- Delphine Gardin
Vous écoutez Du Pin sur la Planche, le podcast qui vous plonge au cœur de la filière forêt-bois. Je suis Delphine Gardin et mon quotidien, c'est d'aider les acteurs de ce secteur à mieux communiquer. Qui sont-ils ? Pourquoi le bois est une ressource clé pour relever les défis de la transition écologique ? Si toutes ces questions vous intéressent, vous êtes au bon endroit. ici Une fois par mois et sans langue de bois, je vous emmène à la découverte de cet univers et de ses experts. Aujourd'hui, on retourne au salon Forexpo pour rencontrer Loïc Iffat, directeur des opérations de Forelite. Une pépinière qui produit près de 20 millions de plants forestiers tous les ans. Avec Loïc, on a parlé du quotidien d'une pépinière, des métiers qui la font tourner et de l'innovation, qu'elle soit dans les machines, les méthodes ou la génétique des essences pour rendre nos forêts plus résilientes face aux enjeux du changement climatique. Un échange concret, passionnant, qui montre comment la forêt de plantation de demain prend racine dès aujourd'hui. Bonne écoute ! Bonjour Loïc, je suis ravie d'être avec vous aujourd'hui, on est au cœur de la Forêt des Landes à Forexpo pour enregistrer un nouvel épisode du podcast Du Pin sur la Planche. Forexpo c'est un lieu emblématique pour tous les acteurs de la filière forêt-bois dont vous faites partie puisque vous êtes directeur des opérations dans la pépinière Forelite. Déjà je vous remercie de prendre ce temps-là pour échanger avec moi, j'ai plein de questions à vous poser. Je vais vous laisser vous présenter.
- Loïc Iffat
Bonjour, je suis Loïc Iffat, je suis le directeur des opérations de la pépinière forestière qui s'appelle Forelite. Pépinière forestière qui est basée dans le Médoc, qui est basée dans les Landes et qui est basée dans la Vienne. On a trois sites de production et on produit des plants forestiers issus de semis sur deux des sites, celui de la Gironde et celui des Landes. Et sur celui de la Vienne, on produit du plant de peuplier.
- Delphine Gardin
D'accord. Et donc vous, vous êtes ingénieur horticole. Vous n'êtes pas forcément issu de la filière forêt-bois, est-ce que vous pouvez m'expliquer comment vous êtes arrivé à travailler pour Forelite ?
- Loïc Iffat
Je suis ingénieur horticole, le métier de pépiniériste forestier, c'est un métier de production de plants, de plants dans ce cas-là forestiers, mais c'est la même technique de production que produire des plants de légumes, par exemple un plant de melon, un plant de tomate, tout un chacun peut acheter. Une graine de tomate, ça se sème, une graine de pin maritime, ça se sème, c'est la même... Cette stratégie est la même technique. Et donc, il y a des formations en France. Il y a une formation en horticulture qui est située à Angers et qui permet de former des ingénieurs et des techniciens sur ces techniques et ces outils de production d'aujourd'hui, d'hier et puis de demain.
- Delphine Gardin
Il y a une formation à Angers, mais il y en a d'autres en France ou c'est la seule ?
- Loïc Iffat
Sur la formation d'ingénieur, il n'y en a qu'une en France.
- Delphine Gardin
D'accord. Ah oui, c'est hyper spécifique. Concrètement, à quoi ça ressemble le quotidien de votre métier de directeur d'opération ?
- Loïc Iffat
Le métier de directeur des opérations sur la pépinière, ça consiste à manager chaque responsable de production des trois sites de production. Sur chaque site de production, il y a un responsable de production qui a comme mission de produire les plantes, les semer et les élever, sachant que c'est des métiers saisonniers. Donc ça veut dire qu'on a des périodes où on va semer des graines, il y a des périodes où on va les commercialiser. Dans le métier de directeur des opérations, c'est aussi la partie gestion de l'entreprise. suivi des coûts de production, suivi des entrées de personnel pour gérer cette activité saisonnière. Et puis la relation aussi commerciale et logistique avec l'ensemble des clients et le principal client et actionnaire de Forelite qui est la coopérative Alliance Forêt Bois.
