- Delphine Gardin
Vous écoutez Du Pin sur la Planche, le podcast qui vous plonge au cœur de la filière forêt-bois. Je suis Delphine Gardin et mon quotidien, c'est d'aider les acteurs de ce secteur à mieux communiquer. Qui sont-ils ? Pourquoi le bois est une ressource clé pour relever les défis de la transition écologique ? Si toutes ces questions vous intéressent, vous êtes au bon endroit. ici une fois par mois Et sans langue de bois, je vous emmène à la découverte de cet univers et de ses experts. Bonne écoute !
- Olivier Pinel
Aujourd'hui, c'est ce qu'on s'efforce de faire avec Salvateur, pour tout simplement sauver ces bois des flammes et du broyeur.
- Delphine Gardin
Aujourd'hui, je suis partie à la rencontre d'Olivier Pinel, fondateur de l'entreprise Salvateur. Avant de lancer son activité, et avec une formation de juriste en poche, il a d'abord travaillé au développement de la filière forêt-bois dans le Tarn. Depuis maintenant 6 ans, il transforme ce qu'on appelle dans le jargon des gros bois en pièces uniques, des magnifiques tables et plans de travail. Mais en fait, c'est bien plus que ça, puisqu'Olivier s'engage dans une véritable démarche de relocalisation de l'économie grâce au bois. Bonjour Olivier !
- Olivier Pinel
Bonjour !
- Delphine Gardin
Merci de m'accueillir ici, à Damiatte, dans le Tarn. Tu es créateur de Salvateur, une entreprise qui fabrique des meubles en bois brûlé et en live-edge. C'est une technique qui consiste à laisser le bois dans son état le plus brut possible. Pour commencer cet épisode et nous mettre directement dans l'ambiance, je vais te demander de me décrire l'endroit dans lequel on se trouve.
- Olivier Pinel
Donc ici, on est dans l'atelier de l'entreprise Salvateur à Damiatte. C'est un atelier à peu près de 2000 m² en deux parties. Une partie où on va travailler plus la matière brute et une seconde partie où on va finir la matière, où on est dans une ambiance chauffée avec un taux d'humidité. qui rapproche la matière du client final et de l'intérieur de la maison.
- Delphine Gardin
J'imagine qu'il y a des auditeurs qui ne connaissent pas la technique du live edge. Moi, pour être complètement honnête avec toi, j'ai découvert le terme en me renseignant sur ton activité. Est-ce que tu peux nous expliquer concrètement en quoi ça consiste ?
- Olivier Pinel
Après, on est dans un métier où il y a beaucoup d'anglicisme, donc le woodwork. Si on revient sur des choses simples et en essayant de le dire en français de manière simple, c'est On va avoir une façon de travailler le bois où on va respecter la courbe naturelle et où on va essayer de garder le plus possible l'intégrité de la matière. Aujourd'hui, la filière bois, de manière traditionnelle, a plutôt tendance à déstructurer le bois pour le réassembler, pour enlever toutes les singularités, tous les défauts, toutes les courbes. Nous, on est dans une posture un peu inverse, où on essaye vraiment de conserver au maximum les courbes, de travailler le plus possible avec les lignes naturelles du bois. Nous, on est juste... dépositaire d'une matière première et on essaie de la sublimer tout simplement. Moi, j'ai tendance à dire, comme un cuisinier, je suis assez à l'aise avec cette comparaison, c'est que, voilà, on a une matière première de qualité singulière qui révèle un terroir, un territoire, et l'idée c'est que nous, on est juste dépositaire de cette matière et quand on va créer des plateaux, parce que finalement, l'essentiel de notre métier, c'est de créer des plateaux, que ce soit des plateaux de table, des plans de travail, des plans vasques, des étagères. mais de créer des plateaux qui soient directement inspirés par la matière première et le bois. Voilà, c'est un design, si vous voulez, minimaliste.
- Delphine Gardin
Bon, et il faut dire que tu le fais plutôt bien parce qu'on est là sur ton bureau, qui est juste sublime. Donc moi, j'adore, c'est vraiment magnifique.
