Rémi Héluin : La baguette de tradition ne répond plus aux attentes (consommateurs et production) cover
Rémi Héluin : La baguette de tradition ne répond plus aux attentes (consommateurs et production) cover
Au coeur de la boulange, la parole aux artisans boulangers qui façonnent la boulangerie

Rémi Héluin : La baguette de tradition ne répond plus aux attentes (consommateurs et production)

Rémi Héluin : La baguette de tradition ne répond plus aux attentes (consommateurs et production)

41min |26/05/2025
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Au coeur de la boulange, la parole aux artisans boulangers qui façonnent la boulangerie

Rémi Héluin : La baguette de tradition ne répond plus aux attentes (consommateurs et production)

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41min |26/05/2025
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Description

Créateur du célèbre blog Painrisien ainsi que de l'actuel site d'informations cerealiste.fr , consultant et journaliste, Rémi Héluin est l'invité de 

Hugues du Boisbaudry de l'Edition 10.71.

Il nous livre ici sa vision du métier, de la boulangerie artisanale d'aujourd'hui et de demain.

Dans cette première partie, le journaliste aborde la question de la baguette de tradition. Etait-ce vraiment un produit fait pour les consommateurs ?

Depuis le décret pain, les attentes ont évolué. Les consommateurs ne se retrouvent plus forcément dans cette offre. 

Et côté production, est-ce adapté aux contraintes techniques, aux contraintes de personnel ? D'autant que la concurrence actuelle propose une offre qui satisfait les consommateurs à un prix plus abordable.  

 

Dans cet épisode, nous abordons également les sujets suivants :

  • La viennoiserie comme produit d'appel mais aussi l'enjeu économique face à la flambée du coût des ingrédients

  • La nutrition et le pain

  • La pérennité du schéma actuel de la boulangerie artisanale

  • Le défi de la perte du goût des consommateurs

  • Le manque d'unité de la profession

  • Le rôle des partenaires des artisans, notamment les meuniers


A propos :

Au cœur de la boulange est le podcast de l'Edition 10.71, le media destiné aux artisans boulangers.

Editée par ghoa, L'Edition 10.71 c'est une newsletter spécial boulangerie qui comporte :

  1. Soit La Lettre (format feuilletable) : Nous réalisons un reportage terrain chez un artisan boulanger, où nous aborderons tous les aspects techniques du métier, des secrets du fournil à la commercialisation en boutique.. 

  2. Soit le podcast Au coeur de la boulange : une interview d'un artisan en prolongement du reportage écrit, ou d'une personnalité du secteur de la boulange artisanale. 

L'Edition 10.71 a l'ambition d'être le lieu d'échange des artisans boulangers.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au cœur de la boulange, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulange. Bienvenue dans ce nouvel épisode au cœur de la boulangerie, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulangerie. Je suis Hugues Dubois-Baudry et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Rémi Elouin. Bonjour Rémi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Je pense que de nombreux auditeurs vous connaissent déjà, car en 2011, vous avez créé Pain Résien, un blog dédié au monde de la boulangerie artisanale. Comme son nom l'indique, vous avez d'abord sillonné les rues de la capitale et de ses environs à la rencontre des artisans boulangers. et vous avez ensuite sillonné les routes de province. L'aventure de ce blog, connu et reconnu par la profession, a duré plus d'une dizaine d'années. Et aujourd'hui, vous allez toujours à la rencontre des acteurs de la profession en tant que journaliste. Et vous avez également une activité de conseil auprès des acteurs de la filière. Eh, j'ai oublié un élément.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai passé mon CAP de 2015 par goût pour le produit et pour les gens qui le font. C'était vraiment très complémentaire dans ce parcours et ça me semblait normal d'aller jusqu'à cette étape-là.

  • Speaker #0

    Pardon pour cet oubli, effectivement c'était à noter. J'ai souhaité cet entretien car vous avez un parcours remarquable et je trouvais intéressant d'avoir votre regard sur la profession aujourd'hui. D'ailleurs on peut déjà démarrer avec un sujet assez direct. Comme nous à l'édition 1071, vous êtes un fervent défenseur de la boulangerie artisanale, de son savoir-faire qui fait partie d'un véritable patrimoine, du fait maison. Quand on vous dit que 80% des boutiques ont recours à la viennoiserie surgelée, quelle est votre réaction ? Parce que ce chiffre semble vraiment sorti du chapeau et semble surtout être un argument des vendeurs de boîtes.

  • Speaker #1

    Déjà ce chiffre, je l'entends depuis pas de 15 ans, donc je pense qu'il y a un vrai problème. Dans le même temps, on voit bien que les artisans se sont remis assez massivement à faire de la viennoiserie. Ils ont une vraie prise de conscience sur l'importance. de la fabriquer parce que c'est un élément de différenciation, de transmission de leur savoir-faire, d'autant plus aujourd'hui où il y a un vrai regain intérieur autour de ce produit. Donc ce chiffre n'est pas sourcé, il y a un vrai problème méthodologique quand on l'utilise. Donc très clairement, ce chiffre ne propose aujourd'hui pas grand-chose et peut-être à la limite, il peut prendre en compte l'ensemble des canaux. sur lequel la viennoiserie est commercialisée, donc que ce soit les terminaux de cuisson, la grande distribution, ou tout ce qui est travel retail. Mais très clairement, aujourd'hui, ce n'est pas représentatif de la situation au boulanger artisanal.

  • Speaker #0

    Et surtout qu'on voit sur le terrain, on nous parle davantage de postes de touriers par rapport à il y a 10, 15, 20 ans. Enfin, moi, de ma propre expérience, c'est ce que je constate.

  • Speaker #1

    Et puis de l'actuel, il y a quand même eu un vrai travail sur le déco. on forme à nouveau des touriers avec des formations spécifiques. Là-dessus, l'ensemble de la filière a vraiment pris conscience de l'importance du travail qui est associé à ce produit. Là-dessus, clairement, les entreprises ont joué le jeu. Même avec des organisations, quand même, quand c'est des petites entreprises, on a des artisans qui s'organisent pour fabriquer la viennoiserie peut-être une fois par semaine et la stocker en francs négatifs. Donc là-dessus, le tour a vraiment repris sa place au sein de la boulangère Cisanal et il n'y a pas de problème autour de ce sujet-là.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes serein sur l'avenir du savoir-faire de Tourier, mais peut-être plus inquiet sur un autre point, comme les bâtires premières à terme. C'est ce que vous me disiez qu'on a vu.

  • Speaker #1

    Très serein, d'autant plus que, comme je le disais, on a un vrai engouement de la clientèle. On a fait trois, quatre dernières années autour de la viennoiserie, portée notamment par les réseaux sociaux. On a plein de produits de tendance. Merci. qu'on peut questionner. On a des choses comme le New York Roll, le Crustin, etc. C'est des produits qui attirent une clientèle jeune. Donc c'est très positif pour la boulangerie artisanale, parce qu'il y a pas mal d'artisans qui ont bien compris l'intérêt de se positionner sur ces produits. Donc ça met en avant le savoir-faire. Mais effectivement, on a des problématiques à moyen et en termes sur les approvisionnements. Quand on voit de toute façon la baisse de la collectivité... qui est chronique pour différentes raisons, que ce soit de toute façon le changement climatique qui nous concerne tous, mais également le fait que... On a des éleveurs laitiers qui arrêtent leur activité et qui ne sont pas forcément remplacés. Donc on aura de toute façon à terme des problématiques très claires sur du beurre en origine France. Et ces problématiques, ce n'est pas demain, c'est déjà aujourd'hui. On ne le voit pas forcément, mais dans le secteur de l'industrie, de toute façon, il faut être réaliste sur le fait que la plupart des acteurs ont massivement abandonné pour la plupart de leur gamme. l'origine france ils n'ont pas les approches des apres donc la filière artisanale sera concernée demain et c'est une vraie question sur la pérennité du produit parce que quand on a plus de beurre ou à un prix qui est complètement prohibitif ça devient compliqué et ça impose donc soit se tourner vers des alternatives on voit la montée en puissance très nette des alternatives végétales traditionnellement la margarine.

  • Speaker #0

    Des croissants ordinaires.

  • Speaker #1

    Oui, après ce sera un croissant ordinaire amélioré. Oui, j'avais un fabricant de matières grasses végétales qui me disait moi je ne fais pas un croissant ordinaire, c'est un croissant extraordinaire avec ma matière grasse végétale. La formule est assez habile, mais c'est une réalité. Aujourd'hui cette réalité, ce n'est pas uniquement quelques artisans, il y a beaucoup de gens qui sont... se posent des questions et ils ne vont pas aller forcément sur le terrain de se dire « je vais faire à 100% » , mais ils vont utiliser des produits où il y a un peu de beurre, ils vont faire les mélanges et ça c'est une réalité à la fois pour des questions de certaines convictions, mais c'est assez anecdotique, mais c'est plutôt des raisons économiques qui les poussent aujourd'hui à y aller. Et demain, ce sera encore plus le cas parce que si on a un produit qui est rare, on aura un produit qui sera très cher. et qui imposera des changements assez radicals.

  • Speaker #0

    Effectivement, ça pose déjà un problème quand on a beaucoup de volume pour la vianderie, pour le beurre. D'ailleurs, on avait interrogé Nicolas Beckham là-dessus, et il nous disait vraiment qu'il retravaille sa recette avec de la poudre de lait pour toujours garder une qualité gustative. C'était même meilleur aujourd'hui parce qu'il s'est questionné sur la recette, en introduisant de la poudre de lait et en baissant la part de beurre pour une question économique.

  • Speaker #1

    Je pense que les deux enjeux peuvent se rejoindre. Je pense qu'on avait traditionnellement tendance à penser que mettre plus, c'était aboutir à un produit qualitatif. Mais ce n'est pas forcément le cas. Et puis on voit bien que les consommateurs ont évolué et leurs goûts ont évolué. Donc des produits qui étaient très chargés en matière grasse, traditionnellement on les fait sur des viennoiseries qui étaient à plus d'un tiers de beurre. Aujourd'hui, c'est des dosages qui sont... sont trop excessives, vraiment clairement excessives. Donc quand on est sur une viennoiserie qui est entre 22 et 25% de beurre, je pense qu'on peut avoir un produit très qualitatif, si effectivement on fait un vrai travail sur la qualité de la pâte, si on a une vraie fermentation, si on fait le job sur la détran, ça peut avoir un vrai impact sur la qualité du produit fini. Après il y a un équilibre qui est assez ténu à trouver entre la gourmandise et le risque d'avoir un produit. pour être potentiellement un peu sec si ça manque de matière grasse. Mais je pense que Nicolas Lecam est loin d'être le seul à se poser ces questions-là. Et on voit bien que c'est en train de bouger parce qu'il y a un enjeu économique, mais il y a aussi un enjeu gustatif et d'adaptation aux attentes des consommateurs.

  • Speaker #0

    Et là, on parle de coût de matière première, de coût de matière grasse. Mais quand vous parlez de proportion de ratio matière grasse sur le produit fini, on peut également aborder la question de la nutrition, justement. Manger moins gras, manger moins riche, et ça va dans le sens de l'histoire un petit peu, non ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va dans le sens de l'histoire. Après, il faut quand même pondérer ça vis-à-vis de la réalité du terrain. On voit bien qu'on a des produits qui sont très porn-food. on le dit souvent, qui se développe énormément. On a une gourmandise qui est parfois complètement décomplexée, irrépressible, qui s'exprime notamment eu égard à une situation complexe et à une période qui est parfois très anxiogène. Donc là-dessus, le consommateur est quand même très ambivalent. Alors oui, ça va dans le sens de l'histoire. Il y a eu une montée en puissance des attentes santé vis-à-vis de l'alimentation, notamment ce Covid. où le consommateur voulait presque parfois un alicament. Ça se développe notamment pas mal dans les régions asiatiques, où notamment ici, on a des consommateurs qui sont très exigeants. Il faut quand même malgré tout regarder les faits, et les faits sont assez têtus sur la réalité. Et aujourd'hui, on a des enseignes de donuts qui se développent en France. Ce n'est quand même pas tout à fait le standard de nutrition auquel on souhaiterait tous partager. Donc là-dessus, je pense qu'il faut faire attention. Et même s'il y a des consommateurs qui sont très sensibles, ce n'est clairement pas aujourd'hui la majorité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Donc là, on aborde la question suivante, qui était la question suivante sur la... On a un peu avancé sur... Parce que là, on parle nutrition, on est sur, comme vous dites, les donuts qui arrivent et tout ça. Donc ça, c'est pas très diététique, très positif nutritionnellement, on est d'accord. Que pensez-vous de la tendance à vouloir renforcer l'aspect nutritionnel, mais du pain ? Vous parliez justement d'alicaments. N'y a-t-il pas un danger ? N'est-ce pas devenu un courant de pensée plus qu'autre chose ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si on peut le caractériser de courant de pensée, sans doute, oui, il y a une partie en tout cas des professionnels qui considèrent que c'est une voie d'avenir. Moi, je pense que l'intention est tout à fait louable et c'est très positif de se poser des questions sur la qualité nutritionnelle du produit. Après, encore une fois, il faut faire attention entre ce que vont nous dire les consommateurs et la façon dont ils vont réellement consommer. Le problème, c'est que si on met trop d'énergie et on se concentre sur cet aspect-là, on va... potentiellement négliger d'autres sujets qui sont sans doute plus prioritaires à mon sens, tels que la qualité globale de la prestation et pas uniquement la qualité nutritionnelle des pains. Je pense qu'il y a d'autres sujets prioritaires, tels que la qualité de la prestation dans le point de vente, donc la qualité de l'accueil. Et même avant d'aller jusqu'à la nutrition, on a quand même d'autres sujets à régler, même sur le pain. On a encore des gens qui ont des problèmes avec... avec de la baguette de tradition, alors que le décret pain, c'est quand même quelque chose qui date de 1993. Donc là-dessus, il y a une réalité de terrain qui me fait dire qu'on va sans doute peut-être un peu trop loin dans la qualité sur cet aspect-là, alors que dans l'essai, ça ne se retrouve pas forcément. Et puis on a énormément de régions françaises, des zones assez populaires, où ce n'est clairement pas le sujet. Si on veut le faire, il faut le faire effectivement quand on a un positionnement qui est assez adapté à ce sujet-là et à faire aller sur le terrain de la nutrition. Mais ce n'est clairement pas, pour moi, une voie qui est adaptée à l'ensemble des artisans boulangers. Et il faut faire quand même relativement attention à ce qu'on fait, parce que ça peut avoir des conséquences quand même.

  • Speaker #0

    Donc là, vous évoquez l'expérience client, si on peut appeler ça comme ça. L'expérience client au sens global, donc l'accueil, la vente, la com aussi, parce que quand vous parlez de tradition, donc il y a la faisabilité, le fait que ça soit reproductible tous les jours, la fameuse baguette de tradition. Et il y a aussi, qu'est-ce qu'une baguette de tradition ? Parce que les gens sont vraiment perdus aujourd'hui, enfin moi c'est ce que je vois, et même le personnel de vente ne sait pas forcément expliquer la différence entre eux. La baguette de tradition est telle ou telle autre baguette. Moi,

  • Speaker #1

    je vais aller plus loin. Est-ce que vraiment la baguette de tradition, c'était un produit qui a été développé pour les consommateurs ? Il faut voir que c'est quand même un produit qui, aujourd'hui, s'éloigne des standards attendus par le consommateur, qui ne recherchent pas forcément une croûte qui est très marquée. Il y a une tendance quand même, malgré tout, au pain moelleux qui est réel. Il faut l'accepter. Est-ce qu'on n'a pas voulu aller vers un produit qui... qui certes est qualitatif sur plein d'aspects, même sur le plan nutritionnel, c'est quand même beaucoup mieux disant que le pain blanc, ça on ne pourra pas le retirer, mais on voit bien qu'on a des typologies de baguettes qui sont notamment développées dans les grandes enseignes françaises ou même dans des marques de boulangerie telles que La Pétrie, etc., qui séduisent énormément le consommateur parce que la texture correspond bien aux attentes du client. Il y a une perception qualité qui est très positive alors qu'on n'est pas sur un produit de tradition. Alors effectivement, on peut se poser la question de la compréhension des équipes de vente sur la réalité du produit qui vend, mais on peut aussi se poser la question sur l'adaptation de notre baguette de tradition versus des attentes et des modes de consommation qui évoluent extrêmement rapidement. Donc, c'est là-dessus. De toute façon, il faut bien voir qu'aujourd'hui, il y a énormément de gens qui ont renoncé à la baguette de tradition. effectivement pour des questions notamment de reproductibilité. Ils vont pas hésiter à ajouter des améliorants, de l'acide ascorbique, etc. parce qu'ils ont des contraintes de production, ils ont des contraintes de personnel et c'est pas un cas isolé. Ça touche même des très grands boulangers, des très grands noms. Donc il y a pas de... Pour moi, il y a une vraie question sur l'adaptation à la fois côté consommateur mais également côté production. parce qu'on parle beaucoup des difficultés de recrutement, mais quand on est sur un produit comme la baguette de tradition, on travaille sans filet. Je pense qu'il y a pas mal de chefs d'entreprise qui doivent se poser de vraies questions sur la pérennité de leur produit.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement la boulangerie artisanale n'a pas été trop vers l'élitisme avec, c'est un peu ce que vous dites, enfin c'est moi, c'est ce que je traduis, élitiste avec cette baguette de tradition revenir aux fondamentaux revenir au fondamentaux de la boulangerie mais finalement en occultant toute la complexité business tout d'abord toute la complexité d'une entreprise artisanale aujourd'hui et surtout la complexité avec tout ce qui est les marques les labels encore on n'a pas parlé on en parlera peut-être à la fin de l'émission Il y a tout ça. Là, finalement, est-ce qu'il ne faudrait pas un peu tout remettre à plat et revoir un petit peu les choses et puis simplifier ? Oui,

  • Speaker #1

    il y a une vraie question de simplification qui se pose aujourd'hui, mais qui ne se posait pas en 1993 quand le décret pain a été mis en place. Je pense que ça a été fait à l'époque, c'était une très bonne chose, mais effectivement, il faut se poser des questions aujourd'hui.

  • Speaker #0

    L'évolution de la vie. Complètement,

  • Speaker #1

    oui. Je pense qu'à l'époque, c'était nécessaire. Ça a provoqué un vrai sursaut qualitatif qu'on ne peut que saluer. Aujourd'hui, effectivement, est-ce que c'est complètement en phase avec la réalité ? On peut se poser la question. Après, c'est bien, on le voit dans d'autres sujets, notamment dans l'univers du végétal, ils se posaient beaucoup de questions sur la protection des appellations, notamment la fausse viande, etc. C'est précieux d'avoir des appellations qui sont sanctuarisées. Mais là effectivement, on est confronté à une vraie problématique. Après, est-ce qu'on peut dire qu'on a été dans l'élitisme ? Pour moi-même avoir fait du pain, théoriquement, si on n'est quand même pas trop mauvais boulanger, arriver à faire une baguette de tradition, c'est une question de rigueur. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie question sur la formation et sur l'adaptation de la formation vis-à-vis... de l'exigence de ces produits, je pense qu'on a sans doute un peu péché vis-à-vis de la qualité de la formation et la capacité des apprentis, des gens qui sortent de formation, à reproduire au quotidien ces produits-là. Mais là-dessus, le problème, c'est que ça ne peut pas vraiment s'améliorer dans l'environnement où on est, où la boulangerie artisanale n'est pas poussée à aller dans le sens de la qualité, mais plutôt de la diversité. Quand aujourd'hui on fait une part de plus en plus faible de pain dans son activité, on va y attacher une plus faible importance, c'est quasiment normal. Donc ça a forcément des conséquences et là-dessus la machine est difficile à inverser quand on est sur cette pente.

  • Speaker #0

    Et justement, ça me permet d'introduire le... Le sujet de la concurrence, parce que là on parle de baguettes, là vous parlez de diversification, on parle de baguettes, donc on peut parler des boulangeries de rond-point qui proposent des 3 plus 1, qui sont un peu l'opposé de la baguette de tradition, et là à mon avis ça met un peu aussi le flou dans ce qu'est une baguette pour le consommateur. Et ce développement des chaînes de boulangerie, comment vous le voyez vous ? Comment vous percevez ça ? Comment vous accueillez ça ?

  • Speaker #1

    Moi, je l'accueille de toute façon. Déjà, il y a une chose qui est très claire et qui s'applique à l'ensemble des marchés, la concurrence, c'est toujours une bonne chose. On considère, moi j'entends beaucoup de gens encore aujourd'hui qui disent que c'est de la concurrence de loyale. Je pense que ce n'est vraiment pas le sujet. La concurrence, c'est une bonne chose. On l'a vu nous-mêmes en pays. On a eu des enseignes comme Polt qui ont développé et qui ont vraiment participé à une époque au sursaut qualitatif. de la boulangerie donc c'est toujours une bonne chose d'avoir de la concurrence parce que ça veut dire que c'est un marché qui est quand même attractif, qui est porteur et c'est une bonne chose. Après il faut voir que ces boulangeries dites de rond-point elles se positionnent sur des emplacements où c'est malgré tout assez facile de faire ce qu'elles font parce que les attentes qualitatives des consommateurs elles sont faibles que de la boulangerie de centre-ville, tel que l'exploit des artisans indépendants, qui eux sont quand même extrêmement courageux d'arriver à faire leur job au quotidien, parce qu'ils ont en face d'eux des consommateurs qui sont particulièrement exigeants.

