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Quand les couleurs chantent : la synesthésie de Vassily Kandinsky cover
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Du Grand Art

Quand les couleurs chantent : la synesthésie de Vassily Kandinsky

Quand les couleurs chantent : la synesthésie de Vassily Kandinsky

12min |08/09/2025
Play
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Quand les couleurs chantent : la synesthésie de Vassily Kandinsky

Quand les couleurs chantent : la synesthésie de Vassily Kandinsky

12min |08/09/2025
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Description

Et si une couleur pouvait chanter ? Et si une toile pouvait résonner comme une symphonie ? 🎨🎶

Certains artistes ne voyaient pas seulement avec leurs yeux… ils entendaient avec leur regard, ressentaient avec leur oreille, touchaient avec leur imagination.
Ce phénomène porte un nom : la synesthésie. Et il a changé à jamais la manière dont l’art a été pensé et perçu.

Dans ce nouvel épisode de Du Grand Art, plongez dans l’univers fascinant où les frontières entre les sens disparaissent. Vous y découvrirez comment un artiste visionnaire a bousculé toutes les conventions pour inventer une nouvelle façon de peindre, d’écouter et de ressentir.

Un épisode qui interroge :
👉 Qu’est-ce que l’art, sinon une expérience sensorielle ?
👉 Comment la perception individuelle peut-elle transformer l’histoire de l’art ?
👉 Et surtout, que se passe-t-il quand les couleurs se mettent à chanter ?

Un voyage immersif pour celles et ceux qui aiment les anecdotes méconnues, les histoires courtes et croustillantes, et qui veulent nourrir leur curiosité sur l’art, le design et le graphisme.


📢Les anecdotes Du Grand Art vous plaisent ?

Voici 3 façons gratuites et hyper rapides pour nous soutenir :