- Olivier Pinel
Voilà, et le bureau, c'est important de le dire parce qu'on est dans le Tarn et que la filière bois, nous, on est vraiment dans un marché de niche, on est artisan d'art, mais la filière bois, c'est aussi une filière qui est importante sur le plan économique. Ce plateau, il est fait en Douglas du Tarn. Ce Douglas a été scié par la Société Européenne des Bois. Et donc aujourd'hui, on voit que sur un produit de prime abord assez ordinaire, une matière première qui va avoir des utilisations plutôt en charpente et en bois construction, sur des marchés de masse, on voit qu'avec des produits comme ça, on peut aussi faire des produits d'exception et aller toucher une clientèle sur des marchés plus de luxe.
- Delphine Gardin
Alors, est-ce que tu peux nous expliquer comment tu en es arrivé à créer l'entreprise Salvateur ?
- Olivier Pinel
Ça a été un cheminement qui a été assez long. Aujourd'hui, j'ai une formation de juriste. J'ai travaillé dans la coopération agricole avec des métiers qui étaient proches du lobbying. Mais j'ai toujours eu, depuis le début de mon activité professionnelle, un pied dans la filière bois. D'abord sur le bois énergie, où j'ai constaté que les gros bois posaient problème pour être broyés et transformés en bois énergie. Et moi, je voyais dans ces gros bois un intérêt à être valorisé, parce que j'avais déjà compris que sur certains marchés, il y avait une émergence de... design naturel, de ce live-edge dont on a parlé tout à l'heure. L'idée a commencé à germer. J'ai ensuite travaillé pour une association interconsulaire qui s'occupait de la filière bois du Tarn et de l'Hérault, où là encore la problématique des gros bois était prégnante. En 2017, j'ai décidé de me lancer et j'ai créé Salvateur pour valoriser ces gros bois.
- Delphine Gardin
Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c'est que des gros bois ? Je ne suis pas sûre que tout le monde sache ce que c'est.
- Olivier Pinel
On a une définition, alors peut-être qui nous est propre, mais je pense qui rejoint aussi la définition de la filière. C'est que pour faire une table, on aime bien avoir des largeurs d'un mètre. Et comme on doit travailler dans le dessin du bois et que souvent on va créer un effet de symétrie dans le bois, pour faire un plateau d'un mètre de large, il nous faut des bois à peu près de 60 cm de large minimum. Et donc nous, on va considérer que les gros bois commencent à peu près à 60 cm de large de diamètre. Et il se trouve que, pour avoir un peu travaillé dans la filière avant, que ça correspond au diamètre de bois qui commence à poser problème dans des lignes industrielles de fabrication. Donc en gros, les gros bois, souvent c'est les bois qui vont sortir des circuits. industriels très rationalisés qu'on va trouver dans la filière.
- Delphine Gardin
Ce que tu expliques, c'est qu'en fait, les gros bois, aujourd'hui, ne trouvent pas forcément de débouchés dans les scieries qui sont implantées sur le territoire. C'est ça ? Du coup, finissent plutôt sur du bois énergie.
- Olivier Pinel
Il y a quelques scieries artisanales, dans le sens où un gros bois, pour le scier, il faut le regarder. On ne peut pas confier le sillage d'un gros bois entièrement à une machine ou à un automate. Donc, il y a des scieries artisanales qui savent valoriser ces gros bois. Aujourd'hui, dans le département en tout cas, elles sont loin d'avoir la capacité de sillage pour absorber toute la ressource. Donc aujourd'hui, on se trouve face à des gros bois qui, selon moi, ont quand même un énorme potentiel au-delà de notre activité, qui est une activité vraiment de niche, mais ont un gros potentiel et partent souvent à l'export en Asie ou en Europe de l'Est.
- Delphine Gardin
Et donc, quand tu as appelé ton entreprise Salvateur, j'imagine que c'était en lien avec ce que tu viens de nous expliquer ?
