- Speaker #0
Dans un monde du travail traversé par des évolutions techniques et des révolutions sociétales, prenons le temps de réfléchir aux causes, aux conséquences et aux solutions qui s'imposent à l'entreprise.
- Speaker #1
Bienvenue dans Perspective, le podcast d'Idozoatwork, où l'on explore les chemins croisés de l'humain, de l'entreprise et de la société. Salut à toutes et à tous et bienvenue dans notre nouvel épisode intitulé « Nouveaux arrivants, nouvelles perspectives » . Aujourd'hui, nous abordons un sujet qui est à la fois crucial, historique et finalement toujours d'actualité. L'intégration professionnelle et sociale des personnes réfugiées en France. Nous sommes actuellement dans un contexte où les entreprises, et on le sait bien chez Idozo, cherchent en permanence de nouveaux talents, et où de nombreuses personnes réfugiées souhaitent reconstruire leur vie professionnelle. Alors comment pouvons-nous créer des ponts efficaces entre ces deux mondes ? Pour explorer ce sujet, nous avons le plaisir de recevoir Nadia El-Soleiman, qui a accepté de partager avec nous son expérience et sa vision sur ces enjeux. Avec Nadia, nous allons explorer les défis, mais surtout les opportunités et les solutions concrètes pour une intégration réussie. Soyez prêts, je vous emmène vers de nouvelles perspectives. Alors Nadia, bonjour et merci d'avoir accepté notre invitation.
- Speaker #0
Bonjour Elodie, merci pour l'invitation.
- Speaker #1
Ce que je te propose, c'est peut-être de te présenter.
- Speaker #0
Je suis Nadia Al-Soleiman. Je suis Syrienne, arrivée en France en 2016 et je suis fondatrice et directrice de l'association AREA pour la réussite des élèves allophones et présidente de l'association Singalante.
- Speaker #1
Alors Nadia, on dit souvent que nos combats les plus sincères naissent de notre histoire personnelle.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Alors, qu'est-ce qui t'a amenée à t'engager vers cette question de l'accueil des réfugi��s ?
- Speaker #0
Alors, je n'ai pas l'habitude beaucoup de le dire quand je me présente, mais là, inconsciemment, je suis dit que je suis syrienne, je suis arrivée en France en 2016. Du coup, je n'ai pas l'habitude d'intégrer ça dans ma présentation, mais je pense que c'est intéressant et c'est important de le dire, de le rappeler à tout le monde et à moi-même. Mon engagement, en fait, est lié à mon expérience vécue et à une prise de conscience. parce que lorsqu'une personne arrive en France, on imagine souvent qu'elle doit tout reconstruire à partir de zéro. Comme si elle laissait derrière elle toutes ses compétences et son expérience. Mais ce n'est pas vrai. Les personnes réfugiées arrivent avec un bagage précieux, des savoir-faire, des métiers qu'elles exerçaient dans leur pays d'origine, qu'ils soient enseignants, ingénieurs, artisans ou entrepreneurs. Pourtant, dès leur arrivée, elles sont souvent perçues uniquement à travers leur vulnérabilité. et non à travers leur potentiel. Elles sont perçues comme un fardeau sur la société. C'est ce constat qui m'a poussée à agir pour changer le regard porté par ces nouveaux arrivants, sur ces nouveaux arrivants, et pour faciliter leur intégration professionnelle. En fait, la question qui concerne les réfugiés ou les nouveaux arrivants avec la question de l'insertion professionnelle, elle est un peu compliquée parce qu'on le reçoit. directement quand on arrive avec cette grande question de métier, quel métier on va exercer, on subit directement un déclassement professionnel. Parce que malheureusement, les compétences ne sont pas reconnues. Le regard sur la migration, il ne valorise pas le potentiel porté ou apporté par ces personnes.
- Speaker #1
Toi, tu étais professeur de français ou tu es professeur de français ?