- Delphine Gardin
C'est vrai qu'on n'en a pas parlé mais à qui vous vendez ces plants ?
- Loïc Iffat
Ces plants sont vendus en très grande majorité à la coopérative Alliance Forêt Bois. Forelite est une filiale de la coopérative qui intervient sur l'ensemble du Grand Ouest du territoire français. Ça veut dire que ce domaine d'intervention de la coopérative Alliance Forêt-Bois large prévaut aussi une capacité de production de Forelite sur un panel d'essence assez large. Les essences qu'on peut mettre aujourd'hui et qu'on pourra mettre demain sur le territoire du Massif Landais dans lequel on est présent pour Forexpo, ce n'est pas le même que celui du territoire du Limousin ou de la Normandie. avec les images que chacun peut avoir de chacun de ces paysages forestiers et de ces environnements forestiers. Donc il faut qu'on soit capable de produire, d'élever, de livrer en temps et en heure, en fonction de chaque saison, sur chacun de ces territoires-là. Et ça fait partie du métier de directeur des opérations, avec l'ensemble des collaborateurs qui sont présents sur le site.
- Delphine Gardin
Et alors aujourd'hui, Forelite produit combien de plants tous les ans ?
- Loïc Iffat
Donc on sème aux alentours de 20 millions de graines ou de plançons de peupliers tous les ans sur l'ensemble de nos sites. On fait des cultures qui durent une seule année. Entre le moment où on sème la graine et le moment où on va planter le plant, il se sera passé au maximum un an. Il y a des espèces qui sont sur 4 ou 5 mois, d'autres qui sont sur 9 ou... ou dix mois.
- Delphine Gardin
Et alors concrètement, comment ça se passe du moment où vous récupérez les graines ? Comment on récupère les graines ? Et puis après, comment ça se passe pour obtenir les petits plants que j'ai pu voir sur votre stand ?
- Loïc Iffat
Sur le stand de Forexpo, on a présenté un peu l'ensemble des essences qu'on peut produire sur Forelite. Et une majorité de ces espèces proviennent de vergers à graines. Donc un verger à graines, c'est comme un verger de pommes. C'est un peu dans la même image, c'est-à-dire qu'on a des arbres, qui vont produire, et on prend le cas du pin maritime parce qu'on est dans la forêt landaise aujourd'hui et puis sous les pins avec les oiseaux qui chantent, mais on vient récolter les pommes de pin. Et on vient les récolter dans ces espaces qui sont des vergers à graines. On va monter dans les arbres, de deux façons, soit avec des grimpeurs-élagueurs qui montent dans les arbres, soit avec des nacelles qui vont nous permettre d'élever les opérateurs pour aller faire tomber les cônes qui sont accrochés dans les arbres au sol. Pourquoi on fait ça ? Parce qu'on veut récupérer les graines qui sont à l'intérieur des pommes de pin. Elles sont coincées à l'intérieur des pommes de pin. On en a sous nos pieds là actuellement. Et il ne faut pas que les pommes soient ouvertes. Donc on va les ramasser fermées entre le mois de janvier, février et mars de chaque année. Et on va les faire tomber au sol et on va les mettre dans des sacs qui seront scellés par l'administration forestière française avant de les sortir de ces espaces qu'on appelle les vergers à graines pour les amener ensuite dans une sécherie. où on va faire ouvrir les pommes de pin. Ce que vous entendez quand vous êtes au mois de mai, juin et juillet, quand vous venez en vacances sur le territoire Landais et sur la côte Landaise, ça fait clac, clac, clac. En fait, c'est ces pommes de pin qui s'ouvrent et c'est à ce moment-là qu'on libère les graines qui sont dans les pommes de pin. C'est ce qu'on fait dans les sécheries. Et là, on va commencer à récupérer les graines qui sont dans ces pommes de pin. On va enlever les ailes, parce que sur le pin maritime, les graines sont ailées. C'est la méthodologie pour cette espèce-là de dispersion, d'étalement et ensuite on va déseiller, nettoyer, trier et préparer les graines. pour pouvoir les semer. Et nous, dans le cas du pin maritime, on sème les graines de pin maritime entre le mois de mai et le mois de juin de chaque année pour commencer à planter les premiers plants au mois d'octobre de la même année.
