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Comment l'inclusion des femmes dans la tech améliore l'innovation et stimule la croissance ? - Sandrine Delage cover
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Capital Humain

Comment l'inclusion des femmes dans la tech améliore l'innovation et stimule la croissance ? - Sandrine Delage

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21min |11/03/2025
Play
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21min |11/03/2025
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Description

Dans cet épisode de Capital Humain, Magaly Siméon reçoit Sandrine Delage, Inclusion & Tech Senior Advisor chez BNP Paribas et co-fondatrice de WoGiTech (Women & Girls in Tech). Ensemble, elles décryptent les enjeux de la mixité dans le secteur technologique et l’urgence d’une prise de conscience collective.

Pourquoi les femmes sont-elles encore sous-représentées ? Comment déconstruire les stéréotypes et favoriser un environnement inclusif ?

Sandrine nous partage son engagement, depuis le déclic qui l’a menée à agir jusqu’aux actions concrètes mises en place chez BNP Paribas et WoGiTech.

Un échange inspirant qui prouve que l’inclusion n’est pas qu’une question d’égalité, mais aussi un impératif économique et stratégique pour les entreprises. À écouter sans tarder !


Quelques extraits :

  • "Si ça s'était appelé Game Girl, on n’en serait pas là aujourd’hui."

  • "43% des étudiantes en sciences sont découragées de poursuivre dans la tech."

  • "Un produit conçu par une équipe homogène ne répondra jamais aux besoins de toute la société."


"Capital Humain" est un podcast de Magaly Siméon, experte QVT, charge mentale et conciliation, produit par Lily facilite la vie.

Si vous aimez le podcast, abonnez-vous et parlez-en et donnez-nous la note maximale sur votre plateforme d’écoute.

Et si vous souhaitez soutenir Lily facilite la vie, n’hésitez pas à vous abonner à notre programme d’aide aux salariés. Vous y trouverez des conseils, des programmes d’accompagnement, un pool d’experts à votre service et bien plus encore.

Pour ne rater aucune actualité, suivez-nous ! 🌸


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Magaly

    Sandrine Delage est une figure emblématique de l'inclusion dans le secteur technologique, un enjeu fondamental du XXIe siècle. Elle est aussi co-fondatrice de Women and Girls in Tech, qu'elle a très clairement ancré dans le champ du business et de l'entreprise. C'est à ce titre qu'elle va témoigner aujourd'hui pour une tech plus inclusive. Bonjour Sandrine.

  • Sandrine Delage

    Bonjour Magaly.

  • Magaly

    Sandrine, je considère que tu es une des plus anciennes, en termes de durée, engagées en faveur de l'inclusion des femmes et dans un secteur où il n'y en a pas des masses. Est-ce que tu peux déjà me dire comment ça t'est venu ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi déjà, je suis une femme de la tech, j'adore la tech. J'ai commencé à coder à 19 ans, à un moment où il y avait beaucoup de femmes, puisqu'à cette époque, dans le développement, il y avait beaucoup de femmes. Et j'ai vu les femmes disparaître au fur et à mesure des années. Et c'est vraiment la rencontre avec la JFD, la Journée de la Femme Digitale, c'était il y a plus de 10 ans, c'était le premier événement qui avait mis des chiffres en fait sur le nombre de femmes. Et ça, ça a été pour moi le déclic, en fait, le révélateur qu'il fallait agir et que ce n'était pas normal. Voilà, donc ça, c'est mon déclic.

  • Magaly

    Ça, c'est ton déclic. Et en fait, aujourd'hui, est-ce que tu peux juste nous dire en quoi consistent tes actions par rapport à ce déclic ? Déjà, je pose cette question-là. J'en ai plein de questions, donc on va commencer par celle-là.

  • Sandrine Delage

    J'ai commencé par un engagement personnel, d'ailleurs qu'on partage Magaly. J'ai rejoint au sein de Twitter, puisque c'était vraiment le lieu de cette communauté active, un mouvement, avec un hashtag "Digital Ladies & allies", puisqu'il y avait déjà les hommes, pour agir sur la mixité des équipes qui créent et façonnent la tech et le numérique, qui façonnent notre vie tout court. Donc ça, ça a été un engagement personnel et ensuite je l'ai connecté. C'est en intrapreneuse que je suis, avec la responsable de la diversité de BNP Paribas, Caroline Courtin, qui m'a soutenue pour créer un collectif Women and Girls in Tech avec mon entreprise, BNP Paribas, mais avec Simplon, l'école du numérique, et toujours ce réseau très actif des Digital Ladies & allies. Donc ça, ça a été vraiment le début. Et c'est vrai que c'était à l'époque qu'on a créé, en 2018. À l'époque, on parlait très peu de ces sujets encore. On était un peu perçus, toi aussi j'imagine Magaly, comme des activistes un peu dans le désert. Et donc même les femmes dans la tech avaient eu tellement de mal pour s'imposer qu'elles n'avaient même pas envie de parler. Elles se considéraient comme des hommes comme les autres. Donc ça, c'est 2018. Je pense que tous ces mouvements ont quand même commencé à aider les femmes de la tech à retrouver une fierté d'être une femme dans la tech, de pouvoir prendre la parole, et puis avec des actions concrètes de différentes associations.

  • Magaly

    Et alors, parce que tu vois, j'ai tellement de questions qui me viennent en même temps, alors je vais en poser une première et les autres suivront. Moi, j'ai l'impression que c'est une tâche tellement immense qu'elle impacte, toi, dans tes actions. Qu'est-ce qui fait que tu continues ? Parce que c'est presque un peu désespérant, non, par moment ou c'est moins ma perception ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi, j'ai vécu ce monde rêvé où il y avait quasi la parité des femmes dans la tech. D'accord. C'était pas le même pourcentage, la même répartition. Moi, j'ai fait mes études en 83-86 donc ça fait... Ça se compte en dizaines d'années. Je connaissais Ada Lovelace, puisqu'Ada Lovelace, son prénom a été utilisé pour baptiser le premier langage objet par l'armée américaine. C'était en 84. Moi, c'est mes études. Donc, on a cette perception qu'il y a des femmes dans la tech. Et dans le monde du software, parce que ça reprend exactement, le monde du software, du développement, il y avait beaucoup de femmes. Donc, moi, j'étais quasi à parité dans mes équipes. On le voit bien dans les figures de l'ombre, ces femmes afro-américaines qui vont finalement se saisir du code, le fortran, pour calculer la trajectoire d'Apollo 11. Et ce sont les hommes, par contre, qui ont le hardware, donc la machine. Ça, c'est IBM. Donc, c'est réparti comme ça, mais il y a beaucoup d'équipes féminines qui vont coder. Donc, moi, j'ai vécu ce monde-là. Je sais qu'il est possible, d'abord. pas que pour les femmes, il n'y avait pas d'école aussi d'informatique comme aujourd'hui, donc il y avait tous les profils, tous les visages, les femmes comme des personnes ou des hommes qui n'avaient pas forcément fait d'études, il y avait toutes les cultures. Donc j'ai envie de retrouver ce monde, il n'est pas perdu complètement je pense, mais c'est vrai qu'il y a eu l'ordinateur individuel dans les années 90, et là tu as le geek qui s'est créé ce modèle que moi je n'ai pas connu, c'est-à-dire ce jeune homme adolescent. qui va jour et nuit jouer avec des jeux vidéo et avec une console de jeux. Est-ce que tu te souviens du nom de cette console de jeux ?

  • Magaly

    Atari ?

  • Sandrine Delage

    Non, ça commence par Game.

  • Magaly

    Ah non, encore avant ?

  • Sandrine Delage

    Non, eh bien écoute, c'est la Game Boy.

  • Magaly

    Ah bah oui, bien sûr. J'avais jamais remarqué, Game Boy, pas Game Girl.

  • Sandrine Delage

    Eh bien ouais. Eh bien si ça s'était appelé Game Girl... on n'en serait pas là aujourd'hui. Mais ça, c'est à quel point, mais donc on peut le déconstruire aussi, mais à quel point le champ lexical, les mots que tu vas utiliser, les images et les représentations vont faire que ça bascule tout. Alors que dans d'autres pays qui sont loin de l'égalité des femmes et des hommes, comme en Inde, en Afrique du Nord, par exemple, il y a plus de femmes dans la tech que les hommes, pour des raisons économiques et aussi parce que, par exemple en Inde, pour eux, ils voient tout de suite l'équilibre vie perso, vie pro. Tu n'es pas obligé de sortir de chez toi, tu peux tout faire en télétravail. Et du coup, pour les femmes, ce sont des jobs inespérés, même si elles n'ont pas évidemment des postes de pouvoir. Mais quand même, ça crée une mixité, une parité. Et alors, pourquoi je continue pour répondre à ta question ? Moi, j'ai une approche un peu slow, en fait. Je ne suis pas dans l'extension en me disant, il faut que je touche, ou que je transforme la vie de milliers ou de millions de femmes, parce que ça, c'est tout un autre engagement, et je travaille aussi. Mais même, j'aime l'approche de proximité. C'est-à-dire, ce qui compte pour moi, c'est transformer la vie d'une jeune fille, d'une femme, qui va transformer elle-même, son entourage professionnel, personnel. Donc, chaque femme ou jeune fille qui rejoint un environnement safe dans la tech, il y a tout un travail à faire là-dessus, c'est l'objectif du collectif, eh bien, c'est une victoire et il faut faire la somme de ces victoires. Voilà, je me pose en tout cas dans cette approche pour ne pas être découragée par les chiffres.

  • Magaly

    Alors, j'ai une idée de la réponse, mais je veux poser quand même cette question parce que je pense que la prise de conscience est importante. Tu as dit "ces métiers qui façonnent notre vie ou ces outils qui façonnent notre vie", pourquoi c'est important que le monde de la tech soit représentatif d'une société ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, on le voit là, en ce moment, l'actualité politique nous montre que l'enjeu de la tech, c'est un enjeu politique, économique, sociétal et climatique. Et que même ceux qui aujourd'hui possèdent les plateformes en font un cheval de Troie, même pour, comment dire, imposer leur valeur, nous imposer leur valeur. Et pourquoi c'est si important que ça soit représentatif ? Parce que déjà la tech est dans notre vie de tous les jours. Et qu'on ne peut aussi produire, donc ça c'est l'approche business, on ne peut produire des produits et services adaptés à nos clients et nos clientes que s'il y a des équipes mixtes et diversifiées. Donc l'exemple que je donne souvent, c'est le mannequin, tu sais, crash test des voitures qui a été pendant 50 ans un seul modèle, 77 kilos, pour représenter un modèle masculin en se disant qu'on allait décliner le modèle féminin. Mais en fait, non, il faut le tester. Il faut un mannequin aux mensurations féminines, alors que les femmes ont 73% de risque supplémentaire d'avoir un accident grave dans un choc frontal. Donc moi, ta question, ce que je trouve intéressant, c'est que quand je présente le sujet, j'essaye de le présenter sur l'angle quand même business. Parce que pour moi, le business, ce n'est pas un gros mot. Le business, c'est la durabilité. Tu ne dépends pas d'une personne convaincue, d'un budget à un moment donné, etc. C'est ça dont on a besoin, c'est avoir une approche business en disant tout simplement 50% de vos clients sont des clientes. Et si vous ne faites rien, vous avez même des risques, parce que s'il y a des accidents, par exemple, qui sont plus fréquents pour les femmes parce que vous n'avez pas d'équipe, et c'est le seul moyen, le seul moyen d'avoir des produits et services adaptés à la société, c'est d'avoir des équipes qui ont un recul, un esprit critique. Ils sont capables de se dire « mais non, ça ne marche pas, ce truc, dans la vie de tous les jours ».