  • Noter le podcast⭐⭐⭐⭐⭐

  • Laisser un commentaire💬

  • Le partager autour de vous 🗣️



Merci pour votre écoute, et à la semaine prochaine pour une nouvelle anecdote croustillante sur l'histoire de l'Art et du design !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast du Grand Art, le podcast qui s'intéresse aux petites histoires qui ont fait la grande. Ça y est, le mois de septembre est là, le soleil se lève plus tard et nous plus tôt. Ça sent la rentrée comme on dit. Mais d'ailleurs, pourquoi dit-on ça sent la rentrée ? On n'observe finalement que des changements visuels, les feuilles d'arbres qui commencent à jaunir, la lumière qui change. On ne sent pas réellement le mois de septembre, si ? C'est comme l'expression « avoir une voix claire » qui mêle l'ouïe et la vue, ou encore des critiques acides qui mêlent ouïe et goût, ou bien une couleur froide qui mêle vue et toucher. Sans le savoir, nous utilisons quotidiennement des expressions qui convoquent des sens bien différents. D'ailleurs, il paraît qu'un pourcentage de la population a un super pouvoir, celui de sentir les mots, de toucher les odeurs ou encore d'écouter les couleurs. Ça vous intrigue ? Ça tombe bien, c'est notre anecdote du jour, « Quand les couleurs chantent » , la synesthédie de Kandinsky. Nous sommes en 1889 dans l'oblast de Volodka, au nord-est de Moscou. C'est ici qu'un groupe d'étudiants en ethnographie s'est installé pour observer les modes de vie de la population locale. Parmi eux, un certain Vassily Kandinsky. Étudiant à la faculté de droit, ce jeune homme alors inconnu s'intéresse à tout. Cours d'économie politique, Merci. cours de droit, cours de peinture, cours de musique, rien ne semble l'arrêter. Vasily vient de finir sa journée et, comme chaque jour, il remplit ses carnets de pensées, d'analyses et de réflexions personnelles. Étant donné l'objet de son voyage et son cursus académique, on pourrait s'attendre à ce qu'il relate les us et coutumes qu'il aurait découvert au cours de sa journée. Mais il n'en est rien. Le jeune étudiant y raconte une expérience étrange qui vient de le secouer. J'en ai vu des choses. Oh là, j'en ai vu des choses. d'un geste dynamique. il couche sur papier les flashes qui lui reviennent. Il écrit que les maisons et les églises sont décorées de couleurs si chatoyantes qu'en y entrant, il a l'impression de rentrer dans un tableau. Cette expérience presque mystique le bouleverse autant que le voyage en lui-même. Et ce n'est que le premier incident sensoriel d'une longue série. Six ans plus tard, en 1895, Vassili assiste à l'exposition des impressionnistes à Moscou. En passant devant les meules de Monet, il s'arrête net. Il vient carrément... de perdre la notion du réel. Pour comprendre ce qui lui arrive, il nous faut d'abord comprendre les meules de Monet. C'est ça parce qu'il fait Monet ? C'est pas. C'est magnifique. Le petit prince de l'impressionnisme a l'habitude de peindre des paysages par touches de couleurs vives, très rapprochées, créant une illusion de mélange des couleurs, alors qu'il ne s'agit que d'aplats juxtaposés. Concrètement, de loin, on peut avoir l'impression d'observer des touches d'orange, alors qu'en réalité, il n'y a que des touches de jaune cadmium et de rouge vermillon, par exemple. C'est là toute la beauté de l'impressionnisme. Mais la particularité de Monet, c'est qu'il arrive à s'émerveiller chaque jour du même sujet, mais différemment. C'est notamment le cas des meules. Une série de tableaux représentant des meules de foin dans un champ près de chez lui à Giverny, qu'il a peint inlassablement entre l'été 1890 et le début de l'année 1891. 25 tableaux en tout. C'est pas que j'en ai marre, mais je suis un peu fatiguée. Et c'est vrai que... Si vous admirez un de ces tableaux, qui sont aujourd'hui disséminés à travers le monde, le talent de Monet est tel que vous pouvez avoir l'impression d'y être. Alors on peut tout à fait imaginer ce qui se produit quand on découvre la série tout entière au même endroit. Sacré Claude ! Mais bon, revenons à nos moutons. Lorsque Wassily Kandinsky fait face au meule, son cerveau devient incapable de reconnaître quoi que ce soit. Il n'arrive même pas à décrire le sujet du tableau, qui est pourtant simple et explicitement cité dans le titre. les meules. Il ne voit que les couleurs et, ébloui, il comprend pour la première fois qu'un tableau n'a pas besoin d'avoir un sujet figuratif pour émouvoir la personne qui l'observe. Un peu plus tard, Vassili se rend à l'opéra. Miloman, en plus d'être amateur de peinture, il s'apprête à passer une soirée très sympa pour aller assister à une représentation de l'OM Green. Si vous êtes de la Gen Z, l'OM Green C'est en quelque sorte ce qu'on pourrait appeler un gros banger à l'époque. Si vous êtes de la génération X ou Y, ça veut dire que c'est un tube qui groove. Alors ça a groové ce soir ? C'était incroyable ! Enfin bref, quand notre amateur d'art s'assied et que le show commence, il est victime d'une nouvelle expérience sensorielle. Et celle-ci d'un tout nouveau type. En fait, à chaque nouveau mouvement musical ou à chaque nouvelle mesure, va Sidi Kandinsky. et pris d'hallucinations visuelles. Vous me rendez fou ! Vous me rendez fou et je suis revenu hier de vacances et... Il écrit plus tard dans ses notes « Je voyais mentalement toutes mes couleurs, elles se tenaient devant mes yeux. Des lignes sauvages, presque folles, se dessinaient devant moi. » Là, ça y est, on a ouvert la boîte de Pandore. Vassili vient de comprendre qu'il est capable de voir les choses au-delà du réel. Mais bon, scientifique et cartésien comme il est, il laisse un peu tout ça de côté. « Pour moi, ce sont des balivernes. » Ceci dit, deux ans plus tard, en 1897, Il apprend que le physicien Joseph John Thomson a prouvé l'existence des électrons. Vous me direz, c'est top, ça nous fait une belle jambe, et je vous rejoins. Sauf que pour Vassili, le monde s'écroule. Si les électrons existent, ça veut dire que l'atome n'est pas indivisible et simple, comme la science nous l'affirmait jusqu'alors. Il est en réalité composé de choses invisibles et mystérieuses. Si l'électron existe, alors la réalité n'est pas uniquement ce que nous pouvons observer. Dès lors, Kandinsky ne croit plus ni au positivisme, ni à son équivalent artistique, le naturalisme. Réfléchissez deux minutes. C'est pas excessif. En clair, c'est comme si on vous avait toujours dit que les briques Lego étaient les plus petites choses du monde et qu'on ne pouvait pas les casser. Vous vous dites, ok, tout est fait de briques Lego, fin de l'histoire. Puis un jour, quelqu'un vous montre que chaque brique est en réalité composée de mini-pièces cachées à l'intérieur, invisibles à l'œil nu. Là, Vous comprenez que le monde est bien plus complexe et mystérieux que ce que vous aviez cru jusqu'ici. Donc, pour Kandinsky, copier seulement ce qu'on voit, c'est-à-dire le naturalisme, ou croire seulement ce qu'on peut mesurer, c'est-à-dire le positivisme, ça ne suffit plus. Il faut aussi représenter et explorer tout ce qui est caché, invisible et spirituel. Écoutez, ça fait partie du domaine du possible et je vais vous dire, moi, je le souhaite de tout cœur. Résultat, Vassili Plakhtou. Il refuse une chaire de professeur à l'université de Tartou, un poste plutôt prestigieux, pour se lancer dans des études de peinture. L'aventure s'arrête là maintenant, je rentre chez moi. Arrêtez de me filmer là, c'est bon. Ça ne sert à rien d'essayer de me retenir. J'ai tout fini. Non, je pars ! Globalement, ses œuvres sont très colorées et ne représentent pas d'humains. Pendant plusieurs années, il voyage d'abord beaucoup en Europe et produit des tableaux toujours plus abstraits. Un soir de 1908, alors qu'il est chez lui au calme après une longue journée de travail, il aperçoit son tableau Le cavalier bleu, penché sur le côté et posé contre un mur. Si tu veux que je te regarde, je te regarde et je te lâche pas que je regarde, d'accord ? Avec la lumière crépusculaire, on ne distingue même plus trop le sujet et en fait, on ne voit que les couleurs. Et c'est alors le déclic. À partir de ce soir-là, Vassilis se donne corps et âme à l'art abstrait. Il a pour ambition de conceptualiser une nouvelle théorie de l'art et va même créer un groupe qui s'appelle le Cavalier Bleu, en référence à son fameux tableau. Progressivement, les toiles de notre héros deviennent résolument Merci. différentes. Désormais, ce sont des taches de couleurs d'une grande intensité et des lignes noires très vives qui viennent habiter ces toiles. Vasily appelle ça le cœur des couleurs, C-H-O-E-U-R. Et ce n'est pas un hasard. En fait, il a enfin compris ce qui explique les trois phénomènes sensoriels qu'il a expérimentés d'abord lors de ses études, puis à l'exposition des impressionnistes, et enfin à l'opéra. Il se trouve que Vasily Kandinsky est capable d'entendre les couleurs. Sur ses toiles, les lignes représentent le rythme et les couleurs représentent les sonorités. D'ailleurs, les tableaux qu'il peint sur le vif sont titrés « Improvisation » , par exemple « Improvisation 8 » , tandis que celles qui sont plus travaillées sont titrées « Composition » . C'est un petit peu formidable, intelligent, brillant. Pour vous donner un exemple concret, avec son tableau « Accords composés » , titre original Gegenklänge, dès le titre, Kandinsky fait référence aux sons et souligne les contrastes. Selon lui, Ces œuvres doivent exprimer un équilibre entre différentes tensions pour produire un effet particulier qu'il recherche sans cesse et qu'il appelle le son maximal. Dans ce tableau en particulier, Kandinsky a peint deux cercles opposés sur la toile, un bleu et noir en Ausha gauche et un noir et jaune en bas à droite. Ces deux cercles sont entrecoupés de lignes, de formes géométriques par moments colorés et par moments noir et blanche. Et le tout offre un sentiment de contraste très fort. Comme si Wassily Kandinsky avait appuyé sur la note la plus grave d'un piano et la note la plus aiguë en même temps pour nous donner un frisson. Allez-y, essayez à votre tour. Allez sur Google et cherchez par exemple « Composition 9 de Wassily Kandinsky » . C'est un tableau qu'il a réalisé en 1936 et qui est actuellement conservé au Centre Pompidou. Regardez d'abord le tableau dans son ensemble et puis observez-en chaque détail attentivement. Allez-y, zoomez. Ensuite... Fermez les yeux, comptez jusqu'à 5. Rouvrez les yeux et essayez d'imaginer un petit peu. Si ce tableau était une musique, à quoi est-ce que ça pourrait ressembler ? Vous l'avez ? Dis-moi juste ce qui te passe par la tête. Vous avez pensé à quelque chose de plutôt joyeux et rythmé, non ? C'est plutôt bluffant. Eh bien, c'est ce qu'entend Kandinsky dès qu'il voit de la peinture, ou inversement, c'est ce qu'il voit dès qu'il entend une musique. On appelle ce phénomène la synesthésie, la capacité à mêler plusieurs de nos sens, associer des couleurs à des sons, des odeurs à des numéros, etc. Et en réalité, ce phénomène n'est pas nouveau. En 1710, l'ophtalmologue du roi Jacques II Un certain docteur Thomas Wohlhaus décrit déjà le cas d'un jeune homme aveugle qui arrive à percevoir des couleurs lorsqu'il entend certains sons. À cette époque, il appelle ça la synopsie. Moi, j'essaye surtout de rester en vie et de ne pas mourir de peur ou d'émotion. Donc voilà, c'est surtout ça qui compte pour moi. La synesthésie est donc présente dans la littérature médicale depuis un bon moment. Et puis en fin de compte, elle n'est pas non plus si rare que ça. Environ 4% de la population mondiale aurait ce sujet. Et peut-être que sans le savoir, vous-même en faites partie. Mais alors, que retenir de la synesthésie de Kandinsky ? Eh bien peut-être que nous avons tous des super-pouvoirs, et qu'il nous suffit de nous affranchir des règles et des normes pour les apprivoiser. Vasily Kandinsky considérait qu'il existait trois types de tableaux. Les impressions, qui représentent le monde extérieur. Les improvisations, qui représentent notre monde intérieur. Nos rêves et nos délires, par exemple. Et enfin les compositions, qui représentent, elles, l'équilibre. entre le monde extérieur et le monde intérieur, donc qui demande beaucoup plus de travail. En plaquant toute sa vie bien rangée pour renouer avec sa réelle passion intérieure, il s'est reconnecté à son super pouvoir, celui de connecter justement les sens pour décupler les émotions et toucher le monde entier. Un peu comme un pasteur évangélique de la peinture, si vous voulez. Alors qu'il était en train de traverser le nervous breakdown de sa vie et qu'il pensait avoir perdu la foi en tout, Kandinsky nous a montré que c'est en restant fidèle à nous-mêmes que nous trouvons notre chemin dans ce monde. Sans le savoir, il est devenu le père de l'art abstrait. Si les études scientifiques ont jusqu'à présent montré que la synesthésie tient de l'inné et non de l'acquis, on a tous le pouvoir de se reconnecter à ce qui nous parle vraiment. Et se reconnecter à ses sens, c'est pouvoir se reconnecter au monde, aux autres, et vivre beaucoup plus intensément. Comme si on vivait plusieurs vies en une, en somme. Alors mettez 5 étoiles et un commentaire sur cet épisode et filez peindre une toile. Je vous dis à la semaine prochaine pour de nouvelles anecdotes croustillantes sur l'art et le design.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Anecdote de la semaine

    01:08

  • Conclusion

    11:00

Description

Et si une couleur pouvait chanter ? Et si une toile pouvait résonner comme une symphonie ? 🎨🎶

Certains artistes ne voyaient pas seulement avec leurs yeux… ils entendaient avec leur regard, ressentaient avec leur oreille, touchaient avec leur imagination.
Ce phénomène porte un nom : la synesthésie. Et il a changé à jamais la manière dont l’art a été pensé et perçu.