- Olivier Pinel
Oui, oui, et on va encore au-delà. C'est qu'au-delà de la ressource qui est disponible en forêt, on s'est rendu compte que, dès le départ, quand on travaillait sur le bois énergie, avec les bois qu'on récoltait dans des haies, sur des parcelles agricoles, mais au-delà de ça, il y a les bois urbains qu'on va récolter en ville, dans des parcs et jardins, et les bois qu'on va récolter chez le particulier, dans des propriétés privées, où à chaque fois on a affaire à des arbres qui sont majestueux, qui ont une valeur... Déjà, c'est des arbres qu'on préfère avant tout garder vivants. Et ça, il faut qu'on soit très très clair là-dessus. Ça veut dire que cette ressource-là, on l'utilise parce qu'il a fallu la couper, parce qu'il y avait des problèmes sanitaires, des problèmes de sécurité. Mais donc ces bois-là, aujourd'hui, ils n'ont pour ainsi dire aucune valorisation. C'est même pour la plupart des cas, des bois qui ont un coût d'évacuation. Et nous aujourd'hui, c'est des bois qui ont un potentiel énorme pour notre activité. Alors ça demande d'organiser une filière avec des flux, des transports. Mais aujourd'hui, c'est ce qu'on s'efforce de faire avec Salvateur, pour tout simplement sauver ces bois. Des flammes et du broyeur. Parce que si on ne travaille pas ces bois, c'est des bois qui finissent chez des industriels ou dans des chaufferies collectives après avoir été fendus et broyés. Et donc voilà, on trouve que c'est un peu dommage. Et nous aujourd'hui, on arrive à sortir des produits relativement... Je ne sais pas comment c'est difficile de qualifier ces propres produits, mais en tout cas, voilà, des produits, on va dire, singuliers et un peu hors normes.
- Delphine Gardin
Tu peux nous préciser un peu qui sont tes clients ?
- Olivier Pinel
Aujourd'hui, on travaille autant pour des particuliers que pour des professionnels. On a une clientèle qui est européenne, j'allais dire, aujourd'hui, qui se développe de plus en plus au niveau européen. Ça va être des particuliers qui ont des résidences secondaires, qui ont des moyens assez conséquents, ou des gens qui ont envie de se faire plaisir avec une jolie table et un objet personnalisé. Et sinon, on travaille pour des entreprises, donc on équipe des salles de réunion, des restaurateurs, où on fait des tables de restaurant. Mais voilà, on a une clientèle en tout cas. qu'elles soient professionnelles ou particulières, avec des moyens importants ou avec des moyens raisonnables, normaux, où on arrive toujours à trouver des solutions pour faire un produit dans une démarche la plus sincère possible.
- Delphine Gardin
Est-ce que tu pourrais nous partager avec nous une expérience marquante ou un projet dont tu es particulièrement fier depuis que tu as créé l'entreprise ?
- Olivier Pinel
Nous, aujourd'hui, on a développé l'entreprise en essayant de ne pas faire de compromis, c'est-à-dire d'être par rapport à notre démarche initiale, de rester sur un processus le plus cohérent possible. c'est de ne pas... céder à la facilité. Et c'est pas tout le temps évident. Il y a eu un projet qui vraiment était parfaitement dans la ligne qu'on s'était fixée. C'est-à-dire que au moment où on a démarré l'entreprise, j'ai fait scier du freine du hameau de la Glévade à Saint-Pierre-de-Trévisy, donc au Languedoc. Ce freine, il a ressuyé pendant deux ans, donc ressuyé du bois. C'est laisser l'eau liée au bois devenir libre. C'est donc laisser l'eau circuler dans le bois. et une fois que l'eau a commencé à circuler dans le bois, le bois peut sécher. Et donc cette étape de finition, d'affinage et de séchage du bois, on l'avait faite en séchoir, mais du coup c'était des bois qui étaient du territoire, qui venaient d'une parcelle agricole et qui étaient tout à fait destinés à être broyés. Donc on a sauvé ces bois, on les a fait sécher. C'était au tout début de la création de l'activité. On avait un stand avec des collègues menuisiers à la foire économique de Castres. On a été contactés à la Foire économique de Castres par des magiciens, qui étaient nos voisins à Grouillat à ce moment-là, et qui avaient besoin d'une table pour leur showroom. Ils ont choisi les deux plateaux et on a transformé les deux plateaux en une table qu'on peut voir sur nos réseaux sociaux pour le showroom de la magie serie. Et là, ça a été vraiment le produit hors norme, haut de gamme en termes de finition et qui était placé dans une entreprise locale, qui était aussi à faire vivre des savoir-faire locaux et ancestraux finalement, parce que la spécialité de Groyer, c'est le cuir. Et donc là, finalement, voilà, la boucle était bouclée et on a un projet qui avait du sens du début à la fin. Une matière première locale, un client local. C'était quand même un beau projet. Même émotionnellement, à un moment donné, quand on a créé ce produit, qu'on l'a fini, qu'on l'a livré, on a senti qu'une étape avait été franchie.