  • Magaly

    Il y a un biais, vraiment au premier sens du terme. Je veux revenir aussi, parce que c'est assez rare finalement qu'une responsable engagée comme toi dise finalement « je cherche le slow » . Tu me disais quand on a préparé cet entretien, la notion de pierre dans l'eau et je vois bien les ronds dans l'eau. Est-ce que tu as un ou deux exemples de choses qui te rendent très fière ou de réussite justement dans ce slow et qui permettent l'incarnation de ce que tu projettes ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, un exemple dans mon entreprise, j'ai un peu la double casquette, parce que dans mon entreprise, j'ai créé aussi un collectif interne qui s'appelle Women & Girls in Tech et j'ai relié les filières différentes qui ne se parlent pas forcément. Donc les filières diversité, les filières tech, les filières RH, communication, engagement, dans l'ensemble du groupe BNP Paribas. Et on a ensemble collecté 1,1 million d'euros sur trois ans pour huit associations dédiées à la mixité dans le numérique. Et ce n'était pas seulement de l'argent, c'est de l'accompagnement. Donc en fait, c'est accompagner les bénéficiaires. Et on a des femmes, des jeunes filles qui ont trouvé des stages, des postes chez BNP Paribas, dont une jeune femme afghane qui a été accompagnée par SISTECH et qui est rentrée chez BNP Paribas sur un poste de cybersécurité. Et elle vient d'avoir le trophée coup de cœur Cybersécurité Europe. Donc évidemment, on peut se dire que c'est une personne, mais quand cette personne rayonne à ce point, elle transforme tout l'écosystème, les managers, les collaborateurs, et que ça devient une fierté pour l'entreprise, ça c'est vraiment pour moi une vraie réussite. Évidemment qu'on doit démultiplier, mais c'est possible. Beaucoup de travail, mais c'est possible. Et du côté du collectif, plutôt associatif avec Simplon, on a créé une action box, toujours en sketchnotes, parce que nous on aime montrer que c'est accessible, fun. Moi, j'aime beaucoup la notion de plaisir. Donc, on a créé des sketchnotes qui permettent de montrer les chiffres et surtout les 10 clés qui permettent de changer l'entreprise de l'intérieur issue de notre expérience collective. Donc, c'est un slide, c'est en Creative Commons. Tout ce qu'on fait est en Creative Commons et c'est disponible sur le site wogi.tech et toute personne peut télécharger, l'intégrer dans ces slides pour convaincre son Codir au son Comex, d'agir et comment agir. Voilà. Donc, on a vraiment aussi des réussites concrètes de personnes qui vraiment réfléchissent et cherchent à accueillir ces jeunes filles et ces femmes parce qu'il faut absolument que l'entreprise les accueille. S'il n'y a pas d'accueil, ça peut rester très toxique.

  • Magaly

    Alors, on va revenir juste avant. Est-ce que pour les auditrices et les auditeurs, peut-être moins aguerris, tu peux juste nous préciser ce que c'est que les sketchnotes et ce que c'est que le... Tu as dit comment ?

  • Sandrine Delage

    Creative Commons.

  • Magaly

    Voilà juste pour que ça soit clair. Et puis, on va revenir après sur le problème de l'environnement.

  • Sandrine Delage

    Alors, les sketchnotes, ce sont en fait des illustrations dessinées.

  • Magaly

    D'accord. Ah oui, d'accord. OK.

  • Sandrine Delage

    Voilà. Donc, on a même créé une exposition qui présente Ada Lovelace, qui présente les grandes figures de la tech, mais aussi qui explique les métiers de la tech comme développeuse. Alors, du coup, on entend le féminin dans cette exposition et qui explique les métiers. Pourquoi ? Parce que ces métiers sont invisibles au quotidien. Je reviendrai là-dessus, je vais terminer sur Creative Commons. Creative Commons, c'est un système, c'est un label qui permet à toute personne qui veut utiliser justement ces illustrations de les utiliser sans nous demander le droit d'usage.

  • Magaly

    D'accord, donc on mettra le lien en descriptif de l'épisode pour que tout le monde puisse le trouver. D'accord, donc ça c'est très clair. Tu parlais de l'environnement. Est-ce que tu peux revenir sur ce que tu disais sur le fait que si on n'a pas ces actions-là, ça pose un problème en termes d'environnement de travail. Est-ce que tu peux nous préciser un peu ?

  • Sandrine Delage

    Souvent, le message qui est donné aux femmes, c'est oser. Alors moi, ça m'a aidée parce que ça te montre que c'est possible. Mais en même temps, c'est une injonction. Et pour les femmes, quelque part, c'est presque double peine. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas présentes et c'est presque de leur faute, elles n'osent pas. 43% des étudiantes qui sont en études scientifiques sont découragées par leur entourage, de continuer dans ces métiers. Et il n'y en a plus que 23% de diplômés d'études scientifiques qui vont vers les entreprises pour bien développer leur métier. Donc ça veut dire qu'il y a un frein à rejoindre les entreprises. Et souvent, les entreprises ne se rendent pas compte de l'environnement toxique, de l'environnement gros. Je veux dire, quand tu es la seule femme au milieu de 15 hommes dans une salle de réunion, tu n'es pas forcément entendue, on te coupe souvent la parole. Il y a toujours ce fantasme ou ce mythe que les femmes sont moins bonnes dans les domaines scientifiques que les hommes. Donc en fait, s'il n'y a pas une démarche volontariste de se dire « je veux des femmes et je veux qu'elles restent », qu'est-ce que je leur propose ? Comment je les accueille ? Et déjà, c'est dans le message. On l'a vu avec la Game Boy. En fait, si dans ton message, dans ta fiche de poste, tu expliques que tu es une entreprise qui a agi, qui a une politique de diversité, qui s'intéresse à l'équilibre perso-pro pour toutes et tous, il y a un message d'accueil pour les femmes qui vont se dire : Je ne vais pas avoir de problème quand je vais dire que je pars à 18h pour m'occuper de mes enfants, je peux avoir une vie personnelle et une vie professionnelle, on va me donner des postes intéressants, pas que de la maintenance parce que je suis une femme. On va me permettre d'avoir de la formation. On va me donner des chances pour que je puisse évoluer. Donc, tout ça fait partie d'une approche volontariste et proactive des entreprises.

  • Magaly

    Mais alors, je vais me faire l'avocat du diable parce que moi, j'aime bien, tu vois, que les objections soient aussi formalisées. Aujourd'hui, il y a des grands acteurs de la tech. Alors, je ne vais pas les citer ici, mais si on prend ne serait-ce que les GAFA ou si on va jusqu'aux GAFAM, à ma connaissance, mais peut-être que tu vas nous dire le contraire, ils n'ont pas fait ce travail-là, et pour autant, ils ont pris un leadership, comme tu l'as dit, sur notre vie. Et finalement, est-ce que ce n'est pas la preuve que tu peux très bien te passer des femmes et donc pourquoi faire l'effort ?

  • Sandrine Delage

    Alors, deux choses dans la réponse. D'abord, justement, je pense qu'un des mythes à faire tomber, c'est que la tech appartient seulement à des grandes plateformes de tech. En fait, toutes les entreprises sont tech, puisque toutes les entreprises proposent des services et produits digitaux informatiques. Donc, je crois que ça, ce n'est pas encore perçu. Et peut-être que les entreprises, justement, ne se sentant pas une entreprise de la tech, ne prennent pas la mesure du sujet de l'importance de la mixité de leurs équipes. Et c'est intéressant de voir L'Oréal, par exemple, qui a développé tout un concept Beauty Tech, à la fois pour leurs clientes ou clients, en disant que la tech peut les augmenter avec, tu sais, les applications qui permettent de tester ton rouge à lèvres, par exemple. Mais c'est aussi un label qui est pour les collaborateurs et les collaboratrices en disant que la tech sera aussi au service de leur développement personnel et qu'étant donné qu'ils bénéficieront de toutes les possibilités, avantages qu'on voit aussi avec l'intelligence artificielle. Donc ça, c'est déjà la première chose de ne pas limiter le champ seulement aux GAFA ou aux GAFAM. Deuxième chose, en fait, il y a quand même un sujet de recrutement parce qu'aujourd'hui, la croissance, elle est basée sur le digital ou la tech, sauf qu'il n'y a pas assez de main-d'œuvre. Donc, la façon de trouver la main-d'œuvre, c'est d'accueillir les femmes. Donc ça, c'est même une exigence essentielle d'aller chercher un vivier qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Ce n'est pas avec le vivier actuel qu'on va pouvoir développer le numérique. Et ça, c'est aussi une citation comme quoi même en France, le numérique deviendra le premier employeur en France, au sens des métiers qui seront utiles et nécessaires. Et d'ailleurs, le gouvernement va développer plusieurs clusters de formation pour former plus de 100 000 experts en intelligence artificielle chaque année. Donc, le besoin en talent est immense. Il ne pourra pas être résorbé si les femmes ne s'y mettent pas. Ça, c'est la deuxième chose. Donc, ça, c'est très important. Et encore une fois, quand on produit des services qui ne sont pas adaptés à l'ensemble de la population, on génère des risques. Comme les médicaments, tout simplement, mais même les médicaments. Les médicaments qui ne sont pas testés sur un échantillon féminin.

  • Magaly

    Et donc sur des caractéristiques qui sont très différentes, et donc avec des effets secondaires qui ne sont pas mesurés, bien sûr. J'ai une dernière question pour toi, Sandrine. Je suis très admirative de la façon dont tu es justement arrivée à articuler action et business, la façon dont tu es arrivée à t'ancrer aussi dans ton entreprise, parce que je partage complètement ton point sur la longévité que ça donne à tes actions. Pour toi, c'est quoi les clés pour réussir justement cette articulation et que tes actions à impact soient bien accrochées finalement dans la pérennité à une entreprise ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà parce que le collectif Women & Girls in Tech a pour cible principale les entreprises. Même si nous on a cette exposition de sketchnote pour les jeunes filles, on va passer par les écosystèmes existants, les associations, les entreprises. Et c'est ce maillage-là qui fait et qui ancre nos actions. Et là, tu vois bien que le champ d'action est immense, puisque toutes les entreprises n'ont pas encore cette perception qu'elles sont elles-mêmes des entreprises de la tech et que du coup, elles doivent passer à cette réflexion de comment du coup, j'accueille une diversité dans mes équipes. Et l'enjeu pour moi de demain, mais l'actualité finalement est un révélateur, que la tech est dans notre vie et qu'on doit s'en saisir. On doit avoir un esprit critique, on doit la comprendre et on doit pouvoir adapter nos usages. Et aujourd'hui, je trouve que ce qui est complexe, c'est que la tech est partout, mais qu'elle est invisible. En fait, tout est fait pour penser que la tech est dématérialisée, alors que déjà, elle est très matérielle. Tu as un smartphone, tu as des câbles, tu as des data centers. Tout cela est très matériel, mais tout cela est masqué au grand public. Et de la même manière que les métiers sont invisibles. Si tu demandes à des jeunes filles qu'est-ce qu'elles veulent devenir plus tard, elles vont te dire esthéticienne, avocate, secrétaire, médecin. Parce qu'en fait, elles ne savent pas qu'il existe le métier de UX designer, de cybersécurité expert. Donc pour moi, pour arriver à réussir demain, il faut qu'on arrive à révéler ou à faire voir, voir au sens regarder, à matérialiser ce qu'est la tech et ses métiers et ses enjeux. Voilà, ça, c'est pour moi le prochain levier qui est un levier plus grand public.

  • Magaly

    Écoute, Sandrine, merci beaucoup pour ce partage et merci pour ce que tu fais en tant que femme et en tant que mère de fille. Je vois bien que c'est une action qui est hyper importante. Merci.

  • Sandrine Delage

    Merci à toi Magaly.

