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#44. Vivre en appartement et rapport au temps, avec Sandrina Bourgeois, mamma et professionelle du médico social cover
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Agir pour l'autodétermination

#44. Vivre en appartement et rapport au temps, avec Sandrina Bourgeois, mamma et professionelle du médico social

#44. Vivre en appartement et rapport au temps, avec Sandrina Bourgeois, mamma et professionelle du médico social

13min |12/02/2024
Play
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Description

Pour ce 44ème épisode, je suis toujours avec Sandrina qui nous parle du projet d'habitat de Mathias!


Merci à Sandrina pour le partage de ces éléments de vie!

Pour en savoir plus:

- Campus Formation pour les programmes Agir pour l'autodétermination 


🎧 Très bonne écoute à tous, on compte toujours sur vous en 2024 pour nous mettre 5 ⭐️ et nous laisser un commentaire sympa 😉 !  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Alors cet épisode avec Sandrina va être consacré aujourd'hui à parler de la question de la temporalité et de l'accès à l'indemporalité. à la temporalité, pardon, pour Mathias. Qu'est-ce que tu peux nous raconter de ça dans les éléments de vie que tu as pu vivre et que Mathias vit également ?

  • Speaker #1

    Alors, François, donc, la temporalité, j'ai compris très, très tôt, en étant AMP éducatrice, que si on veut être inclus dans son projet de vie, si on veut être acteur de son projet de vie, il faut projet. Déjà, projet, c'est quelque chose vers le futur. Une vie, c'est quand même quelque chose qui est très étalé. Si on n'a pas accès à la temporalité, c'est très difficile de s'inscrire dans quelque chose qui nous concerne. On est l'objet du temps qui passe. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de conflits avec les résidents du foyer autour de la temporalité. On va voir après, on va le faire plus tard, demain. après. Il y a des résidents qui...

  • Speaker #0

    Avant, après, hier, demain.

  • Speaker #1

    Dessus, dessous, tous ces notions-là spatio-temporelles. Et ça amène beaucoup de conflits. C'est-à-dire que la personne qui dit après détient le temps et met du temps. Que si on dit regarde sur ta montre quand la petite aiguille sera à tel endroit et la grande aiguille sera à tel endroit, on va le faire à ce moment-là. Ça temporise, ça met du lien. Mais par contre, il faut respecter sa parole. Il faut y revenir après. Pareil au niveau des départs en week-end en famille. On s'est rendu compte qu'il y avait des résidents. Quand ils ne partaient pas en famille, ils avaient des grosses frustrations. Il y avait de la casse. Parce que c'était l'éducateur qui disait Maman a téléphoné. Maintenant, on passe le téléphone. Mais maman a téléphoné et tu ne peux pas repartir ce week-end. C'est à l'éducateur qu'il en veut. C'est pas à la maman. Donc avec un tableau sur le mur, avec les départs, week-end et les petites flèches qui vont avec, la personne visualise et c'est le tableau qui devient responsable du temps. Ce n'est plus la personne qui annonce la mauvaise nouvelle. Donc très très tôt, j'ai mis ça en place avec Mathias, tout ce qui était les outils temporels, alors que Mathias n'a pas de notion mathématique. Ça c'est compliqué par contre. C'est pas lire l'heure, donc il est 9h15 en permanence. Même quand on lui demande autour à quelle heure tu dois aller, 9h15, toujours 9h15. Alors ? Donc, il ne sait pas ce que c'est un quart, un quart de quoi, moins le quart de quoi, ou 35, ou 40, ou 50. La comptine numérique, il le sait, il sait compter, mais pas au niveau de l'heure. Par contre, il a une montre depuis toujours, avec tous les chiffres qui sont indiqués, des aiguilles, et il sait l'heure qu'il est, ou au moins la situation dans la journée, en fonction de la place des aiguilles sur le cadran. Et là, il sait parfaitement se repérer. Il sait que si je suis partie en voiture au travail, il sait à peu près à quelle heure je vais rentrer. Le soir, je ne transige pas, il y a un horaire de fin, c'est tout. Donc, il sait à quelle heure je vais rentrer. Si ça dépasse, il m'appelle. Il me dit, alors il y a bouchon ou quoi ? Si je suis partie en vélo, il sait que ça va durer plus longtemps. Il va repérer à quelle heure je rentrais quand je pars à vélo. Et c'est pareil, il va m'appeler en me disant ça y est, je suis rentrée. Donc il a vraiment conscientisé les horaires. Il sait si c'est Arnaud qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait si c'est l'association qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait se repérer rien qu'avec la place des aiguilles. Et pareil pour la situation dans le mois, la semaine et l'année. Il a un calendrier.

  • Speaker #0

    Que t'en as évoqué dans l'épisode précédent.

  • Speaker #1

    Avec des éléments bien notés dessus. Qui fait qu'il a le pouvoir de comprendre que le temps ne dépend pas ni de moi, ni de lui. Quand il était petit, les premiers calendriers qu'il avait eus... En fait, c'est un peu la pensée magique. C'est qu'il veut aller plus vite chez papa, donc il barre les jours. En se disant, ça y est, c'est chez mon père. Je dis, non, là, t'as triché un peu. T'as barré trois jours. C'est pas comme ça que ça marche. Et donc, il a compris qu'effectivement, le temps, il y a un déroulé de temps sur lequel personne n'a d'influence. Et ça, c'est très, très important de le travailler avec les personnes qui ont, je pense, c'est mon avis, une personne qui a une déficience intellectuelle, c'est de leur rendre le pouvoir sur le temps de leur vie.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est des choses que tu as travaillées très tôt avec Mathias ?

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    très très tôt. À partir de quel âge ?

  • Speaker #1

    Avant même 10 ans. Avant 10 ans, avant 7 ans, c'était vraiment d'énormes troubles. Il y avait des gros troubles du comportement. Il y avait des tics, des trocs, des cris. Il y avait presque un diagnostic d'autisme qui avait été posé. Il y avait une espèce de surdité même à certains sons. C'était vraiment très très compliqué la période de la petite enfance. Mais dès l'instant où il a saisi que le langage avait une vocation de communication. Ça s'est apaisé petit à petit. Ça s'est apaisé de plus en plus. Et aujourd'hui, il est curieux de choses que j'ai du mal à expliquer. Il m'interroge sur l'actualité, par exemple. Il est féru du journal télévisé. Donc, il me dit, ma mère, ma mère, viens, viens, viens, vite, vite, vite. Je suis occupée. Non, mais viens, viens, vite. Assis, Qu'est-ce qui se passe avec les gilets jaunes ? C'est quoi les gilets jaunes ? Expliquer l'actualité comme si je l'expliquais à un enfant de 4 ans. Du très très simple. C'est presque basique. C'est de la vulgarisation à l'extrême, mais au moins il a un petit bagage de quelque chose. Et après,

  • Speaker #0

    pareil, tu vois, par exemple, sur le fait de vivre en autonomie, en appartement, quand Comment tu as travaillé ça aussi sur la péremption des aliments ou dans le frigo ? Est-ce que c'est des choses que tu as travaillé avec lui ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est venu de lui. Donc déjà, l'appartement. L'appartement, c'est lui qui me l'a réclamé. Ça fait environ 4 ans et demi, 5 ans qu'il me réclame l'appartement. Parce qu'il voit dans l'entourage, son frère avait un appartement à acheter une maison, les cousins, tout ça, tout le monde commence à avoir un appartement. Même des gens qui sont un peu plus jeunes que lui, à un moment, vont en appartement. Donc, il me disait, moi aussi, appartement, j'en ai marre ma mère. Alors, je me dis, je suis super contente qu'il me dise ça, parce que ça veut dire qu'on n'est plus lié à la vie et à la mort. Donc, je suis contente qu'il le dise. Et en même temps, je me dis, merde, quand même, avec tous les efforts que je fais, il fait chier. Toujours ce paradoxe qui existe, en fait. Et donc, on a travaillé avec la ferme de la motte. Déjà, commencer à faire un petit peu qu'est-ce que c'est que la vie, une expérimentation de la vie en appartement. Il y a eu un incident en 2016, ma maison a brûlé, donc j'ai dû aller vivre ailleurs très très vite. Et donc pour favoriser l'autonomie de Mathias, on était allé vivre à la ferme. Il y a deux gîtes ruraux à la ferme.

