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La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant: une image inédite ? par Justine DUFRESNE cover
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DANSES MACABRES D'EUROPE

La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant: une image inédite ? par Justine DUFRESNE

La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant: une image inédite ? par Justine DUFRESNE

19min |28/10/2023|

129

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DANSES MACABRES D'EUROPE

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Description

LA SORCIERE .... dans une ronde macabre ou figure 36 personnages féminins. 

Aux débuts de la Danse macabre les personnages féminins sont les équivalents des personnages masculins, mais, au fur et à mesure que le thème évolue, des personnages strictement féminins issus des marges de la société médiévale apparaissent. Tel est le cas de la sorcière. 

Justine DUFRESNE, étudiante en Master histoire de l'art à l'Université de Laval (Québec) nous présente sa communication dans le cadre du XXème congrès des Danses Macabres d'Europe intitulée "La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant : une image inédite ?"


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Gardez votre oreille ouverte.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue. Chères auditrices et chers auditeurs, vous avez bien choisi d'écouter un balado des Dances Macabres d'Europe.

  • Speaker #0

    Dances Macabres d'Europe, le lieu de rencontre de la mort avec l'art, la littérature et l'histoire.

  • Speaker #1

    Justine Dufresne, étudiante en Master Histoire de l'Art à l'Université de Laval. Non la cité située en Mayenne, mais celle située de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, nous présente sa communication intitulée La figure de la sorcière dans la danse macabre des femmes, 1491, de Guy-aux-Marches. Une image inédite. Cette danse macabre est une ronde funéraire aux figures antifemmes. Au début, des équivalents féminins de rôles masculins et, sur la mesure que la ronde progresse, des personnages féminins issus des marges de la société. C'est le cas de la sorcière, mais laissons la parole à Justine Dufresne.

