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CAP Regen, le podcast qui concrétise l'économie régénérative !

#09 - Alexandre Bellangé - Belco

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52min |24/03/2025|

168

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CAP Regen, le podcast qui concrétise l'économie régénérative !

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Description

Dans cet épisode, Eric Duverger reçoit Alexandre Bellangé, Alumni du 1er parcours de la CEC et PDG de Belco, une société spécialisée dans le sourcing, l'exportation et l'importation de café et de cacao de spécialité de haute qualité. Ensemble ils abordent les transformations du modèle d'affaires basé sur les relations directes avec les producteurs, les résultats tangibles sur la traçabilité, passée de 5% à 95% en 10 ans, la prise de conscience des menaces climatiques sur la production de café, la mise en place d’une stratégie centrée sur la qualité des sols, l'innovation disruptive avec le transport à la voile, le leadership collaboratif et l'importance de l'intelligence collective, la culture de l'imperfection assumée, la transformation organisationnelle de l’international vers le multi-local… Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Alexandre

    Il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de ça permet de travailler avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard extérieur. Quelle opportunité incroyable en fait ! C'est dur financièrement, logistiquement et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ! J'ai envie de profiter de cette occasion pour adresser un message aux entrepreneurs, leur dire que c'est possible de changer le monde, c'est possible d'évoluer, on n'a pas besoin d'être un super héros.

  • Eric

    Bienvenue dans CapRegen. Je suis Eric Duverger, le fondateur de la CEC, une association qui existe pour rendre irrésistible la bascule vers l'économie régénérative. Tout le monde en parle de cette nouvelle économie, qui régénère au lieu d'extraire, mais le défi est immense. Avec CapRegen, nous donnons la parole à des dirigeants engagés au cœur de l'action. Bonjour Alexandre.

  • Alexandre

    Bonjour Eric.

  • Eric

    Alors Alexandre, je te propose de faire un pacte. Ce pacte, il tient en trois mots. Courage, parce qu'il en faut du courage quand on s'embarque dans l'aventure de la régénération. L'authenticité, l'authenticité de notre échange et pragmatisme, parce qu'on veut rendre très concrète cette nouvelle économie. On va le faire par des exemples et on va essayer d'être le plus pragmatique possible. Alors ces trois initiales, courage, authenticité et pragmatisme, ça fait CAP. Alors Alexandre, CAP ou pas CAP ?

  • Alexandre

    Carrément CAP, ça me semble être les piliers de l'entrepreneuriat. Donc allons-y avec ce CAP là.

  • Eric

    Alors on se lance, merci. Alexandre ? Tu es le président de Belco, une entreprise spécialisée dans le sourcing, l'importation et la distribution de café vert de haute qualité. Après avoir obtenu ton diplôme d'école de commerce, tu rejoins ton père, Nicolas Bélanger, en 2007 pour cofonder Belco. Tu participes à la CEC de la Nouvelle-Aquitaine en 2023-2024. Et puis aussi, tu t'es inscrit pour participer très prochainement à la Transat Jacques Vabre. Alors maintenant... Alexandre, on va parler un petit peu de toi et de ton entreprise. Pour commencer, je voulais te demander comment est venue cette idée d'une boîte de négoce de café avec ton père ?

  • Alexandre

    C'était un métier que mon père faisait déjà depuis une vingtaine d'années. Il a quitté l'ancienne boîte qu'il dirigeait au début des années 2000. Et quelques années après, il m'a proposé de vivre l'aventure de l'entrepreneuriat avec lui. Je dirais qu'au-delà de l'aventure de l'entrepreneuriat, l'aventure de la transmission entre un père et son fils. d'un certain savoir-faire. Je n'ai pas hésité une minute.

  • Eric

    Est-ce que tu peux juste nous décrire assez rapidement, avec quelques mots, quelques chiffres, ce que représente Belco aujourd'hui ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Pour repréciser, tu l'as introduit, Belco, c'est une société qui fait du sourcing, de l'exportation de certains pays producteurs, de l'importation en Europe, de café et de cacao, dix deux spécialités. Notre spécialité, à nous. c'est de faire des cafés et des cacaos de très haute qualité, des cafés délicieux, des chocolats délicieux, issus de filières totalement traçables et durables. Donc ça, c'est le métier de Belco. On a également une filiale qui fait des équipements pour équiper les torréfacteurs, les chocolatiers et distribuer tout ce qui permet de préparer du café avec une méthode douce dite du slow coffee. Donc ce sont des méthodes autour de la filtration qui donnent des boissons qui sont finalement beaucoup plus proches du thé. que de l'idée qu'on peut se faire du café. Aujourd'hui, Belco, c'est une société qui est installée dans différents pays. On a des équipes, des structures en Colombie, au Guatemala, au Salvador, en Éthiopie, en France, en Suisse et en Allemagne. Malgré tout ça, c'est une structure qui a une dimension internationale, mais en restant une petite structure, parce qu'on est à peu près 80. à travailler. Et donc, c'est toute la complexité de mélanger une petite équipe, une petite structure répartie dans plein de pays différents qui mènent une tâche assez ambitieuse. Après, en termes de chiffres, Belco, c'est à peu près 65 millions d'euros de chiffre d'affaires, même si je n'aime pas beaucoup parler de chiffre d'affaires. On fait à peu près 400 à 500 containers de café et de cacao chaque année. Même si là aussi, le volume n'est pas forcément l'indicateur qu'il faut regarder parce qu'on a tendance à baisser le volume parce qu'on se concentre sur d'autres choses.

  • Eric

    Merci beaucoup de brosser le portrait de Belco. On va revenir un petit peu à toi en tant que personne, parce qu'avant d'être entrepreneur et dirigeant, tu es une personne. Est-ce que tu peux nous décrire une expérience de nature pressante que tu as vécue, qui t'a marqué ?

  • Alexandre

    Des expériences de nature, j'en ai beaucoup. puisque, comme tu l'as dit, je navigue, donc je suis assez proche de l'univers de la mer, de l'océan. Mais je pense que l'expérience la plus marquante qui a vraiment marqué un tournant dans ma vie et dans ma vie professionnelle, c'est mon premier voyage en Éthiopie en 2012, janvier 2013. Janvier 2013, je vais pour la première fois en Éthiopie avec une personne qui m'est très chère et qui est aujourd'hui le directeur de toute la zone Afrique. pour Belco, qui s'appelle Jacques Chambrillon, qui est un géographe passionné de café, passionné d'Ethiopie, qui est parti en Ethiopie pendant ses études et qui a découvert l'Ethiopie à pied, presque un vrai pionnier. Et en fait, en 2013, il m'a invité avec lui à découvrir l'Ethiopie. Il était à la tête, avec son associé Sylvain, d'une petite société d'importation qui s'appelait Antbassa, et avec laquelle on travaillait. J'ai découvert avec lui l'origine du café. J'ai découvert avec lui un pays. qui n'avait pas évolué dans son agriculture depuis 50 ans. vraisemblablement par manque de moyens. Mais la chose absolument magique, c'est qu'en n'évoluant pas, ce pays était finalement représenté le futur de la caféiculture. Les savoir-faire n'avaient pas été oubliés, écartés. L'agroforesterie, la nature étaient au centre même de la production de café. Les sols étaient vivants. Et quand je me suis retrouvé au niveau de ces caféiers, ces productions de café, je me suis dit « Waouh ! Je n'ai absolument jamais vu ça ! » C'est absolument incroyable. Tout ce que je connaissais jusqu'alors, c'était de la monoculture, quelques fois parsemée de quelques arbres. Mais là, on était dans quelque chose de radicalement différent, avec des cafés absolument incroyables. L'expérience que j'ai pu vivre avec lui, l'expérience humaine, associée à l'expérience de la nature et les produits qui étaient issus de ses productions, tout ça m'a amené un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

  • Eric

    C'est hyper intéressant cette notion du passé qui rencontre le futur. Et c'est vrai qu'on y reviendra finalement, puisque c'est aussi un des principes de l'économie régénérative, peut-être de revenir à des fondamentaux et de se reconnecter à la nature. Alors, on va parler encore un petit peu de toi pour essayer de comprendre les racines finalement de ton engagement. Qu'est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit ou adolescent comme métier ? Est-ce que tu voulais déjà être entrepreneur ou tu as envisagé d'autres métiers ?

  • Alexandre

    Alors moi, j'ai eu la chance d'avoir un père entrepreneur. qui a dirigé une entreprise dans laquelle il est rentré en étant très jeune et qui ensuite en a créé deux autres. Et donc en fait, il m'a donné le goût d'entreprendre et il m'a donné le goût du travail. Donc assez jeune, j'ai voulu faire comme papa. Et assez jeune, j'ai compris, et il m'a invité à le faire, parce qu'à partir de mes 14 ans, le deal entre lui et moi, c'était que je travaillais pendant la moitié de mes vacances scolaires pour pouvoir profiter de l'autre moitié en faisant tout un tas de choses formidables. Et c'était quelqu'un de très pragmatique. qui m'a donné le goût de la réalisation. Et il y a autre chose qui a été très formateur, c'est que j'ai été pendant assez longtemps joueur de rugby et j'ai compris l'approche collective et la capacité d'un collectif à surpasser la somme des performances individuelles. Et en fait, cette envie d'entreprendre, de réaliser, de changer des choses, de travailler, associée à cette envie du collectif, ça a forcément forgé chez moi, fait naître chez moi extrêmement tôt. l'envie d'entreprendre et l'envie d'entreprendre collectivement.

  • Eric

    Alors, ça va faire une très bonne transition. Si tu peux nous raconter ton engagement dans l'aventure CEC, la Convention des entreprises pour le climat, puisqu'on parle de collectif, d'engagement collectif. C'est clair, et tu le racontes dans ton parcours, que tu avais déjà, et Belco avait déjà, entamé beaucoup d'actions. Et finalement, la CEC est venue dans une aventure qui était bien avancée sur la transformation. Mais donc, comment es-tu venu dans la CEC ? Et qu'est-ce que ça t'a apporté au niveau prise de conscience ?

  • Alexandre

    Alors, je vais commencer par remettre, si tu es OK avec moi Eric, remettre un tout petit peu de contexte parce qu'effectivement, on était avancé. Mais clairement, la CEC, ça a été une étape plus que marquante dans la vie de l'entreprise. Et surtout, ça sera une étape plus que marquante dans son futur. L'entreprise Belco, elle a été créée en 2007. Et au début, elle a été créée comme une société assez classique d'importation qui achetait des cafés standardisés. Et je dirais... sur les marchés et qui était un intervenant parmi une chaîne très très longue, très opaque, dans laquelle il était assez compliqué d'obtenir des informations et d'avoir des qualités satisfaisantes. Il y a une chose qui est très importante à comprendre avec Belco, c'est que dès le début, on a été engagé avec les artisans. L'histoire de l'entreprise a été liée à l'artisanat dès le premier jour et aujourd'hui, 17 ans après la création, elle est toujours exclusivement liée à l'artisanat et au PME de Torréfaction. Ça c'est un point qui est assez important. Et dès le début, le constat a été fait que l'artisanat de la torréfaction en France était en manque de dynamique, d'énergie, de bonheur, d'épanouissement. Et assez rapidement, on a eu envie de redonner vie à l'artisanat du café. La première des initiatives, c'est de développer un centre de formation. Parce qu'on s'est dit que finalement, formant, en redonnant de la connaissance, en redonnant de l'information, on pouvait redonner du sens aussi. autoréfacteurs, et là de leur donner envie de faire leur métier et de développer leur métier face à une très grande puissance à l'époque qu'était Nespresso, qui l'est toujours évidemment, mais il faut se remettre dans le contexte, en 2007, Nespresso c'était le nec plus ultra du café, et moi j'avais pas du tout envie de ça en fait, j'avais envie que le nec plus ultra du café, ça soit justement l'authenticité. Tu parlais de cap tout à l'heure, j'avais qu'une envie, c'était de redonner un cap aux artisans. Et de redonner un cap vers des cafés de grande qualité, vers la traçabilité, vers l'authenticité, vers la transparence. Et c'est ce qu'on a fait pendant tout un moment. Et finalement, assez rapidement, au bout de cinq ans... On s'est rendu compte que c'était plus possible de travailler dans la filière dans laquelle on a été établi, parce qu'il y avait trop d'intermédiaires entre nous et les producteurs, on n'avait pas accès aux informations concernant les cafés qu'on achetait, et on ne pouvait pas du tout monter le niveau de la qualité. Donc assez rapidement, on s'est dit qu'il faut switcher le modèle dans lequel on est. Je précise ce point-là parce que c'est important par rapport au contexte dans lequel on arrivait dans la CEC. On a commencé à shifter. Notre modèle d'affaires en 2014, en se disant non, on arrête de travailler avec les maisons de trading, on arrête de travailler avec des cafés standardisés, on établit des relations directes avec des producteurs, on veut maîtriser notre traçabilité, on veut savoir à qui on achète, on veut savoir où on achète, on veut savoir de quelle plantation ça vient, quel est le modèle derrière cette plantation. On veut pouvoir apporter. de la transparence pour pouvoir instaurer une confiance avec nos clients, nos consommateurs. On veut comprendre le contexte de Ausha, parce qu'on peut parler d'achat responsable. Par exemple, fixer le prix d'achat d'un café. Si on ne le fait pas en comprenant de façon locale le contexte dans lequel on achète le café, c'est finalement impossible de pouvoir le faire. Ça ne peut évidemment pas être quelque chose de global. Et donc, assez rapidement, on s'est rendu compte qu'il fallait qu'on soit présent, qu'on aille acheter en direct, mais... Un peu plus que ça, qu'on établisse des équipes directement sur le terrain pour pouvoir maîtriser cette qualité, cette traçabilité, cette transparence et pouvoir agir, supporter les producteurs dans leur travail au quotidien. Et donc, on a commencé à installer des équipes dans les pays producteurs.

  • Eric

    Alors juste cette transition très forte que vous avez eue d'être un intermédiaire dans une chaîne de valeur, vous avez basculé vers... être finalement un intégrateur dans toute une filière et prendre soin de tout l'écosystème depuis la source, la production jusqu'à la torréfaction. Est-ce que ça, ça a pris combien de temps ? Et c'était dans quelles fenêtres, en termes de temps pour vous, c'était enclenché dans quelles années ?

  • Alexandre

    La feuille de route stratégique a été écrite en 2013. On a enclenché le mouvement en 2014 et ce n'est pas encore totalement terminé. À l'époque, on avait à peu près 5% de nos cafés quand on a initié le mouvement, 5% des cafés qui étaient importés. dont on connaissait, dont on maîtrisait totalement la traçabilité. Aujourd'hui, on est de l'ordre de 95%, à peu près. Donc, ce n'est pas encore 100%, mais bon, voilà. Donc, on va dire que ça a pris une dizaine d'années. Et puis, à l'origine, le sujet, c'était quoi ? C'était d'amener une histoire, d'amener une qualité absolument extraordinaire, d'amener de la diversité aux artisans torréfacteurs pour qu'ils puissent se battre contre les industriels. Je rappelle que l'idée, c'était faire que les artisans torréfacteurs soient meilleurs. que les capsules Nespresso. Je résume un peu. Ah oui ? Mais c'est un petit peu l'idée. Comment pouvoir balancer le jeu, en fait, entre des artisans et des multinationales absolument gigantesques ? Je rappelle que le café, c'est la première matière première agricole échangée dans le monde. La deuxième matière première échangée après le pétrole, c'est la première économie agricole au monde. C'est quand même juste dingue. Et 75% de ce marché, et dans les mains de trois entreprises, Nestlé, Lavazza et JDE. Donc, redonner ces lettres de noblesse à l'artisanat et redonner à l'artisanat le pouvoir de se battre contre ces puissances-là, ce n'était pas quelque chose d'anodin.

  • Eric

    Et est-ce que, justement, quand on t'écoute, on sent une énergie de résistance par rapport à une déferlante de pratiques de très gros acteurs qui, par les volumes et par leur surface financière, ont pu écraser un marché ? Est-ce que tu qualifierais toujours aujourd'hui votre action d'une énergie de résistance, où finalement il y a un modèle assumé, une alternative, avec cette chaîne et cette compréhension depuis la production jusqu'à la tasse de café ? Et est-ce que finalement cette proposition c'est toujours une énergie de résistance, ou plutôt une alternative qui crée de la joie dans la filière et qui s'impose comme une vraie alternative ?

  • Alexandre

    Aujourd'hui c'est clairement une alternative. Et en même temps, je ne peux pas dire qu'il n'y a pas forcément encore. un petit peu de résistance. On est toujours en train d'affiner le modèle qu'on souhaite pouvoir proposer aux consommateurs pour que la proposition de valeur soit extrêmement claire. Mais il y a beaucoup d'énergie, beaucoup d'énergie positive et une vraie croyance dans une alternative tout à fait claire chez les torréfacteurs, chez les chocolatiers aujourd'hui d'ailleurs aussi, parce que le mouvement dans le cacao est le même, même s'il y a toujours un peu de résistance. Je reprends juste le sujet. Du coup, on se retrouve à créer des équipes dans les pays producteurs et assez rapidement, on se rend compte que là, on est en 2017, 2018. On se rend compte qu'en fait, il y a un vrai problème. Il y a un vrai problème dans l'agriculture, enfin il y a un vrai problème dans la caféiculture. On ne produit plus de café, il y a certaines altitudes, il faut savoir que le café ça pousse en altitude, il y a certaines zones où on ne produit plus de café en fait parce qu'il fait trop chaud. Il y a des zones dans lesquelles on n'avait jamais cultivé de café, dans lesquelles on se met à cultiver de café. Bon le sujet c'est que le café ça pousse sur une montagne, donc on peut toujours monter, mais bon plus on monte moins il y en a, c'est la forme de la montagne qui en décide. Il y a un problème parce que les temps de maturation des cerises sont plus courts, donc ça affecte la qualité. Et puis, finalement, on se retrouve dans le même temps face à des études qui disent « Messieurs les professionnels du café, à horizon 2050, et je parle de ça il y a 7-8 ans, depuis ça s'est accéléré, à horizon 2050, vous allez perdre 50% des surfaces cultivées dans le monde. » Ok. Et qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? On a deux choix. Soit on fait l'autruche, on se dit « De toute manière, c'est ça encore, des études, il y en a plein. » Moi, je vais continuer à vivre ma vie, le café, on va trouver des solutions, la technologie, l'avenir, etc. Il y a toujours des magiciens où on se pose et on se dit, en fait, moi, je suis entrepreneur, je suis commerçant, chef d'entreprise. Je ne suis pas du tout scientifique. Et puis, en fait, il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent. des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de c'est quoi l'avenir du café ? Et donc à partir de 2017-2018, on se dit le café de demain ne sera pas du tout le même café qu'hier. Et même si Belco aujourd'hui a su, ou en tout cas était en train d'apporter une proposition de qualité traçable dans la transparence au torréfacteur, il fallait aller au-delà. Il fallait aller dans un café et... produit beaucoup plus durablement. Il fallait trouver des solutions pour à la fois rendre la filière de production résiliente et maintenir la désirabilité de la consommation du café, tout en se mettant en conformité au fur et à mesure avec les réglementations. Et donc, à partir de là, on a évolué dans notre approche, on a été encore plus ambitieux, plus radical dans Ausha d'agriculture, de modèles agricoles qu'il y avait derrière les cafés consourcés et on a commencé a initié les sujets sur lesquels on reviendra certainement tout à l'heure, de transport à la voile, etc. Mais toute cette prise de conscience, elle est arrivée quelques années après le shift vers les achats directs et elle nous a amenés à travailler sur la durabilité de Ausha et sur la durabilité de notre filière. Et c'est dans ce contexte qu'on est rentrés à la CEC.

  • Eric

    Est-ce qu'on peut dire que ce que tu nous décris là, c'est finalement qu'assez vite, vous vous êtes rendu compte avec ton père en tant qu'entrepreneur, qu'il fallait prendre un coup d'avance sur la transformation de la filière et de votre proposition de valeur. Mais à un moment donné, vous vous êtes dit, en fait, on doit prendre deux coups d'avance pour vraiment anticiper cette filière, plutôt à 20 ans, parce qu'il y avait des mouvements majeurs qui se passaient sur les surfaces à cultiver.

  • Alexandre

    Oui, clairement, deux coups d'avance. On s'est surtout dit, il faut écouter la scientifique, il faut écouter ce que la nature est en train de nous dire. Posons-nous la question de savoir s'il y a un avenir ou pas pour le café. Ça, c'est la première question qu'on s'est posée. Est-ce qu'il y a un avenir ou pas pour le café ? Parce que finalement, s'il n'y avait pas d'avenir pour le café, à ce moment-là, la réponse qu'on doit donner est une réponse autre. On doit piloter, transformer notre entreprise différemment. Et nous, on s'est dit, en fait, il y a un avenir possible et souhaitable pour le café. Parce que le café peut être vertueux. Le café peut être vertueux du point de vue de la santé, le café peut être vertueux du point de vue de la nature, du point de vue économique, du point de vue social, de la convivialité. Et donc, finalement, il y a un avenir tout à fait possible. Ça dépend de quel café on parle. Donc, battons-nous pour construire une filière qui produit des cafés dans lesquelles on croit et qui, pour nous, ont un avenir possible et souhaitable.

  • Eric

    Alors, si on établit un peu cette histoire, vous vous lancez assez vite, vous trouvez une différenciation. En tout cas, la raison d'être de Belco. Vous prenez aussi des décisions pour prendre un coup, voire deux coups d'avance. Et donc, en 2023, tu prends la décision de lancer Belco dans l'aventure de la CEC. Qu'est-ce qui s'est passé et qu'est-ce que tu en as retiré ?

  • Alexandre

    Alors, une petite précision qui n'est pas si petite que ça, mon père quitte l'entreprise début 2014. On avait une approche de la lecture de l'avenir qui était différente, on va dire, et c'est normal en fait, c'est une question de génération. Et c'est quelqu'un qui avait entrepris, qui avait travaillé très tôt, donc je pense qu'il y avait aussi une certaine fatigue et je pense qu'il avait besoin de souffler, de respirer. Donc on a partagé nos souhaits. pour l'avenir de l'entreprise en 2013. Et assez rapidement, il m'a dit écoute, je ne crois pas beaucoup dans ce que tu veux faire, mais je crois encore moins dans ce que je veux faire. Donc, je vais quitter l'entreprise et comme ça, tu auras la main pour pouvoir la transformer comme tu le souhaites. Voilà, petite précision.

  • Eric

    Ce n'est pas une énorme précision sur le chemin de vie.

  • Alexandre

    C'est une grosse précision sur le chemin de vie. Et donc, tout ça m'amène en 2023 à la CEC. Et la rencontre avec la CEC, c'est un ami, Mathieu, Sarah, qui, à un moment donné, me passe un coup de téléphone. Écoute, Alex, j'ai été invité, je me lance dans un projet qui est de participer à un parcours pour dirigeant d'entreprise, pour revisiter un petit peu mon modèle d'affaires. Et j'avais pas mal discuté de ces sujets-là avec lui. Et il me dit, je pense que c'est très aligné avec ce que tu fais, ce que tu mènes pour Belco. Tu devrais venir voir. Honnêtement, j'ai mis un certain temps à répondre parce que dans ma tête, on était déjà lancé sur ces sujets-là. Et je ne me posais pas trop de questions et je me suis dit finalement, je vais me retrouver avec des entreprises qui se posent des questions sur leur modèle d'affaires, alors que nous, ça fait déjà dix ans qu'on s'en pose. Est-ce que j'ai ma place ici ? Puis finalement, je me suis dit, ça serait trop bête en fait de ne pas juste aller voir. Je suis quand même quelqu'un d'assez curieux. Et je me suis retrouvé dans un petit déjeuner de la CEC. Et en fait, à l'issue du petit déjeuner, je me suis dit évidemment j'y vais pour deux raisons principales et qui sont hyper importantes. La première, c'est que pendant dix ans de transformation du modèle d'affaires de Belco entre 2013 et 2023, on va dire, il y a quand même énormément de moments où je me suis senti seul. Parce que transformer une entreprise à ce moment-là, ce n'était pas forcément simple, parce que prendre conscience des sujets environnementaux en 2017 en tant que dirigeant d'entreprise... Quand on en parle avec d'autres dirigeants d'entreprise, il n'y a pas forcément d'écho. On est jugé souvent. On doit prendre des risques qui sont importants et façon de quels on se retrouve. Parce que c'est bien beau, après quelques années, de dire finalement, c'est super, mais il y a des risques. Et en fait, de temps en temps, on n'en dort pas de ces risques-là. Et ne pas dormir, être jugé, être isolé, ce n'était pas forcément quelque chose de très rigolo. J'ai eu la chance d'avoir une équipe absolument formidable. J'ai la chance d'avoir une équipe absolument formidable qui m'a... casser autant que faire se peut de cet isolement, mais j'avais quand même besoin de retrouver aussi une communauté en dehors de Belco. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, je me suis dit, au-delà de ça, je suis très attaché à l'intelligence collective. Et je me suis dit, non seulement ça casse l'isolement, mais en plus, ça permet de créer avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard, porter un regard sur ce qu'on a fait, un regard extérieur, parce qu'évidemment, Il y a plein de choses à améliorer. Et évidemment, on a la tête dans le guidon et on ne le voit pas. Donc, avoir la chance de pouvoir partager son plan, sa feuille de route, sa vision avec d'autres chefs d'entreprise, quelle opportunité incroyable en fait. Voilà ce qui m'a fait rentrer à la CEC.

  • Eric

    Est-ce que c'était tes deux intentions au départ ? Sortir de l'isolement et profiter de la force de l'intelligence collective. Est-ce que sur ces deux objectifs, finalement, tu te... t'es retrouvé, ça a répondu à tes attentes et est-ce que la CEC t'a apporté aussi d'autres choses ?

  • Alexandre

    Évidemment, ça nous a cassé de l'isolement. Le parcours de la CEC est basé sur la prise de conscience et entourée, une prise de conscience entourée et sur la construction par l'intelligence collective. Donc, évidemment, ça m'a apporté tout ce que je recherchais et bien plus encore parce que je ne pensais pas que certaines entreprises pouvaient ... prendre conscience aussi rapidement de l'impact négatif, je dirais, de l'économie extractive, et rebondir avec autant de joie et d'énergie. Ne serait-ce que de voir ça, j'ai trouvé ça incroyable. En fait, il faut voir une chose, c'est que moi, je ne suis pas né avec des convictions écologiques. Belco n'est pas né en étant un modèle vertueux, et on a encore plein de progrès à faire. On a shifté, et ça c'est un point qui a été assez dur, en fait. Parce qu'au début, quand on initie une transformation de modèle d'affaires, finalement, on devient trop bobos pour ceux qui ne bougent pas et pas assez pour ceux qui sont nés hyper vertueux. Et donc, en fait, on a le cul entre deux chaises. Je suis désolé de le dire, mais c'est l'expression. Et on est jugé des deux côtés. Et ce n'est pas cool du tout. Donc, au-delà du fait de casser de l'isolement et de bénéficier de l'intelligence collective, il y a ce regard hyper bienveillant de la CEC envers tout un tas d'entreprises en leur disant Mais finalement, n'ayez pas peur de ne pas être parfait. Et ce n'est pas parce que votre modèle n'est pas parfait aujourd'hui qu'il ne peut pas s'améliorer demain. Et ça, je trouve ça vraiment incroyable. C'est un truc que j'ai vraiment découvert. C'est que la CEC... est très accessible, très pragmatique, et c'est vraiment un mouvement, une association, un parcours qui parle à tous les entrepreneurs, et c'est certainement ce qu'il y a de plus beau.