- Delphine Gardin
Et la boucle était bouclée. Alors tu nous expliquais que ton travail consiste à toucher le bois le moins possible et le laisser dans son état le plus brut. possible, mais malgré tout, est-ce que tu utilises des techniques innovantes ou est-ce que tu es sur des techniques plutôt traditionnelles ?
- Olivier Pinel
J'ai envie de dire sur 99% de la matière qu'on travaille, c'est du bois massif, travaillé de façon traditionnelle. On le remet à plat, on le stabilise, sauf qu'il reste des nœuds, quelques fentes, il peut y avoir des décollements de fibres, des gerses, et si on voulait enlever toutes ces singularités pour avoir un rendu parfaitement plat et parfaitement fonctionnel, On recréerait un panneau qu'on trouve assez facilement dans les négoces de bois. Donc l'idée, c'est de garder ces singularités, sauf qu'on veut un produit fonctionnel. Et il y a un produit qu'on utilise aujourd'hui, c'est la résine époxy. Donc on a des fournisseurs de résine époxy français, avec des résines biosourcées. Mais cette résine époxy, elle permet de stabiliser toutes ces singularités du bois. Et donc aujourd'hui, oui, voilà, il y a un process qui est un peu compliqué, avec des temps de séchage qui sont longs. Il faut rendre la surface du bois étanche parce que la résine est très liquide avant de figer. Et donc aujourd'hui, c'est quelque chose qu'on maîtrise bien. Mais vraiment, on utilise la résine époxy, pas pour faire des énormes coulées, parce que je vois que c'est assez tendance, les tables rivières. Nous, aujourd'hui, on est très bien équipé pour les faire, mais ce n'est pas notre tasse de thé. Et comme on ne fait pas trop de compromis sur ce qu'on a envie de faire, on essaye de ne pas trop en faire. On en avait fait une ou deux, je crois, au début. Ce n'est vraiment pas quelque chose qu'on essaye de développer. L'idée, vraiment, c'est comme notre travail, mais quand on utilise ces produits, l'idée, c'est de les faire oublier. Quand vous avez un défaut, un nœud, il y a une résine translucide qui laisse voir le nœud, qui laisse passer la lumière, mais...
- Delphine Gardin
Mais qui fait que le bois ne bougera pas après.
- Olivier Pinel
C'est très, très stable, en fait. Le bois, il ne bougera pas, on va pouvoir nettoyer, on va avoir une surface lisse, donc très fonctionnelle. Bon, les clients, ils le savent, donc ils se rendent compte. Mais des fois, ça nous est arrivé de livrer des tables. Et ce n'était pas forcément le client qui était sur place pour réceptionner. Et les personnes, si elles ne sont pas averties, elles nous regardent. Mais vous avez laissé les défauts. Il y a des nœuds. Et quand ils touchent, ils sont bluffés parce qu'en fait, tout est bouché. Mais on les garde à la vue. On a un rendu très naturel.
- Delphine Gardin
Tu me parlais du bois quand on préparait l'enregistrement. Tu me parlais des singularités du bois. Parce que pour toi, c'est en ça qu'il se distingue d'autres matériaux de construction, typiquement du marbre, par exemple. Est-ce que tu peux m'expliquer, c'est quoi les singularités du bois ?
- Olivier Pinel
Alors... Je vais m'inscrire un peu en faute par rapport au marbre, parce que le marbre, on est quand même sur une matière où chaque morceau de marbre a ses singularités. Par contre, à contrario, le marbre, ce n'est pas une matière vivante comme le bois est une matière vivante. Le bois, il est sensible à l'hygrométrie. Tant qu'il n'a pas séché complètement, il va continuer à bouger. Et effectivement, il y a des singularités, des nœuds, des gers, des sentiers spécifiques qui font que chaque pièce est unique. Et donc, des fois, ça nous arrive sur certains plateaux, sur certaines tables. de faire fabriquer des piades et ferronniers. Des fois, même, on les regarde avec envie, parce que le fer, c'est un matériau qu'on coupe, qu'on soude, mais... qui est figé, qui ne bouge plus. Et nous, pour travailler le bois, pour arriver à notre produit fini, on fait face à beaucoup plus de contraintes. Alors, je disais un peu, sur le ton de la plaisanterie, des fois on a envie un peu de les ferronner, mais en réalité, c'est ce qui fait l'intérêt de notre métier, c'est qu'à chaque fois que ce soit des plans de travail ou des tables, chaque pièce est unique. Et nous, notre process, et quand je disais qu'on ne fait pas de compromis dans la façon dont on travaille, on fait tout pour préserver ces singularités. et préserver l'unicité de chaque produit.