Dans ce nouvel épisode de Du Grand Art, plongez dans l’univers fascinant où les frontières entre les sens disparaissent. Vous y découvrirez comment un artiste visionnaire a bousculé toutes les conventions pour inventer une nouvelle façon de peindre, d’écouter et de ressentir.

Un épisode qui interroge :
👉 Qu’est-ce que l’art, sinon une expérience sensorielle ?
👉 Comment la perception individuelle peut-elle transformer l’histoire de l’art ?
👉 Et surtout, que se passe-t-il quand les couleurs se mettent à chanter ?

Un voyage immersif pour celles et ceux qui aiment les anecdotes méconnues, les histoires courtes et croustillantes, et qui veulent nourrir leur curiosité sur l’art, le design et le graphisme.


📢Les anecdotes Du Grand Art vous plaisent ?

Voici 3 façons gratuites et hyper rapides pour nous soutenir :

  • Noter le podcast⭐⭐⭐⭐⭐

  • Laisser un commentaire💬

  • Le partager autour de vous 🗣️



Merci pour votre écoute, et à la semaine prochaine pour une nouvelle anecdote croustillante sur l'histoire de l'Art et du design !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast du Grand Art, le podcast qui s'intéresse aux petites histoires qui ont fait la grande. Ça y est, le mois de septembre est là, le soleil se lève plus tard et nous plus tôt. Ça sent la rentrée comme on dit. Mais d'ailleurs, pourquoi dit-on ça sent la rentrée ? On n'observe finalement que des changements visuels, les feuilles d'arbres qui commencent à jaunir, la lumière qui change. On ne sent pas réellement le mois de septembre, si ? C'est comme l'expression « avoir une voix claire » qui mêle l'ouïe et la vue, ou encore des critiques acides qui mêlent ouïe et goût, ou bien une couleur froide qui mêle vue et toucher. Sans le savoir, nous utilisons quotidiennement des expressions qui convoquent des sens bien différents. D'ailleurs, il paraît qu'un pourcentage de la population a un super pouvoir, celui de sentir les mots, de toucher les odeurs ou encore d'écouter les couleurs. Ça vous intrigue ? Ça tombe bien, c'est notre anecdote du jour, « Quand les couleurs chantent » , la synesthédie de Kandinsky. Nous sommes en 1889 dans l'oblast de Volodka, au nord-est de Moscou. C'est ici qu'un groupe d'étudiants en ethnographie s'est installé pour observer les modes de vie de la population locale. Parmi eux, un certain Vassily Kandinsky. Étudiant à la faculté de droit, ce jeune homme alors inconnu s'intéresse à tout. Cours d'économie politique, Merci. cours de droit, cours de peinture, cours de musique, rien ne semble l'arrêter. Vasily vient de finir sa journée et, comme chaque jour, il remplit ses carnets de pensées, d'analyses et de réflexions personnelles. Étant donné l'objet de son voyage et son cursus académique, on pourrait s'attendre à ce qu'il relate les us et coutumes qu'il aurait découvert au cours de sa journée. Mais il n'en est rien. Le jeune étudiant y raconte une expérience étrange qui vient de le secouer. J'en ai vu des choses. Oh là, j'en ai vu des choses. d'un geste dynamique. il couche sur papier les flashes qui lui reviennent. Il écrit que les maisons et les églises sont décorées de couleurs si chatoyantes qu'en y entrant, il a l'impression de rentrer dans un tableau. Cette expérience presque mystique le bouleverse autant que le voyage en lui-même. Et ce n'est que le premier incident sensoriel d'une longue série. Six ans plus tard, en 1895, Vassili assiste à l'exposition des impressionnistes à Moscou. En passant devant les meules de Monet, il s'arrête net. Il vient carrément... de perdre la notion du réel. Pour comprendre ce qui lui arrive, il nous faut d'abord comprendre les meules de Monet. C'est ça parce qu'il fait Monet ? C'est pas. C'est magnifique. Le petit prince de l'impressionnisme a l'habitude de peindre des paysages par touches de couleurs vives, très rapprochées, créant une illusion de mélange des couleurs, alors qu'il ne s'agit que d'aplats juxtaposés. Concrètement, de loin, on peut avoir l'impression d'observer des touches d'orange, alors qu'en réalité, il n'y a que des touches de jaune cadmium et de rouge vermillon, par exemple. C'est là toute la beauté de l'impressionnisme. Mais la particularité de Monet, c'est qu'il arrive à s'émerveiller chaque jour du même sujet, mais différemment. C'est notamment le cas des meules. Une série de tableaux représentant des meules de foin dans un champ près de chez lui à Giverny, qu'il a peint inlassablement entre l'été 1890 et le début de l'année 1891. 25 tableaux en tout. C'est pas que j'en ai marre, mais je suis un peu fatiguée. Et c'est vrai que... Si vous admirez un de ces tableaux, qui sont aujourd'hui disséminés à travers le monde, le talent de Monet est tel que vous pouvez avoir l'impression d'y être. Alors on peut tout à fait imaginer ce qui se produit quand on découvre la série tout entière au même endroit. Sacré Claude ! Mais bon, revenons à nos moutons. Lorsque Wassily Kandinsky fait face au meule, son cerveau devient incapable de reconnaître quoi que ce soit. Il n'arrive même pas à décrire le sujet du tableau, qui est pourtant simple et explicitement cité dans le titre. les meules. Il ne voit que les couleurs et, ébloui, il comprend pour la première fois qu'un tableau n'a pas besoin d'avoir un sujet figuratif pour émouvoir la personne qui l'observe. Un peu plus tard, Vassili se rend à l'opéra. Miloman, en plus d'être amateur de peinture, il s'apprête à passer une soirée très sympa pour aller assister à une représentation de l'OM Green. Si vous êtes de la Gen Z, l'OM Green C'est en quelque sorte ce qu'on pourrait appeler un gros banger à l'époque. Si vous êtes de la génération X ou Y, ça veut dire que c'est un tube qui groove. Alors ça a groové ce soir ? C'était incroyable ! Enfin bref, quand notre amateur d'art s'assied et que le show commence, il est victime d'une nouvelle expérience sensorielle. Et celle-ci d'un tout nouveau type. En fait, à chaque nouveau mouvement musical ou à chaque nouvelle mesure, va Sidi Kandinsky. et pris d'hallucinations visuelles. Vous me rendez fou ! Vous me rendez fou et je suis revenu hier de vacances et... Il écrit plus tard dans ses notes « Je voyais mentalement toutes mes couleurs, elles se tenaient devant mes yeux. Des lignes sauvages, presque folles, se dessinaient devant moi. » Là, ça y est, on a ouvert la boîte de Pandore. Vassili vient de comprendre qu'il est capable de voir les choses au-delà du réel. Mais bon, scientifique et cartésien comme il est, il laisse un peu tout ça de côté. « Pour moi, ce sont des balivernes. » Ceci dit, deux ans plus tard, en 1897, Il apprend que le physicien Joseph John Thomson a prouvé l'existence des électrons. Vous me direz, c'est top, ça nous fait une belle jambe, et je vous rejoins. Sauf que pour Vassili, le monde s'écroule. Si les électrons existent, ça veut dire que l'atome n'est pas indivisible et simple, comme la science nous l'affirmait jusqu'alors. Il est en réalité composé de choses invisibles et mystérieuses. Si l'électron existe, alors la réalité n'est pas uniquement ce que nous pouvons observer. Dès lors, Kandinsky ne croit plus ni au positivisme, ni à son équivalent artistique, le naturalisme. Réfléchissez deux minutes. C'est pas excessif. En clair, c'est comme si on vous avait toujours dit que les briques Lego étaient les plus petites choses du monde et qu'on ne pouvait pas les casser. Vous vous