  • Speaker #0

    Là où il est accueilli aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Là où il est accueilli aujourd'hui. Donc j'ai loué le gîte avec la surproposition du directeur. C'était beaucoup plus confortable pour Mathias, même si j'étais plus loin du boulot. Et en fait, on voyait qu'il y avait deux possibilités de logement. Peut-être les douches à refaire. Fallait remettre un peu de l'induction plutôt que de claques électriques. Des choses comme ça que moi, j'ai vues assez vite. Et quand on n'a plus vécu là, j'ai dit, ce serait bien quand même qu'on fasse de l'expérimentation, du séjour et tout ça. Et là, comme c'est un directeur super ouvert, on a été bénévole. Il y a des bénévoles qui sont venus. Donc, ma meilleure amie Anne, qui était aussi éduque et qui était cadre aussi. qui est venu. Donc, ils ont fait des petits ateliers cuisine l'après-midi, les courses avec leur éducatrice, l'atelier cuisine sur ce qu'ils allaient manger le soir et le lendemain, le choix du menu. Et puis, nous, on arrivait à 18h. Quand Mathias était dans l'appartement, il ne savait pas que j'étais bénévole. Moi, je n'étais pas bénévole pour les fermiers. J'étais bénévole pour la bénévole. Le directeur me dit, je veux bien qu'il y ait un bénévole, mais il n'est pas tout seul. Parce que s'il lui arrive quelque chose, vraiment, il n'y a plus de filet. Donc, moi, je venais pour assurer que... qu'on allait bien, les deux bénévoles allaient bien. Mais Mathias pensait que j'étais à la maison. Et en fait, ils ont vécu comme ça, des essais de vie entre copains. Parce que ce n'était pas dans le but de l'autonomie. Un adolescent, quand il quitte ses parents, ce n'est pas pour apprendre à faire la cuisine et faire son lit au carré. C'est pour bouffer des pâtes et des pizzas et laisser la vaisselle dans l'évier et jouer à la Game Boy ou à la je ne sais pas quoi.

  • Speaker #0

    À la Switch. Maintenant, on dit c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    À la Switch, voilà. Je ne suis pas d'accord,

  • Speaker #0

    mais bon. C'était notre génération. Voilà, maintenant, c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    En tout cas, quand un adolescent quitte ses parents, ce n'est certainement pas pour revivre la même chose. C'est pour la liberté, pour le fun et tout ça. Et je disais aux mamans, mais... On ne va pas leur donner des draps et des housses de couette. On va leur donner un duvet. Il faut que ce soit simple. Il faut qu'ils prennent le goût, le goût de cette vie en autonomie ou en colloque, mais pas l'implication, les devoirs de ce qu'il faut faire tout de suite. Donc, ils veulent bouffer une salade de riz et des pizzas, tant mieux. Ils ne vont pas se brosser les dents. Ils ne vont pas avoir 12 caries pour le coup. Ils ne vont pas se laver correctement, mais ce n'est pas grave. C'est une nuit ou deux. Le but, c'est de donner ce goût, cette appétence pour... Ah ouais, ça peut être bien. Avec tous les bons côtés, c'est-à-dire pas les côtés qu'on a quand on est parent, les côtés qu'on pense quand on est ado. Et donc, il a vécu ça plusieurs fois. Et donc, il y a eu cette demande récurrente de vivre en appartement. Et puis, comme toujours dans la vie, il y a un moment où il y a des choses qui s'imposent. Et donc, les transports de Liévin à Kéry-la-Motte sont hors de prix aujourd'hui. Donc, je me dis, il y a un moment, il va falloir qu'on pense à passer le cap. Et c'est le directeur de la ferme qui nous a dit, justement, il y a un fermier qui vient d'avoir un appartement à Hénin-Beaumont. Hénin-Beaumont, c'est dans notre secteur de passage, de ramassage, donc ça évite de payer les transports. Et on pourrait peut-être faire les démarches à cet endroit-là, voir avec le SAVS, voir comment ça peut se passer. Et donc, on a pris contact avec la chef de service de l'APEI et d'Incarvin, qu'on est allés rencontrer, avec un Mathias qui ne savait pas expliquer son projet. Parce que d'un coup, il y avait une réalité. Et cette réalité-là, elle n'était pas du tout construite. Il ne voulait plus appartement. On arrive à la réunion.

  • Speaker #0

    Pourquoi il ne voulait plus appartement ?

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'il ne va plus chez son père, il ne va plus chez sa mère, il ne va plus à la ferme, il ne voit plus les copains. Sa projection, c'était l'appartement, c'est une entité à part entière. C'est que l'appartement. Il n'y a plus rien à côté. Donc, il a fallu que je redécortique tout en disant, si, si, si, ce sera encore un week-end chez papa, un week-end chez maman. Oui, tu vas encore voir les copains qui viennent manger chez toi. Oui, tu iras encore chez ton barbier si c'est celui-là que tu veux. Oui, tu iras encore chez l'orthophoniste. Il a fallu construire concrètement, projeter des choses concrètes qui n'existent pas encore, pour le rassurer. Et donc là, on a eu la réponse. Il devra avoir son appartement à Hénin-Beaumont à la fin de l'année.

  • Speaker #0

    Et comment il se projette justement par rapport aux peurs qu'il peut avoir de cet appartement ? Est-ce que tu as travaillé sur l'aménagement avec lui, sur les peintures ? Comment tu l'as fait, ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Je lui ai expliqué qu'il allait avoir une chambre, qu'il allait avoir une salle à manger, qu'il aurait une télé beaucoup plus grande que la petite télé dans sa chambre. Oui, il aurait sa PS3. Il aurait tous ses livres. On allait mettre des étagères avec des jeux. Les tableaux sur les murs. Qu'est-ce que tu veux comme tableau sur les murs ? Yu-Gi-Oh ! Oui, très bien. On commandera des beaux tableaux Yu-Gi-Oh ! On va mettre de la peinture aussi. Quelle couleur tu vas choisir ? Du bleu, très bien. On ira acheter du bleu.

  • Speaker #0

    C'est de l'habitat inclusif ? C'est sous forme d'habitat inclusif ?

  • Speaker #1

    Alors c'est de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif vient d'être créé, c'est-à-dire qu'il est juste émergent là.

  • Speaker #0

    C'est une nouvelle construction ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est dans cette résidence à Hénin-Beaumont, il y avait le SAVS qui travaillait avec des personnes accompagnées par la PEI, qui vont déménager à Carvin et qui libèrent des appartements. Et c'est pour faire justement de l'habitat inclusif. Il y aura une pièce sur place. La difficulté, c'est que Mathias, il est déjà engagé au SAJ à la ferme toute la semaine. Mais on est parti sur le principe qu'il allait participer à l'inclusif. Mais comment ? Ce n'est pas lui qui peut dire, oui, oui, je veux bien faire des activités. Il ne sait pas quelles activités, puisque ça n'existe même pas encore.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'il expérimente. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, exactement. Et puis, si ça ne fonctionne pas, on verra bien. Mais en tout cas, on y part enthousiaste pour deux.