  • Eric

    Effectivement, tout le monde est bienvenu dans la CEC, et je dirais que personne n'est parfait dès qu'on se lance dans une activité économique, elle aura forcément des impacts, et on est là sur l'économie régénérative, c'est de créer des impacts nets positifs, et donc justement... On va aller un peu plus loin sur le régénératif pour Belco. On va partir sur peut-être l'initiative. On aimerait que tu nous en dises un petit peu plus. L'initiative la plus spectaculaire de Belco, c'est sans doute le transport à la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur les décisions que vous avez prises sur le transport à la voile ? Ce que ça veut dire, les implications, la prise de risque aussi. Et aussi, est-ce que ça peut inspirer d'autres secteurs ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Bien sûr, ça peut inspirer d'autres secteurs. Et bien sûr, également, je réponds à ta question, Eric. Je dirais qu'encore une fois, le contexte, j'aime bien reposer un petit peu les contextes. Le contexte, c'est quand on prend conscience de la problématique environnementale et qu'on se dit, c'est quoi le café souhaitable pour l'avenir ? En fait, on commence par mesurer, regarder. On fait un bilan carbone de notre activité et on se rend compte qu'en fait, 80% du sujet, il vient des plantations. Il vient de la production, en fait. Il vient de l'agriculture. Le sujet, c'est l'agriculture. Mais pas que. Le troisième poste, on découvre le troisième poste, et le troisième poste, c'est le transport. Et c'est vrai que le transport, on n'avait pas vraiment pensé au transport. Alors, c'est pas beaucoup, mais on creuse. Parce qu'on se dit, c'est quand même le troisième. Donc, c'est un poste qui, pour Belco, représente à peu près... Alors, si on parle uniquement carbone, représente 10% des émissions de CO2. Bon, c'est beaucoup, pas beaucoup. On mène tout de suite des transformations assez lourdes au niveau de la transition agricole. qu'on continue encore. Mais on se dit, il faut aussi qu'on se pose la question du transport. Et ça peut être aussi un aspect différenciant et un peu un symbole. Parce que finalement, tout ce qu'on fait au niveau de l'agriculture, c'est hyper impactant. C'est évidemment essentiel. Mais du point de vue consommateur, ça parle sans parler. C'est très complexe à expliquer. Le transport, on se dit, c'est le troisième poste. C'est 10%, c'est 3% au niveau des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Mais ces 10% d'émissions des oxydes de soufre, ces 20% sur les oxydes d'azote, donc tout ça, c'est responsable, c'est la pollution atmosphérique, ce sont les maladies respiratoires, c'est aussi l'acidification des sols. Le transport, c'est aussi, avec le fuel lourd, la pollution des océans. Il y a également de la pollution sonore, qui menace aussi la vie marine. Et quand on rentre un petit peu dans le truc, et qu'on se dit, il n'y a pas que les émissions de CO2, mais en fait, il y a un impact environnemental, on se dit, en fait, c'est... énorme. Donc, l'impact environnemental, il est gigantesque et à côté de ça, il peut y avoir un symbole qui peut vraiment être marketé aussi et rendre désirables les produits qu'on vend et qui peuvent nous amener, puisque évidemment, le sujet c'est pas d'aller mettre dans des bateaux à voile des cafés qui sont produits en monoculture et bourrés d'intrants, ça peut aussi nous permettre de pouvoir parler de tout ce qu'on fait à l'origine. Et donc, on rentre dans ce sujet du transport à la voile. 2017-2018, je rencontre Diana Messa et Guillaume Legrand, cofondateurs de la société Tôte, T-O-W-T, qui à l'époque affrétaient des petites goélettes dans lesquelles on mettait une vingtaine de tonnes de café. Ils étaient à Douarnenez, petite entreprise de Douarnenez. Et je m'intéresse au transport à la voile parce que je me dis qu'il y a un truc à gratter à ce niveau-là. Je découvre cette solution, je les rencontre. Honnêtement, premier rendez-vous, je me dis qu'ils sont complètement fous. Ce n'est pas du tout... Ça ne peut pas marcher, en fait. C'est trop petit. Des goélettes, nous, on faisait à l'époque l'équivalent de 500 containers par an. On n'est pas très gros, mais bon, 500 containers, je ne peux pas importer 500 containers un container par un container en petites goélettes qui met trois mois à arriver. Je me dis, c'est impossible. Et avec un prix du transport qui était 50 fois supérieur au prix que j'avais... Je me dis... Ok, je suis prêt à payer plus, je suis prêt à me battre, mais là, 50 fois, c'est quand même un peu too much, ce risque-là, je peux peut-être pas le prendre. Néanmoins, ce sont des entrepreneurs, et on garde le contact. Et puis, un an après, le truc continue à me trotter en tête, eux continuent à avancer, et je me dis, bon, il faut quand même qu'on fasse un truc avec eux, parce que les mecs se battent depuis 2011, ils font la promotion du transport à la voile, c'est pas possible de laisser des entrepreneurs comme ça sans leur filer un coup de main. Et donc, on commence. Assez rapidement, et d'ailleurs je me rappelle dans les premières communications, je disais aux journalistes, attendez, pour le moment c'est un test, ça ne représente absolument rien sur nos importations, donc ne nous emballons pas, sinon en fait ça va être du greenwashing. Mais bon, je les aide comme ça, on garde le contact, et puis en 2019, on fait un constat ensemble et on se dit, mais en fait, c'est pas possible de rendre le transport à la voile, d'intégrer le transport à la voile dans un modèle d'affaires d'entreprise si on ne voit pas plus grand. Plus grand c'est quoi ? Ce sont des voiliers cargo. Mais ça n'existe pas. Donc, Toth, Diana, Guillaume se posent sur les premiers dessins et créent un concept de voilier cargo. Premier concept, assez rapidement, ils se disent « Ok, on va y aller. » Pour y aller, il faut financer le bateau. On a des plans, on a un chantier. Comment on fait ? Il nous faut des clients. Et donc, ils nous font signer des lettres d'intérêt. Donc, 2020, février 2020, juste avant le Covid, suite au salon Change Now, d'ailleurs, je signe la première LOI pour, je dirais... m'engager comme chargeur dans le transport à la voile. Assez rapidement, on se rend compte, malheureusement, le constat n'est pas très positif. Le constat, c'est quoi ? C'est qu'il n'y a pas assez de chargeurs, en fait. Donc, on a beau être un chargeur, si on prend 10% du bateau, si le reste du bateau n'est pas rempli, jamais le bateau n'est financé. Et donc, on va un petit peu plus loin en 2021-2022. J'accélère un petit peu, mais pour rendre possible le projet aux côtés de Diana et de Guillaume. on rentre dans l'actionnariat de Tôte et on signe un contrat en tant qu'affraiteur. Ça veut dire qu'on prend l'engagement et donc on prend le risque de réserver les bateaux entiers. Tout ça amène au financement du bateau, à la mobilisation d'un groupe d'entrepreneurs engagés auprès de Diana et de Guillaume, suite à la mobilisation de Belco, à la construction des bateaux. Les deux premiers bateaux ont été mis à l'eau en 2024. Et les deux premières importations de café à la voile ont été réalisées en 2024. depuis la Colombie, depuis Santa Marta en Colombie et depuis le Brésil. On a reçu au mois de novembre et de décembre les premiers chargements de cafés colombiens et brésiliens qui ont été transportés à la voile par propulsion principale. vélique, transporté en une vingtaine de jours, à peu près. Donc on a divisé par deux notre temps de transport, parce qu'en fait on a un transport qui est plus petit, mais du coup qui est dédié, et beaucoup plus direct qu'avec la massification des méga-cargos. Dans des conditions, des qualités de transport absolument incroyables par rapport aux cocottes minutes que peuvent être les containers, avec plus de 90% de réduction des émissions de gaz et effets de serre, 92% de moins d'émissions d'oxyde de soufre et 98% d'oxyde d'azote. Donc, c'était dur financièrement, logistiquement, humainement. Ça va continuer à être dur parce qu'on va continuer à se battre pour rendre ce transport à la voile massif possible et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ?

  • Eric

    Ça fait deux fois, Alexandre, que tu nous donnes un exemple hyper concret où, finalement, le futur rencontre le passé. où le futur revient vers le passé, vers une simplicité et un retour à la nature aussi. Ça me donne envie de quand même ce rêve de la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus puisque tu es encore plus loin sur ce rêve toi-même, sur le projet de la Transat Jacques Vabre ? Tu t'embarques, toi à titre personnel, c'est une continuité par rapport à cette décision de transporter le café à la voile. Qu'est-ce qui t'a emmené ? sur ce projet personnel ?

  • Alexandre

    Oui, alors c'est un rêve personnel et professionnel assez fou, ce projet de course au large. Et c'est une source d'épanouissement dingue. A l'origine, j'ai trois objectifs, en fait, dans ce projet. Alors, ce projet, c'est quoi ? Déjà, c'est d'apprendre à naviguer. Il faut savoir que j'ai toujours rêvé de naviguer, mais je n'ai jamais appris à naviguer, parce que je l'ai dit tout à l'heure, je joue au rugby, donc ça laissait finalement assez peu de temps. J'ai terminé mes études deux mois après. J'ai rejoint mon père pour créer Belco. Quand on crée une entreprise, c'est 7 jours sur 7, on bosse 12, 13, 14 heures par jour. On ne se pose pas la question, on y laisse pas mal de points de santé, mais ce n'est pas grave en fait parce qu'on réfléchit à autre chose. Et puis, quelques années plus tard, on se réveille, on retrouve la santé parce qu'on remet un petit peu la santé personnelle au centre de ses préoccupations. Et puis, on se pose la question de quelle est la suite en fait et comment j'aborde. Moi, ça faisait 15-16 ans. que j'étais chez Belco, comment j'aborde l'avenir ? J'avais envie de naviguer, de découvrir le large. Belco avait besoin que, pour des questions de gouvernance, que je prenne aussi un petit peu de hauteur. Tu sais, quand on monte une entreprise, au début, on fait tout. Et puis ensuite, on délègue. On délègue pas mal de choses au fur et à mesure. C'est pas évident, en fait, de déléguer. Et puis... On grossit, on grossit, et puis à un moment donné, si l'entreprise veut continuer de grandir, veut continuer de s'épanouir, il faut que le dirigeant, que le fondateur accepte de lâcher prise sur certains sujets. Et j'ai beaucoup bossé sur ça ces dernières années, mais il y avait certaines choses sur lesquelles je n'arrivais plus à lâcher prise. Et je dois le dire, il y avait encore certains sujets dans l'entreprise où je pense que je considérais encore que j'étais la meilleure personne pour les faire. Ce n'était pas rationnel, ce n'était pas vrai, et je le savais. Et je le faisais quand même encore. Et donc j'ai pris conscience à un moment donné que pour que l'entreprise et pour que le projet se développe mieux, il fallait que moi je prenne un peu de hauteur, je m'efface un petit peu. Et finalement ce projet, pendant deux ans, d'apprendre à naviguer et de faire une course au large transatlantique, permet à l'entreprise de respirer aussi et de se structurer sans moi, ce qui lui fait beaucoup de bien et ce qui m'a amené à devoir organiser l'entreprise sans moi aussi. Et donc, ça a été un premier point, une première motivation extrêmement importante. La deuxième, c'est parler de transport à la voile. Parler de transport à la voile, le sujet là, c'est quoi ? C'est de faire la route du café à la voile, partir du Havre. Je suis Havret, normand, Havret, fier de l'être. Partir du Havre en bateau à voile, faire la route du café pour parler de transport de café à la voile. Qu'est-ce qui peut avoir plus de sens ? J'ai véritablement envie d'être un porte-parole du transport à la voile et du transport à la voile de café, de cacao. en partant du Havre pour cette belle aventure. Et la troisième chose, qui est peut-être la première la plus importante pour moi, c'est qu'au bout de 20 ans d'entrepreneuriat, je l'ai dit tout à l'heure, je me suis senti pas mal seul. Je veux dire, je me suis senti seul dans l'évolution du modèle d'affaires de Belco. Et je pense qu'aujourd'hui, en tout cas, la transformation de l'économie, d'une économie extractive, comme tu le sais, vers une économie régénérative, est entre les mains des entrepreneurs, est entre les mains des entreprises. Je fais pas mal de choses depuis 10 ans. Je suis très loin d'avoir un modèle parfait parce qu'en fait, il faut l'améliorer tous les jours. Mais j'ai envie de faire savoir que c'est possible et j'ai envie de faire savoir qu'on n'a pas besoin d'être un super héros. Moi, je suis quelqu'un de complètement normal. Je n'ai pas fait de grandes études. Je ne suis pas super intelligent. Je suis juste animé par le collectif, animé par un projet, animé par l'envie de réaliser. J'ai eu de bons exemples autour de moi. Ça m'a inspiré. Je suis bien entouré. Et en fait, tout ça, c'est des choses qu'on peut reproduire. Et j'ai envie de le dire. Et quand j'ai découvert la CEC, je me suis dit, mais en fait, c'est génial. J'ai aussi envie de porter le message de la CEC et envie de profiter de cette occasion, pas seulement pour parler de transport à la voile, mais aussi pour adresser un message aux entrepreneurs, aux chefs d'entreprise, leur dire que c'est possible de changer le monde. C'est possible d'évoluer. On n'a pas besoin d'être un super héros. On n'a pas besoin. d'avoir des convictions écologiques depuis 10 ou 15 ans, il faut y aller. Il faut y aller, prenons conscience des enjeux et développons avec courage, donnons un cap, comme tu le disais en introduction de cet entretien, à nos entreprises. Et donc ça, c'est la troisième de mes motivations. J'ai envie d'aller un peu plus loin sur l'embarquement de l'équipage, puisque là, on vient de parler de course à la voile, et tu as parlé aussi de rugby, et que très jeune, en fait, tu as compris la force du jeu collectif et donc de faire avec les autres. Le projet de Belco est hyper ambitieux. Vous êtes vraiment des pionniers sur beaucoup d'aspects de votre chaîne de valeur. Et donc, je suppose qu'un des enjeux pour toi, en tant que dirigeant, c'est d'embarquer ton équipage, embarquer les 80 employés de Belco et sans doute au-delà. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur comment tu fais ça ? Comment tu as fait ça et tu continues à faire ça ? Embarquer tes équipes vers ce nouveau cap ?

  • Eric

    Oui, alors je vais déjà préciser que cette aventure de course au large, je ne pourrais pas le vivre sans Louis qui est le skipper du bateau. Je ne suis que le co-skipper et c'est Louis qui me montre le cap. Et dans cette aventure, ce n'est pas moi le capitaine. J'embarque, je me donne beaucoup de mal pour monter au niveau parce que c'est extrêmement important que je sois capable de savoir faire tout sur le bateau pour aussi sa sécurité à lui. Mais c'est lui qui me montre la voie, c'est lui qui me donne envie et qui me rend accessible ce défi. Donc je crois que c'est important de le préciser. Alors après, comment j'embarque mes équipes ? Je crois que la première des choses pour embarquer des équipes, c'est avant tout d'avoir un projet hyper clair, d'avoir une raison d'être. d'avoir des valeurs, d'avoir un ADN et d'être constant dans ce qu'on fait et de chercher la transparence. Alors évidemment, c'est très théorique ce que je dis, mais en fait, j'y crois. Et depuis 2013, on s'est toujours forcé, malgré le fait qu'on soit une PME en fait, petite ETI aujourd'hui, mais on s'est toujours forcé à avoir des feuilles de route stratégiques formalisées et partagées. Depuis 2013, on a créé quatre feuilles de route stratégiques. Donc aujourd'hui, on a une feuille de route qu'on a nourri aussi par notre participation à la Convention des entreprises pour le climat, une feuille de route à horizon 2030. Mais avant ça, on avait créé une feuille de route 2013-2016, puis une 2016-2019, puis une 2019-2025, et ensuite on est à la 2030. Donc, on a des stratégies qui sont posées. On réfléchit, on pose les choses, on crée des stratégies et des chemins qui sont alignés avec les valeurs, avec l'ADN de l'entreprise. On communique tout ça. à nos équipes et on essaie d'être le plus clair possible et le plus aligné possible dans tout ce qu'on fait avec nos valeurs. Et je crois que c'est un des facteurs qui génère le sens et l'appartenance, le sentiment d'appartenance à un collectif. Et je crois que ça, ça permet d'embarquer énormément. Je pense que c'est le ciment, en fait, de notre collectif.

  • Alexandre

    Donc cette constance. Et puis, ce cap qui est donné, qui est renouvelé aussi, comme une navigation d'année en année pour montrer que Belco peut aller encore plus loin. On a entendu parler, puisqu'on sait que c'est quelque chose qui est novateur aussi, d'un collectif qui s'est lancé. Alors, est-ce que c'est toi qui l'as lancé ? Est-ce qu'il s'est lancé en spontané ? Je crois que ça s'appelle Belco pour le vivant. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus pour inspirer aussi d'autres entrepreneurs de trouver des relais au sein de l'entreprise ?

  • Eric

    Oui, bien sûr. Donc là, on revient, et c'est une très bonne chose, à tout ce que nous a apporté, en fait, le parcours de la CEC. Effectivement, l'une des premières choses, c'est l'évolution de la gouvernance avec la création chez Belco du collectif Belco pour le vivant. Alors non, ce n'est pas mon initiative. Et tu vois, quand on parlait du sujet de la course au large et de le fait que prendre un peu de hauteur pouvait permettre aussi à un collectif de mieux exister, de prendre ses responsabilités. d'entreprendre. Cette initiative a été menée par Simon David, qui est aujourd'hui le directeur général adjoint de Belco, et qui est arrivé pour renforcer l'équipe au moment où j'ai initié ce projet de course au large. C'est lui qui a participé, il a participé avec moi au parcours de la Convention des entreprises pour le climat, et il a initié cette idée du collectif Belco pour le vivant, avec une ambition au début, c'était de dire super, on est deux à faire le parcours de la Convention des entreprises pour le climat, mais... comment on va faire pour passer le message à nos équipes. Parce que finalement, si on aboutit à une feuille de route régénérative super ambitieuse et qu'ensuite, on se retrouve à devoir diffuser, infuser ce message dans nos équipes, il y avait une peur au début qui était ça va être un peu trop top-down et en fait, ça ne nous ressemble pas. Donc, comment on fait ? La solution qui a été trouvée, c'est de proposer à nos équipes de Bordeaux, j'avoue, on a proposé uniquement à nos équipes françaises, par simplicité, de faire... en même temps que nous le parcours de la CEC de façon totalement indépendante. C'est-à-dire qu'on n'était pas du tout au courant des réflexions qu'ils avaient à ce moment-là. Et donc, on a juste proposé... Aux salariés de Belco, on leur a dit voilà, voilà l'aventure qu'on est en train de vivre avec le parcours de la CEC. On leur a expliqué comment ça marchait et on leur a dit est-ce que ça vous tente ? Est-ce que vous voulez vivre cette expérience ? Et ce qu'on vous propose, c'est vous faites la même chose que nous, on vit nos chemins séparément et à la fin, on se retrouve, on partage et on se met d'accord sur ce que sera la feuille de route de Belco à horizon 2030. Et c'est cette feuille de route qu'on va présenter à la Convention des entreprises pour le climat et qu'on va rendre. transparente qu'on va diffuser. On l'a proposé et la réponse, plus de 50% de nos équipes a accepté de participer. Et ça a été pendant 10 semaines, 2 heures ou 3 heures par semaine, je crois, des réflexions incroyables qui ont abouti à 70 propositions, des échanges hyper riches, l'amélioration, je ne vais même pas dire l'amélioration, la création d'une feuille de route commune entre le collectif Belco pour le vivant et le travail que Simon a fait avec moi à la CEC. Et donc, c'était une super aventure. Et cette aventure, on a envie de continuer à la vivre avec eux et de continuer à leur donner un maximum de poids dans la gouvernance et dans la réalisation de la feuille de route de Belco à horizon 2030.

  • Alexandre

    Merci beaucoup. C'est sans doute une bonne pratique, une très bonne pratique à renouveler dans tout l'écosystème CEC pour embarquer l'équipage, enfin qui s'embarque lui-même en fait, l'équipage et cette alliance qui peut être créée en fait entre... L'équipe dite de management et puis toutes les équipes qui font sur le terrain. J'ai envie de revenir et de reboucler, puisque là, on parle de l'économie régénérative. Dans tous les leviers dont tu nous as parlé, en fait, on touche la régénération. J'ai envie de reboucler un peu sur les sols, parce que je sais que vous réfléchissez beaucoup aux sols. Chez Belco, tu nous as parlé au tout début de ce voyage que tu avais fait en Éthiopie, où tu t'étais rendu compte de quoi ressemblaient des sols dont on prenait soin dans la durée. Est-ce que vous avez lancé une démarche particulière sur les sols ?

  • Eric

    Oui, oui. Et je dirais que c'est la brique entre la construction d'équipes dans les pays producteurs, dont j'ai parlé tout à l'heure, et le transport à la voile. On s'est posé toute la question de la transition agricole. On a aujourd'hui un métier chez Belco qui s'appelle la transition agricole et qui réfléchit avec une direction de l'impact également autour de quatre piliers que sont la formation, l'information, le financement et la valorisation, qui réfléchit à... Comment on transforme l'agriculture dans le café, dans le cacao ? Et il faut savoir que le contexte auquel on doit faire face, au niveau de la production, c'est un contexte de réchauffement climatique, mais pas que, il y a un truc bien plus important, c'est l'appauvrissement des sols. Donc comment donner envie aux fermiers de prendre soin de leur sol, de prendre conscience que tout part du sol, et qu'il ne sera absolument pas possible de construire quelconque résilience ? face au changement climatique, sans d'abord prendre soin de son sol. Et donc, je le disais, on a des sujets autour de la formation. On a construit une première ferme-école au Salvador pour accueillir les producteurs et les former à l'agroécologie. On a des sujets d'information avec une plateforme qu'on est en train de construire pour amener du contenu autour de toutes les techniques d'agroforesterie, d'agroécologie aux producteurs. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi les inspirer. Il faut aussi valoriser ce qui est fait et valoriser les sols. Et donc on a créé l'année dernière, pour la première fois, un concours qui s'appelle le Soil of Excellence. Donc le sujet c'est de mettre en avant les sols. Et là on va chercher à valoriser. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le café. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le cacao. On a fait un premier test en Colombie l'année dernière et ça a été un succès. On s'est dit tiens on va faire un proof of concept un peu rapide. On a des équipes hyper mobilisées en Colombie. Monica qui a géré ça, avec Arnaud en France, qui est notre directeur de la transition agricole. Ils ont pris le sujet à bras-le-corps. Et en fait, ils ont, en quelques semaines, fait un premier test pour voir si les producteurs accepteraient ou pas de se prendre au jeu. Et à notre grand étonnement, en l'espace de deux, trois semaines, on a collecté plus de 80 échantillons de sol. Un truc totalement incroyable. Ça n'avait jamais existé. Les producteurs, ils envoient des échantillons de café, ils envoient des échantillons de cacao, ils n'envoient pas des échantillons de sol. Et donc, on a testé la qualité des sols et on a créé un jury international. On a fait ça pendant un salon qui s'appelle le PRF en Colombie. Et pour la première fois, on a mis en avant, on a récompensé des producteurs pour la qualité de leur sol et pas pour la qualité de leurs produits. Et il y a quelques torréfacteurs français, européens. qui vont promouvoir ce concours. Mais j'ai vraiment envie que la promotion passe aussi au niveau local, parce qu'il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et je voudrais faire le lien aussi avec la Convention des entreprises pour le climat. On a compris que Belco est une société internationale. Et en fait, notre ambition aujourd'hui, elle est de devenir une entreprise multilocale. On souhaite construire des chaînes de valeur localement. On ne souhaite pas seulement... exporter des pays producteurs, importer dans les pays consommateurs. On souhaite aussi distribuer et valoriser des produits de qualité, et ce point est important, dans les pays qui produisent. On souhaite réduire la dépendance à l'exportation des producteurs de café et de cacao. Et donc on souhaite aussi pouvoir valoriser à travers, je sais pas moi, des coffee shops, du café torréfié, des partenariats avec des torréfacteurs, en Colombie, des cafés primés, soil of excellence, produits en Colombie. Et ça, c'est quelque chose également d'extrêmement important dans notre feuille de route et dans l'apport de la CEC. Prendre conscience que Belco devait passer d'une organisation internationale à une organisation multilocale.

  • Alexandre

    Alors, on s'approche de la fin de cette conversation, Alexandre. Tu nous as donné énormément d'exemples de la pensée régénérative. On n'a pas vraiment parlé d'économie régénérative en termes de théorie. On s'est rendu compte de ce que c'était au niveau très pragmatique. Merci. C'est sans doute la question la plus difficile de ce podcast. Tiens-toi prêt. On va essayer de faire comprendre le plus largement possible à quoi ressemble l'économie régénérative. Pour ça, j'aimerais te demander si tu avais face à toi un enfant, disons de 10 ans, et en une ou deux phrases, comment tu l'expliquerais ? À quoi ressemble cette économie régénérative ?

  • Eric

    C'est pour moi avant tout un défi, en fait. Tu vois, je réfléchis en t'entendant parler et me poser cette question, parce que je ne l'avais pas vue avant cette question. Je me dis en fait c'est quoi l'économie régénérative ? Tout de suite maintenant, si je devais l'expliquer à mes enfants, ça serait une super grande montagne à franchir, avec un groupe de personnes en bas de la montagne, soudées, très proches les uns des autres, avec un grand sourire, et avec la volonté de s'attaquer à cette montagne. Donc pour moi l'économie régénérative, c'est à la fois quelque chose de très ambitieux, et en même temps quelque chose de tout à fait possible, à partir du moment où... où collectivement, on se donne les moyens, l'énergie et tout ce qui va avec pour réaliser ce défi. Après, comment la représenter ? Pour moi, c'est la nature. L'économie régénérative, c'est la nature. C'est quelque chose qui trouve du sens dans un ordre qui ne paraît pas être en ordre. Il faut arrêter de vouloir des choses trop bien soignées, trop propres. Il faut accepter que la nature, c'est la diversité. C'est un ordre qui paraît fouillis, mais en fait qui est... très ordonnées et toutes les choses ont leur place pour une bonne raison. Et en fait, je leur dirais acceptez les choses telles qu'elles sont, concentrez-vous sur ce qui fait du sens et ce qui donne du sens à la vie et pas sur la forme, la forme ou le côté bien polissé des choses. Est-ce que je suis clair ou pas quand je te réponds comme ça ?

  • Alexandre

    Tu es très clair et donc ça va m'amener à la toute dernière question parce que ce qui saute aux yeux quand on écoute ton parcours, quand on regarde le chemin parcouru, c'est la force, l'énergie de l'entrepreneur. Donc maintenant, la question que j'aimerais te poser, c'est par rapport à des jeunes générations, des jeunes qui rentrent dans une école de management et donc qui se destinent à être entrepreneurs, qu'est-ce que tu leur dirais sur entreprendre en 2025 ?

  • Eric

    Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, en fait. Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, on a besoin non seulement l'entreprise, Et l'action pragmatique peut leur amener une réelle source d'épasnouissement et un côté très... peut leur donner une dose d'optimisme et d'énergie face à des enjeux qui peuvent paraître de temps en temps un peu durs, en fait, parce que les constats, les prises de conscience sont dures. Donc l'entrepreneuriat, pour moi, c'est la meilleure des façons de vivre positivement les défis qu'on a face à nous. Et on a tellement besoin d'avoir des entrepreneurs engagés aujourd'hui. tellement besoin d'avoir des collectifs qui s'engagent dans les entreprises pour mener ces combats que je leur dirais très sincèrement et de façon très authentique, on a besoin de vous, venez, vous allez voir, en fait, l'aventure, elle peut être belle, elle peut être très joyeuse, malgré le gigantisme des enjeux auxquels on doit faire face.

  • Alexandre

    Merci Alexandre, merci beaucoup pour le courage, le courage de l'entrepreneur. qui a dû prendre un chemin difficile, cette haute montagne qu'il fallait escalader. Merci pour l'authenticité de l'échange. Tu t'es révélé plusieurs fois à cœur ouvert. Merci pour ça. Et puis alors, merci pour le pragmatisme. Tu nous as donné beaucoup d'exemples concrets, reliés à la nature, des chiffres aussi sur ton entreprise. Et tu nous as transmis beaucoup de pépites pour d'autres entrepreneurs. Voilà, courage, authenticité, pragmatisme, en route pour le Cap-Régène.