  • Magaly

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Capital Humain. J'ai adoré comment Sandrine, avec beaucoup d'humilité, nous a expliqué son impact, nous a expliqué aussi l'impact de ses actions et sa vision d'une inclusivité qui est la seule option aujourd'hui pour le monde de l'entreprise. Ce n'est pas juste une position d'équité, ce n'est pas juste une position d'inclusion, c'est aussi une position de réalisme. S'il n'y a pas plus de diversité dans le monde de la tech, alors les emplois ne seront pas pourvus. Et ça, c'est très important de l'avoir en tête. À bientôt pour un nouvel épisode.

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Dans cet épisode de Capital Humain, Magaly Siméon reçoit Sandrine Delage, Inclusion & Tech Senior Advisor chez BNP Paribas et co-fondatrice de WoGiTech (Women & Girls in Tech). Ensemble, elles décryptent les enjeux de la mixité dans le secteur technologique et l’urgence d’une prise de conscience collective.

Pourquoi les femmes sont-elles encore sous-représentées ? Comment déconstruire les stéréotypes et favoriser un environnement inclusif ?

Sandrine nous partage son engagement, depuis le déclic qui l’a menée à agir jusqu’aux actions concrètes mises en place chez BNP Paribas et WoGiTech.

Un échange inspirant qui prouve que l’inclusion n’est pas qu’une question d’égalité, mais aussi un impératif économique et stratégique pour les entreprises. À écouter sans tarder !


Quelques extraits :

  • "Si ça s'était appelé Game Girl, on n’en serait pas là aujourd’hui."

  • "43% des étudiantes en sciences sont découragées de poursuivre dans la tech."

  • "Un produit conçu par une équipe homogène ne répondra jamais aux besoins de toute la société."


"Capital Humain" est un podcast de Magaly Siméon, experte QVT, charge mentale et conciliation, produit par Lily facilite la vie.

Si vous aimez le podcast, abonnez-vous et parlez-en et donnez-nous la note maximale sur votre plateforme d’écoute.

Et si vous souhaitez soutenir Lily facilite la vie, n’hésitez pas à vous abonner à notre programme d’aide aux salariés. Vous y trouverez des conseils, des programmes d’accompagnement, un pool d’experts à votre service et bien plus encore.

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  • Magaly

    Sandrine Delage est une figure emblématique de l'inclusion dans le secteur technologique, un enjeu fondamental du XXIe siècle. Elle est aussi co-fondatrice de Women and Girls in Tech, qu'elle a très clairement ancré dans le champ du business et de l'entreprise. C'est à ce titre qu'elle va témoigner aujourd'hui pour une tech plus inclusive. Bonjour Sandrine.

  • Sandrine Delage

    Bonjour Magaly.

  • Magaly

    Sandrine, je considère que tu es une des plus anciennes, en termes de durée, engagées en faveur de l'inclusion des femmes et dans un secteur où il n'y en a pas des masses. Est-ce que tu peux déjà me dire comment ça t'est venu ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi déjà, je suis une femme de la tech, j'adore la tech. J'ai commencé à coder à 19 ans, à un moment où il y avait beaucoup de femmes, puisqu'à cette époque, dans le développement, il y avait beaucoup de femmes. Et j'ai vu les femmes disparaître au fur et à mesure des années. Et c'est vraiment la rencontre avec la JFD, la Journée de la Femme Digitale, c'était il y a plus de 10 ans, c'était le premier événement qui avait mis des chiffres en fait sur le nombre de femmes. Et ça, ça a été pour moi le déclic, en fait, le révélateur qu'il fallait agir et que ce n'était pas normal. Voilà, donc ça, c'est mon déclic.

  • Magaly

    Ça, c'est ton déclic. Et en fait, aujourd'hui, est-ce que tu peux juste nous dire en quoi consistent tes actions par rapport à ce déclic ? Déjà, je pose cette question-là. J'en ai plein de questions, donc on va commencer par celle-là.

  • Sandrine Delage

    J'ai commencé par un engagement personnel, d'ailleurs qu'on partage Magaly. J'ai rejoint au sein de Twitter, puisque c'était vraiment le lieu de cette communauté active, un mouvement, avec un hashtag "Digital Ladies & allies", puisqu'il y avait déjà les hommes, pour agir sur la mixité des équipes qui créent et façonnent la tech et le numérique, qui façonnent notre vie tout court. Donc ça, ça a été un engagement personnel et ensuite je l'ai connecté. C'est en intrapreneuse que je suis, avec la responsable de la diversité de BNP Paribas, Caroline Courtin, qui m'a soutenue pour créer un collectif Women and Girls in Tech avec mon entreprise, BNP Paribas, mais avec Simplon, l'école du numérique, et toujours ce réseau très actif des Digital Ladies & allies. Donc ça, ça a été vraiment le début. Et c'est vrai que c'était à l'époque qu'on a créé, en 2018. À l'époque, on parlait très peu de ces sujets encore. On était un peu perçus, toi aussi j'imagine Magaly, comme des activistes un peu dans le désert. Et donc même les femmes dans la tech avaient eu tellement de mal pour s'imposer qu'elles n'avaient même pas envie de parler. Elles se considéraient comme des hommes comme les autres. Donc ça, c'est 2018. Je pense que tous ces mouvements ont quand même commencé à aider les femmes de la tech à retrouver une fierté d'être une femme dans la tech, de pouvoir prendre la parole, et puis avec des actions concrètes de différentes associations.

  • Magaly

    Et alors, parce que tu vois, j'ai tellement de questions qui me viennent en même temps, alors je vais en poser une première et les autres suivront. Moi, j'ai l'impression que c'est une tâche tellement immense qu'elle impacte, toi, dans tes actions. Qu'est-ce qui fait que tu continues ? Parce que c'est presque un peu désespérant, non, par moment ou c'est moins ma perception ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi, j'ai vécu ce monde rêvé où il y avait quasi la parité des femmes dans la tech. D'accord. C'était pas le même pourcentage, la même répartition. Moi, j'ai fait mes études en 83-86 donc ça fait... Ça se compte en dizaines d'années. Je connaissais Ada Lovelace, puisqu'Ada Lovelace, son prénom a été utilisé pour baptiser le premier langage objet par l'armée américaine. C'était en 84. Moi, c'est mes études. Donc, on a cette perception qu'il y a des femmes dans la tech. Et dans le monde du software, parce que ça reprend exactement, le monde du software, du développement, il y avait beaucoup de femmes. Donc, moi, j'étais quasi à parité dans mes équipes. On le voit bien dans les figures de l'ombre, ces femmes afro-américaines qui vont finalement se saisir du code, le fortran, pour calculer la trajectoire d'Apollo 11. Et ce sont les hommes, par contre, qui ont le hardware, donc la machine. Ça, c'est IBM. Donc, c'est réparti comme ça, mais il y a beaucoup d'équipes féminines qui vont coder. Donc, moi, j'ai vécu ce monde-là. Je sais qu'il est possible, d'abord. pas que pour les femmes, il n'y avait pas d'école aussi d'informatique comme aujourd'hui, donc il y avait tous les profils, tous les visages, les femmes comme des personnes ou des hommes qui n'avaient pas forcément fait d'études, il y avait toutes les cultures. Donc j'ai envie de retrouver ce monde, il n'est pas perdu complètement je pense, mais c'est vrai qu'il y a eu l'ordinateur individuel dans les années 90, et là tu as le geek qui s'est créé ce modèle que moi je n'ai pas connu, c'est-à-dire ce jeune homme adolescent. qui va jour et nuit jouer avec des jeux vidéo et avec une console de jeux. Est-ce que tu te souviens du nom de cette console de jeux ?

  • Magaly

    Atari ?

  • Sandrine Delage

    Non, ça commence par Game.

  • Magaly

    Ah non, encore avant ?

  • Sandrine Delage

    Non, eh bien écoute, c'est la Game Boy.

  • Magaly

    Ah bah oui, bien sûr. J'avais jamais remarqué, Game Boy, pas Game Girl.

  • Sandrine Delage

    Eh bien ouais. Eh bien si ça s'était appelé Game Girl... on n'en serait pas là aujourd'hui. Mais ça, c'est à quel point, mais donc on peut le déconstruire aussi, mais à quel point le champ lexical, les mots que tu vas utiliser, les images et les représentations vont faire que ça bascule tout. Alors que dans d'autres pays qui sont loin de l'égalité des femmes et des hommes, comme en Inde, en Afrique du Nord, par exemple, il y a plus de femmes dans la tech que les hommes, pour des raisons économiques et aussi parce que, par exemple en Inde, pour eux, ils voient tout de suite l'équilibre vie perso, vie pro. Tu n'es pas obligé de sortir de chez toi, tu peux tout faire en télétravail. Et du coup, pour les femmes, ce sont des jobs inespérés, même si elles n'ont pas évidemment des postes de pouvoir. Mais quand même, ça crée une mixité, une parité. Et alors, pourquoi je continue pour répondre à ta question ? Moi, j'ai une approche un peu slow, en fait. Je ne suis pas dans l'extension en me disant, il faut que je touche, ou que je transforme la vie de milliers ou de millions de femmes, parce que ça, c'est tout un autre engagement, et je travaille aussi. Mais même, j'aime l'approche de proximité. C'est-à-dire, ce qui compte pour moi, c'est transformer la vie d'une jeune fille, d'une femme, qui va transformer elle-même, son entourage professionnel, personnel. Donc, chaque femme ou jeune fille qui rejoint un environnement safe dans la tech, il y a tout un travail à faire là-dessus, c'est l'objectif du collectif, eh bien, c'est une victoire et il faut faire la somme de ces victoires. Voilà, je me pose en tout cas dans cette approche pour ne pas être découragée par les chiffres.

  • Magaly

    Alors, j'ai une idée de la réponse, mais je veux poser quand même cette question parce que je pense que la prise de conscience est importante. Tu as dit "ces métiers qui façonnent notre vie ou ces outils qui façonnent notre vie", pourquoi c'est important que le monde de la tech soit représentatif d'une société ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, on le voit là, en ce moment, l'actualité politique nous montre que l'enjeu de la tech, c'est un enjeu politique, économique, sociétal et climatique. Et que même ceux qui aujourd'hui possèdent les plateformes en font un cheval de Troie, même pour, comment dire, imposer leur valeur, nous imposer leur valeur. Et pourquoi c'est si important que ça soit représentatif ? Parce que déjà la tech est dans notre vie de tous les jours. Et qu'on ne peut aussi produire, donc ça c'est l'approche business, on ne peut produire des produits et services adaptés à nos clients et nos clientes que s'il y a des équipes mixtes et diversifiées. Donc l'exemple que je donne souvent, c'est le mannequin, tu sais, crash test des voitures qui a été pendant 50 ans un seul modèle, 77 kilos, pour représenter un modèle masculin en se disant qu'on allait décliner le modèle féminin. Mais en fait, non, il faut le tester. Il faut un mannequin aux mensurations féminines, alors que les femmes ont 73% de risque supplémentaire d'avoir un accident grave dans un choc frontal. Donc moi, ta question, ce que je trouve intéressant, c'est que quand je présente le sujet, j'essaye de le présenter sur l'angle quand même business. Parce que pour moi, le business, ce n'est pas un gros mot. Le business, c'est la durabilité. Tu ne dépends pas d'une personne convaincue, d'un budget à un moment donné, etc. C'est ça dont on a besoin, c'est avoir une approche business en disant tout simplement 50% de vos clients sont des clientes. Et si vous ne faites rien, vous avez même des risques, parce que s'il y a des accidents, par exemple, qui sont plus fréquents pour les femmes parce que vous n'avez pas d'équipe, et c'est le seul moyen, le seul moyen d'avoir des produits et services adaptés à la société, c'est d'avoir des équipes qui ont un recul, un esprit critique. Ils sont capables de se dire « mais non, ça ne marche pas, ce truc, dans la vie de tous les jours ».