- Delphine Gardin
Donc il n'y a pas de temps de latence d'une année sur l'autre. C'est les graines qui sont récupérées en janvier qui sont semées directement l'année suivante ?
- Loïc Iffat
Alors non, ce qu'on fait, c'est qu'on les stocke un an au frigo pour leur faire reprendre un froid d'hiver normal. Donc souvent, ce qu'on sème, actuellement, c'est les graines de l'année d'avant et de l'année encore d'avant. Sur du pin maritime, ça dépend des espèces forestières. Il y a des espèces forestières qui ne se stockent pas, c'est-à-dire que les graines, on est obligé de les semer, on les récolte, on les sème. Sur le pin maritime, on peut le stocker, et on peut stocker ces graines-là pour les utiliser à façon et au fur et à mesure.
- Delphine Gardin
Ok, donc une fois qu'on a ces graines, on les sème, et après, j'imagine qu'il y a aussi des opérateurs qui travaillent pour que le plant soit en bonne forme, j'ai entendu ce terme tout à l'heure.
- Loïc Iffat
Oui, tout à fait. En fait, la première étape, c'est l'étape de semi. Donc, on va venir. positionner, prendre cette graine-là avec une machine qui va venir la poser dans les alvéoles, dans les plaques pour positionner une graine pour faire un plan demain qui va germer entre 6 et 8 semaines. Et à partir de là, on va devoir suivre les plants pour savoir s'ils poussent bien, s'ils vont bien, on les arrose. Mais c'est aussi le suivi des herbages pour s'assurer qu'on n'ait pas de mauvaises herbes qui prennent le pas sur la culture et sur ces espèces-là. Ça, ça va durer entre 2 et 3 mois et ensuite, on va commencer à préparer les plants dans le cas du pin maritime donc à les extraire des plaques et à les livrer et à les apporter sur les chantiers de plantation forestière.
- Delphine Gardin
Moi, j'ai entendu différents termes. Je crois qu'il y a la technique du godet, la technique de la motte. Est-ce qu'on peut rapidement expliquer les différences et puis les intérêts des différentes techniques ?
- Loïc Iffat
Alors, la production française, on va aller un peu en dehors du pin maritime, mais la production française de plants forestiers, mais même à l'échelle européenne, se fait selon deux grandes techniques. La technique de plant godet et en motte, donc c'est une technique, et la technique de plant en racines nues. Et ça, c'est hors des peupliers qui sont une essence très particulière. Donc la technique de plant en racines nues, qui est la technique historique, elle consiste à, on sème les plants en pleine terre, on les élève un an, deux ans ou trois ans en fonction de chacune des essences, et on vient les arracher, les soulever, et on va livrer des plants racines nues, donc sans sol, et c'est ça qu'on va planter. Donc les plants en racines nues, on va pouvoir les planter dès le moment où les feuilles sont tombées. Et avant que les feuilles ressortent après le printemps. On peut stocker ces plants-là en frigo. Donc ça, c'est la technique qui est principalement utilisée pour les feuillus et quelques essences résineuses, typiquement par exemple les douglas, les mélèzes. Et la deuxième technique, qui est la technique utilisée par exemple sur le pin maritime, mais qui est utilisée sur d'autres essences, aussi le douglas, mais aussi d'autres feuillus, c'est la technique en godet, c'est-à-dire qu'on va produire dans un sol qui s'appelle un substrat. Et ce sol-là, c'est aussi ça où on a besoin d'avoir des formations techniques spécifiques, et typiquement formation d'ingénieur horticole, pour pouvoir produire une culture dans ce substrat-là qui permet la bonne croissance du système racinaire, la bonne alimentation en eau et la bonne alimentation en éléments nutritifs. Une plante, c'est comme un être humain. Si je ne vous donne pas d'eau, vous allez avoir des difficultés. Si je ne vous donne pas à manger, vous allez avoir des difficultés. Donc il faut trouver le bon compromis pour que la plante ne pousse pas trop, pousse bien et surtout puisse arriver en forêt où il va lui arriver tout un tas de choses. Et surtout, elle doit être autonome et résister à tous les aléas qui pourront lui arriver. Donc c'est deux grandes techniques de production, plant en godet et en motte et plant en racine nue.