  • Eric

    Merci Eric.

Description

Dans cet épisode, Eric Duverger reçoit Alexandre Bellangé, Alumni du 1er parcours de la CEC et PDG de Belco, une société spécialisée dans le sourcing, l'exportation et l'importation de café et de cacao de spécialité de haute qualité. Ensemble ils abordent les transformations du modèle d'affaires basé sur les relations directes avec les producteurs, les résultats tangibles sur la traçabilité, passée de 5% à 95% en 10 ans, la prise de conscience des menaces climatiques sur la production de café, la mise en place d’une stratégie centrée sur la qualité des sols, l'innovation disruptive avec le transport à la voile, le leadership collaboratif et l'importance de l'intelligence collective, la culture de l'imperfection assumée, la transformation organisationnelle de l’international vers le multi-local… Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Alexandre

    Il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de ça permet de travailler avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard extérieur. Quelle opportunité incroyable en fait ! C'est dur financièrement, logistiquement et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ! J'ai envie de profiter de cette occasion pour adresser un message aux entrepreneurs, leur dire que c'est possible de changer le monde, c'est possible d'évoluer, on n'a pas besoin d'être un super héros.

  • Eric

    Bienvenue dans CapRegen. Je suis Eric Duverger, le fondateur de la CEC, une association qui existe pour rendre irrésistible la bascule vers l'économie régénérative. Tout le monde en parle de cette nouvelle économie, qui régénère au lieu d'extraire, mais le défi est immense. Avec CapRegen, nous donnons la parole à des dirigeants engagés au cœur de l'action. Bonjour Alexandre.

  • Alexandre

    Bonjour Eric.

  • Eric

    Alors Alexandre, je te propose de faire un pacte. Ce pacte, il tient en trois mots. Courage, parce qu'il en faut du courage quand on s'embarque dans l'aventure de la régénération. L'authenticité, l'authenticité de notre échange et pragmatisme, parce qu'on veut rendre très concrète cette nouvelle économie. On va le faire par des exemples et on va essayer d'être le plus pragmatique possible. Alors ces trois initiales, courage, authenticité et pragmatisme, ça fait CAP. Alors Alexandre, CAP ou pas CAP ?

  • Alexandre

    Carrément CAP, ça me semble être les piliers de l'entrepreneuriat. Donc allons-y avec ce CAP là.

  • Eric

    Alors on se lance, merci. Alexandre ? Tu es le président de Belco, une entreprise spécialisée dans le sourcing, l'importation et la distribution de café vert de haute qualité. Après avoir obtenu ton diplôme d'école de commerce, tu rejoins ton père, Nicolas Bélanger, en 2007 pour cofonder Belco. Tu participes à la CEC de la Nouvelle-Aquitaine en 2023-2024. Et puis aussi, tu t'es inscrit pour participer très prochainement à la Transat Jacques Vabre. Alors maintenant... Alexandre, on va parler un petit peu de toi et de ton entreprise. Pour commencer, je voulais te demander comment est venue cette idée d'une boîte de négoce de café avec ton père ?

  • Alexandre

    C'était un métier que mon père faisait déjà depuis une vingtaine d'années. Il a quitté l'ancienne boîte qu'il dirigeait au début des années 2000. Et quelques années après, il m'a proposé de vivre l'aventure de l'entrepreneuriat avec lui. Je dirais qu'au-delà de l'aventure de l'entrepreneuriat, l'aventure de la transmission entre un père et son fils. d'un certain savoir-faire. Je n'ai pas hésité une minute.

  • Eric

    Est-ce que tu peux juste nous décrire assez rapidement, avec quelques mots, quelques chiffres, ce que représente Belco aujourd'hui ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Pour repréciser, tu l'as introduit, Belco, c'est une société qui fait du sourcing, de l'exportation de certains pays producteurs, de l'importation en Europe, de café et de cacao, dix deux spécialités. Notre spécialité, à nous. c'est de faire des cafés et des cacaos de très haute qualité, des cafés délicieux, des chocolats délicieux, issus de filières totalement traçables et durables. Donc ça, c'est le métier de Belco. On a également une filiale qui fait des équipements pour équiper les torréfacteurs, les chocolatiers et distribuer tout ce qui permet de préparer du café avec une méthode douce dite du slow coffee. Donc ce sont des méthodes autour de la filtration qui donnent des boissons qui sont finalement beaucoup plus proches du thé. que de l'idée qu'on peut se faire du café. Aujourd'hui, Belco, c'est une société qui est installée dans différents pays. On a des équipes, des structures en Colombie, au Guatemala, au Salvador, en Éthiopie, en France, en Suisse et en Allemagne. Malgré tout ça, c'est une structure qui a une dimension internationale, mais en restant une petite structure, parce qu'on est à peu près 80. à travailler. Et donc, c'est toute la complexité de mélanger une petite équipe, une petite structure répartie dans plein de pays différents qui mènent une tâche assez ambitieuse. Après, en termes de chiffres, Belco, c'est à peu près 65 millions d'euros de chiffre d'affaires, même si je n'aime pas beaucoup parler de chiffre d'affaires. On fait à peu près 400 à 500 containers de café et de cacao chaque année. Même si là aussi, le volume n'est pas forcément l'indicateur qu'il faut regarder parce qu'on a tendance à baisser le volume parce qu'on se concentre sur d'autres choses.

  • Eric

    Merci beaucoup de brosser le portrait de Belco. On va revenir un petit peu à toi en tant que personne, parce qu'avant d'être entrepreneur et dirigeant, tu es une personne. Est-ce que tu peux nous décrire une expérience de nature pressante que tu as vécue, qui t'a marqué ?

  • Alexandre

    Des expériences de nature, j'en ai beaucoup. puisque, comme tu l'as dit, je navigue, donc je suis assez proche de l'univers de la mer, de l'océan. Mais je pense que l'expérience la plus marquante qui a vraiment marqué un tournant dans ma vie et dans ma vie professionnelle, c'est mon premier voyage en Éthiopie en 2012, janvier 2013. Janvier 2013, je vais pour la première fois en Éthiopie avec une personne qui m'est très chère et qui est aujourd'hui le directeur de toute la zone Afrique. pour Belco, qui s'appelle Jacques Chambrillon, qui est un géographe passionné de café, passionné d'Ethiopie, qui est parti en Ethiopie pendant ses études et qui a découvert l'Ethiopie à pied, presque un vrai pionnier. Et en fait, en 2013, il m'a invité avec lui à découvrir l'Ethiopie. Il était à la tête, avec son associé Sylvain, d'une petite société d'importation qui s'appelait Antbassa, et avec laquelle on travaillait. J'ai découvert avec lui l'origine du café. J'ai découvert avec lui un pays. qui n'avait pas évolué dans son agriculture depuis 50 ans. vraisemblablement par manque de moyens. Mais la chose absolument magique, c'est qu'en n'évoluant pas, ce pays était finalement représenté le futur de la caféiculture. Les savoir-faire n'avaient pas été oubliés, écartés. L'agroforesterie, la nature étaient au centre même de la production de café. Les sols étaient vivants. Et quand je me suis retrouvé au niveau de ces caféiers, ces productions de café, je me suis dit « Waouh ! Je n'ai absolument jamais vu ça ! » C'est absolument incroyable. Tout ce que je connaissais jusqu'alors, c'était de la monoculture, quelques fois parsemée de quelques arbres. Mais là, on était dans quelque chose de radicalement différent, avec des cafés absolument incroyables. L'expérience que j'ai pu vivre avec lui, l'expérience humaine, associée à l'expérience de la nature et les produits qui étaient issus de ses productions, tout ça m'a amené un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

  • Eric

    C'est hyper intéressant cette notion du passé qui rencontre le futur. Et c'est vrai qu'on y reviendra finalement, puisque c'est aussi un des principes de l'économie régénérative, peut-être de revenir à des fondamentaux et de se reconnecter à la nature. Alors, on va parler encore un petit peu de toi pour essayer de comprendre les racines finalement de ton engagement. Qu'est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit ou adolescent comme métier ? Est-ce que tu voulais déjà être entrepreneur ou tu as envisagé d'autres métiers ?

  • Alexandre

    Alors moi, j'ai eu la chance d'avoir un père entrepreneur. qui a dirigé une entreprise dans laquelle il est rentré en étant très jeune et qui ensuite en a créé deux autres. Et donc en fait, il m'a donné le goût d'entreprendre et il m'a donné le goût du travail. Donc assez jeune, j'ai voulu faire comme papa. Et assez jeune, j'ai compris, et il m'a invité à le faire, parce qu'à partir de mes 14 ans, le deal entre lui et moi, c'était que je travaillais pendant la moitié de mes vacances scolaires pour pouvoir profiter de l'autre moitié en faisant tout un tas de choses formidables. Et c'était quelqu'un de très pragmatique. qui m'a donné le goût de la réalisation. Et il y a autre chose qui a été très formateur, c'est que j'ai été pendant assez longtemps joueur de rugby et j'ai compris l'approche collective et la capacité d'un collectif à surpasser la somme des performances individuelles. Et en fait, cette envie d'entreprendre, de réaliser, de changer des choses, de travailler, associée à cette envie du collectif, ça a forcément forgé chez moi, fait naître chez moi extrêmement tôt. l'envie d'entreprendre et l'envie d'entreprendre collectivement.

  • Eric

    Alors, ça va faire une très bonne transition. Si tu peux nous raconter ton engagement dans l'aventure CEC, la Convention des entreprises pour le climat, puisqu'on parle de collectif, d'engagement collectif. C'est clair, et tu le racontes dans ton parcours, que tu avais déjà, et Belco avait déjà, entamé beaucoup d'actions. Et finalement, la CEC est venue dans une aventure qui était bien avancée sur la transformation. Mais donc, comment es-tu venu dans la CEC ? Et qu'est-ce que ça t'a apporté au niveau prise de conscience ?

  • Alexandre

    Alors, je vais commencer par remettre, si tu es OK avec moi Eric, remettre un tout petit peu de contexte parce qu'effectivement, on était avancé. Mais clairement, la CEC, ça a été une étape plus que marquante dans la vie de l'entreprise. Et surtout, ça sera une étape plus que marquante dans son futur. L'entreprise Belco, elle a été créée en 2007. Et au début, elle a été créée comme une société assez classique d'importation qui achetait des cafés standardisés. Et je dirais... sur les marchés et qui était un intervenant parmi une chaîne très très longue, très opaque, dans laquelle il était assez compliqué d'obtenir des informations et d'avoir des qualités satisfaisantes. Il y a une chose qui est très importante à comprendre avec Belco, c'est que dès le début, on a été engagé avec les artisans. L'histoire de l'entreprise a été liée à l'artisanat dès le premier jour et aujourd'hui, 17 ans après la création, elle est toujours exclusivement liée à l'artisanat et au PME de Torréfaction. Ça c'est un point qui est assez important. Et dès le début, le constat a été fait que l'artisanat de la torréfaction en France était en manque de dynamique, d'énergie, de bonheur, d'épanouissement. Et assez rapidement, on a eu envie de redonner vie à l'artisanat du café. La première des initiatives, c'est de développer un centre de formation. Parce qu'on s'est dit que finalement, formant, en redonnant de la connaissance, en redonnant de l'information, on pouvait redonner du sens aussi. autoréfacteurs, et là de leur donner envie de faire leur métier et de développer leur métier face à une très grande puissance à l'époque qu'était Nespresso, qui l'est toujours évidemment, mais il faut se remettre dans le contexte, en 2007, Nespresso c'était le nec plus ultra du café, et moi j'avais pas du tout envie de ça en fait, j'avais envie que le nec plus ultra du café, ça soit justement l'authenticité. Tu parlais de cap tout à l'heure, j'avais qu'une envie, c'était de redonner un cap aux artisans. Et de redonner un cap vers des cafés de grande qualité, vers la traçabilité, vers l'authenticité, vers la transparence. Et c'est ce qu'on a fait pendant tout un moment. Et finalement, assez rapidement, au bout de cinq ans... On s'est rendu compte que c'était plus possible de travailler dans la filière dans laquelle on a été établi, parce qu'il y avait trop d'intermédiaires entre nous et les producteurs, on n'avait pas accès aux informations concernant les cafés qu'on achetait, et on ne pouvait pas du tout monter le niveau de la qualité. Donc assez rapidement, on s'est dit qu'il faut switcher le modèle dans lequel on est. Je précise ce point-là parce que c'est important par rapport au contexte dans lequel on arrivait dans la CEC. On a commencé à shifter. Notre modèle d'affaires en 2014, en se disant non, on arrête de travailler avec les maisons de trading, on arrête de travailler avec des cafés standardisés, on établit des relations directes avec des producteurs, on veut maîtriser notre traçabilité, on veut savoir à qui on achète, on veut savoir où on achète, on veut savoir de quelle plantation ça vient, quel est le modèle derrière cette plantation. On veut pouvoir apporter. de la transparence pour pouvoir instaurer une confiance avec nos clients, nos consommateurs. On veut comprendre le contexte de Ausha, parce qu'on peut parler d'achat responsable. Par exemple, fixer le prix d'achat d'un café. Si on ne le fait pas en comprenant de façon locale le contexte dans lequel on achète le café, c'est finalement impossible de pouvoir le faire. Ça ne peut évidemment pas être quelque chose de global. Et donc, assez rapidement, on s'est rendu compte qu'il fallait qu'on soit présent, qu'on aille acheter en direct, mais... Un peu plus que ça, qu'on établisse des équipes directement sur le terrain pour pouvoir maîtriser cette qualité, cette traçabilité, cette transparence et pouvoir agir, supporter les producteurs dans leur travail au quotidien. Et donc, on a commencé à installer des équipes dans les pays producteurs.

  • Eric

    Alors juste cette transition très forte que vous avez eue d'être un intermédiaire dans une chaîne de valeur, vous avez basculé vers... être finalement un intégrateur dans toute une filière et prendre soin de tout l'écosystème depuis la source, la production jusqu'à la torréfaction. Est-ce que ça, ça a pris combien de temps ? Et c'était dans quelles fenêtres, en termes de temps pour vous, c'était enclenché dans quelles années ?

  • Alexandre

    La feuille de route stratégique a été écrite en 2013. On a enclenché le mouvement en 2014 et ce n'est pas encore totalement terminé. À l'époque, on avait à peu près 5% de nos cafés quand on a initié le mouvement, 5% des cafés qui étaient importés. dont on connaissait, dont on maîtrisait totalement la traçabilité. Aujourd'hui, on est de l'ordre de 95%, à peu près. Donc, ce n'est pas encore 100%, mais bon, voilà. Donc, on va dire que ça a pris une dizaine d'années. Et puis, à l'origine, le sujet, c'était quoi ? C'était d'amener une histoire, d'amener une qualité absolument extraordinaire, d'amener de la diversité aux artisans torréfacteurs pour qu'ils puissent se battre contre les industriels. Je rappelle que l'idée, c'était faire que les artisans torréfacteurs soient meilleurs. que les capsules Nespresso. Je résume un peu. Ah oui ? Mais c'est un petit peu l'idée. Comment pouvoir balancer le jeu, en fait, entre des artisans et des multinationales absolument gigantesques ? Je rappelle que le café, c'est la première matière première agricole échangée dans le monde. La deuxième matière première échangée après le pétrole, c'est la première économie agricole au monde. C'est quand même juste dingue. Et 75% de ce marché, et dans les mains de trois entreprises, Nestlé, Lavazza et JDE. Donc, redonner ces lettres de noblesse à l'artisanat et redonner à l'artisanat le pouvoir de se battre contre ces puissances-là, ce n'était pas quelque chose d'anodin.

  • Eric

    Et est-ce que, justement, quand on t'écoute, on sent une énergie de résistance par rapport à une déferlante de pratiques de très gros acteurs qui, par les volumes et par leur surface financière, ont pu écraser un marché ? Est-ce que tu qualifierais toujours aujourd'hui votre action d'une énergie de résistance, où finalement il y a un modèle assumé, une alternative, avec cette chaîne et cette compréhension depuis la production jusqu'à la tasse de café ? Et est-ce que finalement cette proposition c'est toujours une énergie de résistance, ou plutôt une alternative qui crée de la joie dans la filière et qui s'impose comme une vraie alternative ?

  • Alexandre

    Aujourd'hui c'est clairement une alternative. Et en même temps, je ne peux pas dire qu'il n'y a pas forcément encore. un petit peu de résistance. On est toujours en train d'affiner le modèle qu'on souhaite pouvoir proposer aux consommateurs pour que la proposition de valeur soit extrêmement claire. Mais il y a beaucoup d'énergie, beaucoup d'énergie positive et une vraie croyance dans une alternative tout à fait claire chez les torréfacteurs, chez les chocolatiers aujourd'hui d'ailleurs aussi, parce que le mouvement dans le cacao est le même, même s'il y a toujours un peu de résistance. Je reprends juste le sujet. Du coup, on se retrouve à créer des équipes dans les pays producteurs et assez rapidement, on se rend compte que là, on est en 2017, 2018. On se rend compte qu'en fait, il y a un vrai problème. Il y a un vrai problème dans l'agriculture, enfin il y a un vrai problème dans la caféiculture. On ne produit plus de café, il y a certaines altitudes, il faut savoir que le café ça pousse en altitude, il y a certaines zones où on ne produit plus de café en fait parce qu'il fait trop chaud. Il y a des zones dans lesquelles on n'avait jamais cultivé de café, dans lesquelles on se met à cultiver de café. Bon le sujet c'est que le café ça pousse sur une montagne, donc on peut toujours monter, mais bon plus on monte moins il y en a, c'est la forme de la montagne qui en décide. Il y a un problème parce que les temps de maturation des cerises sont plus courts, donc ça affecte la qualité. Et puis, finalement, on se retrouve dans le même temps face à des études qui disent « Messieurs les professionnels du café, à horizon 2050, et je parle de ça il y a 7-8 ans, depuis ça s'est accéléré, à horizon 2050, vous allez perdre 50% des surfaces cultivées dans le monde. » Ok. Et qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? On a deux choix. Soit on fait l'autruche, on se dit « De toute manière, c'est ça encore, des études, il y en a plein. » Moi, je vais continuer à vivre ma vie, le café, on va trouver des solutions, la technologie, l'avenir, etc. Il y a toujours des magiciens où on se pose et on se dit, en fait, moi, je suis entrepreneur, je suis commerçant, chef d'entreprise. Je ne suis pas du tout scientifique. Et puis, en fait, il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent. des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de c'est quoi l'avenir du café ? Et donc à partir de 2017-2018, on se dit le café de demain ne sera pas du tout le même café qu'hier. Et même si Belco aujourd'hui a su, ou en tout cas était en train d'apporter une proposition de qualité traçable dans la transparence au torréfacteur, il fallait aller au-delà. Il fallait aller dans un café et... produit beaucoup plus durablement. Il fallait trouver des solutions pour à la fois rendre la filière de production résiliente et maintenir la désirabilité de la consommation du café, tout en se mettant en conformité au fur et à mesure avec les réglementations. Et donc, à partir de là, on a évolué dans notre approche, on a été encore plus ambitieux, plus radical dans Ausha d'agriculture, de modèles agricoles qu'il y avait derrière les cafés consourcés et on a commencé a initié les sujets sur lesquels on reviendra certainement tout à l'heure, de transport à la voile, etc. Mais toute cette prise de conscience, elle est arrivée quelques années après le shift vers les achats directs et elle nous a amenés à travailler sur la durabilité de Ausha et sur la durabilité de notre filière. Et c'est dans ce contexte qu'on est rentrés à la CEC.

  • Eric

    Est-ce qu'on peut dire que ce que tu nous décris là, c'est finalement qu'assez vite, vous vous êtes rendu compte avec ton père en tant qu'entrepreneur, qu'il fallait prendre un coup d'avance sur la transformation de la filière et de votre proposition de valeur. Mais à un moment donné, vous vous êtes dit, en fait, on doit prendre deux coups d'avance pour vraiment anticiper cette filière, plutôt à 20 ans, parce qu'il y avait des mouvements majeurs qui se passaient sur les surfaces à cultiver.

  • Alexandre

    Oui, clairement, deux coups d'avance. On s'est surtout dit, il faut écouter la scientifique, il faut écouter ce que la nature est en train de nous dire. Posons-nous la question de savoir s'il y a un avenir ou pas pour le café. Ça, c'est la première question qu'on s'est posée. Est-ce qu'il y a un avenir ou pas pour le café ? Parce que finalement, s'il n'y avait pas d'avenir pour le café, à ce moment-là, la réponse qu'on doit donner est une réponse autre. On doit piloter, transformer notre entreprise différemment. Et nous, on s'est dit, en fait, il y a un avenir possible et souhaitable pour le café. Parce que le café peut être vertueux. Le café peut être vertueux du point de vue de la santé, le café peut être vertueux du point de vue de la nature, du point de vue économique, du point de vue social, de la convivialité. Et donc, finalement, il y a un avenir tout à fait possible. Ça dépend de quel café on parle. Donc, battons-nous pour construire une filière qui produit des cafés dans lesquelles on croit et qui, pour nous, ont un avenir possible et souhaitable.

  • Eric

    Alors, si on établit un peu cette histoire, vous vous lancez assez vite, vous trouvez une différenciation. En tout cas, la raison d'être de Belco. Vous prenez aussi des décisions pour prendre un coup, voire deux coups d'avance. Et donc, en 2023, tu prends la décision de lancer Belco dans l'aventure de la CEC. Qu'est-ce qui s'est passé et qu'est-ce que tu en as retiré ?

  • Alexandre

    Alors, une petite précision qui n'est pas si petite que ça, mon père quitte l'entreprise début 2014. On avait une approche de la lecture de l'avenir qui était différente, on va dire, et c'est normal en fait, c'est une question de génération. Et c'est quelqu'un qui avait entrepris, qui avait travaillé très tôt, donc je pense qu'il y avait aussi une certaine fatigue et je pense qu'il avait besoin de souffler, de respirer. Donc on a partagé nos souhaits. pour l'avenir de l'entreprise en 2013. Et assez rapidement, il m'a dit écoute, je ne crois pas beaucoup dans ce que tu veux faire, mais je crois encore moins dans ce que je veux faire. Donc, je vais quitter l'entreprise et comme ça, tu auras la main pour pouvoir la transformer comme tu le souhaites. Voilà, petite précision.

  • Eric

    Ce n'est pas une énorme précision sur le chemin de vie.

  • Alexandre

    C'est une grosse précision sur le chemin de vie. Et donc, tout ça m'amène en 2023 à la CEC. Et la rencontre avec la CEC, c'est un ami, Mathieu, Sarah, qui, à un moment donné, me passe un coup de téléphone. Écoute, Alex, j'ai été invité, je me lance dans un projet qui est de participer à un parcours pour dirigeant d'entreprise, pour revisiter un petit peu mon modèle d'affaires. Et j'avais pas mal discuté de ces sujets-là avec lui. Et il me dit, je pense que c'est très aligné avec ce que tu fais, ce que tu mènes pour Belco. Tu devrais venir voir. Honnêtement, j'ai mis un certain temps à répondre parce que dans ma tête, on était déjà lancé sur ces sujets-là. Et je ne me posais pas trop de questions et je me suis dit finalement, je vais me retrouver avec des entreprises qui se posent des questions sur leur modèle d'affaires, alors que nous, ça fait déjà dix ans qu'on s'en pose. Est-ce que j'ai ma place ici ? Puis finalement, je me suis dit, ça serait trop bête en fait de ne pas juste aller voir. Je suis quand même quelqu'un d'assez curieux. Et je me suis retrouvé dans un petit déjeuner de la CEC. Et en fait, à l'issue du petit déjeuner, je me suis dit évidemment j'y vais pour deux raisons principales et qui sont hyper importantes. La première, c'est que pendant dix ans de transformation du modèle d'affaires de Belco entre 2013 et 2023, on va dire, il y a quand même énormément de moments où je me suis senti seul. Parce que transformer une entreprise à ce moment-là, ce n'était pas forcément simple, parce que prendre conscience des sujets environnementaux en 2017 en tant que dirigeant d'entreprise... Quand on en parle avec d'autres dirigeants d'entreprise, il n'y a pas forcément d'écho. On est jugé souvent. On doit prendre des risques qui sont importants et façon de quels on se retrouve. Parce que c'est bien beau, après quelques années, de dire finalement, c'est super, mais il y a des risques. Et en fait, de temps en temps, on n'en dort pas de ces risques-là. Et ne pas dormir, être jugé, être isolé, ce n'était pas forcément quelque chose de très rigolo. J'ai eu la chance d'avoir une équipe absolument formidable. J'ai la chance d'avoir une équipe absolument formidable qui m'a... casser autant que faire se peut de cet isolement, mais j'avais quand même besoin de retrouver aussi une communauté en dehors de Belco. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, je me suis dit, au-delà de ça, je suis très attaché à l'intelligence collective. Et je me suis dit, non seulement ça casse l'isolement, mais en plus, ça permet de créer avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard, porter un regard sur ce qu'on a fait, un regard extérieur, parce qu'évidemment, Il y a plein de choses à améliorer. Et évidemment, on a la tête dans le guidon et on ne le voit pas. Donc, avoir la chance de pouvoir partager son plan, sa feuille de route, sa vision avec d'autres chefs d'entreprise, quelle opportunité incroyable en fait. Voilà ce qui m'a fait rentrer à la CEC.

  • Eric

    Est-ce que c'était tes deux intentions au départ ? Sortir de l'isolement et profiter de la force de l'intelligence collective. Est-ce que sur ces deux objectifs, finalement, tu te... t'es retrouvé, ça a répondu à tes attentes et est-ce que la CEC t'a apporté aussi d'autres choses ?

  • Alexandre

    Évidemment, ça nous a cassé de l'isolement. Le parcours de la CEC est basé sur la prise de conscience et entourée, une prise de conscience entourée et sur la construction par l'intelligence collective. Donc, évidemment, ça m'a apporté tout ce que je recherchais et bien plus encore parce que je ne pensais pas que certaines entreprises pouvaient ... prendre conscience aussi rapidement de l'impact négatif, je dirais, de l'économie extractive, et rebondir avec autant de joie et d'énergie. Ne serait-ce que de voir ça, j'ai trouvé ça incroyable. En fait, il faut voir une chose, c'est que moi, je ne suis pas né avec des convictions écologiques. Belco n'est pas né en étant un modèle vertueux, et on a encore plein de progrès à faire. On a shifté, et ça c'est un point qui a été assez dur, en fait. Parce qu'au début, quand on initie une transformation de modèle d'affaires, finalement, on devient trop bobos pour ceux qui ne bougent pas et pas assez pour ceux qui sont nés hyper vertueux. Et donc, en fait, on a le cul entre deux chaises. Je suis désolé de le dire, mais c'est l'expression. Et on est jugé des deux côtés. Et ce n'est pas cool du tout. Donc, au-delà du fait de casser de l'isolement et de bénéficier de l'intelligence collective, il y a ce regard hyper bienveillant de la CEC envers tout un tas d'entreprises en leur disant Mais finalement, n'ayez pas peur de ne pas être parfait. Et ce n'est pas parce que votre modèle n'est pas parfait aujourd'hui qu'il ne peut pas s'améliorer demain. Et ça, je trouve ça vraiment incroyable. C'est un truc que j'ai vraiment découvert. C'est que la CEC... est très accessible, très pragmatique, et c'est vraiment un mouvement, une association, un parcours qui parle à tous les entrepreneurs, et c'est certainement ce qu'il y a de plus beau.