  • Speaker #0

    D'où les 3 plus 1, les rond-points finalement.

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, ce n'est pas tout à fait la même clientèle. Il ne faut pas considérer que... Alors moi j'entends des gens qui me disent oui mais la clientèle elle est... elle est assez liquide, elle va passer la semaine dans ses réseaux de boulangerie, et puis le week-end, pour se faire plaisir, elle va aller chez son artiste indépendant. Alors bon, les gens qui me disent ça, j'entends, mais je pense qu'il n'y a pas une seule forme de réalité, parce que ça voudrait dire que les boulangers indépendants ne vivent que le week-end. Bon, déjà, pose des questions vis-à-vis de ce discours. Ce n'est pas tout à fait la même clientèle et ce n'est pas du tout les mêmes attentes. Là-dessus, je pense que les clients font quand même assez bien la différence. Quand ils vont dans une grande enseigne qui est positionnée sur le prix, ils savent pourquoi ils y vont. Ils n'attendent pas non plus une qualité exceptionnelle. Mais ce qui est assez triste quand même, c'est que la qualité, même si elle n'est pas exceptionnelle et même si le client n'attend pas un produit extraordinaire, pour le prix qu'ils vont payer, parfois ils ont une prestation qui est quand même de meilleure qualité que si c'était un artisan indépendant. Ça c'est une réalité qu'il ne faut pas éviter aussi, et c'est ce qui a permis le développement aussi de ces réseaux-là, c'est qu'en face on n'avait pas des artisans indépendants qui étaient suffisamment puissants, qui avaient suffisamment d'arguments pour retenir leur clientèle. On revient à l'élection. Je pense qu'ils ont été... sans doute un peu trop, et on l'a vu notamment avec la crise énergétique, ils ont sans doute été un peu trop positionnés sur le segment du premium et ils ont amplifié la déperdition de clientèle. Quand on voit qu'on leur a dit « augmentez vos prix, augmentez vos prix, augmentez vos prix » , même sur des produits de première nécessité tels que la baguette qu'on citait, forcément ça a des conséquences parce que ce client-là, on ne le voit plus pour une baguette parce qu'il considère que la baguette est trop ferme et on ne le voit plus pour le reste. Donc il y a une réalité économique. À un moment, je pense qu'on a fait des choix. Ces choix, on ne les a peut-être pas forcément mesurés, mais il y a des concurrents qui, eux, sont restés inflexibles sur leur positionnement de prix, et ça a des conséquences.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous évoquez, entre la premiumisation de l'artisanal boulanger et l'arrivée de ces boulangeries d'en point qui ont répondu, comme vous dites, à un besoin qui n'était pas finalement satisfait, à une demande qui n'était pas satisfaite par l'artisanat. Là en revanche sur le 3 plus 1, ce qui peut mettre le flou, et c'est peut-être aussi le tort des artisans de s'accrocher à la tradition, le flou c'est 3 plus 1 pour quelques euros, j'en ai 4, et en revanche pour quasiment le même prix, j'ai une seule baguette chez mon boulanger. Et finalement, c'est quand même pas le même produit, les baguettes blanches sont beaucoup plus belles qu'à une époque. dans ces boulangeries de rangs-points, elles imitent quasiment la baguette de tradition, mais c'est presque moins bon que la baguette courante des années 90-2000. Et c'est là que ça met peut-être le flou. Finalement, je me fais arnaquer chez mon artisan et finalement, j'ai une super occasion de faire une affaire.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a effectivement la sensation de faire une bonne affaire chez ces réseaux parce qu'il y a une perception qualitative, parce qu'il y a eu tout un travail qui a été fait en amont à R&D pour avoir un produit qui était suffisant. effectivement aussi bien visuellement que gustativement, quelques minutes, quelques heures après avoir acheté le produit. Donc là-dessus, il y a effectivement ce sentiment de faire une bonne affaire. Mais le problème de fond dans tout ça, c'est un problème que les artisans ne peuvent pas porter seul, qui est très global, c'est la perte de culture du goût. Là-dessus, les artisans ne peuvent pas, parce qu'on dit, les artisans exhortent leur clientèle. de continuer à les soutenir, etc. Sauf que la clientèle ne comprend même plus forcément pourquoi ils devraient les soutenir, parce qu'ils ne sentent plus forcément la différence entre ces produits avec des process extrêmement normés, voire industrialisés, et des produits purement artisanaux avec parfois une qualité de produit très élevée. Donc le problème de fond, c'est la culture du goût. Et ça, les artisans ne peuvent malheureusement pas grand-chose seuls. Quand bien même il y en a qui mettent énormément d'efforts, et je sais que c'est une réalité, ils mettent énormément d'efforts pour essayer de sensibiliser leur clientèle, de leur montrer quel est le bon produit. Quand on a une clientèle qui n'est plus sensible à ces sujets-là, qui va chercher avant tout un prix ou une praticité avec des places de parking, etc., c'est compliqué de se battre. Et je pense qu'il ne faut même pas faire ça se battre. On n'est plus du tout sur les mêmes terrains.

  • Speaker #0

    Donc finalement, on rejoint ce que vous disiez. La baguette, est-ce que c'est pour les artisans ou pas ? Vous disiez la baguette de tradition, mais on pourrait aller plus loin. Est-ce que la baguette, même qu'elle soit baguette courante, paquette pétrisane ou tout autre type de baguette, est-ce que finalement, c'est pas David contre Goliath ? Et pourquoi finalement ne pas laisser tomber la baguette ? et proposer des choses qui ne sont pas comparables avec ce qui est vendu dans les boulangeries de reprins finalement.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est un axe de développement sur lequel on réfléchit une partie des artisans boulangers qui se sont installés. On voit aujourd'hui des gens qui renoncent à la baguette et qui font le choix de se positionner effectivement sur des produits pas différenciants, avec une identité très marquée. Après, il faut être réaliste sur le fait que c'est des entreprises qui devraient penser très en amont. avec un modèle qui est extrêmement frugal, des investissements qui sont limités, parce qu'en faisant ce choix-là, de toute façon, on se coupe d'une partie du trafic qui est généré par la baguette.

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces informations, ces explications. Ainsi s'achève la première partie de cette interview. Nous en savons maintenant plus sur l'enjeu des cartes,

  • Speaker #1

    sur l'économie,

  • Speaker #0

    sur son offre. Dans la seconde partie, nous parlerons de la belle, le vin. Il y aura même une petite partie sur la brioche. Rendez-vous donc pour le prochain épisode sur www.is71.com et sur www.briocoutes.fr. Merci à toutes et à tous et à très bientôt. Merci.

  • Speaker #1

    Il faut sans doute adopter des process qui ne sont pas tout à fait les process qu'on attend de la part d'un artisan, c'est-à-dire recourir à de la mécanisation assez massive. faire appel à des préparations qui permettent d'avoir un produit très régulier. Est-ce que c'est ça le standard d'un artisan ? Pas tout à fait, en tout cas dans l'imaginaire collectif, ce n'est pas le cas. Mais néanmoins, c'est ce qui leur permet d'être efficaces, de maîtriser les coûts. Donc, il y a une vraie question là-dessus. Moi, je vois des artisans qui font confiance à des partenaires qui leur apportent des solutions clés en main. Je ne peux pas les blâmer parce que le modèle qu'on leur pose, propose, il est plus efficace que si justement il faisait de la baguette de tradition, c'est quand même un produit extrêmement exigeant. Moi je dis que c'est très compliqué et de toute façon, ils dessinent clairement un modèle où on aura d'un côté un peu le pain des pauvres et de l'autre le pain des riches, il y a une vraie fragmentation du marché entre ces deux segments. Et ce qui représente aujourd'hui 80% de la boulangerie artisanale française, qui est un peu la boulangerie moyenne sans positionnement très affirmé, c'est compliqué pour elle d'exister. Et ça pose effectivement la question de la place de la baguette, globalement.

  • Speaker #0

    Donc la boulangerie s'oriente un peu comme la pâtisserie, c'est diminution du nombre d'unités et évolution vers le premium.

  • Speaker #1

    Malheureusement, oui. De toute façon, pour plein de raisons. aujourd'hui on... On est très attaché au fait qu'on ait un nombre assez important de points de vente. Alors, je suis ici pour pouvoir en discuter très longtemps. Certaines sources, selon la force du vent, selon l'alignement des planètes, c'est 30 000. Un autre jour, c'est 35 000. Un autre jour, c'est 33 000. Pour moi, il n'y a pas de réalité dans tout ça. On serait sans doute beaucoup plus proche des 25 000, 27 000 maximum. Oui, c'est déjà une grosse différence. Après, il y a une réalité économique parce que forcément, ces points de vente n'arrivent plus à atteindre une pérennité. Après, il y a d'autres réalités aussi sur le plan environnemental. On doit se poser la question, est-ce que c'est une bonne chose d'avoir autant de boulangeries en France avec des fournils qui ne sont pas forcément utilisés en totalité, qui sont utilisés peut-être à 30%, 40% de leur capacité parfois ?

  • Speaker #0

    Mais ça, c'est les 30 à 40 % d'utilisation. C'est dans le cas où ils s'orientent vers le modèle qu'on essaie de vendre à tout le monde, la diversification vers la restauration, non ?

  • Speaker #1

    Oui, notamment, effectivement. Mais malgré tout, même quand on installe un fournil, même si on travaille bien, avec une baisse chronique de la consommation de pain, on l'utilise sans doute pas en totalité, le fournil, même si on travaille bien. donc Il y a une vraie question sur le modèle qu'on déploie, notamment en Champagne ou dans des petites villes, on a quand même peu d'habitants, donc on a des petites affaires. Même si on a un équipement minimal, on a souvent déjà un équipement qui est surdimensionné par rapport à la réalité du besoin. Donc il faut se poser la question de quel modèle on déploie, et est-ce que parfois il ne faut pas mieux centraliser, avoir des boutiques froides en satellite ? plutôt que de vouloir toujours installer un fournil et pour

  • Speaker #0

    pour pouvoir prétendre à l'appellation boulangerie.

  • Speaker #1

    Et justement, j'allais aborder cette question, vous venez de souligner, la profession de la Confédération, elle est un peu en décalage, parce que moi déjà, à l'époque de Question Boulange, j'avais déjà un artisan qui avait la problématique, il avait des boutiques, mais il ne pouvait pas appeler. boulangerie et finalement comme vous dites il ya un moment donné où il faut la centralisation centraliser la production parce que sinon on n'y arrive pas et pourquoi un boulanger serait boulanger dans une boutique avec un fournil et pourquoi il serait pas boulanger avec un bout d'un fournil qui serait pas dans sa boutique et c'est là qu'on voit que finalement la confédération les instances de la boulangerie artisanale est quand même en décalage total de les par rapport à l'évolution de la société enfin

  • Speaker #0

    Oui, après, je pense que là encore, il faut le voir à une époque. Et je pense que je vais essayer d'être un peu... de mettre à la place des gens qui ont sanctuarisé cette appellation. Je pense que c'était une bonne chose de le faire à l'époque. Et ça a permis malgré tout de se protéger. Oui, ça date.

  • Speaker #1

    Ça date de 96, je crois.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, le monde a évolué en...

  • Speaker #1

    En 30 ans,

  • Speaker #0

    quand même. Non, mais clairement. Après... Moi, j'ai deux sujets par rapport à ça. Est-ce qu'aujourd'hui, marquer sur une devanture boulangerie, ça fait vraiment la différence ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûr. Donc franchement, là-dessus, pour moi, ce n'est pas le moment. Il ne faut pas être arc-bouté là-dessus. Il ne faut pas se dire que si tu n'as plus le droit à la création, c'est une catastrophe.

  • Speaker #1

    Non, mais en revanche, ça traduit un état d'esprit de la Confédération.

  • Speaker #0

    Oui, mais cet état d'esprit n'est pas uniquement présent. Je ne veux pas... Jeter l'opprobre sur la Confédération, plus globalement, je pense que beaucoup d'artisans, même qui soient affiliés à la Confédération ou pas, ne sont pas prêts à passer le pas et ils sont très attachés à la fabrication sur place. Parce qu'il y a plein d'arguments, pour eux ça crée des odeurs, etc. C'est ce que je peux comprendre, mais malheureusement, il y a une réalité qui fait que quand on a une activité qui est limitée, parce qu'on a des... des localités qui se désertifient, je pense qu'il faut être malin et trouver d'autres moyens de faire vivre son produit et de faire vivre son activité. Il ne faut pas être complètement assis sur un modèle qui est dépassé aujourd'hui. Je ne vais pas dire qu'il y a des gens qui sont meilleurs que d'autres dans la réflexion. Je pense qu'on a des vraies questions à se poser à l'échelle de la boulangerie française. Ça nous concerne tous. On n'a peut-être pas suffisamment passé de temps à se poser ces questions, à réfléchir collectivement sur le sujet. On est peut-être un peu trop centré sur des sujets tels que placer la baguette à l'UNESCO, développer des nouvelles appellations, etc. Non, mais on regarde un peu, on développe une série de concours, parfois ça me sidère un peu. Je pense qu'on n'a pas forcément les yeux centrés sur des réalités prioritaires. peut le regretter. Après, c'est difficile, et là-dessus, ça nous concerne tous, de regarder en face ce qui ne va pas et de se poser vraiment des questions. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'il y a des gens qui sont plus responsables que d'autres. Ils sont peut-être responsables parce qu'ils devraient représenter la profession, peut-être. Je ne vais pas leur jeter la pierre.

  • Speaker #1

    Après, vous comme moi, avec toutes les boutiques qu'on a vues, de toute façon, il n'y a pas un schéma. Ça, on est d'accord. Non,

  • Speaker #0

    il n'y a pas un schéma, non, mais justement, c'est ça, il y a plusieurs schémas, et puis la réalité d'un environnement est toujours très spécifique, et c'est pour ça qu'il faut être aujourd'hui, et encore plus qu'hier, très à l'écoute de son environnement, et puis il ne faut plus considérer qu'un artisan va s'installer parce que c'est une super opportunité, etc. Non, il faut voir son projet très en amont, il faut choisir son emplacement en fonction de ce qu'on a vraiment envie de faire, il y a plein de paramètres qu'il faut prendre en compte. Mais très en amont. Et aujourd'hui, on installe encore des boulangers comme si c'était facile, comme si on pouvait leur dire, regarde, tu vas te mettre là, tu vas pouvoir faire ce que tu veux. Sauf que non, c'est extrêmement complexe. Et il faut vraiment prendre en compte la réalité d'un environnement, d'une commune, d'un quartier, bien avant de s'installer. Et ça, je pense qu'on ne le fait pas suffisamment. Et je regrette que les partenaires de la filière, que sont les marchands de filière, les meuniers, les marchands de matériel, ne soient pas suffisamment impliqués dans cette logique-là, parce que c'est ça qui va définir ensuite la vie de leurs clients, la vie des artisans boulangers. Donc il y a un vrai travail à faire pour qu'on sensibilise mieux et qu'on construise mieux les projets. avant l'installation pour qu'ensuite l'artisan puisse faire quand même quelque chose qui ait du sens pour lui. Parce que c'est quand même important vu le niveau d'implication d'un artisan en entreprise. S'il se retrouve à faire quelque chose qui ne correspond pas du tout à ses valeurs et à sa vision du métier, et c'est le cas pour beaucoup de gens aujourd'hui je pense, il y a un vrai mal-être qui se crée en fait. Il suffit de lire des réseaux sociaux où s'expriment les boulangers sur Facebook, qui sont dans des groupes, etc. Je pense qu'il y a un vrai mal-être. Et ce mal-être est lié au fait qu'on n'a pas suffisamment été loin dans la réception. Et on laisse des gens tout seuls dans leur coin avec leurs problématiques. Et on ne leur apporte pas de solution. Du coup, ils tombent un peu dans la radicalité et se disent qu'il faut renverser la table. Je ne sais pas que ce soit la solution de renverser la table. Je pense qu'il y a d'autres choses à faire. Il y a des questions à se poser, certes. Mais renverser la table... Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Je le dis de façon très humble, parce que moi-même, j'ai tendu une volonté il y a quelques années de la renverser moi-même. Je pense qu'il faut se poser des questions, mais il ne faut pas aller dans l'extrémisme.

  • Speaker #1

    Là, vous reprochez le fait de laisser un peu isolés les artisans. Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Bien sûr. C'est clairement une profession qui aujourd'hui n'arrive plus à être collective. Et on le voit bien, vous parliez des mouvements de pensée sur la discussion, on en a des mouvements de pensée et ça dévie un peu. Chacun a sa petite chapelle. Il y en a qui disent « la Confédération c'est bien » , d'autres « non mais moi je suis meilleur que la Confédération » . Tout ça est quand même, somme toute, assez ridicule. Il faut être clair là-dessus. Je pense que vu les enjeux de la profession, il faut la jouer collectif. Il ne faut pas regarder la concurrence comme si c'était des vilains, etc. Moi-même, j'échange avec tout le monde. Sincèrement, je peux échanger avec des gens de la Fédération, j'échange avec des gens de la FED, etc. De chaque côté, j'ai des gens qui sont, malgré ce qu'on peut penser, tous assez impliqués dans ce qu'ils sont, qui ont leur vision du marché qui est la leur. Moi, je n'ai pas de sujet à échanger avec ces gens-là. Il faut que c'est très complémentaire d'avoir des visions différentes et ça nous permet d'avancer. Alors qu'aujourd'hui, on a tendance dans la filière à être sur le repli sur soi. Je pense qu'il y a des gens qui devraient s'impliquer, encore une fois je le dis, et il faudrait s'impliquer beaucoup plus dans la création d'un collectif plutôt que d'isoler les gens. Et là-dessus, pour moi, il y a quand même des partenaires majeurs des boulangers, encore une fois les modiers, qui devraient faire beaucoup plus ce job. Pour moi, le meunier devrait devenir un peu le premier réseau social du boulanger, dans le sens qu'il a le contact avec le terrain, il voit ce qui se fait, il voit les bonnes initiatives, il pourrait partager avec ses clients, parce que potentiellement quand même on est client d'un même meunier, on a quand même des valeurs en commun, il pourrait participer à diffuser ses bonnes pratiques, et pas uniquement faire un peu de la formation, qui pour moi est plus un outil de la relation commerciale, il pourrait s'impliquer beaucoup plus. Et le meunier n'est pas seul. Je parlais du marchand de matériel, il pourrait aussi... Mais c'est un changement de doctrine. Il faut qu'il change de doctrine et qu'il soit plus uniquement dans la logique de se dire c'est un intérêt à court terme de l'artisan boulanger, mais je pense plutôt sur le temps long et quels outils je mets en œuvre pour faire en sorte que cet artisan boulanger, certes, aujourd'hui, il prend de la matière première, il prend de l'équipement, mais mon objectif, c'est qu'il soit encore là demain. que son affaire soit transmissible pour que moi aussi finisse par vivre aussi sur le long terme. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie révolution culturelle à mener. C'est beaucoup d'acteurs de la filière.

  • Speaker #1

    Mais certains, enfin moi, de ce que je vois, il y a certains meuniers quand même qui ont évolué, par rapport, si je prends, il y a 15 ans. Non,

  • Speaker #0

    mais bien sûr, ils ont évolué. Et là-dessus, c'est très clair. Et il y en a qui font le job de toute façon. assez impressionnante et on a des réussites. Parce qu'il faut voir, sur certaines régions françaises, on pouvait regretter le faible développement de la qualité en boulangerie artisanale, mais il y a un couple meunier-boulanger qui est très puissant, et on le voit dans certaines régions, on a des meuniers qui se développent parce qu'ils ont une vraie dynamique et ils portent la qualité de la boulangerie.

  • Speaker #1

    Oui, ils sont aux côtés de leurs clients et ça, ça se sent tout de suite.

  • Speaker #0

    Oui, ça se passe tout de suite. Et puis vraiment, moi, j'ai des exemples en région bordelaise. Il y a le forissaire qui a repris le chemin du Cournot il y a quelques années. Quand il a commencé la boulangerie bordelaise, sa région, la qualité, n'était pas du tout au rendez-vous. Il a fait un travail remarquable, ça l'a apporté et aujourd'hui c'est une vraie réussite. Et on a des gens qui comprennent le marché, qui comprennent qu'il y a besoin de faire ce collectif, de partager des bonnes pratiques, de partager un engagement. avec les artisans boulangers et ceux qui le font bien se développent, ça marche et c'est super positif pour tout le monde donc pour moi c'est juste une posture qu'il faut changer pas juste, c'est une posture historique notamment de la meunerie qui est quand même une position dans la filière qui est très centrale et qui est parfois très utile et très confortable mais c'est nécessaire parce que c'est juste une question de survie pour

  • Speaker #1

    Eh bien, nous arrivons au terme de cette première partie. Merci de l'avoir suivi. Dans la seconde partie, nous parlerons de diversification, donc de restauration.