- Delphine Gardin
D'accord, c'est très instructif.Vous avez parlé de votre formation d'ingénieur horticole, mais j'imagine qu'il y a plein d'autres métiers au sein de la pépinière. Est-ce qu'on peut avoir un aperçu rapide des différents métiers et puis peut-être des formations ?
- Loïc Iffat
Il est important quand même de souligner que toute cette activité-là ne fonctionne pas sans les hommes et les femmes qui font partie des entreprises. Et typiquement dans une pépinière forestière, donc il y a ce que je vous ai dit, le métier de responsable de production, responsable de site. Il y a le métier aussi et les métiers de chef d'équipe, chef d'équipe qui vont manager l'ensemble des opérateurs qui vont travailler sur les sites. Au niveau de Forelite, un des métiers importants, c'est les métiers de cariste et manutentionnaire. Pourquoi une simple et bonne raison ? C'est qu'on cherche à absolument, via l'innovation, réduire la pénibilité des opérations et des postes. Et donc, on mécanise la manutention avec des outils et des engins de manutention sur toutes les opérations et toutes les opérations qu'on peut mécaniser. On essaie d'en mécaniser un maximum pour limiter le port de charge. Et ensuite, il y a les ouvriers pépiniéristes polyvalents, des ouvriers qualifiés et des ouvriers manœuvres aussi qui viennent en saison. nous accompagner sur l'ensemble des opérations de production. Donc il faut savoir conduire une ligne de production, comme une ligne de fabrication, je ne sais pas, de compote, par exemple. C'est un peu le même fonctionnement. Donc il faut savoir démarrer la ligne, caler les cadences, les fonctionnements des machines, et en même temps, retourner sur d'autres opérations. On a un vrai focus aussi, c'est la polyvalence des postes, pour créer de la diversité tout au long de la saison et tout au long de la campagne sur les différents métiers. qui permettent à la pépinière de fonctionner. Ça c'est pour, j'imagine, avoir des salariés qui soient occupés toute l'année finalement, puisque vous avez un métier très saisonnier. Oui, donc l'objectif c'est d'occuper les collaborateurs toute l'année, puis aussi de créer des métiers et des postes enrichissants. Et les choses enrichissantes sont liées aussi à la polyvalence et à la diversité. Alors certains veulent que les mêmes tâches, mais de manière générale. L'idée c'est de répartir en fonction des saisons. Une fois tu conduis la ligne, une fois tu vas être dans la manutention, une fois tu vas être vraiment sur du semi à la chaine par exemple, une fois tu vas utiliser par exemple la machine à paillage sur laquelle on a innové et qui est présente ici à Forexpo. Du coup tu acquiers des compétences techniques spécifiques et cette polyvalence-là aussi pour pouvoir faire plein de choses et puis se remplacer mutuellement pour pouvoir gérer plus facilement les congés ou les absences des uns et des autres tout au long de la saison. La production et l'élevage des plants se déroulent de manière la plus fluide possible.