  • Eric

    Effectivement, tout le monde est bienvenu dans la CEC, et je dirais que personne n'est parfait dès qu'on se lance dans une activité économique, elle aura forcément des impacts, et on est là sur l'économie régénérative, c'est de créer des impacts nets positifs, et donc justement... On va aller un peu plus loin sur le régénératif pour Belco. On va partir sur peut-être l'initiative. On aimerait que tu nous en dises un petit peu plus. L'initiative la plus spectaculaire de Belco, c'est sans doute le transport à la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur les décisions que vous avez prises sur le transport à la voile ? Ce que ça veut dire, les implications, la prise de risque aussi. Et aussi, est-ce que ça peut inspirer d'autres secteurs ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Bien sûr, ça peut inspirer d'autres secteurs. Et bien sûr, également, je réponds à ta question, Eric. Je dirais qu'encore une fois, le contexte, j'aime bien reposer un petit peu les contextes. Le contexte, c'est quand on prend conscience de la problématique environnementale et qu'on se dit, c'est quoi le café souhaitable pour l'avenir ? En fait, on commence par mesurer, regarder. On fait un bilan carbone de notre activité et on se rend compte qu'en fait, 80% du sujet, il vient des plantations. Il vient de la production, en fait. Il vient de l'agriculture. Le sujet, c'est l'agriculture. Mais pas que. Le troisième poste, on découvre le troisième poste, et le troisième poste, c'est le transport. Et c'est vrai que le transport, on n'avait pas vraiment pensé au transport. Alors, c'est pas beaucoup, mais on creuse. Parce qu'on se dit, c'est quand même le troisième. Donc, c'est un poste qui, pour Belco, représente à peu près... Alors, si on parle uniquement carbone, représente 10% des émissions de CO2. Bon, c'est beaucoup, pas beaucoup. On mène tout de suite des transformations assez lourdes au niveau de la transition agricole. qu'on continue encore. Mais on se dit, il faut aussi qu'on se pose la question du transport. Et ça peut être aussi un aspect différenciant et un peu un symbole. Parce que finalement, tout ce qu'on fait au niveau de l'agriculture, c'est hyper impactant. C'est évidemment essentiel. Mais du point de vue consommateur, ça parle sans parler. C'est très complexe à expliquer. Le transport, on se dit, c'est le troisième poste. C'est 10%, c'est 3% au niveau des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Mais ces 10% d'émissions des oxydes de soufre, ces 20% sur les oxydes d'azote, donc tout ça, c'est responsable, c'est la pollution atmosphérique, ce sont les maladies respiratoires, c'est aussi l'acidification des sols. Le transport, c'est aussi, avec le fuel lourd, la pollution des océans. Il y a également de la pollution sonore, qui menace aussi la vie marine. Et quand on rentre un petit peu dans le truc, et qu'on se dit, il n'y a pas que les émissions de CO2, mais en fait, il y a un impact environnemental, on se dit, en fait, c'est... énorme. Donc, l'impact environnemental, il est gigantesque et à côté de ça, il peut y avoir un symbole qui peut vraiment être marketé aussi et rendre désirables les produits qu'on vend et qui peuvent nous amener, puisque évidemment, le sujet c'est pas d'aller mettre dans des bateaux à voile des cafés qui sont produits en monoculture et bourrés d'intrants, ça peut aussi nous permettre de pouvoir parler de tout ce qu'on fait à l'origine. Et donc, on rentre dans ce sujet du transport à la voile. 2017-2018, je rencontre Diana Messa et Guillaume Legrand, cofondateurs de la société Tôte, T-O-W-T, qui à l'époque affrétaient des petites goélettes dans lesquelles on mettait une vingtaine de tonnes de café. Ils étaient à Douarnenez, petite entreprise de Douarnenez. Et je m'intéresse au transport à la voile parce que je me dis qu'il y a un truc à gratter à ce niveau-là. Je découvre cette solution, je les rencontre. Honnêtement, premier rendez-vous, je me dis qu'ils sont complètement fous. Ce n'est pas du tout... Ça ne peut pas marcher, en fait. C'est trop petit. Des goélettes, nous, on faisait à l'époque l'équivalent de 500 containers par an. On n'est pas très gros, mais bon, 500 containers, je ne peux pas importer 500 containers un container par un container en petites goélettes qui met trois mois à arriver. Je me dis, c'est impossible. Et avec un prix du transport qui était 50 fois supérieur au prix que j'avais... Je me dis... Ok, je suis prêt à payer plus, je suis prêt à me battre, mais là, 50 fois, c'est quand même un peu too much, ce risque-là, je peux peut-être pas le prendre. Néanmoins, ce sont des entrepreneurs, et on garde le contact. Et puis, un an après, le truc continue à me trotter en tête, eux continuent à avancer, et je me dis, bon, il faut quand même qu'on fasse un truc avec eux, parce que les mecs se battent depuis 2011, ils font la promotion du transport à la voile, c'est pas possible de laisser des entrepreneurs comme ça sans leur filer un coup de main. Et donc, on commence. Assez rapidement, et d'ailleurs je me rappelle dans les premières communications, je disais aux journalistes, attendez, pour le moment c'est un test, ça ne représente absolument rien sur nos importations, donc ne nous emballons pas, sinon en fait ça va être du greenwashing. Mais bon, je les aide comme ça, on garde le contact, et puis en 2019, on fait un constat ensemble et on se dit, mais en fait, c'est pas possible de rendre le transport à la voile, d'intégrer le transport à la voile dans un modèle d'affaires d'entreprise si on ne voit pas plus grand. Plus grand c'est quoi ? Ce sont des voiliers cargo. Mais ça n'existe pas. Donc, Toth, Diana, Guillaume se posent sur les premiers dessins et créent un concept de voilier cargo. Premier concept, assez rapidement, ils se disent « Ok, on va y aller. » Pour y aller, il faut financer le bateau. On a des plans, on a un chantier. Comment on fait ? Il nous faut des clients. Et donc, ils nous font signer des lettres d'intérêt. Donc, 2020, février 2020, juste avant le Covid, suite au salon Change Now, d'ailleurs, je signe la première LOI pour, je dirais... m'engager comme chargeur dans le transport à la voile. Assez rapidement, on se rend compte, malheureusement, le constat n'est pas très positif. Le constat, c'est quoi ? C'est qu'il n'y a pas assez de chargeurs, en fait. Donc, on a beau être un chargeur, si on prend 10% du bateau, si le reste du bateau n'est pas rempli, jamais le bateau n'est financé. Et donc, on va un petit peu plus loin en 2021-2022. J'accélère un petit peu, mais pour rendre possible le projet aux côtés de Diana et de Guillaume. on rentre dans l'actionnariat de Tôte et on signe un contrat en tant qu'affraiteur. Ça veut dire qu'on prend l'engagement et donc on prend le risque de réserver les bateaux entiers. Tout ça amène au financement du bateau, à la mobilisation d'un groupe d'entrepreneurs engagés auprès de Diana et de Guillaume, suite à la mobilisation de Belco, à la construction des bateaux. Les deux premiers bateaux ont été mis à l'eau en 2024. Et les deux premières importations de café à la voile ont été réalisées en 2024. depuis la Colombie, depuis Santa Marta en Colombie et depuis le Brésil. On a reçu au mois de novembre et de décembre les premiers chargements de cafés colombiens et brésiliens qui ont été transportés à la voile par propulsion principale. vélique, transporté en une vingtaine de jours, à peu près. Donc on a divisé par deux notre temps de transport, parce qu'en fait on a un transport qui est plus petit, mais du coup qui est dédié, et beaucoup plus direct qu'avec la massification des méga-cargos. Dans des conditions, des qualités de transport absolument incroyables par rapport aux cocottes minutes que peuvent être les containers, avec plus de 90% de réduction des émissions de gaz et effets de serre, 92% de moins d'émissions d'oxyde de soufre et 98% d'oxyde d'azote. Donc, c'était dur financièrement, logistiquement, humainement. Ça va continuer à être dur parce qu'on va continuer à se battre pour rendre ce transport à la voile massif possible et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ?

  • Eric

    Ça fait deux fois, Alexandre, que tu nous donnes un exemple hyper concret où, finalement, le futur rencontre le passé. où le futur revient vers le passé, vers une simplicité et un retour à la nature aussi. Ça me donne envie de quand même ce rêve de la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus puisque tu es encore plus loin sur ce rêve toi-même, sur le projet de la Transat Jacques Vabre ? Tu t'embarques, toi à titre personnel, c'est une continuité par rapport à cette décision de transporter le café à la voile. Qu'est-ce qui t'a emmené ? sur ce projet personnel ?

  • Alexandre

    Oui, alors c'est un rêve personnel et professionnel assez fou, ce projet de course au large. Et c'est une source d'épanouissement dingue. A l'origine, j'ai trois objectifs, en fait, dans ce projet. Alors, ce projet, c'est quoi ? Déjà, c'est d'apprendre à naviguer. Il faut savoir que j'ai toujours rêvé de naviguer, mais je n'ai jamais appris à naviguer, parce que je l'ai dit tout à l'heure, je joue au rugby, donc ça laissait finalement assez peu de temps. J'ai terminé mes études deux mois après. J'ai rejoint mon père pour créer Belco. Quand on crée une entreprise, c'est 7 jours sur 7, on bosse 12, 13, 14 heures par jour. On ne se pose pas la question, on y laisse pas mal de points de santé, mais ce n'est pas grave en fait parce qu'on réfléchit à autre chose. Et puis, quelques années plus tard, on se réveille, on retrouve la santé parce qu'on remet un petit peu la santé personnelle au centre de ses préoccupations. Et puis, on se pose la question de quelle est la suite en fait et comment j'aborde. Moi, ça faisait 15-16 ans. que j'étais chez Belco, comment j'aborde l'avenir ? J'avais envie de naviguer, de découvrir le large. Belco avait besoin que, pour des questions de gouvernance, que je prenne aussi un petit peu de hauteur. Tu sais, quand on monte une entreprise, au début, on fait tout. Et puis ensuite, on délègue. On délègue pas mal de choses au fur et à mesure. C'est pas évident, en fait, de déléguer. Et puis... On grossit, on grossit, et puis à un moment donné, si l'entreprise veut continuer de grandir, veut continuer de s'épanouir, il faut que le dirigeant, que le fondateur accepte de lâcher prise sur certains sujets. Et j'ai beaucoup bossé sur ça ces dernières années, mais il y avait certaines choses sur lesquelles je n'arrivais plus à lâcher prise. Et je dois le dire, il y avait encore certains sujets dans l'entreprise où je pense que je considérais encore que j'étais la meilleure personne pour les faire. Ce n'était pas rationnel, ce n'était pas vrai, et je le savais. Et je le faisais quand même encore. Et donc j'ai pris conscience à un moment donné que pour que l'entreprise et pour que le projet se développe mieux, il fallait que moi je prenne un peu de hauteur, je m'efface un petit peu. Et finalement ce projet, pendant deux ans, d'apprendre à naviguer et de faire une course au large transatlantique, permet à l'entreprise de respirer aussi et de se structurer sans moi, ce qui lui fait beaucoup de bien et ce qui m'a amené à devoir organiser l'entreprise sans moi aussi. Et donc, ça a été un premier point, une première motivation extrêmement importante. La deuxième, c'est parler de transport à la voile. Parler de transport à la voile, le sujet là, c'est quoi ? C'est de faire la route du café à la voile, partir du Havre. Je suis Havret, normand, Havret, fier de l'être. Partir du Havre en bateau à voile, faire la route du café pour parler de transport de café à la voile. Qu'est-ce qui peut avoir plus de sens ? J'ai véritablement envie d'être un porte-parole du transport à la voile et du transport à la voile de café, de cacao. en partant du Havre pour cette belle aventure. Et la troisième chose, qui est peut-être la première la plus importante pour moi, c'est qu'au bout de 20 ans d'entrepreneuriat, je l'ai dit tout à l'heure, je me suis senti pas mal seul. Je veux dire, je me suis senti seul dans l'évolution du modèle d'affaires de Belco. Et je pense qu'aujourd'hui, en tout cas, la transformation de l'économie, d'une économie extractive, comme tu le sais, vers une économie régénérative, est entre les mains des entrepreneurs, est entre les mains des entreprises. Je fais pas mal de choses depuis 10 ans. Je suis très loin d'avoir un modèle parfait parce qu'en fait, il faut l'améliorer tous les jours. Mais j'ai envie de faire savoir que c'est possible et j'ai envie de faire savoir qu'on n'a pas besoin d'être un super héros. Moi, je suis quelqu'un de complètement normal. Je n'ai pas fait de grandes études. Je ne suis pas super intelligent. Je suis juste animé par le collectif, animé par un projet, animé par l'envie de réaliser. J'ai eu de bons exemples autour de moi. Ça m'a inspiré. Je suis bien entouré. Et en fait, tout ça, c'est des choses qu'on peut reproduire. Et j'ai envie de le dire. Et quand j'ai découvert la CEC, je me suis dit, mais en fait, c'est génial. J'ai aussi envie de porter le message de la CEC et envie de profiter de cette occasion, pas seulement pour parler de transport à la voile, mais aussi pour adresser un message aux entrepreneurs, aux chefs d'entreprise, leur dire que c'est possible de changer le monde. C'est possible d'évoluer. On n'a pas besoin d'être un super héros. On n'a pas besoin. d'avoir des convictions écologiques depuis 10 ou 15 ans, il faut y aller. Il faut y aller, prenons conscience des enjeux et développons avec courage, donnons un cap, comme tu le disais en introduction de cet entretien, à nos entreprises. Et donc ça, c'est la troisième de mes motivations. J'ai envie d'aller un peu plus loin sur l'embarquement de l'équipage, puisque là, on vient de parler de course à la voile, et tu as parlé aussi de rugby, et que très jeune, en fait, tu as compris la force du jeu collectif et donc de faire avec les autres. Le projet de Belco est hyper ambitieux. Vous êtes vraiment des pionniers sur beaucoup d'aspects de votre chaîne de valeur. Et donc, je suppose qu'un des enjeux pour toi, en tant que dirigeant, c'est d'embarquer ton équipage, embarquer les 80 employés de Belco et sans doute au-delà. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur comment tu fais ça ? Comment tu as fait ça et tu continues à faire ça ? Embarquer tes équipes vers ce nouveau cap ?

  • Eric

    Oui, alors je vais déjà préciser que cette aventure de course au large, je ne pourrais pas le vivre sans Louis qui est le skipper du bateau. Je ne suis que le co-skipper et c'est Louis qui me montre le cap. Et dans cette aventure, ce n'est pas moi le capitaine. J'embarque, je me donne beaucoup de mal pour monter au niveau parce que c'est extrêmement important que je sois capable de savoir faire tout sur le bateau pour aussi sa sécurité à lui. Mais c'est lui qui me montre la voie, c'est lui qui me donne envie et qui me rend accessible ce défi. Donc je crois que c'est important de le préciser. Alors après, comment j'embarque mes équipes ? Je crois que la première des choses pour embarquer des équipes, c'est avant tout d'avoir un projet hyper clair, d'avoir une raison d'être. d'avoir des valeurs, d'avoir un ADN et d'être constant dans ce qu'on fait et de chercher la transparence. Alors évidemment, c'est très théorique ce que je dis, mais en fait, j'y crois. Et depuis 2013, on s'est toujours forcé, malgré le fait qu'on soit une PME en fait, petite ETI aujourd'hui, mais on s'est toujours forcé à avoir des feuilles de route stratégiques formalisées et partagées. Depuis 2013, on a créé quatre feuilles de route stratégiques. Donc aujourd'hui, on a une feuille de route qu'on a nourri aussi par notre participation à la Convention des entreprises pour le climat, une feuille de route à horizon 2030. Mais avant ça, on avait créé une feuille de route 2013-2016, puis une 2016-2019, puis une 2019-2025, et ensuite on est à la 2030. Donc, on a des stratégies qui sont posées. On réfléchit, on pose les choses, on crée des stratégies et des chemins qui sont alignés avec les valeurs, avec l'ADN de l'entreprise. On communique tout ça. à nos équipes et on essaie d'être le plus clair possible et le plus aligné possible dans tout ce qu'on fait avec nos valeurs. Et je crois que c'est un des facteurs qui génère le sens et l'appartenance, le sentiment d'appartenance à un collectif. Et je crois que ça, ça permet d'embarquer énormément. Je pense que c'est le ciment, en fait, de notre collectif.

  • Alexandre

    Donc cette constance. Et puis, ce cap qui est donné, qui est renouvelé aussi, comme une navigation d'année en année pour montrer que Belco peut aller encore plus loin. On a entendu parler, puisqu'on sait que c'est quelque chose qui est novateur aussi, d'un collectif qui s'est lancé. Alors, est-ce que c'est toi qui l'as lancé ? Est-ce qu'il s'est lancé en spontané ? Je crois que ça s'appelle Belco pour le vivant. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus pour inspirer aussi d'autres entrepreneurs de trouver des relais au sein de l'entreprise ?

  • Eric

    Oui, bien sûr. Donc là, on revient, et c'est une très bonne chose, à tout ce que nous a apporté, en fait, le parcours de la CEC. Effectivement, l'une des premières choses, c'est l'évolution de la gouvernance avec la création chez Belco du collectif Belco pour le vivant. Alors non, ce n'est pas mon initiative. Et tu vois, quand on parlait du sujet de la course au large et de le fait que prendre un peu de hauteur pouvait permettre aussi à un collectif de mieux exister, de prendre ses responsabilités. d'entreprendre. Cette initiative a été menée par Simon David, qui est aujourd'hui le directeur général adjoint de Belco, et qui est arrivé pour renforcer l'équipe au moment où j'ai initié ce projet de course au large. C'est lui qui a participé, il a participé avec moi au parcours de la Convention des entreprises pour le climat, et il a initié cette idée du collectif Belco pour le vivant, avec une ambition au début, c'était de dire super, on est deux à faire le parcours de la Convention des entreprises pour le climat, mais... comment on va faire pour passer le message à nos équipes. Parce que finalement, si on aboutit à une feuille de route régénérative super ambitieuse et qu'ensuite, on se retrouve à devoir diffuser, infuser ce message dans nos équipes, il y avait une peur au début qui était ça va être un peu trop top-down et en fait, ça ne nous ressemble pas. Donc, comment on fait ? La solution qui a été trouvée, c'est de proposer à nos équipes de Bordeaux, j'avoue, on a proposé uniquement à nos équipes françaises, par simplicité, de faire... en même temps que nous le parcours de la CEC de façon totalement indépendante. C'est-à-dire qu'on n'était pas du tout au courant des réflexions qu'ils avaient à ce moment-là. Et donc, on a juste proposé... Aux salariés de Belco, on leur a dit voilà, voilà l'aventure qu'on est en train de vivre avec le parcours de la CEC. On leur a expliqué comment ça marchait et on leur a dit est-ce que ça vous tente ? Est-ce que vous voulez vivre cette expérience ? Et ce qu'on vous propose, c'est vous faites la même chose que nous, on vit nos chemins séparément et à la fin, on se retrouve, on partage et on se met d'accord sur ce que sera la feuille de route de Belco à horizon 2030. Et c'est cette feuille de route qu'on va présenter à la Convention des entreprises pour le climat et qu'on va rendre. transparente qu'on va diffuser. On l'a proposé et la réponse, plus de 50% de nos équipes a accepté de participer. Et ça a été pendant 10 semaines, 2 heures ou 3 heures par semaine, je crois, des réflexions incroyables qui ont abouti à 70 propositions, des échanges hyper riches, l'amélioration, je ne vais même pas dire l'amélioration, la création d'une feuille de route commune entre le collectif Belco pour le vivant et le travail que Simon a fait avec moi à la CEC. Et donc, c'était une super aventure. Et cette aventure, on a envie de continuer à la vivre avec eux et de continuer à leur donner un maximum de poids dans la gouvernance et dans la réalisation de la feuille de route de Belco à horizon 2030.

  • Alexandre

    Merci beaucoup. C'est sans doute une bonne pratique, une très bonne pratique à renouveler dans tout l'écosystème CEC pour embarquer l'équipage, enfin qui s'embarque lui-même en fait, l'équipage et cette alliance qui peut être créée en fait entre... L'équipe dite de management et puis toutes les équipes qui font sur le terrain. J'ai envie de revenir et de reboucler, puisque là, on parle de l'économie régénérative. Dans tous les leviers dont tu nous as parlé, en fait, on touche la régénération. J'ai envie de reboucler un peu sur les sols, parce que je sais que vous réfléchissez beaucoup aux sols. Chez Belco, tu nous as parlé au tout début de ce voyage que tu avais fait en Éthiopie, où tu t'étais rendu compte de quoi ressemblaient des sols dont on prenait soin dans la durée. Est-ce que vous avez lancé une démarche particulière sur les sols ?

  • Eric

    Oui, oui. Et je dirais que c'est la brique entre la construction d'équipes dans les pays producteurs, dont j'ai parlé tout à l'heure, et le transport à la voile. On s'est posé toute la question de la transition agricole. On a aujourd'hui un métier chez Belco qui s'appelle la transition agricole et qui réfléchit avec une direction de l'impact également autour de quatre piliers que sont la formation, l'information, le financement et la valorisation, qui réfléchit à... Comment on transforme l'agriculture dans le café, dans le cacao ? Et il faut savoir que le contexte auquel on doit faire face, au niveau de la production, c'est un contexte de réchauffement climatique, mais pas que, il y a un truc bien plus important, c'est l'appauvrissement des sols. Donc comment donner envie aux fermiers de prendre soin de leur sol, de prendre conscience que tout part du sol, et qu'il ne sera absolument pas possible de construire quelconque résilience ? face au changement climatique, sans d'abord prendre soin de son sol. Et donc, je le disais, on a des sujets autour de la formation. On a construit une première ferme-école au Salvador pour accueillir les producteurs et les former à l'agroécologie. On a des sujets d'information avec une plateforme qu'on est en train de construire pour amener du contenu autour de toutes les techniques d'agroforesterie, d'agroécologie aux producteurs. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi les inspirer. Il faut aussi valoriser ce qui est fait et valoriser les sols. Et donc on a créé l'année dernière, pour la première fois, un concours qui s'appelle le Soil of Excellence. Donc le sujet c'est de mettre en avant les sols. Et là on va chercher à valoriser. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le café. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le cacao. On a fait un premier test en Colombie l'année dernière et ça a été un succès. On s'est dit tiens on va faire un proof of concept un peu rapide. On a des équipes hyper mobilisées en Colombie. Monica qui a géré ça, avec Arnaud en France, qui est notre directeur de la transition agricole. Ils ont pris le sujet à bras-le-corps. Et en fait, ils ont, en quelques semaines, fait un premier test pour voir si les producteurs accepteraient ou pas de se prendre au jeu. Et à notre grand étonnement, en l'espace de deux, trois semaines, on a collecté plus de 80 échantillons de sol. Un truc totalement incroyable. Ça n'avait jamais existé. Les producteurs, ils envoient des échantillons de café, ils envoient des échantillons de cacao, ils n'envoient pas des échantillons de sol. Et donc, on a testé la qualité des sols et on a créé un jury international. On a fait ça pendant un salon qui s'appelle le PRF en Colombie. Et pour la première fois, on a mis en avant, on a récompensé des producteurs pour la qualité de leur sol et pas pour la qualité de leurs produits. Et il y a quelques torréfacteurs français, européens. qui vont promouvoir ce concours. Mais j'ai vraiment envie que la promotion passe aussi au niveau local, parce qu'il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et je voudrais faire le lien aussi avec la Convention des entreprises pour le climat. On a compris que Belco est une société internationale. Et en fait, notre ambition aujourd'hui, elle est de devenir une entreprise multilocale. On souhaite construire des chaînes de valeur localement. On ne souhaite pas seulement... exporter des pays producteurs, importer dans les pays consommateurs. On souhaite aussi distribuer et valoriser des produits de qualité, et ce point est important, dans les pays qui produisent. On souhaite réduire la dépendance à l'exportation des producteurs de café et de cacao. Et donc on souhaite aussi pouvoir valoriser à travers, je sais pas moi, des coffee shops, du café torréfié, des partenariats avec des torréfacteurs, en Colombie, des cafés primés, soil of excellence, produits en Colombie. Et ça, c'est quelque chose également d'extrêmement important dans notre feuille de route et dans l'apport de la CEC. Prendre conscience que Belco devait passer d'une organisation internationale à une organisation multilocale.

  • Alexandre

    Alors, on s'approche de la fin de cette conversation, Alexandre. Tu nous as donné énormément d'exemples de la pensée régénérative. On n'a pas vraiment parlé d'économie régénérative en termes de théorie. On s'est rendu compte de ce que c'était au niveau très pragmatique. Merci. C'est sans doute la question la plus difficile de ce podcast. Tiens-toi prêt. On va essayer de faire comprendre le plus largement possible à quoi ressemble l'économie régénérative. Pour ça, j'aimerais te demander si tu avais face à toi un enfant, disons de 10 ans, et en une ou deux phrases, comment tu l'expliquerais ? À quoi ressemble cette économie régénérative ?

  • Eric

    C'est pour moi avant tout un défi, en fait. Tu vois, je réfléchis en t'entendant parler et me poser cette question, parce que je ne l'avais pas vue avant cette question. Je me dis en fait c'est quoi l'économie régénérative ? Tout de suite maintenant, si je devais l'expliquer à mes enfants, ça serait une super grande montagne à franchir, avec un groupe de personnes en bas de la montagne, soudées, très proches les uns des autres, avec un grand sourire, et avec la volonté de s'attaquer à cette montagne. Donc pour moi l'économie régénérative, c'est à la fois quelque chose de très ambitieux, et en même temps quelque chose de tout à fait possible, à partir du moment où... où collectivement, on se donne les moyens, l'énergie et tout ce qui va avec pour réaliser ce défi. Après, comment la représenter ? Pour moi, c'est la nature. L'économie régénérative, c'est la nature. C'est quelque chose qui trouve du sens dans un ordre qui ne paraît pas être en ordre. Il faut arrêter de vouloir des choses trop bien soignées, trop propres. Il faut accepter que la nature, c'est la diversité. C'est un ordre qui paraît fouillis, mais en fait qui est... très ordonnées et toutes les choses ont leur place pour une bonne raison. Et en fait, je leur dirais acceptez les choses telles qu'elles sont, concentrez-vous sur ce qui fait du sens et ce qui donne du sens à la vie et pas sur la forme, la forme ou le côté bien polissé des choses. Est-ce que je suis clair ou pas quand je te réponds comme ça ?

  • Alexandre

    Tu es très clair et donc ça va m'amener à la toute dernière question parce que ce qui saute aux yeux quand on écoute ton parcours, quand on regarde le chemin parcouru, c'est la force, l'énergie de l'entrepreneur. Donc maintenant, la question que j'aimerais te poser, c'est par rapport à des jeunes générations, des jeunes qui rentrent dans une école de management et donc qui se destinent à être entrepreneurs, qu'est-ce que tu leur dirais sur entreprendre en 2025 ?

  • Eric

    Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, en fait. Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, on a besoin non seulement l'entreprise, Et l'action pragmatique peut leur amener une réelle source d'épasnouissement et un côté très... peut leur donner une dose d'optimisme et d'énergie face à des enjeux qui peuvent paraître de temps en temps un peu durs, en fait, parce que les constats, les prises de conscience sont dures. Donc l'entrepreneuriat, pour moi, c'est la meilleure des façons de vivre positivement les défis qu'on a face à nous. Et on a tellement besoin d'avoir des entrepreneurs engagés aujourd'hui. tellement besoin d'avoir des collectifs qui s'engagent dans les entreprises pour mener ces combats que je leur dirais très sincèrement et de façon très authentique, on a besoin de vous, venez, vous allez voir, en fait, l'aventure, elle peut être belle, elle peut être très joyeuse, malgré le gigantisme des enjeux auxquels on doit faire face.

  • Alexandre

    Merci Alexandre, merci beaucoup pour le courage, le courage de l'entrepreneur. qui a dû prendre un chemin difficile, cette haute montagne qu'il fallait escalader. Merci pour l'authenticité de l'échange. Tu t'es révélé plusieurs fois à cœur ouvert. Merci pour ça. Et puis alors, merci pour le pragmatisme. Tu nous as donné beaucoup d'exemples concrets, reliés à la nature, des chiffres aussi sur ton entreprise. Et tu nous as transmis beaucoup de pépites pour d'autres entrepreneurs. Voilà, courage, authenticité, pragmatisme, en route pour le Cap-Régène.

  • Eric

    Merci Eric.