  • Speaker #2

    Nous évoquerons également le développement des franchises et surtout des réseaux d'artisans. Et nous terminerons par la question des labels en boulangerie artisanale. Vous pouvez retrouver l'ensemble des épisodes ainsi que l'ensemble des reportages publiés dans la lettre de l'édition 1771 sur www.e. 1061.com et si vous préparez, vous pouvez également vous abonner au podcast via votre plateforme habituelle. Merci beaucoup et à très bientôt.

Description

Créateur du célèbre blog Painrisien ainsi que de l'actuel site d'informations cerealiste.fr , consultant et journaliste, Rémi Héluin est l'invité de 

Hugues du Boisbaudry de l'Edition 10.71.

Il nous livre ici sa vision du métier, de la boulangerie artisanale d'aujourd'hui et de demain.

Dans cette première partie, le journaliste aborde la question de la baguette de tradition. Etait-ce vraiment un produit fait pour les consommateurs ?

Depuis le décret pain, les attentes ont évolué. Les consommateurs ne se retrouvent plus forcément dans cette offre. 

Et côté production, est-ce adapté aux contraintes techniques, aux contraintes de personnel ? D'autant que la concurrence actuelle propose une offre qui satisfait les consommateurs à un prix plus abordable.  

 

Dans cet épisode, nous abordons également les sujets suivants :

  • La viennoiserie comme produit d'appel mais aussi l'enjeu économique face à la flambée du coût des ingrédients

  • La nutrition et le pain

  • La pérennité du schéma actuel de la boulangerie artisanale

  • Le défi de la perte du goût des consommateurs

  • Le manque d'unité de la profession

  • Le rôle des partenaires des artisans, notamment les meuniers


A propos :

Au cœur de la boulange est le podcast de l'Edition 10.71, le media destiné aux artisans boulangers.

Editée par ghoa, L'Edition 10.71 c'est une newsletter spécial boulangerie qui comporte :

  1. Soit La Lettre (format feuilletable) : Nous réalisons un reportage terrain chez un artisan boulanger, où nous aborderons tous les aspects techniques du métier, des secrets du fournil à la commercialisation en boutique.. 

  2. Soit le podcast Au coeur de la boulange : une interview d'un artisan en prolongement du reportage écrit, ou d'une personnalité du secteur de la boulange artisanale. 

L'Edition 10.71 a l'ambition d'être le lieu d'échange des artisans boulangers.

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Transcription

  • Speaker #0

    Au cœur de la boulange, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulange. Bienvenue dans ce nouvel épisode au cœur de la boulangerie, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulangerie. Je suis Hugues Dubois-Baudry et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Rémi Elouin. Bonjour Rémi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Je pense que de nombreux auditeurs vous connaissent déjà, car en 2011, vous avez créé Pain Résien, un blog dédié au monde de la boulangerie artisanale. Comme son nom l'indique, vous avez d'abord sillonné les rues de la capitale et de ses environs à la rencontre des artisans boulangers. et vous avez ensuite sillonné les routes de province. L'aventure de ce blog, connu et reconnu par la profession, a duré plus d'une dizaine d'années. Et aujourd'hui, vous allez toujours à la rencontre des acteurs de la profession en tant que journaliste. Et vous avez également une activité de conseil auprès des acteurs de la filière. Eh, j'ai oublié un élément.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai passé mon CAP de 2015 par goût pour le produit et pour les gens qui le font. C'était vraiment très complémentaire dans ce parcours et ça me semblait normal d'aller jusqu'à cette étape-là.

  • Speaker #0

    Pardon pour cet oubli, effectivement c'était à noter. J'ai souhaité cet entretien car vous avez un parcours remarquable et je trouvais intéressant d'avoir votre regard sur la profession aujourd'hui. D'ailleurs on peut déjà démarrer avec un sujet assez direct. Comme nous à l'édition 1071, vous êtes un fervent défenseur de la boulangerie artisanale, de son savoir-faire qui fait partie d'un véritable patrimoine, du fait maison. Quand on vous dit que 80% des boutiques ont recours à la viennoiserie surgelée, quelle est votre réaction ? Parce que ce chiffre semble vraiment sorti du chapeau et semble surtout être un argument des vendeurs de boîtes.

  • Speaker #1

    Déjà ce chiffre, je l'entends depuis pas de 15 ans, donc je pense qu'il y a un vrai problème. Dans le même temps, on voit bien que les artisans se sont remis assez massivement à faire de la viennoiserie. Ils ont une vraie prise de conscience sur l'importance. de la fabriquer parce que c'est un élément de différenciation, de transmission de leur savoir-faire, d'autant plus aujourd'hui où il y a un vrai regain intérieur autour de ce produit. Donc ce chiffre n'est pas sourcé, il y a un vrai problème méthodologique quand on l'utilise. Donc très clairement, ce chiffre ne propose aujourd'hui pas grand-chose et peut-être à la limite, il peut prendre en compte l'ensemble des canaux. sur lequel la viennoiserie est commercialisée, donc que ce soit les terminaux de cuisson, la grande distribution, ou tout ce qui est travel retail. Mais très clairement, aujourd'hui, ce n'est pas représentatif de la situation au boulanger artisanal.

  • Speaker #0

    Et surtout qu'on voit sur le terrain, on nous parle davantage de postes de touriers par rapport à il y a 10, 15, 20 ans. Enfin, moi, de ma propre expérience, c'est ce que je constate.

  • Speaker #1

    Et puis de l'actuel, il y a quand même eu un vrai travail sur le déco. on forme à nouveau des touriers avec des formations spécifiques. Là-dessus, l'ensemble de la filière a vraiment pris conscience de l'importance du travail qui est associé à ce produit. Là-dessus, clairement, les entreprises ont joué le jeu. Même avec des organisations, quand même, quand c'est des petites entreprises, on a des artisans qui s'organisent pour fabriquer la viennoiserie peut-être une fois par semaine et la stocker en francs négatifs. Donc là-dessus, le tour a vraiment repris sa place au sein de la boulangère Cisanal et il n'y a pas de problème autour de ce sujet-là.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes serein sur l'avenir du savoir-faire de Tourier, mais peut-être plus inquiet sur un autre point, comme les bâtires premières à terme. C'est ce que vous me disiez qu'on a vu.

  • Speaker #1

    Très serein, d'autant plus que, comme je le disais, on a un vrai engouement de la clientèle. On a fait trois, quatre dernières années autour de la viennoiserie, portée notamment par les réseaux sociaux. On a plein de produits de tendance. Merci. qu'on peut questionner. On a des choses comme le New York Roll, le Crustin, etc. C'est des produits qui attirent une clientèle jeune. Donc c'est très positif pour la boulangerie artisanale, parce qu'il y a pas mal d'artisans qui ont bien compris l'intérêt de se positionner sur ces produits. Donc ça met en avant le savoir-faire. Mais effectivement, on a des problématiques à moyen et en termes sur les approvisionnements. Quand on voit de toute façon la baisse de la collectivité... qui est chronique pour différentes raisons, que ce soit de toute façon le changement climatique qui nous concerne tous, mais également le fait que... On a des éleveurs laitiers qui arrêtent leur activité et qui ne sont pas forcément remplacés. Donc on aura de toute façon à terme des problématiques très claires sur du beurre en origine France. Et ces problématiques, ce n'est pas demain, c'est déjà aujourd'hui. On ne le voit pas forcément, mais dans le secteur de l'industrie, de toute façon, il faut être réaliste sur le fait que la plupart des acteurs ont massivement abandonné pour la plupart de leur gamme. l'origine france ils n'ont pas les approches des apres donc la filière artisanale sera concernée demain et c'est une vraie question sur la pérennité du produit parce que quand on a plus de beurre ou à un prix qui est complètement prohibitif ça devient compliqué et ça impose donc soit se tourner vers des alternatives on voit la montée en puissance très nette des alternatives végétales traditionnellement la margarine.

  • Speaker #0

    Des croissants ordinaires.

  • Speaker #1

    Oui, après ce sera un croissant ordinaire amélioré. Oui, j'avais un fabricant de matières grasses végétales qui me disait moi je ne fais pas un croissant ordinaire, c'est un croissant extraordinaire avec ma matière grasse végétale. La formule est assez habile, mais c'est une réalité. Aujourd'hui cette réalité, ce n'est pas uniquement quelques artisans, il y a beaucoup de gens qui sont... se posent des questions et ils ne vont pas aller forcément sur le terrain de se dire « je vais faire à 100% » , mais ils vont utiliser des produits où il y a un peu de beurre, ils vont faire les mélanges et ça c'est une réalité à la fois pour des questions de certaines convictions, mais c'est assez anecdotique, mais c'est plutôt des raisons économiques qui les poussent aujourd'hui à y aller. Et demain, ce sera encore plus le cas parce que si on a un produit qui est rare, on aura un produit qui sera très cher. et qui imposera des changements assez radicals.

  • Speaker #0

    Effectivement, ça pose déjà un problème quand on a beaucoup de volume pour la vianderie, pour le beurre. D'ailleurs, on avait interrogé Nicolas Beckham là-dessus, et il nous disait vraiment qu'il retravaille sa recette avec de la poudre de lait pour toujours garder une qualité gustative. C'était même meilleur aujourd'hui parce qu'il s'est questionné sur la recette, en introduisant de la poudre de lait et en baissant la part de beurre pour une question économique.

  • Speaker #1

    Je pense que les deux enjeux peuvent se rejoindre. Je pense qu'on avait traditionnellement tendance à penser que mettre plus, c'était aboutir à un produit qualitatif. Mais ce n'est pas forcément le cas. Et puis on voit bien que les consommateurs ont évolué et leurs goûts ont évolué. Donc des produits qui étaient très chargés en matière grasse, traditionnellement on les fait sur des viennoiseries qui étaient à plus d'un tiers de beurre. Aujourd'hui, c'est des dosages qui sont... sont trop excessives, vraiment clairement excessives. Donc quand on est sur une viennoiserie qui est entre 22 et 25% de beurre, je pense qu'on peut avoir un produit très qualitatif, si effectivement on fait un vrai travail sur la qualité de la pâte, si on a une vraie fermentation, si on fait le job sur la détran, ça peut avoir un vrai impact sur la qualité du produit fini. Après il y a un équilibre qui est assez ténu à trouver entre la gourmandise et le risque d'avoir un produit. pour être potentiellement un peu sec si ça manque de matière grasse. Mais je pense que Nicolas Lecam est loin d'être le seul à se poser ces questions-là. Et on voit bien que c'est en train de bouger parce qu'il y a un enjeu économique, mais il y a aussi un enjeu gustatif et d'adaptation aux attentes des consommateurs.

  • Speaker #0

    Et là, on parle de coût de matière première, de coût de matière grasse. Mais quand vous parlez de proportion de ratio matière grasse sur le produit fini, on peut également aborder la question de la nutrition, justement. Manger moins gras, manger moins riche, et ça va dans le sens de l'histoire un petit peu, non ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va dans le sens de l'histoire. Après, il faut quand même pondérer ça vis-à-vis de la réalité du terrain. On voit bien qu'on a des produits qui sont très porn-food. on le dit souvent, qui se développe énormément. On a une gourmandise qui est parfois complètement décomplexée, irrépressible, qui s'exprime notamment eu égard à une situation complexe et à une période qui est parfois très anxiogène. Donc là-dessus, le consommateur est quand même très ambivalent. Alors oui, ça va dans le sens de l'histoire. Il y a eu une montée en puissance des attentes santé vis-à-vis de l'alimentation, notamment ce Covid. où le consommateur voulait presque parfois un alicament. Ça se développe notamment pas mal dans les régions asiatiques, où notamment ici, on a des consommateurs qui sont très exigeants. Il faut quand même malgré tout regarder les faits, et les faits sont assez têtus sur la réalité. Et aujourd'hui, on a des enseignes de donuts qui se développent en France. Ce n'est quand même pas tout à fait le standard de nutrition auquel on souhaiterait tous partager. Donc là-dessus, je pense qu'il faut faire attention. Et même s'il y a des consommateurs qui sont très sensibles, ce n'est clairement pas aujourd'hui la majorité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Donc là, on aborde la question suivante, qui était la question suivante sur la... On a un peu avancé sur... Parce que là, on parle nutrition, on est sur, comme vous dites, les donuts qui arrivent et tout ça. Donc ça, c'est pas très diététique, très positif nutritionnellement, on est d'accord. Que pensez-vous de la tendance à vouloir renforcer l'aspect nutritionnel, mais du pain ? Vous parliez justement d'alicaments. N'y a-t-il pas un danger ? N'est-ce pas devenu un courant de pensée plus qu'autre chose ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si on peut le caractériser de courant de pensée, sans doute, oui, il y a une partie en tout cas des professionnels qui considèrent que c'est une voie d'avenir. Moi, je pense que l'intention est tout à fait louable et c'est très positif de se poser des questions sur la qualité nutritionnelle du produit. Après, encore une fois, il faut faire attention entre ce que vont nous dire les consommateurs et la façon dont ils vont réellement consommer. Le problème, c'est que si on met trop d'énergie et on se concentre sur cet aspect-là, on va... potentiellement négliger d'autres sujets qui sont sans doute plus prioritaires à mon sens, tels que la qualité globale de la prestation et pas uniquement la qualité nutritionnelle des pains. Je pense qu'il y a d'autres sujets prioritaires, tels que la qualité de la prestation dans le point de vente, donc la qualité de l'accueil. Et même avant d'aller jusqu'à la nutrition, on a quand même d'autres sujets à régler, même sur le pain. On a encore des gens qui ont des problèmes avec... avec de la baguette de tradition, alors que le décret pain, c'est quand même quelque chose qui date de 1993. Donc là-dessus, il y a une réalité de terrain qui me fait dire qu'on va sans doute peut-être un peu trop loin dans la qualité sur cet aspect-là, alors que dans l'essai, ça ne se retrouve pas forcément. Et puis on a énormément de régions françaises, des zones assez populaires, où ce n'est clairement pas le sujet. Si on veut le faire, il faut le faire effectivement quand on a un positionnement qui est assez adapté à ce sujet-là et à faire aller sur le terrain de la nutrition. Mais ce n'est clairement pas, pour moi, une voie qui est adaptée à l'ensemble des artisans boulangers. Et il faut faire quand même relativement attention à ce qu'on fait, parce que ça peut avoir des conséquences quand même.

  • Speaker #0

    Donc là, vous évoquez l'expérience client, si on peut appeler ça comme ça. L'expérience client au sens global, donc l'accueil, la vente, la com aussi, parce que quand vous parlez de tradition, donc il y a la faisabilité, le fait que ça soit reproductible tous les jours, la fameuse baguette de tradition. Et il y a aussi, qu'est-ce qu'une baguette de tradition ? Parce que les gens sont vraiment perdus aujourd'hui, enfin moi c'est ce que je vois, et même le personnel de vente ne sait pas forcément expliquer la différence entre eux. La baguette de tradition est telle ou telle autre baguette. Moi,

  • Speaker #1

    je vais aller plus loin. Est-ce que vraiment la baguette de tradition, c'était un produit qui a été développé pour les consommateurs ? Il faut voir que c'est quand même un produit qui, aujourd'hui, s'éloigne des standards attendus par le consommateur, qui ne recherchent pas forcément une croûte qui est très marquée. Il y a une tendance quand même, malgré tout, au pain moelleux qui est réel. Il faut l'accepter. Est-ce qu'on n'a pas voulu aller vers un produit qui... qui certes est qualitatif sur plein d'aspects, même sur le plan nutritionnel, c'est quand même beaucoup mieux disant que le pain blanc, ça on ne pourra pas le retirer, mais on voit bien qu'on a des typologies de baguettes qui sont notamment développées dans les grandes enseignes françaises ou même dans des marques de boulangerie telles que La Pétrie, etc., qui séduisent énormément le consommateur parce que la texture correspond bien aux attentes du client. Il y a une perception qualité qui est très positive alors qu'on n'est pas sur un produit de tradition. Alors effectivement, on peut se poser la question de la compréhension des équipes de vente sur la réalité du produit qui vend, mais on peut aussi se poser la question sur l'adaptation de notre baguette de tradition versus des attentes et des modes de consommation qui évoluent extrêmement rapidement. Donc, c'est là-dessus. De toute façon, il faut bien voir qu'aujourd'hui, il y a énormément de gens qui ont renoncé à la baguette de tradition. effectivement pour des questions notamment de reproductibilité. Ils vont pas hésiter à ajouter des améliorants, de l'acide ascorbique, etc. parce qu'ils ont des contraintes de production, ils ont des contraintes de personnel et c'est pas un cas isolé. Ça touche même des très grands boulangers, des très grands noms. Donc il y a pas de... Pour moi, il y a une vraie question sur l'adaptation à la fois côté consommateur mais également côté production. parce qu'on parle beaucoup des difficultés de recrutement, mais quand on est sur un produit comme la baguette de tradition, on travaille sans filet. Je pense qu'il y a pas mal de chefs d'entreprise qui doivent se poser de vraies questions sur la pérennité de leur produit.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement la boulangerie artisanale n'a pas été trop vers l'élitisme avec, c'est un peu ce que vous dites, enfin c'est moi, c'est ce que je traduis, élitiste avec cette baguette de tradition revenir aux fondamentaux revenir au fondamentaux de la boulangerie mais finalement en occultant toute la complexité business tout d'abord toute la complexité d'une entreprise artisanale aujourd'hui et surtout la complexité avec tout ce qui est les marques les labels encore on n'a pas parlé on en parlera peut-être à la fin de l'émission Il y a tout ça. Là, finalement, est-ce qu'il ne faudrait pas un peu tout remettre à plat et revoir un petit peu les choses et puis simplifier ? Oui,

  • Speaker #1

    il y a une vraie question de simplification qui se pose aujourd'hui, mais qui ne se posait pas en 1993 quand le décret pain a été mis en place. Je pense que ça a été fait à l'époque, c'était une très bonne chose, mais effectivement, il faut se poser des questions aujourd'hui.

  • Speaker #0

    L'évolution de la vie. Complètement,

  • Speaker #1

    oui. Je pense qu'à l'époque, c'était nécessaire. Ça a provoqué un vrai sursaut qualitatif qu'on ne peut que saluer. Aujourd'hui, effectivement, est-ce que c'est complètement en phase avec la réalité ? On peut se poser la question. Après, c'est bien, on le voit dans d'autres sujets, notamment dans l'univers du végétal, ils se posaient beaucoup de questions sur la protection des appellations, notamment la fausse viande, etc. C'est précieux d'avoir des appellations qui sont sanctuarisées. Mais là effectivement, on est confronté à une vraie problématique. Après, est-ce qu'on peut dire qu'on a été dans l'élitisme ? Pour moi-même avoir fait du pain, théoriquement, si on n'est quand même pas trop mauvais boulanger, arriver à faire une baguette de tradition, c'est une question de rigueur. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie question sur la formation et sur l'adaptation de la formation vis-à-vis... de l'exigence de ces produits, je pense qu'on a sans doute un peu péché vis-à-vis de la qualité de la formation et la capacité des apprentis, des gens qui sortent de formation, à reproduire au quotidien ces produits-là. Mais là-dessus, le problème, c'est que ça ne peut pas vraiment s'améliorer dans l'environnement où on est, où la boulangerie artisanale n'est pas poussée à aller dans le sens de la qualité, mais plutôt de la diversité. Quand aujourd'hui on fait une part de plus en plus faible de pain dans son activité, on va y attacher une plus faible importance, c'est quasiment normal. Donc ça a forcément des conséquences et là-dessus la machine est difficile à inverser quand on est sur cette pente.

  • Speaker #0

    Et justement, ça me permet d'introduire le... Le sujet de la concurrence, parce que là on parle de baguettes, là vous parlez de diversification, on parle de baguettes, donc on peut parler des boulangeries de rond-point qui proposent des 3 plus 1, qui sont un peu l'opposé de la baguette de tradition, et là à mon avis ça met un peu aussi le flou dans ce qu'est une baguette pour le consommateur. Et ce développement des chaînes de boulangerie, comment vous le voyez vous ? Comment vous percevez ça ? Comment vous accueillez ça ?

  • Speaker #1

    Moi, je l'accueille de toute façon. Déjà, il y a une chose qui est très claire et qui s'applique à l'ensemble des marchés, la concurrence, c'est toujours une bonne chose. On considère, moi j'entends beaucoup de gens encore aujourd'hui qui disent que c'est de la concurrence de loyale. Je pense que ce n'est vraiment pas le sujet. La concurrence, c'est une bonne chose. On l'a vu nous-mêmes en pays. On a eu des enseignes comme Polt qui ont développé et qui ont vraiment participé à une époque au sursaut qualitatif. de la boulangerie donc c'est toujours une bonne chose d'avoir de la concurrence parce que ça veut dire que c'est un marché qui est quand même attractif, qui est porteur et c'est une bonne chose. Après il faut voir que ces boulangeries dites de rond-point elles se positionnent sur des emplacements où c'est malgré tout assez facile de faire ce qu'elles font parce que les attentes qualitatives des consommateurs elles sont faibles que de la boulangerie de centre-ville, tel que l'exploit des artisans indépendants, qui eux sont quand même extrêmement courageux d'arriver à faire leur job au quotidien, parce qu'ils ont en face d'eux des consommateurs qui sont particulièrement exigeants.