- Delphine Gardin
Tout à l'heure, vous avez parlé d'innovation, notamment pour améliorer les conditions de travail. J'imagine que l'innovation joue un rôle important au sein de la pépinière sur d'autres aspects. Est-ce que vous pouvez m'en parler ?
- Loïc Iffat
Il y a plusieurs axes. Il y a les axes d'innovation qui se situent spécifiquement sur le site, sur le ou les sites de production, parce que ça peut être des innovations collectives. Pour les trois sites, ça peut être des innovations pour chacun des sites, parce que chacun a un peu de spécialisation de production. Et ça, c'est fait en accompagnement aussi avec les services R&D de la coopérative Alliance Forêt Bois. Donc l'innovation, elle est un peu obligatoire parce qu'on est sur des métiers extrêmement spécifiques. Et donc, il faut trouver des solutions pointues, pas ou peu disponibles sur le marché ou des adaptations. Donc ça, c'est en interne, sur la mécanisation de la nutrition, comme je disais tout à l'heure. Mais ça peut être aussi de l'innovation sur le végétal. Et là, ce n'est pas que à l'échelle de Forelite, c'est aussi à l'échelle de la forêt au global. Et l'innovation, ça passe par l'intégration de variétés forestières améliorées, de nouvelles essences et de nouvelles espèces adaptées au changement climatique, par exemple.
- Delphine Gardin
D'accord, donc c'est à ce moment-là que je peux vous poser ma question suivante, qui était quelle est l'importance de la génétique finalement dans votre travail ?
- Loïc Iffat
Donc, la génétique, ça déjà, ça a toujours été l'ADN de Forelite et l'ADN de la coopérative Alliance Forêt-Bois, par ses origines sur le pin maritime par exemple. Mais la génétique c'est un vrai levier d'action sur la résilience des peuplements forestiers, sur la croissance, la production de matériaux bois de qualité pour l'ensemble des industriels. Mais aussi sur le sujet du changement climatique, ça va devenir demain un des leviers d'action mobilisables et immobilisés pour répondre aux enjeux qui nous arrivent face à nous et qui sont majeurs pour la forêt française, la forêt européenne et plus loin. Mais ce n'est pas notre périmètre aujourd'hui.
- Delphine Gardin
Et comment ? Moi, j'ai du mal encore à me représenter. On joue justement sur cette génétique, sur les plants. Concrètement, ça se passe comment ?
- Loïc Iffat
Par exemple, un des sujets, c'est le sujet de la migration assistée. Il s'agit de regarder les essences qui sont plus au sud, de regarder leur comportement, c'est la résistance au froid parce qu'il ne faudra pas oublier que le changement climatique, c'est une élévation moyenne des températures avec des pics de chaleur. Mais on gardera aussi des conditions froides hivernales avec des gels. Donc ça ne va pas devenir les tropiques, ce ne sera pas la Floride. Donc il faut s'assurer que les espèces au sud, elles ont cette capacité à monter, à migrer et à résister sur les 30, 40, 50 ou 100 prochaines années en fonction du type d'essence. Donc identifier des ressources génétiques du sud pour les remonter au nord, dans ce qu'on appellera la migration assistée. Ça peut être à l'échelle d'une espèce, dans une espèce, de trouver des populations et des génétiques de populations qui ont cette capacité de mieux résister. Mais ça peut être aussi, dans l'aspect génétique, que... de migration assistée, de trouver d'autres espèces et d'avoir un côté disruptif, donc chercher une nouvelle essence pour remplacer une essence qui, aujourd'hui, est en difficulté climatique. Il y a des essences qui sont aujourd'hui en station et qui ont une capacité et une élasticité aussi à le supporter, mais peut-être que l'amélioration génétique dans l'espèce permettra de mieux s'adapter demain au coup de chaud, par exemple, ou à l'élévation de la température moyenne.