- Speaker #0
Alors j'étais jusqu'à l'année précédente. Oui, c'est vrai que quand on arrive en France et on nous demande, on nous pose la question sur le métier, on a tendance tout le temps, et j'ai remarqué ça sur plusieurs personnes, à dire on était. On ne dit pas on est. On dit je disais j'étais et je ne disais pas je suis. Je suis professeure de français, j'ai fait mes études en littérature française en Syrie et puis j'ai enseigné au lycée comme un prof pendant 10 ans jusqu'en 2015, l'année de ma arrivée en France. Alors quand on parle de l'insertion professionnelle, on parle des mesures prises pour une immersion très rapide sur le marché du travail des nouveaux arrivants, alors qu'on ne pose pas beaucoup de questions sur la qualité. ou la notion de bien-être du travail, travail de bien-être, c'est ça en fait qui pose plus de problèmes sur la table aujourd'hui. Quand on pose la question sur l'insertion professionnelle des femmes, quand on pose la question sur l'insertion professionnelle des hommes, on considère tous ces hommes et toutes ces femmes comme un seul profil avec les mêmes besoins. qui doivent suivre les mêmes démarches. Sauf que pour une personne nouvelle arrivante en France, elle rencontre plein de défis lorsqu'elle cherche à intégrer le marché du travail en France. Des défis différents aussi, mais je peux parler des défis communs. D'abord, il y a la question du frein linguistique. En France, on est en retard par rapport à l'Allemagne. Quelqu'un qui arrive en France et ne parle pas français a besoin de deux ans minimum de formation pour pouvoir acquérir un niveau B1 en français, mais de formation intensive. Et puis, le deuxième défi, c'est le regard de la société d'accueil. Et c'est la politique d'accueil qui vise une accélération du processus d'insertion des migrants dans le marché du travail. Et c'est ça qui se termine par faire subir les migrants un déclassement professionnel. sont prises en compte de leurs compétences, de leur parcours professionnel précédent. Ce billet crée des freins à l'embauche et à la reconnaissance des qualifications. Il y a ensuite les défis et les barrières administratives et institutionnelles. L'accès à l'emploi est conditionné par de nombreux critères, validation des diplômes, reconnaissance des expériences professionnelles antérieures, obtention d'un titre de séjour, et même Quand on arrive à valider toutes ces démarches, on se pose la question devant une chose, un diplôme français. Et apparemment, les diplômes, même qui sont reconnus administrativement, les diplômes étrangers, ils ne sont pas valorisés dans le monde du travail. Du coup, on cherche à avoir des diplômes français. Et quand on a des diplômes français, On se trouve devant une nouvelle réalité que, mais on n'a pas d'expérience professionnelle en France. Et en fait, c'est comme une chaîne. À chaque fois, quand on traverse un état, on se retrouve devant un nouveau défi, un nouveau frein.
- Speaker #1
Donc les gens qui disent, mais je ne comprends pas, un nouvel arrivant sur le territoire, il a un métier, pourquoi est-ce qu'il ne pratique pas son métier tout de suite chez nous ? En fait, c'est beaucoup, beaucoup plus compliqué que ça. C'est avec toute la meilleure volonté du monde. Le fameux « quand on veut, on peut » , ça n'est pas vrai pour les profils qui viennent d'arriver sur le territoire.
- Speaker #0
Je peux vous donner un exemple. Là que j'ai vécu, il y a deux semaines, j'étais à un séminaire sur la question de l'insertion professionnelle des femmes. Parce que là, aujourd'hui, on se pose cette question dans le monde du travail. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je pense que parmi les femmes nouvelles arrivantes, on a un taux très bas, en fait, dans les vins. 26% des femmes qui travaillent. Ou peut-être plus bas que ça, je ne suis pas très sûre du chiffre, mais en fait, j'ai lancé une réflexion par rapport à cette étude ou cette analyse de la réalité de l'insertion professionnelle des femmes. On va faire plein d'études, plein d'analyses pour analyser quels sont les freins devant l'insertion professionnelle des femmes. Peut-être qu'il y a des freins un peu culturels. Il y a des codes, il y a disponibilité, il y a l'ambition de la femme ou peut-être le parcours précédent ou son niveau d'éducation, de scolarité, etc. Du coup, il y a plein de freins. Et je me dis, de l'autre côté, il y a plein de femmes qui arrivent en France avec des qualifications rares, diplômées, avec un parcours professionnel très riche. Et là, on ne se pose pas la question sur leur insertion. Et je me dis mais plutôt d'aller perdre beaucoup de temps pour étudier, analyser pourquoi certaines femmes ne veulent pas travailler dans le domaine de ménage, d'aide à la personne, etc. Pourquoi on ne se tourne pas vers ces femmes qui, jusqu'à maintenant, j'en connais beaucoup, je connais beaucoup de femmes qui sont en situation de détresse. Parce que toutes leurs expériences, tous leurs diplômes ne sont pas reconnus. Je connais une professeure d'anglais qui ne peut pas enseigner l'anglais, qui a fait plein de formations dans le développement web, dans l'informatique. On lui a dit qu'elle ne peut pas exercer son métier parce qu'aujourd'hui, il y a l'intelligence artificielle qui remplace ses métiers.