  • Speaker #0

    D'où les 3 plus 1, les rond-points finalement.

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, ce n'est pas tout à fait la même clientèle. Il ne faut pas considérer que... Alors moi j'entends des gens qui me disent oui mais la clientèle elle est... elle est assez liquide, elle va passer la semaine dans ses réseaux de boulangerie, et puis le week-end, pour se faire plaisir, elle va aller chez son artiste indépendant. Alors bon, les gens qui me disent ça, j'entends, mais je pense qu'il n'y a pas une seule forme de réalité, parce que ça voudrait dire que les boulangers indépendants ne vivent que le week-end. Bon, déjà, pose des questions vis-à-vis de ce discours. Ce n'est pas tout à fait la même clientèle et ce n'est pas du tout les mêmes attentes. Là-dessus, je pense que les clients font quand même assez bien la différence. Quand ils vont dans une grande enseigne qui est positionnée sur le prix, ils savent pourquoi ils y vont. Ils n'attendent pas non plus une qualité exceptionnelle. Mais ce qui est assez triste quand même, c'est que la qualité, même si elle n'est pas exceptionnelle et même si le client n'attend pas un produit extraordinaire, pour le prix qu'ils vont payer, parfois ils ont une prestation qui est quand même de meilleure qualité que si c'était un artisan indépendant. Ça c'est une réalité qu'il ne faut pas éviter aussi, et c'est ce qui a permis le développement aussi de ces réseaux-là, c'est qu'en face on n'avait pas des artisans indépendants qui étaient suffisamment puissants, qui avaient suffisamment d'arguments pour retenir leur clientèle. On revient à l'élection. Je pense qu'ils ont été... sans doute un peu trop, et on l'a vu notamment avec la crise énergétique, ils ont sans doute été un peu trop positionnés sur le segment du premium et ils ont amplifié la déperdition de clientèle. Quand on voit qu'on leur a dit « augmentez vos prix, augmentez vos prix, augmentez vos prix » , même sur des produits de première nécessité tels que la baguette qu'on citait, forcément ça a des conséquences parce que ce client-là, on ne le voit plus pour une baguette parce qu'il considère que la baguette est trop ferme et on ne le voit plus pour le reste. Donc il y a une réalité économique. À un moment, je pense qu'on a fait des choix. Ces choix, on ne les a peut-être pas forcément mesurés, mais il y a des concurrents qui, eux, sont restés inflexibles sur leur positionnement de prix, et ça a des conséquences.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous évoquez, entre la premiumisation de l'artisanal boulanger et l'arrivée de ces boulangeries d'en point qui ont répondu, comme vous dites, à un besoin qui n'était pas finalement satisfait, à une demande qui n'était pas satisfaite par l'artisanat. Là en revanche sur le 3 plus 1, ce qui peut mettre le flou, et c'est peut-être aussi le tort des artisans de s'accrocher à la tradition, le flou c'est 3 plus 1 pour quelques euros, j'en ai 4, et en revanche pour quasiment le même prix, j'ai une seule baguette chez mon boulanger. Et finalement, c'est quand même pas le même produit, les baguettes blanches sont beaucoup plus belles qu'à une époque. dans ces boulangeries de rangs-points, elles imitent quasiment la baguette de tradition, mais c'est presque moins bon que la baguette courante des années 90-2000. Et c'est là que ça met peut-être le flou. Finalement, je me fais arnaquer chez mon artisan et finalement, j'ai une super occasion de faire une affaire.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a effectivement la sensation de faire une bonne affaire chez ces réseaux parce qu'il y a une perception qualitative, parce qu'il y a eu tout un travail qui a été fait en amont à R&D pour avoir un produit qui était suffisant. effectivement aussi bien visuellement que gustativement, quelques minutes, quelques heures après avoir acheté le produit. Donc là-dessus, il y a effectivement ce sentiment de faire une bonne affaire. Mais le problème de fond dans tout ça, c'est un problème que les artisans ne peuvent pas porter seul, qui est très global, c'est la perte de culture du goût. Là-dessus, les artisans ne peuvent pas, parce qu'on dit, les artisans exhortent leur clientèle. de continuer à les soutenir, etc. Sauf que la clientèle ne comprend même plus forcément pourquoi ils devraient les soutenir, parce qu'ils ne sentent plus forcément la différence entre ces produits avec des process extrêmement normés, voire industrialisés, et des produits purement artisanaux avec parfois une qualité de produit très élevée. Donc le problème de fond, c'est la culture du goût. Et ça, les artisans ne peuvent malheureusement pas grand-chose seuls. Quand bien même il y en a qui mettent énormément d'efforts, et je sais que c'est une réalité, ils mettent énormément d'efforts pour essayer de sensibiliser leur clientèle, de leur montrer quel est le bon produit. Quand on a une clientèle qui n'est plus sensible à ces sujets-là, qui va chercher avant tout un prix ou une praticité avec des places de parking, etc., c'est compliqué de se battre. Et je pense qu'il ne faut même pas faire ça se battre. On n'est plus du tout sur les mêmes terrains.

  • Speaker #0

    Donc finalement, on rejoint ce que vous disiez. La baguette, est-ce que c'est pour les artisans ou pas ? Vous disiez la baguette de tradition, mais on pourrait aller plus loin. Est-ce que la baguette, même qu'elle soit baguette courante, paquette pétrisane ou tout autre type de baguette, est-ce que finalement, c'est pas David contre Goliath ? Et pourquoi finalement ne pas laisser tomber la baguette ? et proposer des choses qui ne sont pas comparables avec ce qui est vendu dans les boulangeries de reprins finalement.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est un axe de développement sur lequel on réfléchit une partie des artisans boulangers qui se sont installés. On voit aujourd'hui des gens qui renoncent à la baguette et qui font le choix de se positionner effectivement sur des produits pas différenciants, avec une identité très marquée. Après, il faut être réaliste sur le fait que c'est des entreprises qui devraient penser très en amont. avec un modèle qui est extrêmement frugal, des investissements qui sont limités, parce qu'en faisant ce choix-là, de toute façon, on se coupe d'une partie du trafic qui est généré par la baguette.

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces informations, ces explications. Ainsi s'achève la première partie de cette interview. Nous en savons maintenant plus sur l'enjeu des cartes,

  • Speaker #1

    sur l'économie,

  • Speaker #0

    sur son offre. Dans la seconde partie, nous parlerons de la belle, le vin. Il y aura même une petite partie sur la brioche. Rendez-vous donc pour le prochain épisode sur www.is71.com et sur www.briocoutes.fr. Merci à toutes et à tous et à très bientôt. Merci.

  • Speaker #1

    Il faut sans doute adopter des process qui ne sont pas tout à fait les process qu'on attend de la part d'un artisan, c'est-à-dire recourir à de la mécanisation assez massive. faire appel à des préparations qui permettent d'avoir un produit très régulier. Est-ce que c'est ça le standard d'un artisan ? Pas tout à fait, en tout cas dans l'imaginaire collectif, ce n'est pas le cas. Mais néanmoins, c'est ce qui leur permet d'être efficaces, de maîtriser les coûts. Donc, il y a une vraie question là-dessus. Moi, je vois des artisans qui font confiance à des partenaires qui leur apportent des solutions clés en main. Je ne peux pas les blâmer parce que le modèle qu'on leur pose, propose, il est plus efficace que si justement il faisait de la baguette de tradition, c'est quand même un produit extrêmement exigeant. Moi je dis que c'est très compliqué et de toute façon, ils dessinent clairement un modèle où on aura d'un côté un peu le pain des pauvres et de l'autre le pain des riches, il y a une vraie fragmentation du marché entre ces deux segments. Et ce qui représente aujourd'hui 80% de la boulangerie artisanale française, qui est un peu la boulangerie moyenne sans positionnement très affirmé, c'est compliqué pour elle d'exister. Et ça pose effectivement la question de la place de la baguette, globalement.

  • Speaker #0

    Donc la boulangerie s'oriente un peu comme la pâtisserie, c'est diminution du nombre d'unités et évolution vers le premium.

  • Speaker #1

    Malheureusement, oui. De toute façon, pour plein de raisons. aujourd'hui on... On est très attaché au fait qu'on ait un nombre assez important de points de vente. Alors, je suis ici pour pouvoir en discuter très longtemps. Certaines sources, selon la force du vent, selon l'alignement des planètes, c'est 30 000. Un autre jour, c'est 35 000. Un autre jour, c'est 33 000. Pour moi, il n'y a pas de réalité dans tout ça. On serait sans doute beaucoup plus proche des 25 000, 27 000 maximum. Oui, c'est déjà une grosse différence. Après, il y a une réalité économique parce que forcément, ces points de vente n'arrivent plus à atteindre une pérennité. Après, il y a d'autres réalités aussi sur le plan environnemental. On doit se poser la question, est-ce que c'est une bonne chose d'avoir autant de boulangeries en France avec des fournils qui ne sont pas forcément utilisés en totalité, qui sont utilisés peut-être à 30%, 40% de leur capacité parfois ?

  • Speaker #0

    Mais ça, c'est les 30 à 40 % d'utilisation. C'est dans le cas où ils s'orientent vers le modèle qu'on essaie de vendre à tout le monde, la diversification vers la restauration, non ?

  • Speaker #1

    Oui, notamment, effectivement. Mais malgré tout, même quand on installe un fournil, même si on travaille bien, avec une baisse chronique de la consommation de pain, on l'utilise sans doute pas en totalité, le fournil, même si on travaille bien. donc Il y a une vraie question sur le modèle qu'on déploie, notamment en Champagne ou dans des petites villes, on a quand même peu d'habitants, donc on a des petites affaires. Même si on a un équipement minimal, on a souvent déjà un équipement qui est surdimensionné par rapport à la réalité du besoin. Donc il faut se poser la question de quel modèle on déploie, et est-ce que parfois il ne faut pas mieux centraliser, avoir des boutiques froides en satellite ? plutôt que de vouloir toujours installer un fournil et pour

  • Speaker #0

    pour pouvoir prétendre à l'appellation boulangerie.

  • Speaker #1

    Et justement, j'allais aborder cette question, vous venez de souligner, la profession de la Confédération, elle est un peu en décalage, parce que moi déjà, à l'époque de Question Boulange, j'avais déjà un artisan qui avait la problématique, il avait des boutiques, mais il ne pouvait pas appeler. boulangerie et finalement comme vous dites il ya un moment donné où il faut la centralisation centraliser la production parce que sinon on n'y arrive pas et pourquoi un boulanger serait boulanger dans une boutique avec un fournil et pourquoi il serait pas boulanger avec un bout d'un fournil qui serait pas dans sa boutique et c'est là qu'on voit que finalement la confédération les instances de la boulangerie artisanale est quand même en décalage total de les par rapport à l'évolution de la société enfin

  • Speaker #0

    Oui, après, je pense que là encore, il faut le voir à une époque. Et je pense que je vais essayer d'être un peu... de mettre à la place des gens qui ont sanctuarisé cette appellation. Je pense que c'était une bonne chose de le faire à l'époque. Et ça a permis malgré tout de se protéger. Oui, ça date.

  • Speaker #1

    Ça date de 96, je crois.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, le monde a évolué en...

  • Speaker #1

    En 30 ans,

  • Speaker #0

    quand même. Non, mais clairement. Après... Moi, j'ai deux sujets par rapport à ça. Est-ce qu'aujourd'hui, marquer sur une devanture boulangerie, ça fait vraiment la différence ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûr. Donc franchement, là-dessus, pour moi, ce n'est pas le moment. Il ne faut pas être arc-bouté là-dessus. Il ne faut pas se dire que si tu n'as plus le droit à la création, c'est une catastrophe.

  • Speaker #1

    Non, mais en revanche, ça traduit un état d'esprit de la Confédération.

  • Speaker #0

    Oui, mais cet état d'esprit n'est pas uniquement présent. Je ne veux pas... Jeter l'opprobre sur la Confédération, plus globalement, je pense que beaucoup d'artisans, même qui soient affiliés à la Confédération ou pas, ne sont pas prêts à passer le pas et ils sont très attachés à la fabrication sur place. Parce qu'il y a plein d'arguments, pour eux ça crée des odeurs, etc. C'est ce que je peux comprendre, mais malheureusement, il y a une réalité qui fait que quand on a une activité qui est limitée, parce qu'on a des... des localités qui se désertifient, je pense qu'il faut être malin et trouver d'autres moyens de faire vivre son produit et de faire vivre son activité. Il ne faut pas être complètement assis sur un modèle qui est dépassé aujourd'hui. Je ne vais pas dire qu'il y a des gens qui sont meilleurs que d'autres dans la réflexion. Je pense qu'on a des vraies questions à se poser à l'échelle de la boulangerie française. Ça nous concerne tous. On n'a peut-être pas suffisamment passé de temps à se poser ces questions, à réfléchir collectivement sur le sujet. On est peut-être un peu trop centré sur des sujets tels que placer la baguette à l'UNESCO, développer des nouvelles appellations, etc. Non, mais on regarde un peu, on développe une série de concours, parfois ça me sidère un peu. Je pense qu'on n'a pas forcément les yeux centrés sur des réalités prioritaires. peut le regretter. Après, c'est difficile, et là-dessus, ça nous concerne tous, de regarder en face ce qui ne va pas et de se poser vraiment des questions. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'il y a des gens qui sont plus responsables que d'autres. Ils sont peut-être responsables parce qu'ils devraient représenter la profession, peut-être. Je ne vais pas leur jeter la pierre.

  • Speaker #1

    Après, vous comme moi, avec toutes les boutiques qu'on a vues, de toute façon, il n'y a pas un schéma. Ça, on est d'accord. Non,

  • Speaker #0

    il n'y a pas un schéma, non, mais justement, c'est ça, il y a plusieurs schémas, et puis la réalité d'un environnement est toujours très spécifique, et c'est pour ça qu'il faut être aujourd'hui, et encore plus qu'hier, très à l'écoute de son environnement, et puis il ne faut plus considérer qu'un artisan va s'installer parce que c'est une super opportunité, etc. Non, il faut voir son projet très en amont, il faut choisir son emplacement en fonction de ce qu'on a vraiment envie de faire, il y a plein de paramètres qu'il faut prendre en compte. Mais très en amont. Et aujourd'hui, on installe encore des boulangers comme si c'était facile, comme si on pouvait leur dire, regarde, tu vas te mettre là, tu vas pouvoir faire ce que tu veux. Sauf que non, c'est extrêmement complexe. Et il faut vraiment prendre en compte la réalité d'un environnement, d'une commune, d'un quartier, bien avant de s'installer. Et ça, je pense qu'on ne le fait pas suffisamment. Et je regrette que les partenaires de la filière, que sont les marchands de filière, les meuniers, les marchands de matériel, ne soient pas suffisamment impliqués dans cette logique-là, parce que c'est ça qui va définir ensuite la vie de leurs clients, la vie des artisans boulangers. Donc il y a un vrai travail à faire pour qu'on sensibilise mieux et qu'on construise mieux les projets. avant l'installation pour qu'ensuite l'artisan puisse faire quand même quelque chose qui ait du sens pour lui. Parce que c'est quand même important vu le niveau d'implication d'un artisan en entreprise. S'il se retrouve à faire quelque chose qui ne correspond pas du tout à ses valeurs et à sa vision du métier, et c'est le cas pour beaucoup de gens aujourd'hui je pense, il y a un vrai mal-être qui se crée en fait. Il suffit de lire des réseaux sociaux où s'expriment les boulangers sur Facebook, qui sont dans des groupes, etc. Je pense qu'il y a un vrai mal-être. Et ce mal-être est lié au fait qu'on n'a pas suffisamment été loin dans la réception. Et on laisse des gens tout seuls dans leur coin avec leurs problématiques. Et on ne leur apporte pas de solution. Du coup, ils tombent un peu dans la radicalité et se disent qu'il faut renverser la table. Je ne sais pas que ce soit la solution de renverser la table. Je pense qu'il y a d'autres choses à faire. Il y a des questions à se poser, certes. Mais renverser la table... Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Je le dis de façon très humble, parce que moi-même, j'ai tendu une volonté il y a quelques années de la renverser moi-même. Je pense qu'il faut se poser des questions, mais il ne faut pas aller dans l'extrémisme.

  • Speaker #1

    Là, vous reprochez le fait de laisser un peu isolés les artisans. Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Bien sûr. C'est clairement une profession qui aujourd'hui n'arrive plus à être collective. Et on le voit bien, vous parliez des mouvements de pensée sur la discussion, on en a des mouvements de pensée et ça dévie un peu. Chacun a sa petite chapelle. Il y en a qui disent « la Confédération c'est bien » , d'autres « non mais moi je suis meilleur que la Confédération » . Tout ça est quand même, somme toute, assez ridicule. Il faut être clair là-dessus. Je pense que vu les enjeux de la profession, il faut la jouer collectif. Il ne faut pas regarder la concurrence comme si c'était des vilains, etc. Moi-même, j'échange avec tout le monde. Sincèrement, je peux échanger avec des gens de la Fédération, j'échange avec des gens de la FED, etc. De chaque côté, j'ai des gens qui sont, malgré ce qu'on peut penser, tous assez impliqués dans ce qu'ils sont, qui ont leur vision du marché qui est la leur. Moi, je n'ai pas de sujet à échanger avec ces gens-là. Il faut que c'est très complémentaire d'avoir des visions différentes et ça nous permet d'avancer. Alors qu'aujourd'hui, on a tendance dans la filière à être sur le repli sur soi. Je pense qu'il y a des gens qui devraient s'impliquer, encore une fois je le dis, et il faudrait s'impliquer beaucoup plus dans la création d'un collectif plutôt que d'isoler les gens. Et là-dessus, pour moi, il y a quand même des partenaires majeurs des boulangers, encore une fois les modiers, qui devraient faire beaucoup plus ce job. Pour moi, le meunier devrait devenir un peu le premier réseau social du boulanger, dans le sens qu'il a le contact avec le terrain, il voit ce qui se fait, il voit les bonnes initiatives, il pourrait partager avec ses clients, parce que potentiellement quand même on est client d'un même meunier, on a quand même des valeurs en commun, il pourrait participer à diffuser ses bonnes pratiques, et pas uniquement faire un peu de la formation, qui pour moi est plus un outil de la relation commerciale, il pourrait s'impliquer beaucoup plus. Et le meunier n'est pas seul. Je parlais du marchand de matériel, il pourrait aussi... Mais c'est un changement de doctrine. Il faut qu'il change de doctrine et qu'il soit plus uniquement dans la logique de se dire c'est un intérêt à court terme de l'artisan boulanger, mais je pense plutôt sur le temps long et quels outils je mets en œuvre pour faire en sorte que cet artisan boulanger, certes, aujourd'hui, il prend de la matière première, il prend de l'équipement, mais mon objectif, c'est qu'il soit encore là demain. que son affaire soit transmissible pour que moi aussi finisse par vivre aussi sur le long terme. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie révolution culturelle à mener. C'est beaucoup d'acteurs de la filière.

  • Speaker #1

    Mais certains, enfin moi, de ce que je vois, il y a certains meuniers quand même qui ont évolué, par rapport, si je prends, il y a 15 ans. Non,

  • Speaker #0

    mais bien sûr, ils ont évolué. Et là-dessus, c'est très clair. Et il y en a qui font le job de toute façon. assez impressionnante et on a des réussites. Parce qu'il faut voir, sur certaines régions françaises, on pouvait regretter le faible développement de la qualité en boulangerie artisanale, mais il y a un couple meunier-boulanger qui est très puissant, et on le voit dans certaines régions, on a des meuniers qui se développent parce qu'ils ont une vraie dynamique et ils portent la qualité de la boulangerie.

  • Speaker #1

    Oui, ils sont aux côtés de leurs clients et ça, ça se sent tout de suite.

  • Speaker #0

    Oui, ça se passe tout de suite. Et puis vraiment, moi, j'ai des exemples en région bordelaise. Il y a le forissaire qui a repris le chemin du Cournot il y a quelques années. Quand il a commencé la boulangerie bordelaise, sa région, la qualité, n'était pas du tout au rendez-vous. Il a fait un travail remarquable, ça l'a apporté et aujourd'hui c'est une vraie réussite. Et on a des gens qui comprennent le marché, qui comprennent qu'il y a besoin de faire ce collectif, de partager des bonnes pratiques, de partager un engagement. avec les artisans boulangers et ceux qui le font bien se développent, ça marche et c'est super positif pour tout le monde donc pour moi c'est juste une posture qu'il faut changer pas juste, c'est une posture historique notamment de la meunerie qui est quand même une position dans la filière qui est très centrale et qui est parfois très utile et très confortable mais c'est nécessaire parce que c'est juste une question de survie pour

  • Speaker #1

    Eh bien, nous arrivons au terme de cette première partie. Merci de l'avoir suivi. Dans la seconde partie, nous parlerons de diversification, donc de restauration.

  • Speaker #2

    Nous évoquerons également le développement des franchises et surtout des réseaux d'artisans. Et nous terminerons par la question des labels en boulangerie artisanale. Vous pouvez retrouver l'ensemble des épisodes ainsi que l'ensemble des reportages publiés dans la lettre de l'édition 1771 sur www.e. 1061.com et si vous préparez, vous pouvez également vous abonner au podcast via votre plateforme habituelle. Merci beaucoup et à très bientôt.