- Delphine Gardin
C'est vrai que vous avez parlé des aléas climatiques. Tous les ans, on a un bilan de la reprise des plants qui est réalisé par le département santé et forêt, il me semble, du ministère. En 2022, il me semble que ça a été assez catastrophique. 2024, c'était plutôt favorable. Est-ce que vous pouvez m'expliquer à quoi sont dus ces écarts et puis quels sont les principaux facteurs qui influencent la survie des plants ?
- Loïc Iffat
Alors, il y a plein d'éléments qui influencent la survie des plants. La survie des plants, elle est liée... au statut hydrique des plants quand ils arrivent en forêt. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Il faut que les plants soient résistants, tolérants, adaptés et acclimatés à la plantation forestière. Il faut qu'ils aient un niveau d'humidité dans les mottes, par exemple, parce que quand ils vont être plantés, il se passera ce qui se passera. Il pleut, il pleut, il ne pleut pas. Il faut qu'ils arrivent à reprendre.
- Delphine Gardin
On n'arrose pas en forêt ?
- Loïc Iffat
Non, on n'arrose pas en forêt, en tout cas dans les forêts françaises, à la plantation. il y a le sujet de la préparation de sol et des antécédents techniques qui rentrent en ligne de compte et ces sujets-là peuvent être un sujet de réussite ou pas des plantations il y a les essences aussi qu'on peut positionner il y a des essences qui sont plus ou moins tolérantes aux aléas il faut quand même noter que 2022 c'est l'année des incendies c'est l'année des 4 canicules successives à peu près partout sur le territoire français et un des facteurs qui rentrent en ligne de compte sur la reprise Merci. C'est la capacité à avoir de l'eau ou pas d'eau via des orages ou des pluviométries régulières et réparties. Et 2022, ça n'a pas été le cas, contrairement à, par exemple, 2024. Et c'est un des facteurs qui influencent fortement la reprise, tenant compte des éléments techniques cités précédemment, qui jouent et qui doivent être mis absolument en œuvre pour la bonne réussite des plantations forestières.
- Delphine Gardin
C'est pour ça que c'est important quand on voit ces démonstrations comme hier de préparation de sol, c'est hyper important pour que les plants reprennent bien.
- Loïc Iffat
Tout à fait, de bien gérer les rémanents, de bien gérer la préparation du sol pour éviter les poches d'air, de bien préparer son sol avec les bons outils. Un outil est adapté à une station, à un type de sol. bien choisir ses choix d'itinéraires techniques pour réussir ses plantations.
- Delphine Gardin
On a vu des solutions mécanisées, mais c'est vrai que la plantation aujourd'hui, elle se fait encore à la main, non ?
- Loïc Iffat
Tout à fait. Aujourd'hui, une machine fait des tâches unitaires. Souvent, on lui demande de faire une somme de tâches unitaires, mais chaque étape pour la machine est une étape qui vient se cumuler à la suivante. La plantation, le sujet, c'est que l'homme fait énormément d'étapes pour réussir la plantation. Dans les étapes de plantation, c'est la distance des plants. les uns par rapport aux autres. Et ça, l'homme est capable de le gérer de manière instantanée, en même temps, c'est-à-dire la distance par rapport à la ligne précédente et la distance par rapport au plan précédent et la distance par rapport au plan suivant. Capable de planter, tasser et adapter sa force de plantation en fonction de la nature du sol à l'instant T, de décaler sa plantation parce qu'il y a un morceau de bois, parce qu'il y a une souche, parce qu'il y a un rocher, en fonction des contextes, des types de sols. Ici, les rochers dans le massif landais, ce n'est pas le sujet. Sur d'autres stations, ça peut être le cas. Et de gérer le tassement en même temps qu'il est en train de préparer l'étape suivante, il est plus mobile dans sa capacité à se déplacer sur la parcelle. Et en fait, aujourd'hui, les machines de plantation, elles sont en cours de développement, de travail et compagnie, mais elles doivent répondre à l'ensemble de ces critères que l'être humain aujourd'hui réussit dans un même pas de temps à gérer en même temps pour que la reprise soit bonne. Et un des sujets de reprise, par exemple, dont on discutait, C'est la qualité du tassement. Il ne faut pas qu'on tasse trop fort, sinon on casse des racines. Il ne faut pas qu'on oublie de tasser, sinon il y aura des poches d'air. Et du coup, on aura un problème de reprise. Et ça, les réglages et cette finesse-là, et cette adaptation-là, elle est dépendante de la qualité de l'être humain de prendre en compte un certain nombre de paramètres environnementaux. Par exemple, les plants arrivant, il y a une caisse pas mouillée. L'être humain décidera de ne pas la planter et de la ramener au dépôt pour la ré-arroser. La machine... Elle ne va pas se poser de questions, elle plantera toutes les caisses à la suite. Elle ne fera pas cas de ce genre de détail, mais qui ne sera pas un détail parce que ça jouera sur la reprise de la plantation dans le chantier.