  • Speaker #0

    Merci Sandrina.

  • Speaker #1

    De rien François.

  • Speaker #0

    Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.

Description

Pour ce 44ème épisode, je suis toujours avec Sandrina qui nous parle du projet d'habitat de Mathias!


Merci à Sandrina pour le partage de ces éléments de vie!

Pour en savoir plus:

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🎧 Très bonne écoute à tous, on compte toujours sur vous en 2024 pour nous mettre 5 ⭐️ et nous laisser un commentaire sympa 😉 !  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Alors cet épisode avec Sandrina va être consacré aujourd'hui à parler de la question de la temporalité et de l'accès à l'indemporalité. à la temporalité, pardon, pour Mathias. Qu'est-ce que tu peux nous raconter de ça dans les éléments de vie que tu as pu vivre et que Mathias vit également ?

  • Speaker #1

    Alors, François, donc, la temporalité, j'ai compris très, très tôt, en étant AMP éducatrice, que si on veut être inclus dans son projet de vie, si on veut être acteur de son projet de vie, il faut projet. Déjà, projet, c'est quelque chose vers le futur. Une vie, c'est quand même quelque chose qui est très étalé. Si on n'a pas accès à la temporalité, c'est très difficile de s'inscrire dans quelque chose qui nous concerne. On est l'objet du temps qui passe. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de conflits avec les résidents du foyer autour de la temporalité. On va voir après, on va le faire plus tard, demain. après. Il y a des résidents qui...

  • Speaker #0

    Avant, après, hier, demain.

  • Speaker #1

    Dessus, dessous, tous ces notions-là spatio-temporelles. Et ça amène beaucoup de conflits. C'est-à-dire que la personne qui dit après détient le temps et met du temps. Que si on dit regarde sur ta montre quand la petite aiguille sera à tel endroit et la grande aiguille sera à tel endroit, on va le faire à ce moment-là. Ça temporise, ça met du lien. Mais par contre, il faut respecter sa parole. Il faut y revenir après. Pareil au niveau des départs en week-end en famille. On s'est rendu compte qu'il y avait des résidents. Quand ils ne partaient pas en famille, ils avaient des grosses frustrations. Il y avait de la casse. Parce que c'était l'éducateur qui disait Maman a téléphoné. Maintenant, on passe le téléphone. Mais maman a téléphoné et tu ne peux pas repartir ce week-end. C'est à l'éducateur qu'il en veut. C'est pas à la maman. Donc avec un tableau sur le mur, avec les départs, week-end et les petites flèches qui vont avec, la personne visualise et c'est le tableau qui devient responsable du temps. Ce n'est plus la personne qui annonce la mauvaise nouvelle. Donc très très tôt, j'ai mis ça en place avec Mathias, tout ce qui était les outils temporels, alors que Mathias n'a pas de notion mathématique. Ça c'est compliqué par contre. C'est pas lire l'heure, donc il est 9h15 en permanence. Même quand on lui demande autour à quelle heure tu dois aller, 9h15, toujours 9h15. Alors ? Donc, il ne sait pas ce que c'est un quart, un quart de quoi, moins le quart de quoi, ou 35, ou 40, ou 50. La comptine numérique, il le sait, il sait compter, mais pas au niveau de l'heure. Par contre, il a une montre depuis toujours, avec tous les chiffres qui sont indiqués, des aiguilles, et il sait l'heure qu'il est, ou au moins la situation dans la journée, en fonction de la place des aiguilles sur le cadran. Et là, il sait parfaitement se repérer. Il sait que si je suis partie en voiture au travail, il sait à peu près à quelle heure je vais rentrer. Le soir, je ne transige pas, il y a un horaire de fin, c'est tout. Donc, il sait à quelle heure je vais rentrer. Si ça dépasse, il m'appelle. Il me dit, alors il y a bouchon ou quoi ? Si je suis partie en vélo, il sait que ça va durer plus longtemps. Il va repérer à quelle heure je rentrais quand je pars à vélo. Et c'est pareil, il va m'appeler en me disant ça y est, je suis rentrée. Donc il a vraiment conscientisé les horaires. Il sait si c'est Arnaud qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait si c'est l'association qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait se repérer rien qu'avec la place des aiguilles. Et pareil pour la situation dans le mois, la semaine et l'année. Il a un calendrier.

  • Speaker #0

    Que t'en as évoqué dans l'épisode précédent.

  • Speaker #1

    Avec des éléments bien notés dessus. Qui fait qu'il a le pouvoir de comprendre que le temps ne dépend pas ni de moi, ni de lui. Quand il était petit, les premiers calendriers qu'il avait eus... En fait, c'est un peu la pensée magique. C'est qu'il veut aller plus vite chez papa, donc il barre les jours. En se disant, ça y est, c'est chez mon père. Je dis, non, là, t'as triché un peu. T'as barré trois jours. C'est pas comme ça que ça marche. Et donc, il a compris qu'effectivement, le temps, il y a un déroulé de temps sur lequel personne n'a d'influence. Et ça, c'est très, très important de le travailler avec les personnes qui ont, je pense, c'est mon avis, une personne qui a une déficience intellectuelle, c'est de leur rendre le pouvoir sur le temps de leur vie.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est des choses que tu as travaillées très tôt avec Mathias ?

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    très très tôt. À partir de quel âge ?

  • Speaker #1

    Avant même 10 ans. Avant 10 ans, avant 7 ans, c'était vraiment d'énormes troubles. Il y avait des gros troubles du comportement. Il y avait des tics, des trocs, des cris. Il y avait presque un diagnostic d'autisme qui avait été posé. Il y avait une espèce de surdité même à certains sons. C'était vraiment très très compliqué la période de la petite enfance. Mais dès l'instant où il a saisi que le langage avait une vocation de communication. Ça s'est apaisé petit à petit. Ça s'est apaisé de plus en plus. Et aujourd'hui, il est curieux de choses que j'ai du mal à expliquer. Il m'interroge sur l'actualité, par exemple. Il est féru du journal télévisé. Donc, il me dit, ma mère, ma mère, viens, viens, viens, vite, vite, vite. Je suis occupée. Non, mais viens, viens, vite. Assis, Qu'est-ce qui se passe avec les gilets jaunes ? C'est quoi les gilets jaunes ? Expliquer l'actualité comme si je l'expliquais à un enfant de 4 ans. Du très très simple. C'est presque basique. C'est de la vulgarisation à l'extrême, mais au moins il a un petit bagage de quelque chose. Et après,

  • Speaker #0

    pareil, tu vois, par exemple, sur le fait de vivre en autonomie, en appartement, quand Comment tu as travaillé ça aussi sur la péremption des aliments ou dans le frigo ? Est-ce que c'est des choses que tu as travaillé avec lui ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est venu de lui. Donc déjà, l'appartement. L'appartement, c'est lui qui me l'a réclamé. Ça fait environ 4 ans et demi, 5 ans qu'il me réclame l'appartement. Parce qu'il voit dans l'entourage, son frère avait un appartement à acheter une maison, les cousins, tout ça, tout le monde commence à avoir un appartement. Même des gens qui sont un peu plus jeunes que lui, à un moment, vont en appartement. Donc, il me disait, moi aussi, appartement, j'en ai marre ma mère. Alors, je me dis, je suis super contente qu'il me dise ça, parce que ça veut dire qu'on n'est plus lié à la vie et à la mort. Donc, je suis contente qu'il le dise. Et en même temps, je me dis, merde, quand même, avec tous les efforts que je fais, il fait chier. Toujours ce paradoxe qui existe, en fait. Et donc, on a travaillé avec la ferme de la motte. Déjà, commencer à faire un petit peu qu'est-ce que c'est que la vie, une expérimentation de la vie en appartement. Il y a eu un incident en 2016, ma maison a brûlé, donc j'ai dû aller vivre ailleurs très très vite. Et donc pour favoriser l'autonomie de Mathias, on était allé vivre à la ferme. Il y a deux gîtes ruraux à la ferme.