- Delphine Gardin
Et alors concrètement, ça peut être des nœuds, des écorces présentes ? C'est quoi les singularités ?
- Olivier Pinel
Alors l'écorce, elle est moins durable que le reste du bois. Donc il ne faut pas oublier qu'on garde les singularités, on garde cette esthétique singulière, mais qu'on a besoin d'avoir un produit fini fonctionnel, parfaitement fonctionnel. Donc les écorces et sur certains bois lobiers, notamment le chêne, sur un bois comme le chêne, il y a une partie très durable et dure qui est le cœur. Et les extérieurs du bois, l'aubier, est beaucoup moins durable. Et donc, pour pouvoir avoir un produit qui soit le plus durable possible, on est contraint, obligé d'enlever l'aubier. Mais quand on enlève l'aubier, on le fait en respectant la courbe naturelle du bois, pour avoir un rendu beaucoup plus naturel. Par exemple, pour d'autres essences, le freine a très peu d'aubier. Donc là, on va pouvoir garder vraiment la courbe naturelle sans enlever de matière. Donc on s'adapte à la matière, on travaille finalement la matière, mais en faisant en sorte de tout le temps, tout le temps, tout le temps, garder le rendu le plus naturel possible. Ça veut dire, nous, c'est paradoxal, mais l'enjeu pour nous, c'est pas de montrer notre travail, c'est de travailler pour faire oublier notre travail. C'est qu'à la fin, voilà, on voit le produit, on voit la matière. Mais pour en arriver au résultat, il y a beaucoup de travail. Alors des fois, il faut expliquer aux clients, parce qu'ils ont l'impression qu'on a tranché la planche et qu'il y a un rendu homogène, parfait, lisse au toucher, sans travail, c'est pas le cas. Il y a beaucoup de travail, mais en toute humilité, c'est de dire que notre produit va être réussi si tout ce travail-là sait se faire oublier, s'est passé au second plan par rapport à la matière.
- Delphine Gardin
Pour rester encore un peu sur le matériau, et donc le bois, est-ce que tu peux nous expliquer, nous donner les différentes essences que tu utilises et nous dire un peu d'où viennent les bois que tu utilises pour la fabrication des plans de travail ?
- Olivier Pinel
Les auditeurs ne peuvent pas le voir, mais on a le mur avec des étagères et tous les échantillons de bois qu'on va pouvoir travailler. Donc on a du noyer. Moi, c'est un bois que j'aime beaucoup. C'est un bois qui est récolté souvent dans des jardins ou chez des producteurs de noix, finalement. C'est un bois qui est foncé, qui a beaucoup de caractère et qui a vraiment un rendu assez luxueux. Le noyer, et en même temps, qui est très typique. Ça veut dire qu'il peut ressembler à certains moments à des bois exotiques, mais il a des singularités telles le noyer français qu'on ne s'y trompe pas. On voit, et donc il y a un côté très luxueux, et nous, c'est un bois qu'on adore travailler. Après, sur un bois qui est beaucoup plus accessible, ça va être le frêne. Donc le frêne, il va venir aussi bien de Syrie locale, on va travailler avec une Syrie dans les mondes albans ou dans les Pyrénées, dans le piémont pyrénéen. Et de temps en temps, on travaille aussi avec des frênes de Bourgogne. Ça dépend les dimensions après, le projet qu'on a à faire.
- Delphine Gardin
Alors le frêne, il est un peu plus clair, voire presque jaune.