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Description

Dans cet épisode, Eric Duverger reçoit Alexandre Bellangé, Alumni du 1er parcours de la CEC et PDG de Belco, une société spécialisée dans le sourcing, l'exportation et l'importation de café et de cacao de spécialité de haute qualité. Ensemble ils abordent les transformations du modèle d'affaires basé sur les relations directes avec les producteurs, les résultats tangibles sur la traçabilité, passée de 5% à 95% en 10 ans, la prise de conscience des menaces climatiques sur la production de café, la mise en place d’une stratégie centrée sur la qualité des sols, l'innovation disruptive avec le transport à la voile, le leadership collaboratif et l'importance de l'intelligence collective, la culture de l'imperfection assumée, la transformation organisationnelle de l’international vers le multi-local… Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Alexandre

    Il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de ça permet de travailler avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard extérieur. Quelle opportunité incroyable en fait ! C'est dur financièrement, logistiquement et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ! J'ai envie de profiter de cette occasion pour adresser un message aux entrepreneurs, leur dire que c'est possible de changer le monde, c'est possible d'évoluer, on n'a pas besoin d'être un super héros.

  • Eric

    Bienvenue dans CapRegen. Je suis Eric Duverger, le fondateur de la CEC, une association qui existe pour rendre irrésistible la bascule vers l'économie régénérative. Tout le monde en parle de cette nouvelle économie, qui régénère au lieu d'extraire, mais le défi est immense. Avec CapRegen, nous donnons la parole à des dirigeants engagés au cœur de l'action. Bonjour Alexandre.

  • Alexandre

    Bonjour Eric.

  • Eric

    Alors Alexandre, je te propose de faire un pacte. Ce pacte, il tient en trois mots. Courage, parce qu'il en faut du courage quand on s'embarque dans l'aventure de la régénération. L'authenticité, l'authenticité de notre échange et pragmatisme, parce qu'on veut rendre très concrète cette nouvelle économie. On va le faire par des exemples et on va essayer d'être le plus pragmatique possible. Alors ces trois initiales, courage, authenticité et pragmatisme, ça fait CAP. Alors Alexandre, CAP ou pas CAP ?

  • Alexandre

    Carrément CAP, ça me semble être les piliers de l'entrepreneuriat. Donc allons-y avec ce CAP là.

  • Eric

    Alors on se lance, merci. Alexandre ? Tu es le président de Belco, une entreprise spécialisée dans le sourcing, l'importation et la distribution de café vert de haute qualité. Après avoir obtenu ton diplôme d'école de commerce, tu rejoins ton père, Nicolas Bélanger, en 2007 pour cofonder Belco. Tu participes à la CEC de la Nouvelle-Aquitaine en 2023-2024. Et puis aussi, tu t'es inscrit pour participer très prochainement à la Transat Jacques Vabre. Alors maintenant... Alexandre, on va parler un petit peu de toi et de ton entreprise. Pour commencer, je voulais te demander comment est venue cette idée d'une boîte de négoce de café avec ton père ?

  • Alexandre

    C'était un métier que mon père faisait déjà depuis une vingtaine d'années. Il a quitté l'ancienne boîte qu'il dirigeait au début des années 2000. Et quelques années après, il m'a proposé de vivre l'aventure de l'entrepreneuriat avec lui. Je dirais qu'au-delà de l'aventure de l'entrepreneuriat, l'aventure de la transmission entre un père et son fils. d'un certain savoir-faire. Je n'ai pas hésité une minute.

  • Eric

    Est-ce que tu peux juste nous décrire assez rapidement, avec quelques mots, quelques chiffres, ce que représente Belco aujourd'hui ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Pour repréciser, tu l'as introduit, Belco, c'est une société qui fait du sourcing, de l'exportation de certains pays producteurs, de l'importation en Europe, de café et de cacao, dix deux spécialités. Notre spécialité, à nous. c'est de faire des cafés et des cacaos de très haute qualité, des cafés délicieux, des chocolats délicieux, issus de filières totalement traçables et durables. Donc ça, c'est le métier de Belco. On a également une filiale qui fait des équipements pour équiper les torréfacteurs, les chocolatiers et distribuer tout ce qui permet de préparer du café avec une méthode douce dite du slow coffee. Donc ce sont des méthodes autour de la filtration qui donnent des boissons qui sont finalement beaucoup plus proches du thé. que de l'idée qu'on peut se faire du café. Aujourd'hui, Belco, c'est une société qui est installée dans différents pays. On a des équipes, des structures en Colombie, au Guatemala, au Salvador, en Éthiopie, en France, en Suisse et en Allemagne. Malgré tout ça, c'est une structure qui a une dimension internationale, mais en restant une petite structure, parce qu'on est à peu près 80. à travailler. Et donc, c'est toute la complexité de mélanger une petite équipe, une petite structure répartie dans plein de pays différents qui mènent une tâche assez ambitieuse. Après, en termes de chiffres, Belco, c'est à peu près 65 millions d'euros de chiffre d'affaires, même si je n'aime pas beaucoup parler de chiffre d'affaires. On fait à peu près 400 à 500 containers de café et de cacao chaque année. Même si là aussi, le volume n'est pas forcément l'indicateur qu'il faut regarder parce qu'on a tendance à baisser le volume parce qu'on se concentre sur d'autres choses.

  • Eric

    Merci beaucoup de brosser le portrait de Belco. On va revenir un petit peu à toi en tant que personne, parce qu'avant d'être entrepreneur et dirigeant, tu es une personne. Est-ce que tu peux nous décrire une expérience de nature pressante que tu as vécue, qui t'a marqué ?

  • Alexandre

    Des expériences de nature, j'en ai beaucoup. puisque, comme tu l'as dit, je navigue, donc je suis assez proche de l'univers de la mer, de l'océan. Mais je pense que l'expérience la plus marquante qui a vraiment marqué un tournant dans ma vie et dans ma vie professionnelle, c'est mon premier voyage en Éthiopie en 2012, janvier 2013. Janvier 2013, je vais pour la première fois en Éthiopie avec une personne qui m'est très chère et qui est aujourd'hui le directeur de toute la zone Afrique. pour Belco, qui s'appelle Jacques Chambrillon, qui est un géographe passionné de café, passionné d'Ethiopie, qui est parti en Ethiopie pendant ses études et qui a découvert l'Ethiopie à pied, presque un vrai pionnier. Et en fait, en 2013, il m'a invité avec lui à découvrir l'Ethiopie. Il était à la tête, avec son associé Sylvain, d'une petite société d'importation qui s'appelait Antbassa, et avec laquelle on travaillait. J'ai découvert avec lui l'origine du café. J'ai découvert avec lui un pays. qui n'avait pas évolué dans son agriculture depuis 50 ans. vraisemblablement par manque de moyens. Mais la chose absolument magique, c'est qu'en n'évoluant pas, ce pays était finalement représenté le futur de la caféiculture. Les savoir-faire n'avaient pas été oubliés, écartés. L'agroforesterie, la nature étaient au centre même de la production de café. Les sols étaient vivants. Et quand je me suis retrouvé au niveau de ces caféiers, ces productions de café, je me suis dit « Waouh ! Je n'ai absolument jamais vu ça ! » C'est absolument incroyable. Tout ce que je connaissais jusqu'alors, c'était de la monoculture, quelques fois parsemée de quelques arbres. Mais là, on était dans quelque chose de radicalement différent, avec des cafés absolument incroyables. L'expérience que j'ai pu vivre avec lui, l'expérience humaine, associée à l'expérience de la nature et les produits qui étaient issus de ses productions, tout ça m'a amené un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

  • Eric

    C'est hyper intéressant cette notion du passé qui rencontre le futur. Et c'est vrai qu'on y reviendra finalement, puisque c'est aussi un des principes de l'économie régénérative, peut-être de revenir à des fondamentaux et de se reconnecter à la nature. Alors, on va parler encore un petit peu de toi pour essayer de comprendre les racines finalement de ton engagement. Qu'est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit ou adolescent comme métier ? Est-ce que tu voulais déjà être entrepreneur ou tu as envisagé d'autres métiers ?

  • Alexandre

    Alors moi, j'ai eu la chance d'avoir un père entrepreneur. qui a dirigé une entreprise dans laquelle il est rentré en étant très jeune et qui ensuite en a créé deux autres. Et donc en fait, il m'a donné le goût d'entreprendre et il m'a donné le goût du travail. Donc assez jeune, j'ai voulu faire comme papa. Et assez jeune, j'ai compris, et il m'a invité à le faire, parce qu'à partir de mes 14 ans, le deal entre lui et moi, c'était que je travaillais pendant la moitié de mes vacances scolaires pour pouvoir profiter de l'autre moitié en faisant tout un tas de choses formidables. Et c'était quelqu'un de très pragmatique. qui m'a donné le goût de la réalisation. Et il y a autre chose qui a été très formateur, c'est que j'ai été pendant assez longtemps joueur de rugby et j'ai compris l'approche collective et la capacité d'un collectif à surpasser la somme des performances individuelles. Et en fait, cette envie d'entreprendre, de réaliser, de changer des choses, de travailler, associée à cette envie du collectif, ça a forcément forgé chez moi, fait naître chez moi extrêmement tôt. l'envie d'entreprendre et l'envie d'entreprendre collectivement.

  • Eric

    Alors, ça va faire une très bonne transition. Si tu peux nous raconter ton engagement dans l'aventure CEC, la Convention des entreprises pour le climat, puisqu'on parle de collectif, d'engagement collectif. C'est clair, et tu le racontes dans ton parcours, que tu avais déjà, et Belco avait déjà, entamé beaucoup d'actions. Et finalement, la CEC est venue dans une aventure qui était bien avancée sur la transformation. Mais donc, comment es-tu venu dans la CEC ? Et qu'est-ce que ça t'a apporté au niveau prise de conscience ?

  • Alexandre

    Alors, je vais commencer par remettre, si tu es OK avec moi Eric, remettre un tout petit peu de contexte parce qu'effectivement, on était avancé. Mais clairement, la CEC, ça a été une étape plus que marquante dans la vie de l'entreprise. Et surtout, ça sera une étape plus que marquante dans son futur. L'entreprise Belco, elle a été créée en 2007. Et au début, elle a été créée comme une société assez classique d'importation qui achetait des cafés standardisés. Et je dirais... sur les marchés et qui était un intervenant parmi une chaîne très très longue, très opaque, dans laquelle il était assez compliqué d'obtenir des informations et d'avoir des qualités satisfaisantes. Il y a une chose qui est très importante à comprendre avec Belco, c'est que dès le début, on a été engagé avec les artisans. L'histoire de l'entreprise a été liée à l'artisanat dès le premier jour et aujourd'hui, 17 ans après la création, elle est toujours exclusivement liée à l'artisanat et au PME de Torréfaction. Ça c'est un point qui est assez important. Et dès le début, le constat a été fait que l'artisanat de la torréfaction en France était en manque de dynamique, d'énergie, de bonheur, d'épanouissement. Et assez rapidement, on a eu envie de redonner vie à l'artisanat du café. La première des initiatives, c'est de développer un centre de formation. Parce qu'on s'est dit que finalement, formant, en redonnant de la connaissance, en redonnant de l'information, on pouvait redonner du sens aussi. autoréfacteurs, et là de leur donner envie de faire leur métier et de développer leur métier face à une très grande puissance à l'époque qu'était Nespresso, qui l'est toujours évidemment, mais il faut se remettre dans le contexte, en 2007, Nespresso c'était le nec plus ultra du café, et moi j'avais pas du tout envie de ça en fait, j'avais envie que le nec plus ultra du café, ça soit justement l'authenticité. Tu parlais de cap tout à l'heure, j'avais qu'une envie, c'était de redonner un cap aux artisans. Et de redonner un cap vers des cafés de grande qualité, vers la traçabilité, vers l'authenticité, vers la transparence. Et c'est ce qu'on a fait pendant tout un moment. Et finalement, assez rapidement, au bout de cinq ans... On s'est rendu compte que c'était plus possible de travailler dans la filière dans laquelle on a été établi, parce qu'il y avait trop d'intermédiaires entre nous et les producteurs, on n'avait pas accès aux informations concernant les cafés qu'on achetait, et on ne pouvait pas du tout monter le niveau de la qualité. Donc assez rapidement, on s'est dit qu'il faut switcher le modèle dans lequel on est. Je précise ce point-là parce que c'est important par rapport au contexte dans lequel on arrivait dans la CEC. On a commencé à shifter. Notre modèle d'affaires en 2014, en se disant non, on arrête de travailler avec les maisons de trading, on arrête de travailler avec des cafés standardisés, on établit des relations directes avec des producteurs, on veut maîtriser notre traçabilité, on veut savoir à qui on achète, on veut savoir où on achète, on veut savoir de quelle plantation ça vient, quel est le modèle derrière cette plantation. On veut pouvoir apporter. de la transparence pour pouvoir instaurer une confiance avec nos clients, nos consommateurs. On veut comprendre le contexte de Ausha, parce qu'on peut parler d'achat responsable. Par exemple, fixer le prix d'achat d'un café. Si on ne le fait pas en comprenant de façon locale le contexte dans lequel on achète le café, c'est finalement impossible de pouvoir le faire. Ça ne peut évidemment pas être quelque chose de global. Et donc, assez rapidement, on s'est rendu compte qu'il fallait qu'on soit présent, qu'on aille acheter en direct, mais... Un peu plus que ça, qu'on établisse des équipes directement sur le terrain pour pouvoir maîtriser cette qualité, cette traçabilité, cette transparence et pouvoir agir, supporter les producteurs dans leur travail au quotidien. Et donc, on a commencé à installer des équipes dans les pays producteurs.

  • Eric

    Alors juste cette transition très forte que vous avez eue d'être un intermédiaire dans une chaîne de valeur, vous avez basculé vers... être finalement un intégrateur dans toute une filière et prendre soin de tout l'écosystème depuis la source, la production jusqu'à la torréfaction. Est-ce que ça, ça a pris combien de temps ? Et c'était dans quelles fenêtres, en termes de temps pour vous, c'était enclenché dans quelles années ?

  • Alexandre

    La feuille de route stratégique a été écrite en 2013. On a enclenché le mouvement en 2014 et ce n'est pas encore totalement terminé. À l'époque, on avait à peu près 5% de nos cafés quand on a initié le mouvement, 5% des cafés qui étaient importés. dont on connaissait, dont on maîtrisait totalement la traçabilité. Aujourd'hui, on est de l'ordre de 95%, à peu près. Donc, ce n'est pas encore 100%, mais bon, voilà. Donc, on va dire que ça a pris une dizaine d'années. Et puis, à l'origine, le sujet, c'était quoi ? C'était d'amener une histoire, d'amener une qualité absolument extraordinaire, d'amener de la diversité aux artisans torréfacteurs pour qu'ils puissent se battre contre les industriels. Je rappelle que l'idée, c'était faire que les artisans torréfacteurs soient meilleurs. que les capsules Nespresso. Je résume un peu. Ah oui ? Mais c'est un petit peu l'idée. Comment pouvoir balancer le jeu, en fait, entre des artisans et des multinationales absolument gigantesques ? Je rappelle que le café, c'est la première matière première agricole échangée dans le monde. La deuxième matière première échangée après le pétrole, c'est la première économie agricole au monde. C'est quand même juste dingue. Et 75% de ce marché, et dans les mains de trois entreprises, Nestlé, Lavazza et JDE. Donc, redonner ces lettres de noblesse à l'artisanat et redonner à l'artisanat le pouvoir de se battre contre ces puissances-là, ce n'était pas quelque chose d'anodin.

  • Eric

    Et est-ce que, justement, quand on t'écoute, on sent une énergie de résistance par rapport à une déferlante de pratiques de très gros acteurs qui, par les volumes et par leur surface financière, ont pu écraser un marché ? Est-ce que tu qualifierais toujours aujourd'hui votre action d'une énergie de résistance, où finalement il y a un modèle assumé, une alternative, avec cette chaîne et cette compréhension depuis la production jusqu'à la tasse de café ? Et est-ce que finalement cette proposition c'est toujours une énergie de résistance, ou plutôt une alternative qui crée de la joie dans la filière et qui s'impose comme une vraie alternative ?

  • Alexandre

    Aujourd'hui c'est clairement une alternative. Et en même temps, je ne peux pas dire qu'il n'y a pas forcément encore. un petit peu de résistance. On est toujours en train d'affiner le modèle qu'on souhaite pouvoir proposer aux consommateurs pour que la proposition de valeur soit extrêmement claire. Mais il y a beaucoup d'énergie, beaucoup d'énergie positive et une vraie croyance dans une alternative tout à fait claire chez les torréfacteurs, chez les chocolatiers aujourd'hui d'ailleurs aussi, parce que le mouvement dans le cacao est le même, même s'il y a toujours un peu de résistance. Je reprends juste le sujet. Du coup, on se retrouve à créer des équipes dans les pays producteurs et assez rapidement, on se rend compte que là, on est en 2017, 2018. On se rend compte qu'en fait, il y a un vrai problème. Il y a un vrai problème dans l'agriculture, enfin il y a un vrai problème dans la caféiculture. On ne produit plus de café, il y a certaines altitudes, il faut savoir que le café ça pousse en altitude, il y a certaines zones où on ne produit plus de café en fait parce qu'il fait trop chaud. Il y a des zones dans lesquelles on n'avait jamais cultivé de café, dans lesquelles on se met à cultiver de café. Bon le sujet c'est que le café ça pousse sur une montagne, donc on peut toujours monter, mais bon plus on monte moins il y en a, c'est la forme de la montagne qui en décide. Il y a un problème parce que les temps de maturation des cerises sont plus courts, donc ça affecte la qualité. Et puis, finalement, on se retrouve dans le même temps face à des études qui disent « Messieurs les professionnels du café, à horizon 2050, et je parle de ça il y a 7-8 ans, depuis ça s'est accéléré, à horizon 2050, vous allez perdre 50% des surfaces cultivées dans le monde. » Ok. Et qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? On a deux choix. Soit on fait l'autruche, on se dit « De toute manière, c'est ça encore, des études, il y en a plein. » Moi, je vais continuer à vivre ma vie, le café, on va trouver des solutions, la technologie, l'avenir, etc. Il y a toujours des magiciens où on se pose et on se dit, en fait, moi, je suis entrepreneur, je suis commerçant, chef d'entreprise. Je ne suis pas du tout scientifique. Et puis, en fait, il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent. des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de c'est quoi l'avenir du café ? Et donc à partir de 2017-2018, on se dit le café de demain ne sera pas du tout le même café qu'hier. Et même si Belco aujourd'hui a su, ou en tout cas était en train d'apporter une proposition de qualité traçable dans la transparence au torréfacteur, il fallait aller au-delà. Il fallait aller dans un café et... produit beaucoup plus durablement. Il fallait trouver des solutions pour à la fois rendre la filière de production résiliente et maintenir la désirabilité de la consommation du café, tout en se mettant en conformité au fur et à mesure avec les réglementations. Et donc, à partir de là, on a évolué dans notre approche, on a été encore plus ambitieux, plus radical dans Ausha d'agriculture, de modèles agricoles qu'il y avait derrière les cafés consourcés et on a commencé a initié les sujets sur lesquels on reviendra certainement tout à l'heure, de transport à la voile, etc. Mais toute cette prise de conscience, elle est arrivée quelques années après le shift vers les achats directs et elle nous a amenés à travailler sur la durabilité de Ausha et sur la durabilité de notre filière. Et c'est dans ce contexte qu'on est rentrés à la CEC.

  • Eric

    Est-ce qu'on peut dire que ce que tu nous décris là, c'est finalement qu'assez vite, vous vous êtes rendu compte avec ton père en tant qu'entrepreneur, qu'il fallait prendre un coup d'avance sur la transformation de la filière et de votre proposition de valeur. Mais à un moment donné, vous vous êtes dit, en fait, on doit prendre deux coups d'avance pour vraiment anticiper cette filière, plutôt à 20 ans, parce qu'il y avait des mouvements majeurs qui se passaient sur les surfaces à cultiver.

  • Alexandre

    Oui, clairement, deux coups d'avance. On s'est surtout dit, il faut écouter la scientifique, il faut écouter ce que la nature est en train de nous dire. Posons-nous la question de savoir s'il y a un avenir ou pas pour le café. Ça, c'est la première question qu'on s'est posée. Est-ce qu'il y a un avenir ou pas pour le café ? Parce que finalement, s'il n'y avait pas d'avenir pour le café, à ce moment-là, la réponse qu'on doit donner est une réponse autre. On doit piloter, transformer notre entreprise différemment. Et nous, on s'est dit, en fait, il y a un avenir possible et souhaitable pour le café. Parce que le café peut être vertueux. Le café peut être vertueux du point de vue de la santé, le café peut être vertueux du point de vue de la nature, du point de vue économique, du point de vue social, de la convivialité. Et donc, finalement, il y a un avenir tout à fait possible. Ça dépend de quel café on parle. Donc, battons-nous pour construire une filière qui produit des cafés dans lesquelles on croit et qui, pour nous, ont un avenir possible et souhaitable.

  • Eric

    Alors, si on établit un peu cette histoire, vous vous lancez assez vite, vous trouvez une différenciation. En tout cas, la raison d'être de Belco. Vous prenez aussi des décisions pour prendre un coup, voire deux coups d'avance. Et donc, en 2023, tu prends la décision de lancer Belco dans l'aventure de la CEC. Qu'est-ce qui s'est passé et qu'est-ce que tu en as retiré ?

  • Alexandre

    Alors, une petite précision qui n'est pas si petite que ça, mon père quitte l'entreprise début 2014. On avait une approche de la lecture de l'avenir qui était différente, on va dire, et c'est normal en fait, c'est une question de génération. Et c'est quelqu'un qui avait entrepris, qui avait travaillé très tôt, donc je pense qu'il y avait aussi une certaine fatigue et je pense qu'il avait besoin de souffler, de respirer. Donc on a partagé nos souhaits. pour l'avenir de l'entreprise en 2013. Et assez rapidement, il m'a dit écoute, je ne crois pas beaucoup dans ce que tu veux faire, mais je crois encore moins dans ce que je veux faire. Donc, je vais quitter l'entreprise et comme ça, tu auras la main pour pouvoir la transformer comme tu le souhaites. Voilà, petite précision.

  • Eric

    Ce n'est pas une énorme précision sur le chemin de vie.

  • Alexandre

    C'est une grosse précision sur le chemin de vie. Et donc, tout ça m'amène en 2023 à la CEC. Et la rencontre avec la CEC, c'est un ami, Mathieu, Sarah, qui, à un moment donné, me passe un coup de téléphone. Écoute, Alex, j'ai été invité, je me lance dans un projet qui est de participer à un parcours pour dirigeant d'entreprise, pour revisiter un petit peu mon modèle d'affaires. Et j'avais pas mal discuté de ces sujets-là avec lui. Et il me dit, je pense que c'est très aligné avec ce que tu fais, ce que tu mènes pour Belco. Tu devrais venir voir. Honnêtement, j'ai mis un certain temps à répondre parce que dans ma tête, on était déjà lancé sur ces sujets-là. Et je ne me posais pas trop de questions et je me suis dit finalement, je vais me retrouver avec des entreprises qui se posent des questions sur leur modèle d'affaires, alors que nous, ça fait déjà dix ans qu'on s'en pose. Est-ce que j'ai ma place ici ? Puis finalement, je me suis dit, ça serait trop bête en fait de ne pas juste aller voir. Je suis quand même quelqu'un d'assez curieux. Et je me suis retrouvé dans un petit déjeuner de la CEC. Et en fait, à l'issue du petit déjeuner, je me suis dit évidemment j'y vais pour deux raisons principales et qui sont hyper importantes. La première, c'est que pendant dix ans de transformation du modèle d'affaires de Belco entre 2013 et 2023, on va dire, il y a quand même énormément de moments où je me suis senti seul. Parce que transformer une entreprise à ce moment-là, ce n'était pas forcément simple, parce que prendre conscience des sujets environnementaux en 2017 en tant que dirigeant d'entreprise... Quand on en parle avec d'autres dirigeants d'entreprise, il n'y a pas forcément d'écho. On est jugé souvent. On doit prendre des risques qui sont importants et façon de quels on se retrouve. Parce que c'est bien beau, après quelques années, de dire finalement, c'est super, mais il y a des risques. Et en fait, de temps en temps, on n'en dort pas de ces risques-là. Et ne pas dormir, être jugé, être isolé, ce n'était pas forcément quelque chose de très rigolo. J'ai eu la chance d'avoir une équipe absolument formidable. J'ai la chance d'avoir une équipe absolument formidable qui m'a... casser autant que faire se peut de cet isolement, mais j'avais quand même besoin de retrouver aussi une communauté en dehors de Belco. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, je me suis dit, au-delà de ça, je suis très attaché à l'intelligence collective. Et je me suis dit, non seulement ça casse l'isolement, mais en plus, ça permet de créer avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard, porter un regard sur ce qu'on a fait, un regard extérieur, parce qu'évidemment, Il y a plein de choses à améliorer. Et évidemment, on a la tête dans le guidon et on ne le voit pas. Donc, avoir la chance de pouvoir partager son plan, sa feuille de route, sa vision avec d'autres chefs d'entreprise, quelle opportunité incroyable en fait. Voilà ce qui m'a fait rentrer à la CEC.

  • Eric

    Est-ce que c'était tes deux intentions au départ ? Sortir de l'isolement et profiter de la force de l'intelligence collective. Est-ce que sur ces deux objectifs, finalement, tu te... t'es retrouvé, ça a répondu à tes attentes et est-ce que la CEC t'a apporté aussi d'autres choses ?

  • Alexandre

    Évidemment, ça nous a cassé de l'isolement. Le parcours de la CEC est basé sur la prise de conscience et entourée, une prise de conscience entourée et sur la construction par l'intelligence collective. Donc, évidemment, ça m'a apporté tout ce que je recherchais et bien plus encore parce que je ne pensais pas que certaines entreprises pouvaient ... prendre conscience aussi rapidement de l'impact négatif, je dirais, de l'économie extractive, et rebondir avec autant de joie et d'énergie. Ne serait-ce que de voir ça, j'ai trouvé ça incroyable. En fait, il faut voir une chose, c'est que moi, je ne suis pas né avec des convictions écologiques. Belco n'est pas né en étant un modèle vertueux, et on a encore plein de progrès à faire. On a shifté, et ça c'est un point qui a été assez dur, en fait. Parce qu'au début, quand on initie une transformation de modèle d'affaires, finalement, on devient trop bobos pour ceux qui ne bougent pas et pas assez pour ceux qui sont nés hyper vertueux. Et donc, en fait, on a le cul entre deux chaises. Je suis désolé de le dire, mais c'est l'expression. Et on est jugé des deux côtés. Et ce n'est pas cool du tout. Donc, au-delà du fait de casser de l'isolement et de bénéficier de l'intelligence collective, il y a ce regard hyper bienveillant de la CEC envers tout un tas d'entreprises en leur disant Mais finalement, n'ayez pas peur de ne pas être parfait. Et ce n'est pas parce que votre modèle n'est pas parfait aujourd'hui qu'il ne peut pas s'améliorer demain. Et ça, je trouve ça vraiment incroyable. C'est un truc que j'ai vraiment découvert. C'est que la CEC... est très accessible, très pragmatique, et c'est vraiment un mouvement, une association, un parcours qui parle à tous les entrepreneurs, et c'est certainement ce qu'il y a de plus beau.

