- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de ses vies. Je suis Martin Caouette, professeur et titulaire de la chaire Autodétermination et handicap de l'Université du Québec à Trois-Rivières et directeur scientifique du programme sur l'autodétermination du Centre de formation Campus en France.
- Speaker #1
Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap. Mais pas que. Alors pour cet épisode d'agir pour l'autodétermination, Martin, on va parler maintenant de l'autisme et plus spécifiquement des troubles du spectre de l'autisme. et de l'autodétermination.
- Speaker #0
Oui, absolument. Et quand on parle d'autisme et d'autodétermination, en fait, c'est intéressant aussi, un peu comme on l'a fait dans notre épisode précédent par rapport aux personnes polyhandicapées, de se dire que l'autodétermination, c'est pertinent pour tous, incluant aussi les personnes autistes. Évidemment, le fait d'être une personne autiste, ça vient poser des défis particuliers sur le plan de l'autodétermination, en fait. Et puis, c'est ça qui est aussi intéressant de considérer. dans l'accompagnement qu'on va avoir des personnes autistes. Donc, un des premiers défis qui est important parmi les différentes composantes de l'autodétermination, évidemment, l'autorégulation, c'est un enjeu très important pour les personnes autistes de façon générale. Donc, bien sûr, quand vient le temps de développer l'autodétermination d'une personne autiste, on doit vraiment développer sa capacité, ses stratégies finalement d'autorégulation. On le sait que quand on compare les personnes autistes sur le plan de l'autodétermination à d'autres groupes de la population, c'est vraiment la composante de l'autorégulation qui va être celle qui va présenter des défis plus importants. Une des choses qui existent, en fait, par rapport aux personnes autistes, en fait, il y a souvent cette idée-là de prévisibilité qui est importante pour les personnes autistes. Et ça, ça peut nous amener à utiliser différentes stratégies, par exemple. où on va avoir parfois un horaire visuel pour les personnes autistes, pour les aider à se repérer dans le temps, d'anticiper les différentes étapes de leur journée. Donc, des outils qui, à première vue, peuvent parfois paraître un petit peu contraignants, dans la mesure où on peut avoir l'impression qu'on est en train de guider, diriger la personne, et on peut y voir, d'une certaine façon, peut-être un paradoxe avec l'autodétermination. Mais ce qui est important de se rappeler, et on l'a nommé dans un épisode précédent, le cadre autour de chacune des personnes doit s'ajuster aussi à son besoin, à sa réalité. Donc, parfois, pour certaines personnes autistes, le fait par exemple de donner deux choix, deux options dans une situation, c'est ce qui va leur permettre de faire effectivement un choix parce que si on leur donne, par exemple, un nombre d'options trop grand, bien, pour certaines personnes, en fait, ça va être à ce point déstabilisant qu'ils ne seront pas en mesure de choisir. Donc, le fait parfois de limiter le nombre de choix dans une situation, ce n'est pas non plus contraire à l'autodétermination. Au contraire, parfois, on va préférer mettre la personne dans un contexte où elle a à choisir entre deux options et qu'elle y parvient, plutôt que de la confronter à de multiples options et que d'une certaine façon, ça devienne tellement déstabilisant qu'elle n'arrive pas à choisir.
- Speaker #1
Comment on s'assure que vraiment la personne a un choix éclairé ? ou ce soit vraiment un consentement éclairé par rapport à ce qu'on lui propose.
- Speaker #0
Il y a différentes façons de le voir, de le considérer. Un des éléments qui peut être intéressant aussi pour valider ça, c'est de voir s'il y a une espèce de cohérence ou constance dans les choix que la personne va faire. Donc, vous et moi, on a des préférences dans la vie, il y a des choses qu'on aime faire, des activités, des gens qu'on aime voir, des loisirs qu'on aime pratiquer. Donc, vient un moment où on est un peu... prévisibles dans nos choix parce qu'on a des intérêts qui sont peut-être marqués dans un domaine plutôt qu'un autre. Donc, c'est sûr que d'avoir une personne en fait qui fait un choix puis qui a une certaine constance dans ce choix-là, ça peut nous amener aussi à... ça peut nous amener en fait à reconnaître justement qu'effectivement, il y a quelque chose-là qui est intéressant, qui est une préférence, qui est un intérêt marqué puis qui correspond à une réelle préférence de la personne.
- Speaker #1
Oui, je te laisse continuer.
- Speaker #0
Ça me permet aussi d'amener un sujet, entre autres, que je trouve intéressant parce que quand il est question d'autisme, on parle souvent des intérêts restreints. Et même quand on les nomme intérêts restreints, il y a quelque chose là-dedans qui peut sonner un peu péjoratif. Donc, le fait d'avoir un intérêt restreint comme si c'était en soi une problématique. J'ai entre autres une collègue, Évelyne Bussière, de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui, elle, aborde un peu la question des intérêts restreints sous l'angle des passions. On a aussi des passions dans la vie, parfois, où on va être des fervents admirateurs d'un chanteur, d'une chanteuse, où on va être engagé dans une activité ou une autre. Et la passion, parfois, il y a des passions qui peuvent être très positives dans notre vie. Parfois, il y a des passions qui peuvent nous dévorer également. Mais quand on regarde aussi, pour les personnes autistes, Cet intérêt-là qu'on qualifie parfois de restreint comme une passion aussi, ça nous permet de voir que dans cette passion-là ou dans cet intérêt-là, il y a peut-être aussi des leviers intéressants d'autodétermination qui peuvent aussi créer du lien avec d'autres personnes. Donc, c'est important aussi de ne pas prendre une posture où on cherche à tout prix à éloigner la personne de ses intérêts-là parce que de ces intérêts-là, il y a peut-être des passions qui peuvent... amener à créer du lien aussi avec son réseau proche, son environnement humain.