- Speaker #1
Donc le temps qu'elle soit formée, finalement, on lui dit qu'après, ça ne fonctionne plus. Il n'y a plus de poste.
- Speaker #0
Et puis, il y a la question du temps aussi. Il y a la question du temps parce que quand on arrive en France, on est en pleine motivation. en pleine motivation pour pouvoir vraiment trouver notre place dans cette société. Mais le temps passe en faisant les démarches administratives, pour obtenir les papiers, la permission de travail, etc. Pour apprendre la langue, on peut compter 5 à 6 ans. Cinq à six ans, on commence à s'habituer à la réalité, à notre situation actuelle. Et on finit par abuser les bras.
- Speaker #1
J'ai une question qui est peut-être toute bête, mais tu parles de cette prof d'anglais qui ne peut pas enseigner l'anglais. C'est vraiment quoi ? C'est vraiment administratif ? C'est-à-dire que les diplômes qu'elle a ne sont pas reconnus en France ? C'est vraiment ça le sujet ? Parce qu'une prof d'anglais, a priori, on en cherche en France. C'est vraiment une question de reconnaissance de diplôme ? Merci.
- Speaker #0
Elle a fait ça, la reconnaissance de ses diplômes. Du coup, ses diplômes sont reconnus en France. Mais en fait, la reconnaissance des diplômes étrangers... Prend du temps. Non, ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant,
- Speaker #1
ok.
- Speaker #0
Ce n'est pas suffisant pour pouvoir trouver un travail en France.
- Speaker #1
Ok, mais tu vois, on en apprend tous les jours.
- Speaker #0
Parce que ce sont des critères, en fait. Ce sont des critères qui concernent la politique de RH, la politique de recrutement. On se base sur l'expérience, sur les diplômes français qui sont... bien valorisé. Et on ne va pas embaucher quelqu'un qui n'a pas travaillé en France, qui n'a pas un diplôme français.
- Speaker #1
OK. C'est toujours difficile d'entendre, mais j'entends. Je sais qu'avec ton association, avec ARIA, tu... Tu travailles avec les familles allophones et que tu es très sensible entre autres au sujet de l'intégration dans le milieu scolaire. Est-ce que tu veux nous parler un peu du rôle d'Aria et comment tu vois aussi ce défi de l'intégration à l'école ?
- Speaker #0
En fait, le projet Aria, il est né d'une expérience personnelle et une expérience professionnelle. Expérience personnelle, parce que quand je suis arrivée en France, ma fille avait 6 ans. Du coup, c'était sa première année de scolarisation en CP à l'école et j'ai rencontré plein de défis. Parfois, la scolarité, pour moi, c'était une source de stress parce que je ne comprenais pas très bien mon rôle et ce que je pouvais faire. Je me vois dans une position inférieure par rapport aux autres parents. Il y a un isolement qui s'opposait aussi parce que je voyais les parents devant l'école en train d'échanger, etc. Moi, j'étais à l'écart, il y avait des personnes qui parlaient avec moi. Et puis, j'évitais beaucoup de participer aux sorties de la classe parce que je ne voulais pas faire honte à ma fille devant les autres parents ou devant les camarades de classe. C'est ça, en fait, les craintes des parents de nuire à la scolarité de l'enfance. Et pour ça, on fait une confiance totale à l'institution scolaire et on la laisse faire.
- Speaker #1
Par peur du jugement ? Oui. Ok.
- Speaker #0
Et puis, il y a le côté de l'expérience professionnelle parce que j'ai commencé à suivre quelques élèves allophones qui venaient d'arriver en France et qui avaient dans une situation d'une démotivation totale. Des élèves qui avaient plein de potentiel, plein de courage et à qui on a dit que vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez faire parce que votre ambition est limitée. Ça veut dire que vous ne pouvez pas avoir cette ambition. Parmi ces élèves, il y avait Hanin, par exemple. Hanin, elle était en troisième, c'était sa deuxième année de scolarité. Et quand on parlait de ce qu'elle voulait devenir dans l'avenir, elle a dit « avocate » . Et là, le professeur lui a dit « mais tu ne peux pas faire avocate, par exemple, parce que… » tu n'as pas le niveau de français qui te permet de le faire. Du coup, voilà, c'est cette situation d'inégalité et dans les chances de réussite qui m'a poussée à créer ARIA parce que je vois dans ARIA aussi un projet qui essaie de mettre en lien ou de créer ce lien entre les familles, les parents, les élèves et l'école. Ce sont les trois piliers de la réussite éducative. Et je lutte pour une cause, c'est de permettre à chaque élève d'avoir un parcours éducatif enrichissant et épanoui. Et puis, je défends le droit des parents de se former pour pouvoir suivre la scolarité et de pouvoir défendre leur rôle dans la scolarité de leurs enfants.
