- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de ses vies. Je suis Martin Caouette, professeur et titulaire de la chaire Autodétermination et handicap de l'Université du Québec à Trois-Rivières et directeur scientifique du programme sur l'autodétermination du Centre de formation Campus en France.
- Speaker #1
Je suis François Bernard. directeur général du GAPAS. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation d'handicap, mais pas que. Pour ce cinquième épisode de Autodétermination et Handicap, nous allons parler avec Martin Caouette d'autoréalisation. Alors Martin, c'est quoi l'autoréalisation qui est la quatrième composante de l'autodétermination ?
- Speaker #0
Moi j'aime bien dire que l'autoréalisation c'est l'occasion qui va être donnée. à une personne de rayonner, de rayonner de par ses compétences, de par ses réussites, de par sa capacité en fait à se réaliser. Donc parfois on va parler d'actualisation de soi ou de ce sentiment-là de fierté qu'on va avoir quand on réussit en fait quelque chose. Donc l'autoréalisation en fait, c'est de développer chez la personne cette capacité-là à se reconnaître dans ses forces, dans ses compétences, dans ses capacités. Et c'est là que ça devient une composante essentielle de l'autodétermination, parce qu'évidemment, si je suis capable de reconnaître chez moi ce que j'ai comme compétence, comme capacité, je vais prendre des initiatives aussi en fonction de cette compétence, de cette capacité, de ces intérêts. Si moi, par exemple, j'adore la musique, je vais peut-être prendre l'initiative d'apprendre à jouer un instrument de musique, de découvrir des nouveaux artistes, d'aller voir un spectacle de musique. Donc, ça va être aussi une façon de prendre des décisions en cohérence avec ce que je suis et d'être capable petit à petit de me reconnaître comme peut-être un musicien ou du moins un amateur de musique, par exemple.
- Speaker #1
T'as dit, t'as parlé de la confiance. Non, t'as pas parlé de la confiance, mais l'autoréalisation, c'est la question que j'avais. Est-ce que ça amène le fait d'avoir plus confiance en soi ?
- Speaker #0
Oui, et c'est là que ça devient intéressant quand on accompagne les personnes, en fait, de travailler cette prise de conscience-là des réussites, des réalisations, parce que, et là, le lien avec la confiance devient intéressant, parce que plus je prends conscience, en fait, de mes forces, de mes compétences, plus ça m'amène, en fait, à gagner confiance en mes moyens, et plus aussi ça va contribuer à développer mon identité, c'est-à-dire qui je suis. j'ai donné l'exemple de la musique on peut penser à par exemple, à des gens qui peuvent aimer le sport, différentes activités, plus je suis conscient de ce que j'ai comme force, comme capacité, bien, plus je vais mettre en œuvre aussi toutes sortes de choses en lien avec cet intérêt-là et plus ça m'aide à me définir, à définir qui je suis puis à me reconnaître dans ses forces, dans ses compétences. Et c'est pour ça qu'on va faire un lien aussi intéressant avec la motivation. Parce qu'évidemment, plus j'ai confiance en moi, je me reconnais, en fait, dans mes forces, dans mes compétences, plus également je vais avoir des motivations qui vont durer dans le temps, plus je vais persévérer. Si moi j'aime la musique et que ça devient une passion, je vais probablement persévérer longtemps dans cet intérêt-là, je vais nourrir cette passion-là de différentes façons, je vais peut-être acheter des disques, donc je vais avoir des comportements qui sont cohérents et qui, en quelque sorte, vont venir façonner ma vie, façonner le cours de ma vie.
- Speaker #1
Mais l'autoréalisation, tu peux être... contraint par la norme ou par le regard de l'autre aussi. Comment tu combats un peu ça ?