- Delphine Gardin
Ok, donc c'est des gestes vraiment techniques qui demandent la précision que seul un être humain peut apporter aujourd'hui.
- Loïc Iffat
Oui, et puis de l'adaptabilité. Et la machine, l'adaptabilité, ce n'est pas toujours son fort.
- Delphine Gardin
On va parler de la forêt de demain parce qu'on sait que la forêt, elle est... À la fois une solution face au changement climatique, mais aussi une des premières victimes. Selon vous, à quoi elle va ressembler la forêt dans 30 ou 40 ans ? Alors ici, on est dans le massif des Landes, mais peut-être plus à l'échelle nationale.
- Loïc Iffat
Ce sera une forêt qui doit être et qui doit prendre en compte le changement climatique. Un des enjeux, c'est ça et les conséquences aussi du changement climatique. Cette forêt, elle doit répondre à ces enjeux-là. Elle doit répondre aussi aux enjeux de fournitures et d'approvisionnement en matériaux bois construction et l'intérêt aussi de ce matériau bois construction dans nos usages mais aussi de la forêt pour stocker du carbone vis-à-vis des augmentations de taux de CO2 parce que je rappelle une plante capte du CO2 et on stocke ce CO2 dans le bois donc il faut des espèces qui arrivent à produire du bois pour stocker du carbone mais pour ça il faut des essences qui soient adaptées à la station d'aujourd'hui avec le climat de demain.
- Delphine Gardin
Et ça, vous en avez des essences qui répondent ?
- Loïc Iffat
C'est pour ça qu'on travaille sur un certain nombre de programmes, dont un programme qui s'appelle îlot d'Avenir et Parcelles d'Avenir, pour mettre en place des essences et préparer les essences d'avenir en s'appuyant aussi sur des travaux qui ont déjà été menés il y a 10, 15 ou 20 ans et où on a commencé à avoir du recul et des réponses de ces espèces-là. suite au climat de 2022 par exemple, qui a été quand même particulièrement rugueux pour les essences forestières, avec des implantations qu'on cherche à avoir partout sur le territoire français. Parce que ce qui se passe à 700 mètres d'altitude versant sud, ce n'est pas ce qui se passe à 500 mètres d'altitude versant nord, avec un sol superficiel ou un sol profond, un sol engorgé ou pas. Il faut trouver les réponses face à tout ça. L'analyse stationnelle, ça restera un levier pour la forêt de demain. Et donc les essences, on peut en avoir une ou deux de nom ? Alors dans les essences aujourd'hui qui ont beaucoup évolué, c'est-à-dire des essences qui étaient peu présentes en plantation et qui aujourd'hui prennent de l'ampleur, c'est le cèdre de l'Atlas par exemple, c'est le chêne pubescent. Mais d'autres essences qui restent demain une des réponses au changement climatique, c'est le pin maritime qui est aujourd'hui dans le nord de son aire de répartition naturelle parce qu'il descend jusqu'au Maroc. Et donc il fait partie aussi des essences intéressantes pour répondre au changement climatique. Et d'autres essences qui déclinent, on prend le chêne pédonculé par exemple, le hêtre, l'épicéa qui décline de manière significative parce que... moins ou plus adaptée dans un certain nombre de stations françaises. Pas partout, il faut avoir une vision technique et d'analyse stationnelle.