- Speaker #1
Oui, et on sait que ce changement de mentalité qu'on attend vis-à-vis de la diversité, quelle qu'elle soit d'ailleurs, passe beaucoup par l'école. Quand on parle de diversité, qu'elle soit culturelle, que ce soit la diversité liée au handicap ou au genre, tout simplement, aujourd'hui, on sait que... Le travail, le projet démarre dès l'école et que c'est un terreau fertile aux inégalités, mais qui devrait devenir fertile à l'égalité. Donc c'est un vrai sujet, un vrai beau travail que tu mènes avec les écoles. C'est la base et c'est extrêmement important de travailler à l'inclusion dès les niveaux scolaires, quels qu'ils soient d'ailleurs.
- Speaker #0
Moi, il y a quelques années, il y avait les émeutes. partout en France il y a deux ans je pense et j'ai vu des jeunes brûler la maison de quartier. C'était un moment où je me suis posé une question, mais pourquoi ? Pourquoi on le fait ? Alors que la maison de quartier, c'est leur projet, c'est à eux en fait, ça appartient aux habitants de quartier. Et je me suis dit qu'en fait, il ne faut pas agir sur les conséquences, mais il faut aller chercher les raisons et les racines. Il faut adopter une approche systémique. C'est en agissant sur les origines, on peut remédier à tous les problèmes qu'on peut avoir dans l'avenir. Parce que grandir avec ce sentiment d'inégalité avec les autres... dans un pays comme la France, ça pose le problème sur mais quels citoyens on va avoir ? Quels citoyens et quel rôle actif et quel engagement de ces jeunes dans la construction de la société ?
- Speaker #1
Du coup, tout à l'heure, tu parlais de l'école et du choc que ça a été effectivement, ou du manque en tout cas, peut-être d'accompagnement pour comprendre les codes de l'école quand on a... arrive et qu'on accompagne son enfant dans ce nouveau défi de l'arrivée en France. Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qui permettrait de créer ce lien entre les familles et l'école ? pour que les intégrations se passent au mieux, puisque tu disais tout à l'heure que la solution, c'est qu'on arrête un peu ces préjugés, qu'on soit capable de changer un peu notre mode de pensée et de fonctionnement dans l'accueil des nouveaux arrivants, mais on sait que ça, potentiellement, j'allais dire... L'espoir vient des plus jeunes et vient de l'avenir. Peut-être que ces jeunes générations seront plus capables que nous d'aborder les choses différemment. Comment est-ce que tu vois les choses par rapport à cet accueil scolaire ?
- Speaker #0
Peut-être le problème dans toutes ces questions de scolarité, c'est de voir des jeunes grandir et devenir des citoyens avec le sentiment d'inégalité avec les autres ou qu'ils n'avaient pas les chances que les autres avaient. Ça, c'est un fardeau. Dans le domaine de la scolarité, on a devant un besoin qui devient de plus en plus important. On a des formations qui manquent parce qu'en France, il y a juste 8% des professeurs qui se sentent prêts pour gérer un milieu multiculturel ou plurilingue. contre 26% des pays de l'OCDE. Et puis, il y a des nombres d'élèves qui arrivent, qui sont pris en charge par des dispositifs de l'éducation nationale, mais ces dispositifs d'accueil des élèves allophones, elle est gérée par la circulaire qui date de l'année 2012 et depuis n'a pas été retravaillée et qui prend en charge ou en considération que les élèves de 6 à 16 ans. ... On a beaucoup d'élèves, on sait, qui arrivent à l'école à l'âge de la maternelle, 3 ans, 4 ans, 5 ans et qui ne parlent pas français. Et puis, en plus, on a une carte scolaire. Aujourd'hui, à Nantes, par exemple, qui nous met devant une réalité, une classe à Bellevue. de 18 élèves où on a 12 familles allophones dont les parents ne parlent pas français. Et puis, une classe au centre-ville où il n'y a que des non-allophones, des locaux, des autochtones. Du coup, ça met aussi les équipes pédagogiques, les enseignants devant une situation très difficile. Alors, à la marge de tout ça, il y a beaucoup de situations de malentendu. Le plus important, en fait, moi je vois la scolarité des élèves allophones comme une porte d'ouverture vers l'intégration des parents dans la société, dans la culture de la... du pénitentiaire. Parce qu'on est parents, on sait que tous les parents, tout ce qu'ils espèrent dans la vie, c'est de voir leurs enfants réussir leur scolarité. Et de dire aux parents que vous avez un rôle, et que vous devez la suivre. ils sont prêts à tout faire pour pouvoir l'assumer. Déjà dans l'apprentissage de la langue et puis de pouvoir jouer des rôles, participer aux entités de l'école, communiquer avec l'école, etc. Sauf que imaginez-vous que ces parents ne savent pas, en fait, ne savent pas qu'ils ont déjà un rôle. Ils ont une confiance totale en l'institution scolaire pour gérer tout ce qui se passe. pour gérer l'éducation de leurs enfants et ils ont peur en même temps de nuire à la scolarité de leurs enfants, de perdre face ou par exemple ils ont peur que leurs enfants aient honte de... devant les camarades de classe. Ça,
- Speaker #1
c'est terrible.