- Speaker #0
Oui, c'est pour ça aussi que ça devient intéressant dans l'accompagnement qu'on va offrir aux personnes, en fait, de les amener à faire une lecture un peu de leur vie, justement pour reconnaître qu'est-ce qui les distingue. Et un exemple que je peux donner de ça, entre autres, c'est tout ce qu'on va notamment faire comme travail à partir soit de... de stratégies comme des carnets de vie ou des portfolios, par exemple, qui vont être parfois des outils qu'on va utiliser de façon très concrète pour amener, par exemple, la personne à reconnaître des événements marquants de sa vie, des amitiés, des loisirs qu'elle pratique, qu'elle soit capable, en fait, d'apprendre à parler d'elle-même, d'apprendre à dire qui elle est, ce qu'elle aime. qu'est-ce qu'elle préfère, puis d'être en fait reconnue aussi dans cet intérêt-là. Donc oui, par exemple, je peux être une personne en situation de handicap, je peux être une personne autiste, une personne qui a une déficience intellectuelle, puis avoir un intérêt, par exemple, pour le foot, un intérêt pour une activité, puis le fait d'être reconnue non pas seulement comme... une personne en situation de handicap, mais être reconnu comme un amateur de foot, ça me permet aussi de créer des liens avec d'autres personnes qui ne sont peut-être pas en situation de handicap, mais avec qui je vais partager aussi cet intérêt-là. Donc, ça me permet de me voir par une lunette plus grande que seulement la lunette du handicap.
- Speaker #1
Mais je reviens sur ma question, le regard de l'autre peut être quand même une force négative quand même.
- Speaker #0
Oui, bien, plus je vais être conscient, en fait, de ce que j'ai comme force, comme compétence, comme capacité, plus est-ce Merci. plus je vais être capable de me reconnaître dans ces forces-là, plus mon identité aussi va être solide. Donc, je vais être capable de dire en quoi je ressemble aux autres, mais aussi en quoi je me distingue des autres également. Et de voir que, bien moi, peut-être que je suis un amateur de sport, mais que je n'aime pas vraiment la musique, mais que d'autres peuvent aimer la musique et que c'est correct qu'on ait ces différences-là. Donc, d'être capable de façonner le cours de sa vie, de se reconnaître dans qui on est, c'est aussi accepter le fait que d'autres personnes peuvent avoir des intérêts divers, mais par le fait même, être plus solide dans nos propres violences, nos propres intérêts.
- Speaker #1
Mais quand j'entends ça, j'entends aussi un peu des facteurs de résilience. Est-ce que c'est de la résilience, l'autoréalisation ?
- Speaker #0
Oui, effectivement, on peut faire le lien entre autoréalisation et résilience, parce qu'en fait, quand on parle de confiance en soi, conscience de soi, de l'identité, tous ces éléments-là sont vraiment interreliés. Donc, la résilience, la capacité à rebondir des obstacles qu'on va avoir rencontrés dans notre vie pour en arriver à, malgré tout, à traverser les différentes épreuves de vie, plus je suis conscient des forces. plus ça me permet de m'appuyer sur ces forces-là aussi pour rebondir. Donc, la personne qui est en situation de handicap, mais qui est consciente, par exemple, de ce qu'elle a comme force, comme compétence, comme intérêt, ça peut devenir des leviers intéressants pour établir des relations, pour établir des liens, pour maintenir une image positive d'elle-même aussi. Donc, c'est pour ça que comme accompagnateur, c'est essentiel d'avoir ce profil-là, d'avoir la conscience, en fait. que c'est essentiel d'avoir un regard positif sur soi. Le handicap nous confronte souvent à des obstacles. Donc, comme accompagnateur, ça devient essentiel aussi de refléter ses forces, ses capacités, puis d'amener la personne qu'on accompagne à être capable de parler d'elle-même aussi en termes positifs.
- Speaker #1
Est-ce que ça demande à ce que l'accompagnateur soit autoréalisé lui aussi ?