  • Eric

    Effectivement, tout le monde est bienvenu dans la CEC, et je dirais que personne n'est parfait dès qu'on se lance dans une activité économique, elle aura forcément des impacts, et on est là sur l'économie régénérative, c'est de créer des impacts nets positifs, et donc justement... On va aller un peu plus loin sur le régénératif pour Belco. On va partir sur peut-être l'initiative. On aimerait que tu nous en dises un petit peu plus. L'initiative la plus spectaculaire de Belco, c'est sans doute le transport à la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur les décisions que vous avez prises sur le transport à la voile ? Ce que ça veut dire, les implications, la prise de risque aussi. Et aussi, est-ce que ça peut inspirer d'autres secteurs ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Bien sûr, ça peut inspirer d'autres secteurs. Et bien sûr, également, je réponds à ta question, Eric. Je dirais qu'encore une fois, le contexte, j'aime bien reposer un petit peu les contextes. Le contexte, c'est quand on prend conscience de la problématique environnementale et qu'on se dit, c'est quoi le café souhaitable pour l'avenir ? En fait, on commence par mesurer, regarder. On fait un bilan carbone de notre activité et on se rend compte qu'en fait, 80% du sujet, il vient des plantations. Il vient de la production, en fait. Il vient de l'agriculture. Le sujet, c'est l'agriculture. Mais pas que. Le troisième poste, on découvre le troisième poste, et le troisième poste, c'est le transport. Et c'est vrai que le transport, on n'avait pas vraiment pensé au transport. Alors, c'est pas beaucoup, mais on creuse. Parce qu'on se dit, c'est quand même le troisième. Donc, c'est un poste qui, pour Belco, représente à peu près... Alors, si on parle uniquement carbone, représente 10% des émissions de CO2. Bon, c'est beaucoup, pas beaucoup. On mène tout de suite des transformations assez lourdes au niveau de la transition agricole. qu'on continue encore. Mais on se dit, il faut aussi qu'on se pose la question du transport. Et ça peut être aussi un aspect différenciant et un peu un symbole. Parce que finalement, tout ce qu'on fait au niveau de l'agriculture, c'est hyper impactant. C'est évidemment essentiel. Mais du point de vue consommateur, ça parle sans parler. C'est très complexe à expliquer. Le transport, on se dit, c'est le troisième poste. C'est 10%, c'est 3% au niveau des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Mais ces 10% d'émissions des oxydes de soufre, ces 20% sur les oxydes d'azote, donc tout ça, c'est responsable, c'est la pollution atmosphérique, ce sont les maladies respiratoires, c'est aussi l'acidification des sols. Le transport, c'est aussi, avec le fuel lourd, la pollution des océans. Il y a également de la pollution sonore, qui menace aussi la vie marine. Et quand on rentre un petit peu dans le truc, et qu'on se dit, il n'y a pas que les émissions de CO2, mais en fait, il y a un impact environnemental, on se dit, en fait, c'est... énorme. Donc, l'impact environnemental, il est gigantesque et à côté de ça, il peut y avoir un symbole qui peut vraiment être marketé aussi et rendre désirables les produits qu'on vend et qui peuvent nous amener, puisque évidemment, le sujet c'est pas d'aller mettre dans des bateaux à voile des cafés qui sont produits en monoculture et bourrés d'intrants, ça peut aussi nous permettre de pouvoir parler de tout ce qu'on fait à l'origine. Et donc, on rentre dans ce sujet du transport à la voile. 2017-2018, je rencontre Diana Messa et Guillaume Legrand, cofondateurs de la société Tôte, T-O-W-T, qui à l'époque affrétaient des petites goélettes dans lesquelles on mettait une vingtaine de tonnes de café. Ils étaient à Douarnenez, petite entreprise de Douarnenez. Et je m'intéresse au transport à la voile parce que je me dis qu'il y a un truc à gratter à ce niveau-là. Je découvre cette solution, je les rencontre. Honnêtement, premier rendez-vous, je me dis qu'ils sont complètement fous. Ce n'est pas du tout... Ça ne peut pas marcher, en fait. C'est trop petit. Des goélettes, nous, on faisait à l'époque l'équivalent de 500 containers par an. On n'est pas très gros, mais bon, 500 containers, je ne peux pas importer 500 containers un container par un container en petites goélettes qui met trois mois à arriver. Je me dis, c'est impossible. Et avec un prix du transport qui était 50 fois supérieur au prix que j'avais... Je me dis... Ok, je suis prêt à payer plus, je suis prêt à me battre, mais là, 50 fois, c'est quand même un peu too much, ce risque-là, je peux peut-être pas le prendre. Néanmoins, ce sont des entrepreneurs, et on garde le contact. Et puis, un an après, le truc continue à me trotter en tête, eux continuent à avancer, et je me dis, bon, il faut quand même qu'on fasse un truc avec eux, parce que les mecs se battent depuis 2011, ils font la promotion du transport à la voile, c'est pas possible de laisser des entrepreneurs comme ça sans leur filer un coup de main. Et donc, on commence. Assez rapidement, et d'ailleurs je me rappelle dans les premières communications, je disais aux journalistes, attendez, pour le moment c'est un test, ça ne représente absolument rien sur nos importations, donc ne nous emballons pas, sinon en fait ça va être du greenwashing. Mais bon, je les aide comme ça, on garde le contact, et puis en 2019, on fait un constat ensemble et on se dit, mais en fait, c'est pas possible de rendre le transport à la voile, d'intégrer le transport à la voile dans un modèle d'affaires d'entreprise si on ne voit pas plus grand. Plus grand c'est quoi ? Ce sont des voiliers cargo. Mais ça n'existe pas. Donc, Toth, Diana, Guillaume se posent sur les premiers dessins et créent un concept de voilier cargo. Premier concept, assez rapidement, ils se disent « Ok, on va y aller. » Pour y aller, il faut financer le bateau. On a des plans, on a un chantier. Comment on fait ? Il nous faut des clients. Et donc, ils nous font signer des lettres d'intérêt. Donc, 2020, février 2020, juste avant le Covid, suite au salon Change Now, d'ailleurs, je signe la première LOI pour, je dirais... m'engager comme chargeur dans le transport à la voile. Assez rapidement, on se rend compte, malheureusement, le constat n'est pas très positif. Le constat, c'est quoi ? C'est qu'il n'y a pas assez de chargeurs, en fait. Donc, on a beau être un chargeur, si on prend 10% du bateau, si le reste du bateau n'est pas rempli, jamais le bateau n'est financé. Et donc, on va un petit peu plus loin en 2021-2022. J'accélère un petit peu, mais pour rendre possible le projet aux côtés de Diana et de Guillaume. on rentre dans l'actionnariat de Tôte et on signe un contrat en tant qu'affraiteur. Ça veut dire qu'on prend l'engagement et donc on prend le risque de réserver les bateaux entiers. Tout ça amène au financement du bateau, à la mobilisation d'un groupe d'entrepreneurs engagés auprès de Diana et de Guillaume, suite à la mobilisation de Belco, à la construction des bateaux. Les deux premiers bateaux ont été mis à l'eau en 2024. Et les deux premières importations de café à la voile ont été réalisées en 2024. depuis la Colombie, depuis Santa Marta en Colombie et depuis le Brésil. On a reçu au mois de novembre et de décembre les premiers chargements de cafés colombiens et brésiliens qui ont été transportés à la voile par propulsion principale. vélique, transporté en une vingtaine de jours, à peu près. Donc on a divisé par deux notre temps de transport, parce qu'en fait on a un transport qui est plus petit, mais du coup qui est dédié, et beaucoup plus direct qu'avec la massification des méga-cargos. Dans des conditions, des qualités de transport absolument incroyables par rapport aux cocottes minutes que peuvent être les containers, avec plus de 90% de réduction des émissions de gaz et effets de serre, 92% de moins d'émissions d'oxyde de soufre et 98% d'oxyde d'azote. Donc, c'était dur financièrement, logistiquement, humainement. Ça va continuer à être dur parce qu'on va continuer à se battre pour rendre ce transport à la voile massif possible et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ?

  • Eric

    Ça fait deux fois, Alexandre, que tu nous donnes un exemple hyper concret où, finalement, le futur rencontre le passé. où le futur revient vers le passé, vers une simplicité et un retour à la nature aussi. Ça me donne envie de quand même ce rêve de la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus puisque tu es encore plus loin sur ce rêve toi-même, sur le projet de la Transat Jacques Vabre ? Tu t'embarques, toi à titre personnel, c'est une continuité par rapport à cette décision de transporter le café à la voile. Qu'est-ce qui t'a emmené ? sur ce projet personnel ?

  • Alexandre

    Oui, alors c'est un rêve personnel et professionnel assez fou, ce projet de course au large. Et c'est une source d'épanouissement dingue. A l'origine, j'ai trois objectifs, en fait, dans ce projet. Alors, ce projet, c'est quoi ? Déjà, c'est d'apprendre à naviguer. Il faut savoir que j'ai toujours rêvé de naviguer, mais je n'ai jamais appris à naviguer, parce que je l'ai dit tout à l'heure, je joue au rugby, donc ça laissait finalement assez peu de temps. J'ai terminé mes études deux mois après. J'ai rejoint mon père pour créer Belco. Quand on crée une entreprise, c'est 7 jours sur 7, on bosse 12, 13, 14 heures par jour. On ne se pose pas la question, on y laisse pas mal de points de santé, mais ce n'est pas grave en fait parce qu'on réfléchit à autre chose. Et puis, quelques années plus tard, on se réveille, on retrouve la santé parce qu'on remet un petit peu la santé personnelle au centre de ses préoccupations. Et puis, on se pose la question de quelle est la suite en fait et comment j'aborde. Moi, ça faisait 15-16 ans. que j'étais chez Belco, comment j'aborde l'avenir ? J'avais envie de naviguer, de découvrir le large. Belco avait besoin que, pour des questions de gouvernance, que je prenne aussi un petit peu de hauteur. Tu sais, quand on monte une entreprise, au début, on fait tout. Et puis ensuite, on délègue. On délègue pas mal de choses au fur et à mesure. C'est pas évident, en fait, de déléguer. Et puis... On grossit, on grossit, et puis à un moment donné, si l'entreprise veut continuer de grandir, veut continuer de s'épanouir, il faut que le dirigeant, que le fondateur accepte de lâcher prise sur certains sujets. Et j'ai beaucoup bossé sur ça ces dernières années, mais il y avait certaines choses sur lesquelles je n'arrivais plus à lâcher prise. Et je dois le dire, il y avait encore certains sujets dans l'entreprise où je pense que je considérais encore que j'étais la meilleure personne pour les faire. Ce n'était pas rationnel, ce n'était pas vrai, et je le savais. Et je le faisais quand même encore. Et donc j'ai pris conscience à un moment donné que pour que l'entreprise et pour que le projet se développe mieux, il fallait que moi je prenne un peu de hauteur, je m'efface un petit peu. Et finalement ce projet, pendant deux ans, d'apprendre à naviguer et de faire une course au large transatlantique, permet à l'entreprise de respirer aussi et de se structurer sans moi, ce qui lui fait beaucoup de bien et ce qui m'a amené à devoir organiser l'entreprise sans moi aussi. Et donc, ça a été un premier point, une première motivation extrêmement importante. La deuxième, c'est parler de transport à la voile. Parler de transport à la voile, le sujet là, c'est quoi ? C'est de faire la route du café à la voile, partir du Havre. Je suis Havret, normand, Havret, fier de l'être. Partir du Havre en bateau à voile, faire la route du café pour parler de transport de café à la voile. Qu'est-ce qui peut avoir plus de sens ? J'ai véritablement envie d'être un porte-parole du transport à la voile et du transport à la voile de café, de cacao. en partant du Havre pour cette belle aventure. Et la troisième chose, qui est peut-être la première la plus importante pour moi, c'est qu'au bout de 20 ans d'entrepreneuriat, je l'ai dit tout à l'heure, je me suis senti pas mal seul. Je veux dire, je me suis senti seul dans l'évolution du modèle d'affaires de Belco. Et je pense qu'aujourd'hui, en tout cas, la transformation de l'économie, d'une économie extractive, comme tu le sais, vers une économie régénérative, est entre les mains des entrepreneurs, est entre les mains des entreprises. Je fais pas mal de choses depuis 10 ans. Je suis très loin d'avoir un modèle parfait parce qu'en fait, il faut l'améliorer tous les jours. Mais j'ai envie de faire savoir que c'est possible et j'ai envie de faire savoir qu'on n'a pas besoin d'être un super héros. Moi, je suis quelqu'un de complètement normal. Je n'ai pas fait de grandes études. Je ne suis pas super intelligent. Je suis juste animé par le collectif, animé par un projet, animé par l'envie de réaliser. J'ai eu de bons exemples autour de moi. Ça m'a inspiré. Je suis bien entouré. Et en fait, tout ça, c'est des choses qu'on peut reproduire. Et j'ai envie de le dire. Et quand j'ai découvert la CEC, je me suis dit, mais en fait, c'est génial. J'ai aussi envie de porter le message de la CEC et envie de profiter de cette occasion, pas seulement pour parler de transport à la voile, mais aussi pour adresser un message aux entrepreneurs, aux chefs d'entreprise, leur dire que c'est possible de changer le monde. C'est possible d'évoluer. On n'a pas besoin d'être un super héros. On n'a pas besoin. d'avoir des convictions écologiques depuis 10 ou 15 ans, il faut y aller. Il faut y aller, prenons conscience des enjeux et développons avec courage, donnons un cap, comme tu le disais en introduction de cet entretien, à nos entreprises. Et donc ça, c'est la troisième de mes motivations. J'ai envie d'aller un peu plus loin sur l'embarquement de l'équipage, puisque là, on vient de parler de course à la voile, et tu as parlé aussi de rugby, et que très jeune, en fait, tu as compris la force du jeu collectif et donc de faire avec les autres. Le projet de Belco est hyper ambitieux. Vous êtes vraiment des pionniers sur beaucoup d'aspects de votre chaîne de valeur. Et donc, je suppose qu'un des enjeux pour toi, en tant que dirigeant, c'est d'embarquer ton équipage, embarquer les 80 employés de Belco et sans doute au-delà. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur comment tu fais ça ? Comment tu as fait ça et tu continues à faire ça ? Embarquer tes équipes vers ce nouveau cap ?

  • Eric

    Oui, alors je vais déjà préciser que cette aventure de course au large, je ne pourrais pas le vivre sans Louis qui est le skipper du bateau. Je ne suis que le co-skipper et c'est Louis qui me montre le cap. Et dans cette aventure, ce n'est pas moi le capitaine. J'embarque, je me donne beaucoup de mal pour monter au niveau parce que c'est extrêmement important que je sois capable de savoir faire tout sur le bateau pour aussi sa sécurité à lui. Mais c'est lui qui me montre la voie, c'est lui qui me donne envie et qui me rend accessible ce défi. Donc je crois que c'est important de le préciser. Alors après, comment j'embarque mes équipes ? Je crois que la première des choses pour embarquer des équipes, c'est avant tout d'avoir un projet hyper clair, d'avoir une raison d'être. d'avoir des valeurs, d'avoir un ADN et d'être constant dans ce qu'on fait et de chercher la transparence. Alors évidemment, c'est très théorique ce que je dis, mais en fait, j'y crois. Et depuis 2013, on s'est toujours forcé, malgré le fait qu'on soit une PME en fait, petite ETI aujourd'hui, mais on s'est toujours forcé à avoir des feuilles de route stratégiques formalisées et partagées. Depuis 2013, on a créé quatre feuilles de route stratégiques. Donc aujourd'hui, on a une feuille de route qu'on a nourri aussi par notre participation à la Convention des entreprises pour le climat, une feuille de route à horizon 2030. Mais avant ça, on avait créé une feuille de route 2013-2016, puis une 2016-2019, puis une 2019-2025, et ensuite on est à la 2030. Donc, on a des stratégies qui sont posées. On réfléchit, on pose les choses, on crée des stratégies et des chemins qui sont alignés avec les valeurs, avec l'ADN de l'entreprise. On communique tout ça. à nos équipes et on essaie d'être le plus clair possible et le plus aligné possible dans tout ce qu'on fait avec nos valeurs. Et je crois que c'est un des facteurs qui génère le sens et l'appartenance, le sentiment d'appartenance à un collectif. Et je crois que ça, ça permet d'embarquer énormément. Je pense que c'est le ciment, en fait, de notre collectif.

  • Alexandre

    Donc cette constance. Et puis, ce cap qui est donné, qui est renouvelé aussi, comme une navigation d'année en année pour montrer que Belco peut aller encore plus loin. On a entendu parler, puisqu'on sait que c'est quelque chose qui est novateur aussi, d'un collectif qui s'est lancé. Alors, est-ce que c'est toi qui l'as lancé ? Est-ce qu'il s'est lancé en spontané ? Je crois que ça s'appelle Belco pour le vivant. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus pour inspirer aussi d'autres entrepreneurs de trouver des relais au sein de l'entreprise ?

  • Eric

    Oui, bien sûr. Donc là, on revient, et c'est une très bonne chose, à tout ce que nous a apporté, en fait, le parcours de la CEC. Effectivement, l'une des premières choses, c'est l'évolution de la gouvernance avec la création chez Belco du collectif Belco pour le vivant. Alors non, ce n'est pas mon initiative. Et tu vois, quand on parlait du sujet de la course au large et de le fait que prendre un peu de hauteur pouvait permettre aussi à un collectif de mieux exister, de prendre ses responsabilités. d'entreprendre. Cette initiative a été menée par Simon David, qui est aujourd'hui le directeur général adjoint de Belco, et qui est arrivé pour renforcer l'équipe au moment où j'ai initié ce projet de course au large. C'est lui qui a participé, il a participé avec moi au parcours de la Convention des entreprises pour le climat, et il a initié cette idée du collectif Belco pour le vivant, avec une ambition au début, c'était de dire super, on est deux à faire le parcours de la Convention des entreprises pour le climat, mais... comment on va faire pour passer le message à nos équipes. Parce que finalement, si on aboutit à une feuille de route régénérative super ambitieuse et qu'ensuite, on se retrouve à devoir diffuser, infuser ce message dans nos équipes, il y avait une peur au début qui était ça va être un peu trop top-down et en fait, ça ne nous ressemble pas. Donc, comment on fait ? La solution qui a été trouvée, c'est de proposer à nos équipes de Bordeaux, j'avoue, on a proposé uniquement à nos équipes françaises, par simplicité, de faire... en même temps que nous le parcours de la CEC de façon totalement indépendante. C'est-à-dire qu'on n'était pas du tout au courant des réflexions qu'ils avaient à ce moment-là. Et donc, on a juste proposé... Aux salariés de Belco, on leur a dit voilà, voilà l'aventure qu'on est en train de vivre avec le parcours de la CEC. On leur a expliqué comment ça marchait et on leur a dit est-ce que ça vous tente ? Est-ce que vous voulez vivre cette expérience ? Et ce qu'on vous propose, c'est vous faites la même chose que nous, on vit nos chemins séparément et à la fin, on se retrouve, on partage et on se met d'accord sur ce que sera la feuille de route de Belco à horizon 2030. Et c'est cette feuille de route qu'on va présenter à la Convention des entreprises pour le climat et qu'on va rendre. transparente qu'on va diffuser. On l'a proposé et la réponse, plus de 50% de nos équipes a accepté de participer. Et ça a été pendant 10 semaines, 2 heures ou 3 heures par semaine, je crois, des réflexions incroyables qui ont abouti à 70 propositions, des échanges hyper riches, l'amélioration, je ne vais même pas dire l'amélioration, la création d'une feuille de route commune entre le collectif Belco pour le vivant et le travail que Simon a fait avec moi à la CEC. Et donc, c'était une super aventure. Et cette aventure, on a envie de continuer à la vivre avec eux et de continuer à leur donner un maximum de poids dans la gouvernance et dans la réalisation de la feuille de route de Belco à horizon 2030.

  • Alexandre

    Merci beaucoup. C'est sans doute une bonne pratique, une très bonne pratique à renouveler dans tout l'écosystème CEC pour embarquer l'équipage, enfin qui s'embarque lui-même en fait, l'équipage et cette alliance qui peut être créée en fait entre... L'équipe dite de management et puis toutes les équipes qui font sur le terrain. J'ai envie de revenir et de reboucler, puisque là, on parle de l'économie régénérative. Dans tous les leviers dont tu nous as parlé, en fait, on touche la régénération. J'ai envie de reboucler un peu sur les sols, parce que je sais que vous réfléchissez beaucoup aux sols. Chez Belco, tu nous as parlé au tout début de ce voyage que tu avais fait en Éthiopie, où tu t'étais rendu compte de quoi ressemblaient des sols dont on prenait soin dans la durée. Est-ce que vous avez lancé une démarche particulière sur les sols ?

  • Eric

    Oui, oui. Et je dirais que c'est la brique entre la construction d'équipes dans les pays producteurs, dont j'ai parlé tout à l'heure, et le transport à la voile. On s'est posé toute la question de la transition agricole. On a aujourd'hui un métier chez Belco qui s'appelle la transition agricole et qui réfléchit avec une direction de l'impact également autour de quatre piliers que sont la formation, l'information, le financement et la valorisation, qui réfléchit à... Comment on transforme l'agriculture dans le café, dans le cacao ? Et il faut savoir que le contexte auquel on doit faire face, au niveau de la production, c'est un contexte de réchauffement climatique, mais pas que, il y a un truc bien plus important, c'est l'appauvrissement des sols. Donc comment donner envie aux fermiers de prendre soin de leur sol, de prendre conscience que tout part du sol, et qu'il ne sera absolument pas possible de construire quelconque résilience ? face au changement climatique, sans d'abord prendre soin de son sol. Et donc, je le disais, on a des sujets autour de la formation. On a construit une première ferme-école au Salvador pour accueillir les producteurs et les former à l'agroécologie. On a des sujets d'information avec une plateforme qu'on est en train de construire pour amener du contenu autour de toutes les techniques d'agroforesterie, d'agroécologie aux producteurs. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi les inspirer. Il faut aussi valoriser ce qui est fait et valoriser les sols. Et donc on a créé l'année dernière, pour la première fois, un concours qui s'appelle le Soil of Excellence. Donc le sujet c'est de mettre en avant les sols. Et là on va chercher à valoriser. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le café. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le cacao. On a fait un premier test en Colombie l'année dernière et ça a été un succès. On s'est dit tiens on va faire un proof of concept un peu rapide. On a des équipes hyper mobilisées en Colombie. Monica qui a géré ça, avec Arnaud en France, qui est notre directeur de la transition agricole. Ils ont pris le sujet à bras-le-corps. Et en fait, ils ont, en quelques semaines, fait un premier test pour voir si les producteurs accepteraient ou pas de se prendre au jeu. Et à notre grand étonnement, en l'espace de deux, trois semaines, on a collecté plus de 80 échantillons de sol. Un truc totalement incroyable. Ça n'avait jamais existé. Les producteurs, ils envoient des échantillons de café, ils envoient des échantillons de cacao, ils n'envoient pas des échantillons de sol. Et donc, on a testé la qualité des sols et on a créé un jury international. On a fait ça pendant un salon qui s'appelle le PRF en Colombie. Et pour la première fois, on a mis en avant, on a récompensé des producteurs pour la qualité de leur sol et pas pour la qualité de leurs produits. Et il y a quelques torréfacteurs français, européens. qui vont promouvoir ce concours. Mais j'ai vraiment envie que la promotion passe aussi au niveau local, parce qu'il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et je voudrais faire le lien aussi avec la Convention des entreprises pour le climat. On a compris que Belco est une société internationale. Et en fait, notre ambition aujourd'hui, elle est de devenir une entreprise multilocale. On souhaite construire des chaînes de valeur localement. On ne souhaite pas seulement... exporter des pays producteurs, importer dans les pays consommateurs. On souhaite aussi distribuer et valoriser des produits de qualité, et ce point est important, dans les pays qui produisent. On souhaite réduire la dépendance à l'exportation des producteurs de café et de cacao. Et donc on souhaite aussi pouvoir valoriser à travers, je sais pas moi, des coffee shops, du café torréfié, des partenariats avec des torréfacteurs, en Colombie, des cafés primés, soil of excellence, produits en Colombie. Et ça, c'est quelque chose également d'extrêmement important dans notre feuille de route et dans l'apport de la CEC. Prendre conscience que Belco devait passer d'une organisation internationale à une organisation multilocale.

  • Alexandre

    Alors, on s'approche de la fin de cette conversation, Alexandre. Tu nous as donné énormément d'exemples de la pensée régénérative. On n'a pas vraiment parlé d'économie régénérative en termes de théorie. On s'est rendu compte de ce que c'était au niveau très pragmatique. Merci. C'est sans doute la question la plus difficile de ce podcast. Tiens-toi prêt. On va essayer de faire comprendre le plus largement possible à quoi ressemble l'économie régénérative. Pour ça, j'aimerais te demander si tu avais face à toi un enfant, disons de 10 ans, et en une ou deux phrases, comment tu l'expliquerais ? À quoi ressemble cette économie régénérative ?

  • Eric

    C'est pour moi avant tout un défi, en fait. Tu vois, je réfléchis en t'entendant parler et me poser cette question, parce que je ne l'avais pas vue avant cette question. Je me dis en fait c'est quoi l'économie régénérative ? Tout de suite maintenant, si je devais l'expliquer à mes enfants, ça serait une super grande montagne à franchir, avec un groupe de personnes en bas de la montagne, soudées, très proches les uns des autres, avec un grand sourire, et avec la volonté de s'attaquer à cette montagne. Donc pour moi l'économie régénérative, c'est à la fois quelque chose de très ambitieux, et en même temps quelque chose de tout à fait possible, à partir du moment où... où collectivement, on se donne les moyens, l'énergie et tout ce qui va avec pour réaliser ce défi. Après, comment la représenter ? Pour moi, c'est la nature. L'économie régénérative, c'est la nature. C'est quelque chose qui trouve du sens dans un ordre qui ne paraît pas être en ordre. Il faut arrêter de vouloir des choses trop bien soignées, trop propres. Il faut accepter que la nature, c'est la diversité. C'est un ordre qui paraît fouillis, mais en fait qui est... très ordonnées et toutes les choses ont leur place pour une bonne raison. Et en fait, je leur dirais acceptez les choses telles qu'elles sont, concentrez-vous sur ce qui fait du sens et ce qui donne du sens à la vie et pas sur la forme, la forme ou le côté bien polissé des choses. Est-ce que je suis clair ou pas quand je te réponds comme ça ?

  • Alexandre

    Tu es très clair et donc ça va m'amener à la toute dernière question parce que ce qui saute aux yeux quand on écoute ton parcours, quand on regarde le chemin parcouru, c'est la force, l'énergie de l'entrepreneur. Donc maintenant, la question que j'aimerais te poser, c'est par rapport à des jeunes générations, des jeunes qui rentrent dans une école de management et donc qui se destinent à être entrepreneurs, qu'est-ce que tu leur dirais sur entreprendre en 2025 ?

  • Eric

    Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, en fait. Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, on a besoin non seulement l'entreprise, Et l'action pragmatique peut leur amener une réelle source d'épasnouissement et un côté très... peut leur donner une dose d'optimisme et d'énergie face à des enjeux qui peuvent paraître de temps en temps un peu durs, en fait, parce que les constats, les prises de conscience sont dures. Donc l'entrepreneuriat, pour moi, c'est la meilleure des façons de vivre positivement les défis qu'on a face à nous. Et on a tellement besoin d'avoir des entrepreneurs engagés aujourd'hui. tellement besoin d'avoir des collectifs qui s'engagent dans les entreprises pour mener ces combats que je leur dirais très sincèrement et de façon très authentique, on a besoin de vous, venez, vous allez voir, en fait, l'aventure, elle peut être belle, elle peut être très joyeuse, malgré le gigantisme des enjeux auxquels on doit faire face.

  • Alexandre

    Merci Alexandre, merci beaucoup pour le courage, le courage de l'entrepreneur. qui a dû prendre un chemin difficile, cette haute montagne qu'il fallait escalader. Merci pour l'authenticité de l'échange. Tu t'es révélé plusieurs fois à cœur ouvert. Merci pour ça. Et puis alors, merci pour le pragmatisme. Tu nous as donné beaucoup d'exemples concrets, reliés à la nature, des chiffres aussi sur ton entreprise. Et tu nous as transmis beaucoup de pépites pour d'autres entrepreneurs. Voilà, courage, authenticité, pragmatisme, en route pour le Cap-Régène.

  • Eric

    Merci Eric.