  • Magaly

    Il y a un biais, vraiment au premier sens du terme. Je veux revenir aussi, parce que c'est assez rare finalement qu'une responsable engagée comme toi dise finalement « je cherche le slow » . Tu me disais quand on a préparé cet entretien, la notion de pierre dans l'eau et je vois bien les ronds dans l'eau. Est-ce que tu as un ou deux exemples de choses qui te rendent très fière ou de réussite justement dans ce slow et qui permettent l'incarnation de ce que tu projettes ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, un exemple dans mon entreprise, j'ai un peu la double casquette, parce que dans mon entreprise, j'ai créé aussi un collectif interne qui s'appelle Women & Girls in Tech et j'ai relié les filières différentes qui ne se parlent pas forcément. Donc les filières diversité, les filières tech, les filières RH, communication, engagement, dans l'ensemble du groupe BNP Paribas. Et on a ensemble collecté 1,1 million d'euros sur trois ans pour huit associations dédiées à la mixité dans le numérique. Et ce n'était pas seulement de l'argent, c'est de l'accompagnement. Donc en fait, c'est accompagner les bénéficiaires. Et on a des femmes, des jeunes filles qui ont trouvé des stages, des postes chez BNP Paribas, dont une jeune femme afghane qui a été accompagnée par SISTECH et qui est rentrée chez BNP Paribas sur un poste de cybersécurité. Et elle vient d'avoir le trophée coup de cœur Cybersécurité Europe. Donc évidemment, on peut se dire que c'est une personne, mais quand cette personne rayonne à ce point, elle transforme tout l'écosystème, les managers, les collaborateurs, et que ça devient une fierté pour l'entreprise, ça c'est vraiment pour moi une vraie réussite. Évidemment qu'on doit démultiplier, mais c'est possible. Beaucoup de travail, mais c'est possible. Et du côté du collectif, plutôt associatif avec Simplon, on a créé une action box, toujours en sketchnotes, parce que nous on aime montrer que c'est accessible, fun. Moi, j'aime beaucoup la notion de plaisir. Donc, on a créé des sketchnotes qui permettent de montrer les chiffres et surtout les 10 clés qui permettent de changer l'entreprise de l'intérieur issue de notre expérience collective. Donc, c'est un slide, c'est en Creative Commons. Tout ce qu'on fait est en Creative Commons et c'est disponible sur le site wogi.tech et toute personne peut télécharger, l'intégrer dans ces slides pour convaincre son Codir au son Comex, d'agir et comment agir. Voilà. Donc, on a vraiment aussi des réussites concrètes de personnes qui vraiment réfléchissent et cherchent à accueillir ces jeunes filles et ces femmes parce qu'il faut absolument que l'entreprise les accueille. S'il n'y a pas d'accueil, ça peut rester très toxique.

  • Magaly

    Alors, on va revenir juste avant. Est-ce que pour les auditrices et les auditeurs, peut-être moins aguerris, tu peux juste nous préciser ce que c'est que les sketchnotes et ce que c'est que le... Tu as dit comment ?

  • Sandrine Delage

    Creative Commons.

  • Magaly

    Voilà juste pour que ça soit clair. Et puis, on va revenir après sur le problème de l'environnement.

  • Sandrine Delage

    Alors, les sketchnotes, ce sont en fait des illustrations dessinées.

  • Magaly

    D'accord. Ah oui, d'accord. OK.

  • Sandrine Delage

    Voilà. Donc, on a même créé une exposition qui présente Ada Lovelace, qui présente les grandes figures de la tech, mais aussi qui explique les métiers de la tech comme développeuse. Alors, du coup, on entend le féminin dans cette exposition et qui explique les métiers. Pourquoi ? Parce que ces métiers sont invisibles au quotidien. Je reviendrai là-dessus, je vais terminer sur Creative Commons. Creative Commons, c'est un système, c'est un label qui permet à toute personne qui veut utiliser justement ces illustrations de les utiliser sans nous demander le droit d'usage.

  • Magaly

    D'accord, donc on mettra le lien en descriptif de l'épisode pour que tout le monde puisse le trouver. D'accord, donc ça c'est très clair. Tu parlais de l'environnement. Est-ce que tu peux revenir sur ce que tu disais sur le fait que si on n'a pas ces actions-là, ça pose un problème en termes d'environnement de travail. Est-ce que tu peux nous préciser un peu ?

  • Sandrine Delage

    Souvent, le message qui est donné aux femmes, c'est oser. Alors moi, ça m'a aidée parce que ça te montre que c'est possible. Mais en même temps, c'est une injonction. Et pour les femmes, quelque part, c'est presque double peine. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas présentes et c'est presque de leur faute, elles n'osent pas. 43% des étudiantes qui sont en études scientifiques sont découragées par leur entourage, de continuer dans ces métiers. Et il n'y en a plus que 23% de diplômés d'études scientifiques qui vont vers les entreprises pour bien développer leur métier. Donc ça veut dire qu'il y a un frein à rejoindre les entreprises. Et souvent, les entreprises ne se rendent pas compte de l'environnement toxique, de l'environnement gros. Je veux dire, quand tu es la seule femme au milieu de 15 hommes dans une salle de réunion, tu n'es pas forcément entendue, on te coupe souvent la parole. Il y a toujours ce fantasme ou ce mythe que les femmes sont moins bonnes dans les domaines scientifiques que les hommes. Donc en fait, s'il n'y a pas une démarche volontariste de se dire « je veux des femmes et je veux qu'elles restent », qu'est-ce que je leur propose ? Comment je les accueille ? Et déjà, c'est dans le message. On l'a vu avec la Game Boy. En fait, si dans ton message, dans ta fiche de poste, tu expliques que tu es une entreprise qui a agi, qui a une politique de diversité, qui s'intéresse à l'équilibre perso-pro pour toutes et tous, il y a un message d'accueil pour les femmes qui vont se dire : Je ne vais pas avoir de problème quand je vais dire que je pars à 18h pour m'occuper de mes enfants, je peux avoir une vie personnelle et une vie professionnelle, on va me donner des postes intéressants, pas que de la maintenance parce que je suis une femme. On va me permettre d'avoir de la formation. On va me donner des chances pour que je puisse évoluer. Donc, tout ça fait partie d'une approche volontariste et proactive des entreprises.

  • Magaly

    Mais alors, je vais me faire l'avocat du diable parce que moi, j'aime bien, tu vois, que les objections soient aussi formalisées. Aujourd'hui, il y a des grands acteurs de la tech. Alors, je ne vais pas les citer ici, mais si on prend ne serait-ce que les GAFA ou si on va jusqu'aux GAFAM, à ma connaissance, mais peut-être que tu vas nous dire le contraire, ils n'ont pas fait ce travail-là, et pour autant, ils ont pris un leadership, comme tu l'as dit, sur notre vie. Et finalement, est-ce que ce n'est pas la preuve que tu peux très bien te passer des femmes et donc pourquoi faire l'effort ?

  • Sandrine Delage

    Alors, deux choses dans la réponse. D'abord, justement, je pense qu'un des mythes à faire tomber, c'est que la tech appartient seulement à des grandes plateformes de tech. En fait, toutes les entreprises sont tech, puisque toutes les entreprises proposent des services et produits digitaux informatiques. Donc, je crois que ça, ce n'est pas encore perçu. Et peut-être que les entreprises, justement, ne se sentant pas une entreprise de la tech, ne prennent pas la mesure du sujet de l'importance de la mixité de leurs équipes. Et c'est intéressant de voir L'Oréal, par exemple, qui a développé tout un concept Beauty Tech, à la fois pour leurs clientes ou clients, en disant que la tech peut les augmenter avec, tu sais, les applications qui permettent de tester ton rouge à lèvres, par exemple. Mais c'est aussi un label qui est pour les collaborateurs et les collaboratrices en disant que la tech sera aussi au service de leur développement personnel et qu'étant donné qu'ils bénéficieront de toutes les possibilités, avantages qu'on voit aussi avec l'intelligence artificielle. Donc ça, c'est déjà la première chose de ne pas limiter le champ seulement aux GAFA ou aux GAFAM. Deuxième chose, en fait, il y a quand même un sujet de recrutement parce qu'aujourd'hui, la croissance, elle est basée sur le digital ou la tech, sauf qu'il n'y a pas assez de main-d'œuvre. Donc, la façon de trouver la main-d'œuvre, c'est d'accueillir les femmes. Donc ça, c'est même une exigence essentielle d'aller chercher un vivier qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Ce n'est pas avec le vivier actuel qu'on va pouvoir développer le numérique. Et ça, c'est aussi une citation comme quoi même en France, le numérique deviendra le premier employeur en France, au sens des métiers qui seront utiles et nécessaires. Et d'ailleurs, le gouvernement va développer plusieurs clusters de formation pour former plus de 100 000 experts en intelligence artificielle chaque année. Donc, le besoin en talent est immense. Il ne pourra pas être résorbé si les femmes ne s'y mettent pas. Ça, c'est la deuxième chose. Donc, ça, c'est très important. Et encore une fois, quand on produit des services qui ne sont pas adaptés à l'ensemble de la population, on génère des risques. Comme les médicaments, tout simplement, mais même les médicaments. Les médicaments qui ne sont pas testés sur un échantillon féminin.

  • Magaly

    Et donc sur des caractéristiques qui sont très différentes, et donc avec des effets secondaires qui ne sont pas mesurés, bien sûr. J'ai une dernière question pour toi, Sandrine. Je suis très admirative de la façon dont tu es justement arrivée à articuler action et business, la façon dont tu es arrivée à t'ancrer aussi dans ton entreprise, parce que je partage complètement ton point sur la longévité que ça donne à tes actions. Pour toi, c'est quoi les clés pour réussir justement cette articulation et que tes actions à impact soient bien accrochées finalement dans la pérennité à une entreprise ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà parce que le collectif Women & Girls in Tech a pour cible principale les entreprises. Même si nous on a cette exposition de sketchnote pour les jeunes filles, on va passer par les écosystèmes existants, les associations, les entreprises. Et c'est ce maillage-là qui fait et qui ancre nos actions. Et là, tu vois bien que le champ d'action est immense, puisque toutes les entreprises n'ont pas encore cette perception qu'elles sont elles-mêmes des entreprises de la tech et que du coup, elles doivent passer à cette réflexion de comment du coup, j'accueille une diversité dans mes équipes. Et l'enjeu pour moi de demain, mais l'actualité finalement est un révélateur, que la tech est dans notre vie et qu'on doit s'en saisir. On doit avoir un esprit critique, on doit la comprendre et on doit pouvoir adapter nos usages. Et aujourd'hui, je trouve que ce qui est complexe, c'est que la tech est partout, mais qu'elle est invisible. En fait, tout est fait pour penser que la tech est dématérialisée, alors que déjà, elle est très matérielle. Tu as un smartphone, tu as des câbles, tu as des data centers. Tout cela est très matériel, mais tout cela est masqué au grand public. Et de la même manière que les métiers sont invisibles. Si tu demandes à des jeunes filles qu'est-ce qu'elles veulent devenir plus tard, elles vont te dire esthéticienne, avocate, secrétaire, médecin. Parce qu'en fait, elles ne savent pas qu'il existe le métier de UX designer, de cybersécurité expert. Donc pour moi, pour arriver à réussir demain, il faut qu'on arrive à révéler ou à faire voir, voir au sens regarder, à matérialiser ce qu'est la tech et ses métiers et ses enjeux. Voilà, ça, c'est pour moi le prochain levier qui est un levier plus grand public.

  • Magaly

    Écoute, Sandrine, merci beaucoup pour ce partage et merci pour ce que tu fais en tant que femme et en tant que mère de fille. Je vois bien que c'est une action qui est hyper importante. Merci.

  • Sandrine Delage

    Merci à toi Magaly.