- Speaker #0
Oui. Et en fait, cette situation est terrible parce qu'elle a des impacts sur plusieurs volets. Et ce qui m'intéresse dans tout ça, c'est très intéressant de voir les enfants passer un parcours éducatif réussi et enrichissant. C'est très bien de voir que la relation entre l'école et les enfants, qui sont bien pris en charge par l'école, ça se passe très bien. Mais aussi, en fait... C'est très important de voir qu'on garde l'équilibre de la relation parent-enfant. Parce que là, on est devant, au sein d'une famille, on est devant deux cultures différentes, deux langues différentes. Déjà, quand on parle la même langue avec nos enfants à l'âge de la déluissance, on ne sait pas parfois, on est démuni, on ne sait pas comment faire. Alors quand on parle deux langues différentes avec deux codes culturels différents, il y a certainement des conflits. Et moi, je qualifie ces conflits de conflits culturels en premier degré. Parce que ces parents, ils ont toute la légitimité de pouvoir, de devoir, d'essayer de garder la relation affective avec les enfants en les attirant vers leur culture d'origine. Alors qu'il faut avouer en même temps qu'ils grandissent dans un pays, dans une culture différente. Et que si les parents n'entament pas les mêmes démarches dans l'intégration pour rattraper celles de leurs enfants, En fait, ça ne marche pas.
- Speaker #1
Le fossé devient énorme. Je me souviens de t'avoir déjà entendu dire que la difficulté aussi, c'était le niveau linguistique des enfants qui évoluait avec l'école et que quand ça ne suivait pas chez les parents, ça pouvait créer parfois un fossé immense entre, comme tu disais, le rôle, le rôle de l'enfant et le rôle du parent, où l'enfant peut se retrouver avec peut-être juste un sentiment de supériorité parce qu'il maîtrise la langue que ne maîtrise pas forcément le parent. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui peut aussi devenir très problématique dans l'intégration ?
- Speaker #0
On le voit très clairement quand on s'appuie sur les enfants pour jouer le rôle des interprètes lors des rendez-vous médicaux, administratifs et scolaires. Quand on voit un enfant traduire à ses parents, on lui donne une autorité et un pouvoir qu'il ne doit pas avoir. Bien sûr. Et ça impacte négativement la relation avec les parents.
- Speaker #1
C'est effectivement pas si simple que ça. Et je te rejoins, moi je reste persuadée que c'est par l'école que les choses peuvent changer. Mais encore faut-il prendre les choses correctement côté école. Côté entreprise, on en parle souvent dans nos podcasts, on dit souvent que la diversité c'est une richesse pour l'entreprise. Je pense que c'est un... Un concept qui commence quand même à faire un peu écho dans certaines entreprises. Alors les diversités, elles peuvent être diverses et variées. Sur cette diversité culturelle, comment tu vois ? Moi, je reste persuadée que c'est un atout pour l'entreprise, mais qu'est-ce qu'on pourrait mettre en avant pour faire comprendre aux entreprises ou leur faire découvrir cette richesse ? Je cherche toujours le moyen que nos auditeurs puissent se projeter et comprendre comment eux pourraient avancer dans... dans cette direction ?