dites, ok, tout est fait de briques Lego, fin de l'histoire. Puis un jour, quelqu'un vous montre que chaque brique est en réalité composée de mini-pièces cachées à l'intérieur, invisibles à l'œil nu. Là, Vous comprenez que le monde est bien plus complexe et mystérieux que ce que vous aviez cru jusqu'ici. Donc, pour Kandinsky, copier seulement ce qu'on voit, c'est-à-dire le naturalisme, ou croire seulement ce qu'on peut mesurer, c'est-à-dire le positivisme, ça ne suffit plus. Il faut aussi représenter et explorer tout ce qui est caché, invisible et spirituel. Écoutez, ça fait partie du domaine du possible et je vais vous dire, moi, je le souhaite de tout cœur. Résultat, Vassili Plakhtou. Il refuse une chaire de professeur à l'université de Tartou, un poste plutôt prestigieux, pour se lancer dans des études de peinture. L'aventure s'arrête là maintenant, je rentre chez moi. Arrêtez de me filmer là, c'est bon. Ça ne sert à rien d'essayer de me retenir. J'ai tout fini. Non, je pars ! Globalement, ses œuvres sont très colorées et ne représentent pas d'humains. Pendant plusieurs années, il voyage d'abord beaucoup en Europe et produit des tableaux toujours plus abstraits. Un soir de 1908, alors qu'il est chez lui au calme après une longue journée de travail, il aperçoit son tableau Le cavalier bleu, penché sur le côté et posé contre un mur. Si tu veux que je te regarde, je te regarde et je te lâche pas que je regarde, d'accord ? Avec la lumière crépusculaire, on ne distingue même plus trop le sujet et en fait, on ne voit que les couleurs. Et c'est alors le déclic. À partir de ce soir-là, Vassilis se donne corps et âme à l'art abstrait. Il a pour ambition de conceptualiser une nouvelle théorie de l'art et va même créer un groupe qui s'appelle le Cavalier Bleu, en référence à son fameux tableau. Progressivement, les toiles de notre héros deviennent résolument Merci. différentes. Désormais, ce sont des taches de couleurs d'une grande intensité et des lignes noires très vives qui viennent habiter ces toiles. Vasily appelle ça le cœur des couleurs, C-H-O-E-U-R. Et ce n'est pas un hasard. En fait, il a enfin compris ce qui explique les trois phénomènes sensoriels qu'il a expérimentés d'abord lors de ses études, puis à l'exposition des impressionnistes, et enfin à l'opéra. Il se trouve que Vasily Kandinsky est capable d'entendre les couleurs. Sur ses toiles, les lignes représentent le rythme et les couleurs représentent les sonorités. D'ailleurs, les tableaux qu'il peint sur le vif sont titrés « Improvisation » , par exemple « Improvisation 8 » , tandis que celles qui sont plus travaillées sont titrées « Composition » . C'est un petit peu formidable, intelligent, brillant. Pour vous donner un exemple concret, avec son tableau « Accords composés » , titre original Gegenklänge, dès le titre, Kandinsky fait référence aux sons et souligne les contrastes. Selon lui, Ces œuvres doivent exprimer un équilibre entre différentes tensions pour produire un effet particulier qu'il recherche sans cesse et qu'il appelle le son maximal. Dans ce tableau en particulier, Kandinsky a peint deux cercles opposés sur la toile, un bleu et noir en Ausha gauche et un noir et jaune en bas à droite. Ces deux cercles sont entrecoupés de lignes, de formes géométriques par moments colorés et par moments noir et blanche. Et le tout offre un sentiment de contraste très fort. Comme si Wassily Kandinsky avait appuyé sur la note la plus grave d'un piano et la note la plus aiguë en même temps pour nous donner un frisson. Allez-y, essayez à votre tour. Allez sur Google et cherchez par exemple « Composition 9 de Wassily Kandinsky » . C'est un tableau qu'il a réalisé en 1936 et qui est actuellement conservé au Centre Pompidou. Regardez d'abord le tableau dans son ensemble et puis observez-en chaque détail attentivement. Allez-y, zoomez. Ensuite... Fermez les yeux, comptez jusqu'à 5. Rouvrez les yeux et essayez d'imaginer un petit peu. Si ce tableau était une musique, à quoi est-ce que ça pourrait ressembler ? Vous l'avez ? Dis-moi juste ce qui te passe par la tête. Vous avez pensé à quelque chose de plutôt joyeux et rythmé, non ? C'est plutôt bluffant. Eh bien, c'est ce qu'entend Kandinsky dès qu'il voit de la peinture, ou inversement, c'est ce qu'il voit dès qu'il entend une musique. On appelle ce phénomène la synesthésie, la capacité à mêler plusieurs de nos sens, associer des couleurs à des sons, des odeurs à des numéros, etc. Et en réalité, ce phénomène n'est pas nouveau. En 1710, l'ophtalmologue du roi Jacques II Un certain docteur Thomas Wohlhaus décrit déjà le cas d'un jeune homme aveugle qui arrive à percevoir des couleurs lorsqu'il entend certains sons. À cette époque, il appelle ça la synopsie. Moi, j'essaye surtout de rester en vie et de ne pas mourir de peur ou d'émotion. Donc voilà, c'est surtout ça qui compte pour moi. La synesthésie est donc présente dans la littérature médicale depuis un bon moment. Et puis en fin de compte, elle n'est pas non plus si rare que ça. Environ 4% de la population mondiale aurait ce sujet. Et peut-être que sans le savoir, vous-même en faites partie. Mais alors, que retenir de la synesthésie de Kandinsky ? Eh bien peut-être que nous avons tous des super-pouvoirs, et qu'il nous suffit de nous affranchir des règles et des normes pour les apprivoiser. Vasily Kandinsky considérait qu'il existait trois types de tableaux. Les impressions, qui représentent le monde extérieur. Les improvisations, qui représentent notre monde intérieur. Nos rêves et nos délires, par exemple. Et enfin les compositions, qui représentent, elles, l'équilibre. entre le monde extérieur et le monde intérieur, donc qui demande beaucoup plus de travail. En plaquant toute sa vie bien rangée pour renouer avec sa réelle passion intérieure, il s'est reconnecté à son super pouvoir, celui de connecter justement les sens pour décupler les émotions et toucher le monde entier. Un peu comme un pasteur évangélique de la peinture, si vous voulez. Alors qu'il était en train de traverser le nervous breakdown de sa vie et qu'il pensait avoir perdu la foi en tout, Kandinsky nous a montré que c'est en restant fidèle à nous-mêmes que nous trouvons notre chemin dans ce monde. Sans le savoir, il est devenu le père de l'art abstrait. Si les études scientifiques ont jusqu'à présent montré que la synesthésie tient de l'inné et non de l'acquis, on a tous le pouvoir de se reconnecter à ce qui nous parle vraiment. Et se reconnecter à ses sens, c'est pouvoir se reconnecter au monde, aux autres, et vivre beaucoup plus intensément. Comme si on vivait plusieurs vies en une, en somme. Alors mettez 5 étoiles et un commentaire sur cet épisode et filez peindre une toile. Je vous dis à la semaine prochaine pour de nouvelles anecdotes croustillantes sur l'art et le design.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Anecdote de la semaine

    01:08

  • Conclusion

    11:00

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Description

Et si une couleur pouvait chanter ? Et si une toile pouvait résonner comme une symphonie ? 🎨🎶

Certains artistes ne voyaient pas seulement avec leurs yeux… ils entendaient avec leur regard, ressentaient avec leur oreille, touchaient avec leur imagination.
Ce phénomène porte un nom : la synesthésie. Et il a changé à jamais la manière dont l’art a été pensé et perçu.