  • Speaker #0

    Là où il est accueilli aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Là où il est accueilli aujourd'hui. Donc j'ai loué le gîte avec la surproposition du directeur. C'était beaucoup plus confortable pour Mathias, même si j'étais plus loin du boulot. Et en fait, on voyait qu'il y avait deux possibilités de logement. Peut-être les douches à refaire. Fallait remettre un peu de l'induction plutôt que de claques électriques. Des choses comme ça que moi, j'ai vues assez vite. Et quand on n'a plus vécu là, j'ai dit, ce serait bien quand même qu'on fasse de l'expérimentation, du séjour et tout ça. Et là, comme c'est un directeur super ouvert, on a été bénévole. Il y a des bénévoles qui sont venus. Donc, ma meilleure amie Anne, qui était aussi éduque et qui était cadre aussi. qui est venu. Donc, ils ont fait des petits ateliers cuisine l'après-midi, les courses avec leur éducatrice, l'atelier cuisine sur ce qu'ils allaient manger le soir et le lendemain, le choix du menu. Et puis, nous, on arrivait à 18h. Quand Mathias était dans l'appartement, il ne savait pas que j'étais bénévole. Moi, je n'étais pas bénévole pour les fermiers. J'étais bénévole pour la bénévole. Le directeur me dit, je veux bien qu'il y ait un bénévole, mais il n'est pas tout seul. Parce que s'il lui arrive quelque chose, vraiment, il n'y a plus de filet. Donc, moi, je venais pour assurer que... qu'on allait bien, les deux bénévoles allaient bien. Mais Mathias pensait que j'étais à la maison. Et en fait, ils ont vécu comme ça, des essais de vie entre copains. Parce que ce n'était pas dans le but de l'autonomie. Un adolescent, quand il quitte ses parents, ce n'est pas pour apprendre à faire la cuisine et faire son lit au carré. C'est pour bouffer des pâtes et des pizzas et laisser la vaisselle dans l'évier et jouer à la Game Boy ou à la je ne sais pas quoi.

  • Speaker #0

    À la Switch. Maintenant, on dit c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    À la Switch, voilà. Je ne suis pas d'accord,

  • Speaker #0

    mais bon. C'était notre génération. Voilà, maintenant, c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    En tout cas, quand un adolescent quitte ses parents, ce n'est certainement pas pour revivre la même chose. C'est pour la liberté, pour le fun et tout ça. Et je disais aux mamans, mais... On ne va pas leur donner des draps et des housses de couette. On va leur donner un duvet. Il faut que ce soit simple. Il faut qu'ils prennent le goût, le goût de cette vie en autonomie ou en colloque, mais pas l'implication, les devoirs de ce qu'il faut faire tout de suite. Donc, ils veulent bouffer une salade de riz et des pizzas, tant mieux. Ils ne vont pas se brosser les dents. Ils ne vont pas avoir 12 caries pour le coup. Ils ne vont pas se laver correctement, mais ce n'est pas grave. C'est une nuit ou deux. Le but, c'est de donner ce goût, cette appétence pour... Ah ouais, ça peut être bien. Avec tous les bons côtés, c'est-à-dire pas les côtés qu'on a quand on est parent, les côtés qu'on pense quand on est ado. Et donc, il a vécu ça plusieurs fois. Et donc, il y a eu cette demande récurrente de vivre en appartement. Et puis, comme toujours dans la vie, il y a un moment où il y a des choses qui s'imposent. Et donc, les transports de Liévin à Kéry-la-Motte sont hors de prix aujourd'hui. Donc, je me dis, il y a un moment, il va falloir qu'on pense à passer le cap. Et c'est le directeur de la ferme qui nous a dit, justement, il y a un fermier qui vient d'avoir un appartement à Hénin-Beaumont. Hénin-Beaumont, c'est dans notre secteur de passage, de ramassage, donc ça évite de payer les transports. Et on pourrait peut-être faire les démarches à cet endroit-là, voir avec le SAVS, voir comment ça peut se passer. Et donc, on a pris contact avec la chef de service de l'APEI et d'Incarvin, qu'on est allés rencontrer, avec un Mathias qui ne savait pas expliquer son projet. Parce que d'un coup, il y avait une réalité. Et cette réalité-là, elle n'était pas du tout construite. Il ne voulait plus appartement. On arrive à la réunion.

  • Speaker #0

    Pourquoi il ne voulait plus appartement ?

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'il ne va plus chez son père, il ne va plus chez sa mère, il ne va plus à la ferme, il ne voit plus les copains. Sa projection, c'était l'appartement, c'est une entité à part entière. C'est que l'appartement. Il n'y a plus rien à côté. Donc, il a fallu que je redécortique tout en disant, si, si, si, ce sera encore un week-end chez papa, un week-end chez maman. Oui, tu vas encore voir les copains qui viennent manger chez toi. Oui, tu iras encore chez ton barbier si c'est celui-là que tu veux. Oui, tu iras encore chez l'orthophoniste. Il a fallu construire concrètement, projeter des choses concrètes qui n'existent pas encore, pour le rassurer. Et donc là, on a eu la réponse. Il devra avoir son appartement à Hénin-Beaumont à la fin de l'année.

  • Speaker #0

    Et comment il se projette justement par rapport aux peurs qu'il peut avoir de cet appartement ? Est-ce que tu as travaillé sur l'aménagement avec lui, sur les peintures ? Comment tu l'as fait, ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Je lui ai expliqué qu'il allait avoir une chambre, qu'il allait avoir une salle à manger, qu'il aurait une télé beaucoup plus grande que la petite télé dans sa chambre. Oui, il aurait sa PS3. Il aurait tous ses livres. On allait mettre des étagères avec des jeux. Les tableaux sur les murs. Qu'est-ce que tu veux comme tableau sur les murs ? Yu-Gi-Oh ! Oui, très bien. On commandera des beaux tableaux Yu-Gi-Oh ! On va mettre de la peinture aussi. Quelle couleur tu vas choisir ? Du bleu, très bien. On ira acheter du bleu.

  • Speaker #0

    C'est de l'habitat inclusif ? C'est sous forme d'habitat inclusif ?

  • Speaker #1

    Alors c'est de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif vient d'être créé, c'est-à-dire qu'il est juste émergent là.

  • Speaker #0

    C'est une nouvelle construction ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est dans cette résidence à Hénin-Beaumont, il y avait le SAVS qui travaillait avec des personnes accompagnées par la PEI, qui vont déménager à Carvin et qui libèrent des appartements. Et c'est pour faire justement de l'habitat inclusif. Il y aura une pièce sur place. La difficulté, c'est que Mathias, il est déjà engagé au SAJ à la ferme toute la semaine. Mais on est parti sur le principe qu'il allait participer à l'inclusif. Mais comment ? Ce n'est pas lui qui peut dire, oui, oui, je veux bien faire des activités. Il ne sait pas quelles activités, puisque ça n'existe même pas encore.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'il expérimente. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, exactement. Et puis, si ça ne fonctionne pas, on verra bien. Mais en tout cas, on y part enthousiaste pour deux.

  • Speaker #0

    Merci Sandrina.