- Speaker #0
Embaucher des personnes réfugiées ne relève pas uniquement d'une démarche solidaire ou sociale. C'est aussi un levier de performance et d'innovation pour les entreprises. Il y a plusieurs côtés dans ce que je dis. D'abord, intégrer des talents au parcours unique, souvent doté de compétences rares ou recherchées. Il y a aussi le côté de l'ouverture culturelle. une capacité d'adaptation précieuse parce qu'il ne faut pas oublier que ces personnes ont surmonté des obstacles considérables, ce qui témoigne d'une grande résilience et d'une forte capacité d'apprentissage et d'adaptation. Bien sûr. Et puis, sur le plan économique, favoriser l'inclusion des réfugiés permet aux entreprises de s'ouvrir à de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités, découvrir d'autres cultures et cela peut favoriser. Aussi, la compréhension des clients internationaux et l'innovation en intégrant des perspectives variées dans la prise de décision. Pour vous donner un exemple concret, nous à ARIA, par exemple, ARIA c'est l'association pour la réussite des élèves allophones que j'ai créée en 2020. Aujourd'hui, on est cinq salariés. On est cinq salariés de cinq origines différentes. Syrienne. algériennes, iraniennes, libanaises et françaises. Et je peux vous dire qu'en fait... Travailler avec mon équipe ou avec mes collègues, en fait, ça m'a fait découvrir plein de choses, plein de questions concernant l'intégration, concernant l'analyse de besoins, concernant la méthodologie de travail, et même sur le plan stratégique et le plan pédagogique à l'association, dont je n'avais pas nécessairement confiance. Et je peux vous dire aussi que chacune de mes collègues a là un ajout très riche aux autres collègues de l'association.
- Speaker #1
Tu parlais des potentiels des nouveaux arrivants et des soft skills qu'ils ont développés, ne serait-ce que par leur parcours et leur arrivée en France. Alors, chez Idozo, on accompagne Singa, une association que tu connais bien, pour le coup. Et c'est vrai que les premières promotions avec lesquelles on a travaillé, Je me souviens d'une première réaction, ça avait été assez bluffant, de me dire intérieurement, mais quel courage de prendre la parole pour pitcher un projet professionnel, une création de structure en plus, portée par ces gens qui avaient déjà eu un parcours compliqué, parce qu'être entrepreneur c'est compliqué, y compris quand on est natif de France. Et je me souviens, le premier sentiment c'était le courage. Et ça avait mis un peu une petite claque dans nos vies, parfois bien rangées, où tout finalement n'est pas si compliqué qu'on veut bien le croire. Ça m'avait vraiment marquée et je m'étais dit, juste repensons un peu les choses, repensons nos niveaux de difficultés et juste prenons conscience et prenons exemple sur ces gens qui prennent leur courage et qui vont de l'avant dans la réalisation de leurs projets. Ça m'avait vraiment bluffée. Et humainement, c'était des gens déjà incroyables. Et leur parcours forçait vraiment le respect. Donc, ces soft skills-là, elles sont extrêmement importantes pour l'entreprise. Elles sont extrêmement importantes pour les collaborateurs et pour les équipes dans les entreprises, puisque ça remet un peu de bon sens dans les entreprises, je trouve. Donc, on va peut-être pouvoir parler de Singa, mais voilà, je trouve cette association incroyable. Est-ce que tu veux d'ailleurs nous en dire deux mots ? Et présidente de Singa Nantes.
- Speaker #0
Je connais très bien Singa Nantes parce qu'avec Singa, j'ai une très belle histoire à raconter. Avant d'être la présidente ou avant de devenir la présidente de Singa Nantes, en fait, j'ai rencontré Singa en 2020 via mon réseau personnel, mes amis, parce que j'avais le... J'avais le projet de créer Aria et je ne savais pas d'où commencer. Et du coup, on m'a proposé Singa pour m'accompagner. pour suivre un parcours d'incubation pour créer l'assaut. En fait, cette rencontre avec Singha, c'était un jour où je n'oublie jamais parce que là, je me suis trouvée accueillie, vue autrement. J'ai vu un regard chez Singha que je n'avais pas eu. pendant 7 ou 6 ans que j'étais en France, j'ai senti que Singa me reconnaissait pour mes compétences. Et cette rencontre m'a donné la légitimité parce que moi j'avais toujours le projet de créer une association parce que je voyais vraiment un besoin et qu'il fallait répondre à ce besoin. Quand je voyais les élèves en situation de détresse, de démotivation, etc. Et je voyais les parents aussi qui me disaient « mais on ne sait pas comment faire » . Mais je n'avais pas le sentiment de légitimité. Ça, c'est très important. Je vous donne un exemple. Quand j'ai créé ARIA, c'était avec la conviction que l'éducation est un levier fondamental pour l'intégration, comme je dis, des élèves allophones et de leurs parents. Après, ma toute... Première réunion de présentation du projet à des financiers potentiels, j'ai appris par le bouche à oreille que certaines personnes remettaient en question mes intentions. On disait que je montais cette association juste pour me créer un salaire.