- Speaker #1
Alors, dans l'autisme, on sait qu'il y a un spectre des personnes qui vont développer une intelligence très développée et d'autres pour qui ça va être plus difficile et avec un déficit intellectuel plus important. Comment on adapte la question de l'autodétermination par rapport à ce spectre-là ?
- Speaker #0
C'est une question intéressante. puis il y a Ce mouvement-là actuellement des auto-représentants, donc qui sont des personnes autistes, qui actuellement justement militent pour la reconnaissance de leur particularité, de leur unicité. Donc c'est sûr qu'il y a ces personnes qui vont par exemple dire, ben moi j'ai un mode de fonctionnement qui est peut-être en écart à la norme, j'ai peut-être des besoins qui sont différents, qui sont en écart à la norme.
- Speaker #1
Atypique on dirait.
- Speaker #0
Exactement, atypique, mais qui correspondent à qui je suis, à mon identité. et ça c'est quand même un aspect important et des personnes autistes vont dire ben vous savez vous les neurotypiques ben vous avez aussi des particularités qui nous étonnent, votre manie de toujours regarder dans les yeux, pourquoi vous regardez pas ailleurs, pourquoi vous nous imposez de vous regarder dans les yeux et pourquoi vous avez ce type de comportement là ben c'est des comportements admis parce qu'ils correspondent à la norme mais quand on est une personne autiste ... Il se peut qu'on ait aussi des besoins qui sont en écart avec les besoins de la majorité de la population, mais qui ne font pas de nous pour autant des gens qui ne sont pas fonctionnels ou qui sont troublés ou qui sont problématiques. Donc ça, c'est un aspect qui est aussi important de dire que le mode de fonctionnement d'une personne autiste, ce n'est pas nécessairement un mode de fonctionnement qui est problématique en soi. Il y a des personnes autistes qui fonctionnent dans la communauté. C'est très bien ainsi quand on est capable aussi de s'ajuster et de tenir compte de cette diversité-là de besoins et de profils.
- Speaker #1
Alors, comment on fait avec ceux qui ont des déficits cognitifs plus forts ou plus importants ?
- Speaker #0
Il y a des personnes qui vont combiner justement de l'autisme avec une déficience intellectuelle sévère, profonde, ou avec des besoins plus importants. C'est sûr que la porte d'entrée, tout l'aspect sensoriel, d'avoir une compréhension, une connaissance du profil sensoriel de la personne, ... C'est un élément incontournable. De ce côté-là, il y a les ergothérapeutes qui possèdent une expertise justement pour comprendre le profil sensoriel d'une personne. Donc, est-ce que la personne est hyposensible ? Est-ce qu'elle est hypersensible ? Est-ce qu'elle a une perception qui peut être démesurée, par exemple, de certains stimuli par rapport à la norme ? Donc, quel est le profil sensoriel ? Parfois, ça nous permet aussi de comprendre certains comportements, mais ensuite de pouvoir proposer des contextes, des activités. des façons de faire à la personne qui vont s'inscrire dans le respect aussi de son profil sensoriel. Donc, je dirais que ça, c'est une porte d'entrée pour des personnes qui sont parfois, qui ont des limites sur le plan de la communication pour qu'elles puissent aussi fonctionner. Maintenant, il faut aussi, dans un deuxième temps, éviter non plus de tomber dans des rituels ou des éléments qui vont être trop rigides dans l'accompagnement qu'on va offrir à la personne. Oui, les personnes, plusieurs personnes autistes ont besoin de prévisibilité, donc c'est important, mais en même temps, la vie est faite de plein d'imprévus aussi. Donc, de travailler aussi parfois. à apprendre à réagir puis à négocier avec ces différents, avec différents imprévus de la vie, c'est aussi important. Donc, en termes d'accompagnateur, parfois, on peut choisir à certains moments d'amener des éléments un peu différents de l'habitude pour permettre à la personne aussi de développer une certaine forme de flexibilité par rapport aux événements de la vie.
- Speaker #1
Peut-être un dernier point sur les familles aussi. On dit souvent qu'elles ont aussi une expertise sur l'accompagnement de leur enfant. Comment aussi on travaille cette question de l'autodétermination avec les familles ?
- Speaker #0
Quand on pense notamment aux familles des personnes autistes, mais ça pourrait être aux familles de toutes les personnes en situation de handicap, d'abord de reconnaître leur expertise de parent par rapport à leur propre enfant. Ça, c'est le premier élément. C'est-à-dire qu'il n'y a pas un professionnel qui est expert, je vais l'exprimer autrement, on peut avoir un professionnel qui est expert de l'autisme, mais il n'y a que le parent qui est expert de Jérémie, de Rose, de Marie, de Julie. Donc, d'être capable de reconnaître que le parent a l'expertise des spécificités de son enfant et que le professionnel, lui, peut avoir une expertise par rapport aux caractéristiques des personnes et que c'est la combinaison de ces deux expertises-là. Donc, la reconnaissance mutuelle des expertises de chacun, c'est certainement une première porte d'entrée importante pour valoriser l'autodétermination.
- Speaker #1
Merci, Martin.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Si vous voulez en savoir plus du côté de la France, contactez Campus Formation à l'adresse mail suivante contacte.campusformation.org. Toute l'équipe se fera un plaisir de vous monter un programme de formation, d'accompagnement ou de conseils sur mesure.
- Speaker #0
Pour le Québec, découvrez les travaux de recherche en cours de la chaire Autodétermination et Handicap au www.uqtr.ca.cah.
- Speaker #1
Au plaisir, Martin.
- Speaker #0
Au plaisir, François.