  • Speaker #1

    De rien François.

  • Speaker #0

    Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.

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Description

Pour ce 44ème épisode, je suis toujours avec Sandrina qui nous parle du projet d'habitat de Mathias!


Merci à Sandrina pour le partage de ces éléments de vie!

Pour en savoir plus:

- Campus Formation pour les programmes Agir pour l'autodétermination 


🎧 Très bonne écoute à tous, on compte toujours sur vous en 2024 pour nous mettre 5 ⭐️ et nous laisser un commentaire sympa 😉 !  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Alors cet épisode avec Sandrina va être consacré aujourd'hui à parler de la question de la temporalité et de l'accès à l'indemporalité. à la temporalité, pardon, pour Mathias. Qu'est-ce que tu peux nous raconter de ça dans les éléments de vie que tu as pu vivre et que Mathias vit également ?

  • Speaker #1

    Alors, François, donc, la temporalité, j'ai compris très, très tôt, en étant AMP éducatrice, que si on veut être inclus dans son projet de vie, si on veut être acteur de son projet de vie, il faut projet. Déjà, projet, c'est quelque chose vers le futur. Une vie, c'est quand même quelque chose qui est très étalé. Si on n'a pas accès à la temporalité, c'est très difficile de s'inscrire dans quelque chose qui nous concerne. On est l'objet du temps qui passe. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de conflits avec les résidents du foyer autour de la temporalité. On va voir après, on va le faire plus tard, demain. après. Il y a des résidents qui...

  • Speaker #0

    Avant, après, hier, demain.

  • Speaker #1

    Dessus, dessous, tous ces notions-là spatio-temporelles. Et ça amène beaucoup de conflits. C'est-à-dire que la personne qui dit après détient le temps et met du temps. Que si on dit regarde sur ta montre quand la petite aiguille sera à tel endroit et la grande aiguille sera à tel endroit, on va le faire à ce moment-là. Ça temporise, ça met du lien. Mais par contre, il faut respecter sa parole. Il faut y revenir après. Pareil au niveau des départs en week-end en famille. On s'est rendu compte qu'il y avait des résidents. Quand ils ne partaient pas en famille, ils avaient des grosses frustrations. Il y avait de la casse. Parce que c'était l'éducateur qui disait Maman a téléphoné. Maintenant, on passe le téléphone. Mais maman a téléphoné et tu ne peux pas repartir ce week-end. C'est à l'éducateur qu'il en veut. C'est pas à la maman. Donc avec un tableau sur le mur, avec les départs, week-end et les petites flèches qui vont avec, la personne visualise et c'est le tableau qui devient responsable du temps. Ce n'est plus la personne qui annonce la mauvaise nouvelle. Donc très très tôt, j'ai mis ça en place avec Mathias, tout ce qui était les outils temporels, alors que Mathias n'a pas de notion mathématique. Ça c'est compliqué par contre. C'est pas lire l'heure, donc il est 9h15 en permanence. Même quand on lui demande autour à quelle heure tu dois aller, 9h15, toujours 9h15. Alors ? Donc, il ne sait pas ce que c'est un quart, un quart de quoi, moins le quart de quoi, ou 35, ou 40, ou 50. La comptine numérique, il le sait, il sait compter, mais pas au niveau de l'heure. Par contre, il a une montre depuis toujours, avec tous les chiffres qui sont indiqués, des aiguilles, et il sait l'heure qu'il est, ou au moins la situation dans la journée, en fonction de la place des aiguilles sur le cadran. Et là, il sait parfaitement se repérer. Il sait que si je suis partie en voiture au travail, il sait à peu près à quelle heure je vais rentrer. Le soir, je ne transige pas, il y a un horaire de fin, c'est tout. Donc, il sait à quelle heure je vais rentrer. Si ça dépasse, il m'appelle. Il me dit, alors il y a bouchon ou quoi ? Si je suis partie en vélo, il sait que ça va durer plus longtemps. Il va repérer à quelle heure je rentrais quand je pars à vélo. Et c'est pareil, il va m'appeler en me disant ça y est, je suis rentrée. Donc il a vraiment conscientisé les horaires. Il sait si c'est Arnaud qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait si c'est l'association qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait se repérer rien qu'avec la place des aiguilles. Et pareil pour la situation dans le mois, la semaine et l'année. Il a un calendrier.

  • Speaker #0

    Que t'en as évoqué dans l'épisode précédent.

  • Speaker #1

    Avec des éléments bien notés dessus. Qui fait qu'il a le pouvoir de comprendre que le temps ne dépend pas ni de moi, ni de lui. Quand il était petit, les premiers calendriers qu'il avait eus... En fait, c'est un peu la pensée magique. C'est qu'il veut aller plus vite chez papa, donc il barre les jours. En se disant, ça y est, c'est chez mon père. Je dis, non, là, t'as triché un peu. T'as barré trois jours. C'est pas comme ça que ça marche. Et donc, il a compris qu'effectivement, le temps, il y a un déroulé de temps sur lequel personne n'a d'influence. Et ça, c'est très, très important de le travailler avec les personnes qui ont, je pense, c'est mon avis, une personne qui a une déficience intellectuelle, c'est de leur rendre le pouvoir sur le temps de leur vie.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est des choses que tu as travaillées très tôt avec Mathias ?

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    très très tôt. À partir de quel âge ?

  • Speaker #1

    Avant même 10 ans. Avant 10 ans, avant 7 ans, c'était vraiment d'énormes troubles. Il y avait des gros troubles du comportement. Il y avait des tics, des trocs, des cris. Il y avait presque un diagnostic d'autisme qui avait été posé. Il y avait une espèce de surdité même à certains sons. C'était vraiment très très compliqué la période de la petite enfance. Mais dès l'instant où il a saisi que le langage avait une vocation de communication. Ça s'est apaisé petit à petit. Ça s'est apaisé de plus en plus. Et aujourd'hui, il est curieux de choses que j'ai du mal à expliquer. Il m'interroge sur l'actualité, par exemple. Il est féru du journal télévisé. Donc, il me dit, ma mère, ma mère, viens, viens, viens, vite, vite, vite. Je suis occupée. Non, mais viens, viens, vite. Assis, Qu'est-ce qui se passe avec les gilets jaunes ? C'est quoi les gilets jaunes ? Expliquer l'actualité comme si je l'expliquais à un enfant de 4 ans. Du très très simple. C'est presque basique. C'est de la vulgarisation à l'extrême, mais au moins il a un petit bagage de quelque chose. Et après,

  • Speaker #0

    pareil, tu vois, par exemple, sur le fait de vivre en autonomie, en appartement, quand Comment tu as travaillé ça aussi sur la péremption des aliments ou dans le frigo ? Est-ce que c'est des choses que tu as travaillé avec lui ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est venu de lui. Donc déjà, l'appartement. L'appartement, c'est lui qui me l'a réclamé. Ça fait environ 4 ans et demi, 5 ans qu'il me réclame l'appartement. Parce qu'il voit dans l'entourage, son frère avait un appartement à acheter une maison, les cousins, tout ça, tout le monde commence à avoir un appartement. Même des gens qui sont un peu plus jeunes que lui, à un moment, vont en appartement. Donc, il me disait, moi aussi, appartement, j'en ai marre ma mère. Alors, je me dis, je suis super contente qu'il me dise ça, parce que ça veut dire qu'on n'est plus lié à la vie et à la mort. Donc, je suis contente qu'il le dise. Et en même temps, je me dis, merde, quand même, avec tous les efforts que je fais, il fait chier. Toujours ce paradoxe qui existe, en fait. Et donc, on a travaillé avec la ferme de la motte. Déjà, commencer à faire un petit peu qu'est-ce que c'est que la vie, une expérimentation de la vie en appartement. Il y a eu un incident en 2016, ma maison a brûlé, donc j'ai dû aller vivre ailleurs très très vite. Et donc pour favoriser l'autonomie de Mathias, on était allé vivre à la ferme. Il y a deux gîtes ruraux à la ferme.