- Delphine Gardin
Ok, bon, on arrive à la fin de cet échange et moi j'aime bien terminer mes entretiens par une question signature qui est la suivante, est-ce que selon vous il y a un cliché sur votre métier ou votre secteur et surtout en quoi il est faux ?
- Loïc Iffat
Un des clichés, un des clin d'oeil clichés, ce serait de se dire qu'un forestier ou un pépiniériste forestier, c'est un homme ou une femme avec une chemise à carreaux, une barbe, un peu bourru, qui reste dans son coin et qui travaille tout seul. En tout cas, sur le sujet de la pépinière forestière, ce cliché est complètement faux parce que la pépinière forestière ne marcherait pas sans les hommes et les femmes qui travaillent à Forelite. On est quand même quasiment 40 personnes à travailler sur l'ensemble des sites de la pépinière. donc c'est Ça ne peut pas être quelqu'un d'isolé qui travaille tout seul. Et puis l'événement d'aujourd'hui le confirme. Alors, je n'ai pas vu beaucoup de chemises à carreaux. Et puis, on est très nombreux aujourd'hui à se rassembler. Et puis, c'est un métier aujourd'hui qui ne s'est pas qu'un métier d'homme. Ça devient aussi un métier de femme qui se féminise sur tous les postes et toutes les missions, que ce soit conducteur de machine, que ce soit planteur, que ce soit responsable de production aussi en pépinière. Donc, ce n'est pas qu'un métier, dans ce cliché, un métier d'homme entre hommes.
- Delphine Gardin
Chez Forelite la proportion d'hommes et de femmes ?
- Loïc Iffat
Aujourd'hui, on a à peu près 30% de femmes dans les effectifs.
- Delphine Gardin
Ce qui est bien au regard de la filière en général,
- Loïc Iffat
où je crois qu'on est plutôt à 18%. Au regard de la filière, voilà. Et quand je suis arrivé, on était à 10-12% de femmes, et principalement dans les postes administratifs. Et aujourd'hui, on a des femmes sur l'ensemble des process de production de l'entreprise.
- Delphine Gardin
Ça évolue dans le bon sens.
- Loïc Iffat
Ça évolue significativement et ça apporte. tout cet équilibre et toute cette technicité-là. Aujourd'hui, d'autant plus qu'on a de plus en plus d'essences différentes en production. Et donc, de technicité, de savoir-faire, de minutie qui rentrent en ligne de compte dans l'ensemble des process pour produire des plants de qualité.
- Delphine Gardin
Très bien. Merci beaucoup Loïc pour cet échange. C'était passionnant. J'aurais encore plein de questions à vous poser, mais je sais que vous êtes assez pris sur votre stand. On vous attend. Donc, je vais vous laisser retourner sur votre stand à Forexpo. Merci beaucoup.
- Loïc Iffat
Merci pour cet entretien.
- Delphine Gardin
Vous venez d'écouter Du Pin sur la Planche. Un grand merci à mon invité pour son temps et son témoignage. Si vous aimez cet épisode, aidez-moi à le faire connaître. N'hésitez pas à mettre des étoiles, des commentaires sur vos plateformes d'écoute préférées. Pour en savoir plus sur cet univers de passionnés, ça se passe sur Instagram, Du Pin sur la Planche, le podcast. Prochain épisode, le mois prochain. A bientôt ! Musique