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Description

Créateur du célèbre blog Painrisien ainsi que de l'actuel site d'informations cerealiste.fr , consultant et journaliste, Rémi Héluin est l'invité de 

Hugues du Boisbaudry de l'Edition 10.71.

Il nous livre ici sa vision du métier, de la boulangerie artisanale d'aujourd'hui et de demain.

Dans cette première partie, le journaliste aborde la question de la baguette de tradition. Etait-ce vraiment un produit fait pour les consommateurs ?

Depuis le décret pain, les attentes ont évolué. Les consommateurs ne se retrouvent plus forcément dans cette offre. 

Et côté production, est-ce adapté aux contraintes techniques, aux contraintes de personnel ? D'autant que la concurrence actuelle propose une offre qui satisfait les consommateurs à un prix plus abordable.  

 

Dans cet épisode, nous abordons également les sujets suivants :

  • La viennoiserie comme produit d'appel mais aussi l'enjeu économique face à la flambée du coût des ingrédients

  • La nutrition et le pain

  • La pérennité du schéma actuel de la boulangerie artisanale

  • Le défi de la perte du goût des consommateurs

  • Le manque d'unité de la profession

  • Le rôle des partenaires des artisans, notamment les meuniers


A propos :

Au cœur de la boulange est le podcast de l'Edition 10.71, le media destiné aux artisans boulangers.

Editée par ghoa, L'Edition 10.71 c'est une newsletter spécial boulangerie qui comporte :

  1. Soit La Lettre (format feuilletable) : Nous réalisons un reportage terrain chez un artisan boulanger, où nous aborderons tous les aspects techniques du métier, des secrets du fournil à la commercialisation en boutique.. 

  2. Soit le podcast Au coeur de la boulange : une interview d'un artisan en prolongement du reportage écrit, ou d'une personnalité du secteur de la boulange artisanale. 

L'Edition 10.71 a l'ambition d'être le lieu d'échange des artisans boulangers.

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Transcription

  • Speaker #0

    Au cœur de la boulange, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulange. Bienvenue dans ce nouvel épisode au cœur de la boulangerie, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulangerie. Je suis Hugues Dubois-Baudry et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Rémi Elouin. Bonjour Rémi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Je pense que de nombreux auditeurs vous connaissent déjà, car en 2011, vous avez créé Pain Résien, un blog dédié au monde de la boulangerie artisanale. Comme son nom l'indique, vous avez d'abord sillonné les rues de la capitale et de ses environs à la rencontre des artisans boulangers. et vous avez ensuite sillonné les routes de province. L'aventure de ce blog, connu et reconnu par la profession, a duré plus d'une dizaine d'années. Et aujourd'hui, vous allez toujours à la rencontre des acteurs de la profession en tant que journaliste. Et vous avez également une activité de conseil auprès des acteurs de la filière. Eh, j'ai oublié un élément.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai passé mon CAP de 2015 par goût pour le produit et pour les gens qui le font. C'était vraiment très complémentaire dans ce parcours et ça me semblait normal d'aller jusqu'à cette étape-là.

  • Speaker #0

    Pardon pour cet oubli, effectivement c'était à noter. J'ai souhaité cet entretien car vous avez un parcours remarquable et je trouvais intéressant d'avoir votre regard sur la profession aujourd'hui. D'ailleurs on peut déjà démarrer avec un sujet assez direct. Comme nous à l'édition 1071, vous êtes un fervent défenseur de la boulangerie artisanale, de son savoir-faire qui fait partie d'un véritable patrimoine, du fait maison. Quand on vous dit que 80% des boutiques ont recours à la viennoiserie surgelée, quelle est votre réaction ? Parce que ce chiffre semble vraiment sorti du chapeau et semble surtout être un argument des vendeurs de boîtes.

  • Speaker #1

    Déjà ce chiffre, je l'entends depuis pas de 15 ans, donc je pense qu'il y a un vrai problème. Dans le même temps, on voit bien que les artisans se sont remis assez massivement à faire de la viennoiserie. Ils ont une vraie prise de conscience sur l'importance. de la fabriquer parce que c'est un élément de différenciation, de transmission de leur savoir-faire, d'autant plus aujourd'hui où il y a un vrai regain intérieur autour de ce produit. Donc ce chiffre n'est pas sourcé, il y a un vrai problème méthodologique quand on l'utilise. Donc très clairement, ce chiffre ne propose aujourd'hui pas grand-chose et peut-être à la limite, il peut prendre en compte l'ensemble des canaux. sur lequel la viennoiserie est commercialisée, donc que ce soit les terminaux de cuisson, la grande distribution, ou tout ce qui est travel retail. Mais très clairement, aujourd'hui, ce n'est pas représentatif de la situation au boulanger artisanal.

  • Speaker #0

    Et surtout qu'on voit sur le terrain, on nous parle davantage de postes de touriers par rapport à il y a 10, 15, 20 ans. Enfin, moi, de ma propre expérience, c'est ce que je constate.

  • Speaker #1

    Et puis de l'actuel, il y a quand même eu un vrai travail sur le déco. on forme à nouveau des touriers avec des formations spécifiques. Là-dessus, l'ensemble de la filière a vraiment pris conscience de l'importance du travail qui est associé à ce produit. Là-dessus, clairement, les entreprises ont joué le jeu. Même avec des organisations, quand même, quand c'est des petites entreprises, on a des artisans qui s'organisent pour fabriquer la viennoiserie peut-être une fois par semaine et la stocker en francs négatifs. Donc là-dessus, le tour a vraiment repris sa place au sein de la boulangère Cisanal et il n'y a pas de problème autour de ce sujet-là.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes serein sur l'avenir du savoir-faire de Tourier, mais peut-être plus inquiet sur un autre point, comme les bâtires premières à terme. C'est ce que vous me disiez qu'on a vu.

  • Speaker #1

    Très serein, d'autant plus que, comme je le disais, on a un vrai engouement de la clientèle. On a fait trois, quatre dernières années autour de la viennoiserie, portée notamment par les réseaux sociaux. On a plein de produits de tendance. Merci. qu'on peut questionner. On a des choses comme le New York Roll, le Crustin, etc. C'est des produits qui attirent une clientèle jeune. Donc c'est très positif pour la boulangerie artisanale, parce qu'il y a pas mal d'artisans qui ont bien compris l'intérêt de se positionner sur ces produits. Donc ça met en avant le savoir-faire. Mais effectivement, on a des problématiques à moyen et en termes sur les approvisionnements. Quand on voit de toute façon la baisse de la collectivité... qui est chronique pour différentes raisons, que ce soit de toute façon le changement climatique qui nous concerne tous, mais également le fait que... On a des éleveurs laitiers qui arrêtent leur activité et qui ne sont pas forcément remplacés. Donc on aura de toute façon à terme des problématiques très claires sur du beurre en origine France. Et ces problématiques, ce n'est pas demain, c'est déjà aujourd'hui. On ne le voit pas forcément, mais dans le secteur de l'industrie, de toute façon, il faut être réaliste sur le fait que la plupart des acteurs ont massivement abandonné pour la plupart de leur gamme. l'origine france ils n'ont pas les approches des apres donc la filière artisanale sera concernée demain et c'est une vraie question sur la pérennité du produit parce que quand on a plus de beurre ou à un prix qui est complètement prohibitif ça devient compliqué et ça impose donc soit se tourner vers des alternatives on voit la montée en puissance très nette des alternatives végétales traditionnellement la margarine.

  • Speaker #0

    Des croissants ordinaires.

  • Speaker #1

    Oui, après ce sera un croissant ordinaire amélioré. Oui, j'avais un fabricant de matières grasses végétales qui me disait moi je ne fais pas un croissant ordinaire, c'est un croissant extraordinaire avec ma matière grasse végétale. La formule est assez habile, mais c'est une réalité. Aujourd'hui cette réalité, ce n'est pas uniquement quelques artisans, il y a beaucoup de gens qui sont... se posent des questions et ils ne vont pas aller forcément sur le terrain de se dire « je vais faire à 100% » , mais ils vont utiliser des produits où il y a un peu de beurre, ils vont faire les mélanges et ça c'est une réalité à la fois pour des questions de certaines convictions, mais c'est assez anecdotique, mais c'est plutôt des raisons économiques qui les poussent aujourd'hui à y aller. Et demain, ce sera encore plus le cas parce que si on a un produit qui est rare, on aura un produit qui sera très cher. et qui imposera des changements assez radicals.

  • Speaker #0

    Effectivement, ça pose déjà un problème quand on a beaucoup de volume pour la vianderie, pour le beurre. D'ailleurs, on avait interrogé Nicolas Beckham là-dessus, et il nous disait vraiment qu'il retravaille sa recette avec de la poudre de lait pour toujours garder une qualité gustative. C'était même meilleur aujourd'hui parce qu'il s'est questionné sur la recette, en introduisant de la poudre de lait et en baissant la part de beurre pour une question économique.

  • Speaker #1

    Je pense que les deux enjeux peuvent se rejoindre. Je pense qu'on avait traditionnellement tendance à penser que mettre plus, c'était aboutir à un produit qualitatif. Mais ce n'est pas forcément le cas. Et puis on voit bien que les consommateurs ont évolué et leurs goûts ont évolué. Donc des produits qui étaient très chargés en matière grasse, traditionnellement on les fait sur des viennoiseries qui étaient à plus d'un tiers de beurre. Aujourd'hui, c'est des dosages qui sont... sont trop excessives, vraiment clairement excessives. Donc quand on est sur une viennoiserie qui est entre 22 et 25% de beurre, je pense qu'on peut avoir un produit très qualitatif, si effectivement on fait un vrai travail sur la qualité de la pâte, si on a une vraie fermentation, si on fait le job sur la détran, ça peut avoir un vrai impact sur la qualité du produit fini. Après il y a un équilibre qui est assez ténu à trouver entre la gourmandise et le risque d'avoir un produit. pour être potentiellement un peu sec si ça manque de matière grasse. Mais je pense que Nicolas Lecam est loin d'être le seul à se poser ces questions-là. Et on voit bien que c'est en train de bouger parce qu'il y a un enjeu économique, mais il y a aussi un enjeu gustatif et d'adaptation aux attentes des consommateurs.

  • Speaker #0

    Et là, on parle de coût de matière première, de coût de matière grasse. Mais quand vous parlez de proportion de ratio matière grasse sur le produit fini, on peut également aborder la question de la nutrition, justement. Manger moins gras, manger moins riche, et ça va dans le sens de l'histoire un petit peu, non ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va dans le sens de l'histoire. Après, il faut quand même pondérer ça vis-à-vis de la réalité du terrain. On voit bien qu'on a des produits qui sont très porn-food. on le dit souvent, qui se développe énormément. On a une gourmandise qui est parfois complètement décomplexée, irrépressible, qui s'exprime notamment eu égard à une situation complexe et à une période qui est parfois très anxiogène. Donc là-dessus, le consommateur est quand même très ambivalent. Alors oui, ça va dans le sens de l'histoire. Il y a eu une montée en puissance des attentes santé vis-à-vis de l'alimentation, notamment ce Covid. où le consommateur voulait presque parfois un alicament. Ça se développe notamment pas mal dans les régions asiatiques, où notamment ici, on a des consommateurs qui sont très exigeants. Il faut quand même malgré tout regarder les faits, et les faits sont assez têtus sur la réalité. Et aujourd'hui, on a des enseignes de donuts qui se développent en France. Ce n'est quand même pas tout à fait le standard de nutrition auquel on souhaiterait tous partager. Donc là-dessus, je pense qu'il faut faire attention. Et même s'il y a des consommateurs qui sont très sensibles, ce n'est clairement pas aujourd'hui la majorité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Donc là, on aborde la question suivante, qui était la question suivante sur la... On a un peu avancé sur... Parce que là, on parle nutrition, on est sur, comme vous dites, les donuts qui arrivent et tout ça. Donc ça, c'est pas très diététique, très positif nutritionnellement, on est d'accord. Que pensez-vous de la tendance à vouloir renforcer l'aspect nutritionnel, mais du pain ? Vous parliez justement d'alicaments. N'y a-t-il pas un danger ? N'est-ce pas devenu un courant de pensée plus qu'autre chose ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si on peut le caractériser de courant de pensée, sans doute, oui, il y a une partie en tout cas des professionnels qui considèrent que c'est une voie d'avenir. Moi, je pense que l'intention est tout à fait louable et c'est très positif de se poser des questions sur la qualité nutritionnelle du produit. Après, encore une fois, il faut faire attention entre ce que vont nous dire les consommateurs et la façon dont ils vont réellement consommer. Le problème, c'est que si on met trop d'énergie et on se concentre sur cet aspect-là, on va... potentiellement négliger d'autres sujets qui sont sans doute plus prioritaires à mon sens, tels que la qualité globale de la prestation et pas uniquement la qualité nutritionnelle des pains. Je pense qu'il y a d'autres sujets prioritaires, tels que la qualité de la prestation dans le point de vente, donc la qualité de l'accueil. Et même avant d'aller jusqu'à la nutrition, on a quand même d'autres sujets à régler, même sur le pain. On a encore des gens qui ont des problèmes avec... avec de la baguette de tradition, alors que le décret pain, c'est quand même quelque chose qui date de 1993. Donc là-dessus, il y a une réalité de terrain qui me fait dire qu'on va sans doute peut-être un peu trop loin dans la qualité sur cet aspect-là, alors que dans l'essai, ça ne se retrouve pas forcément. Et puis on a énormément de régions françaises, des zones assez populaires, où ce n'est clairement pas le sujet. Si on veut le faire, il faut le faire effectivement quand on a un positionnement qui est assez adapté à ce sujet-là et à faire aller sur le terrain de la nutrition. Mais ce n'est clairement pas, pour moi, une voie qui est adaptée à l'ensemble des artisans boulangers. Et il faut faire quand même relativement attention à ce qu'on fait, parce que ça peut avoir des conséquences quand même.

  • Speaker #0

    Donc là, vous évoquez l'expérience client, si on peut appeler ça comme ça. L'expérience client au sens global, donc l'accueil, la vente, la com aussi, parce que quand vous parlez de tradition, donc il y a la faisabilité, le fait que ça soit reproductible tous les jours, la fameuse baguette de tradition. Et il y a aussi, qu'est-ce qu'une baguette de tradition ? Parce que les gens sont vraiment perdus aujourd'hui, enfin moi c'est ce que je vois, et même le personnel de vente ne sait pas forcément expliquer la différence entre eux. La baguette de tradition est telle ou telle autre baguette. Moi,

  • Speaker #1

    je vais aller plus loin. Est-ce que vraiment la baguette de tradition, c'était un produit qui a été développé pour les consommateurs ? Il faut voir que c'est quand même un produit qui, aujourd'hui, s'éloigne des standards attendus par le consommateur, qui ne recherchent pas forcément une croûte qui est très marquée. Il y a une tendance quand même, malgré tout, au pain moelleux qui est réel. Il faut l'accepter. Est-ce qu'on n'a pas voulu aller vers un produit qui... qui certes est qualitatif sur plein d'aspects, même sur le plan nutritionnel, c'est quand même beaucoup mieux disant que le pain blanc, ça on ne pourra pas le retirer, mais on voit bien qu'on a des typologies de baguettes qui sont notamment développées dans les grandes enseignes françaises ou même dans des marques de boulangerie telles que La Pétrie, etc., qui séduisent énormément le consommateur parce que la texture correspond bien aux attentes du client. Il y a une perception qualité qui est très positive alors qu'on n'est pas sur un produit de tradition. Alors effectivement, on peut se poser la question de la compréhension des équipes de vente sur la réalité du produit qui vend, mais on peut aussi se poser la question sur l'adaptation de notre baguette de tradition versus des attentes et des modes de consommation qui évoluent extrêmement rapidement. Donc, c'est là-dessus. De toute façon, il faut bien voir qu'aujourd'hui, il y a énormément de gens qui ont renoncé à la baguette de tradition. effectivement pour des questions notamment de reproductibilité. Ils vont pas hésiter à ajouter des améliorants, de l'acide ascorbique, etc. parce qu'ils ont des contraintes de production, ils ont des contraintes de personnel et c'est pas un cas isolé. Ça touche même des très grands boulangers, des très grands noms. Donc il y a pas de... Pour moi, il y a une vraie question sur l'adaptation à la fois côté consommateur mais également côté production. parce qu'on parle beaucoup des difficultés de recrutement, mais quand on est sur un produit comme la baguette de tradition, on travaille sans filet. Je pense qu'il y a pas mal de chefs d'entreprise qui doivent se poser de vraies questions sur la pérennité de leur produit.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement la boulangerie artisanale n'a pas été trop vers l'élitisme avec, c'est un peu ce que vous dites, enfin c'est moi, c'est ce que je traduis, élitiste avec cette baguette de tradition revenir aux fondamentaux revenir au fondamentaux de la boulangerie mais finalement en occultant toute la complexité business tout d'abord toute la complexité d'une entreprise artisanale aujourd'hui et surtout la complexité avec tout ce qui est les marques les labels encore on n'a pas parlé on en parlera peut-être à la fin de l'émission Il y a tout ça. Là, finalement, est-ce qu'il ne faudrait pas un peu tout remettre à plat et revoir un petit peu les choses et puis simplifier ? Oui,

  • Speaker #1

    il y a une vraie question de simplification qui se pose aujourd'hui, mais qui ne se posait pas en 1993 quand le décret pain a été mis en place. Je pense que ça a été fait à l'époque, c'était une très bonne chose, mais effectivement, il faut se poser des questions aujourd'hui.

  • Speaker #0

    L'évolution de la vie. Complètement,

  • Speaker #1

    oui. Je pense qu'à l'époque, c'était nécessaire. Ça a provoqué un vrai sursaut qualitatif qu'on ne peut que saluer. Aujourd'hui, effectivement, est-ce que c'est complètement en phase avec la réalité ? On peut se poser la question. Après, c'est bien, on le voit dans d'autres sujets, notamment dans l'univers du végétal, ils se posaient beaucoup de questions sur la protection des appellations, notamment la fausse viande, etc. C'est précieux d'avoir des appellations qui sont sanctuarisées. Mais là effectivement, on est confronté à une vraie problématique. Après, est-ce qu'on peut dire qu'on a été dans l'élitisme ? Pour moi-même avoir fait du pain, théoriquement, si on n'est quand même pas trop mauvais boulanger, arriver à faire une baguette de tradition, c'est une question de rigueur. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie question sur la formation et sur l'adaptation de la formation vis-à-vis... de l'exigence de ces produits, je pense qu'on a sans doute un peu péché vis-à-vis de la qualité de la formation et la capacité des apprentis, des gens qui sortent de formation, à reproduire au quotidien ces produits-là. Mais là-dessus, le problème, c'est que ça ne peut pas vraiment s'améliorer dans l'environnement où on est, où la boulangerie artisanale n'est pas poussée à aller dans le sens de la qualité, mais plutôt de la diversité. Quand aujourd'hui on fait une part de plus en plus faible de pain dans son activité, on va y attacher une plus faible importance, c'est quasiment normal. Donc ça a forcément des conséquences et là-dessus la machine est difficile à inverser quand on est sur cette pente.

  • Speaker #0

    Et justement, ça me permet d'introduire le... Le sujet de la concurrence, parce que là on parle de baguettes, là vous parlez de diversification, on parle de baguettes, donc on peut parler des boulangeries de rond-point qui proposent des 3 plus 1, qui sont un peu l'opposé de la baguette de tradition, et là à mon avis ça met un peu aussi le flou dans ce qu'est une baguette pour le consommateur. Et ce développement des chaînes de boulangerie, comment vous le voyez vous ? Comment vous percevez ça ? Comment vous accueillez ça ?

  • Speaker #1

    Moi, je l'accueille de toute façon. Déjà, il y a une chose qui est très claire et qui s'applique à l'ensemble des marchés, la concurrence, c'est toujours une bonne chose. On considère, moi j'entends beaucoup de gens encore aujourd'hui qui disent que c'est de la concurrence de loyale. Je pense que ce n'est vraiment pas le sujet. La concurrence, c'est une bonne chose. On l'a vu nous-mêmes en pays. On a eu des enseignes comme Polt qui ont développé et qui ont vraiment participé à une époque au sursaut qualitatif. de la boulangerie donc c'est toujours une bonne chose d'avoir de la concurrence parce que ça veut dire que c'est un marché qui est quand même attractif, qui est porteur et c'est une bonne chose. Après il faut voir que ces boulangeries dites de rond-point elles se positionnent sur des emplacements où c'est malgré tout assez facile de faire ce qu'elles font parce que les attentes qualitatives des consommateurs elles sont faibles que de la boulangerie de centre-ville, tel que l'exploit des artisans indépendants, qui eux sont quand même extrêmement courageux d'arriver à faire leur job au quotidien, parce qu'ils ont en face d'eux des consommateurs qui sont particulièrement exigeants.

  • Speaker #0

    D'où les 3 plus 1, les rond-points finalement.