  • Speaker #0

    Là où il est accueilli aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Là où il est accueilli aujourd'hui. Donc j'ai loué le gîte avec la surproposition du directeur. C'était beaucoup plus confortable pour Mathias, même si j'étais plus loin du boulot. Et en fait, on voyait qu'il y avait deux possibilités de logement. Peut-être les douches à refaire. Fallait remettre un peu de l'induction plutôt que de claques électriques. Des choses comme ça que moi, j'ai vues assez vite. Et quand on n'a plus vécu là, j'ai dit, ce serait bien quand même qu'on fasse de l'expérimentation, du séjour et tout ça. Et là, comme c'est un directeur super ouvert, on a été bénévole. Il y a des bénévoles qui sont venus. Donc, ma meilleure amie Anne, qui était aussi éduque et qui était cadre aussi. qui est venu. Donc, ils ont fait des petits ateliers cuisine l'après-midi, les courses avec leur éducatrice, l'atelier cuisine sur ce qu'ils allaient manger le soir et le lendemain, le choix du menu. Et puis, nous, on arrivait à 18h. Quand Mathias était dans l'appartement, il ne savait pas que j'étais bénévole. Moi, je n'étais pas bénévole pour les fermiers. J'étais bénévole pour la bénévole. Le directeur me dit, je veux bien qu'il y ait un bénévole, mais il n'est pas tout seul. Parce que s'il lui arrive quelque chose, vraiment, il n'y a plus de filet. Donc, moi, je venais pour assurer que... qu'on allait bien, les deux bénévoles allaient bien. Mais Mathias pensait que j'étais à la maison. Et en fait, ils ont vécu comme ça, des essais de vie entre copains. Parce que ce n'était pas dans le but de l'autonomie. Un adolescent, quand il quitte ses parents, ce n'est pas pour apprendre à faire la cuisine et faire son lit au carré. C'est pour bouffer des pâtes et des pizzas et laisser la vaisselle dans l'évier et jouer à la Game Boy ou à la je ne sais pas quoi.

  • Speaker #0

    À la Switch. Maintenant, on dit c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    À la Switch, voilà. Je ne suis pas d'accord,

  • Speaker #0

    mais bon. C'était notre génération. Voilà, maintenant, c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    En tout cas, quand un adolescent quitte ses parents, ce n'est certainement pas pour revivre la même chose. C'est pour la liberté, pour le fun et tout ça. Et je disais aux mamans, mais... On ne va pas leur donner des draps et des housses de couette. On va leur donner un duvet. Il faut que ce soit simple. Il faut qu'ils prennent le goût, le goût de cette vie en autonomie ou en colloque, mais pas l'implication, les devoirs de ce qu'il faut faire tout de suite. Donc, ils veulent bouffer une salade de riz et des pizzas, tant mieux. Ils ne vont pas se brosser les dents. Ils ne vont pas avoir 12 caries pour le coup. Ils ne vont pas se laver correctement, mais ce n'est pas grave. C'est une nuit ou deux. Le but, c'est de donner ce goût, cette appétence pour... Ah ouais, ça peut être bien. Avec tous les bons côtés, c'est-à-dire pas les côtés qu'on a quand on est parent, les côtés qu'on pense quand on est ado. Et donc, il a vécu ça plusieurs fois. Et donc, il y a eu cette demande récurrente de vivre en appartement. Et puis, comme toujours dans la vie, il y a un moment où il y a des choses qui s'imposent. Et donc, les transports de Liévin à Kéry-la-Motte sont hors de prix aujourd'hui. Donc, je me dis, il y a un moment, il va falloir qu'on pense à passer le cap. Et c'est le directeur de la ferme qui nous a dit, justement, il y a un fermier qui vient d'avoir un appartement à Hénin-Beaumont. Hénin-Beaumont, c'est dans notre secteur de passage, de ramassage, donc ça évite de payer les transports. Et on pourrait peut-être faire les démarches à cet endroit-là, voir avec le SAVS, voir comment ça peut se passer. Et donc, on a pris contact avec la chef de service de l'APEI et d'Incarvin, qu'on est allés rencontrer, avec un Mathias qui ne savait pas expliquer son projet. Parce que d'un coup, il y avait une réalité. Et cette réalité-là, elle n'était pas du tout construite. Il ne voulait plus appartement. On arrive à la réunion.

  • Speaker #0

    Pourquoi il ne voulait plus appartement ?

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'il ne va plus chez son père, il ne va plus chez sa mère, il ne va plus à la ferme, il ne voit plus les copains. Sa projection, c'était l'appartement, c'est une entité à part entière. C'est que l'appartement. Il n'y a plus rien à côté. Donc, il a fallu que je redécortique tout en disant, si, si, si, ce sera encore un week-end chez papa, un week-end chez maman. Oui, tu vas encore voir les copains qui viennent manger chez toi. Oui, tu iras encore chez ton barbier si c'est celui-là que tu veux. Oui, tu iras encore chez l'orthophoniste. Il a fallu construire concrètement, projeter des choses concrètes qui n'existent pas encore, pour le rassurer. Et donc là, on a eu la réponse. Il devra avoir son appartement à Hénin-Beaumont à la fin de l'année.

  • Speaker #0

    Et comment il se projette justement par rapport aux peurs qu'il peut avoir de cet appartement ? Est-ce que tu as travaillé sur l'aménagement avec lui, sur les peintures ? Comment tu l'as fait, ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Je lui ai expliqué qu'il allait avoir une chambre, qu'il allait avoir une salle à manger, qu'il aurait une télé beaucoup plus grande que la petite télé dans sa chambre. Oui, il aurait sa PS3. Il aurait tous ses livres. On allait mettre des étagères avec des jeux. Les tableaux sur les murs. Qu'est-ce que tu veux comme tableau sur les murs ? Yu-Gi-Oh ! Oui, très bien. On commandera des beaux tableaux Yu-Gi-Oh ! On va mettre de la peinture aussi. Quelle couleur tu vas choisir ? Du bleu, très bien. On ira acheter du bleu.

  • Speaker #0

    C'est de l'habitat inclusif ? C'est sous forme d'habitat inclusif ?

  • Speaker #1

    Alors c'est de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif vient d'être créé, c'est-à-dire qu'il est juste émergent là.

  • Speaker #0

    C'est une nouvelle construction ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est dans cette résidence à Hénin-Beaumont, il y avait le SAVS qui travaillait avec des personnes accompagnées par la PEI, qui vont déménager à Carvin et qui libèrent des appartements. Et c'est pour faire justement de l'habitat inclusif. Il y aura une pièce sur place. La difficulté, c'est que Mathias, il est déjà engagé au SAJ à la ferme toute la semaine. Mais on est parti sur le principe qu'il allait participer à l'inclusif. Mais comment ? Ce n'est pas lui qui peut dire, oui, oui, je veux bien faire des activités. Il ne sait pas quelles activités, puisque ça n'existe même pas encore.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'il expérimente. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, exactement. Et puis, si ça ne fonctionne pas, on verra bien. Mais en tout cas, on y part enthousiaste pour deux.

  • Speaker #0

    Merci Sandrina.

  • Speaker #1

    De rien François.

  • Speaker #0

    Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.

Description

Pour ce 44ème épisode, je suis toujours avec Sandrina qui nous parle du projet d'habitat de Mathias!