- Speaker #1
Sympa.
- Speaker #0
Après, cette réaction traduit un stéréotype. C'est un stéréotype tenace. Lorsque quelqu'un réfugié entreprend ou monte un projet, Ce serait par intérêt personnel et non pas par engagement sincère. En fait, on ne fait pas confiance à ces gens. Et c'est normal. C'est normal, pas dans le sens où ça doit rester comme ça. Oui. Parce qu'en général, on a peur de l'autre. Oui. C'est ça. Dans une société aujourd'hui qui va de plus en plus vers l'indulgésme, on a peur de l'autre. Mais chez Singa, c'était autre chose. J'étais accompagnée par Singa pour un peu découvrir comment créer une association, comment gérer une association, comment développer mon budget, trouver les premiers financements. Et c'était la création d'Aria. Et puis, j'ai découvert que je n'étais pas seule. C'est très important. Je n'étais pas seule, j'étais entourée. Pas que des gens qui étaient là pour m'aider, m'accompagner, mais par aussi des porteurs de projets qui avaient le même rêve que moi. Après six mois d'accompagnement, c'était la soirée de clôture. Dans la soirée de clôture, chaque porteur de projet devait présenter son projet pitché. et c'est l'exercice qui est très difficile de pitcher un projet, devant des partenaires, des bénévoles, un grand public, dans une soirée un peu formelle. Et là, c'était un moment que je n'oublie jamais. C'était la première fois où je pitche mon projet devant un grand public. Et c'était la première victoire. Je peux considérer ce moment comme la première victoire pour moi. depuis mon arrivée en France. Et c'était la même chose pour être porteur de projet.
- Speaker #1
C'est toujours un moment qui, voilà, qui me force le respect à chaque fois, à chaque soirée de clôture.
- Speaker #0
Du coup, ce qu'on a trouvé chez Singa, c'est la confiance, et c'est la légitimité, et c'est la reconnaissance. Et ce sont des choses très précieuses pour nous motiver. Parce que nous, on a un parcours de résilience. On veut réussir. Mais en fait... Si on n'est pas accompagné, si on ne trouve pas vraiment des gens proches qui nous accompagnent, qui croient en nous, peut-être que ce parcours va se terminer tout simplement par le... Comment dire ?
- Speaker #1
Je ne sais pas le mot. Par le... Par un échec ou de... Voilà, c'est un échec d'intégration parce que ça veut dire que si tu...
- Speaker #0
Ce n'est pas un échec d'intégration, mais c'est une perte.
- Speaker #1
de rêve quoi c'est en mai tu vas pas au bout de soi là tu vas pas au bout de ce que tu as de ce que tu avais imaginé et tu vois et tu tu tu mais effectivement enfin à ton projet enfin ton rêve et tu reviens sur des choses peut-être un peu plus j'allais dire bassement terre à terre ou pas en tout cas dans la en tout cas dans dans à la hauteur de thé de tes espérances et de ton ambition sur OK. Pour Singa, justement, parce que j'essaye toujours d'avoir un petit mot, une petite pensée pour nos auditeurs qui ont envie de mettre des choses en place, mais qui ne savent pas comment le faire. Alors, il existe beaucoup d'associations. On peut effectivement aider des associations comme la tienne, AREA, sur l'intégration des familles ou l'aide des familles allophones. ça on pourrait en reparler on pourrait en parler longuement pour Singha, un honte qui porte qui accompagnent les porteurs de projets, donc de création d'entreprise, des nouveaux arrivants. En tant qu'entreprise, on peut avoir plusieurs actions, on peut accueillir ces futurs créateurs d'entreprise pour les accompagner dans du conseil, dans du mentorat lié à la création d'entreprise. Je sais que nous, on intervient sur la prospection commerciale. Comment est-ce qu'on les accompagne dans cette démarche qui n'est jamais simple quand on crée une entreprise ? On peut aussi les accueillir dans les entreprises pour se créer un réseau, découvrir, parler, échanger. J'ai noté que c'était quelque chose de très important aussi quand on arrivait sur le territoire, de pouvoir échanger avec des gens qui travaillent dans plein de domaines différents pour comprendre comment fonctionnent justement les codes de l'entreprise et de la création d'entreprise. Ça, c'est des choses qu'on peut faire en tant qu'entreprise.