  • Magaly

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Capital Humain. J'ai adoré comment Sandrine, avec beaucoup d'humilité, nous a expliqué son impact, nous a expliqué aussi l'impact de ses actions et sa vision d'une inclusivité qui est la seule option aujourd'hui pour le monde de l'entreprise. Ce n'est pas juste une position d'équité, ce n'est pas juste une position d'inclusion, c'est aussi une position de réalisme. S'il n'y a pas plus de diversité dans le monde de la tech, alors les emplois ne seront pas pourvus. Et ça, c'est très important de l'avoir en tête. À bientôt pour un nouvel épisode.

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Description

Dans cet épisode de Capital Humain, Magaly Siméon reçoit Sandrine Delage, Inclusion & Tech Senior Advisor chez BNP Paribas et co-fondatrice de WoGiTech (Women & Girls in Tech). Ensemble, elles décryptent les enjeux de la mixité dans le secteur technologique et l’urgence d’une prise de conscience collective.

Pourquoi les femmes sont-elles encore sous-représentées ? Comment déconstruire les stéréotypes et favoriser un environnement inclusif ?

Sandrine nous partage son engagement, depuis le déclic qui l’a menée à agir jusqu’aux actions concrètes mises en place chez BNP Paribas et WoGiTech.

Un échange inspirant qui prouve que l’inclusion n’est pas qu’une question d’égalité, mais aussi un impératif économique et stratégique pour les entreprises. À écouter sans tarder !


Quelques extraits :

  • "Si ça s'était appelé Game Girl, on n’en serait pas là aujourd’hui."

  • "43% des étudiantes en sciences sont découragées de poursuivre dans la tech."

  • "Un produit conçu par une équipe homogène ne répondra jamais aux besoins de toute la société."


"Capital Humain" est un podcast de Magaly Siméon, experte QVT, charge mentale et conciliation, produit par Lily facilite la vie.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Magaly

    Sandrine Delage est une figure emblématique de l'inclusion dans le secteur technologique, un enjeu fondamental du XXIe siècle. Elle est aussi co-fondatrice de Women and Girls in Tech, qu'elle a très clairement ancré dans le champ du business et de l'entreprise. C'est à ce titre qu'elle va témoigner aujourd'hui pour une tech plus inclusive. Bonjour Sandrine.

  • Sandrine Delage

    Bonjour Magaly.

  • Magaly

    Sandrine, je considère que tu es une des plus anciennes, en termes de durée, engagées en faveur de l'inclusion des femmes et dans un secteur où il n'y en a pas des masses. Est-ce que tu peux déjà me dire comment ça t'est venu ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi déjà, je suis une femme de la tech, j'adore la tech. J'ai commencé à coder à 19 ans, à un moment où il y avait beaucoup de femmes, puisqu'à cette époque, dans le développement, il y avait beaucoup de femmes. Et j'ai vu les femmes disparaître au fur et à mesure des années. Et c'est vraiment la rencontre avec la JFD, la Journée de la Femme Digitale, c'était il y a plus de 10 ans, c'était le premier événement qui avait mis des chiffres en fait sur le nombre de femmes. Et ça, ça a été pour moi le déclic, en fait, le révélateur qu'il fallait agir et que ce n'était pas normal. Voilà, donc ça, c'est mon déclic.

  • Magaly

    Ça, c'est ton déclic. Et en fait, aujourd'hui, est-ce que tu peux juste nous dire en quoi consistent tes actions par rapport à ce déclic ? Déjà, je pose cette question-là. J'en ai plein de questions, donc on va commencer par celle-là.

  • Sandrine Delage

    J'ai commencé par un engagement personnel, d'ailleurs qu'on partage Magaly. J'ai rejoint au sein de Twitter, puisque c'était vraiment le lieu de cette communauté active, un mouvement, avec un hashtag "Digital Ladies & allies", puisqu'il y avait déjà les hommes, pour agir sur la mixité des équipes qui créent et façonnent la tech et le numérique, qui façonnent notre vie tout court. Donc ça, ça a été un engagement personnel et ensuite je l'ai connecté. C'est en intrapreneuse que je suis, avec la responsable de la diversité de BNP Paribas, Caroline Courtin, qui m'a soutenue pour créer un collectif Women and Girls in Tech avec mon entreprise, BNP Paribas, mais avec Simplon, l'école du numérique, et toujours ce réseau très actif des Digital Ladies & allies. Donc ça, ça a été vraiment le début. Et c'est vrai que c'était à l'époque qu'on a créé, en 2018. À l'époque, on parlait très peu de ces sujets encore. On était un peu perçus, toi aussi j'imagine Magaly, comme des activistes un peu dans le désert. Et donc même les femmes dans la tech avaient eu tellement de mal pour s'imposer qu'elles n'avaient même pas envie de parler. Elles se considéraient comme des hommes comme les autres. Donc ça, c'est 2018. Je pense que tous ces mouvements ont quand même commencé à aider les femmes de la tech à retrouver une fierté d'être une femme dans la tech, de pouvoir prendre la parole, et puis avec des actions concrètes de différentes associations.

  • Magaly

    Et alors, parce que tu vois, j'ai tellement de questions qui me viennent en même temps, alors je vais en poser une première et les autres suivront. Moi, j'ai l'impression que c'est une tâche tellement immense qu'elle impacte, toi, dans tes actions. Qu'est-ce qui fait que tu continues ? Parce que c'est presque un peu désespérant, non, par moment ou c'est moins ma perception ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi, j'ai vécu ce monde rêvé où il y avait quasi la parité des femmes dans la tech. D'accord. C'était pas le même pourcentage, la même répartition. Moi, j'ai fait mes études en 83-86 donc ça fait... Ça se compte en dizaines d'années. Je connaissais Ada Lovelace, puisqu'Ada Lovelace, son prénom a été utilisé pour baptiser le premier langage objet par l'armée américaine. C'était en 84. Moi, c'est mes études. Donc, on a cette perception qu'il y a des femmes dans la tech. Et dans le monde du software, parce que ça reprend exactement, le monde du software, du développement, il y avait beaucoup de femmes. Donc, moi, j'étais quasi à parité dans mes équipes. On le voit bien dans les figures de l'ombre, ces femmes afro-américaines qui vont finalement se saisir du code, le fortran, pour calculer la trajectoire d'Apollo 11. Et ce sont les hommes, par contre, qui ont le hardware, donc la machine. Ça, c'est IBM. Donc, c'est réparti comme ça, mais il y a beaucoup d'équipes féminines qui vont coder. Donc, moi, j'ai vécu ce monde-là. Je sais qu'il est possible, d'abord. pas que pour les femmes, il n'y avait pas d'école aussi d'informatique comme aujourd'hui, donc il y avait tous les profils, tous les visages, les femmes comme des personnes ou des hommes qui n'avaient pas forcément fait d'études, il y avait toutes les cultures. Donc j'ai envie de retrouver ce monde, il n'est pas perdu complètement je pense, mais c'est vrai qu'il y a eu l'ordinateur individuel dans les années 90, et là tu as le geek qui s'est créé ce modèle que moi je n'ai pas connu, c'est-à-dire ce jeune homme adolescent. qui va jour et nuit jouer avec des jeux vidéo et avec une console de jeux. Est-ce que tu te souviens du nom de cette console de jeux ?

  • Magaly

    Atari ?

  • Sandrine Delage

    Non, ça commence par Game.

  • Magaly

    Ah non, encore avant ?

  • Sandrine Delage

    Non, eh bien écoute, c'est la Game Boy.

  • Magaly

    Ah bah oui, bien sûr. J'avais jamais remarqué, Game Boy, pas Game Girl.

  • Sandrine Delage

    Eh bien ouais. Eh bien si ça s'était appelé Game Girl... on n'en serait pas là aujourd'hui. Mais ça, c'est à quel point, mais donc on peut le déconstruire aussi, mais à quel point le champ lexical, les mots que tu vas utiliser, les images et les représentations vont faire que ça bascule tout. Alors que dans d'autres pays qui sont loin de l'égalité des femmes et des hommes, comme en Inde, en Afrique du Nord, par exemple, il y a plus de femmes dans la tech que les hommes, pour des raisons économiques et aussi parce que, par exemple en Inde, pour eux, ils voient tout de suite l'équilibre vie perso, vie pro. Tu n'es pas obligé de sortir de chez toi, tu peux tout faire en télétravail. Et du coup, pour les femmes, ce sont des jobs inespérés, même si elles n'ont pas évidemment des postes de pouvoir. Mais quand même, ça crée une mixité, une parité. Et alors, pourquoi je continue pour répondre à ta question ? Moi, j'ai une approche un peu slow, en fait. Je ne suis pas dans l'extension en me disant, il faut que je touche, ou que je transforme la vie de milliers ou de millions de femmes, parce que ça, c'est tout un autre engagement, et je travaille aussi. Mais même, j'aime l'approche de proximité. C'est-à-dire, ce qui compte pour moi, c'est transformer la vie d'une jeune fille, d'une femme, qui va transformer elle-même, son entourage professionnel, personnel. Donc, chaque femme ou jeune fille qui rejoint un environnement safe dans la tech, il y a tout un travail à faire là-dessus, c'est l'objectif du collectif, eh bien, c'est une victoire et il faut faire la somme de ces victoires. Voilà, je me pose en tout cas dans cette approche pour ne pas être découragée par les chiffres.

  • Magaly

    Alors, j'ai une idée de la réponse, mais je veux poser quand même cette question parce que je pense que la prise de conscience est importante. Tu as dit "ces métiers qui façonnent notre vie ou ces outils qui façonnent notre vie", pourquoi c'est important que le monde de la tech soit représentatif d'une société ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, on le voit là, en ce moment, l'actualité politique nous montre que l'enjeu de la tech, c'est un enjeu politique, économique, sociétal et climatique. Et que même ceux qui aujourd'hui possèdent les plateformes en font un cheval de Troie, même pour, comment dire, imposer leur valeur, nous imposer leur valeur. Et pourquoi c'est si important que ça soit représentatif ? Parce que déjà la tech est dans notre vie de tous les jours. Et qu'on ne peut aussi produire, donc ça c'est l'approche business, on ne peut produire des produits et services adaptés à nos clients et nos clientes que s'il y a des équipes mixtes et diversifiées. Donc l'exemple que je donne souvent, c'est le mannequin, tu sais, crash test des voitures qui a été pendant 50 ans un seul modèle, 77 kilos, pour représenter un modèle masculin en se disant qu'on allait décliner le modèle féminin. Mais en fait, non, il faut le tester. Il faut un mannequin aux mensurations féminines, alors que les femmes ont 73% de risque supplémentaire d'avoir un accident grave dans un choc frontal. Donc moi, ta question, ce que je trouve intéressant, c'est que quand je présente le sujet, j'essaye de le présenter sur l'angle quand même business. Parce que pour moi, le business, ce n'est pas un gros mot. Le business, c'est la durabilité. Tu ne dépends pas d'une personne convaincue, d'un budget à un moment donné, etc. C'est ça dont on a besoin, c'est avoir une approche business en disant tout simplement 50% de vos clients sont des clientes. Et si vous ne faites rien, vous avez même des risques, parce que s'il y a des accidents, par exemple, qui sont plus fréquents pour les femmes parce que vous n'avez pas d'équipe, et c'est le seul moyen, le seul moyen d'avoir des produits et services adaptés à la société, c'est d'avoir des équipes qui ont un recul, un esprit critique. Ils sont capables de se dire « mais non, ça ne marche pas, ce truc, dans la vie de tous les jours ».

