouvez nous envoyer ça à contact. Je vous dis à bientôt pour un prochain épisode. Merci à tous.
- Speaker #0
Merci, au revoir.