Dans ce nouvel épisode de Du Grand Art, plongez dans l’univers fascinant où les frontières entre les sens disparaissent. Vous y découvrirez comment un artiste visionnaire a bousculé toutes les conventions pour inventer une nouvelle façon de peindre, d’écouter et de ressentir.

Un épisode qui interroge :
👉 Qu’est-ce que l’art, sinon une expérience sensorielle ?
👉 Comment la perception individuelle peut-elle transformer l’histoire de l’art ?
👉 Et surtout, que se passe-t-il quand les couleurs se mettent à chanter ?

Un voyage immersif pour celles et ceux qui aiment les anecdotes méconnues, les histoires courtes et croustillantes, et qui veulent nourrir leur curiosité sur l’art, le design et le graphisme.


📢Les anecdotes Du Grand Art vous plaisent ?

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Merci pour votre écoute, et à la semaine prochaine pour une nouvelle anecdote croustillante sur l'histoire de l'Art et du design !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast du Grand Art, le podcast qui s'intéresse aux petites histoires qui ont fait la grande. Ça y est, le mois de septembre est là, le soleil se lève plus tard et nous plus tôt. Ça sent la rentrée comme on dit. Mais d'ailleurs, pourquoi dit-on ça sent la rentrée ? On n'observe finalement que des changements visuels, les feuilles d'arbres qui commencent à jaunir, la lumière qui change. On ne sent pas réellement le mois de septembre, si ? C'est comme l'expression « avoir une voix claire » qui mêle l'ouïe et la vue, ou encore des critiques acides qui mêlent ouïe et goût, ou bien une couleur froide qui mêle vue et toucher. Sans le savoir, nous utilisons quotidiennement des expressions qui convoquent des sens bien différents. D'ailleurs, il paraît qu'un pourcentage de la population a un super pouvoir, celui de sentir les mots, de toucher les odeurs ou encore d'écouter les couleurs. Ça vous intrigue ? Ça tombe bien, c'est notre anecdote du jour, « Quand les couleurs chantent » , la synesthédie de Kandinsky. Nous sommes en 1889 dans l'oblast de Volodka, au nord-est de Moscou. C'est ici qu'un groupe d'étudiants en ethnographie s'est installé pour observer les modes de vie de la population locale. Parmi eux, un certain Vassily Kandinsky. Étudiant à la faculté de droit, ce jeune homme alors inconnu s'intéresse à tout. Cours d'économie politique, Merci. cours de droit, cours de peinture, cours de musique, rien ne semble l'arrêter. Vasily vient de finir sa journée et, comme chaque jour, il remplit ses carnets de pensées, d'analyses et de réflexions personnelles. Étant donné l'objet de son voyage et son cursus académique, on pourrait s'attendre à ce qu'il relate les us et coutumes qu'il aurait découvert au cours de sa journée. Mais il n'en est rien. Le jeune étudiant y raconte une expérience étrange qui vient de le secouer. J'en ai vu des choses. Oh là, j'en ai vu des choses. d'un geste dynamique. il couche sur papier les flashes qui lui reviennent. Il écrit que les maisons et les églises sont décorées de couleurs si chatoyantes qu'en y entrant, il a l'impression de rentrer dans un tableau. Cette expérience presque mystique le bouleverse autant que le voyage en lui-même. Et ce n'est que le premier incident sensoriel d'une longue série. Six ans plus tard, en 1895, Vassili assiste à l'exposition des impressionnistes à Moscou. En passant devant les meules de Monet, il s'arrête net. Il vient carrément... de perdre la notion du réel. Pour comprendre ce qui lui arrive, il nous faut d'abord comprendre les meules de Monet. C'est ça parce qu'il fait Monet ? C'est pas. C'est magnifique. Le petit prince de l'impressionnisme a l'habitude de peindre des paysages par touches de couleurs vives, très rapprochées, créant une illusion de mélange des couleurs, alors qu'il ne s'agit que d'aplats juxtaposés. Concrètement, de loin, on peut avoir l'impression d'observer des touches d'orange, alors qu'en réalité, il n'y a que des touches de jaune cadmium et de rouge vermillon, par exemple. C'est là toute la beauté de l'impressionnisme. Mais la particularité de Monet, c'est qu'il arrive à s'émerveiller chaque jour du même sujet, mais différemment. C'est notamment le cas des meules. Une série de tableaux représentant des meules de foin dans un champ près de chez lui à Giverny, qu'il a peint inlassablement entre l'été 1890 et le début de l'année 1891. 25 tableaux en tout. C'est pas que j'en ai marre, mais je suis un peu fatiguée. Et c'est vrai que... Si vous admirez un de ces tableaux, qui sont aujourd'hui disséminés à travers le monde, le talent de Monet est tel que vous pouvez avoir l'impression d'y être. Alors on peut tout à fait imaginer ce qui se produit quand on découvre la série tout entière au même endroit. Sacré Claude ! Mais bon, revenons à nos moutons. Lorsque Wassily Kandinsky fait face au meule, son cerveau devient incapable de reconnaître quoi que ce soit. Il n'arrive même pas à décrire le sujet du tableau, qui est pourtant simple et explicitement cité dans le titre. les meules. Il ne voit que les couleurs et, ébloui, il comprend pour la première fois qu'un tableau n'a pas besoin d'avoir un sujet figuratif pour émouvoir la personne qui l'observe. Un peu plus tard, Vassili se rend à l'opéra. Miloman, en plus d'être amateur de peinture, il s'apprête à passer une soirée très sympa pour aller assister à une représentation de l'OM Green. Si vous êtes de la Gen Z, l'OM Green C'est en quelque sorte ce qu'on pourrait appeler un gros banger à l'époque. Si vous êtes de la génération X ou Y, ça veut dire que c'est un tube qui groove. Alors ça a groové ce soir ? C'était incroyable ! Enfin bref, quand notre amateur d'art s'assied et que le show commence, il est victime d'une nouvelle expérience sensorielle. Et celle-ci d'un tout nouveau type. En fait, à chaque nouveau mouvement musical ou à chaque nouvelle mesure, va Sidi Kandinsky. et pris d'hallucinations visuelles. Vous me rendez fou ! Vous me rendez fou et je suis revenu hier de vacances et... Il écrit plus tard dans ses notes « Je voyais mentalement toutes mes couleurs, elles se tenaient devant mes yeux. Des lignes sauvages, presque folles, se dessinaient devant moi. » Là, ça y est, on a ouvert la boîte de Pandore. Vassili vient de comprendre qu'il est capable de voir les choses au-delà du réel. Mais bon, scientifique et cartésien comme il est, il laisse un peu tout ça de côté. « Pour moi, ce sont des balivernes. » Ceci dit, deux ans plus tard, en 1897, Il apprend que le physicien Joseph John Thomson a prouvé l'existence des électrons. Vous me direz, c'est top, ça nous fait une belle jambe, et je vous rejoins. Sauf que pour Vassili, le monde s'écroule. Si les électrons existent, ça veut dire que l'atome n'est pas indivisible et simple, comme la science nous l'affirmait jusqu'alors. Il est en réalité composé de choses invisibles et mystérieuses. Si l'électron existe, alors la réalité n'est pas uniquement ce que nous pouvons observer. Dès lors, Kandinsky ne croit plus ni au positivisme, ni à son équivalent artistique, le naturalisme. Réfléchissez deux minutes. C'est pas excessif. En clair, c'est comme si on vous avait toujours dit que les briques Lego étaient les plus petites choses du monde et qu'on ne pouvait pas les casser. Vous vous dites, ok, tout est fait de