  • Magaly

    Il y a un biais, vraiment au premier sens du terme. Je veux revenir aussi, parce que c'est assez rare finalement qu'une responsable engagée comme toi dise finalement « je cherche le slow » . Tu me disais quand on a préparé cet entretien, la notion de pierre dans l'eau et je vois bien les ronds dans l'eau. Est-ce que tu as un ou deux exemples de choses qui te rendent très fière ou de réussite justement dans ce slow et qui permettent l'incarnation de ce que tu projettes ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, un exemple dans mon entreprise, j'ai un peu la double casquette, parce que dans mon entreprise, j'ai créé aussi un collectif interne qui s'appelle Women & Girls in Tech et j'ai relié les filières différentes qui ne se parlent pas forcément. Donc les filières diversité, les filières tech, les filières RH, communication, engagement, dans l'ensemble du groupe BNP Paribas. Et on a ensemble collecté 1,1 million d'euros sur trois ans pour huit associations dédiées à la mixité dans le numérique. Et ce n'était pas seulement de l'argent, c'est de l'accompagnement. Donc en fait, c'est accompagner les bénéficiaires. Et on a des femmes, des jeunes filles qui ont trouvé des stages, des postes chez BNP Paribas, dont une jeune femme afghane qui a été accompagnée par SISTECH et qui est rentrée chez BNP Paribas sur un poste de cybersécurité. Et elle vient d'avoir le trophée coup de cœur Cybersécurité Europe. Donc évidemment, on peut se dire que c'est une personne, mais quand cette personne rayonne à ce point, elle transforme tout l'écosystème, les managers, les collaborateurs, et que ça devient une fierté pour l'entreprise, ça c'est vraiment pour moi une vraie réussite. Évidemment qu'on doit démultiplier, mais c'est possible. Beaucoup de travail, mais c'est possible. Et du côté du collectif, plutôt associatif avec Simplon, on a créé une action box, toujours en sketchnotes, parce que nous on aime montrer que c'est accessible, fun. Moi, j'aime beaucoup la notion de plaisir. Donc, on a créé des sketchnotes qui permettent de montrer les chiffres et surtout les 10 clés qui permettent de changer l'entreprise de l'intérieur issue de notre expérience collective. Donc, c'est un slide, c'est en Creative Commons. Tout ce qu'on fait est en Creative Commons et c'est disponible sur le site wogi.tech et toute personne peut télécharger, l'intégrer dans ces slides pour convaincre son Codir au son Comex, d'agir et comment agir. Voilà. Donc, on a vraiment aussi des réussites concrètes de personnes qui vraiment réfléchissent et cherchent à accueillir ces jeunes filles et ces femmes parce qu'il faut absolument que l'entreprise les accueille. S'il n'y a pas d'accueil, ça peut rester très toxique.

  • Magaly

    Alors, on va revenir juste avant. Est-ce que pour les auditrices et les auditeurs, peut-être moins aguerris, tu peux juste nous préciser ce que c'est que les sketchnotes et ce que c'est que le... Tu as dit comment ?

  • Sandrine Delage

    Creative Commons.

  • Magaly

    Voilà juste pour que ça soit clair. Et puis, on va revenir après sur le problème de l'environnement.

  • Sandrine Delage

    Alors, les sketchnotes, ce sont en fait des illustrations dessinées.

  • Magaly

    D'accord. Ah oui, d'accord. OK.

  • Sandrine Delage

    Voilà. Donc, on a même créé une exposition qui présente Ada Lovelace, qui présente les grandes figures de la tech, mais aussi qui explique les métiers de la tech comme développeuse. Alors, du coup, on entend le féminin dans cette exposition et qui explique les métiers. Pourquoi ? Parce que ces métiers sont invisibles au quotidien. Je reviendrai là-dessus, je vais terminer sur Creative Commons. Creative Commons, c'est un système, c'est un label qui permet à toute personne qui veut utiliser justement ces illustrations de les utiliser sans nous demander le droit d'usage.

  • Magaly

    D'accord, donc on mettra le lien en descriptif de l'épisode pour que tout le monde puisse le trouver. D'accord, donc ça c'est très clair. Tu parlais de l'environnement. Est-ce que tu peux revenir sur ce que tu disais sur le fait que si on n'a pas ces actions-là, ça pose un problème en termes d'environnement de travail. Est-ce que tu peux nous préciser un peu ?

  • Sandrine Delage

    Souvent, le message qui est donné aux femmes, c'est oser. Alors moi, ça m'a aidée parce que ça te montre que c'est possible. Mais en même temps, c'est une injonction. Et pour les femmes, quelque part, c'est presque double peine. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas présentes et c'est presque de leur faute, elles n'osent pas. 43% des étudiantes qui sont en études scientifiques sont découragées par leur entourage, de continuer dans ces métiers. Et il n'y en a plus que 23% de diplômés d'études scientifiques qui vont vers les entreprises pour bien développer leur métier. Donc ça veut dire qu'il y a un frein à rejoindre les entreprises. Et souvent, les entreprises ne se rendent pas compte de l'environnement toxique, de l'environnement gros. Je veux dire, quand tu es la seule femme au milieu de 15 hommes dans une salle de réunion, tu n'es pas forcément entendue, on te coupe souvent la parole. Il y a toujours ce fantasme ou ce mythe que les femmes sont moins bonnes dans les domaines scientifiques que les hommes. Donc en fait, s'il n'y a pas une démarche volontariste de se dire « je veux des femmes et je veux qu'elles restent », qu'est-ce que je leur propose ? Comment je les accueille ? Et déjà, c'est dans le message. On l'a vu avec la Game Boy. En fait, si dans ton message, dans ta fiche de poste, tu expliques que tu es une entreprise qui a agi, qui a une politique de diversité, qui s'intéresse à l'équilibre perso-pro pour toutes et tous, il y a un message d'accueil pour les femmes qui vont se dire : Je ne vais pas avoir de problème quand je vais dire que je pars à 18h pour m'occuper de mes enfants, je peux avoir une vie personnelle et une vie professionnelle, on va me donner des postes intéressants, pas que de la maintenance parce que je suis une femme. On va me permettre d'avoir de la formation. On va me donner des chances pour que je puisse évoluer. Donc, tout ça fait partie d'une approche volontariste et proactive des entreprises.

  • Magaly

    Mais alors, je vais me faire l'avocat du diable parce que moi, j'aime bien, tu vois, que les objections soient aussi formalisées. Aujourd'hui, il y a des grands acteurs de la tech. Alors, je ne vais pas les citer ici, mais si on prend ne serait-ce que les GAFA ou si on va jusqu'aux GAFAM, à ma connaissance, mais peut-être que tu vas nous dire le contraire, ils n'ont pas fait ce travail-là, et pour autant, ils ont pris un leadership, comme tu l'as dit, sur notre vie. Et finalement, est-ce que ce n'est pas la preuve que tu peux très bien te passer des femmes et donc pourquoi faire l'effort ?

  • Sandrine Delage

    Alors, deux choses dans la réponse. D'abord, justement, je pense qu'un des mythes à faire tomber, c'est que la tech appartient seulement à des grandes plateformes de tech. En fait, toutes les entreprises sont tech, puisque toutes les entreprises proposent des services et produits digitaux informatiques. Donc, je crois que ça, ce n'est pas encore perçu. Et peut-être que les entreprises, justement, ne se sentant pas une entreprise de la tech, ne prennent pas la mesure du sujet de l'importance de la mixité de leurs équipes. Et c'est intéressant de voir L'Oréal, par exemple, qui a développé tout un concept Beauty Tech, à la fois pour leurs clientes ou clients, en disant que la tech peut les augmenter avec, tu sais, les applications qui permettent de tester ton rouge à lèvres, par exemple. Mais c'est aussi un label qui est pour les collaborateurs et les collaboratrices en disant que la tech sera aussi au service de leur développement personnel et qu'étant donné qu'ils bénéficieront de toutes les possibilités, avantages qu'on voit aussi avec l'intelligence artificielle. Donc ça, c'est déjà la première chose de ne pas limiter le champ seulement aux GAFA ou aux GAFAM. Deuxième chose, en fait, il y a quand même un sujet de recrutement parce qu'aujourd'hui, la croissance, elle est basée sur le digital ou la tech, sauf qu'il n'y a pas assez de main-d'œuvre. Donc, la façon de trouver la main-d'œuvre, c'est d'accueillir les femmes. Donc ça, c'est même une exigence essentielle d'aller chercher un vivier qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Ce n'est pas avec le vivier actuel qu'on va pouvoir développer le numérique. Et ça, c'est aussi une citation comme quoi même en France, le numérique deviendra le premier employeur en France, au sens des métiers qui seront utiles et nécessaires. Et d'ailleurs, le gouvernement va développer plusieurs clusters de formation pour former plus de 100 000 experts en intelligence artificielle chaque année. Donc, le besoin en talent est immense. Il ne pourra pas être résorbé si les femmes ne s'y mettent pas. Ça, c'est la deuxième chose. Donc, ça, c'est très important. Et encore une fois, quand on produit des services qui ne sont pas adaptés à l'ensemble de la population, on génère des risques. Comme les médicaments, tout simplement, mais même les médicaments. Les médicaments qui ne sont pas testés sur un échantillon féminin.

  • Magaly

    Et donc sur des caractéristiques qui sont très différentes, et donc avec des effets secondaires qui ne sont pas mesurés, bien sûr. J'ai une dernière question pour toi, Sandrine. Je suis très admirative de la façon dont tu es justement arrivée à articuler action et business, la façon dont tu es arrivée à t'ancrer aussi dans ton entreprise, parce que je partage complètement ton point sur la longévité que ça donne à tes actions. Pour toi, c'est quoi les clés pour réussir justement cette articulation et que tes actions à impact soient bien accrochées finalement dans la pérennité à une entreprise ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà parce que le collectif Women & Girls in Tech a pour cible principale les entreprises. Même si nous on a cette exposition de sketchnote pour les jeunes filles, on va passer par les écosystèmes existants, les associations, les entreprises. Et c'est ce maillage-là qui fait et qui ancre nos actions. Et là, tu vois bien que le champ d'action est immense, puisque toutes les entreprises n'ont pas encore cette perception qu'elles sont elles-mêmes des entreprises de la tech et que du coup, elles doivent passer à cette réflexion de comment du coup, j'accueille une diversité dans mes équipes. Et l'enjeu pour moi de demain, mais l'actualité finalement est un révélateur, que la tech est dans notre vie et qu'on doit s'en saisir. On doit avoir un esprit critique, on doit la comprendre et on doit pouvoir adapter nos usages. Et aujourd'hui, je trouve que ce qui est complexe, c'est que la tech est partout, mais qu'elle est invisible. En fait, tout est fait pour penser que la tech est dématérialisée, alors que déjà, elle est très matérielle. Tu as un smartphone, tu as des câbles, tu as des data centers. Tout cela est très matériel, mais tout cela est masqué au grand public. Et de la même manière que les métiers sont invisibles. Si tu demandes à des jeunes filles qu'est-ce qu'elles veulent devenir plus tard, elles vont te dire esthéticienne, avocate, secrétaire, médecin. Parce qu'en fait, elles ne savent pas qu'il existe le métier de UX designer, de cybersécurité expert. Donc pour moi, pour arriver à réussir demain, il faut qu'on arrive à révéler ou à faire voir, voir au sens regarder, à matérialiser ce qu'est la tech et ses métiers et ses enjeux. Voilà, ça, c'est pour moi le prochain levier qui est un levier plus grand public.

  • Magaly

    Écoute, Sandrine, merci beaucoup pour ce partage et merci pour ce que tu fais en tant que femme et en tant que mère de fille. Je vois bien que c'est une action qui est hyper importante. Merci.

  • Sandrine Delage

    Merci à toi Magaly.

