Speaker #0Carnet de bord du Mediatrainer, une série de podcasts pour parler de la communication et de la prise de parole médiatique à travers le regard d'un Mediatrainer pour partager analyse, réflexion et éléments de méthode. Bienvenue dans ce nouvel épisode de Carnet de bord du Mediatrainer. Dans cet épisode, on va parler de la pédagogie ou quand expliquer devient une manière de ne pas débattre. Il faut faire de la pédagogie. La formule est devenue un réflexe, presque un tic, chez nombre de responsables politiques lorsqu'une réforme passe mal. Mais que dit vraiment cette posture, et surtout, que dit-elle de la manière dont on considère les citoyens ? Et au-delà des enjeux politiques, comment utiliser des éléments d'explication dans un discours, sans oublier de les ancrer dans une vision, des valeurs ou une éthique ? Car oui, même dans le monde de l'entreprise, user de trop de pédagogie peut nuire à l'impact d'un discours. Dans cet épisode, je propose une thèse volontairement tranchée. La pédagogie telle qu'elle est invoquée dans le discours politique contemporain constitue une négation du politique et un affaissement de la démocratie. Car expliquer n'est pas débattre. Et vouloir à tout prix faire comprendre une décision déjà prise, c'est souvent disqualifier d'avance toute opposition. C'est postuler que le problème n'est pas dans la réforme ni dans ses effets, mais dans la capacité du public à en saisir le bien fondé. Autrement dit... Si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous n'avez rien compris. La pédagogie devient alors une forme polie de mépris, un outil de disqualification rhétorique, voire une arme de neutralisation démocratique. Et si, à force de pédagogie, on avait vidé le débat public de sa conflictualité légitime ? Et si, à vouloir trop éclairer, on avait surtout cherché à effacer les divergences ? On voit régulièrement des phases de communication basées sur la pédagogie au niveau national, notamment pour les grandes réformes, Mais on voit aussi que cette... pédagogie ne renverse jamais la tendance de fond si on illustre facilement les impasses de la pédagogie à travers les grandes réformes gouvernementales retraite école santé ce sujet vaut tout autant pour l'échelon local de la politique je fais souvent des formations des locaux notamment avant les grands rendez vous que sont les élections municipales et et je crois n'avoir jamais manqué une occasion. dans ces cercles de femmes et d'hommes prêts à partir à la bataille pour leur ville, programme sous le bras, de rappeler ceci, avoir des projets précis c'est bien, mais leur donner une couleur politique c'est mieux. Et quand je parle de politique, je ne parle pas forcément d'idéologie, ni de positionnement partisan immédiat. Je parle de principes politiques généraux, souvent oubliés comme d'ailleurs étant politiques. Une volonté de démocratie locale plus forte, un sentiment d'appartenance plus ancré, une fierté particulière à vivre ici, que sais-je encore. Ces principes... sont ce qui permet à une mesure de ne pas juste être une décision technique, mais un acte politique assumé, c'est-à-dire situé, lisible, discutable. Et là encore, on retrouve la même tentation, expliquer les mesures, les défendre chiffre à l'appui, sans jamais dire pourquoi on les veut. Or, comme je le répète souvent au groupe d'élus, notamment au vu des municipales, c'est que dans ce type d'élection, si on retire le poids de la notoriété des uns et des autres, le poids de la sociologie... bref de tous les éléments plus ou moins arithmétique alors toutes les listes partent avec les mêmes cartes des mesures et des projets super pour leur ville car à ce stade je n'ai jamais vu de liste municipale partir avec comme projet de transformer la ville en enfer invivable ça c'est plutôt les opposants sans imagination qu'ils le diront et souvent quand on ne formule pas de principe on se réfugie très vite dans des formulations tautologique une tautologie c'est une phrase qui semble dire quelque chose Mais qui ne dit rien parce qu'elle énonce une évidence ? Dire qu'on veut une ville plus sympa, plus dynamique, plus agréable à