  • Speaker #2

    Dans le cadre de cette présentation et également dans celui de mon mémoire de maîtrise, Master... J'ai choisi de m'attarder sur la figure de la sorcière, présente dans l'édition de 1491 de La danse macabre des femmes du libraire-imprimeur parisien Guy Marchand. À la fin de la période médiévale, il s'est développé un archétype de la sorcière au sein de l'imaginaire collectif, dont les attributs furent tirés autant de croyances populaires que de développements en matière de démonologie, qui peut témoigner de la crainte grandissante de cette société médiévale. envers l'existence d'une nouvelle secte dite satanique. Toutefois, malgré la popularité grandissante de ces récits de sorcellerie et du sabbat tout au long du 15e siècle, très peu de représentations visuelles et artistiques de la sorcière telle qu'on la connaît, semblent exister avant la publication du fameux Malleus Maleficarum en 1486. Il faudra plutôt attendre le tournant du 16e siècle pour voir se concrétiser Avec les œuvres de Durer ou de Valdun, par exemple, l'image d'une femme diabolique exhibant une nature dualiste, reliant sexualité et destruction, Eros et Thanatos, la sourcière de Marchand figure donc parmi les rares représentations artistiques de ce personnage, réalisé avant 1500, et c'est pour cette raison que j'ai choisi de m'attarder sur celle-ci afin d'analyser quelques-uns de ses attributs iconographiques et d'en identifier leurs possibles sources historiques et sociologiques. Je présenterai donc tout d'abord et très brièvement le contexte de production de cette danse macabre des femmes et de sa sorcière, ainsi que le développement de l'imaginaire du sabbat. Par la suite, je présenterai le texte de la sorcière, très rapidement encore, pour ensuite analyser trois des attributs présents dans son illustration, dans le but de relever les indices pouvant permettre de mieux situer ce personnage à un moment déterminant de l'élaboration de l'archétype de la sorcière démoniaque à la fin de la période médiévale. Détachée de son contexte démonologique habituel, qui est celui du sabbat, cette image nous permet de nous questionner quant au développement iconographique d'un personnage aussi controversé au sein de la danse macabre des femmes, à l'aube des grandes chasses aux sorcières des temps modernes. Cette sorcière de marchand se situe d'une certaine manière en plein dans la lignée évolutive de ce qu'on appelle l'imaginaire du sabbat, que dans cette chronologie, la deuxième moitié du 15e siècle, Et ces attributs peuvent nous donner quelques indices quant aux traditions iconographiques auxquelles elle appartiendrait. Une de ces premières traditions, qui est plus ancienne, serait celle associant les sorcières à des individus isolés, souvent des vieilles femmes, s'adonnant à des pratiques magiques populaires auprès d'une communauté rurale par le biais de maleficia. Et la deuxième tradition découle plutôt de ce qu'on peut appeler le concept cumulatif de la sorcellerie, confondant les sectes. hérétiques réels, notamment les vaudois, avec la croyance en l'existence d'un sabbat démonolâtre et maléfique. Selon l'historienne Anne-Tucky Harrison, La plus ancienne version de cette danse macabre des femmes se retrouverait dans le manuscrit MS 1182 de la BNF, rédigé vers 482. Cette première édition demeure assez rudimentaire, puisqu'il n'y a aucune illustration qui n'accompagne le texte, et la sorcière n'y figure pas encore. C'est plutôt dans le manuscrit français 132 de la BNF que la sorcière fait sa première apparition, à la toute dernière position, et elle est également présente, toujours à la dernière position, dans le manuscrit français 25 435 de la BNF. Par la suite, le libraire imprimeur parisien Guy Marchand imprima, suite à son succès de La danse macabre des hommes de 1485 qu'on connaît bien, une première édition de La danse macabre des femmes en 1486, qu'il augmenta d'illustration dans son édition de 1491. La sorcière, bien que toujours située vers la fin de la danse, ne se situe plus en dernière position. Elle partage désormais la 17e planche avec l'art religieuse qui la précède. L'image de la sorcière proposée par Marchand fut donc la toute première en son genre au sein des danses macabres, de ce que je sais, et on peut assumer que ses attributs furent dès lors inventés de toutes pièces par Marchand et ses associés. Bien entendu, la croyance en des individus féminins pratiquant la sorcellerie et la magie pouvant se métamorphoser en bêtes, concoctant des potions magiques, ou jetant des sorts maléfiques n'est pas une nouveauté du Moyen-Âge, puisqu'on retrouve de tels personnages entre autres dans la mythologie et la littérature antique, le folklore et les textes sacrés. C'est donc dans le prolongement de ces traditions littéraires et folkloriques que nous pouvons repérer les premières traces de ce qui inspirera possiblement la sorcière de Marchand. Jusqu'à la fin du 14e siècle, la croyance en l'existence d'une congrégation de sorciers démonolâtres fut condamnée par l'Église. notamment en raison du canon épiscopique du IXe siècle, et ce furent plutôt les sectes hérétiques tels que les cathares et les vaudois qui furent diabolisés et persécutés par l'Inquisition pour leur crime d'hérésie lors du Moyen Âge central. Ce n'est qu'à la fin de la période médiévale que les traités de démonologie signalant la menace d'une nouvelle secte d'hérétiques dévouée à Satan se multiplièrent, permettant ainsi l'élaboration d'une littérature détaillant le sabbat diabolique. et les membres de la Congrégation qui y participent. C'est donc en puisant une multitude de sources d'origine judéo-chrétienne, païenne et antique, ainsi qu'en confondant hérésie et sorcellerie, que les théologiens du 15e siècle brossèrent un portrait composite de la sorcière et de son sabbat. Martine Ostorero, dans son important travail de recherche sur les origines textuelles du sabbat, met de l'avant cinq des textes les plus anciens introduisant ce qu'elle nomme l'imaginaire du sabbat. le rapport sur la chasse aux sorciers et sorcières du chroniqueur lucernois Hans Freund, le formicarius du dominicain allemand Johannes Snyder, les Erroris Geisariorum, le Ut Magorum du juge dauphinois Claude Tolussan, ainsi qu'un passage du tome 4 du Champion des Dames de Martin Lefranc. On peut dégager de ces écrits démonologiques quelques éléments clés du concept primitif de la sorcellerie ayant permis l'élaboration de cet imaginaire du sabbat dès le milieu du 15e siècle. Donc, l'idée d'une magie maléfique exécutée par le pouvoir du diable, les maléficia, la tentation démoniaque, le pacte diabolique, le culte collectif rendu au diable, la participation à des activités amorales et antichrétiennes lors du sabbat, par exemple la copulation avec les démons, les infanticides, l'inceste, le cannibalisme, la sodomie, l'empasse, ensuite les envolées nocturnes des sorcières et leur métamorphose en bête. Pour la sorcière de Guy Marchand, elle est présente textuellement dans la danse macabre des femmes de la première moitié des années 1480, puis visuellement dans l'édition de 1491. La sorcière de Marchand se situe ainsi en plein dans ce développement de la conception de l'imaginaire du sabbat et de la sorcière, et elle présente déjà quelques attributs associés aux sorcières introduits par les auteurs des textes démonologiques ou repris de la culture populaire. Je vais d'abord analyser rapidement le texte ainsi que trois de ses attributs présents dans son illustration afin d'en déceler quelques indices, comme j'ai dit, nous permettant de mieux situer cette sorcière dans son contexte historique et iconographique. Alors, pour le texte, tel que j'ai mentionné précédemment, la sorcière fait sa première apparition dans le manuscrit français 132 sous forme textuelle et son poème par la suite se perpétua dans les versions ultérieures. avec quelques modifications. Ce poème se démarque de ceux des autres personnages présents au sein de la danse macabre des femmes. puisqu'il présente un narratif associé au déroulement d'un procès de sorcellerie, à la condamnation de la sorcière et ensuite à sa méthode d'exécution. Par exemple, la première ligne interpelle le lecteur à la manière d'un crieur public, en disant oyez, oyez qui annoncerait la condamnation de la sorcière pour ses crimes de maléficiat, qui eux sont indiqués par les vers 3 et 4, qui a fait mourir et décevoir plusieurs gens en même manière. Et ensuite, le manuscrit B et C mentionnent également la manière dont cette sorcière sera mise à mort, c'est-à-dire par le bûcher, donc au vers 6, à mourir en feu et misère. Par contre, ce vers fut modifié dans les éditions éprimées, laissant ainsi le sort de la sorcière plutôt incertain. Dans sa réponse à la mort, la sorcière admet ses fautes et implore le lecteur de lui offrir le don de notre père ou de messe pour sauver son âme. efforts qui lui sont pourtant futiles en raison de la nature de ses péchés qui sont mortels et du fait qu'elle a fort probablement déjà vendu son âme au diable pour se faire sorcière. Pour ce qui est de l'iconographie, trois attributs présents dans l'illustration m'ont paru intéressants à analyser, bien que visiblement il y en a d'autres. Premièrement, la sorcière est, au sein des danses macabres, une figure spécifiquement féminine. La danse macabre des hommes de marchand ne figure aucun équivalent masculin à ce personnage. Il n'y a pas de sorcier ni même d'hérétique parmi les hommes. Cette féminisation du sabbat et de ses adeptes n'était pas apparente avant la seconde moitié du 15e siècle. Par exemple, pour Hans Frund, les adeptes du démon étaient autant de sexe masculin que de sexe féminin. Et chez Claude Tolesan, le masculin fut employé pour détenir les hérétiques. Johannes Snyder et l'anonyme des héroïstes Gazariorum ne féminisent pas plus les sectateurs, mais mirent en cause la faiblesse des femmes pour expliquer leur propension à être plus facilement séduites et trompées par le diable. C'est plutôt le champion des dames de Martin Lefranc qui semble avoir amorcé dès 1431 une féminisation systématique du sabbat en présentant la sorcellerie comme étant le propre des femmes, à même leur nature. Cette féminisation du sabbat atteignit par la suite son aboutissement en 1486 avec le Malleus Maleficarum, qui, quant à lui, insiste particulièrement sur la prépondérance des sorcières au sein du sabbat. L'âge de la sorcière de Marchand représente un deuxième attribut découlant de cet imaginaire du sabbat. La littérature antique donnait déjà depuis longtemps à la sorcière les traits d'une vieille femme hideuse, et ce fut sous cette apparence que cette figure s'implanta dans l'imaginaire collectif. Pour les théologiens, les vieilles femmes furent les plus susceptibles de recourir à la sorcellerie puisque, plus stupides et crédules, elles seraient plus facilement trompées et séduites par les illusions du démon. Les vieilles femmes étaient souvent veuves et vivaient seules, isolées de leur communauté, et elles pouvaient s'adonner à la vente de remèdes magiques ou à l'usage de maléficiats afin de subvenir à leurs besoins. perverses et insatiables après la ménopause, d'où leur inclinaison à se laisser séduire par les démons et à copuler avec ceux-ci lors du sabbat. Ensuite, au sein de leur communauté, leur sénilité pouvait se manifester sous la forme d'une excentricité déplaisante ou de comportements asociaux tendant à hériter les voisins, affectant ainsi leur réputation et favorisant les accusations portées contre eux. Donc, en somme, Pour les démonologues, les vieilles femmes étaient intrinsèquement liées au mâle et donc plus susceptibles de participer au sabbat, d'où leur surreprésentation dans les procès de sorcellerie des dernières décennies du 15e siècle. Ce rapprochement entre la vieille des femmes et la sorcellerie permet d'analyser un autre attribut présent dans l'illustration de Marchand, qui est le balai. Le balai, motif par excellence de la sorcière, Le balai est le moyen de locomotion de prédilection de celle-ci pour se rendre au sabbat tel que c'est connu. Les origines de ce symbole remontent au mythe d'origine antique et païenne lié au vol nocturne et aux dames de la nuit. Selon ces croyances, certaines vieilles femmes participeraient à des cavalcades nocturnes en compagnie de la déesse Diane, lors desquelles elles s'envolaient dans les airs en chevauchant des animaux ou des bâtons. Bien que cette croyance fût d'abord rejetée par les démonologues, ceux-ci furent par la suite amenés à reconnaître la réalité matérielle du vol nocturne afin d'expliquer la tenue d'assemblée à la fois fréquente et souvent immense et que personne néanmoins n'avait jamais vue mais qui était tout de même rapporte. Le moyen de transport de ces sorcières prédit faire se forme pour Freund. Il s'agit de chaises enduites d'un ongant magique qui permettait le vol, tandis que Nider mentionne l'anecdote d'une vieille femme croyant pouvoir s'envoler par le biais d'un pétrin. Sinon, bâton, pelle, broche, fourche pouvaient également être utilisées, mais c'est surtout le balai qui marqua l'imaginaire collectif jusqu'à aujourd'hui. Pour ce qui est de son symbolisme, le balai comme attribut de la sorcière peut représenter un symbole phallique. et donc une allusion à la sexualité débridée des femmes côtoyant le diable. Il peut également faire référence à la quenouille ou aux autres instruments ménagers, domestiques, appartements à la sphère féminine. Ensuite, la plus ancienne représentation artistique du vol nocturne des sorcières se retrouve dans le manuscrit du Champion des dames, 1451, où l'on peut observer deux petites figures féminines appelées les vaudoises à califourchons sur un balai et un bâton. Pour Offer, Un dernier élément que j'aimerais mentionner par rapport à cette sorcière est son positionnement au sein de la procession et sa relation avec la religieuse. On ne peut déceler dans l'illustration de la sorcière de Marchand aucune référence explicite au sabbat, élément pourtant fondamental à la conception du stéréotype de la sorcière. Toutefois, la présence de la religieuse à ses côtés nous permet d'émettre une hypothèse quant à la relation que peuvent entretenir ces deux femmes. et d'en discerner un possible symbolisme relatif au sabbat. D'un point de vue théologique, la juxtaposition de la religieuse et de la sorcière ne peut être une coïncidence puisque toutes deux peuvent être interprétées comme les deux extrêmes de la nature féminine. Donc, d'un côté, la religieuse dévote, de l'autre, la sorcière impie, peuvent être comprises comme des opposés signifiant pour la première l'idéal chrétien tel que promis par l'Église, et pour l'autre un contre-modèle diabolique affichant les transgressions les plus obscènes et symbolisant les caractéristiques les plus amorales de la nature féminine. Nous pouvons pousser cette comparaison encore plus loin en inscrivant la sorcière au sein de son contexte sabbatique. Dérivant de pratiques considérées comme hérétiques aux yeux de l'Église, le sabbat symbolise la totale inversion de la liturgie chrétienne. Pour les théologiens, cette société d'adorateurs du diable peut donc se lire comme une anti-église, renforçant ainsi la dichotomie apparente de ces deux figures au sein de cette illustration. En conclusion, la sorcière de la danse macabre des femmes de Marchand se démarque par un positionnement plutôt neutre, mais central au sein du développement du stéréotype de la sorcière. Ce n'est pas son adhésion au sein du sabbat ou sa luxure qui sont mis de l'avant, mais plutôt sa participation à la banalité quotidienne de la communauté médiévale. Cette sorcière s'inscrit donc plutôt dans la conception populaire de la sorcière, celle d'une vieille femme rurale s'adonnant à des pratiques magiques traditionnelles, accusée de sorcellerie par ses voisins et les autorités locales, pour finalement être condamnée au bûcher pour ses crimes présumés. Elle présente toutefois des motifs issus autant de l'imaginaire collectif que de la démonologie, tel que le ballet, pour permettre au lecteur de l'identifier facilement, qui peut témoigner de la diffusion du concept criminatif de la sorcellerie à la fin. du 15ème siècle.

  • Speaker #1

    Merci. Merci, Justine Dufresne, d'être venue jusqu'à Brest pour nous présenter votre communication. Chères auditrices et auditeurs, merci pour votre écoute et à bientôt pour un prochain épisode. Dans ce cadre d'Europe est une association Nouveau 1901 et si vous êtes intéressé par notre activité, une adhésion, nos publications, notamment de ce colloque, Nous invitons à retrouver notre site web www.dance-macabre-europe.org

  • Speaker #0

    Danse Macabre d'Europe est également présente sur Facebook, Twitter, Instagram et Google.