- Olivier Pinel
Alors ça dépend la finition. On peut avoir des finitions crème. Je parlerai plus de ton crème sur le frêne. Et souvent, nous, ce qu'on va chercher sur le frêne, c'est le côté bicolore. qu'on va trouver dans le frêne olivier, où il y a un extérieur qui est très clair et un cœur qui est foncé. Et on appelle ça le frêne olivier parce que ça rappelle le bois d'olivier. Et dans le frêne, on a deux catégories de frênes. Et là où c'est des frênes locaux du type de ceux dont je parlais tout à l'heure, qui ont énormément de singularités. Et souvent, c'est des arbres en bordure de parcelles agricoles qui ont une vraie histoire. Ça veut dire que c'est des arbres qui ont été modelés par l'homme. Parce que pendant des siècles, pendant les périodes sèches, les agriculteurs coupaient les branches des frênes pour nourrir les troupeaux. Et le fait d'avoir coupé très régulièrement ces branches, ça crée un dessin tout à fait particulier dans le bois. Et là, c'est un bois qu'on adore nous valoriser parce qu'il a un rendu très haut de gamme. Donc ça veut dire que le frêne, on va avoir un rendu très fonctionnel sur une partie des bois et un rendu beaucoup plus impressionnant sur d'autres parties des bois. Après, derrière, le travail n'est pas le même pour le valoriser. Donc on a le noyer, le frêne, bien sûr le chêne.
- Delphine Gardin
C'est l'essence star.
- Olivier Pinel
Voilà, c'est les 100 stars, on nous la demande beaucoup. Donc là, on va travailler des chaînes locaux, et souvent on va avoir des finitions avec pas mal de singularités, mais qui plaisent énormément. Et on travaille aussi des chaînes de Bourgogne, donc des chaînes où le fil est beaucoup plus droit, où il y a un peu moins de singularités, mais où on arrive à travailler des formats assez monumentaux. Ça nous arrive de faire des tables de 6 mètres de long. Avec 1m40 de large...
- Delphine Gardin
Oui, la table qu'on a vue dans ton atelier est déjà d'une taille...
- Olivier Pinel
Oui, l'épaisseur fait 10 cm d'épée, donc c'est des bois vraiment assez compliqués à trouver. Et aujourd'hui, la difficulté qu'on a en local, c'est que c'est difficile de trouver une matière première sèche. Et donc, je veux dire, on ne va pas très loin non plus, ça reste toujours, toujours... toujours exclusivement des bois français qu'on va travailler, mais c'est des bois qu'on fait venir de Bourgogne ou du nord du massif central, parce qu'il y a des qualités et il y a une sylviculture qu'on ne retrouve pas forcément ici. Il y a une filière qui est structurée et qui l'est moins ici pour le chêne, mais on est en train de monter un outil de sillage, parce qu'évidemment il y a des bois qui pourraient être valorisés localement, qui ne le sont pas, selon moi, suffisamment, et qu'on va essayer de valoriser, bien sûr, mais ça demande un travail et des investissements assez importants. Donc on a dit, le noyer... le chêne, le frêne. On a parlé du Douglas qu'on a sur la table en bois brûlé, qui est un résineux, mais qu'on peut aussi travailler de manière assez classique avec une finition huilée ou vernis. Donc après, on pourrait reparler des finitions, mais je pense qu'on va laisser les gens.
- Delphine Gardin
Moi, je voudrais surtout que tu me parles de tes échantillons de bois qui sont un peu plus foncés que les autres et qui m'intriguent.
- Olivier Pinel
Et donc là, on est sur les bois. Je le disais tout à l'heure pour les frênes. Quand on travaillait ces bois, on était en parfaite cohérence. Là, c'est du cèdre et c'est des cèdres du Liban, donc des cèdres de Parc. Donc des arbres qui ont été majestueux pendant leur vie dans des parcs, qui ont vu des générations passer dans les parcs, qui ont dû être coupés, et que nous on valorise très bien, que ce soit en bois brûlé, donc on en a beaucoup de demandes en bois brûlé, mais c'est aussi très beau pour faire des tables extérieures, des tables intérieures, et donc du cèdre de parc.
- Delphine Gardin
Alors on arrive à la fin de cet enregistrement, et pour la fin des épisodes j'ai une question qui est une question récurrente et que je vais poser à tous mes invités, qui est la suivante. Sans langue de bois, quel est le plus gros cliché sur la filière que tu aies entendu ou que tu aies eu à affronter ? Et surtout, en quoi il est faux ?