briques Lego, fin de l'histoire. Puis un jour, quelqu'un vous montre que chaque brique est en réalité composée de mini-pièces cachées à l'intérieur, invisibles à l'œil nu. Là, Vous comprenez que le monde est bien plus complexe et mystérieux que ce que vous aviez cru jusqu'ici. Donc, pour Kandinsky, copier seulement ce qu'on voit, c'est-à-dire le naturalisme, ou croire seulement ce qu'on peut mesurer, c'est-à-dire le positivisme, ça ne suffit plus. Il faut aussi représenter et explorer tout ce qui est caché, invisible et spirituel. Écoutez, ça fait partie du domaine du possible et je vais vous dire, moi, je le souhaite de tout cœur. Résultat, Vassili Plakhtou. Il refuse une chaire de professeur à l'université de Tartou, un poste plutôt prestigieux, pour se lancer dans des études de peinture. L'aventure s'arrête là maintenant, je rentre chez moi. Arrêtez de me filmer là, c'est bon. Ça ne sert à rien d'essayer de me retenir. J'ai tout fini. Non, je pars ! Globalement, ses œuvres sont très colorées et ne représentent pas d'humains. Pendant plusieurs années, il voyage d'abord beaucoup en Europe et produit des tableaux toujours plus abstraits. Un soir de 1908, alors qu'il est chez lui au calme après une longue journée de travail, il aperçoit son tableau Le cavalier bleu, penché sur le côté et posé contre un mur. Si tu veux que je te regarde, je te regarde et je te lâche pas que je regarde, d'accord ? Avec la lumière crépusculaire, on ne distingue même plus trop le sujet et en fait, on ne voit que les couleurs. Et c'est alors le déclic. À partir de ce soir-là, Vassilis se donne corps et âme à l'art abstrait. Il a pour ambition de conceptualiser une nouvelle théorie de l'art et va même créer un groupe qui s'appelle le Cavalier Bleu, en référence à son fameux tableau. Progressivement, les toiles de notre héros deviennent résolument Merci. différentes. Désormais, ce sont des taches de couleurs d'une grande intensité et des lignes noires très vives qui viennent habiter ces toiles. Vasily appelle ça le cœur des couleurs, C-H-O-E-U-R. Et ce n'est pas un hasard. En fait, il a enfin compris ce qui explique les trois phénomènes sensoriels qu'il a expérimentés d'abord lors de ses études, puis à l'exposition des impressionnistes, et enfin à l'opéra. Il se trouve que Vasily Kandinsky est capable d'entendre les couleurs. Sur ses toiles, les lignes représentent le rythme et les couleurs représentent les sonorités. D'ailleurs, les tableaux qu'il peint sur le vif sont titrés « Improvisation » , par exemple « Improvisation 8 » , tandis que celles qui sont plus travaillées sont titrées « Composition » . C'est un petit peu formidable, intelligent, brillant. Pour vous donner un exemple concret, avec son tableau « Accords composés » , titre original Gegenklänge, dès le titre, Kandinsky fait référence aux sons et souligne les contrastes. Selon lui, Ces œuvres doivent exprimer un équilibre entre différentes tensions pour produire un effet particulier qu'il recherche sans cesse et qu'il appelle le son maximal. Dans ce tableau en particulier, Kandinsky a peint deux cercles opposés sur la toile, un bleu et noir en Ausha gauche et un noir et jaune en bas à droite. Ces deux cercles sont entrecoupés de lignes, de formes géométriques par moments colorés et par moments noir et blanche. Et le tout offre un sentiment de contraste très fort. Comme si Wassily Kandinsky avait appuyé sur la note la plus grave d'un piano et la note la plus aiguë en même temps pour nous donner un frisson. Allez-y, essayez à votre tour. Allez sur Google et cherchez par exemple « Composition 9 de Wassily Kandinsky » . C'est un tableau qu'il a réalisé en 1936 et qui est actuellement conservé au Centre Pompidou. Regardez d'abord le tableau dans son ensemble et puis observez-en chaque détail attentivement. Allez-y, zoomez. Ensuite... Fermez les yeux, comptez jusqu'à 5. Rouvrez les yeux et essayez d'imaginer un petit peu. Si ce tableau était une musique, à quoi est-ce que ça pourrait ressembler ? Vous l'avez ? Dis-moi juste ce qui te passe par la tête. Vous avez pensé à quelque chose de plutôt joyeux et rythmé, non ? C'est plutôt bluffant. Eh bien, c'est ce qu'entend Kandinsky dès qu'il voit de la peinture, ou inversement, c'est ce qu'il voit dès qu'il entend une musique. On appelle ce phénomène la synesthésie, la capacité à mêler plusieurs de nos sens, associer des couleurs à des sons, des odeurs à des numéros, etc. Et en réalité, ce phénomène n'est pas nouveau. En 1710, l'ophtalmologue du roi Jacques II Un certain docteur Thomas Wohlhaus décrit déjà le cas d'un jeune homme aveugle qui arrive à percevoir des couleurs lorsqu'il entend certains sons. À cette époque, il appelle ça la synopsie. Moi, j'essaye surtout de rester en vie et de ne pas mourir de peur ou d'émotion. Donc voilà, c'est surtout ça qui compte pour moi. La synesthésie est donc présente dans la littérature médicale depuis un bon moment. Et puis en fin de compte, elle n'est pas non plus si rare que ça. Environ 4% de la population mondiale aurait ce sujet. Et peut-être que sans le savoir, vous-même en faites partie. Mais alors, que retenir de la synesthésie de Kandinsky ? Eh bien peut-être que nous avons tous des super-pouvoirs, et qu'il nous suffit de nous affranchir des règles et des normes pour les apprivoiser. Vasily Kandinsky considérait qu'il existait trois types de tableaux. Les impressions, qui représentent le monde extérieur. Les improvisations, qui représentent notre monde intérieur. Nos rêves et nos délires, par exemple. Et enfin les compositions, qui représentent, elles, l'équilibre. entre le monde extérieur et le monde intérieur, donc qui demande beaucoup plus de travail. En plaquant toute sa vie bien rangée pour renouer avec sa réelle passion intérieure, il s'est reconnecté à son super pouvoir, celui de connecter justement les sens pour décupler les émotions et toucher le monde entier. Un peu comme un pasteur évangélique de la peinture, si vous voulez. Alors qu'il était en train de traverser le nervous breakdown de sa vie et qu'il pensait avoir perdu la foi en tout, Kandinsky nous a montré que c'est en restant fidèle à nous-mêmes que nous trouvons notre chemin dans ce monde. Sans le savoir, il est devenu le père de l'art abstrait. Si les études scientifiques ont jusqu'à présent montré que la synesthésie tient de l'inné et non de l'acquis, on a tous le pouvoir de se reconnecter à ce qui nous parle vraiment. Et se reconnecter à ses sens, c'est pouvoir se reconnecter au monde, aux autres, et vivre beaucoup plus intensément. Comme si on vivait plusieurs vies en une, en somme. Alors mettez 5 étoiles et un commentaire sur cet épisode et filez peindre une toile. Je vous dis à la semaine prochaine pour de nouvelles anecdotes croustillantes sur l'art et le design.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Anecdote de la semaine

    01:08

  • Conclusion

    11:00

Description

Et si une couleur pouvait chanter ? Et si une toile pouvait résonner comme une symphonie ? 🎨🎶

Certains artistes ne voyaient pas seulement avec leurs yeux… ils entendaient avec leur regard, ressentaient avec leur oreille, touchaient avec leur imagination.
Ce phénomène porte un nom : la synesthésie. Et il a changé à jamais la manière dont l’art a été pensé et perçu.