Description

LA SORCIERE .... dans une ronde macabre ou figure 36 personnages féminins. 

Aux débuts de la Danse macabre les personnages féminins sont les équivalents des personnages masculins, mais, au fur et à mesure que le thème évolue, des personnages strictement féminins issus des marges de la société médiévale apparaissent. Tel est le cas de la sorcière. 

Justine DUFRESNE, étudiante en Master histoire de l'art à l'Université de Laval (Québec) nous présente sa communication dans le cadre du XXème congrès des Danses Macabres d'Europe intitulée "La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant : une image inédite ?"


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Gardez votre oreille ouverte.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue. Chères auditrices et chers auditeurs, vous avez bien choisi d'écouter un balado des Dances Macabres d'Europe.

  • Speaker #0

    Dances Macabres d'Europe, le lieu de rencontre de la mort avec l'art, la littérature et l'histoire.

  • Speaker #1

    Justine Dufresne, étudiante en Master Histoire de l'Art à l'Université de Laval. Non la cité située en Mayenne, mais celle située de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, nous présente sa communication intitulée La figure de la sorcière dans la danse macabre des femmes, 1491, de Guy-aux-Marches. Une image inédite. Cette danse macabre est une ronde funéraire aux figures antifemmes. Au début, des équivalents féminins de rôles masculins et, sur la mesure que la ronde progresse, des personnages féminins issus des marges de la société. C'est le cas de la sorcière, mais laissons la parole à Justine Dufresne.