- Olivier Pinel
Ce qu'on entend beaucoup, c'est que couper un arbre, c'est mal. Comme s'il y avait quelque chose de binaire, de laisser pousser des arbres, que ce soit bien et que d'en couper, ce soit mal. Je pense que les choses sont beaucoup plus complexes que ça. Il y a un renouvellement naturel, si les choses sont bien faites, qui se fait très bien. Et donc aujourd'hui, je pense qu'il faudrait qu'on s'intéresse bien. beaucoup plus à la filière et à la façon dont elle se structure. Il y a un potentiel écologique et économique qui est énorme. Donc après, c'est sûr que si on fait une coupe rase pour replanter du résineux derrière, ce n'est pas, selon moi, une très bonne chose. Si on fait une coupe rase qu'on laisse repousser, les sols restent préservés et au bout de 2-3 ans, la nature reprend ses droits. C'est pas très beau à voir, mais c'est moins catastrophique des fois que de vouloir replanter. Et aujourd'hui, on voit qu'il y a beaucoup de façons de faire avec des mélanges d'essence. Je pense beaucoup aussi à l'agroforesterie, parce que pour faire du joli bois, il faut que le bois soit entretenu. Donc je pense qu'il y a énormément de choses à explorer. Moi, je viens plutôt de par ma formation du milieu agricole. Je parlais tout à l'heure de l'analogie avec l'alimentation et les circuits. courts et que la filière a peut-être 20 ou 25 ans de retard en la matière et qu'aujourd'hui, il y a énormément de choses pour recréer des filières locales, des circuits courts dans la filière bois. Et vu le temps est encore beaucoup plus long qu'en agriculture classique. Et donc, je pense qu'il ne faut pas baisser les bois, qu'il faut s'y atteler mais qu'il faut surtout, pour travailler du bois, pour faire vivre la filière, pour faire vivre les écosystèmes qui sont liés à la filière, il faut accepter de couper des armes. Mais il faut bien le faire et dans de bonnes conditions.
- Delphine Gardin
Oui, et puis il faut rappeler que quand on coupe un arbre, la plupart du temps, il y a des documents de gestion durable qui encadrent les coupes, qu'elles soient définitives ou ponctuelles.
- Olivier Pinel
Voilà, et nous, je pense que dans la façon dont on a de travailler, on va encore plus loin. Et en la matière, c'est que dès qu'on peut, on essaye de savoir d'où vient le bois. Ça veut dire qu'on est capable de dire à notre client, l'autre jour, j'étais chez une cliente, je livrais une porte en freine. Et je lui dis, elle me disait, peut-être il nous faudra une table. Et on avait coupé un orme là qui est dehors. et l'or me venait de chez son voisin. Donc on va être capable de lui fabriquer une table dans deux ans avec du bois qui vient de chez son voisin. Donc je veux dire, nous, ça ne nous intéresse pas. Les labels, c'est vraiment le circuit court et d'être en capacité de dire ce qu'on fait, de faire ce qu'on dit.
- Delphine Gardin
C'est une très belle mission que tu as donnée à l'entreprise. Si les gens veulent en savoir plus sur justement ton entreprise, où est-ce qu'on peut te retrouver ?
- Olivier Pinel
Alors on a un site internet www.salvateur.com Et on a un compte Instagram, un compte LinkedIn et un compte Pinterest. Et après, ils vont trouver nos coordonnées, ils peuvent nous appeler et puis ils peuvent, sur rendez-vous, passer nous voir à Damiatte.
- Delphine Gardin
Ok, super. Olivier, je te remercie beaucoup pour cet échange passionnant. Je te souhaite de continuer à développer l'entreprise et aussi apporter haut et fort les valeurs que tu prônes avec
- Olivier Pinel
Salvateur. Merci à toi et merci pour l'intérêt que tu portes à Salvateur.
- Delphine Gardin
Merci. Vous venez d'écouter du Pin sur la planche, le podcast. Un grand merci à mon invité pour son temps et son témoignage. Si vous aimez cet épisode, aidez-moi à le faire connaître. N'hésitez pas à mettre des étoiles ou des commentaires sur vos plateformes d'écoute préférées. Et si vous voulez en savoir plus, ça se passe sur Instagram. Rendez-vous sur mon compte Delphine Gardin. A bientôt !