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, ce n'est pas tout à fait la même clientèle. Il ne faut pas considérer que... Alors moi j'entends des gens qui me disent oui mais la clientèle elle est... elle est assez liquide, elle va passer la semaine dans ses réseaux de boulangerie, et puis le week-end, pour se faire plaisir, elle va aller chez son artiste indépendant. Alors bon, les gens qui me disent ça, j'entends, mais je pense qu'il n'y a pas une seule forme de réalité, parce que ça voudrait dire que les boulangers indépendants ne vivent que le week-end. Bon, déjà, pose des questions vis-à-vis de ce discours. Ce n'est pas tout à fait la même clientèle et ce n'est pas du tout les mêmes attentes. Là-dessus, je pense que les clients font quand même assez bien la différence. Quand ils vont dans une grande enseigne qui est positionnée sur le prix, ils savent pourquoi ils y vont. Ils n'attendent pas non plus une qualité exceptionnelle. Mais ce qui est assez triste quand même, c'est que la qualité, même si elle n'est pas exceptionnelle et même si le client n'attend pas un produit extraordinaire, pour le prix qu'ils vont payer, parfois ils ont une prestation qui est quand même de meilleure qualité que si c'était un artisan indépendant. Ça c'est une réalité qu'il ne faut pas éviter aussi, et c'est ce qui a permis le développement aussi de ces réseaux-là, c'est qu'en face on n'avait pas des artisans indépendants qui étaient suffisamment puissants, qui avaient suffisamment d'arguments pour retenir leur clientèle. On revient à l'élection. Je pense qu'ils ont été... sans doute un peu trop, et on l'a vu notamment avec la crise énergétique, ils ont sans doute été un peu trop positionnés sur le segment du premium et ils ont amplifié la déperdition de clientèle. Quand on voit qu'on leur a dit « augmentez vos prix, augmentez vos prix, augmentez vos prix » , même sur des produits de première nécessité tels que la baguette qu'on citait, forcément ça a des conséquences parce que ce client-là, on ne le voit plus pour une baguette parce qu'il considère que la baguette est trop ferme et on ne le voit plus pour le reste. Donc il y a une réalité économique. À un moment, je pense qu'on a fait des choix. Ces choix, on ne les a peut-être pas forcément mesurés, mais il y a des concurrents qui, eux, sont restés inflexibles sur leur positionnement de prix, et ça a des conséquences.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous évoquez, entre la premiumisation de l'artisanal boulanger et l'arrivée de ces boulangeries d'en point qui ont répondu, comme vous dites, à un besoin qui n'était pas finalement satisfait, à une demande qui n'était pas satisfaite par l'artisanat. Là en revanche sur le 3 plus 1, ce qui peut mettre le flou, et c'est peut-être aussi le tort des artisans de s'accrocher à la tradition, le flou c'est 3 plus 1 pour quelques euros, j'en ai 4, et en revanche pour quasiment le même prix, j'ai une seule baguette chez mon boulanger. Et finalement, c'est quand même pas le même produit, les baguettes blanches sont beaucoup plus belles qu'à une époque. dans ces boulangeries de rangs-points, elles imitent quasiment la baguette de tradition, mais c'est presque moins bon que la baguette courante des années 90-2000. Et c'est là que ça met peut-être le flou. Finalement, je me fais arnaquer chez mon artisan et finalement, j'ai une super occasion de faire une affaire.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a effectivement la sensation de faire une bonne affaire chez ces réseaux parce qu'il y a une perception qualitative, parce qu'il y a eu tout un travail qui a été fait en amont à R&D pour avoir un produit qui était suffisant. effectivement aussi bien visuellement que gustativement, quelques minutes, quelques heures après avoir acheté le produit. Donc là-dessus, il y a effectivement ce sentiment de faire une bonne affaire. Mais le problème de fond dans tout ça, c'est un problème que les artisans ne peuvent pas porter seul, qui est très global, c'est la perte de culture du goût. Là-dessus, les artisans ne peuvent pas, parce qu'on dit, les artisans exhortent leur clientèle. de continuer à les soutenir, etc. Sauf que la clientèle ne comprend même plus forcément pourquoi ils devraient les soutenir, parce qu'ils ne sentent plus forcément la différence entre ces produits avec des process extrêmement normés, voire industrialisés, et des produits purement artisanaux avec parfois une qualité de produit très élevée. Donc le problème de fond, c'est la culture du goût. Et ça, les artisans ne peuvent malheureusement pas grand-chose seuls. Quand bien même il y en a qui mettent énormément d'efforts, et je sais que c'est une réalité, ils mettent énormément d'efforts pour essayer de sensibiliser leur clientèle, de leur montrer quel est le bon produit. Quand on a une clientèle qui n'est plus sensible à ces sujets-là, qui va chercher avant tout un prix ou une praticité avec des places de parking, etc., c'est compliqué de se battre. Et je pense qu'il ne faut même pas faire ça se battre. On n'est plus du tout sur les mêmes terrains.

  • Speaker #0

    Donc finalement, on rejoint ce que vous disiez. La baguette, est-ce que c'est pour les artisans ou pas ? Vous disiez la baguette de tradition, mais on pourrait aller plus loin. Est-ce que la baguette, même qu'elle soit baguette courante, paquette pétrisane ou tout autre type de baguette, est-ce que finalement, c'est pas David contre Goliath ? Et pourquoi finalement ne pas laisser tomber la baguette ? et proposer des choses qui ne sont pas comparables avec ce qui est vendu dans les boulangeries de reprins finalement.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est un axe de développement sur lequel on réfléchit une partie des artisans boulangers qui se sont installés. On voit aujourd'hui des gens qui renoncent à la baguette et qui font le choix de se positionner effectivement sur des produits pas différenciants, avec une identité très marquée. Après, il faut être réaliste sur le fait que c'est des entreprises qui devraient penser très en amont. avec un modèle qui est extrêmement frugal, des investissements qui sont limités, parce qu'en faisant ce choix-là, de toute façon, on se coupe d'une partie du trafic qui est généré par la baguette.

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces informations, ces explications. Ainsi s'achève la première partie de cette interview. Nous en savons maintenant plus sur l'enjeu des cartes,

  • Speaker #1

    sur l'économie,

  • Speaker #0

    sur son offre. Dans la seconde partie, nous parlerons de la belle, le vin. Il y aura même une petite partie sur la brioche. Rendez-vous donc pour le prochain épisode sur www.is71.com et sur www.briocoutes.fr. Merci à toutes et à tous et à très bientôt. Merci.

  • Speaker #1

    Il faut sans doute adopter des process qui ne sont pas tout à fait les process qu'on attend de la part d'un artisan, c'est-à-dire recourir à de la mécanisation assez massive. faire appel à des préparations qui permettent d'avoir un produit très régulier. Est-ce que c'est ça le standard d'un artisan ? Pas tout à fait, en tout cas dans l'imaginaire collectif, ce n'est pas le cas. Mais néanmoins, c'est ce qui leur permet d'être efficaces, de maîtriser les coûts. Donc, il y a une vraie question là-dessus. Moi, je vois des artisans qui font confiance à des partenaires qui leur apportent des solutions clés en main. Je ne peux pas les blâmer parce que le modèle qu'on leur pose, propose, il est plus efficace que si justement il faisait de la baguette de tradition, c'est quand même un produit extrêmement exigeant. Moi je dis que c'est très compliqué et de toute façon, ils dessinent clairement un modèle où on aura d'un côté un peu le pain des pauvres et de l'autre le pain des riches, il y a une vraie fragmentation du marché entre ces deux segments. Et ce qui représente aujourd'hui 80% de la boulangerie artisanale française, qui est un peu la boulangerie moyenne sans positionnement très affirmé, c'est compliqué pour elle d'exister. Et ça pose effectivement la question de la place de la baguette, globalement.

  • Speaker #0

    Donc la boulangerie s'oriente un peu comme la pâtisserie, c'est diminution du nombre d'unités et évolution vers le premium.

  • Speaker #1

    Malheureusement, oui. De toute façon, pour plein de raisons. aujourd'hui on... On est très attaché au fait qu'on ait un nombre assez important de points de vente. Alors, je suis ici pour pouvoir en discuter très longtemps. Certaines sources, selon la force du vent, selon l'alignement des planètes, c'est 30 000. Un autre jour, c'est 35 000. Un autre jour, c'est 33 000. Pour moi, il n'y a pas de réalité dans tout ça. On serait sans doute beaucoup plus proche des 25 000, 27 000 maximum. Oui, c'est déjà une grosse différence. Après, il y a une réalité économique parce que forcément, ces points de vente n'arrivent plus à atteindre une pérennité. Après, il y a d'autres réalités aussi sur le plan environnemental. On doit se poser la question, est-ce que c'est une bonne chose d'avoir autant de boulangeries en France avec des fournils qui ne sont pas forcément utilisés en totalité, qui sont utilisés peut-être à 30%, 40% de leur capacité parfois ?

  • Speaker #0

    Mais ça, c'est les 30 à 40 % d'utilisation. C'est dans le cas où ils s'orientent vers le modèle qu'on essaie de vendre à tout le monde, la diversification vers la restauration, non ?

  • Speaker #1

    Oui, notamment, effectivement. Mais malgré tout, même quand on installe un fournil, même si on travaille bien, avec une baisse chronique de la consommation de pain, on l'utilise sans doute pas en totalité, le fournil, même si on travaille bien. donc Il y a une vraie question sur le modèle qu'on déploie, notamment en Champagne ou dans des petites villes, on a quand même peu d'habitants, donc on a des petites affaires. Même si on a un équipement minimal, on a souvent déjà un équipement qui est surdimensionné par rapport à la réalité du besoin. Donc il faut se poser la question de quel modèle on déploie, et est-ce que parfois il ne faut pas mieux centraliser, avoir des boutiques froides en satellite ? plutôt que de vouloir toujours installer un fournil et pour

  • Speaker #0

    pour pouvoir prétendre à l'appellation boulangerie.

  • Speaker #1

    Et justement, j'allais aborder cette question, vous venez de souligner, la profession de la Confédération, elle est un peu en décalage, parce que moi déjà, à l'époque de Question Boulange, j'avais déjà un artisan qui avait la problématique, il avait des boutiques, mais il ne pouvait pas appeler. boulangerie et finalement comme vous dites il ya un moment donné où il faut la centralisation centraliser la production parce que sinon on n'y arrive pas et pourquoi un boulanger serait boulanger dans une boutique avec un fournil et pourquoi il serait pas boulanger avec un bout d'un fournil qui serait pas dans sa boutique et c'est là qu'on voit que finalement la confédération les instances de la boulangerie artisanale est quand même en décalage total de les par rapport à l'évolution de la société enfin

  • Speaker #0

    Oui, après, je pense que là encore, il faut le voir à une époque. Et je pense que je vais essayer d'être un peu... de mettre à la place des gens qui ont sanctuarisé cette appellation. Je pense que c'était une bonne chose de le faire à l'époque. Et ça a permis malgré tout de se protéger. Oui, ça date.

  • Speaker #1

    Ça date de 96, je crois.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, le monde a évolué en...

  • Speaker #1

    En 30 ans,

  • Speaker #0

    quand même. Non, mais clairement. Après... Moi, j'ai deux sujets par rapport à ça. Est-ce qu'aujourd'hui, marquer sur une devanture boulangerie, ça fait vraiment la différence ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûr. Donc franchement, là-dessus, pour moi, ce n'est pas le moment. Il ne faut pas être arc-bouté là-dessus. Il ne faut pas se dire que si tu n'as plus le droit à la création, c'est une catastrophe.

  • Speaker #1

    Non, mais en revanche, ça traduit un état d'esprit de la Confédération.

  • Speaker #0

    Oui, mais cet état d'esprit n'est pas uniquement présent. Je ne veux pas... Jeter l'opprobre sur la Confédération, plus globalement, je pense que beaucoup d'artisans, même qui soient affiliés à la Confédération ou pas, ne sont pas prêts à passer le pas et ils sont très attachés à la fabrication sur place. Parce qu'il y a plein d'arguments, pour eux ça crée des odeurs, etc. C'est ce que je peux comprendre, mais malheureusement, il y a une réalité qui fait que quand on a une activité qui est limitée, parce qu'on a des... des localités qui se désertifient, je pense qu'il faut être malin et trouver d'autres moyens de faire vivre son produit et de faire vivre son activité. Il ne faut pas être complètement assis sur un modèle qui est dépassé aujourd'hui. Je ne vais pas dire qu'il y a des gens qui sont meilleurs que d'autres dans la réflexion. Je pense qu'on a des vraies questions à se poser à l'échelle de la boulangerie française. Ça nous concerne tous. On n'a peut-être pas suffisamment passé de temps à se poser ces questions, à réfléchir collectivement sur le sujet. On est peut-être un peu trop centré sur des sujets tels que placer la baguette à l'UNESCO, développer des nouvelles appellations, etc. Non, mais on regarde un peu, on développe une série de concours, parfois ça me sidère un peu. Je pense qu'on n'a pas forcément les yeux centrés sur des réalités prioritaires. peut le regretter. Après, c'est difficile, et là-dessus, ça nous concerne tous, de regarder en face ce qui ne va pas et de se poser vraiment des questions. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'il y a des gens qui sont plus responsables que d'autres. Ils sont peut-être responsables parce qu'ils devraient représenter la profession, peut-être. Je ne vais pas leur jeter la pierre.

  • Speaker #1

    Après, vous comme moi, avec toutes les boutiques qu'on a vues, de toute façon, il n'y a pas un schéma. Ça, on est d'accord. Non,

  • Speaker #0

    il n'y a pas un schéma, non, mais justement, c'est ça, il y a plusieurs schémas, et puis la réalité d'un environnement est toujours très spécifique, et c'est pour ça qu'il faut être aujourd'hui, et encore plus qu'hier, très à l'écoute de son environnement, et puis il ne faut plus considérer qu'un artisan va s'installer parce que c'est une super opportunité, etc. Non, il faut voir son projet très en amont, il faut choisir son emplacement en fonction de ce qu'on a vraiment envie de faire, il y a plein de paramètres qu'il faut prendre en compte. Mais très en amont. Et aujourd'hui, on installe encore des boulangers comme si c'était facile, comme si on pouvait leur dire, regarde, tu vas te mettre là, tu vas pouvoir faire ce que tu veux. Sauf que non, c'est extrêmement complexe. Et il faut vraiment prendre en compte la réalité d'un environnement, d'une commune, d'un quartier, bien avant de s'installer. Et ça, je pense qu'on ne le fait pas suffisamment. Et je regrette que les partenaires de la filière, que sont les marchands de filière, les meuniers, les marchands de matériel, ne soient pas suffisamment impliqués dans cette logique-là, parce que c'est ça qui va définir ensuite la vie de leurs clients, la vie des artisans boulangers. Donc il y a un vrai travail à faire pour qu'on sensibilise mieux et qu'on construise mieux les projets. avant l'installation pour qu'ensuite l'artisan puisse faire quand même quelque chose qui ait du sens pour lui. Parce que c'est quand même important vu le niveau d'implication d'un artisan en entreprise. S'il se retrouve à faire quelque chose qui ne correspond pas du tout à ses valeurs et à sa vision du métier, et c'est le cas pour beaucoup de gens aujourd'hui je pense, il y a un vrai mal-être qui se crée en fait. Il suffit de lire des réseaux sociaux où s'expriment les boulangers sur Facebook, qui sont dans des groupes, etc. Je pense qu'il y a un vrai mal-être. Et ce mal-être est lié au fait qu'on n'a pas suffisamment été loin dans la réception. Et on laisse des gens tout seuls dans leur coin avec leurs problématiques. Et on ne leur apporte pas de solution. Du coup, ils tombent un peu dans la radicalité et se disent qu'il faut renverser la table. Je ne sais pas que ce soit la solution de renverser la table. Je pense qu'il y a d'autres choses à faire. Il y a des questions à se poser, certes. Mais renverser la table... Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Je le dis de façon très humble, parce que moi-même, j'ai tendu une volonté il y a quelques années de la renverser moi-même. Je pense qu'il faut se poser des questions, mais il ne faut pas aller dans l'extrémisme.

  • Speaker #1

    Là, vous reprochez le fait de laisser un peu isolés les artisans. Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Bien sûr. C'est clairement une profession qui aujourd'hui n'arrive plus à être collective. Et on le voit bien, vous parliez des mouvements de pensée sur la discussion, on en a des mouvements de pensée et ça dévie un peu. Chacun a sa petite chapelle. Il y en a qui disent « la Confédération c'est bien » , d'autres « non mais moi je suis meilleur que la Confédération » . Tout ça est quand même, somme toute, assez ridicule. Il faut être clair là-dessus. Je pense que vu les enjeux de la profession, il faut la jouer collectif. Il ne faut pas regarder la concurrence comme si c'était des vilains, etc. Moi-même, j'échange avec tout le monde. Sincèrement, je peux échanger avec des gens de la Fédération, j'échange avec des gens de la FED, etc. De chaque côté, j'ai des gens qui sont, malgré ce qu'on peut penser, tous assez impliqués dans ce qu'ils sont, qui ont leur vision du marché qui est la leur. Moi, je n'ai pas de sujet à échanger avec ces gens-là. Il faut que c'est très complémentaire d'avoir des visions différentes et ça nous permet d'avancer. Alors qu'aujourd'hui, on a tendance dans la filière à être sur le repli sur soi. Je pense qu'il y a des gens qui devraient s'impliquer, encore une fois je le dis, et il faudrait s'impliquer beaucoup plus dans la création d'un collectif plutôt que d'isoler les gens. Et là-dessus, pour moi, il y a quand même des partenaires majeurs des boulangers, encore une fois les modiers, qui devraient faire beaucoup plus ce job. Pour moi, le meunier devrait devenir un peu le premier réseau social du boulanger, dans le sens qu'il a le contact avec le terrain, il voit ce qui se fait, il voit les bonnes initiatives, il pourrait partager avec ses clients, parce que potentiellement quand même on est client d'un même meunier, on a quand même des valeurs en commun, il pourrait participer à diffuser ses bonnes pratiques, et pas uniquement faire un peu de la formation, qui pour moi est plus un outil de la relation commerciale, il pourrait s'impliquer beaucoup plus. Et le meunier n'est pas seul. Je parlais du marchand de matériel, il pourrait aussi... Mais c'est un changement de doctrine. Il faut qu'il change de doctrine et qu'il soit plus uniquement dans la logique de se dire c'est un intérêt à court terme de l'artisan boulanger, mais je pense plutôt sur le temps long et quels outils je mets en œuvre pour faire en sorte que cet artisan boulanger, certes, aujourd'hui, il prend de la matière première, il prend de l'équipement, mais mon objectif, c'est qu'il soit encore là demain. que son affaire soit transmissible pour que moi aussi finisse par vivre aussi sur le long terme. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie révolution culturelle à mener. C'est beaucoup d'acteurs de la filière.

  • Speaker #1

    Mais certains, enfin moi, de ce que je vois, il y a certains meuniers quand même qui ont évolué, par rapport, si je prends, il y a 15 ans. Non,

  • Speaker #0

    mais bien sûr, ils ont évolué. Et là-dessus, c'est très clair. Et il y en a qui font le job de toute façon. assez impressionnante et on a des réussites. Parce qu'il faut voir, sur certaines régions françaises, on pouvait regretter le faible développement de la qualité en boulangerie artisanale, mais il y a un couple meunier-boulanger qui est très puissant, et on le voit dans certaines régions, on a des meuniers qui se développent parce qu'ils ont une vraie dynamique et ils portent la qualité de la boulangerie.

  • Speaker #1

    Oui, ils sont aux côtés de leurs clients et ça, ça se sent tout de suite.

  • Speaker #0

    Oui, ça se passe tout de suite. Et puis vraiment, moi, j'ai des exemples en région bordelaise. Il y a le forissaire qui a repris le chemin du Cournot il y a quelques années. Quand il a commencé la boulangerie bordelaise, sa région, la qualité, n'était pas du tout au rendez-vous. Il a fait un travail remarquable, ça l'a apporté et aujourd'hui c'est une vraie réussite. Et on a des gens qui comprennent le marché, qui comprennent qu'il y a besoin de faire ce collectif, de partager des bonnes pratiques, de partager un engagement. avec les artisans boulangers et ceux qui le font bien se développent, ça marche et c'est super positif pour tout le monde donc pour moi c'est juste une posture qu'il faut changer pas juste, c'est une posture historique notamment de la meunerie qui est quand même une position dans la filière qui est très centrale et qui est parfois très utile et très confortable mais c'est nécessaire parce que c'est juste une question de survie pour

  • Speaker #1

    Eh bien, nous arrivons au terme de cette première partie. Merci de l'avoir suivi. Dans la seconde partie, nous parlerons de diversification, donc de restauration.

  • Speaker #2

    Nous évoquerons également le développement des franchises et surtout des réseaux d'artisans. Et nous terminerons par la question des labels en boulangerie artisanale. Vous pouvez retrouver l'ensemble des épisodes ainsi que l'ensemble des reportages publiés dans la lettre de l'édition 1771 sur www.e. 1061.com et si vous préparez, vous pouvez également vous abonner au podcast via votre plateforme habituelle. Merci beaucoup et à très bientôt.