Description

Dans cet épisode, Eric Duverger reçoit Alexandre Bellangé, Alumni du 1er parcours de la CEC et PDG de Belco, une société spécialisée dans le sourcing, l'exportation et l'importation de café et de cacao de spécialité de haute qualité. Ensemble ils abordent les transformations du modèle d'affaires basé sur les relations directes avec les producteurs, les résultats tangibles sur la traçabilité, passée de 5% à 95% en 10 ans, la prise de conscience des menaces climatiques sur la production de café, la mise en place d’une stratégie centrée sur la qualité des sols, l'innovation disruptive avec le transport à la voile, le leadership collaboratif et l'importance de l'intelligence collective, la culture de l'imperfection assumée, la transformation organisationnelle de l’international vers le multi-local… Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Alexandre

    Il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de ça permet de travailler avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard extérieur. Quelle opportunité incroyable en fait ! C'est dur financièrement, logistiquement et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ! J'ai envie de profiter de cette occasion pour adresser un message aux entrepreneurs, leur dire que c'est possible de changer le monde, c'est possible d'évoluer, on n'a pas besoin d'être un super héros.

  • Eric

    Bienvenue dans CapRegen. Je suis Eric Duverger, le fondateur de la CEC, une association qui existe pour rendre irrésistible la bascule vers l'économie régénérative. Tout le monde en parle de cette nouvelle économie, qui régénère au lieu d'extraire, mais le défi est immense. Avec CapRegen, nous donnons la parole à des dirigeants engagés au cœur de l'action. Bonjour Alexandre.

  • Alexandre

    Bonjour Eric.

  • Eric

    Alors Alexandre, je te propose de faire un pacte. Ce pacte, il tient en trois mots. Courage, parce qu'il en faut du courage quand on s'embarque dans l'aventure de la régénération. L'authenticité, l'authenticité de notre échange et pragmatisme, parce qu'on veut rendre très concrète cette nouvelle économie. On va le faire par des exemples et on va essayer d'être le plus pragmatique possible. Alors ces trois initiales, courage, authenticité et pragmatisme, ça fait CAP. Alors Alexandre, CAP ou pas CAP ?

  • Alexandre

    Carrément CAP, ça me semble être les piliers de l'entrepreneuriat. Donc allons-y avec ce CAP là.

  • Eric

    Alors on se lance, merci. Alexandre ? Tu es le président de Belco, une entreprise spécialisée dans le sourcing, l'importation et la distribution de café vert de haute qualité. Après avoir obtenu ton diplôme d'école de commerce, tu rejoins ton père, Nicolas Bélanger, en 2007 pour cofonder Belco. Tu participes à la CEC de la Nouvelle-Aquitaine en 2023-2024. Et puis aussi, tu t'es inscrit pour participer très prochainement à la Transat Jacques Vabre. Alors maintenant... Alexandre, on va parler un petit peu de toi et de ton entreprise. Pour commencer, je voulais te demander comment est venue cette idée d'une boîte de négoce de café avec ton père ?

  • Alexandre

    C'était un métier que mon père faisait déjà depuis une vingtaine d'années. Il a quitté l'ancienne boîte qu'il dirigeait au début des années 2000. Et quelques années après, il m'a proposé de vivre l'aventure de l'entrepreneuriat avec lui. Je dirais qu'au-delà de l'aventure de l'entrepreneuriat, l'aventure de la transmission entre un père et son fils. d'un certain savoir-faire. Je n'ai pas hésité une minute.

  • Eric

    Est-ce que tu peux juste nous décrire assez rapidement, avec quelques mots, quelques chiffres, ce que représente Belco aujourd'hui ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Pour repréciser, tu l'as introduit, Belco, c'est une société qui fait du sourcing, de l'exportation de certains pays producteurs, de l'importation en Europe, de café et de cacao, dix deux spécialités. Notre spécialité, à nous. c'est de faire des cafés et des cacaos de très haute qualité, des cafés délicieux, des chocolats délicieux, issus de filières totalement traçables et durables. Donc ça, c'est le métier de Belco. On a également une filiale qui fait des équipements pour équiper les torréfacteurs, les chocolatiers et distribuer tout ce qui permet de préparer du café avec une méthode douce dite du slow coffee. Donc ce sont des méthodes autour de la filtration qui donnent des boissons qui sont finalement beaucoup plus proches du thé. que de l'idée qu'on peut se faire du café. Aujourd'hui, Belco, c'est une société qui est installée dans différents pays. On a des équipes, des structures en Colombie, au Guatemala, au Salvador, en Éthiopie, en France, en Suisse et en Allemagne. Malgré tout ça, c'est une structure qui a une dimension internationale, mais en restant une petite structure, parce qu'on est à peu près 80. à travailler. Et donc, c'est toute la complexité de mélanger une petite équipe, une petite structure répartie dans plein de pays différents qui mènent une tâche assez ambitieuse. Après, en termes de chiffres, Belco, c'est à peu près 65 millions d'euros de chiffre d'affaires, même si je n'aime pas beaucoup parler de chiffre d'affaires. On fait à peu près 400 à 500 containers de café et de cacao chaque année. Même si là aussi, le volume n'est pas forcément l'indicateur qu'il faut regarder parce qu'on a tendance à baisser le volume parce qu'on se concentre sur d'autres choses.

  • Eric

    Merci beaucoup de brosser le portrait de Belco. On va revenir un petit peu à toi en tant que personne, parce qu'avant d'être entrepreneur et dirigeant, tu es une personne. Est-ce que tu peux nous décrire une expérience de nature pressante que tu as vécue, qui t'a marqué ?

  • Alexandre

    Des expériences de nature, j'en ai beaucoup. puisque, comme tu l'as dit, je navigue, donc je suis assez proche de l'univers de la mer, de l'océan. Mais je pense que l'expérience la plus marquante qui a vraiment marqué un tournant dans ma vie et dans ma vie professionnelle, c'est mon premier voyage en Éthiopie en 2012, janvier 2013. Janvier 2013, je vais pour la première fois en Éthiopie avec une personne qui m'est très chère et qui est aujourd'hui le directeur de toute la zone Afrique. pour Belco, qui s'appelle Jacques Chambrillon, qui est un géographe passionné de café, passionné d'Ethiopie, qui est parti en Ethiopie pendant ses études et qui a découvert l'Ethiopie à pied, presque un vrai pionnier. Et en fait, en 2013, il m'a invité avec lui à découvrir l'Ethiopie. Il était à la tête, avec son associé Sylvain, d'une petite société d'importation qui s'appelait Antbassa, et avec laquelle on travaillait. J'ai découvert avec lui l'origine du café. J'ai découvert avec lui un pays. qui n'avait pas évolué dans son agriculture depuis 50 ans. vraisemblablement par manque de moyens. Mais la chose absolument magique, c'est qu'en n'évoluant pas, ce pays était finalement représenté le futur de la caféiculture. Les savoir-faire n'avaient pas été oubliés, écartés. L'agroforesterie, la nature étaient au centre même de la production de café. Les sols étaient vivants. Et quand je me suis retrouvé au niveau de ces caféiers, ces productions de café, je me suis dit « Waouh ! Je n'ai absolument jamais vu ça ! » C'est absolument incroyable. Tout ce que je connaissais jusqu'alors, c'était de la monoculture, quelques fois parsemée de quelques arbres. Mais là, on était dans quelque chose de radicalement différent, avec des cafés absolument incroyables. L'expérience que j'ai pu vivre avec lui, l'expérience humaine, associée à l'expérience de la nature et les produits qui étaient issus de ses productions, tout ça m'a amené un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

  • Eric

    C'est hyper intéressant cette notion du passé qui rencontre le futur. Et c'est vrai qu'on y reviendra finalement, puisque c'est aussi un des principes de l'économie régénérative, peut-être de revenir à des fondamentaux et de se reconnecter à la nature. Alors, on va parler encore un petit peu de toi pour essayer de comprendre les racines finalement de ton engagement. Qu'est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit ou adolescent comme métier ? Est-ce que tu voulais déjà être entrepreneur ou tu as envisagé d'autres métiers ?

  • Alexandre

    Alors moi, j'ai eu la chance d'avoir un père entrepreneur. qui a dirigé une entreprise dans laquelle il est rentré en étant très jeune et qui ensuite en a créé deux autres. Et donc en fait, il m'a donné le goût d'entreprendre et il m'a donné le goût du travail. Donc assez jeune, j'ai voulu faire comme papa. Et assez jeune, j'ai compris, et il m'a invité à le faire, parce qu'à partir de mes 14 ans, le deal entre lui et moi, c'était que je travaillais pendant la moitié de mes vacances scolaires pour pouvoir profiter de l'autre moitié en faisant tout un tas de choses formidables. Et c'était quelqu'un de très pragmatique. qui m'a donné le goût de la réalisation. Et il y a autre chose qui a été très formateur, c'est que j'ai été pendant assez longtemps joueur de rugby et j'ai compris l'approche collective et la capacité d'un collectif à surpasser la somme des performances individuelles. Et en fait, cette envie d'entreprendre, de réaliser, de changer des choses, de travailler, associée à cette envie du collectif, ça a forcément forgé chez moi, fait naître chez moi extrêmement tôt. l'envie d'entreprendre et l'envie d'entreprendre collectivement.

  • Eric

    Alors, ça va faire une très bonne transition. Si tu peux nous raconter ton engagement dans l'aventure CEC, la Convention des entreprises pour le climat, puisqu'on parle de collectif, d'engagement collectif. C'est clair, et tu le racontes dans ton parcours, que tu avais déjà, et Belco avait déjà, entamé beaucoup d'actions. Et finalement, la CEC est venue dans une aventure qui était bien avancée sur la transformation. Mais donc, comment es-tu venu dans la CEC ? Et qu'est-ce que ça t'a apporté au niveau prise de conscience ?

  • Alexandre

    Alors, je vais commencer par remettre, si tu es OK avec moi Eric, remettre un tout petit peu de contexte parce qu'effectivement, on était avancé. Mais clairement, la CEC, ça a été une étape plus que marquante dans la vie de l'entreprise. Et surtout, ça sera une étape plus que marquante dans son futur. L'entreprise Belco, elle a été créée en 2007. Et au début, elle a été créée comme une société assez classique d'importation qui achetait des cafés standardisés. Et je dirais... sur les marchés et qui était un intervenant parmi une chaîne très très longue, très opaque, dans laquelle il était assez compliqué d'obtenir des informations et d'avoir des qualités satisfaisantes. Il y a une chose qui est très importante à comprendre avec Belco, c'est que dès le début, on a été engagé avec les artisans. L'histoire de l'entreprise a été liée à l'artisanat dès le premier jour et aujourd'hui, 17 ans après la création, elle est toujours exclusivement liée à l'artisanat et au PME de Torréfaction. Ça c'est un point qui est assez important. Et dès le début, le constat a été fait que l'artisanat de la torréfaction en France était en manque de dynamique, d'énergie, de bonheur, d'épanouissement. Et assez rapidement, on a eu envie de redonner vie à l'artisanat du café. La première des initiatives, c'est de développer un centre de formation. Parce qu'on s'est dit que finalement, formant, en redonnant de la connaissance, en redonnant de l'information, on pouvait redonner du sens aussi. autoréfacteurs, et là de leur donner envie de faire leur métier et de développer leur métier face à une très grande puissance à l'époque qu'était Nespresso, qui l'est toujours évidemment, mais il faut se remettre dans le contexte, en 2007, Nespresso c'était le nec plus ultra du café, et moi j'avais pas du tout envie de ça en fait, j'avais envie que le nec plus ultra du café, ça soit justement l'authenticité. Tu parlais de cap tout à l'heure, j'avais qu'une envie, c'était de redonner un cap aux artisans. Et de redonner un cap vers des cafés de grande qualité, vers la traçabilité, vers l'authenticité, vers la transparence. Et c'est ce qu'on a fait pendant tout un moment. Et finalement, assez rapidement, au bout de cinq ans... On s'est rendu compte que c'était plus possible de travailler dans la filière dans laquelle on a été établi, parce qu'il y avait trop d'intermédiaires entre nous et les producteurs, on n'avait pas accès aux informations concernant les cafés qu'on achetait, et on ne pouvait pas du tout monter le niveau de la qualité. Donc assez rapidement, on s'est dit qu'il faut switcher le modèle dans lequel on est. Je précise ce point-là parce que c'est important par rapport au contexte dans lequel on arrivait dans la CEC. On a commencé à shifter. Notre modèle d'affaires en 2014, en se disant non, on arrête de travailler avec les maisons de trading, on arrête de travailler avec des cafés standardisés, on établit des relations directes avec des producteurs, on veut maîtriser notre traçabilité, on veut savoir à qui on achète, on veut savoir où on achète, on veut savoir de quelle plantation ça vient, quel est le modèle derrière cette plantation. On veut pouvoir apporter. de la transparence pour pouvoir instaurer une confiance avec nos clients, nos consommateurs. On veut comprendre le contexte de Ausha, parce qu'on peut parler d'achat responsable. Par exemple, fixer le prix d'achat d'un café. Si on ne le fait pas en comprenant de façon locale le contexte dans lequel on achète le café, c'est finalement impossible de pouvoir le faire. Ça ne peut évidemment pas être quelque chose de global. Et donc, assez rapidement, on s'est rendu compte qu'il fallait qu'on soit présent, qu'on aille acheter en direct, mais... Un peu plus que ça, qu'on établisse des équipes directement sur le terrain pour pouvoir maîtriser cette qualité, cette traçabilité, cette transparence et pouvoir agir, supporter les producteurs dans leur travail au quotidien. Et donc, on a commencé à installer des équipes dans les pays producteurs.

  • Eric

    Alors juste cette transition très forte que vous avez eue d'être un intermédiaire dans une chaîne de valeur, vous avez basculé vers... être finalement un intégrateur dans toute une filière et prendre soin de tout l'écosystème depuis la source, la production jusqu'à la torréfaction. Est-ce que ça, ça a pris combien de temps ? Et c'était dans quelles fenêtres, en termes de temps pour vous, c'était enclenché dans quelles années ?

  • Alexandre

    La feuille de route stratégique a été écrite en 2013. On a enclenché le mouvement en 2014 et ce n'est pas encore totalement terminé. À l'époque, on avait à peu près 5% de nos cafés quand on a initié le mouvement, 5% des cafés qui étaient importés. dont on connaissait, dont on maîtrisait totalement la traçabilité. Aujourd'hui, on est de l'ordre de 95%, à peu près. Donc, ce n'est pas encore 100%, mais bon, voilà. Donc, on va dire que ça a pris une dizaine d'années. Et puis, à l'origine, le sujet, c'était quoi ? C'était d'amener une histoire, d'amener une qualité absolument extraordinaire, d'amener de la diversité aux artisans torréfacteurs pour qu'ils puissent se battre contre les industriels. Je rappelle que l'idée, c'était faire que les artisans torréfacteurs soient meilleurs. que les capsules Nespresso. Je résume un peu. Ah oui ? Mais c'est un petit peu l'idée. Comment pouvoir balancer le jeu, en fait, entre des artisans et des multinationales absolument gigantesques ? Je rappelle que le café, c'est la première matière première agricole échangée dans le monde. La deuxième matière première échangée après le pétrole, c'est la première économie agricole au monde. C'est quand même juste dingue. Et 75% de ce marché, et dans les mains de trois entreprises, Nestlé, Lavazza et JDE. Donc, redonner ces lettres de noblesse à l'artisanat et redonner à l'artisanat le pouvoir de se battre contre ces puissances-là, ce n'était pas quelque chose d'anodin.

  • Eric

    Et est-ce que, justement, quand on t'écoute, on sent une énergie de résistance par rapport à une déferlante de pratiques de très gros acteurs qui, par les volumes et par leur surface financière, ont pu écraser un marché ? Est-ce que tu qualifierais toujours aujourd'hui votre action d'une énergie de résistance, où finalement il y a un modèle assumé, une alternative, avec cette chaîne et cette compréhension depuis la production jusqu'à la tasse de café ? Et est-ce que finalement cette proposition c'est toujours une énergie de résistance, ou plutôt une alternative qui crée de la joie dans la filière et qui s'impose comme une vraie alternative ?

  • Alexandre

    Aujourd'hui c'est clairement une alternative. Et en même temps, je ne peux pas dire qu'il n'y a pas forcément encore. un petit peu de résistance. On est toujours en train d'affiner le modèle qu'on souhaite pouvoir proposer aux consommateurs pour que la proposition de valeur soit extrêmement claire. Mais il y a beaucoup d'énergie, beaucoup d'énergie positive et une vraie croyance dans une alternative tout à fait claire chez les torréfacteurs, chez les chocolatiers aujourd'hui d'ailleurs aussi, parce que le mouvement dans le cacao est le même, même s'il y a toujours un peu de résistance. Je reprends juste le sujet. Du coup, on se retrouve à créer des équipes dans les pays producteurs et assez rapidement, on se rend compte que là, on est en 2017, 2018. On se rend compte qu'en fait, il y a un vrai problème. Il y a un vrai problème dans l'agriculture, enfin il y a un vrai problème dans la caféiculture. On ne produit plus de café, il y a certaines altitudes, il faut savoir que le café ça pousse en altitude, il y a certaines zones où on ne produit plus de café en fait parce qu'il fait trop chaud. Il y a des zones dans lesquelles on n'avait jamais cultivé de café, dans lesquelles on se met à cultiver de café. Bon le sujet c'est que le café ça pousse sur une montagne, donc on peut toujours monter, mais bon plus on monte moins il y en a, c'est la forme de la montagne qui en décide. Il y a un problème parce que les temps de maturation des cerises sont plus courts, donc ça affecte la qualité. Et puis, finalement, on se retrouve dans le même temps face à des études qui disent « Messieurs les professionnels du café, à horizon 2050, et je parle de ça il y a 7-8 ans, depuis ça s'est accéléré, à horizon 2050, vous allez perdre 50% des surfaces cultivées dans le monde. » Ok. Et qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ? On a deux choix. Soit on fait l'autruche, on se dit « De toute manière, c'est ça encore, des études, il y en a plein. » Moi, je vais continuer à vivre ma vie, le café, on va trouver des solutions, la technologie, l'avenir, etc. Il y a toujours des magiciens où on se pose et on se dit, en fait, moi, je suis entrepreneur, je suis commerçant, chef d'entreprise. Je ne suis pas du tout scientifique. Et puis, en fait, il y a des scientifiques dont c'est le métier qui m'apportent. des projections qui sont tout à fait claires. Peut-être que je dois intégrer tout ça dans mon modèle et me poser la question de c'est quoi l'avenir du café ? Et donc à partir de 2017-2018, on se dit le café de demain ne sera pas du tout le même café qu'hier. Et même si Belco aujourd'hui a su, ou en tout cas était en train d'apporter une proposition de qualité traçable dans la transparence au torréfacteur, il fallait aller au-delà. Il fallait aller dans un café et... produit beaucoup plus durablement. Il fallait trouver des solutions pour à la fois rendre la filière de production résiliente et maintenir la désirabilité de la consommation du café, tout en se mettant en conformité au fur et à mesure avec les réglementations. Et donc, à partir de là, on a évolué dans notre approche, on a été encore plus ambitieux, plus radical dans Ausha d'agriculture, de modèles agricoles qu'il y avait derrière les cafés consourcés et on a commencé a initié les sujets sur lesquels on reviendra certainement tout à l'heure, de transport à la voile, etc. Mais toute cette prise de conscience, elle est arrivée quelques années après le shift vers les achats directs et elle nous a amenés à travailler sur la durabilité de Ausha et sur la durabilité de notre filière. Et c'est dans ce contexte qu'on est rentrés à la CEC.

  • Eric

    Est-ce qu'on peut dire que ce que tu nous décris là, c'est finalement qu'assez vite, vous vous êtes rendu compte avec ton père en tant qu'entrepreneur, qu'il fallait prendre un coup d'avance sur la transformation de la filière et de votre proposition de valeur. Mais à un moment donné, vous vous êtes dit, en fait, on doit prendre deux coups d'avance pour vraiment anticiper cette filière, plutôt à 20 ans, parce qu'il y avait des mouvements majeurs qui se passaient sur les surfaces à cultiver.

  • Alexandre

    Oui, clairement, deux coups d'avance. On s'est surtout dit, il faut écouter la scientifique, il faut écouter ce que la nature est en train de nous dire. Posons-nous la question de savoir s'il y a un avenir ou pas pour le café. Ça, c'est la première question qu'on s'est posée. Est-ce qu'il y a un avenir ou pas pour le café ? Parce que finalement, s'il n'y avait pas d'avenir pour le café, à ce moment-là, la réponse qu'on doit donner est une réponse autre. On doit piloter, transformer notre entreprise différemment. Et nous, on s'est dit, en fait, il y a un avenir possible et souhaitable pour le café. Parce que le café peut être vertueux. Le café peut être vertueux du point de vue de la santé, le café peut être vertueux du point de vue de la nature, du point de vue économique, du point de vue social, de la convivialité. Et donc, finalement, il y a un avenir tout à fait possible. Ça dépend de quel café on parle. Donc, battons-nous pour construire une filière qui produit des cafés dans lesquelles on croit et qui, pour nous, ont un avenir possible et souhaitable.

  • Eric

    Alors, si on établit un peu cette histoire, vous vous lancez assez vite, vous trouvez une différenciation. En tout cas, la raison d'être de Belco. Vous prenez aussi des décisions pour prendre un coup, voire deux coups d'avance. Et donc, en 2023, tu prends la décision de lancer Belco dans l'aventure de la CEC. Qu'est-ce qui s'est passé et qu'est-ce que tu en as retiré ?

  • Alexandre

    Alors, une petite précision qui n'est pas si petite que ça, mon père quitte l'entreprise début 2014. On avait une approche de la lecture de l'avenir qui était différente, on va dire, et c'est normal en fait, c'est une question de génération. Et c'est quelqu'un qui avait entrepris, qui avait travaillé très tôt, donc je pense qu'il y avait aussi une certaine fatigue et je pense qu'il avait besoin de souffler, de respirer. Donc on a partagé nos souhaits. pour l'avenir de l'entreprise en 2013. Et assez rapidement, il m'a dit écoute, je ne crois pas beaucoup dans ce que tu veux faire, mais je crois encore moins dans ce que je veux faire. Donc, je vais quitter l'entreprise et comme ça, tu auras la main pour pouvoir la transformer comme tu le souhaites. Voilà, petite précision.

  • Eric

    Ce n'est pas une énorme précision sur le chemin de vie.

  • Alexandre

    C'est une grosse précision sur le chemin de vie. Et donc, tout ça m'amène en 2023 à la CEC. Et la rencontre avec la CEC, c'est un ami, Mathieu, Sarah, qui, à un moment donné, me passe un coup de téléphone. Écoute, Alex, j'ai été invité, je me lance dans un projet qui est de participer à un parcours pour dirigeant d'entreprise, pour revisiter un petit peu mon modèle d'affaires. Et j'avais pas mal discuté de ces sujets-là avec lui. Et il me dit, je pense que c'est très aligné avec ce que tu fais, ce que tu mènes pour Belco. Tu devrais venir voir. Honnêtement, j'ai mis un certain temps à répondre parce que dans ma tête, on était déjà lancé sur ces sujets-là. Et je ne me posais pas trop de questions et je me suis dit finalement, je vais me retrouver avec des entreprises qui se posent des questions sur leur modèle d'affaires, alors que nous, ça fait déjà dix ans qu'on s'en pose. Est-ce que j'ai ma place ici ? Puis finalement, je me suis dit, ça serait trop bête en fait de ne pas juste aller voir. Je suis quand même quelqu'un d'assez curieux. Et je me suis retrouvé dans un petit déjeuner de la CEC. Et en fait, à l'issue du petit déjeuner, je me suis dit évidemment j'y vais pour deux raisons principales et qui sont hyper importantes. La première, c'est que pendant dix ans de transformation du modèle d'affaires de Belco entre 2013 et 2023, on va dire, il y a quand même énormément de moments où je me suis senti seul. Parce que transformer une entreprise à ce moment-là, ce n'était pas forcément simple, parce que prendre conscience des sujets environnementaux en 2017 en tant que dirigeant d'entreprise... Quand on en parle avec d'autres dirigeants d'entreprise, il n'y a pas forcément d'écho. On est jugé souvent. On doit prendre des risques qui sont importants et façon de quels on se retrouve. Parce que c'est bien beau, après quelques années, de dire finalement, c'est super, mais il y a des risques. Et en fait, de temps en temps, on n'en dort pas de ces risques-là. Et ne pas dormir, être jugé, être isolé, ce n'était pas forcément quelque chose de très rigolo. J'ai eu la chance d'avoir une équipe absolument formidable. J'ai la chance d'avoir une équipe absolument formidable qui m'a... casser autant que faire se peut de cet isolement, mais j'avais quand même besoin de retrouver aussi une communauté en dehors de Belco. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, je me suis dit, au-delà de ça, je suis très attaché à l'intelligence collective. Et je me suis dit, non seulement ça casse l'isolement, mais en plus, ça permet de créer avec d'autres chefs d'entreprise et donc d'avoir un regard, porter un regard sur ce qu'on a fait, un regard extérieur, parce qu'évidemment, Il y a plein de choses à améliorer. Et évidemment, on a la tête dans le guidon et on ne le voit pas. Donc, avoir la chance de pouvoir partager son plan, sa feuille de route, sa vision avec d'autres chefs d'entreprise, quelle opportunité incroyable en fait. Voilà ce qui m'a fait rentrer à la CEC.

  • Eric

    Est-ce que c'était tes deux intentions au départ ? Sortir de l'isolement et profiter de la force de l'intelligence collective. Est-ce que sur ces deux objectifs, finalement, tu te... t'es retrouvé, ça a répondu à tes attentes et est-ce que la CEC t'a apporté aussi d'autres choses ?

  • Alexandre

    Évidemment, ça nous a cassé de l'isolement. Le parcours de la CEC est basé sur la prise de conscience et entourée, une prise de conscience entourée et sur la construction par l'intelligence collective. Donc, évidemment, ça m'a apporté tout ce que je recherchais et bien plus encore parce que je ne pensais pas que certaines entreprises pouvaient ... prendre conscience aussi rapidement de l'impact négatif, je dirais, de l'économie extractive, et rebondir avec autant de joie et d'énergie. Ne serait-ce que de voir ça, j'ai trouvé ça incroyable. En fait, il faut voir une chose, c'est que moi, je ne suis pas né avec des convictions écologiques. Belco n'est pas né en étant un modèle vertueux, et on a encore plein de progrès à faire. On a shifté, et ça c'est un point qui a été assez dur, en fait. Parce qu'au début, quand on initie une transformation de modèle d'affaires, finalement, on devient trop bobos pour ceux qui ne bougent pas et pas assez pour ceux qui sont nés hyper vertueux. Et donc, en fait, on a le cul entre deux chaises. Je suis désolé de le dire, mais c'est l'expression. Et on est jugé des deux côtés. Et ce n'est pas cool du tout. Donc, au-delà du fait de casser de l'isolement et de bénéficier de l'intelligence collective, il y a ce regard hyper bienveillant de la CEC envers tout un tas d'entreprises en leur disant Mais finalement, n'ayez pas peur de ne pas être parfait. Et ce n'est pas parce que votre modèle n'est pas parfait aujourd'hui qu'il ne peut pas s'améliorer demain. Et ça, je trouve ça vraiment incroyable. C'est un truc que j'ai vraiment découvert. C'est que la CEC... est très accessible, très pragmatique, et c'est vraiment un mouvement, une association, un parcours qui parle à tous les entrepreneurs, et c'est certainement ce qu'il y a de plus beau.

  • Eric

    Effectivement, tout le monde est bienvenu dans la CEC, et je dirais que personne n'est parfait dès qu'on se lance dans une activité économique, elle aura forcément des impacts, et on est là sur l'économie régénérative, c'est de créer des impacts nets positifs, et donc justement... On va aller un peu plus loin sur le régénératif pour Belco. On va partir sur peut-être l'initiative. On aimerait que tu nous en dises un petit peu plus. L'initiative la plus spectaculaire de Belco, c'est sans doute le transport à la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur les décisions que vous avez prises sur le transport à la voile ? Ce que ça veut dire, les implications, la prise de risque aussi. Et aussi, est-ce que ça peut inspirer d'autres secteurs ?