  • Magaly

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Capital Humain. J'ai adoré comment Sandrine, avec beaucoup d'humilité, nous a expliqué son impact, nous a expliqué aussi l'impact de ses actions et sa vision d'une inclusivité qui est la seule option aujourd'hui pour le monde de l'entreprise. Ce n'est pas juste une position d'équité, ce n'est pas juste une position d'inclusion, c'est aussi une position de réalisme. S'il n'y a pas plus de diversité dans le monde de la tech, alors les emplois ne seront pas pourvus. Et ça, c'est très important de l'avoir en tête. À bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Dans cet épisode de Capital Humain, Magaly Siméon reçoit Sandrine Delage, Inclusion & Tech Senior Advisor chez BNP Paribas et co-fondatrice de WoGiTech (Women & Girls in Tech). Ensemble, elles décryptent les enjeux de la mixité dans le secteur technologique et l’urgence d’une prise de conscience collective.

Pourquoi les femmes sont-elles encore sous-représentées ? Comment déconstruire les stéréotypes et favoriser un environnement inclusif ?

Sandrine nous partage son engagement, depuis le déclic qui l’a menée à agir jusqu’aux actions concrètes mises en place chez BNP Paribas et WoGiTech.

Un échange inspirant qui prouve que l’inclusion n’est pas qu’une question d’égalité, mais aussi un impératif économique et stratégique pour les entreprises. À écouter sans tarder !


Quelques extraits :

  • "Si ça s'était appelé Game Girl, on n’en serait pas là aujourd’hui."

  • "43% des étudiantes en sciences sont découragées de poursuivre dans la tech."

  • "Un produit conçu par une équipe homogène ne répondra jamais aux besoins de toute la société."


"Capital Humain" est un podcast de Magaly Siméon, experte QVT, charge mentale et conciliation, produit par Lily facilite la vie.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Magaly

    Sandrine Delage est une figure emblématique de l'inclusion dans le secteur technologique, un enjeu fondamental du XXIe siècle. Elle est aussi co-fondatrice de Women and Girls in Tech, qu'elle a très clairement ancré dans le champ du business et de l'entreprise. C'est à ce titre qu'elle va témoigner aujourd'hui pour une tech plus inclusive. Bonjour Sandrine.

  • Sandrine Delage

    Bonjour Magaly.

  • Magaly

    Sandrine, je considère que tu es une des plus anciennes, en termes de durée, engagées en faveur de l'inclusion des femmes et dans un secteur où il n'y en a pas des masses. Est-ce que tu peux déjà me dire comment ça t'est venu ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi déjà, je suis une femme de la tech, j'adore la tech. J'ai commencé à coder à 19 ans, à un moment où il y avait beaucoup de femmes, puisqu'à cette époque, dans le développement, il y avait beaucoup de femmes. Et j'ai vu les femmes disparaître au fur et à mesure des années. Et c'est vraiment la rencontre avec la JFD, la Journée de la Femme Digitale, c'était il y a plus de 10 ans, c'était le premier événement qui avait mis des chiffres en fait sur le nombre de femmes. Et ça, ça a été pour moi le déclic, en fait, le révélateur qu'il fallait agir et que ce n'était pas normal. Voilà, donc ça, c'est mon déclic.

  • Magaly

    Ça, c'est ton déclic. Et en fait, aujourd'hui, est-ce que tu peux juste nous dire en quoi consistent tes actions par rapport à ce déclic ? Déjà, je pose cette question-là. J'en ai plein de questions, donc on va commencer par celle-là.

  • Sandrine Delage

    J'ai commencé par un engagement personnel, d'ailleurs qu'on partage Magaly. J'ai rejoint au sein de Twitter, puisque c'était vraiment le lieu de cette communauté active, un mouvement, avec un hashtag "Digital Ladies & allies", puisqu'il y avait déjà les hommes, pour agir sur la mixité des équipes qui créent et façonnent la tech et le numérique, qui façonnent notre vie tout court. Donc ça, ça a été un engagement personnel et ensuite je l'ai connecté. C'est en intrapreneuse que je suis, avec la responsable de la diversité de BNP Paribas, Caroline Courtin, qui m'a soutenue pour créer un collectif Women and Girls in Tech avec mon entreprise, BNP Paribas, mais avec Simplon, l'école du numérique, et toujours ce réseau très actif des Digital Ladies & allies. Donc ça, ça a été vraiment le début. Et c'est vrai que c'était à l'époque qu'on a créé, en 2018. À l'époque, on parlait très peu de ces sujets encore. On était un peu perçus, toi aussi j'imagine Magaly, comme des activistes un peu dans le désert. Et donc même les femmes dans la tech avaient eu tellement de mal pour s'imposer qu'elles n'avaient même pas envie de parler. Elles se considéraient comme des hommes comme les autres. Donc ça, c'est 2018. Je pense que tous ces mouvements ont quand même commencé à aider les femmes de la tech à retrouver une fierté d'être une femme dans la tech, de pouvoir prendre la parole, et puis avec des actions concrètes de différentes associations.

  • Magaly

    Et alors, parce que tu vois, j'ai tellement de questions qui me viennent en même temps, alors je vais en poser une première et les autres suivront. Moi, j'ai l'impression que c'est une tâche tellement immense qu'elle impacte, toi, dans tes actions. Qu'est-ce qui fait que tu continues ? Parce que c'est presque un peu désespérant, non, par moment ou c'est moins ma perception ?

  • Sandrine Delage

    Alors moi, j'ai vécu ce monde rêvé où il y avait quasi la parité des femmes dans la tech. D'accord. C'était pas le même pourcentage, la même répartition. Moi, j'ai fait mes études en 83-86 donc ça fait... Ça se compte en dizaines d'années. Je connaissais Ada Lovelace, puisqu'Ada Lovelace, son prénom a été utilisé pour baptiser le premier langage objet par l'armée américaine. C'était en 84. Moi, c'est mes études. Donc, on a cette perception qu'il y a des femmes dans la tech. Et dans le monde du software, parce que ça reprend exactement, le monde du software, du développement, il y avait beaucoup de femmes. Donc, moi, j'étais quasi à parité dans mes équipes. On le voit bien dans les figures de l'ombre, ces femmes afro-américaines qui vont finalement se saisir du code, le fortran, pour calculer la trajectoire d'Apollo 11. Et ce sont les hommes, par contre, qui ont le hardware, donc la machine. Ça, c'est IBM. Donc, c'est réparti comme ça, mais il y a beaucoup d'équipes féminines qui vont coder. Donc, moi, j'ai vécu ce monde-là. Je sais qu'il est possible, d'abord. pas que pour les femmes, il n'y avait pas d'école aussi d'informatique comme aujourd'hui, donc il y avait tous les profils, tous les visages, les femmes comme des personnes ou des hommes qui n'avaient pas forcément fait d'études, il y avait toutes les cultures. Donc j'ai envie de retrouver ce monde, il n'est pas perdu complètement je pense, mais c'est vrai qu'il y a eu l'ordinateur individuel dans les années 90, et là tu as le geek qui s'est créé ce modèle que moi je n'ai pas connu, c'est-à-dire ce jeune homme adolescent. qui va jour et nuit jouer avec des jeux vidéo et avec une console de jeux. Est-ce que tu te souviens du nom de cette console de jeux ?

  • Magaly

    Atari ?

  • Sandrine Delage

    Non, ça commence par Game.

  • Magaly

    Ah non, encore avant ?

  • Sandrine Delage

    Non, eh bien écoute, c'est la Game Boy.

  • Magaly

    Ah bah oui, bien sûr. J'avais jamais remarqué, Game Boy, pas Game Girl.

  • Sandrine Delage

    Eh bien ouais. Eh bien si ça s'était appelé Game Girl... on n'en serait pas là aujourd'hui. Mais ça, c'est à quel point, mais donc on peut le déconstruire aussi, mais à quel point le champ lexical, les mots que tu vas utiliser, les images et les représentations vont faire que ça bascule tout. Alors que dans d'autres pays qui sont loin de l'égalité des femmes et des hommes, comme en Inde, en Afrique du Nord, par exemple, il y a plus de femmes dans la tech que les hommes, pour des raisons économiques et aussi parce que, par exemple en Inde, pour eux, ils voient tout de suite l'équilibre vie perso, vie pro. Tu n'es pas obligé de sortir de chez toi, tu peux tout faire en télétravail. Et du coup, pour les femmes, ce sont des jobs inespérés, même si elles n'ont pas évidemment des postes de pouvoir. Mais quand même, ça crée une mixité, une parité. Et alors, pourquoi je continue pour répondre à ta question ? Moi, j'ai une approche un peu slow, en fait. Je ne suis pas dans l'extension en me disant, il faut que je touche, ou que je transforme la vie de milliers ou de millions de femmes, parce que ça, c'est tout un autre engagement, et je travaille aussi. Mais même, j'aime l'approche de proximité. C'est-à-dire, ce qui compte pour moi, c'est transformer la vie d'une jeune fille, d'une femme, qui va transformer elle-même, son entourage professionnel, personnel. Donc, chaque femme ou jeune fille qui rejoint un environnement safe dans la tech, il y a tout un travail à faire là-dessus, c'est l'objectif du collectif, eh bien, c'est une victoire et il faut faire la somme de ces victoires. Voilà, je me pose en tout cas dans cette approche pour ne pas être découragée par les chiffres.

  • Magaly

    Alors, j'ai une idée de la réponse, mais je veux poser quand même cette question parce que je pense que la prise de conscience est importante. Tu as dit "ces métiers qui façonnent notre vie ou ces outils qui façonnent notre vie", pourquoi c'est important que le monde de la tech soit représentatif d'une société ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, on le voit là, en ce moment, l'actualité politique nous montre que l'enjeu de la tech, c'est un enjeu politique, économique, sociétal et climatique. Et que même ceux qui aujourd'hui possèdent les plateformes en font un cheval de Troie, même pour, comment dire, imposer leur valeur, nous imposer leur valeur. Et pourquoi c'est si important que ça soit représentatif ? Parce que déjà la tech est dans notre vie de tous les jours. Et qu'on ne peut aussi produire, donc ça c'est l'approche business, on ne peut produire des produits et services adaptés à nos clients et nos clientes que s'il y a des équipes mixtes et diversifiées. Donc l'exemple que je donne souvent, c'est le mannequin, tu sais, crash test des voitures qui a été pendant 50 ans un seul modèle, 77 kilos, pour représenter un modèle masculin en se disant qu'on allait décliner le modèle féminin. Mais en fait, non, il faut le tester. Il faut un mannequin aux mensurations féminines, alors que les femmes ont 73% de risque supplémentaire d'avoir un accident grave dans un choc frontal. Donc moi, ta question, ce que je trouve intéressant, c'est que quand je présente le sujet, j'essaye de le présenter sur l'angle quand même business. Parce que pour moi, le business, ce n'est pas un gros mot. Le business, c'est la durabilité. Tu ne dépends pas d'une personne convaincue, d'un budget à un moment donné, etc. C'est ça dont on a besoin, c'est avoir une approche business en disant tout simplement 50% de vos clients sont des clientes. Et si vous ne faites rien, vous avez même des risques, parce que s'il y a des accidents, par exemple, qui sont plus fréquents pour les femmes parce que vous n'avez pas d'équipe, et c'est le seul moyen, le seul moyen d'avoir des produits et services adaptés à la société, c'est d'avoir des équipes qui ont un recul, un esprit critique. Ils sont capables de se dire « mais non, ça ne marche pas, ce truc, dans la vie de tous les jours ».