Dans ce nouvel épisode de Du Grand Art, plongez dans l’univers fascinant où les frontières entre les sens disparaissent. Vous y découvrirez comment un artiste visionnaire a bousculé toutes les conventions pour inventer une nouvelle façon de peindre, d’écouter et de ressentir.

Un épisode qui interroge :
👉 Qu’est-ce que l’art, sinon une expérience sensorielle ?
👉 Comment la perception individuelle peut-elle transformer l’histoire de l’art ?
👉 Et surtout, que se passe-t-il quand les couleurs se mettent à chanter ?

Un voyage immersif pour celles et ceux qui aiment les anecdotes méconnues, les histoires courtes et croustillantes, et qui veulent nourrir leur curiosité sur l’art, le design et le graphisme.


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Merci pour votre écoute, et à la semaine prochaine pour une nouvelle anecdote croustillante sur l'histoire de l'Art et du design !


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    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast du Grand Art, le podcast qui s'intéresse aux petites histoires qui ont fait la grande. Ça y est, le mois de septembre est là, le soleil se lève plus tard et nous plus tôt. Ça sent la rentrée comme on dit. Mais d'ailleurs, pourquoi dit-on ça sent la rentrée ? On n'observe finalement que des changements visuels, les feuilles d'arbres qui commencent à jaunir, la lumière qui change. On ne sent pas réellement le mois de septembre, si ? C'est comme l'expression « avoir une voix claire » qui mêle l'ouïe et la vue, ou encore des critiques acides qui mêlent ouïe et goût, ou bien une couleur froide qui mêle vue et toucher. Sans le savoir, nous utilisons quotidiennement des expressions qui convoquent des sens bien différents. D'ailleurs, il paraît qu'un pourcentage de la population a un super pouvoir, celui de sentir les mots, de toucher les odeurs ou encore d'écouter les couleurs. Ça vous intrigue ? Ça tombe bien, c'est notre anecdote du jour, « Quand les couleurs chantent » , la synesthédie de Kandinsky. Nous sommes en 1889 dans l'oblast de Volodka, au nord-est de Moscou. C'est ici qu'un groupe d'étudiants en ethnographie s'est installé pour observer les modes de vie de la population locale. Parmi eux, un certain Vassily Kandinsky. Étudiant à la faculté de droit, ce jeune homme alors inconnu s'intéresse à tout. Cours d'économie politique, Merci. cours de droit, cours de peinture, cours de musique, rien ne semble l'arrêter. Vasily vient de finir sa journée et, comme chaque jour, il remplit ses carnets de pensées, d'analyses et de réflexions personnelles. Étant donné l'objet de son voyage et son cursus académique, on pourrait s'attendre à ce qu'il relate les us et coutumes qu'il aurait découvert au cours de sa journée. Mais il n'en est rien. Le jeune étudiant y raconte une expérience étrange qui vient de le secouer. J'en ai vu des choses. Oh là, j'en ai vu des choses. d'un geste dynamique. il couche sur papier les flashes qui lui reviennent. Il écrit que les maisons et les églises sont décorées de couleurs si chatoyantes qu'en y entrant, il a l'impression de rentrer dans un tableau. Cette expérience presque mystique le bouleverse autant que le voyage en lui-même. Et ce n'est que le premier incident sensoriel d'une longue série. Six ans plus tard, en 1895, Vassili assiste à l'exposition des impressionnistes à Moscou. En passant devant les meules de Monet, il s'arrête net. Il vient carrément... de perdre la notion du réel. Pour comprendre ce qui lui arrive, il nous faut d'abord comprendre les meules de Monet. C'est ça parce qu'il fait Monet ? C'est pas. C'est magnifique. Le petit prince de l'impressionnisme a l'habitude de peindre des paysages par touches de couleurs vives, très rapprochées, créant une illusion de mélange des couleurs, alors qu'il ne s'agit que d'aplats juxtaposés. Concrètement, de loin, on peut avoir l'impression d'observer des touches d'orange, alors qu'en réalité, il n'y a que des touches de jaune cadmium et de rouge vermillon, par exemple. C'est là toute la beauté de l'impressionnisme. Mais la particularité de Monet, c'est qu'il arrive à s'émerveiller chaque jour du même sujet, mais différemment. C'est notamment le cas des meules. Une série de tableaux représentant des meules de foin dans un champ près de chez lui à Giverny, qu'il a peint inlassablement entre l'été 1890 et le début de l'année 1891. 25 tableaux en tout. C'est pas que j'en ai marre, mais je suis un peu fatiguée. Et c'est vrai que... Si vous admirez un de ces tableaux, qui sont aujourd'hui disséminés à travers le monde, le talent de Monet est tel que vous pouvez avoir l'impression d'y être. Alors on peut tout à fait imaginer ce qui se produit quand on découvre la série tout entière au même endroit. Sacré Claude ! Mais bon, revenons à nos moutons. Lorsque Wassily Kandinsky fait face au meule, son cerveau devient incapable de reconnaître quoi que ce soit. Il n'arrive même pas à décrire le sujet du tableau, qui est pourtant simple et explicitement cité dans le titre. les meules. Il ne voit que les couleurs et, ébloui, il comprend pour la première fois qu'un tableau n'a pas besoin d'avoir un sujet figuratif pour émouvoir la personne qui l'observe. Un peu plus tard, Vassili se rend à l'opéra. Miloman, en plus d'être amateur de peinture, il s'apprête à passer une soirée très sympa pour aller assister à une représentation de l'OM Green. Si vous êtes de la Gen Z, l'OM Green C'est en quelque sorte ce qu'on pourrait appeler un gros banger à l'époque. Si vous êtes de la génération X ou Y, ça veut dire que c'est un tube qui groove. Alors ça a groové ce soir ? C'était incroyable ! Enfin bref, quand notre amateur d'art s'assied et que le show commence, il est victime d'une nouvelle expérience sensorielle. Et celle-ci d'un tout nouveau type. En fait, à chaque nouveau mouvement musical ou à chaque nouvelle mesure, va Sidi Kandinsky. et pris d'hallucinations visuelles. Vous me rendez fou ! Vous me rendez fou et je suis revenu hier de vacances et... Il écrit plus tard dans ses notes « Je voyais mentalement toutes mes couleurs, elles se tenaient devant mes yeux. Des lignes sauvages, presque folles, se dessinaient devant moi. » Là, ça y est, on a ouvert la boîte de Pandore. Vassili vient de comprendre qu'il est capable de voir les choses au-delà du réel. Mais bon, scientifique et cartésien comme il est, il laisse un peu tout ça de côté. « Pour moi, ce sont des balivernes. » Ceci dit, deux ans plus tard, en 1897, Il apprend que le physicien Joseph John Thomson a prouvé l'existence des électrons. Vous me direz, c'est top, ça nous fait une belle jambe, et je vous rejoins. Sauf que pour Vassili, le monde s'écroule. Si les électrons existent, ça veut dire que l'atome n'est pas indivisible et simple, comme la science nous l'affirmait jusqu'alors. Il est en réalité composé de choses invisibles et mystérieuses. Si l'électron existe, alors la réalité n'est pas uniquement ce que nous pouvons observer. Dès lors, Kandinsky ne croit plus ni au positivisme, ni à son équivalent artistique, le naturalisme. Réfléchissez