Merci à Sandrina pour le partage de ces éléments de vie!

Pour en savoir plus:

- Campus Formation pour les programmes Agir pour l'autodétermination 


🎧 Très bonne écoute à tous, on compte toujours sur vous en 2024 pour nous mettre 5 ⭐️ et nous laisser un commentaire sympa 😉 !  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Alors cet épisode avec Sandrina va être consacré aujourd'hui à parler de la question de la temporalité et de l'accès à l'indemporalité. à la temporalité, pardon, pour Mathias. Qu'est-ce que tu peux nous raconter de ça dans les éléments de vie que tu as pu vivre et que Mathias vit également ?

  • Speaker #1

    Alors, François, donc, la temporalité, j'ai compris très, très tôt, en étant AMP éducatrice, que si on veut être inclus dans son projet de vie, si on veut être acteur de son projet de vie, il faut projet. Déjà, projet, c'est quelque chose vers le futur. Une vie, c'est quand même quelque chose qui est très étalé. Si on n'a pas accès à la temporalité, c'est très difficile de s'inscrire dans quelque chose qui nous concerne. On est l'objet du temps qui passe. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de conflits avec les résidents du foyer autour de la temporalité. On va voir après, on va le faire plus tard, demain. après. Il y a des résidents qui...

  • Speaker #0

    Avant, après, hier, demain.

  • Speaker #1

    Dessus, dessous, tous ces notions-là spatio-temporelles. Et ça amène beaucoup de conflits. C'est-à-dire que la personne qui dit après détient le temps et met du temps. Que si on dit regarde sur ta montre quand la petite aiguille sera à tel endroit et la grande aiguille sera à tel endroit, on va le faire à ce moment-là. Ça temporise, ça met du lien. Mais par contre, il faut respecter sa parole. Il faut y revenir après. Pareil au niveau des départs en week-end en famille. On s'est rendu compte qu'il y avait des résidents. Quand ils ne partaient pas en famille, ils avaient des grosses frustrations. Il y avait de la casse. Parce que c'était l'éducateur qui disait Maman a téléphoné. Maintenant, on passe le téléphone. Mais maman a téléphoné et tu ne peux pas repartir ce week-end. C'est à l'éducateur qu'il en veut. C'est pas à la maman. Donc avec un tableau sur le mur, avec les départs, week-end et les petites flèches qui vont avec, la personne visualise et c'est le tableau qui devient responsable du temps. Ce n'est plus la personne qui annonce la mauvaise nouvelle. Donc très très tôt, j'ai mis ça en place avec Mathias, tout ce qui était les outils temporels, alors que Mathias n'a pas de notion mathématique. Ça c'est compliqué par contre. C'est pas lire l'heure, donc il est 9h15 en permanence. Même quand on lui demande autour à quelle heure tu dois aller, 9h15, toujours 9h15. Alors ? Donc, il ne sait pas ce que c'est un quart, un quart de quoi, moins le quart de quoi, ou 35, ou 40, ou 50. La comptine numérique, il le sait, il sait compter, mais pas au niveau de l'heure. Par contre, il a une montre depuis toujours, avec tous les chiffres qui sont indiqués, des aiguilles, et il sait l'heure qu'il est, ou au moins la situation dans la journée, en fonction de la place des aiguilles sur le cadran. Et là, il sait parfaitement se repérer. Il sait que si je suis partie en voiture au travail, il sait à peu près à quelle heure je vais rentrer. Le soir, je ne transige pas, il y a un horaire de fin, c'est tout. Donc, il sait à quelle heure je vais rentrer. Si ça dépasse, il m'appelle. Il me dit, alors il y a bouchon ou quoi ? Si je suis partie en vélo, il sait que ça va durer plus longtemps. Il va repérer à quelle heure je rentrais quand je pars à vélo. Et c'est pareil, il va m'appeler en me disant ça y est, je suis rentrée. Donc il a vraiment conscientisé les horaires. Il sait si c'est Arnaud qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait si c'est l'association qui vient le chercher, que ça va être à telle heure. Il sait se repérer rien qu'avec la place des aiguilles. Et pareil pour la situation dans le mois, la semaine et l'année. Il a un calendrier.

  • Speaker #0

    Que t'en as évoqué dans l'épisode précédent.

  • Speaker #1

    Avec des éléments bien notés dessus. Qui fait qu'il a le pouvoir de comprendre que le temps ne dépend pas ni de moi, ni de lui. Quand il était petit, les premiers calendriers qu'il avait eus... En fait, c'est un peu la pensée magique. C'est qu'il veut aller plus vite chez papa, donc il barre les jours. En se disant, ça y est, c'est chez mon père. Je dis, non, là, t'as triché un peu. T'as barré trois jours. C'est pas comme ça que ça marche. Et donc, il a compris qu'effectivement, le temps, il y a un déroulé de temps sur lequel personne n'a d'influence. Et ça, c'est très, très important de le travailler avec les personnes qui ont, je pense, c'est mon avis, une personne qui a une déficience intellectuelle, c'est de leur rendre le pouvoir sur le temps de leur vie.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est des choses que tu as travaillées très tôt avec Mathias ?

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    très très tôt. À partir de quel âge ?

  • Speaker #1

    Avant même 10 ans. Avant 10 ans, avant 7 ans, c'était vraiment d'énormes troubles. Il y avait des gros troubles du comportement. Il y avait des tics, des trocs, des cris. Il y avait presque un diagnostic d'autisme qui avait été posé. Il y avait une espèce de surdité même à certains sons. C'était vraiment très très compliqué la période de la petite enfance. Mais dès l'instant où il a saisi que le langage avait une vocation de communication. Ça s'est apaisé petit à petit. Ça s'est apaisé de plus en plus. Et aujourd'hui, il est curieux de choses que j'ai du mal à expliquer. Il m'interroge sur l'actualité, par exemple. Il est féru du journal télévisé. Donc, il me dit, ma mère, ma mère, viens, viens, viens, vite, vite, vite. Je suis occupée. Non, mais viens, viens, vite. Assis, Qu'est-ce qui se passe avec les gilets jaunes ? C'est quoi les gilets jaunes ? Expliquer l'actualité comme si je l'expliquais à un enfant de 4 ans. Du très très simple. C'est presque basique. C'est de la vulgarisation à l'extrême, mais au moins il a un petit bagage de quelque chose. Et après,

  • Speaker #0

    pareil, tu vois, par exemple, sur le fait de vivre en autonomie, en appartement, quand Comment tu as travaillé ça aussi sur la péremption des aliments ou dans le frigo ? Est-ce que c'est des choses que tu as travaillé avec lui ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que c'est venu de lui. Donc déjà, l'appartement. L'appartement, c'est lui qui me l'a réclamé. Ça fait environ 4 ans et demi, 5 ans qu'il me réclame l'appartement. Parce qu'il voit dans l'entourage, son frère avait un appartement à acheter une maison, les cousins, tout ça, tout le monde commence à avoir un appartement. Même des gens qui sont un peu plus jeunes que lui, à un moment, vont en appartement. Donc, il me disait, moi aussi, appartement, j'en ai marre ma mère. Alors, je me dis, je suis super contente qu'il me dise ça, parce que ça veut dire qu'on n'est plus lié à la vie et à la mort. Donc, je suis contente qu'il le dise. Et en même temps, je me dis, merde, quand même, avec tous les efforts que je fais, il fait chier. Toujours ce paradoxe qui existe, en fait. Et donc, on a travaillé avec la ferme de la motte. Déjà, commencer à faire un petit peu qu'est-ce que c'est que la vie, une expérimentation de la vie en appartement. Il y a eu un incident en 2016, ma maison a brûlé, donc j'ai dû aller vivre ailleurs très très vite. Et donc pour favoriser l'autonomie de Mathias, on était allé vivre à la ferme. Il y a deux gîtes ruraux à la ferme.