  • Magaly

    Il y a un biais, vraiment au premier sens du terme. Je veux revenir aussi, parce que c'est assez rare finalement qu'une responsable engagée comme toi dise finalement « je cherche le slow » . Tu me disais quand on a préparé cet entretien, la notion de pierre dans l'eau et je vois bien les ronds dans l'eau. Est-ce que tu as un ou deux exemples de choses qui te rendent très fière ou de réussite justement dans ce slow et qui permettent l'incarnation de ce que tu projettes ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà, un exemple dans mon entreprise, j'ai un peu la double casquette, parce que dans mon entreprise, j'ai créé aussi un collectif interne qui s'appelle Women & Girls in Tech et j'ai relié les filières différentes qui ne se parlent pas forcément. Donc les filières diversité, les filières tech, les filières RH, communication, engagement, dans l'ensemble du groupe BNP Paribas. Et on a ensemble collecté 1,1 million d'euros sur trois ans pour huit associations dédiées à la mixité dans le numérique. Et ce n'était pas seulement de l'argent, c'est de l'accompagnement. Donc en fait, c'est accompagner les bénéficiaires. Et on a des femmes, des jeunes filles qui ont trouvé des stages, des postes chez BNP Paribas, dont une jeune femme afghane qui a été accompagnée par SISTECH et qui est rentrée chez BNP Paribas sur un poste de cybersécurité. Et elle vient d'avoir le trophée coup de cœur Cybersécurité Europe. Donc évidemment, on peut se dire que c'est une personne, mais quand cette personne rayonne à ce point, elle transforme tout l'écosystème, les managers, les collaborateurs, et que ça devient une fierté pour l'entreprise, ça c'est vraiment pour moi une vraie réussite. Évidemment qu'on doit démultiplier, mais c'est possible. Beaucoup de travail, mais c'est possible. Et du côté du collectif, plutôt associatif avec Simplon, on a créé une action box, toujours en sketchnotes, parce que nous on aime montrer que c'est accessible, fun. Moi, j'aime beaucoup la notion de plaisir. Donc, on a créé des sketchnotes qui permettent de montrer les chiffres et surtout les 10 clés qui permettent de changer l'entreprise de l'intérieur issue de notre expérience collective. Donc, c'est un slide, c'est en Creative Commons. Tout ce qu'on fait est en Creative Commons et c'est disponible sur le site wogi.tech et toute personne peut télécharger, l'intégrer dans ces slides pour convaincre son Codir au son Comex, d'agir et comment agir. Voilà. Donc, on a vraiment aussi des réussites concrètes de personnes qui vraiment réfléchissent et cherchent à accueillir ces jeunes filles et ces femmes parce qu'il faut absolument que l'entreprise les accueille. S'il n'y a pas d'accueil, ça peut rester très toxique.

  • Magaly

    Alors, on va revenir juste avant. Est-ce que pour les auditrices et les auditeurs, peut-être moins aguerris, tu peux juste nous préciser ce que c'est que les sketchnotes et ce que c'est que le... Tu as dit comment ?

  • Sandrine Delage

    Creative Commons.

  • Magaly

    Voilà juste pour que ça soit clair. Et puis, on va revenir après sur le problème de l'environnement.

  • Sandrine Delage

    Alors, les sketchnotes, ce sont en fait des illustrations dessinées.

  • Magaly

    D'accord. Ah oui, d'accord. OK.

  • Sandrine Delage

    Voilà. Donc, on a même créé une exposition qui présente Ada Lovelace, qui présente les grandes figures de la tech, mais aussi qui explique les métiers de la tech comme développeuse. Alors, du coup, on entend le féminin dans cette exposition et qui explique les métiers. Pourquoi ? Parce que ces métiers sont invisibles au quotidien. Je reviendrai là-dessus, je vais terminer sur Creative Commons. Creative Commons, c'est un système, c'est un label qui permet à toute personne qui veut utiliser justement ces illustrations de les utiliser sans nous demander le droit d'usage.

  • Magaly

    D'accord, donc on mettra le lien en descriptif de l'épisode pour que tout le monde puisse le trouver. D'accord, donc ça c'est très clair. Tu parlais de l'environnement. Est-ce que tu peux revenir sur ce que tu disais sur le fait que si on n'a pas ces actions-là, ça pose un problème en termes d'environnement de travail. Est-ce que tu peux nous préciser un peu ?

  • Sandrine Delage

    Souvent, le message qui est donné aux femmes, c'est oser. Alors moi, ça m'a aidée parce que ça te montre que c'est possible. Mais en même temps, c'est une injonction. Et pour les femmes, quelque part, c'est presque double peine. C'est-à-dire qu'elles ne sont pas présentes et c'est presque de leur faute, elles n'osent pas. 43% des étudiantes qui sont en études scientifiques sont découragées par leur entourage, de continuer dans ces métiers. Et il n'y en a plus que 23% de diplômés d'études scientifiques qui vont vers les entreprises pour bien développer leur métier. Donc ça veut dire qu'il y a un frein à rejoindre les entreprises. Et souvent, les entreprises ne se rendent pas compte de l'environnement toxique, de l'environnement gros. Je veux dire, quand tu es la seule femme au milieu de 15 hommes dans une salle de réunion, tu n'es pas forcément entendue, on te coupe souvent la parole. Il y a toujours ce fantasme ou ce mythe que les femmes sont moins bonnes dans les domaines scientifiques que les hommes. Donc en fait, s'il n'y a pas une démarche volontariste de se dire « je veux des femmes et je veux qu'elles restent », qu'est-ce que je leur propose ? Comment je les accueille ? Et déjà, c'est dans le message. On l'a vu avec la Game Boy. En fait, si dans ton message, dans ta fiche de poste, tu expliques que tu es une entreprise qui a agi, qui a une politique de diversité, qui s'intéresse à l'équilibre perso-pro pour toutes et tous, il y a un message d'accueil pour les femmes qui vont se dire : Je ne vais pas avoir de problème quand je vais dire que je pars à 18h pour m'occuper de mes enfants, je peux avoir une vie personnelle et une vie professionnelle, on va me donner des postes intéressants, pas que de la maintenance parce que je suis une femme. On va me permettre d'avoir de la formation. On va me donner des chances pour que je puisse évoluer. Donc, tout ça fait partie d'une approche volontariste et proactive des entreprises.

  • Magaly

    Mais alors, je vais me faire l'avocat du diable parce que moi, j'aime bien, tu vois, que les objections soient aussi formalisées. Aujourd'hui, il y a des grands acteurs de la tech. Alors, je ne vais pas les citer ici, mais si on prend ne serait-ce que les GAFA ou si on va jusqu'aux GAFAM, à ma connaissance, mais peut-être que tu vas nous dire le contraire, ils n'ont pas fait ce travail-là, et pour autant, ils ont pris un leadership, comme tu l'as dit, sur notre vie. Et finalement, est-ce que ce n'est pas la preuve que tu peux très bien te passer des femmes et donc pourquoi faire l'effort ?

  • Sandrine Delage

    Alors, deux choses dans la réponse. D'abord, justement, je pense qu'un des mythes à faire tomber, c'est que la tech appartient seulement à des grandes plateformes de tech. En fait, toutes les entreprises sont tech, puisque toutes les entreprises proposent des services et produits digitaux informatiques. Donc, je crois que ça, ce n'est pas encore perçu. Et peut-être que les entreprises, justement, ne se sentant pas une entreprise de la tech, ne prennent pas la mesure du sujet de l'importance de la mixité de leurs équipes. Et c'est intéressant de voir L'Oréal, par exemple, qui a développé tout un concept Beauty Tech, à la fois pour leurs clientes ou clients, en disant que la tech peut les augmenter avec, tu sais, les applications qui permettent de tester ton rouge à lèvres, par exemple. Mais c'est aussi un label qui est pour les collaborateurs et les collaboratrices en disant que la tech sera aussi au service de leur développement personnel et qu'étant donné qu'ils bénéficieront de toutes les possibilités, avantages qu'on voit aussi avec l'intelligence artificielle. Donc ça, c'est déjà la première chose de ne pas limiter le champ seulement aux GAFA ou aux GAFAM. Deuxième chose, en fait, il y a quand même un sujet de recrutement parce qu'aujourd'hui, la croissance, elle est basée sur le digital ou la tech, sauf qu'il n'y a pas assez de main-d'œuvre. Donc, la façon de trouver la main-d'œuvre, c'est d'accueillir les femmes. Donc ça, c'est même une exigence essentielle d'aller chercher un vivier qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Ce n'est pas avec le vivier actuel qu'on va pouvoir développer le numérique. Et ça, c'est aussi une citation comme quoi même en France, le numérique deviendra le premier employeur en France, au sens des métiers qui seront utiles et nécessaires. Et d'ailleurs, le gouvernement va développer plusieurs clusters de formation pour former plus de 100 000 experts en intelligence artificielle chaque année. Donc, le besoin en talent est immense. Il ne pourra pas être résorbé si les femmes ne s'y mettent pas. Ça, c'est la deuxième chose. Donc, ça, c'est très important. Et encore une fois, quand on produit des services qui ne sont pas adaptés à l'ensemble de la population, on génère des risques. Comme les médicaments, tout simplement, mais même les médicaments. Les médicaments qui ne sont pas testés sur un échantillon féminin.

  • Magaly

    Et donc sur des caractéristiques qui sont très différentes, et donc avec des effets secondaires qui ne sont pas mesurés, bien sûr. J'ai une dernière question pour toi, Sandrine. Je suis très admirative de la façon dont tu es justement arrivée à articuler action et business, la façon dont tu es arrivée à t'ancrer aussi dans ton entreprise, parce que je partage complètement ton point sur la longévité que ça donne à tes actions. Pour toi, c'est quoi les clés pour réussir justement cette articulation et que tes actions à impact soient bien accrochées finalement dans la pérennité à une entreprise ?

  • Sandrine Delage

    Alors déjà parce que le collectif Women & Girls in Tech a pour cible principale les entreprises. Même si nous on a cette exposition de sketchnote pour les jeunes filles, on va passer par les écosystèmes existants, les associations, les entreprises. Et c'est ce maillage-là qui fait et qui ancre nos actions. Et là, tu vois bien que le champ d'action est immense, puisque toutes les entreprises n'ont pas encore cette perception qu'elles sont elles-mêmes des entreprises de la tech et que du coup, elles doivent passer à cette réflexion de comment du coup, j'accueille une diversité dans mes équipes. Et l'enjeu pour moi de demain, mais l'actualité finalement est un révélateur, que la tech est dans notre vie et qu'on doit s'en saisir. On doit avoir un esprit critique, on doit la comprendre et on doit pouvoir adapter nos usages. Et aujourd'hui, je trouve que ce qui est complexe, c'est que la tech est partout, mais qu'elle est invisible. En fait, tout est fait pour penser que la tech est dématérialisée, alors que déjà, elle est très matérielle. Tu as un smartphone, tu as des câbles, tu as des data centers. Tout cela est très matériel, mais tout cela est masqué au grand public. Et de la même manière que les métiers sont invisibles. Si tu demandes à des jeunes filles qu'est-ce qu'elles veulent devenir plus tard, elles vont te dire esthéticienne, avocate, secrétaire, médecin. Parce qu'en fait, elles ne savent pas qu'il existe le métier de UX designer, de cybersécurité expert. Donc pour moi, pour arriver à réussir demain, il faut qu'on arrive à révéler ou à faire voir, voir au sens regarder, à matérialiser ce qu'est la tech et ses métiers et ses enjeux. Voilà, ça, c'est pour moi le prochain levier qui est un levier plus grand public.

  • Magaly

    Écoute, Sandrine, merci beaucoup pour ce partage et merci pour ce que tu fais en tant que femme et en tant que mère de fille. Je vois bien que c'est une action qui est hyper importante. Merci.

  • Sandrine Delage

    Merci à toi Magaly.

  • Magaly

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Capital Humain. J'ai adoré comment Sandrine, avec beaucoup d'humilité, nous a expliqué son impact, nous a expliqué aussi l'impact de ses actions et sa vision d'une inclusivité qui est la seule option aujourd'hui pour le monde de l'entreprise. Ce n'est pas juste une position d'équité, ce n'est pas juste une position d'inclusion, c'est aussi une position de réalisme. S'il n'y a pas plus de diversité dans le monde de la tech, alors les emplois ne seront pas pourvus. Et ça, c'est très important de l'avoir en tête. À bientôt pour un nouvel épisode.

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