  • Speaker #2

    Dans le cadre de cette présentation et également dans celui de mon mémoire de maîtrise, Master... J'ai choisi de m'attarder sur la figure de la sorcière, présente dans l'édition de 1491 de La danse macabre des femmes du libraire-imprimeur parisien Guy Marchand. À la fin de la période médiévale, il s'est développé un archétype de la sorcière au sein de l'imaginaire collectif, dont les attributs furent tirés autant de croyances populaires que de développements en matière de démonologie, qui peut témoigner de la crainte grandissante de cette société médiévale. envers l'existence d'une nouvelle secte dite satanique. Toutefois, malgré la popularité grandissante de ces récits de sorcellerie et du sabbat tout au long du 15e siècle, très peu de représentations visuelles et artistiques de la sorcière telle qu'on la connaît, semblent exister avant la publication du fameux Malleus Maleficarum en 1486. Il faudra plutôt attendre le tournant du 16e siècle pour voir se concrétiser Avec les œuvres de Durer ou de Valdun, par exemple, l'image d'une femme diabolique exhibant une nature dualiste, reliant sexualité et destruction, Eros et Thanatos, la sourcière de Marchand figure donc parmi les rares représentations artistiques de ce personnage, réalisé avant 1500, et c'est pour cette raison que j'ai choisi de m'attarder sur celle-ci afin d'analyser quelques-uns de ses attributs iconographiques et d'en identifier leurs possibles sources historiques et sociologiques. Je présenterai donc tout d'abord et très brièvement le contexte de production de cette danse macabre des femmes et de sa sorcière, ainsi que le développement de l'imaginaire du sabbat. Par la suite, je présenterai le texte de la sorcière, très rapidement encore, pour ensuite analyser trois des attributs présents dans son illustration, dans le but de relever les indices pouvant permettre de mieux situer ce personnage à un moment déterminant de l'élaboration de l'archétype de la sorcière démoniaque à la fin de la période médiévale. Détachée de son contexte démonologique habituel, qui est celui du sabbat, cette image nous permet de nous questionner quant au développement iconographique d'un personnage aussi controversé au sein de la danse macabre des femmes, à l'aube des grandes chasses aux sorcières des temps modernes. Cette sorcière de marchand se situe d'une certaine manière en plein dans la lignée évolutive de ce qu'on appelle l'imaginaire du sabbat, que dans cette chronologie, la deuxième moitié du 15e siècle, Et ces attributs peuvent nous donner quelques indices quant aux traditions iconographiques auxquelles elle appartiendrait. Une de ces premières traditions, qui est plus ancienne, serait celle associant les sorcières à des individus isolés, souvent des vieilles femmes, s'adonnant à des pratiques magiques populaires auprès d'une communauté rurale par le biais de maleficia. Et la deuxième tradition découle plutôt de ce qu'on peut appeler le concept cumulatif de la sorcellerie, confondant les sectes. hérétiques réels, notamment les vaudois, avec la croyance en l'existence d'un sabbat démonolâtre et maléfique. Selon l'historienne Anne-Tucky Harrison, La plus ancienne version de cette danse macabre des femmes se retrouverait dans le manuscrit MS 1182 de la BNF, rédigé vers 482. Cette première édition demeure assez rudimentaire, puisqu'il n'y a aucune illustration qui n'accompagne le texte, et la sorcière n'y figure pas encore. C'est plutôt dans le manuscrit français 132 de la BNF que la sorcière fait sa première apparition, à la toute dernière position, et elle est également présente, toujours à la dernière position, dans le manuscrit français 25 435 de la BNF. Par la suite, le libraire imprimeur parisien Guy Marchand imprima, suite à son succès de La danse macabre des hommes de 1485 qu'on connaît bien, une première édition de La danse macabre des femmes en 1486, qu'il augmenta d'illustration dans son édition de 1491. La sorcière, bien que toujours située vers la fin de la danse, ne se situe plus en dernière position. Elle partage désormais la 17e planche avec l'art religieuse qui la précède. L'image de la sorcière proposée par Marchand fut donc la toute première en son genre au sein des danses macabres, de ce que je sais, et on peut assumer que ses attributs furent dès lors inventés de toutes pièces par Marchand et ses associés. Bien entendu, la croyance en des individus féminins pratiquant la sorcellerie et la magie pouvant se métamorphoser en bêtes, concoctant des potions magiques, ou jetant des sorts maléfiques n'est pas une nouveauté du Moyen-Âge, puisqu'on retrouve de tels personnages entre autres dans la mythologie et la littérature antique, le folklore et les textes sacrés. C'est donc dans le prolongement de ces traditions littéraires et folkloriques que nous pouvons repérer les premières traces de ce qui inspirera possiblement la sorcière de Marchand. Jusqu'à la fin du 14e siècle, la croyance en l'existence d'une congrégation de sorciers démonolâtres fut condamnée par l'Église. notamment en raison du canon épiscopique du IXe siècle, et ce furent plutôt les sectes hérétiques tels que les cathares et les vaudois qui furent diabolisés et persécutés par l'Inquisition pour leur crime d'hérésie lors du Moyen Âge central. Ce n'est qu'à la fin de la période médiévale que les traités de démonologie signalant la menace d'une nouvelle secte d'hérétiques dévouée à Satan se multiplièrent, permettant ainsi l'élaboration d'une littérature détaillant le sabbat diabolique. et les membres de la Congrégation qui y participent. C'est donc en puisant une multitude de sources d'origine judéo-chrétienne, païenne et antique, ainsi qu'en confondant hérésie et sorcellerie, que les théologiens du 15e siècle brossèrent un portrait composite de la sorcière et de son sabbat. Martine Ostorero, dans son important travail de recherche sur les origines textuelles du sabbat, met de l'avant cinq des textes les plus anciens introduisant ce qu'elle nomme l'imaginaire du sabbat. le rapport sur la chasse aux sorciers et sorcières du chroniqueur lucernois Hans Freund, le formicarius du dominicain allemand Johannes Snyder, les Erroris Geisariorum, le Ut Magorum du juge dauphinois Claude Tolussan, ainsi qu'un passage du tome 4 du Champion des Dames de Martin Lefranc. On peut dégager de ces écrits démonologiques quelques éléments clés du concept primitif de la sorcellerie ayant permis l'élaboration de cet imaginaire du sabbat dès le milieu du 15e siècle. Donc, l'idée d'une magie maléfique exécutée par le pouvoir du diable, les maléficia, la tentation démoniaque, le pacte diabolique, le culte collectif rendu au diable, la participation à des activités amorales et antichrétiennes lors du sabbat, par exemple la copulation avec les démons, les infanticides, l'inceste, le cannibalisme, la sodomie, l'empasse, ensuite les envolées nocturnes des sorcières et leur métamorphose en bête. Pour la sorcière de Guy Marchand, elle est présente textuellement dans la danse macabre des femmes de la première moitié des années 1480, puis visuellement dans l'édition de 1491. La sorcière de Marchand se situe ainsi en plein dans ce développement de la conception de l'imaginaire du sabbat et de la sorcière, et elle présente déjà quelques attributs associés aux sorcières introduits par les auteurs des textes démonologiques ou repris de la culture populaire. Je vais d'abord analyser rapidement le texte ainsi que trois de ses attributs présents dans son illustration afin d'en déceler quelques indices, comme j'ai dit, nous permettant de mieux situer cette sorcière dans son contexte historique et iconographique. Alors, pour le texte, tel que j'ai mentionné précédemment, la sorcière fait sa première apparition dans le manuscrit français 132 sous forme textuelle et son poème par la suite se perpétua dans les versions ultérieures. avec quelques modifications. Ce poème se démarque de ceux des autres personnages présents au sein de la danse macabre des femmes. puisqu'il présente un narratif associé au déroulement d'un procès de sorcellerie, à la condamnation de la sorcière et ensuite à sa méthode d'exécution. Par exemple, la première ligne interpelle le lecteur à la manière d'un crieur public, en disant oyez, oyez qui annoncerait la condamnation de la sorcière pour ses crimes de maléficiat, qui eux sont indiqués par les vers 3 et 4, qui a fait mourir et décevoir plusieurs gens en même manière. Et ensuite, le manuscrit B et C mentionnent également la manière dont cette sorcière sera mise à mort, c'est-à-dire par le bûcher, donc au vers 6, à mourir en feu et misère. Par contre, ce vers fut modifié dans les éditions éprimées, laissant ainsi le sort de la sorcière plutôt incertain. Dans sa réponse à la mort, la sorcière admet ses fautes et implore le lecteur de lui offrir le don de notre père ou de messe pour sauver son âme. efforts qui lui sont pourtant futiles en raison de la nature de ses péchés qui sont mortels et du fait qu'elle a fort probablement déjà vendu son âme au diable pour se faire sorcière. Pour ce qui est de l'iconographie, trois attributs présents dans l'illustration m'ont paru intéressants à analyser, bien que visiblement il y en a d'autres. Premièrement, la sorcière est, au sein des danses macabres, une figure spécifiquement féminine. La danse macabre des hommes de marchand ne figure aucun équivalent masculin à ce personnage. Il n'y a pas de sorcier ni même d'hérétique parmi les hommes. Cette féminisation du sabbat et de ses adeptes n'était pas apparente avant la seconde moitié du 15e siècle. Par exemple, pour Hans Frund, les adeptes du démon étaient autant de sexe masculin que de sexe féminin. Et chez Claude Tolesan, le masculin fut employé pour détenir les hérétiques. Johannes Snyder et l'anonyme des héroïstes Gazariorum ne féminisent pas plus les sectateurs, mais mirent en cause la faiblesse des femmes pour expliquer leur propension à être plus facilement séduites et trompées par le diable. C'est plutôt le champion des dames de Martin Lefranc qui semble avoir amorcé dès 1431 une féminisation systématique du sabbat en présentant la sorcellerie comme étant le propre des femmes, à même leur nature. Cette féminisation du sabbat atteignit par la suite son aboutissement en 1486 avec le Malleus Maleficarum, qui, quant à lui, insiste particulièrement sur la prépondérance des sorcières au sein du sabbat. L'âge de la sorcière de Marchand représente un deuxième attribut découlant de cet imaginaire du sabbat. La littérature antique donnait déjà depuis longtemps à la sorcière les traits d'une vieille femme hideuse, et ce fut sous cette apparence que cette figure s'implanta dans l'imaginaire collectif. Pour les théologiens, les vieilles femmes furent les plus susceptibles de recourir à la sorcellerie puisque, plus stupides et crédules, elles seraient plus facilement trompées et séduites par les illusions du démon. Les vieilles femmes étaient souvent veuves et vivaient seules, isolées de leur communauté, et elles pouvaient s'adonner à la vente de remèdes magiques ou à l'usage de maléficiats afin de subvenir à leurs besoins. perverses et insatiables après la ménopause, d'où leur inclinaison à se laisser séduire par les démons et à copuler avec ceux-ci lors du sabbat. Ensuite, au sein de leur communauté, leur sénilité pouvait se manifester sous la forme d'une excentricité déplaisante ou de comportements asociaux tendant à hériter les voisins, affectant ainsi leur réputation et favorisant les accusations portées contre eux. Donc, en somme, Pour les démonologues, les vieilles femmes étaient intrinsèquement liées au mâle et donc plus susceptibles de participer au sabbat, d'où leur surreprésentation dans les procès de sorcellerie des dernières décennies du 15e siècle. Ce rapprochement entre la vieille des femmes et la sorcellerie permet d'analyser un autre attribut présent dans l'illustration de Marchand, qui est le balai. Le balai, motif par excellence de la sorcière, Le balai est le moyen de locomotion de prédilection de celle-ci pour se rendre au sabbat tel que c'est connu. Les origines de ce symbole remontent au mythe d'origine antique et païenne lié au vol nocturne et aux dames de la nuit. Selon ces croyances, certaines vieilles femmes participeraient à des cavalcades nocturnes en compagnie de la déesse Diane, lors desquelles elles s'envolaient dans les airs en chevauchant des animaux ou des bâtons. Bien que cette croyance fût d'abord rejetée par les démonologues, ceux-ci furent par la suite amenés à reconnaître la réalité matérielle du vol nocturne afin d'expliquer la tenue d'assemblée à la fois fréquente et souvent immense et que personne néanmoins n'avait jamais vue mais qui était tout de même rapporte. Le moyen de transport de ces sorcières prédit faire se forme pour Freund. Il s'agit de chaises enduites d'un ongant magique qui permettait le vol, tandis que Nider mentionne l'anecdote d'une vieille femme croyant pouvoir s'envoler par le biais d'un pétrin. Sinon, bâton, pelle, broche, fourche pouvaient également être utilisées, mais c'est surtout le balai qui marqua l'imaginaire collectif jusqu'à aujourd'hui. Pour ce qui est de son symbolisme, le balai comme attribut de la sorcière peut représenter un symbole phallique. et donc une allusion à la sexualité débridée des femmes côtoyant le diable. Il peut également faire référence à la quenouille ou aux autres instruments ménagers, domestiques, appartements à la sphère féminine. Ensuite, la plus ancienne représentation artistique du vol nocturne des sorcières se retrouve dans le manuscrit du Champion des dames, 1451, où l'on peut observer deux petites figures féminines appelées les vaudoises à califourchons sur un balai et un bâton. Pour Offer, Un dernier élément que j'aimerais mentionner par rapport à cette sorcière est son positionnement au sein de la procession et sa relation avec la religieuse. On ne peut déceler dans l'illustration de la sorcière de Marchand aucune référence explicite au sabbat, élément pourtant fondamental à la conception du stéréotype de la sorcière. Toutefois, la présence de la religieuse à ses côtés nous permet d'émettre une hypothèse quant à la relation que peuvent entretenir ces deux femmes. et d'en discerner un possible symbolisme relatif au sabbat. D'un point de vue théologique, la juxtaposition de la religieuse et de la sorcière ne peut être une coïncidence puisque toutes deux peuvent être interprétées comme les deux extrêmes de la nature féminine. Donc, d'un côté, la religieuse dévote, de l'autre, la sorcière impie, peuvent être comprises comme des opposés signifiant pour la première l'idéal chrétien tel que promis par l'Église, et pour l'autre un contre-modèle diabolique affichant les transgressions les plus obscènes et symbolisant les caractéristiques les plus amorales de la nature féminine. Nous pouvons pousser cette comparaison encore plus loin en inscrivant la sorcière au sein de son contexte sabbatique. Dérivant de pratiques considérées comme hérétiques aux yeux de l'Église, le sabbat symbolise la totale inversion de la liturgie chrétienne. Pour les théologiens, cette société d'adorateurs du diable peut donc se lire comme une anti-église, renforçant ainsi la dichotomie apparente de ces deux figures au sein de cette illustration. En conclusion, la sorcière de la danse macabre des femmes de Marchand se démarque par un positionnement plutôt neutre, mais central au sein du développement du stéréotype de la sorcière. Ce n'est pas son adhésion au sein du sabbat ou sa luxure qui sont mis de l'avant, mais plutôt sa participation à la banalité quotidienne de la communauté médiévale. Cette sorcière s'inscrit donc plutôt dans la conception populaire de la sorcière, celle d'une vieille femme rurale s'adonnant à des pratiques magiques traditionnelles, accusée de sorcellerie par ses voisins et les autorités locales, pour finalement être condamnée au bûcher pour ses crimes présumés. Elle présente toutefois des motifs issus autant de l'imaginaire collectif que de la démonologie, tel que le ballet, pour permettre au lecteur de l'identifier facilement, qui peut témoigner de la diffusion du concept criminatif de la sorcellerie à la fin. du 15ème siècle.

  • Speaker #1

    Merci. Merci, Justine Dufresne, d'être venue jusqu'à Brest pour nous présenter votre communication. Chères auditrices et auditeurs, merci pour votre écoute et à bientôt pour un prochain épisode. Dans ce cadre d'Europe est une association Nouveau 1901 et si vous êtes intéressé par notre activité, une adhésion, nos publications, notamment de ce colloque, Nous invitons à retrouver notre site web www.dance-macabre-europe.org

  • Speaker #0

    Danse Macabre d'Europe est également présente sur Facebook, Twitter, Instagram et Google.