Description

Créateur du célèbre blog Painrisien ainsi que de l'actuel site d'informations cerealiste.fr , consultant et journaliste, Rémi Héluin est l'invité de 

Hugues du Boisbaudry de l'Edition 10.71.

Il nous livre ici sa vision du métier, de la boulangerie artisanale d'aujourd'hui et de demain.

Dans cette première partie, le journaliste aborde la question de la baguette de tradition. Etait-ce vraiment un produit fait pour les consommateurs ?

Depuis le décret pain, les attentes ont évolué. Les consommateurs ne se retrouvent plus forcément dans cette offre. 

Et côté production, est-ce adapté aux contraintes techniques, aux contraintes de personnel ? D'autant que la concurrence actuelle propose une offre qui satisfait les consommateurs à un prix plus abordable.  

 

Dans cet épisode, nous abordons également les sujets suivants :

  • La viennoiserie comme produit d'appel mais aussi l'enjeu économique face à la flambée du coût des ingrédients

  • La nutrition et le pain

  • La pérennité du schéma actuel de la boulangerie artisanale

  • Le défi de la perte du goût des consommateurs

  • Le manque d'unité de la profession

  • Le rôle des partenaires des artisans, notamment les meuniers


A propos :

Au cœur de la boulange est le podcast de l'Edition 10.71, le media destiné aux artisans boulangers.

Editée par ghoa, L'Edition 10.71 c'est une newsletter spécial boulangerie qui comporte :

  1. Soit La Lettre (format feuilletable) : Nous réalisons un reportage terrain chez un artisan boulanger, où nous aborderons tous les aspects techniques du métier, des secrets du fournil à la commercialisation en boutique.. 

  2. Soit le podcast Au coeur de la boulange : une interview d'un artisan en prolongement du reportage écrit, ou d'une personnalité du secteur de la boulange artisanale. 

L'Edition 10.71 a l'ambition d'être le lieu d'échange des artisans boulangers.

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Transcription

  • Speaker #0

    Au cœur de la boulange, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulange. Bienvenue dans ce nouvel épisode au cœur de la boulangerie, le podcast de l'édition 1071, le média qui donne la parole à celles et ceux qui façonnent la boulangerie. Je suis Hugues Dubois-Baudry et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Rémi Elouin. Bonjour Rémi.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Je pense que de nombreux auditeurs vous connaissent déjà, car en 2011, vous avez créé Pain Résien, un blog dédié au monde de la boulangerie artisanale. Comme son nom l'indique, vous avez d'abord sillonné les rues de la capitale et de ses environs à la rencontre des artisans boulangers. et vous avez ensuite sillonné les routes de province. L'aventure de ce blog, connu et reconnu par la profession, a duré plus d'une dizaine d'années. Et aujourd'hui, vous allez toujours à la rencontre des acteurs de la profession en tant que journaliste. Et vous avez également une activité de conseil auprès des acteurs de la filière. Eh, j'ai oublié un élément.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai passé mon CAP de 2015 par goût pour le produit et pour les gens qui le font. C'était vraiment très complémentaire dans ce parcours et ça me semblait normal d'aller jusqu'à cette étape-là.

  • Speaker #0

    Pardon pour cet oubli, effectivement c'était à noter. J'ai souhaité cet entretien car vous avez un parcours remarquable et je trouvais intéressant d'avoir votre regard sur la profession aujourd'hui. D'ailleurs on peut déjà démarrer avec un sujet assez direct. Comme nous à l'édition 1071, vous êtes un fervent défenseur de la boulangerie artisanale, de son savoir-faire qui fait partie d'un véritable patrimoine, du fait maison. Quand on vous dit que 80% des boutiques ont recours à la viennoiserie surgelée, quelle est votre réaction ? Parce que ce chiffre semble vraiment sorti du chapeau et semble surtout être un argument des vendeurs de boîtes.

  • Speaker #1

    Déjà ce chiffre, je l'entends depuis pas de 15 ans, donc je pense qu'il y a un vrai problème. Dans le même temps, on voit bien que les artisans se sont remis assez massivement à faire de la viennoiserie. Ils ont une vraie prise de conscience sur l'importance. de la fabriquer parce que c'est un élément de différenciation, de transmission de leur savoir-faire, d'autant plus aujourd'hui où il y a un vrai regain intérieur autour de ce produit. Donc ce chiffre n'est pas sourcé, il y a un vrai problème méthodologique quand on l'utilise. Donc très clairement, ce chiffre ne propose aujourd'hui pas grand-chose et peut-être à la limite, il peut prendre en compte l'ensemble des canaux. sur lequel la viennoiserie est commercialisée, donc que ce soit les terminaux de cuisson, la grande distribution, ou tout ce qui est travel retail. Mais très clairement, aujourd'hui, ce n'est pas représentatif de la situation au boulanger artisanal.

  • Speaker #0

    Et surtout qu'on voit sur le terrain, on nous parle davantage de postes de touriers par rapport à il y a 10, 15, 20 ans. Enfin, moi, de ma propre expérience, c'est ce que je constate.

  • Speaker #1

    Et puis de l'actuel, il y a quand même eu un vrai travail sur le déco. on forme à nouveau des touriers avec des formations spécifiques. Là-dessus, l'ensemble de la filière a vraiment pris conscience de l'importance du travail qui est associé à ce produit. Là-dessus, clairement, les entreprises ont joué le jeu. Même avec des organisations, quand même, quand c'est des petites entreprises, on a des artisans qui s'organisent pour fabriquer la viennoiserie peut-être une fois par semaine et la stocker en francs négatifs. Donc là-dessus, le tour a vraiment repris sa place au sein de la boulangère Cisanal et il n'y a pas de problème autour de ce sujet-là.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes serein sur l'avenir du savoir-faire de Tourier, mais peut-être plus inquiet sur un autre point, comme les bâtires premières à terme. C'est ce que vous me disiez qu'on a vu.

  • Speaker #1

    Très serein, d'autant plus que, comme je le disais, on a un vrai engouement de la clientèle. On a fait trois, quatre dernières années autour de la viennoiserie, portée notamment par les réseaux sociaux. On a plein de produits de tendance. Merci. qu'on peut questionner. On a des choses comme le New York Roll, le Crustin, etc. C'est des produits qui attirent une clientèle jeune. Donc c'est très positif pour la boulangerie artisanale, parce qu'il y a pas mal d'artisans qui ont bien compris l'intérêt de se positionner sur ces produits. Donc ça met en avant le savoir-faire. Mais effectivement, on a des problématiques à moyen et en termes sur les approvisionnements. Quand on voit de toute façon la baisse de la collectivité... qui est chronique pour différentes raisons, que ce soit de toute façon le changement climatique qui nous concerne tous, mais également le fait que... On a des éleveurs laitiers qui arrêtent leur activité et qui ne sont pas forcément remplacés. Donc on aura de toute façon à terme des problématiques très claires sur du beurre en origine France. Et ces problématiques, ce n'est pas demain, c'est déjà aujourd'hui. On ne le voit pas forcément, mais dans le secteur de l'industrie, de toute façon, il faut être réaliste sur le fait que la plupart des acteurs ont massivement abandonné pour la plupart de leur gamme. l'origine france ils n'ont pas les approches des apres donc la filière artisanale sera concernée demain et c'est une vraie question sur la pérennité du produit parce que quand on a plus de beurre ou à un prix qui est complètement prohibitif ça devient compliqué et ça impose donc soit se tourner vers des alternatives on voit la montée en puissance très nette des alternatives végétales traditionnellement la margarine.

  • Speaker #0

    Des croissants ordinaires.

  • Speaker #1

    Oui, après ce sera un croissant ordinaire amélioré. Oui, j'avais un fabricant de matières grasses végétales qui me disait moi je ne fais pas un croissant ordinaire, c'est un croissant extraordinaire avec ma matière grasse végétale. La formule est assez habile, mais c'est une réalité. Aujourd'hui cette réalité, ce n'est pas uniquement quelques artisans, il y a beaucoup de gens qui sont... se posent des questions et ils ne vont pas aller forcément sur le terrain de se dire « je vais faire à 100% » , mais ils vont utiliser des produits où il y a un peu de beurre, ils vont faire les mélanges et ça c'est une réalité à la fois pour des questions de certaines convictions, mais c'est assez anecdotique, mais c'est plutôt des raisons économiques qui les poussent aujourd'hui à y aller. Et demain, ce sera encore plus le cas parce que si on a un produit qui est rare, on aura un produit qui sera très cher. et qui imposera des changements assez radicals.

  • Speaker #0

    Effectivement, ça pose déjà un problème quand on a beaucoup de volume pour la vianderie, pour le beurre. D'ailleurs, on avait interrogé Nicolas Beckham là-dessus, et il nous disait vraiment qu'il retravaille sa recette avec de la poudre de lait pour toujours garder une qualité gustative. C'était même meilleur aujourd'hui parce qu'il s'est questionné sur la recette, en introduisant de la poudre de lait et en baissant la part de beurre pour une question économique.

  • Speaker #1

    Je pense que les deux enjeux peuvent se rejoindre. Je pense qu'on avait traditionnellement tendance à penser que mettre plus, c'était aboutir à un produit qualitatif. Mais ce n'est pas forcément le cas. Et puis on voit bien que les consommateurs ont évolué et leurs goûts ont évolué. Donc des produits qui étaient très chargés en matière grasse, traditionnellement on les fait sur des viennoiseries qui étaient à plus d'un tiers de beurre. Aujourd'hui, c'est des dosages qui sont... sont trop excessives, vraiment clairement excessives. Donc quand on est sur une viennoiserie qui est entre 22 et 25% de beurre, je pense qu'on peut avoir un produit très qualitatif, si effectivement on fait un vrai travail sur la qualité de la pâte, si on a une vraie fermentation, si on fait le job sur la détran, ça peut avoir un vrai impact sur la qualité du produit fini. Après il y a un équilibre qui est assez ténu à trouver entre la gourmandise et le risque d'avoir un produit. pour être potentiellement un peu sec si ça manque de matière grasse. Mais je pense que Nicolas Lecam est loin d'être le seul à se poser ces questions-là. Et on voit bien que c'est en train de bouger parce qu'il y a un enjeu économique, mais il y a aussi un enjeu gustatif et d'adaptation aux attentes des consommateurs.

  • Speaker #0

    Et là, on parle de coût de matière première, de coût de matière grasse. Mais quand vous parlez de proportion de ratio matière grasse sur le produit fini, on peut également aborder la question de la nutrition, justement. Manger moins gras, manger moins riche, et ça va dans le sens de l'histoire un petit peu, non ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va dans le sens de l'histoire. Après, il faut quand même pondérer ça vis-à-vis de la réalité du terrain. On voit bien qu'on a des produits qui sont très porn-food. on le dit souvent, qui se développe énormément. On a une gourmandise qui est parfois complètement décomplexée, irrépressible, qui s'exprime notamment eu égard à une situation complexe et à une période qui est parfois très anxiogène. Donc là-dessus, le consommateur est quand même très ambivalent. Alors oui, ça va dans le sens de l'histoire. Il y a eu une montée en puissance des attentes santé vis-à-vis de l'alimentation, notamment ce Covid. où le consommateur voulait presque parfois un alicament. Ça se développe notamment pas mal dans les régions asiatiques, où notamment ici, on a des consommateurs qui sont très exigeants. Il faut quand même malgré tout regarder les faits, et les faits sont assez têtus sur la réalité. Et aujourd'hui, on a des enseignes de donuts qui se développent en France. Ce n'est quand même pas tout à fait le standard de nutrition auquel on souhaiterait tous partager. Donc là-dessus, je pense qu'il faut faire attention. Et même s'il y a des consommateurs qui sont très sensibles, ce n'est clairement pas aujourd'hui la majorité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Donc là, on aborde la question suivante, qui était la question suivante sur la... On a un peu avancé sur... Parce que là, on parle nutrition, on est sur, comme vous dites, les donuts qui arrivent et tout ça. Donc ça, c'est pas très diététique, très positif nutritionnellement, on est d'accord. Que pensez-vous de la tendance à vouloir renforcer l'aspect nutritionnel, mais du pain ? Vous parliez justement d'alicaments. N'y a-t-il pas un danger ? N'est-ce pas devenu un courant de pensée plus qu'autre chose ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si on peut le caractériser de courant de pensée, sans doute, oui, il y a une partie en tout cas des professionnels qui considèrent que c'est une voie d'avenir. Moi, je pense que l'intention est tout à fait louable et c'est très positif de se poser des questions sur la qualité nutritionnelle du produit. Après, encore une fois, il faut faire attention entre ce que vont nous dire les consommateurs et la façon dont ils vont réellement consommer. Le problème, c'est que si on met trop d'énergie et on se concentre sur cet aspect-là, on va... potentiellement négliger d'autres sujets qui sont sans doute plus prioritaires à mon sens, tels que la qualité globale de la prestation et pas uniquement la qualité nutritionnelle des pains. Je pense qu'il y a d'autres sujets prioritaires, tels que la qualité de la prestation dans le point de vente, donc la qualité de l'accueil. Et même avant d'aller jusqu'à la nutrition, on a quand même d'autres sujets à régler, même sur le pain. On a encore des gens qui ont des problèmes avec... avec de la baguette de tradition, alors que le décret pain, c'est quand même quelque chose qui date de 1993. Donc là-dessus, il y a une réalité de terrain qui me fait dire qu'on va sans doute peut-être un peu trop loin dans la qualité sur cet aspect-là, alors que dans l'essai, ça ne se retrouve pas forcément. Et puis on a énormément de régions françaises, des zones assez populaires, où ce n'est clairement pas le sujet. Si on veut le faire, il faut le faire effectivement quand on a un positionnement qui est assez adapté à ce sujet-là et à faire aller sur le terrain de la nutrition. Mais ce n'est clairement pas, pour moi, une voie qui est adaptée à l'ensemble des artisans boulangers. Et il faut faire quand même relativement attention à ce qu'on fait, parce que ça peut avoir des conséquences quand même.

  • Speaker #0

    Donc là, vous évoquez l'expérience client, si on peut appeler ça comme ça. L'expérience client au sens global, donc l'accueil, la vente, la com aussi, parce que quand vous parlez de tradition, donc il y a la faisabilité, le fait que ça soit reproductible tous les jours, la fameuse baguette de tradition. Et il y a aussi, qu'est-ce qu'une baguette de tradition ? Parce que les gens sont vraiment perdus aujourd'hui, enfin moi c'est ce que je vois, et même le personnel de vente ne sait pas forcément expliquer la différence entre eux. La baguette de tradition est telle ou telle autre baguette. Moi,

  • Speaker #1

    je vais aller plus loin. Est-ce que vraiment la baguette de tradition, c'était un produit qui a été développé pour les consommateurs ? Il faut voir que c'est quand même un produit qui, aujourd'hui, s'éloigne des standards attendus par le consommateur, qui ne recherchent pas forcément une croûte qui est très marquée. Il y a une tendance quand même, malgré tout, au pain moelleux qui est réel. Il faut l'accepter. Est-ce qu'on n'a pas voulu aller vers un produit qui... qui certes est qualitatif sur plein d'aspects, même sur le plan nutritionnel, c'est quand même beaucoup mieux disant que le pain blanc, ça on ne pourra pas le retirer, mais on voit bien qu'on a des typologies de baguettes qui sont notamment développées dans les grandes enseignes françaises ou même dans des marques de boulangerie telles que La Pétrie, etc., qui séduisent énormément le consommateur parce que la texture correspond bien aux attentes du client. Il y a une perception qualité qui est très positive alors qu'on n'est pas sur un produit de tradition. Alors effectivement, on peut se poser la question de la compréhension des équipes de vente sur la réalité du produit qui vend, mais on peut aussi se poser la question sur l'adaptation de notre baguette de tradition versus des attentes et des modes de consommation qui évoluent extrêmement rapidement. Donc, c'est là-dessus. De toute façon, il faut bien voir qu'aujourd'hui, il y a énormément de gens qui ont renoncé à la baguette de tradition. effectivement pour des questions notamment de reproductibilité. Ils vont pas hésiter à ajouter des améliorants, de l'acide ascorbique, etc. parce qu'ils ont des contraintes de production, ils ont des contraintes de personnel et c'est pas un cas isolé. Ça touche même des très grands boulangers, des très grands noms. Donc il y a pas de... Pour moi, il y a une vraie question sur l'adaptation à la fois côté consommateur mais également côté production. parce qu'on parle beaucoup des difficultés de recrutement, mais quand on est sur un produit comme la baguette de tradition, on travaille sans filet. Je pense qu'il y a pas mal de chefs d'entreprise qui doivent se poser de vraies questions sur la pérennité de leur produit.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement la boulangerie artisanale n'a pas été trop vers l'élitisme avec, c'est un peu ce que vous dites, enfin c'est moi, c'est ce que je traduis, élitiste avec cette baguette de tradition revenir aux fondamentaux revenir au fondamentaux de la boulangerie mais finalement en occultant toute la complexité business tout d'abord toute la complexité d'une entreprise artisanale aujourd'hui et surtout la complexité avec tout ce qui est les marques les labels encore on n'a pas parlé on en parlera peut-être à la fin de l'émission Il y a tout ça. Là, finalement, est-ce qu'il ne faudrait pas un peu tout remettre à plat et revoir un petit peu les choses et puis simplifier ? Oui,

  • Speaker #1

    il y a une vraie question de simplification qui se pose aujourd'hui, mais qui ne se posait pas en 1993 quand le décret pain a été mis en place. Je pense que ça a été fait à l'époque, c'était une très bonne chose, mais effectivement, il faut se poser des questions aujourd'hui.

  • Speaker #0

    L'évolution de la vie. Complètement,

  • Speaker #1

    oui. Je pense qu'à l'époque, c'était nécessaire. Ça a provoqué un vrai sursaut qualitatif qu'on ne peut que saluer. Aujourd'hui, effectivement, est-ce que c'est complètement en phase avec la réalité ? On peut se poser la question. Après, c'est bien, on le voit dans d'autres sujets, notamment dans l'univers du végétal, ils se posaient beaucoup de questions sur la protection des appellations, notamment la fausse viande, etc. C'est précieux d'avoir des appellations qui sont sanctuarisées. Mais là effectivement, on est confronté à une vraie problématique. Après, est-ce qu'on peut dire qu'on a été dans l'élitisme ? Pour moi-même avoir fait du pain, théoriquement, si on n'est quand même pas trop mauvais boulanger, arriver à faire une baguette de tradition, c'est une question de rigueur. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie question sur la formation et sur l'adaptation de la formation vis-à-vis... de l'exigence de ces produits, je pense qu'on a sans doute un peu péché vis-à-vis de la qualité de la formation et la capacité des apprentis, des gens qui sortent de formation, à reproduire au quotidien ces produits-là. Mais là-dessus, le problème, c'est que ça ne peut pas vraiment s'améliorer dans l'environnement où on est, où la boulangerie artisanale n'est pas poussée à aller dans le sens de la qualité, mais plutôt de la diversité. Quand aujourd'hui on fait une part de plus en plus faible de pain dans son activité, on va y attacher une plus faible importance, c'est quasiment normal. Donc ça a forcément des conséquences et là-dessus la machine est difficile à inverser quand on est sur cette pente.

  • Speaker #0

    Et justement, ça me permet d'introduire le... Le sujet de la concurrence, parce que là on parle de baguettes, là vous parlez de diversification, on parle de baguettes, donc on peut parler des boulangeries de rond-point qui proposent des 3 plus 1, qui sont un peu l'opposé de la baguette de tradition, et là à mon avis ça met un peu aussi le flou dans ce qu'est une baguette pour le consommateur. Et ce développement des chaînes de boulangerie, comment vous le voyez vous ? Comment vous percevez ça ? Comment vous accueillez ça ?

  • Speaker #1

    Moi, je l'accueille de toute façon. Déjà, il y a une chose qui est très claire et qui s'applique à l'ensemble des marchés, la concurrence, c'est toujours une bonne chose. On considère, moi j'entends beaucoup de gens encore aujourd'hui qui disent que c'est de la concurrence de loyale. Je pense que ce n'est vraiment pas le sujet. La concurrence, c'est une bonne chose. On l'a vu nous-mêmes en pays. On a eu des enseignes comme Polt qui ont développé et qui ont vraiment participé à une époque au sursaut qualitatif. de la boulangerie donc c'est toujours une bonne chose d'avoir de la concurrence parce que ça veut dire que c'est un marché qui est quand même attractif, qui est porteur et c'est une bonne chose. Après il faut voir que ces boulangeries dites de rond-point elles se positionnent sur des emplacements où c'est malgré tout assez facile de faire ce qu'elles font parce que les attentes qualitatives des consommateurs elles sont faibles que de la boulangerie de centre-ville, tel que l'exploit des artisans indépendants, qui eux sont quand même extrêmement courageux d'arriver à faire leur job au quotidien, parce qu'ils ont en face d'eux des consommateurs qui sont particulièrement exigeants.

  • Speaker #0

    D'où les 3 plus 1, les rond-points finalement.