  • Speaker #0

    Là où il est accueilli aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Là où il est accueilli aujourd'hui. Donc j'ai loué le gîte avec la surproposition du directeur. C'était beaucoup plus confortable pour Mathias, même si j'étais plus loin du boulot. Et en fait, on voyait qu'il y avait deux possibilités de logement. Peut-être les douches à refaire. Fallait remettre un peu de l'induction plutôt que de claques électriques. Des choses comme ça que moi, j'ai vues assez vite. Et quand on n'a plus vécu là, j'ai dit, ce serait bien quand même qu'on fasse de l'expérimentation, du séjour et tout ça. Et là, comme c'est un directeur super ouvert, on a été bénévole. Il y a des bénévoles qui sont venus. Donc, ma meilleure amie Anne, qui était aussi éduque et qui était cadre aussi. qui est venu. Donc, ils ont fait des petits ateliers cuisine l'après-midi, les courses avec leur éducatrice, l'atelier cuisine sur ce qu'ils allaient manger le soir et le lendemain, le choix du menu. Et puis, nous, on arrivait à 18h. Quand Mathias était dans l'appartement, il ne savait pas que j'étais bénévole. Moi, je n'étais pas bénévole pour les fermiers. J'étais bénévole pour la bénévole. Le directeur me dit, je veux bien qu'il y ait un bénévole, mais il n'est pas tout seul. Parce que s'il lui arrive quelque chose, vraiment, il n'y a plus de filet. Donc, moi, je venais pour assurer que... qu'on allait bien, les deux bénévoles allaient bien. Mais Mathias pensait que j'étais à la maison. Et en fait, ils ont vécu comme ça, des essais de vie entre copains. Parce que ce n'était pas dans le but de l'autonomie. Un adolescent, quand il quitte ses parents, ce n'est pas pour apprendre à faire la cuisine et faire son lit au carré. C'est pour bouffer des pâtes et des pizzas et laisser la vaisselle dans l'évier et jouer à la Game Boy ou à la je ne sais pas quoi.

  • Speaker #0

    À la Switch. Maintenant, on dit c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    À la Switch, voilà. Je ne suis pas d'accord,

  • Speaker #0

    mais bon. C'était notre génération. Voilà, maintenant, c'est à la Switch.

  • Speaker #1

    En tout cas, quand un adolescent quitte ses parents, ce n'est certainement pas pour revivre la même chose. C'est pour la liberté, pour le fun et tout ça. Et je disais aux mamans, mais... On ne va pas leur donner des draps et des housses de couette. On va leur donner un duvet. Il faut que ce soit simple. Il faut qu'ils prennent le goût, le goût de cette vie en autonomie ou en colloque, mais pas l'implication, les devoirs de ce qu'il faut faire tout de suite. Donc, ils veulent bouffer une salade de riz et des pizzas, tant mieux. Ils ne vont pas se brosser les dents. Ils ne vont pas avoir 12 caries pour le coup. Ils ne vont pas se laver correctement, mais ce n'est pas grave. C'est une nuit ou deux. Le but, c'est de donner ce goût, cette appétence pour... Ah ouais, ça peut être bien. Avec tous les bons côtés, c'est-à-dire pas les côtés qu'on a quand on est parent, les côtés qu'on pense quand on est ado. Et donc, il a vécu ça plusieurs fois. Et donc, il y a eu cette demande récurrente de vivre en appartement. Et puis, comme toujours dans la vie, il y a un moment où il y a des choses qui s'imposent. Et donc, les transports de Liévin à Kéry-la-Motte sont hors de prix aujourd'hui. Donc, je me dis, il y a un moment, il va falloir qu'on pense à passer le cap. Et c'est le directeur de la ferme qui nous a dit, justement, il y a un fermier qui vient d'avoir un appartement à Hénin-Beaumont. Hénin-Beaumont, c'est dans notre secteur de passage, de ramassage, donc ça évite de payer les transports. Et on pourrait peut-être faire les démarches à cet endroit-là, voir avec le SAVS, voir comment ça peut se passer. Et donc, on a pris contact avec la chef de service de l'APEI et d'Incarvin, qu'on est allés rencontrer, avec un Mathias qui ne savait pas expliquer son projet. Parce que d'un coup, il y avait une réalité. Et cette réalité-là, elle n'était pas du tout construite. Il ne voulait plus appartement. On arrive à la réunion.

  • Speaker #0

    Pourquoi il ne voulait plus appartement ?

  • Speaker #1

    Parce que ça veut dire qu'il ne va plus chez son père, il ne va plus chez sa mère, il ne va plus à la ferme, il ne voit plus les copains. Sa projection, c'était l'appartement, c'est une entité à part entière. C'est que l'appartement. Il n'y a plus rien à côté. Donc, il a fallu que je redécortique tout en disant, si, si, si, ce sera encore un week-end chez papa, un week-end chez maman. Oui, tu vas encore voir les copains qui viennent manger chez toi. Oui, tu iras encore chez ton barbier si c'est celui-là que tu veux. Oui, tu iras encore chez l'orthophoniste. Il a fallu construire concrètement, projeter des choses concrètes qui n'existent pas encore, pour le rassurer. Et donc là, on a eu la réponse. Il devra avoir son appartement à Hénin-Beaumont à la fin de l'année.

  • Speaker #0

    Et comment il se projette justement par rapport aux peurs qu'il peut avoir de cet appartement ? Est-ce que tu as travaillé sur l'aménagement avec lui, sur les peintures ? Comment tu l'as fait, ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Je lui ai expliqué qu'il allait avoir une chambre, qu'il allait avoir une salle à manger, qu'il aurait une télé beaucoup plus grande que la petite télé dans sa chambre. Oui, il aurait sa PS3. Il aurait tous ses livres. On allait mettre des étagères avec des jeux. Les tableaux sur les murs. Qu'est-ce que tu veux comme tableau sur les murs ? Yu-Gi-Oh ! Oui, très bien. On commandera des beaux tableaux Yu-Gi-Oh ! On va mettre de la peinture aussi. Quelle couleur tu vas choisir ? Du bleu, très bien. On ira acheter du bleu.

  • Speaker #0

    C'est de l'habitat inclusif ? C'est sous forme d'habitat inclusif ?

  • Speaker #1

    Alors c'est de l'habitat inclusif. L'habitat inclusif vient d'être créé, c'est-à-dire qu'il est juste émergent là.

  • Speaker #0

    C'est une nouvelle construction ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, c'est dans cette résidence à Hénin-Beaumont, il y avait le SAVS qui travaillait avec des personnes accompagnées par la PEI, qui vont déménager à Carvin et qui libèrent des appartements. Et c'est pour faire justement de l'habitat inclusif. Il y aura une pièce sur place. La difficulté, c'est que Mathias, il est déjà engagé au SAJ à la ferme toute la semaine. Mais on est parti sur le principe qu'il allait participer à l'inclusif. Mais comment ? Ce n'est pas lui qui peut dire, oui, oui, je veux bien faire des activités. Il ne sait pas quelles activités, puisque ça n'existe même pas encore.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'il expérimente. Oui,

  • Speaker #1

    voilà, exactement. Et puis, si ça ne fonctionne pas, on verra bien. Mais en tout cas, on y part enthousiaste pour deux.

  • Speaker #0

    Merci Sandrina.

  • Speaker #1

    De rien François.

  • Speaker #0

    Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.

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