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Description

LA SORCIERE .... dans une ronde macabre ou figure 36 personnages féminins. 

Aux débuts de la Danse macabre les personnages féminins sont les équivalents des personnages masculins, mais, au fur et à mesure que le thème évolue, des personnages strictement féminins issus des marges de la société médiévale apparaissent. Tel est le cas de la sorcière. 

Justine DUFRESNE, étudiante en Master histoire de l'art à l'Université de Laval (Québec) nous présente sa communication dans le cadre du XXème congrès des Danses Macabres d'Europe intitulée "La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant : une image inédite ?"


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Gardez votre oreille ouverte.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue. Chères auditrices et chers auditeurs, vous avez bien choisi d'écouter un balado des Dances Macabres d'Europe.

  • Speaker #0

    Dances Macabres d'Europe, le lieu de rencontre de la mort avec l'art, la littérature et l'histoire.

  • Speaker #1

    Justine Dufresne, étudiante en Master Histoire de l'Art à l'Université de Laval. Non la cité située en Mayenne, mais celle située de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, nous présente sa communication intitulée La figure de la sorcière dans la danse macabre des femmes, 1491, de Guy-aux-Marches. Une image inédite. Cette danse macabre est une ronde funéraire aux figures antifemmes. Au début, des équivalents féminins de rôles masculins et, sur la mesure que la ronde progresse, des personnages féminins issus des marges de la société. C'est le cas de la sorcière, mais laissons la parole à Justine Dufresne.