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, ce n'est pas tout à fait la même clientèle. Il ne faut pas considérer que... Alors moi j'entends des gens qui me disent oui mais la clientèle elle est... elle est assez liquide, elle va passer la semaine dans ses réseaux de boulangerie, et puis le week-end, pour se faire plaisir, elle va aller chez son artiste indépendant. Alors bon, les gens qui me disent ça, j'entends, mais je pense qu'il n'y a pas une seule forme de réalité, parce que ça voudrait dire que les boulangers indépendants ne vivent que le week-end. Bon, déjà, pose des questions vis-à-vis de ce discours. Ce n'est pas tout à fait la même clientèle et ce n'est pas du tout les mêmes attentes. Là-dessus, je pense que les clients font quand même assez bien la différence. Quand ils vont dans une grande enseigne qui est positionnée sur le prix, ils savent pourquoi ils y vont. Ils n'attendent pas non plus une qualité exceptionnelle. Mais ce qui est assez triste quand même, c'est que la qualité, même si elle n'est pas exceptionnelle et même si le client n'attend pas un produit extraordinaire, pour le prix qu'ils vont payer, parfois ils ont une prestation qui est quand même de meilleure qualité que si c'était un artisan indépendant. Ça c'est une réalité qu'il ne faut pas éviter aussi, et c'est ce qui a permis le développement aussi de ces réseaux-là, c'est qu'en face on n'avait pas des artisans indépendants qui étaient suffisamment puissants, qui avaient suffisamment d'arguments pour retenir leur clientèle. On revient à l'élection. Je pense qu'ils ont été... sans doute un peu trop, et on l'a vu notamment avec la crise énergétique, ils ont sans doute été un peu trop positionnés sur le segment du premium et ils ont amplifié la déperdition de clientèle. Quand on voit qu'on leur a dit « augmentez vos prix, augmentez vos prix, augmentez vos prix » , même sur des produits de première nécessité tels que la baguette qu'on citait, forcément ça a des conséquences parce que ce client-là, on ne le voit plus pour une baguette parce qu'il considère que la baguette est trop ferme et on ne le voit plus pour le reste. Donc il y a une réalité économique. À un moment, je pense qu'on a fait des choix. Ces choix, on ne les a peut-être pas forcément mesurés, mais il y a des concurrents qui, eux, sont restés inflexibles sur leur positionnement de prix, et ça a des conséquences.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous évoquez, entre la premiumisation de l'artisanal boulanger et l'arrivée de ces boulangeries d'en point qui ont répondu, comme vous dites, à un besoin qui n'était pas finalement satisfait, à une demande qui n'était pas satisfaite par l'artisanat. Là en revanche sur le 3 plus 1, ce qui peut mettre le flou, et c'est peut-être aussi le tort des artisans de s'accrocher à la tradition, le flou c'est 3 plus 1 pour quelques euros, j'en ai 4, et en revanche pour quasiment le même prix, j'ai une seule baguette chez mon boulanger. Et finalement, c'est quand même pas le même produit, les baguettes blanches sont beaucoup plus belles qu'à une époque. dans ces boulangeries de rangs-points, elles imitent quasiment la baguette de tradition, mais c'est presque moins bon que la baguette courante des années 90-2000. Et c'est là que ça met peut-être le flou. Finalement, je me fais arnaquer chez mon artisan et finalement, j'ai une super occasion de faire une affaire.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a effectivement la sensation de faire une bonne affaire chez ces réseaux parce qu'il y a une perception qualitative, parce qu'il y a eu tout un travail qui a été fait en amont à R&D pour avoir un produit qui était suffisant. effectivement aussi bien visuellement que gustativement, quelques minutes, quelques heures après avoir acheté le produit. Donc là-dessus, il y a effectivement ce sentiment de faire une bonne affaire. Mais le problème de fond dans tout ça, c'est un problème que les artisans ne peuvent pas porter seul, qui est très global, c'est la perte de culture du goût. Là-dessus, les artisans ne peuvent pas, parce qu'on dit, les artisans exhortent leur clientèle. de continuer à les soutenir, etc. Sauf que la clientèle ne comprend même plus forcément pourquoi ils devraient les soutenir, parce qu'ils ne sentent plus forcément la différence entre ces produits avec des process extrêmement normés, voire industrialisés, et des produits purement artisanaux avec parfois une qualité de produit très élevée. Donc le problème de fond, c'est la culture du goût. Et ça, les artisans ne peuvent malheureusement pas grand-chose seuls. Quand bien même il y en a qui mettent énormément d'efforts, et je sais que c'est une réalité, ils mettent énormément d'efforts pour essayer de sensibiliser leur clientèle, de leur montrer quel est le bon produit. Quand on a une clientèle qui n'est plus sensible à ces sujets-là, qui va chercher avant tout un prix ou une praticité avec des places de parking, etc., c'est compliqué de se battre. Et je pense qu'il ne faut même pas faire ça se battre. On n'est plus du tout sur les mêmes terrains.

  • Speaker #0

    Donc finalement, on rejoint ce que vous disiez. La baguette, est-ce que c'est pour les artisans ou pas ? Vous disiez la baguette de tradition, mais on pourrait aller plus loin. Est-ce que la baguette, même qu'elle soit baguette courante, paquette pétrisane ou tout autre type de baguette, est-ce que finalement, c'est pas David contre Goliath ? Et pourquoi finalement ne pas laisser tomber la baguette ? et proposer des choses qui ne sont pas comparables avec ce qui est vendu dans les boulangeries de reprins finalement.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est un axe de développement sur lequel on réfléchit une partie des artisans boulangers qui se sont installés. On voit aujourd'hui des gens qui renoncent à la baguette et qui font le choix de se positionner effectivement sur des produits pas différenciants, avec une identité très marquée. Après, il faut être réaliste sur le fait que c'est des entreprises qui devraient penser très en amont. avec un modèle qui est extrêmement frugal, des investissements qui sont limités, parce qu'en faisant ce choix-là, de toute façon, on se coupe d'une partie du trafic qui est généré par la baguette.

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces informations, ces explications. Ainsi s'achève la première partie de cette interview. Nous en savons maintenant plus sur l'enjeu des cartes,

  • Speaker #1

    sur l'économie,

  • Speaker #0

    sur son offre. Dans la seconde partie, nous parlerons de la belle, le vin. Il y aura même une petite partie sur la brioche. Rendez-vous donc pour le prochain épisode sur www.is71.com et sur www.briocoutes.fr. Merci à toutes et à tous et à très bientôt. Merci.

  • Speaker #1

    Il faut sans doute adopter des process qui ne sont pas tout à fait les process qu'on attend de la part d'un artisan, c'est-à-dire recourir à de la mécanisation assez massive. faire appel à des préparations qui permettent d'avoir un produit très régulier. Est-ce que c'est ça le standard d'un artisan ? Pas tout à fait, en tout cas dans l'imaginaire collectif, ce n'est pas le cas. Mais néanmoins, c'est ce qui leur permet d'être efficaces, de maîtriser les coûts. Donc, il y a une vraie question là-dessus. Moi, je vois des artisans qui font confiance à des partenaires qui leur apportent des solutions clés en main. Je ne peux pas les blâmer parce que le modèle qu'on leur pose, propose, il est plus efficace que si justement il faisait de la baguette de tradition, c'est quand même un produit extrêmement exigeant. Moi je dis que c'est très compliqué et de toute façon, ils dessinent clairement un modèle où on aura d'un côté un peu le pain des pauvres et de l'autre le pain des riches, il y a une vraie fragmentation du marché entre ces deux segments. Et ce qui représente aujourd'hui 80% de la boulangerie artisanale française, qui est un peu la boulangerie moyenne sans positionnement très affirmé, c'est compliqué pour elle d'exister. Et ça pose effectivement la question de la place de la baguette, globalement.

  • Speaker #0

    Donc la boulangerie s'oriente un peu comme la pâtisserie, c'est diminution du nombre d'unités et évolution vers le premium.

  • Speaker #1

    Malheureusement, oui. De toute façon, pour plein de raisons. aujourd'hui on... On est très attaché au fait qu'on ait un nombre assez important de points de vente. Alors, je suis ici pour pouvoir en discuter très longtemps. Certaines sources, selon la force du vent, selon l'alignement des planètes, c'est 30 000. Un autre jour, c'est 35 000. Un autre jour, c'est 33 000. Pour moi, il n'y a pas de réalité dans tout ça. On serait sans doute beaucoup plus proche des 25 000, 27 000 maximum. Oui, c'est déjà une grosse différence. Après, il y a une réalité économique parce que forcément, ces points de vente n'arrivent plus à atteindre une pérennité. Après, il y a d'autres réalités aussi sur le plan environnemental. On doit se poser la question, est-ce que c'est une bonne chose d'avoir autant de boulangeries en France avec des fournils qui ne sont pas forcément utilisés en totalité, qui sont utilisés peut-être à 30%, 40% de leur capacité parfois ?

  • Speaker #0

    Mais ça, c'est les 30 à 40 % d'utilisation. C'est dans le cas où ils s'orientent vers le modèle qu'on essaie de vendre à tout le monde, la diversification vers la restauration, non ?

  • Speaker #1

    Oui, notamment, effectivement. Mais malgré tout, même quand on installe un fournil, même si on travaille bien, avec une baisse chronique de la consommation de pain, on l'utilise sans doute pas en totalité, le fournil, même si on travaille bien. donc Il y a une vraie question sur le modèle qu'on déploie, notamment en Champagne ou dans des petites villes, on a quand même peu d'habitants, donc on a des petites affaires. Même si on a un équipement minimal, on a souvent déjà un équipement qui est surdimensionné par rapport à la réalité du besoin. Donc il faut se poser la question de quel modèle on déploie, et est-ce que parfois il ne faut pas mieux centraliser, avoir des boutiques froides en satellite ? plutôt que de vouloir toujours installer un fournil et pour

  • Speaker #0

    pour pouvoir prétendre à l'appellation boulangerie.

  • Speaker #1

    Et justement, j'allais aborder cette question, vous venez de souligner, la profession de la Confédération, elle est un peu en décalage, parce que moi déjà, à l'époque de Question Boulange, j'avais déjà un artisan qui avait la problématique, il avait des boutiques, mais il ne pouvait pas appeler. boulangerie et finalement comme vous dites il ya un moment donné où il faut la centralisation centraliser la production parce que sinon on n'y arrive pas et pourquoi un boulanger serait boulanger dans une boutique avec un fournil et pourquoi il serait pas boulanger avec un bout d'un fournil qui serait pas dans sa boutique et c'est là qu'on voit que finalement la confédération les instances de la boulangerie artisanale est quand même en décalage total de les par rapport à l'évolution de la société enfin

  • Speaker #0

    Oui, après, je pense que là encore, il faut le voir à une époque. Et je pense que je vais essayer d'être un peu... de mettre à la place des gens qui ont sanctuarisé cette appellation. Je pense que c'était une bonne chose de le faire à l'époque. Et ça a permis malgré tout de se protéger. Oui, ça date.

  • Speaker #1

    Ça date de 96, je crois.

  • Speaker #0

    Oui, clairement, le monde a évolué en...

  • Speaker #1

    En 30 ans,

  • Speaker #0

    quand même. Non, mais clairement. Après... Moi, j'ai deux sujets par rapport à ça. Est-ce qu'aujourd'hui, marquer sur une devanture boulangerie, ça fait vraiment la différence ?

  • Speaker #1

    Je ne suis pas sûr.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas sûr. Donc franchement, là-dessus, pour moi, ce n'est pas le moment. Il ne faut pas être arc-bouté là-dessus. Il ne faut pas se dire que si tu n'as plus le droit à la création, c'est une catastrophe.

  • Speaker #1

    Non, mais en revanche, ça traduit un état d'esprit de la Confédération.

  • Speaker #0

    Oui, mais cet état d'esprit n'est pas uniquement présent. Je ne veux pas... Jeter l'opprobre sur la Confédération, plus globalement, je pense que beaucoup d'artisans, même qui soient affiliés à la Confédération ou pas, ne sont pas prêts à passer le pas et ils sont très attachés à la fabrication sur place. Parce qu'il y a plein d'arguments, pour eux ça crée des odeurs, etc. C'est ce que je peux comprendre, mais malheureusement, il y a une réalité qui fait que quand on a une activité qui est limitée, parce qu'on a des... des localités qui se désertifient, je pense qu'il faut être malin et trouver d'autres moyens de faire vivre son produit et de faire vivre son activité. Il ne faut pas être complètement assis sur un modèle qui est dépassé aujourd'hui. Je ne vais pas dire qu'il y a des gens qui sont meilleurs que d'autres dans la réflexion. Je pense qu'on a des vraies questions à se poser à l'échelle de la boulangerie française. Ça nous concerne tous. On n'a peut-être pas suffisamment passé de temps à se poser ces questions, à réfléchir collectivement sur le sujet. On est peut-être un peu trop centré sur des sujets tels que placer la baguette à l'UNESCO, développer des nouvelles appellations, etc. Non, mais on regarde un peu, on développe une série de concours, parfois ça me sidère un peu. Je pense qu'on n'a pas forcément les yeux centrés sur des réalités prioritaires. peut le regretter. Après, c'est difficile, et là-dessus, ça nous concerne tous, de regarder en face ce qui ne va pas et de se poser vraiment des questions. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'il y a des gens qui sont plus responsables que d'autres. Ils sont peut-être responsables parce qu'ils devraient représenter la profession, peut-être. Je ne vais pas leur jeter la pierre.

  • Speaker #1

    Après, vous comme moi, avec toutes les boutiques qu'on a vues, de toute façon, il n'y a pas un schéma. Ça, on est d'accord. Non,

  • Speaker #0

    il n'y a pas un schéma, non, mais justement, c'est ça, il y a plusieurs schémas, et puis la réalité d'un environnement est toujours très spécifique, et c'est pour ça qu'il faut être aujourd'hui, et encore plus qu'hier, très à l'écoute de son environnement, et puis il ne faut plus considérer qu'un artisan va s'installer parce que c'est une super opportunité, etc. Non, il faut voir son projet très en amont, il faut choisir son emplacement en fonction de ce qu'on a vraiment envie de faire, il y a plein de paramètres qu'il faut prendre en compte. Mais très en amont. Et aujourd'hui, on installe encore des boulangers comme si c'était facile, comme si on pouvait leur dire, regarde, tu vas te mettre là, tu vas pouvoir faire ce que tu veux. Sauf que non, c'est extrêmement complexe. Et il faut vraiment prendre en compte la réalité d'un environnement, d'une commune, d'un quartier, bien avant de s'installer. Et ça, je pense qu'on ne le fait pas suffisamment. Et je regrette que les partenaires de la filière, que sont les marchands de filière, les meuniers, les marchands de matériel, ne soient pas suffisamment impliqués dans cette logique-là, parce que c'est ça qui va définir ensuite la vie de leurs clients, la vie des artisans boulangers. Donc il y a un vrai travail à faire pour qu'on sensibilise mieux et qu'on construise mieux les projets. avant l'installation pour qu'ensuite l'artisan puisse faire quand même quelque chose qui ait du sens pour lui. Parce que c'est quand même important vu le niveau d'implication d'un artisan en entreprise. S'il se retrouve à faire quelque chose qui ne correspond pas du tout à ses valeurs et à sa vision du métier, et c'est le cas pour beaucoup de gens aujourd'hui je pense, il y a un vrai mal-être qui se crée en fait. Il suffit de lire des réseaux sociaux où s'expriment les boulangers sur Facebook, qui sont dans des groupes, etc. Je pense qu'il y a un vrai mal-être. Et ce mal-être est lié au fait qu'on n'a pas suffisamment été loin dans la réception. Et on laisse des gens tout seuls dans leur coin avec leurs problématiques. Et on ne leur apporte pas de solution. Du coup, ils tombent un peu dans la radicalité et se disent qu'il faut renverser la table. Je ne sais pas que ce soit la solution de renverser la table. Je pense qu'il y a d'autres choses à faire. Il y a des questions à se poser, certes. Mais renverser la table... Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Je le dis de façon très humble, parce que moi-même, j'ai tendu une volonté il y a quelques années de la renverser moi-même. Je pense qu'il faut se poser des questions, mais il ne faut pas aller dans l'extrémisme.

  • Speaker #1

    Là, vous reprochez le fait de laisser un peu isolés les artisans. Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Bien sûr. C'est clairement une profession qui aujourd'hui n'arrive plus à être collective. Et on le voit bien, vous parliez des mouvements de pensée sur la discussion, on en a des mouvements de pensée et ça dévie un peu. Chacun a sa petite chapelle. Il y en a qui disent « la Confédération c'est bien » , d'autres « non mais moi je suis meilleur que la Confédération » . Tout ça est quand même, somme toute, assez ridicule. Il faut être clair là-dessus. Je pense que vu les enjeux de la profession, il faut la jouer collectif. Il ne faut pas regarder la concurrence comme si c'était des vilains, etc. Moi-même, j'échange avec tout le monde. Sincèrement, je peux échanger avec des gens de la Fédération, j'échange avec des gens de la FED, etc. De chaque côté, j'ai des gens qui sont, malgré ce qu'on peut penser, tous assez impliqués dans ce qu'ils sont, qui ont leur vision du marché qui est la leur. Moi, je n'ai pas de sujet à échanger avec ces gens-là. Il faut que c'est très complémentaire d'avoir des visions différentes et ça nous permet d'avancer. Alors qu'aujourd'hui, on a tendance dans la filière à être sur le repli sur soi. Je pense qu'il y a des gens qui devraient s'impliquer, encore une fois je le dis, et il faudrait s'impliquer beaucoup plus dans la création d'un collectif plutôt que d'isoler les gens. Et là-dessus, pour moi, il y a quand même des partenaires majeurs des boulangers, encore une fois les modiers, qui devraient faire beaucoup plus ce job. Pour moi, le meunier devrait devenir un peu le premier réseau social du boulanger, dans le sens qu'il a le contact avec le terrain, il voit ce qui se fait, il voit les bonnes initiatives, il pourrait partager avec ses clients, parce que potentiellement quand même on est client d'un même meunier, on a quand même des valeurs en commun, il pourrait participer à diffuser ses bonnes pratiques, et pas uniquement faire un peu de la formation, qui pour moi est plus un outil de la relation commerciale, il pourrait s'impliquer beaucoup plus. Et le meunier n'est pas seul. Je parlais du marchand de matériel, il pourrait aussi... Mais c'est un changement de doctrine. Il faut qu'il change de doctrine et qu'il soit plus uniquement dans la logique de se dire c'est un intérêt à court terme de l'artisan boulanger, mais je pense plutôt sur le temps long et quels outils je mets en œuvre pour faire en sorte que cet artisan boulanger, certes, aujourd'hui, il prend de la matière première, il prend de l'équipement, mais mon objectif, c'est qu'il soit encore là demain. que son affaire soit transmissible pour que moi aussi finisse par vivre aussi sur le long terme. Et là-dessus, je pense qu'il y a une vraie révolution culturelle à mener. C'est beaucoup d'acteurs de la filière.

  • Speaker #1

    Mais certains, enfin moi, de ce que je vois, il y a certains meuniers quand même qui ont évolué, par rapport, si je prends, il y a 15 ans. Non,

  • Speaker #0

    mais bien sûr, ils ont évolué. Et là-dessus, c'est très clair. Et il y en a qui font le job de toute façon. assez impressionnante et on a des réussites. Parce qu'il faut voir, sur certaines régions françaises, on pouvait regretter le faible développement de la qualité en boulangerie artisanale, mais il y a un couple meunier-boulanger qui est très puissant, et on le voit dans certaines régions, on a des meuniers qui se développent parce qu'ils ont une vraie dynamique et ils portent la qualité de la boulangerie.

  • Speaker #1

    Oui, ils sont aux côtés de leurs clients et ça, ça se sent tout de suite.

  • Speaker #0

    Oui, ça se passe tout de suite. Et puis vraiment, moi, j'ai des exemples en région bordelaise. Il y a le forissaire qui a repris le chemin du Cournot il y a quelques années. Quand il a commencé la boulangerie bordelaise, sa région, la qualité, n'était pas du tout au rendez-vous. Il a fait un travail remarquable, ça l'a apporté et aujourd'hui c'est une vraie réussite. Et on a des gens qui comprennent le marché, qui comprennent qu'il y a besoin de faire ce collectif, de partager des bonnes pratiques, de partager un engagement. avec les artisans boulangers et ceux qui le font bien se développent, ça marche et c'est super positif pour tout le monde donc pour moi c'est juste une posture qu'il faut changer pas juste, c'est une posture historique notamment de la meunerie qui est quand même une position dans la filière qui est très centrale et qui est parfois très utile et très confortable mais c'est nécessaire parce que c'est juste une question de survie pour

  • Speaker #1

    Eh bien, nous arrivons au terme de cette première partie. Merci de l'avoir suivi. Dans la seconde partie, nous parlerons de diversification, donc de restauration.

  • Speaker #2

    Nous évoquerons également le développement des franchises et surtout des réseaux d'artisans. Et nous terminerons par la question des labels en boulangerie artisanale. Vous pouvez retrouver l'ensemble des épisodes ainsi que l'ensemble des reportages publiés dans la lettre de l'édition 1771 sur www.e. 1061.com et si vous préparez, vous pouvez également vous abonner au podcast via votre plateforme habituelle. Merci beaucoup et à très bientôt.

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