- Speaker #0
Ce qui caractérise Singa ? Dans ce domaine, ce n'est pas juste d'accompagner les gens ou les porteurs de projets vers l'entrepreneuriat, mais aussi la création du lien. Oui. Et ça, c'est important. La création du lien entre ces porteurs de projets, entre les nouveaux arrivants et les locaux. Parce qu'on sait aujourd'hui, pour trouver un stage pour un élève en troisième, il faut du réseau. Pour trouver un travail, il faut du réseau. Alors moi, je vois qu'aujourd'hui, les entreprises peuvent s'appuyer sur un système ou peu. peuvent contribuer et faciliter l'insertion professionnelle des nouveaux arrivants via des systèmes de mentorat, de parrainage. Parce que quand il y a un nouvel arrivant qui est en lien avec quelqu'un, ça peut vachement faciliter. faciliter ces démarches d'insertion professionnelle parce qu'il va lui permettre de mieux comprendre les codes sociaux professionnels dans le monde des entreprises en France. Et puis, Synga, comme les autres associations qui sont expérimentées et qui peuvent apporter une aide aux structures, des accompagnements adaptés, elles peuvent fournir des conseils et faire le lien entre des compétences des réfugiés, les compétences des réfugiés et les besoins des entreprises.
- Speaker #1
Donc ce sont des aides précieuses et il ne faut pas hésiter à les solliciter.
- Speaker #0
Non, pas du tout. Il ne faut pas hésiter. Les portes sont toujours ouvertes.
- Speaker #1
Est-ce que tu as envie de rajouter quelque chose ? Est-ce que tu as envie de dire quelque chose aux gens qui vont écouter ce podcast ? Aux services RH, aux DRH, aux chefs d'entreprise ? Est-ce que tu aurais un message à leur faire passer sur l'accueil des nouveaux arrivants ?
- Speaker #0
Alors peut-être, peut-être j'ai une demande ou une recommandation ou un souhait. Je ne sais pas, peut-être si tu y es pour recommander ou demander,
- Speaker #1
mais on peut toujours demander.
- Speaker #0
Peut-être de mon expérience aussi personnelle, avant la création de ARIA, j'ai essayé de trouver un travail. J'ai envoyé plein de CV, plein d'heures de motivation, plein d'entreprises, d'écoles, etc. et j'ai jamais eu un entretien d'embauche. Ok. J'ai jamais eu d'entretien. Peut-être repenser un peu ce système de recrutement et d'embauche qui valorise plutôt les compétences et expériences professionnelles plutôt que de se focaliser uniquement sur les diplômes ou sur le niveau de langue, ou sur l'origine de la personne, ou sur l'expérience professionnelle en France. parce que les expériences personnelles professionnels ailleurs peuvent peut-être avoir apporté plein de richesses et d'innovations. Peut-être faciliter l'accès aux entretiens et encore une fois collaborer avec les associations expérimentées dans l'accompagnement des migrants.
- Speaker #1
donc chers DRH le message n'est pas la première fois qu'on vous le passe faites attention au potentiel observez les potentiels des candidats. Très, très important. Le CV ne fait pas tout. Merci infiniment, Nadia, pour cet échange riche. Tes partages d'expérience nous montrent que l'inclusion des personnes réfugiées n'est pas qu'une question de responsabilité sociale, c'est aussi une formidable opportunité pour nos entreprises de s'enrichir de nouveaux talents, de nouvelles perspectives et d'une diversité qui est, rappelons-le, précieuse. Alors, en entreprise, on fait quoi ? Petit récap pour vous qui nous écoutez. d'abord on peut commencer par s'informer on déconstruit nos idées reçues et on sensibilise nos équipes on peut ouvrir nos portes tester, embaucher, accompagner donner leur chance à ces talents qui ne demandent qu'à s'intégrer et puis on peut aussi s'inspirer des bonnes pratiques partagées aujourd'hui par Nadia on fait appel à ces associations qui sont très présentes sur le territoire et qui seraient ravies de vous accueillir et de vous écouter. Et puis pourquoi pas, de venir à votre tour, un acteur du changement. Chaque pas compte, chaque opportunité offerte peut transformer une vie et au passage, enrichir profondément nos entreprises. Vous venez d'écouter Perspective,
- Speaker #0
le podcast dédié aux problématiques RH à l'ère de l'intelligence artificielle,
- Speaker #1
de l'ARSE,
- Speaker #0
de la génération Z,
- Speaker #1
XY et de toutes les autres. Si on vous a mis des étoiles dans les yeux, mettez-en 5 sur le podcast et n'hésitez pas à en parler autour de vous. A bientôt !