  • Speaker #2

    Dans le cadre de cette présentation et également dans celui de mon mémoire de maîtrise, Master... J'ai choisi de m'attarder sur la figure de la sorcière, présente dans l'édition de 1491 de La danse macabre des femmes du libraire-imprimeur parisien Guy Marchand. À la fin de la période médiévale, il s'est développé un archétype de la sorcière au sein de l'imaginaire collectif, dont les attributs furent tirés autant de croyances populaires que de développements en matière de démonologie, qui peut témoigner de la crainte grandissante de cette société médiévale. envers l'existence d'une nouvelle secte dite satanique. Toutefois, malgré la popularité grandissante de ces récits de sorcellerie et du sabbat tout au long du 15e siècle, très peu de représentations visuelles et artistiques de la sorcière telle qu'on la connaît, semblent exister avant la publication du fameux Malleus Maleficarum en 1486. Il faudra plutôt attendre le tournant du 16e siècle pour voir se concrétiser Avec les œuvres de Durer ou de Valdun, par exemple, l'image d'une femme diabolique exhibant une nature dualiste, reliant sexualité et destruction, Eros et Thanatos, la sourcière de Marchand figure donc parmi les rares représentations artistiques de ce personnage, réalisé avant 1500, et c'est pour cette raison que j'ai choisi de m'attarder sur celle-ci afin d'analyser quelques-uns de ses attributs iconographiques et d'en identifier leurs possibles sources historiques et sociologiques. Je présenterai donc tout d'abord et très brièvement le contexte de production de cette danse macabre des femmes et de sa sorcière, ainsi que le développement de l'imaginaire du sabbat. Par la suite, je présenterai le texte de la sorcière, très rapidement encore, pour ensuite analyser trois des attributs présents dans son illustration, dans le but de relever les indices pouvant permettre de mieux situer ce personnage à un moment déterminant de l'élaboration de l'archétype de la sorcière démoniaque à la fin de la période médiévale. Détachée de son contexte démonologique habituel, qui est celui du sabbat, cette image nous permet de nous questionner quant au développement iconographique d'un personnage aussi controversé au sein de la danse macabre des femmes, à l'aube des grandes chasses aux sorcières des temps modernes. Cette sorcière de marchand se situe d'une certaine manière en plein dans la lignée évolutive de ce qu'on appelle l'imaginaire du sabbat, que dans cette chronologie, la deuxième moitié du 15e siècle, Et ces attributs peuvent nous donner quelques indices quant aux traditions iconographiques auxquelles elle appartiendrait. Une de ces premières traditions, qui est plus ancienne, serait celle associant les sorcières à des individus isolés, souvent des vieilles femmes, s'adonnant à des pratiques magiques populaires auprès d'une communauté rurale par le biais de maleficia. Et la deuxième tradition découle plutôt de ce qu'on peut appeler le concept cumulatif de la sorcellerie, confondant les sectes. hérétiques réels, notamment les vaudois, avec la croyance en l'existence d'un sabbat démonolâtre et maléfique. Selon l'historienne Anne-Tucky Harrison, La plus ancienne version de cette danse macabre des femmes se retrouverait dans le manuscrit MS 1182 de la BNF, rédigé vers 482. Cette première édition demeure assez rudimentaire, puisqu'il n'y a aucune illustration qui n'accompagne le texte, et la sorcière n'y figure pas encore. C'est plutôt dans le manuscrit français 132 de la BNF que la sorcière fait sa première apparition, à la toute dernière position, et elle est également présente, toujours à la dernière position, dans le manuscrit français 25 435 de la BNF. Par la suite, le libraire imprimeur parisien Guy Marchand imprima, suite à son succès de La danse macabre des hommes de 1485 qu'on connaît bien, une première édition de La danse macabre des femmes en 1486, qu'il augmenta d'illustration dans son édition de 1491. La sorcière, bien que toujours située vers la fin de la danse, ne se situe plus en dernière position. Elle partage désormais la 17e planche avec l'art religieuse qui la précède. L'image de la sorcière proposée par Marchand fut donc la toute première en son genre au sein des danses macabres, de ce que je sais, et on peut assumer que ses attributs furent dès lors inventés de toutes pièces par Marchand et ses associés. Bien entendu, la croyance en des individus féminins pratiquant la sorcellerie et la magie pouvant se métamorphoser en bêtes, concoctant des potions magiques, ou jetant des sorts maléfiques n'est pas une nouveauté du Moyen-Âge, puisqu'on retrouve de tels personnages entre autres dans la mythologie et la littérature antique, le folklore et les textes sacrés. C'est donc dans le prolongement de ces traditions littéraires et folkloriques que nous pouvons repérer les premières traces de ce qui inspirera possiblement la sorcière de Marchand. Jusqu'à la fin du 14e siècle, la croyance en l'existence d'une congrégation de sorciers démonolâtres fut condamnée par l'Église. notamment en raison du canon épiscopique du IXe siècle, et ce furent plutôt les sectes hérétiques tels que les cathares et les vaudois qui furent diabolisés et persécutés par l'Inquisition pour leur crime d'hérésie lors du Moyen Âge central. Ce n'est qu'à la fin de la période médiévale que les traités de démonologie signalant la menace d'une nouvelle secte d'hérétiques dévouée à Satan se multiplièrent, permettant ainsi l'élaboration d'une littérature détaillant le sabbat diabolique. et les membres de la Congrégation qui y participent. C'est donc en puisant une multitude de sources d'origine judéo-chrétienne, païenne et antique, ainsi qu'en confondant hérésie et sorcellerie, que les théologiens du 15e siècle brossèrent un portrait composite de la sorcière et de son sabbat. Martine Ostorero, dans son important travail de recherche sur les origines textuelles du sabbat, met de l'avant cinq des textes les plus anciens introduisant ce qu'elle nomme l'imaginaire du sabbat. le rapport sur la chasse aux sorciers et sorcières du chroniqueur lucernois Hans Freund, le formicarius du dominicain allemand Johannes Snyder, les Erroris Geisariorum, le Ut Magorum du juge dauphinois Claude Tolussan, ainsi qu'un passage du tome 4 du Champion des Dames de Martin Lefranc. On peut dégager de ces écrits démonologiques quelques éléments clés du concept primitif de la sorcellerie ayant permis l'élaboration de cet imaginaire du sabbat dès le milieu du 15e siècle. Donc, l'idée d'une magie maléfique exécutée par le pouvoir du diable, les maléficia, la tentation démoniaque, le pacte diabolique, le culte collectif rendu au diable, la participation à des activités amorales et antichrétiennes lors du sabbat, par exemple la copulation avec les démons, les infanticides, l'inceste, le cannibalisme, la sodomie, l'empasse, ensuite les envolées nocturnes des sorcières et leur métamorphose en bête. Pour la sorcière de Guy Marchand, elle est présente textuellement dans la danse macabre des femmes de la première moitié des années 1480, puis visuellement dans l'édition de 1491. La sorcière de Marchand se situe ainsi en plein dans ce développement de la conception de l'imaginaire du sabbat et de la sorcière, et elle présente déjà quelques attributs associés aux sorcières introduits par les auteurs des textes démonologiques ou repris de la culture populaire. Je vais d'abord analyser rapidement le texte ainsi que trois de ses attributs présents dans son illustration afin d'en déceler quelques indices, comme j'ai dit, nous permettant de mieux situer cette sorcière dans son contexte historique et iconographique. Alors, pour le texte, tel que j'ai mentionné précédemment, la sorcière fait sa première apparition dans le manuscrit français 132 sous forme textuelle et son poème par la suite se perpétua dans les versions ultérieures. avec quelques modifications. Ce poème se démarque de ceux des autres personnages présents au sein de la danse macabre des femmes. puisqu'il présente un narratif associé au déroulement d'un procès de sorcellerie, à la condamnation de la sorcière et ensuite à sa méthode d'exécution. Par exemple, la première ligne interpelle le lecteur à la manière d'un crieur public, en disant oyez, oyez qui annoncerait la condamnation de la sorcière pour ses crimes de maléficiat, qui eux sont indiqués par les vers 3 et 4, qui a fait mourir et décevoir plusieurs gens en même manière. Et ensuite, le manuscrit B et C mentionnent également la manière dont cette sorcière sera mise à mort, c'est-à-dire par le bûcher, donc au vers 6, à mourir en feu et misère. Par contre, ce vers fut modifié dans les éditions éprimées, laissant ainsi le sort de la sorcière plutôt incertain. Dans sa réponse à la mort, la sorcière admet ses fautes et implore le lecteur de lui offrir le don de notre père ou de messe pour sauver son âme. efforts qui lui sont pourtant futiles en raison de la nature de ses péchés qui sont mortels et du fait qu'elle a fort probablement déjà vendu son âme au diable pour se faire sorcière. Pour ce qui est de l'iconographie, trois attributs présents dans l'illustration m'ont paru intéressants à analyser, bien que visiblement il y en a d'autres. Premièrement, la sorcière est, au sein des danses macabres, une figure spécifiquement féminine. La danse macabre des hommes de marchand ne figure aucun équivalent masculin à ce personnage. Il n'y a pas de sorcier ni même d'hérétique parmi les hommes. Cette féminisation du sabbat et de ses adeptes n'était pas apparente avant la seconde moitié du 15e siècle. Par exemple, pour Hans Frund, les adeptes du démon étaient autant de sexe masculin que de sexe féminin. Et chez Claude Tolesan, le masculin fut employé pour détenir les hérétiques. Johannes Snyder et l'anonyme des héroïstes Gazariorum ne féminisent pas plus les sectateurs, mais mirent en cause la faiblesse des femmes pour expliquer leur propension à être plus facilement séduites et trompées par le diable. C'est plutôt le champion des dames de Martin Lefranc qui semble avoir amorcé dès 1431 une féminisation systématique du sabbat en présentant la sorcellerie comme étant le propre des femmes, à même leur nature. Cette féminisation du sabbat atteignit par la suite son aboutissement en 1486 avec le Malleus Maleficarum, qui, quant à lui, insiste particulièrement sur la prépondérance des sorcières au sein du sabbat. L'âge de la sorcière de Marchand représente un deuxième attribut découlant de cet imaginaire du sabbat. La littérature antique donnait déjà depuis longtemps à la sorcière les traits d'une vieille femme hideuse, et ce fut sous cette apparence que cette figure s'implanta dans l'imaginaire collectif. Pour les théologiens, les vieilles femmes furent les plus susceptibles de recourir à la sorcellerie puisque, plus stupides et crédules, elles seraient plus facilement trompées et séduites par les illusions du démon. Les vieilles femmes étaient souvent veuves et vivaient seules, isolées de leur communauté, et elles pouvaient s'adonner à la vente de remèdes magiques ou à l'usage de maléficiats afin de subvenir à leurs besoins. perverses et insatiables après la ménopause, d'où leur inclinaison à se laisser séduire par les démons et à copuler avec ceux-ci lors du sabbat. Ensuite, au sein de leur communauté, leur sénilité pouvait se manifester sous la forme d'une excentricité déplaisante ou de comportements asociaux tendant à hériter les voisins, affectant ainsi leur réputation et favorisant les accusations portées contre eux. Donc, en somme, Pour les démonologues, les vieilles femmes étaient intrinsèquement liées au mâle et donc plus susceptibles de participer au sabbat, d'où leur surreprésentation dans les procès de sorcellerie des dernières décennies du 15e siècle. Ce rapprochement entre la vieille des femmes et la sorcellerie permet d'analyser un autre attribut présent dans l'illustration de Marchand, qui est le balai. Le balai, motif par excellence de la sorcière, Le balai est le moyen de locomotion de prédilection de celle-ci pour se rendre au sabbat tel que c'est connu. Les origines de ce symbole remontent au mythe d'origine antique et païenne lié au vol nocturne et aux dames de la nuit. Selon ces croyances, certaines vieilles femmes participeraient à des cavalcades nocturnes en compagnie de la déesse Diane, lors desquelles elles s'envolaient dans les airs en chevauchant des animaux ou des bâtons. Bien que cette croyance fût d'abord rejetée par les démonologues, ceux-ci furent par la suite amenés à reconnaître la réalité matérielle du vol nocturne afin d'expliquer la tenue d'assemblée à la fois fréquente et souvent immense et que personne néanmoins n'avait jamais vue mais qui était tout de même rapporte. Le moyen de transport de ces sorcières prédit faire se forme pour Freund. Il s'agit de chaises enduites d'un ongant magique qui permettait le vol, tandis que Nider mentionne l'anecdote d'une vieille femme croyant pouvoir s'envoler par le biais d'un pétrin. Sinon, bâton, pelle, broche, fourche pouvaient également être utilisées, mais c'est surtout le balai qui marqua l'imaginaire collectif jusqu'à aujourd'hui. Pour ce qui est de son symbolisme, le balai comme attribut de la sorcière peut représenter un symbole phallique. et donc une allusion à la sexualité débridée des femmes côtoyant le diable. Il peut également faire référence à la quenouille ou aux autres instruments ménagers, domestiques, appartements à la sphère féminine. Ensuite, la plus ancienne représentation artistique du vol nocturne des sorcières se retrouve dans le manuscrit du Champion des dames, 1451, où l'on peut observer deux petites figures féminines appelées les vaudoises à califourchons sur un balai et un bâton. Pour Offer, Un dernier élément que j'aimerais mentionner par rapport à cette sorcière est son positionnement au sein de la procession et sa relation avec la religieuse. On ne peut déceler dans l'illustration de la sorcière de Marchand aucune référence explicite au sabbat, élément pourtant fondamental à la conception du stéréotype de la sorcière. Toutefois, la présence de la religieuse à ses côtés nous permet d'émettre une hypothèse quant à la relation que peuvent entretenir ces deux femmes. et d'en discerner un possible symbolisme relatif au sabbat. D'un point de vue théologique, la juxtaposition de la religieuse et de la sorcière ne peut être une coïncidence puisque toutes deux peuvent être interprétées comme les deux extrêmes de la nature féminine. Donc, d'un côté, la religieuse dévote, de l'autre, la sorcière impie, peuvent être comprises comme des opposés signifiant pour la première l'idéal chrétien tel que promis par l'Église, et pour l'autre un contre-modèle diabolique affichant les transgressions les plus obscènes et symbolisant les caractéristiques les plus amorales de la nature féminine. Nous pouvons pousser cette comparaison encore plus loin en inscrivant la sorcière au sein de son contexte sabbatique. Dérivant de pratiques considérées comme hérétiques aux yeux de l'Église, le sabbat symbolise la totale inversion de la liturgie chrétienne. Pour les théologiens, cette société d'adorateurs du diable peut donc se lire comme une anti-église, renforçant ainsi la dichotomie apparente de ces deux figures au sein de cette illustration. En conclusion, la sorcière de la danse macabre des femmes de Marchand se démarque par un positionnement plutôt neutre, mais central au sein du développement du stéréotype de la sorcière. Ce n'est pas son adhésion au sein du sabbat ou sa luxure qui sont mis de l'avant, mais plutôt sa participation à la banalité quotidienne de la communauté médiévale. Cette sorcière s'inscrit donc plutôt dans la conception populaire de la sorcière, celle d'une vieille femme rurale s'adonnant à des pratiques magiques traditionnelles, accusée de sorcellerie par ses voisins et les autorités locales, pour finalement être condamnée au bûcher pour ses crimes présumés. Elle présente toutefois des motifs issus autant de l'imaginaire collectif que de la démonologie, tel que le ballet, pour permettre au lecteur de l'identifier facilement, qui peut témoigner de la diffusion du concept criminatif de la sorcellerie à la fin. du 15ème siècle.

  • Speaker #1

    Merci. Merci, Justine Dufresne, d'être venue jusqu'à Brest pour nous présenter votre communication. Chères auditrices et auditeurs, merci pour votre écoute et à bientôt pour un prochain épisode. Dans ce cadre d'Europe est une association Nouveau 1901 et si vous êtes intéressé par notre activité, une adhésion, nos publications, notamment de ce colloque, Nous invitons à retrouver notre site web www.dance-macabre-europe.org

  • Speaker #0

    Danse Macabre d'Europe est également présente sur Facebook, Twitter, Instagram et Google.