  • Alexandre

    Oui, bien sûr. Bien sûr, ça peut inspirer d'autres secteurs. Et bien sûr, également, je réponds à ta question, Eric. Je dirais qu'encore une fois, le contexte, j'aime bien reposer un petit peu les contextes. Le contexte, c'est quand on prend conscience de la problématique environnementale et qu'on se dit, c'est quoi le café souhaitable pour l'avenir ? En fait, on commence par mesurer, regarder. On fait un bilan carbone de notre activité et on se rend compte qu'en fait, 80% du sujet, il vient des plantations. Il vient de la production, en fait. Il vient de l'agriculture. Le sujet, c'est l'agriculture. Mais pas que. Le troisième poste, on découvre le troisième poste, et le troisième poste, c'est le transport. Et c'est vrai que le transport, on n'avait pas vraiment pensé au transport. Alors, c'est pas beaucoup, mais on creuse. Parce qu'on se dit, c'est quand même le troisième. Donc, c'est un poste qui, pour Belco, représente à peu près... Alors, si on parle uniquement carbone, représente 10% des émissions de CO2. Bon, c'est beaucoup, pas beaucoup. On mène tout de suite des transformations assez lourdes au niveau de la transition agricole. qu'on continue encore. Mais on se dit, il faut aussi qu'on se pose la question du transport. Et ça peut être aussi un aspect différenciant et un peu un symbole. Parce que finalement, tout ce qu'on fait au niveau de l'agriculture, c'est hyper impactant. C'est évidemment essentiel. Mais du point de vue consommateur, ça parle sans parler. C'est très complexe à expliquer. Le transport, on se dit, c'est le troisième poste. C'est 10%, c'est 3% au niveau des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Mais ces 10% d'émissions des oxydes de soufre, ces 20% sur les oxydes d'azote, donc tout ça, c'est responsable, c'est la pollution atmosphérique, ce sont les maladies respiratoires, c'est aussi l'acidification des sols. Le transport, c'est aussi, avec le fuel lourd, la pollution des océans. Il y a également de la pollution sonore, qui menace aussi la vie marine. Et quand on rentre un petit peu dans le truc, et qu'on se dit, il n'y a pas que les émissions de CO2, mais en fait, il y a un impact environnemental, on se dit, en fait, c'est... énorme. Donc, l'impact environnemental, il est gigantesque et à côté de ça, il peut y avoir un symbole qui peut vraiment être marketé aussi et rendre désirables les produits qu'on vend et qui peuvent nous amener, puisque évidemment, le sujet c'est pas d'aller mettre dans des bateaux à voile des cafés qui sont produits en monoculture et bourrés d'intrants, ça peut aussi nous permettre de pouvoir parler de tout ce qu'on fait à l'origine. Et donc, on rentre dans ce sujet du transport à la voile. 2017-2018, je rencontre Diana Messa et Guillaume Legrand, cofondateurs de la société Tôte, T-O-W-T, qui à l'époque affrétaient des petites goélettes dans lesquelles on mettait une vingtaine de tonnes de café. Ils étaient à Douarnenez, petite entreprise de Douarnenez. Et je m'intéresse au transport à la voile parce que je me dis qu'il y a un truc à gratter à ce niveau-là. Je découvre cette solution, je les rencontre. Honnêtement, premier rendez-vous, je me dis qu'ils sont complètement fous. Ce n'est pas du tout... Ça ne peut pas marcher, en fait. C'est trop petit. Des goélettes, nous, on faisait à l'époque l'équivalent de 500 containers par an. On n'est pas très gros, mais bon, 500 containers, je ne peux pas importer 500 containers un container par un container en petites goélettes qui met trois mois à arriver. Je me dis, c'est impossible. Et avec un prix du transport qui était 50 fois supérieur au prix que j'avais... Je me dis... Ok, je suis prêt à payer plus, je suis prêt à me battre, mais là, 50 fois, c'est quand même un peu too much, ce risque-là, je peux peut-être pas le prendre. Néanmoins, ce sont des entrepreneurs, et on garde le contact. Et puis, un an après, le truc continue à me trotter en tête, eux continuent à avancer, et je me dis, bon, il faut quand même qu'on fasse un truc avec eux, parce que les mecs se battent depuis 2011, ils font la promotion du transport à la voile, c'est pas possible de laisser des entrepreneurs comme ça sans leur filer un coup de main. Et donc, on commence. Assez rapidement, et d'ailleurs je me rappelle dans les premières communications, je disais aux journalistes, attendez, pour le moment c'est un test, ça ne représente absolument rien sur nos importations, donc ne nous emballons pas, sinon en fait ça va être du greenwashing. Mais bon, je les aide comme ça, on garde le contact, et puis en 2019, on fait un constat ensemble et on se dit, mais en fait, c'est pas possible de rendre le transport à la voile, d'intégrer le transport à la voile dans un modèle d'affaires d'entreprise si on ne voit pas plus grand. Plus grand c'est quoi ? Ce sont des voiliers cargo. Mais ça n'existe pas. Donc, Toth, Diana, Guillaume se posent sur les premiers dessins et créent un concept de voilier cargo. Premier concept, assez rapidement, ils se disent « Ok, on va y aller. » Pour y aller, il faut financer le bateau. On a des plans, on a un chantier. Comment on fait ? Il nous faut des clients. Et donc, ils nous font signer des lettres d'intérêt. Donc, 2020, février 2020, juste avant le Covid, suite au salon Change Now, d'ailleurs, je signe la première LOI pour, je dirais... m'engager comme chargeur dans le transport à la voile. Assez rapidement, on se rend compte, malheureusement, le constat n'est pas très positif. Le constat, c'est quoi ? C'est qu'il n'y a pas assez de chargeurs, en fait. Donc, on a beau être un chargeur, si on prend 10% du bateau, si le reste du bateau n'est pas rempli, jamais le bateau n'est financé. Et donc, on va un petit peu plus loin en 2021-2022. J'accélère un petit peu, mais pour rendre possible le projet aux côtés de Diana et de Guillaume. on rentre dans l'actionnariat de Tôte et on signe un contrat en tant qu'affraiteur. Ça veut dire qu'on prend l'engagement et donc on prend le risque de réserver les bateaux entiers. Tout ça amène au financement du bateau, à la mobilisation d'un groupe d'entrepreneurs engagés auprès de Diana et de Guillaume, suite à la mobilisation de Belco, à la construction des bateaux. Les deux premiers bateaux ont été mis à l'eau en 2024. Et les deux premières importations de café à la voile ont été réalisées en 2024. depuis la Colombie, depuis Santa Marta en Colombie et depuis le Brésil. On a reçu au mois de novembre et de décembre les premiers chargements de cafés colombiens et brésiliens qui ont été transportés à la voile par propulsion principale. vélique, transporté en une vingtaine de jours, à peu près. Donc on a divisé par deux notre temps de transport, parce qu'en fait on a un transport qui est plus petit, mais du coup qui est dédié, et beaucoup plus direct qu'avec la massification des méga-cargos. Dans des conditions, des qualités de transport absolument incroyables par rapport aux cocottes minutes que peuvent être les containers, avec plus de 90% de réduction des émissions de gaz et effets de serre, 92% de moins d'émissions d'oxyde de soufre et 98% d'oxyde d'azote. Donc, c'était dur financièrement, logistiquement, humainement. Ça va continuer à être dur parce qu'on va continuer à se battre pour rendre ce transport à la voile massif possible et on a encore plein de challenges à résoudre. Mais qu'est-ce qu'on est fier ?

  • Eric

    Ça fait deux fois, Alexandre, que tu nous donnes un exemple hyper concret où, finalement, le futur rencontre le passé. où le futur revient vers le passé, vers une simplicité et un retour à la nature aussi. Ça me donne envie de quand même ce rêve de la voile. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus puisque tu es encore plus loin sur ce rêve toi-même, sur le projet de la Transat Jacques Vabre ? Tu t'embarques, toi à titre personnel, c'est une continuité par rapport à cette décision de transporter le café à la voile. Qu'est-ce qui t'a emmené ? sur ce projet personnel ?

  • Alexandre

    Oui, alors c'est un rêve personnel et professionnel assez fou, ce projet de course au large. Et c'est une source d'épanouissement dingue. A l'origine, j'ai trois objectifs, en fait, dans ce projet. Alors, ce projet, c'est quoi ? Déjà, c'est d'apprendre à naviguer. Il faut savoir que j'ai toujours rêvé de naviguer, mais je n'ai jamais appris à naviguer, parce que je l'ai dit tout à l'heure, je joue au rugby, donc ça laissait finalement assez peu de temps. J'ai terminé mes études deux mois après. J'ai rejoint mon père pour créer Belco. Quand on crée une entreprise, c'est 7 jours sur 7, on bosse 12, 13, 14 heures par jour. On ne se pose pas la question, on y laisse pas mal de points de santé, mais ce n'est pas grave en fait parce qu'on réfléchit à autre chose. Et puis, quelques années plus tard, on se réveille, on retrouve la santé parce qu'on remet un petit peu la santé personnelle au centre de ses préoccupations. Et puis, on se pose la question de quelle est la suite en fait et comment j'aborde. Moi, ça faisait 15-16 ans. que j'étais chez Belco, comment j'aborde l'avenir ? J'avais envie de naviguer, de découvrir le large. Belco avait besoin que, pour des questions de gouvernance, que je prenne aussi un petit peu de hauteur. Tu sais, quand on monte une entreprise, au début, on fait tout. Et puis ensuite, on délègue. On délègue pas mal de choses au fur et à mesure. C'est pas évident, en fait, de déléguer. Et puis... On grossit, on grossit, et puis à un moment donné, si l'entreprise veut continuer de grandir, veut continuer de s'épanouir, il faut que le dirigeant, que le fondateur accepte de lâcher prise sur certains sujets. Et j'ai beaucoup bossé sur ça ces dernières années, mais il y avait certaines choses sur lesquelles je n'arrivais plus à lâcher prise. Et je dois le dire, il y avait encore certains sujets dans l'entreprise où je pense que je considérais encore que j'étais la meilleure personne pour les faire. Ce n'était pas rationnel, ce n'était pas vrai, et je le savais. Et je le faisais quand même encore. Et donc j'ai pris conscience à un moment donné que pour que l'entreprise et pour que le projet se développe mieux, il fallait que moi je prenne un peu de hauteur, je m'efface un petit peu. Et finalement ce projet, pendant deux ans, d'apprendre à naviguer et de faire une course au large transatlantique, permet à l'entreprise de respirer aussi et de se structurer sans moi, ce qui lui fait beaucoup de bien et ce qui m'a amené à devoir organiser l'entreprise sans moi aussi. Et donc, ça a été un premier point, une première motivation extrêmement importante. La deuxième, c'est parler de transport à la voile. Parler de transport à la voile, le sujet là, c'est quoi ? C'est de faire la route du café à la voile, partir du Havre. Je suis Havret, normand, Havret, fier de l'être. Partir du Havre en bateau à voile, faire la route du café pour parler de transport de café à la voile. Qu'est-ce qui peut avoir plus de sens ? J'ai véritablement envie d'être un porte-parole du transport à la voile et du transport à la voile de café, de cacao. en partant du Havre pour cette belle aventure. Et la troisième chose, qui est peut-être la première la plus importante pour moi, c'est qu'au bout de 20 ans d'entrepreneuriat, je l'ai dit tout à l'heure, je me suis senti pas mal seul. Je veux dire, je me suis senti seul dans l'évolution du modèle d'affaires de Belco. Et je pense qu'aujourd'hui, en tout cas, la transformation de l'économie, d'une économie extractive, comme tu le sais, vers une économie régénérative, est entre les mains des entrepreneurs, est entre les mains des entreprises. Je fais pas mal de choses depuis 10 ans. Je suis très loin d'avoir un modèle parfait parce qu'en fait, il faut l'améliorer tous les jours. Mais j'ai envie de faire savoir que c'est possible et j'ai envie de faire savoir qu'on n'a pas besoin d'être un super héros. Moi, je suis quelqu'un de complètement normal. Je n'ai pas fait de grandes études. Je ne suis pas super intelligent. Je suis juste animé par le collectif, animé par un projet, animé par l'envie de réaliser. J'ai eu de bons exemples autour de moi. Ça m'a inspiré. Je suis bien entouré. Et en fait, tout ça, c'est des choses qu'on peut reproduire. Et j'ai envie de le dire. Et quand j'ai découvert la CEC, je me suis dit, mais en fait, c'est génial. J'ai aussi envie de porter le message de la CEC et envie de profiter de cette occasion, pas seulement pour parler de transport à la voile, mais aussi pour adresser un message aux entrepreneurs, aux chefs d'entreprise, leur dire que c'est possible de changer le monde. C'est possible d'évoluer. On n'a pas besoin d'être un super héros. On n'a pas besoin. d'avoir des convictions écologiques depuis 10 ou 15 ans, il faut y aller. Il faut y aller, prenons conscience des enjeux et développons avec courage, donnons un cap, comme tu le disais en introduction de cet entretien, à nos entreprises. Et donc ça, c'est la troisième de mes motivations. J'ai envie d'aller un peu plus loin sur l'embarquement de l'équipage, puisque là, on vient de parler de course à la voile, et tu as parlé aussi de rugby, et que très jeune, en fait, tu as compris la force du jeu collectif et donc de faire avec les autres. Le projet de Belco est hyper ambitieux. Vous êtes vraiment des pionniers sur beaucoup d'aspects de votre chaîne de valeur. Et donc, je suppose qu'un des enjeux pour toi, en tant que dirigeant, c'est d'embarquer ton équipage, embarquer les 80 employés de Belco et sans doute au-delà. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur comment tu fais ça ? Comment tu as fait ça et tu continues à faire ça ? Embarquer tes équipes vers ce nouveau cap ?

  • Eric

    Oui, alors je vais déjà préciser que cette aventure de course au large, je ne pourrais pas le vivre sans Louis qui est le skipper du bateau. Je ne suis que le co-skipper et c'est Louis qui me montre le cap. Et dans cette aventure, ce n'est pas moi le capitaine. J'embarque, je me donne beaucoup de mal pour monter au niveau parce que c'est extrêmement important que je sois capable de savoir faire tout sur le bateau pour aussi sa sécurité à lui. Mais c'est lui qui me montre la voie, c'est lui qui me donne envie et qui me rend accessible ce défi. Donc je crois que c'est important de le préciser. Alors après, comment j'embarque mes équipes ? Je crois que la première des choses pour embarquer des équipes, c'est avant tout d'avoir un projet hyper clair, d'avoir une raison d'être. d'avoir des valeurs, d'avoir un ADN et d'être constant dans ce qu'on fait et de chercher la transparence. Alors évidemment, c'est très théorique ce que je dis, mais en fait, j'y crois. Et depuis 2013, on s'est toujours forcé, malgré le fait qu'on soit une PME en fait, petite ETI aujourd'hui, mais on s'est toujours forcé à avoir des feuilles de route stratégiques formalisées et partagées. Depuis 2013, on a créé quatre feuilles de route stratégiques. Donc aujourd'hui, on a une feuille de route qu'on a nourri aussi par notre participation à la Convention des entreprises pour le climat, une feuille de route à horizon 2030. Mais avant ça, on avait créé une feuille de route 2013-2016, puis une 2016-2019, puis une 2019-2025, et ensuite on est à la 2030. Donc, on a des stratégies qui sont posées. On réfléchit, on pose les choses, on crée des stratégies et des chemins qui sont alignés avec les valeurs, avec l'ADN de l'entreprise. On communique tout ça. à nos équipes et on essaie d'être le plus clair possible et le plus aligné possible dans tout ce qu'on fait avec nos valeurs. Et je crois que c'est un des facteurs qui génère le sens et l'appartenance, le sentiment d'appartenance à un collectif. Et je crois que ça, ça permet d'embarquer énormément. Je pense que c'est le ciment, en fait, de notre collectif.

  • Alexandre

    Donc cette constance. Et puis, ce cap qui est donné, qui est renouvelé aussi, comme une navigation d'année en année pour montrer que Belco peut aller encore plus loin. On a entendu parler, puisqu'on sait que c'est quelque chose qui est novateur aussi, d'un collectif qui s'est lancé. Alors, est-ce que c'est toi qui l'as lancé ? Est-ce qu'il s'est lancé en spontané ? Je crois que ça s'appelle Belco pour le vivant. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus pour inspirer aussi d'autres entrepreneurs de trouver des relais au sein de l'entreprise ?

  • Eric

    Oui, bien sûr. Donc là, on revient, et c'est une très bonne chose, à tout ce que nous a apporté, en fait, le parcours de la CEC. Effectivement, l'une des premières choses, c'est l'évolution de la gouvernance avec la création chez Belco du collectif Belco pour le vivant. Alors non, ce n'est pas mon initiative. Et tu vois, quand on parlait du sujet de la course au large et de le fait que prendre un peu de hauteur pouvait permettre aussi à un collectif de mieux exister, de prendre ses responsabilités. d'entreprendre. Cette initiative a été menée par Simon David, qui est aujourd'hui le directeur général adjoint de Belco, et qui est arrivé pour renforcer l'équipe au moment où j'ai initié ce projet de course au large. C'est lui qui a participé, il a participé avec moi au parcours de la Convention des entreprises pour le climat, et il a initié cette idée du collectif Belco pour le vivant, avec une ambition au début, c'était de dire super, on est deux à faire le parcours de la Convention des entreprises pour le climat, mais... comment on va faire pour passer le message à nos équipes. Parce que finalement, si on aboutit à une feuille de route régénérative super ambitieuse et qu'ensuite, on se retrouve à devoir diffuser, infuser ce message dans nos équipes, il y avait une peur au début qui était ça va être un peu trop top-down et en fait, ça ne nous ressemble pas. Donc, comment on fait ? La solution qui a été trouvée, c'est de proposer à nos équipes de Bordeaux, j'avoue, on a proposé uniquement à nos équipes françaises, par simplicité, de faire... en même temps que nous le parcours de la CEC de façon totalement indépendante. C'est-à-dire qu'on n'était pas du tout au courant des réflexions qu'ils avaient à ce moment-là. Et donc, on a juste proposé... Aux salariés de Belco, on leur a dit voilà, voilà l'aventure qu'on est en train de vivre avec le parcours de la CEC. On leur a expliqué comment ça marchait et on leur a dit est-ce que ça vous tente ? Est-ce que vous voulez vivre cette expérience ? Et ce qu'on vous propose, c'est vous faites la même chose que nous, on vit nos chemins séparément et à la fin, on se retrouve, on partage et on se met d'accord sur ce que sera la feuille de route de Belco à horizon 2030. Et c'est cette feuille de route qu'on va présenter à la Convention des entreprises pour le climat et qu'on va rendre. transparente qu'on va diffuser. On l'a proposé et la réponse, plus de 50% de nos équipes a accepté de participer. Et ça a été pendant 10 semaines, 2 heures ou 3 heures par semaine, je crois, des réflexions incroyables qui ont abouti à 70 propositions, des échanges hyper riches, l'amélioration, je ne vais même pas dire l'amélioration, la création d'une feuille de route commune entre le collectif Belco pour le vivant et le travail que Simon a fait avec moi à la CEC. Et donc, c'était une super aventure. Et cette aventure, on a envie de continuer à la vivre avec eux et de continuer à leur donner un maximum de poids dans la gouvernance et dans la réalisation de la feuille de route de Belco à horizon 2030.

  • Alexandre

    Merci beaucoup. C'est sans doute une bonne pratique, une très bonne pratique à renouveler dans tout l'écosystème CEC pour embarquer l'équipage, enfin qui s'embarque lui-même en fait, l'équipage et cette alliance qui peut être créée en fait entre... L'équipe dite de management et puis toutes les équipes qui font sur le terrain. J'ai envie de revenir et de reboucler, puisque là, on parle de l'économie régénérative. Dans tous les leviers dont tu nous as parlé, en fait, on touche la régénération. J'ai envie de reboucler un peu sur les sols, parce que je sais que vous réfléchissez beaucoup aux sols. Chez Belco, tu nous as parlé au tout début de ce voyage que tu avais fait en Éthiopie, où tu t'étais rendu compte de quoi ressemblaient des sols dont on prenait soin dans la durée. Est-ce que vous avez lancé une démarche particulière sur les sols ?

  • Eric

    Oui, oui. Et je dirais que c'est la brique entre la construction d'équipes dans les pays producteurs, dont j'ai parlé tout à l'heure, et le transport à la voile. On s'est posé toute la question de la transition agricole. On a aujourd'hui un métier chez Belco qui s'appelle la transition agricole et qui réfléchit avec une direction de l'impact également autour de quatre piliers que sont la formation, l'information, le financement et la valorisation, qui réfléchit à... Comment on transforme l'agriculture dans le café, dans le cacao ? Et il faut savoir que le contexte auquel on doit faire face, au niveau de la production, c'est un contexte de réchauffement climatique, mais pas que, il y a un truc bien plus important, c'est l'appauvrissement des sols. Donc comment donner envie aux fermiers de prendre soin de leur sol, de prendre conscience que tout part du sol, et qu'il ne sera absolument pas possible de construire quelconque résilience ? face au changement climatique, sans d'abord prendre soin de son sol. Et donc, je le disais, on a des sujets autour de la formation. On a construit une première ferme-école au Salvador pour accueillir les producteurs et les former à l'agroécologie. On a des sujets d'information avec une plateforme qu'on est en train de construire pour amener du contenu autour de toutes les techniques d'agroforesterie, d'agroécologie aux producteurs. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi les inspirer. Il faut aussi valoriser ce qui est fait et valoriser les sols. Et donc on a créé l'année dernière, pour la première fois, un concours qui s'appelle le Soil of Excellence. Donc le sujet c'est de mettre en avant les sols. Et là on va chercher à valoriser. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le café. Valorisons la qualité du sol sur laquelle est produit le cacao. On a fait un premier test en Colombie l'année dernière et ça a été un succès. On s'est dit tiens on va faire un proof of concept un peu rapide. On a des équipes hyper mobilisées en Colombie. Monica qui a géré ça, avec Arnaud en France, qui est notre directeur de la transition agricole. Ils ont pris le sujet à bras-le-corps. Et en fait, ils ont, en quelques semaines, fait un premier test pour voir si les producteurs accepteraient ou pas de se prendre au jeu. Et à notre grand étonnement, en l'espace de deux, trois semaines, on a collecté plus de 80 échantillons de sol. Un truc totalement incroyable. Ça n'avait jamais existé. Les producteurs, ils envoient des échantillons de café, ils envoient des échantillons de cacao, ils n'envoient pas des échantillons de sol. Et donc, on a testé la qualité des sols et on a créé un jury international. On a fait ça pendant un salon qui s'appelle le PRF en Colombie. Et pour la première fois, on a mis en avant, on a récompensé des producteurs pour la qualité de leur sol et pas pour la qualité de leurs produits. Et il y a quelques torréfacteurs français, européens. qui vont promouvoir ce concours. Mais j'ai vraiment envie que la promotion passe aussi au niveau local, parce qu'il y a quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et je voudrais faire le lien aussi avec la Convention des entreprises pour le climat. On a compris que Belco est une société internationale. Et en fait, notre ambition aujourd'hui, elle est de devenir une entreprise multilocale. On souhaite construire des chaînes de valeur localement. On ne souhaite pas seulement... exporter des pays producteurs, importer dans les pays consommateurs. On souhaite aussi distribuer et valoriser des produits de qualité, et ce point est important, dans les pays qui produisent. On souhaite réduire la dépendance à l'exportation des producteurs de café et de cacao. Et donc on souhaite aussi pouvoir valoriser à travers, je sais pas moi, des coffee shops, du café torréfié, des partenariats avec des torréfacteurs, en Colombie, des cafés primés, soil of excellence, produits en Colombie. Et ça, c'est quelque chose également d'extrêmement important dans notre feuille de route et dans l'apport de la CEC. Prendre conscience que Belco devait passer d'une organisation internationale à une organisation multilocale.

  • Alexandre

    Alors, on s'approche de la fin de cette conversation, Alexandre. Tu nous as donné énormément d'exemples de la pensée régénérative. On n'a pas vraiment parlé d'économie régénérative en termes de théorie. On s'est rendu compte de ce que c'était au niveau très pragmatique. Merci. C'est sans doute la question la plus difficile de ce podcast. Tiens-toi prêt. On va essayer de faire comprendre le plus largement possible à quoi ressemble l'économie régénérative. Pour ça, j'aimerais te demander si tu avais face à toi un enfant, disons de 10 ans, et en une ou deux phrases, comment tu l'expliquerais ? À quoi ressemble cette économie régénérative ?

  • Eric

    C'est pour moi avant tout un défi, en fait. Tu vois, je réfléchis en t'entendant parler et me poser cette question, parce que je ne l'avais pas vue avant cette question. Je me dis en fait c'est quoi l'économie régénérative ? Tout de suite maintenant, si je devais l'expliquer à mes enfants, ça serait une super grande montagne à franchir, avec un groupe de personnes en bas de la montagne, soudées, très proches les uns des autres, avec un grand sourire, et avec la volonté de s'attaquer à cette montagne. Donc pour moi l'économie régénérative, c'est à la fois quelque chose de très ambitieux, et en même temps quelque chose de tout à fait possible, à partir du moment où... où collectivement, on se donne les moyens, l'énergie et tout ce qui va avec pour réaliser ce défi. Après, comment la représenter ? Pour moi, c'est la nature. L'économie régénérative, c'est la nature. C'est quelque chose qui trouve du sens dans un ordre qui ne paraît pas être en ordre. Il faut arrêter de vouloir des choses trop bien soignées, trop propres. Il faut accepter que la nature, c'est la diversité. C'est un ordre qui paraît fouillis, mais en fait qui est... très ordonnées et toutes les choses ont leur place pour une bonne raison. Et en fait, je leur dirais acceptez les choses telles qu'elles sont, concentrez-vous sur ce qui fait du sens et ce qui donne du sens à la vie et pas sur la forme, la forme ou le côté bien polissé des choses. Est-ce que je suis clair ou pas quand je te réponds comme ça ?

  • Alexandre

    Tu es très clair et donc ça va m'amener à la toute dernière question parce que ce qui saute aux yeux quand on écoute ton parcours, quand on regarde le chemin parcouru, c'est la force, l'énergie de l'entrepreneur. Donc maintenant, la question que j'aimerais te poser, c'est par rapport à des jeunes générations, des jeunes qui rentrent dans une école de management et donc qui se destinent à être entrepreneurs, qu'est-ce que tu leur dirais sur entreprendre en 2025 ?

  • Eric

    Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, en fait. Je leur dirais qu'on a besoin d'eux, on a besoin non seulement l'entreprise, Et l'action pragmatique peut leur amener une réelle source d'épasnouissement et un côté très... peut leur donner une dose d'optimisme et d'énergie face à des enjeux qui peuvent paraître de temps en temps un peu durs, en fait, parce que les constats, les prises de conscience sont dures. Donc l'entrepreneuriat, pour moi, c'est la meilleure des façons de vivre positivement les défis qu'on a face à nous. Et on a tellement besoin d'avoir des entrepreneurs engagés aujourd'hui. tellement besoin d'avoir des collectifs qui s'engagent dans les entreprises pour mener ces combats que je leur dirais très sincèrement et de façon très authentique, on a besoin de vous, venez, vous allez voir, en fait, l'aventure, elle peut être belle, elle peut être très joyeuse, malgré le gigantisme des enjeux auxquels on doit faire face.

  • Alexandre

    Merci Alexandre, merci beaucoup pour le courage, le courage de l'entrepreneur. qui a dû prendre un chemin difficile, cette haute montagne qu'il fallait escalader. Merci pour l'authenticité de l'échange. Tu t'es révélé plusieurs fois à cœur ouvert. Merci pour ça. Et puis alors, merci pour le pragmatisme. Tu nous as donné beaucoup d'exemples concrets, reliés à la nature, des chiffres aussi sur ton entreprise. Et tu nous as transmis beaucoup de pépites pour d'autres entrepreneurs. Voilà, courage, authenticité, pragmatisme, en route pour le Cap-Régène.

  • Eric

    Merci Eric.

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