vivre, qui irait proposer l'inverse ? Ce sont des mots sans opposition, donc sans véritable choix politique. Dans le monde de l'entreprise aussi, on retrouve cette tentation pédagogique. Il n'y a pas qu'en politique. Un changement de process, une décision d'organisation, une nouvelle stratégie qui ne passe pas, et l'on convoque aussitôt des réunions d'explications, de reformulations, de reprises de sens, entre guillemets. Mais là encore, la pédagogie peut devenir un leurre, car souvent les collaborateurs ont compris. Et ce qu'ils rejettent sans, d'ailleurs, pouvoir le dire immédiatement, ce n'est pas tant l'explication, c'est la logique profonde de la décision. Ce qu'on recouvre, c'est des accords. Ce ne sont pas des incompréhensions techniques, ce sont des divergences d'éthique. personnelle de vision du travail de rapport à l'engagement ou à la finalité de l'action et tant qu'on reste sur le terrain du comment comment mettre en oeuvre comment faire accepter on évite de poser la seule question qui vaille sur quoi repose cette décision quels principes l'inspire Alors soyons honnêtes, dans l'entreprise comme en politique, dans le feu de l'action, il est souvent trop tard pour faire de la philosophie. Si je reviens sur l'exemple politique, quand une réforme est annoncée, quand la polémique est là, quand les oppositions s'organisent, alors le piège se referme. D'un côté, les responsables politiques ne peuvent plus canonner leur pédagogie à la télévision, aux conférences de presse ou dans les interviews. De l'autre, les communicants, même les plus lucides, savent qu'il est impossible de rouvrir le débat sur le fond sans se faire tenser. Trop risqué, trop tard. Et au final, c'est l'opinion, c'est le public qui en fait les frais. Parce qu'il n'y a plus devant lui un débat, mais une opération de communication. Parce qu'on ne discute plus d'un choix politique, mais d'un plan d'explication, comme si tout le problème résidait dans un mauvais dosage de powerpoint et de pédagogie. Alors il faut rappeler que les principes, c'est d'abord une hygiène de discours. On l'a vu, la pédagogie, quand elle se substitue au débat, devient un piège. Mais il ne s'agit pas de renoncer à toute volonté de transmission ou d'explication, bien sûr. Ce qu'il faut interroger, je pense, c'est ce que l'on choisit d'expliquer et pourquoi. Dans un discours, un brief, une prise de parole, en politique, en entreprise, comme, je sais pas moi, dans la vie associative, il est toujours utile de prendre un instant pour poser le principe. Pas seulement la mesure, pas seulement la méthode, le principe. Pourquoi cette décision ? Quel cas ? Quel cadre éthique, quel idéal de fonctionnement ou de justice la sous-tend ? Cela demande du courage, car c'est à cet endroit que les désaccords peuvent devenir irréductibles. Mais c'est aussi à cet endroit que la parole devient vraiment politique, au sens noble du terme. Et dans une logique de management, de coordination de projet, d'animation collective, vouloir expliquer un choix, c'est très bien. Mais si après l'explication, ça ne passe toujours pas, alors il faut avoir l'honnêteté de se demander. Est-ce que le désaccord porte vraiment sur la méthode ? ou sur ce qu'elle signifie. Ce n'est pas une question confortable, mais c'est une question saine. Et parfois, cette question suffit à remettre la relation sur de bons rails, parce qu'on donne du sens et surtout parce qu'on redonne du droit à ne pas être d'accord. Rappeler le principe, ce n'est pas se justifier, c'est assumer sa ligne et offrir à l'autre les moyens de se situer en conscience. En politique, comme dans le monde de l'entreprise, cet enjeu de la... pédagogie est une immense récurrence dans mon travail et je ne pouvais pas ne pas en dire un mot dans ce podcast. J'espère que cet épisode vous aura éclairé sur le bon dosage pédagogique à mettre dans vos discours et vos prises de parole. N'hésitez d'ailleurs pas à me faire vos remarques ou partager vos retours d'expérience sur le sujet. C'est la fin de cet épisode, je suis Julien Croce et je vous donne rendez-vous pour un prochain épisode de Carnet de Bord du Médiatrain.