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LA SORCIERE .... dans une ronde macabre ou figure 36 personnages féminins. 

Aux débuts de la Danse macabre les personnages féminins sont les équivalents des personnages masculins, mais, au fur et à mesure que le thème évolue, des personnages strictement féminins issus des marges de la société médiévale apparaissent. Tel est le cas de la sorcière. 

Justine DUFRESNE, étudiante en Master histoire de l'art à l'Université de Laval (Québec) nous présente sa communication dans le cadre du XXème congrès des Danses Macabres d'Europe intitulée "La figure de la sorcière dans la Danse macabre des femmes (1491) de Guyot Marchant : une image inédite ?"


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Gardez votre oreille ouverte.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue. Chères auditrices et chers auditeurs, vous avez bien choisi d'écouter un balado des Dances Macabres d'Europe.

  • Speaker #0

    Dances Macabres d'Europe, le lieu de rencontre de la mort avec l'art, la littérature et l'histoire.

  • Speaker #1

    Justine Dufresne, étudiante en Master Histoire de l'Art à l'Université de Laval. Non la cité située en Mayenne, mais celle située de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, nous présente sa communication intitulée La figure de la sorcière dans la danse macabre des femmes, 1491, de Guy-aux-Marches. Une image inédite. Cette danse macabre est une ronde funéraire aux figures antifemmes. Au début, des équivalents féminins de rôles masculins et, sur la mesure que la ronde progresse, des personnages féminins issus des marges de la société. C'est le cas de la sorcière, mais laissons la parole à Justine Dufresne.