deux minutes. C'est pas excessif. En clair, c'est comme si on vous avait toujours dit que les briques Lego étaient les plus petites choses du monde et qu'on ne pouvait pas les casser. Vous vous dites, ok, tout est fait de briques Lego, fin de l'histoire. Puis un jour, quelqu'un vous montre que chaque brique est en réalité composée de mini-pièces cachées à l'intérieur, invisibles à l'œil nu. Là, Vous comprenez que le monde est bien plus complexe et mystérieux que ce que vous aviez cru jusqu'ici. Donc, pour Kandinsky, copier seulement ce qu'on voit, c'est-à-dire le naturalisme, ou croire seulement ce qu'on peut mesurer, c'est-à-dire le positivisme, ça ne suffit plus. Il faut aussi représenter et explorer tout ce qui est caché, invisible et spirituel. Écoutez, ça fait partie du domaine du possible et je vais vous dire, moi, je le souhaite de tout cœur. Résultat, Vassili Plakhtou. Il refuse une chaire de professeur à l'université de Tartou, un poste plutôt prestigieux, pour se lancer dans des études de peinture. L'aventure s'arrête là maintenant, je rentre chez moi. Arrêtez de me filmer là, c'est bon. Ça ne sert à rien d'essayer de me retenir. J'ai tout fini. Non, je pars ! Globalement, ses œuvres sont très colorées et ne représentent pas d'humains. Pendant plusieurs années, il voyage d'abord beaucoup en Europe et produit des tableaux toujours plus abstraits. Un soir de 1908, alors qu'il est chez lui au calme après une longue journée de travail, il aperçoit son tableau Le cavalier bleu, penché sur le côté et posé contre un mur. Si tu veux que je te regarde, je te regarde et je te lâche pas que je regarde, d'accord ? Avec la lumière crépusculaire, on ne distingue même plus trop le sujet et en fait, on ne voit que les couleurs. Et c'est alors le déclic. À partir de ce soir-là, Vassilis se donne corps et âme à l'art abstrait. Il a pour ambition de conceptualiser une nouvelle théorie de l'art et va même créer un groupe qui s'appelle le Cavalier Bleu, en référence à son fameux tableau. Progressivement, les toiles de notre héros deviennent résolument Merci. différentes. Désormais, ce sont des taches de couleurs d'une grande intensité et des lignes noires très vives qui viennent habiter ces toiles. Vasily appelle ça le cœur des couleurs, C-H-O-E-U-R. Et ce n'est pas un hasard. En fait, il a enfin compris ce qui explique les trois phénomènes sensoriels qu'il a expérimentés d'abord lors de ses études, puis à l'exposition des impressionnistes, et enfin à l'opéra. Il se trouve que Vasily Kandinsky est capable d'entendre les couleurs. Sur ses toiles, les lignes représentent le rythme et les couleurs représentent les sonorités. D'ailleurs, les tableaux qu'il peint sur le vif sont titrés « Improvisation » , par exemple « Improvisation 8 » , tandis que celles qui sont plus travaillées sont titrées « Composition » . C'est un petit peu formidable, intelligent, brillant. Pour vous donner un exemple concret, avec son tableau « Accords composés » , titre original Gegenklänge, dès le titre, Kandinsky fait référence aux sons et souligne les contrastes. Selon lui, Ces œuvres doivent exprimer un équilibre entre différentes tensions pour produire un effet particulier qu'il recherche sans cesse et qu'il appelle le son maximal. Dans ce tableau en particulier, Kandinsky a peint deux cercles opposés sur la toile, un bleu et noir en Ausha gauche et un noir et jaune en bas à droite. Ces deux cercles sont entrecoupés de lignes, de formes géométriques par moments colorés et par moments noir et blanche. Et le tout offre un sentiment de contraste très fort. Comme si Wassily Kandinsky avait appuyé sur la note la plus grave d'un piano et la note la plus aiguë en même temps pour nous donner un frisson. Allez-y, essayez à votre tour. Allez sur Google et cherchez par exemple « Composition 9 de Wassily Kandinsky » . C'est un tableau qu'il a réalisé en 1936 et qui est actuellement conservé au Centre Pompidou. Regardez d'abord le tableau dans son ensemble et puis observez-en chaque détail attentivement. Allez-y, zoomez. Ensuite... Fermez les yeux, comptez jusqu'à 5. Rouvrez les yeux et essayez d'imaginer un petit peu. Si ce tableau était une musique, à quoi est-ce que ça pourrait ressembler ? Vous l'avez ? Dis-moi juste ce qui te passe par la tête. Vous avez pensé à quelque chose de plutôt joyeux et rythmé, non ? C'est plutôt bluffant. Eh bien, c'est ce qu'entend Kandinsky dès qu'il voit de la peinture, ou inversement, c'est ce qu'il voit dès qu'il entend une musique. On appelle ce phénomène la synesthésie, la capacité à mêler plusieurs de nos sens, associer des couleurs à des sons, des odeurs à des numéros, etc. Et en réalité, ce phénomène n'est pas nouveau. En 1710, l'ophtalmologue du roi Jacques II Un certain docteur Thomas Wohlhaus décrit déjà le cas d'un jeune homme aveugle qui arrive à percevoir des couleurs lorsqu'il entend certains sons. À cette époque, il appelle ça la synopsie. Moi, j'essaye surtout de rester en vie et de ne pas mourir de peur ou d'émotion. Donc voilà, c'est surtout ça qui compte pour moi. La synesthésie est donc présente dans la littérature médicale depuis un bon moment. Et puis en fin de compte, elle n'est pas non plus si rare que ça. Environ 4% de la population mondiale aurait ce sujet. Et peut-être que sans le savoir, vous-même en faites partie. Mais alors, que retenir de la synesthésie de Kandinsky ? Eh bien peut-être que nous avons tous des super-pouvoirs, et qu'il nous suffit de nous affranchir des règles et des normes pour les apprivoiser. Vasily Kandinsky considérait qu'il existait trois types de tableaux. Les impressions, qui représentent le monde extérieur. Les improvisations, qui représentent notre monde intérieur. Nos rêves et nos délires, par exemple. Et enfin les compositions, qui représentent, elles, l'équilibre. entre le monde extérieur et le monde intérieur, donc qui demande beaucoup plus de travail. En plaquant toute sa vie bien rangée pour renouer avec sa réelle passion intérieure, il s'est reconnecté à son super pouvoir, celui de connecter justement les sens pour décupler les émotions et toucher le monde entier. Un peu comme un pasteur évangélique de la peinture, si vous voulez. Alors qu'il était en train de traverser le nervous breakdown de sa vie et qu'il pensait avoir perdu la foi en tout, Kandinsky nous a montré que c'est en restant fidèle à nous-mêmes que nous trouvons notre chemin dans ce monde. Sans le savoir, il est devenu le père de l'art abstrait. Si les études scientifiques ont jusqu'à présent montré que la synesthésie tient de l'inné et non de l'acquis, on a tous le pouvoir de se reconnecter à ce qui nous parle vraiment. Et se reconnecter à ses sens, c'est pouvoir se reconnecter au monde, aux autres, et vivre beaucoup plus intensément. Comme si on vivait plusieurs vies en une, en somme. Alors mettez 5 étoiles et un commentaire sur cet épisode et filez peindre une toile. Je vous dis à la semaine prochaine pour de nouvelles anecdotes croustillantes sur l'art et le design.

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