- Speaker #0
C'est certain qu'avec les quatre composantes de l'autodétermination qu'on a parlé jusqu'à maintenant, Plus je suis conscient de ce que ça représente dans ma vie à moi, chacune des composantes. Est-ce que moi, je me sens autorégulé ? Est-ce que je sens que je fais preuve d'empowerment ? Est-ce que je me sens autoréalisé aussi ? D'avoir cette conscience-là de ce que ça veut dire dans ma propre vie, ça va certainement m'aider à être plus conscient de ce que ça peut représenter pour la personne que j'accompagne également.
- Speaker #1
Mais l'autoréalisation, ça peut même avoir des trajectoires de vie qui soient totalement différentes de ce qu'on avait pu imaginer.
- Speaker #0
Oui, absolument. Puis parfois aussi des trajectoires de vie qui sont peut-être hors normes, qui sont peut-être surprenantes, qui ne sont peut-être pas celles de la majorité, mais qui sont en cohérence aussi avec ce qu'on aspire à vivre. Donc, évidemment, quand on parle de l'identité, l'identité, c'est être capable de parler de soi dans ce qu'on… dans ce qu'on est, dans la façon de se définir également. Puis on pourrait même aller sur le plan des relations interpersonnelles. On pourrait parler d'orientation sexuelle. On pourrait parler de choix professionnels. On peut parler, en fait, de tous les domaines de vie qui nous permettent de dire qui on est et ce qu'on souhaite. J'aime bien donner l'exemple aussi, par exemple, en milieu résidentiel, quand on accompagne des personnes qui quittent le milieu familial, et juste les... termes qu'on va utiliser pour désigner la personne, être capable d'en parler comme un locataire, un travailleur, donc d'avoir un terme positif pour désigner la personne qui permet de parler du rôle valorisant qu'elle va jouer en étant dans ce nouveau contexte, par exemple.
- Speaker #1
Est-ce que tu as un exemple de personnes en situation de handicap qui se sont autoréalisées ?
- Speaker #0
Il y a des grandes réalisations, je pense, qui sont parfois des réalisations effectivement hors normes, mais qui Merci. qui parle de la capacité d'autoréalisation de certaines personnes. Je pense, par exemple, en France à Eleonore Laloux, du côté de Arras, qui est une personne trisomée, qui est devenue conseillère municipale. Pour moi, c'est un bel exemple de réalisation. Puis parfois, dans des petits gestes du quotidien aussi, il y a des réalisations surprenantes. Puis moi, j'aime bien donner cet exemple-là, en fait, d'un homme, un jour que j'ai rencontré, un homme qui avait peut-être près de la 60, avec une déficience intellectuelle, qui vivait dans une résidence du côté de la France, qui lui avait développé le potager dans le jardin de la résidence et qui un jour me fait visiter le potager en m'expliquant chaque rang de carottes, de tomates, le soin qu'il devait donner à chaque légume qui poussait et qui, à travers, en fait, ce projet-là, lui, se réalisait dans le quotidien. Les légumes devenaient une façon d'aller visiter le voisin pour lui offrir des légumes et devenaient une façon, une fierté qui lui tirait de cette situation-là. Donc l'autoréalisation, c'est parfois dans des grands exploits culturels, sportifs, artistiques, mais parfois aussi c'est à travers des petits gestes du quotidien où je tire une satisfaction de ce que je vis dans mon quotidien.
- Speaker #1
Très bien, merci Martin.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Si vous voulez en savoir plus du côté de la France, contactez Campus Formation à l'adresse e-mail suivante contacte-campusformation.org. Toute l'équipe se fera un plaisir de vous monter un programme de formation, d'accompagnement ou de conseils sur mesure.
- Speaker #0
Pour le Québec qui a découvert les travaux de recherche en cours de la chaire Autodétermination et Handicap, au www.uqtr.ca.cah.
- Speaker #1
Au plaisir, Martin.
- Speaker #0
Au plaisir, François.