  • Speaker #2

    Dans le cadre de cette présentation et également dans celui de mon mémoire de maîtrise, Master... J'ai choisi de m'attarder sur la figure de la sorcière, présente dans l'édition de 1491 de La danse macabre des femmes du libraire-imprimeur parisien Guy Marchand. À la fin de la période médiévale, il s'est développé un archétype de la sorcière au sein de l'imaginaire collectif, dont les attributs furent tirés autant de croyances populaires que de développements en matière de démonologie, qui peut témoigner de la crainte grandissante de cette société médiévale. envers l'existence d'une nouvelle secte dite satanique. Toutefois, malgré la popularité grandissante de ces récits de sorcellerie et du sabbat tout au long du 15e siècle, très peu de représentations visuelles et artistiques de la sorcière telle qu'on la connaît, semblent exister avant la publication du fameux Malleus Maleficarum en 1486. Il faudra plutôt attendre le tournant du 16e siècle pour voir se concrétiser Avec les œuvres de Durer ou de Valdun, par exemple, l'image d'une femme diabolique exhibant une nature dualiste, reliant sexualité et destruction, Eros et Thanatos, la sourcière de Marchand figure donc parmi les rares représentations artistiques de ce personnage, réalisé avant 1500, et c'est pour cette raison que j'ai choisi de m'attarder sur celle-ci afin d'analyser quelques-uns de ses attributs iconographiques et d'en identifier leurs possibles sources historiques et sociologiques. Je présenterai donc tout d'abord et très brièvement le contexte de production de cette danse macabre des femmes et de sa sorcière, ainsi que le développement de l'imaginaire du sabbat. Par la suite, je présenterai le texte de la sorcière, très rapidement encore, pour ensuite analyser trois des attributs présents dans son illustration, dans le but de relever les indices pouvant permettre de mieux situer ce personnage à un moment déterminant de l'élaboration de l'archétype de la sorcière démoniaque à la fin de la période médiévale. Détachée de son contexte démonologique habituel, qui est celui du sabbat, cette image nous permet de nous questionner quant au développement iconographique d'un personnage aussi controversé au sein de la danse macabre des femmes, à l'aube des grandes chasses aux sorcières des temps modernes. Cette sorcière de marchand se situe d'une certaine manière en plein dans la lignée évolutive de ce qu'on appelle l'imaginaire du sabbat, que dans cette chronologie, la deuxième moitié du 15e siècle, Et ces attributs peuvent nous donner quelques indices quant aux traditions iconographiques auxquelles elle appartiendrait. Une de ces premières traditions, qui est plus ancienne, serait celle associant les sorcières à des individus isolés, souvent des vieilles femmes, s'adonnant à des pratiques magiques populaires auprès d'une communauté rurale par le biais de maleficia. Et la deuxième tradition découle plutôt de ce qu'on peut appeler le concept cumulatif de la sorcellerie, confondant les sectes. hérétiques réels, notamment les vaudois, avec la croyance en l'existence d'un sabbat démonolâtre et maléfique. Selon l'historienne Anne-Tucky Harrison, La plus ancienne version de cette danse macabre des femmes se retrouverait dans le manuscrit MS 1182 de la BNF, rédigé vers 482. Cette première édition demeure assez rudimentaire, puisqu'il n'y a aucune illustration qui n'accompagne le texte, et la sorcière n'y figure pas encore. C'est plutôt dans le manuscrit français 132 de la BNF que la sorcière fait sa première apparition, à la toute dernière position, et elle est également présente, toujours à la dernière position, dans le manuscrit français 25 435 de la BNF. Par la suite, le libraire imprimeur parisien Guy Marchand imprima, suite à son succès de La danse macabre des hommes de 1485 qu'on connaît bien, une première édition de La danse macabre des femmes en 1486, qu'il augmenta d'illustration dans son édition de 1491. La sorcière, bien que toujours située vers la fin de la danse, ne se situe plus en dernière position. Elle partage désormais la 17e planche avec l'art religieuse qui la précède. L'image de la sorcière proposée par Marchand fut donc la toute première en son genre au sein des danses macabres, de ce que je sais, et on peut assumer que ses attributs furent dès lors inventés de toutes pièces par Marchand et ses associés. Bien entendu, la croyance en des individus féminins pratiquant la sorcellerie et la magie pouvant se métamorphoser en bêtes, concoctant des potions magiques, ou jetant des sorts maléfiques n'est pas une nouveauté du Moyen-Âge, puisqu'on retrouve de tels personnages entre autres dans la mythologie et la littérature antique, le folklore et les textes sacrés. C'est donc dans le prolongement de ces traditions littéraires et folkloriques que nous pouvons repérer les premières traces de ce qui inspirera possiblement la sorcière de Marchand. Jusqu'à la fin du 14e siècle, la croyance en l'existence d'une congrégation de sorciers démonolâtres fut condamnée par l'Église. notamment en raison du canon épiscopique du IXe siècle, et ce furent plutôt les sectes hérétiques tels que les cathares et les vaudois qui furent diabolisés et persécutés par l'Inquisition pour leur crime d'hérésie lors du Moyen Âge central. Ce n'est qu'à la fin de la période médiévale que les traités de démonologie signalant la menace d'une nouvelle secte d'hérétiques dévouée à Satan se multiplièrent, permettant ainsi l'élaboration d'une littérature détaillant le sabbat diabolique. et les membres de la Congrégation qui y participent. C'est donc en puisant une multitude de sources d'origine judéo-chrétienne, païenne et antique, ainsi qu'en confondant hérésie et sorcellerie, que les théologiens du 15e siècle brossèrent un portrait composite de la sorcière et de son sabbat. Martine Ostorero, dans son important travail de recherche sur les origines textuelles du sabbat, met de l'avant cinq des textes les plus anciens introduisant ce qu'elle nomme l'imaginaire du sabbat. le rapport sur la chasse aux sorciers et sorcières du chroniqueur lucernois Hans Freund, le formicarius du dominicain allemand Johannes Snyder, les Erroris Geisariorum, le Ut Magorum du juge dauphinois Claude Tolussan, ainsi qu'un passage du tome 4 du Champion des Dames de Martin Lefranc. On peut dégager de ces écrits démonologiques quelques éléments clés du concept primitif de la sorcellerie ayant permis l'élaboration de cet imaginaire du sabbat dès le milieu du 15e siècle. Donc, l'idée d'une magie maléfique exécutée par le pouvoir du diable, les maléficia, la tentation démoniaque, le pacte diabolique, le culte collectif rendu au diable, la participation à des activités amorales et antichrétiennes lors du sabbat, par exemple la copulation avec les démons, les infanticides, l'inceste, le cannibalisme, la sodomie, l'empasse, ensuite les envolées nocturnes des sorcières et leur métamorphose en bête. Pour la sorcière de Guy Marchand, elle est présente textuellement dans la danse macabre des femmes de la première moitié des années 1480, puis visuellement dans l'édition de 1491. La sorcière de Marchand se situe ainsi en plein dans ce développement de la conception de l'imaginaire du sabbat et de la sorcière, et elle présente déjà quelques attributs associés aux sorcières introduits par les auteurs des textes démonologiques ou repris de la culture populaire. Je vais d'abord analyser rapidement le texte ainsi que trois de ses attributs présents dans son illustration afin d'en déceler quelques indices, comme j'ai dit, nous permettant de mieux situer cette sorcière dans son contexte historique et iconographique. Alors, pour le texte, tel que j'ai mentionné précédemment, la sorcière fait sa première apparition dans le manuscrit français 132 sous forme textuelle et son poème par la suite se perpétua dans les versions ultérieures. avec quelques modifications. Ce poème se démarque de ceux des autres personnages présents au sein de la danse macabre des femmes. puisqu'il présente un narratif associé au déroulement d'un procès de sorcellerie, à la condamnation de la sorcière et ensuite à sa méthode d'exécution. Par exemple, la première ligne interpelle le lecteur à la manière d'un crieur public, en disant oyez, oyez qui annoncerait la condamnation de la sorcière pour ses crimes de maléficiat, qui eux sont indiqués par les vers 3 et 4, qui a fait mourir et décevoir plusieurs gens en même manière. Et ensuite, le manuscrit B et C mentionnent également la manière dont cette sorcière sera mise à mort, c'est-à-dire par le bûcher, donc au vers 6, à mourir en feu et misère. Par contre, ce vers fut modifié dans les éditions éprimées, laissant ainsi le sort de la sorcière plutôt incertain. Dans sa réponse à la mort, la sorcière admet ses fautes et implore le lecteur de lui offrir le don de notre père ou de messe pour sauver son âme. efforts qui lui sont pourtant futiles en raison de la nature de ses péchés qui sont mortels et du fait qu'elle a fort probablement déjà vendu son âme au diable pour se faire sorcière. Pour ce qui est de l'iconographie, trois attributs présents dans l'illustration m'ont paru intéressants à analyser, bien que visiblement il y en a d'autres. Premièrement, la sorcière est, au sein des danses macabres, une figure spécifiquement féminine. La danse macabre des hommes de marchand ne figure aucun équivalent masculin à ce personnage. Il n'y a pas de sorcier ni même d'hérétique parmi les hommes. Cette féminisation du sabbat et de ses adeptes n'était pas apparente avant la seconde moitié du 15e siècle. Par exemple, pour Hans Frund, les adeptes du démon étaient autant de sexe masculin que de sexe féminin. Et chez Claude Tolesan, le masculin fut employé pour détenir les hérétiques. Johannes Snyder et l'anonyme des héroïstes Gazariorum ne féminisent pas plus les sectateurs, mais mirent en cause la faiblesse des femmes pour expliquer leur propension à être plus facilement séduites et trompées par le diable. C'est plutôt le champion des dames de Martin Lefranc qui semble avoir amorcé dès 1431 une féminisation systématique du sabbat en présentant la sorcellerie comme étant le propre des femmes, à même leur nature. Cette féminisation du sabbat atteignit par la suite son aboutissement en 1486 avec le Malleus Maleficarum, qui, quant à lui, insiste particulièrement sur la prépondérance des sorcières au sein du sabbat. L'âge de la sorcière de Marchand représente un deuxième attribut découlant de cet imaginaire du sabbat. La littérature antique donnait déjà depuis longtemps à la sorcière les traits d'une vieille femme hideuse, et ce fut sous cette apparence que cette figure s'implanta dans l'imaginaire collectif. Pour les théologiens, les vieilles femmes furent les plus susceptibles de recourir à la sorcellerie puisque, plus stupides et crédules, elles seraient plus facilement trompées et séduites par les illusions du démon. Les vieilles femmes étaient souvent veuves et vivaient seules, isolées de leur communauté, et elles pouvaient s'adonner à la vente de remèdes magiques ou à l'usage de maléficiats afin de subvenir à leurs besoins. perverses et insatiables après la ménopause, d'où leur inclinaison à se laisser séduire par les démons et à copuler avec ceux-ci lors du sabbat. Ensuite, au sein de leur communauté, leur sénilité pouvait se manifester sous la forme d'une excentricité déplaisante ou de comportements asociaux tendant à hériter les voisins, affectant ainsi leur réputation et favorisant les accusations portées contre eux. Donc, en somme, Pour les démonologues, les vieilles femmes étaient intrinsèquement liées au mâle et donc plus susceptibles de participer au sabbat, d'où leur surreprésentation dans les procès de sorcellerie des dernières décennies du 15e siècle. Ce rapprochement entre la vieille des femmes et la sorcellerie permet d'analyser un autre attribut présent dans l'illustration de Marchand, qui est le balai. Le balai, motif par excellence de la sorcière, Le balai est le moyen de locomotion de prédilection de celle-ci pour se rendre au sabbat tel que c'est connu. Les origines de ce symbole remontent au mythe d'origine antique et païenne lié au vol nocturne et aux dames de la nuit. Selon ces croyances, certaines vieilles femmes participeraient à des cavalcades nocturnes en compagnie de la déesse Diane, lors desquelles elles s'envolaient dans les airs en chevauchant des animaux ou des bâtons. Bien que cette croyance fût d'abord rejetée par les démonologues, ceux-ci furent par la suite amenés à reconnaître la réalité matérielle du vol nocturne afin d'expliquer la tenue d'assemblée à la fois fréquente et souvent immense et que personne néanmoins n'avait jamais vue mais qui était tout de même rapporte. Le moyen de transport de ces sorcières prédit faire se forme pour Freund. Il s'agit de chaises enduites d'un ongant magique qui permettait le vol, tandis que Nider mentionne l'anecdote d'une vieille femme croyant pouvoir s'envoler par le biais d'un pétrin. Sinon, bâton, pelle, broche, fourche pouvaient également être utilisées, mais c'est surtout le balai qui marqua l'imaginaire collectif jusqu'à aujourd'hui. Pour ce qui est de son symbolisme, le balai comme attribut de la sorcière peut représenter un symbole phallique. et donc une allusion à la sexualité débridée des femmes côtoyant le diable. Il peut également faire référence à la quenouille ou aux autres instruments ménagers, domestiques, appartements à la sphère féminine. Ensuite, la plus ancienne représentation artistique du vol nocturne des sorcières se retrouve dans le manuscrit du Champion des dames, 1451, où l'on peut observer deux petites figures féminines appelées les vaudoises à califourchons sur un balai et un bâton. Pour Offer, Un dernier élément que j'aimerais mentionner par rapport à cette sorcière est son positionnement au sein de la procession et sa relation avec la religieuse. On ne peut déceler dans l'illustration de la sorcière de Marchand aucune référence explicite au sabbat, élément pourtant fondamental à la conception du stéréotype de la sorcière. Toutefois, la présence de la religieuse à ses côtés nous permet d'émettre une hypothèse quant à la relation que peuvent entretenir ces deux femmes. et d'en discerner un possible symbolisme relatif au sabbat. D'un point de vue théologique, la juxtaposition de la religieuse et de la sorcière ne peut être une coïncidence puisque toutes deux peuvent être interprétées comme les deux extrêmes de la nature féminine. Donc, d'un côté, la religieuse dévote, de l'autre, la sorcière impie, peuvent être comprises comme des opposés signifiant pour la première l'idéal chrétien tel que promis par l'Église, et pour l'autre un contre-modèle diabolique affichant les transgressions les plus obscènes et symbolisant les caractéristiques les plus amorales de la nature féminine. Nous pouvons pousser cette comparaison encore plus loin en inscrivant la sorcière au sein de son contexte sabbatique. Dérivant de pratiques considérées comme hérétiques aux yeux de l'Église, le sabbat symbolise la totale inversion de la liturgie chrétienne. Pour les théologiens, cette société d'adorateurs du diable peut donc se lire comme une anti-église, renforçant ainsi la dichotomie apparente de ces deux figures au sein de cette illustration. En conclusion, la sorcière de la danse macabre des femmes de Marchand se démarque par un positionnement plutôt neutre, mais central au sein du développement du stéréotype de la sorcière. Ce n'est pas son adhésion au sein du sabbat ou sa luxure qui sont mis de l'avant, mais plutôt sa participation à la banalité quotidienne de la communauté médiévale. Cette sorcière s'inscrit donc plutôt dans la conception populaire de la sorcière, celle d'une vieille femme rurale s'adonnant à des pratiques magiques traditionnelles, accusée de sorcellerie par ses voisins et les autorités locales, pour finalement être condamnée au bûcher pour ses crimes présumés. Elle présente toutefois des motifs issus autant de l'imaginaire collectif que de la démonologie, tel que le ballet, pour permettre au lecteur de l'identifier facilement, qui peut témoigner de la diffusion du concept criminatif de la sorcellerie à la fin. du 15ème siècle.

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    Merci. Merci, Justine Dufresne, d'être venue jusqu'à Brest pour nous présenter votre communication. Chères auditrices et auditeurs, merci pour votre écoute et à bientôt pour un prochain épisode. Dans ce cadre d'Europe est une association Nouveau 1901 et si vous êtes intéressé par notre activité, une adhésion, nos publications, notamment de ce colloque, Nous invitons à retrouver notre site web www.dance-macabre-europe.org

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