- Speaker #0
Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.
- Speaker #1
Bonjour à toutes et à tous. Aujourd'hui, Codcast est de retour pour un nouvel épisode. Nous vous rappelons que Codcast est maintenant organisé par les étudiantes Virginie Chadler, Emma Bou et Marie Lustier. du magistère droit, journalisme, communication d'Aix-en-Provence. Ce nouvel épisode est consacré à la notion d'état de droit. En effet, lundi dernier, Bruno Reteilleux a affirmé que l'état de droit était ni intangible ni sacré. Alors, pour discuter de cette notion d'actualité, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marthe Fatin-Rouge-Stefanini, directrice de recherche CNRS de l'unité mixte de recherche en droit international, comparée et... européen de l'Institut Louis Favoreux.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Alors pour commencer, pouvez-vous nous définir la notion d'état de droit ?
- Speaker #2
Oui bien sûr. Alors l'état de droit c'est une notion qui a été introduite en 1920 par René Carén-Malberg par référence à la notion de Reichtat qui était utilisée par les juristes allemands. Alors cette notion d'état de droit signifie que toutes les... toutes les autorités publiques sont soumises au respect du droit, avec des règles préétablies et dont le non-respect doit être sanctionné. L'état de droit a pour objectif de garantir les droits et les libertés fondamentaux des individus. Il permet de se prémunir contre l'arbitraire des détenteurs du pouvoir, quel qu'il soit, et notamment lorsque les questions relèvent de l'ordre public. Alors il y a trois éléments qui sont essentiels à ce sujet. Dans un état de droit, tout d'abord la prééminence du droit, c'est le droit, et ce sont des règles importantes, on doit respecter le droit. Le second élément important, c'est celui de la sécurité juridique, et en particulier la question de la prévisibilité du droit. Et le troisième élément, c'est la protection juridictionnelle. Ça suppose notamment le droit à un tribunal, le droit d'accès au juge. le droit de mettre en cause un acte d'une autorité publique devant un juge. Donc cet état de droit, ça suppose aussi de reconnaître la suprématie de la Constitution, y compris sur la loi. Et c'est ça qui fait la différence avec la notion d'état légal, où la loi était la norme suprême. Là, la suprématie est assurée par la Constitution, et dans la Constitution, on trouve les droits et les libertés fondamentaux des individus.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour votre réponse. Et quelles en sont les garanties en droit positif ?
- Speaker #2
Alors, la garantie principale, c'est le contrôle juridictionnel, c'est-à-dire le contrôle notamment du respect de la Constitution par le législateur. Pourquoi ? Parce que dans la Constitution, on va trouver les droits et les libertés justement des individus et tout ce qui est aussi la limite des pouvoirs, de l'exercice des pouvoirs. Tous les pouvoirs sont soumis au respect de la Constitution, donc le contrôle juridictionnel va assurer le respect du droit.
- Speaker #1
D'accord. Et l'état de droit est-il vraiment intangible et sacré ? Est-il possible de le remettre en clause comme semble souhaiter Bruno Roteilleux ?
- Speaker #2
Non, le principe même de l'état de droit est bien sûr intangible et sacré dans une démocratie. Pourquoi ? Parce que l'état de droit fait partie de la démocratie. Dans la notion de démocratie libérale, l'état de droit est... est indissociable de la démocratie. On dépasse en fait l'idée du gouvernement, du peuple par le peuple, pour le peuple en fait. Ça va plus loin. L'état de droit, c'est aussi la garantie des droits et libertés, comme je le disais tout à l'heure, des individus. Et donc pour assurer cette garantie, on prévoit une protection qui est assurée notamment par la Constitution. Donc l'état de droit est un élément de la démocratie aujourd'hui. Donc ça permet de lutter contre l'arbitraire des pouvoirs publics et renoncer à l'état de droit. Et même les gratiniers, en fait, c'est accepter finalement qu'une majorité puisse décider de porter atteinte aux droits fondamentaux d'une minorité. Donc simplement, comme ça, facilement. Et c'est ce qu'on veut absolument éviter dans un état de droit et même en période d'exception. C'est-à-dire même en période de Covid, de terrorisme, il y avait des règles à respecter. Même si on a eu des règles particulières dans ces périodes-là, ça s'est fait sous le contrôle du juge. Donc le contrôle du juge est toujours là pour assurer le respect de l'état de droit. Et ça, c'est intangible et sacré d'assurer ce respect.
- Speaker #1
Donc nous pouvons dire que même en période de Covid, l'état de droit reste intangible et sacré ?
- Speaker #2
Oui, parce que même s'il y a eu de fortes limitations aux droits et aux libertés fondamentaux, en fait, ces limitations sont intervenues sous le contrôle du juge. Toute limitation, même en période exceptionnelle, doit rester limitée dans le temps et dans l'espace et se faire justement sous ce contrôle-là, même si le contrôle intervient après. Le moment du contrôle n'est pas le plus important. C'est important qu'on ait un contrôle à un moment donné, mais pas forcément au moment même où on va prendre la règle. Il doit pouvoir intervenir. Et c'est ce contrôle-là qui assurera le respect de l'État de droit.
- Speaker #1
Merci. Et peut-on dire qu'il existe un noyau intangible de l'État de droit dans la Constitution ?
- Speaker #2
C'est une question surprenante parce que c'est un principe, l'État de droit. Et le principe en soi, on ne peut pas le rattacher à un noyau dur, ou plus ou moins, enfin un noyau qui définirait le cœur de ce principe. Le principe en lui-même est intangible et sacré, c'est ce qu'il faut retenir. C'est que si on renonce à l'état de droit, on renonce à la démocratie libérale. Et on peut avoir d'autres formes de démocratie et on peut aller jusqu'à la démocratie illibérale, en fait. Une démocratie qui ne reposerait que sur l'idée que le pouvoir appartient au peuple, pour le peuple et par le peuple, en fait, sans respect des droits et des libertés fondamentaux et sans garantie, eh bien, c'est ce qu'on appelle le populisme. Alors avant, on en... On considérait qu'il n'y avait pas tellement de danger parce que le peuple ne pouvait pas limiter lui-même ses droits et ses libertés, et sa représentation nationale du peuple aussi. Quand on parle du peuple, c'est au sens soit le peuple directement par référendum, ou soit le peuple par l'intermédiaire des représentants. Mais de toute façon, s'il n'y a pas de respect des droits et des libertés fondamentaux, eh bien cette démocratie, elle perd en quelque sorte son âme en fait. Merci. parce que la démocratie s'est faite pour protéger les droits et les libertés des individus. Et d'ailleurs, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen utilise une formule qui est très importante. Il est écrit que toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminés n'a point de constitution. Et ça, c'est la base même, le fondement de la notion d'état de droit. C'est-à-dire que la Constitution, ça permet de protéger les droits et les libertés fondamentaux. On doit prévoir une séparation du pouvoir, le pouvoir doit être limité dans la Constitution, et les droits doivent être garantis.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour ces réponses. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé. N'hésitez pas à le... de partager et à nous faire vos retours. Nous vous retrouverons prochainement pour un nouvel épisode. Merci à toutes et à tous. Au revoir.