- SG
Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumne de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du Bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage du dirigeant d'une belle entreprise lyonnaise du BTP, établie à Pusignan. On verra que Pusignan, c'est important et c'est la société Tébior. Et ce dirigeant, c'est Nicolas Petreaux, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Nicolas, bonjour.
- NP
Bonjour Stéphane.
- SG
Bon, on se tutoie, mais on se connaît déjà d'avant. Donc, ce que je te propose, je vais un peu dérouler et expliquer comment moi, je me suis plongé dans votre feuille de route que je connaissais déjà, puisque j'avais eu l'occasion un peu de réfléchir avec votre équipe RH et RSE. Et à l'époque, je m'étais dit, waouh, quel travail ! Surtout la partie "comment on passe à l'action", très structurée, avec des objectifs très très précis. Et puis je découvre que vous avez une fondation, ARBORETUM, que vous avez des engagements hyper locaux, et depuis très longtemps, sur la biodiversité, sur l'agriculture. Je découvre également le fameux Pusignan centre du monde, on pourra peut-être en parler. Je me suis dit, mais qui sont ces élèves atypiques et visionnaires ? Alors on s'était croisés, mais là j'ai vraiment mis mon nez dedans et je me suis dit, waouh, travaux publics, mais où est-ce que je suis tombé ? Donc ce que je te propose au cours de ce podcast, finalement, c'est de nous éclairer sur cette aventure entrepreneuriale qui est une aventure humaine que tu portes avec André Roibet. Et puis plus largement, de répondre finalement à votre question générative qui est la suivante : comment aménager des infrastructures et des espaces de vie en régénérant les sols, en réparant la biodiversité, en visant la neutralité carbone et en partageant au mieux la richesse créée entre nos salariés et notre écosystème. C'est quand même tout un programme. Donc ce que je te propose... c'est déjà de nous présenter Tebior et tout son écosystème.
- NP
Alors Tebior, c'est un groupe qui a été fondé en 1995 par André, donc président fondateur qui est toujours aux manettes aujourd'hui. C'est un groupe effectivement atypique comme tu as pu l'expliquer puisqu'on est un groupe initialement de travaux publics et puis au fil des années, le groupe s'est étoffé par croissance interne mais surtout par croissance externe avec des rachats d'entreprises du territoire. Merci. et la création d'une fondation, Arboretum, qui a pour but, de manière assez simple, de faire des belles choses autour de Pusignan, puisque le siège social de l'entreprise et la majeure partie des entreprises sont basées à Pusignan. Donc on a l'outil BTP qui est Tebior et qui regroupe plusieurs entreprises de travaux, de maîtrise d'œuvres et d'industrie autour du BTP. Et on a la fondation Arboretum qui permet de faire des choses belles, en faveur de la biodiversité sur le territoire. Notamment, par exemple, de la plantation de haies, de la création de zones humides, mais aussi la participation à la recherche de mesures compensatoires pour des industriels importants.
- SG
Ce qui était déjà assez visionnaire quand même !
- NP
Ce qui était assez visionnaire et ce qui existe depuis plusieurs années, puisque une très grosse mesure compensatoire a été faite pour un chantier pour PRD, un investisseur en 2017, 2018, 2019. Et cette mesure, elle concernait 23 hectares de fonciers agricoles. Donc, c'était déjà une mesure très, très importante, effectivement. Et c'était donc bien avant notre parcours CEC.
- SG
Alors, avant de parler de ce parcours, est-ce que toi, tu peux nous parler de ton parcours de dirigeant ? Comment tu arrives chez Tebior ?
- NP
Alors, moi, j'ai une formation principale en mécanique et microtechnique. Donc, une formation d'ingénieur très, très loin du BTP. Et puis finalement, au cours de mon parcours étudiant et début de carrière, j'ai eu la chance de faire pas mal d'associations et de présider des associations. Et j'ai toujours trouvé dans ce travail associatif une joie de pouvoir participer collectivement à des projets et d'avoir en tant que président en tout cas des visions globales sur les projets. Et finalement, quand on cherche un premier job, j'ai pas trouvé beaucoup de secteurs d'activité où on confiait à des débutants l'intégralité d'un projet, excepté dans le BTP. Puisque quand on arrive dans le BTP en tant qu'ingénieur, on a la chance de nous voir confier un chantier. Et sur ce chantier, on a la possibilité et la responsabilité de tout gérer, de la préparation à la prod, à la gestion financière, etc. Donc, je suis tombé dedans par hasard. Et puis, j'y suis resté parce que ça m'a bien plu, notamment parce que, encore une fois, on gère un projet de A à Z. On a la chance de côtoyer une population très, très large, qui va des ouvriers en interne jusqu'au maître d'oeuvre, maître d'ouvrage, etc. Et on a la chance aussi de participer à la construction du territoire dans lequel on vit. Et ça je trouve que c'est hyper intéressant. D'accord. Donc ça c'est mon entrée dans le monde du BTP. Et puis dans ce parcours, j'ai commencé en région de Rouen. Et on a décidé de bouger avec ma femme en région lyonnaise, il y a une quinzaine d'années. Et après un passage au sein d'un autre groupe, j'ai eu la chance de croiser André qui cherchait quelqu'un pour étoffer son groupe et pour diriger la partie TP. Et donc je suis arrivé dans cette entreprise à ce moment-là. Alors, elle était moins structurée et moins importante qu'aujourd'hui. Évidemment, on a évolué au fil du temps. Mais voilà, mon entrée chez Tebior en tant que dirigeant s'est faite en 2012. Et l'entreprise a effectivement bien évolué depuis.
- SG
Justement, vous êtes combien ? Il y a combien de collaborateurs ?
- NP
Aujourd'hui, sur la partie qu'on contrôle majoritairement, on est environ 300 collaborateurs, essentiellement basés à Pusignan et à Amberion-Buget. Et sur la partie complète, puisqu'on a une association importante avec le groupe Serfim, que préside et dirige Alexandra Mathiolon. On a une association dans la branche route de Serfim. Et cette branche route, elle comprend environ 200 collaborateurs et elle génère 35 millions de chiffres d'affaires. Nous, on est entre 60 et 70 en consolidé. Donc, ça fait un total, un périmètre sur la région Rhône-Alpes d'environ 500 collaborateurs et à peu près 100 millions d'euros de chiffres d'affaires.
- SG
D'accord. Donc, quand même, c'est du lourd. Alors, justement, là, on a parlé du plus simple. Maintenant, on va rentrer dans le dur et on va parler du régénératif. Alors toi, quand est-ce que tu entends parler du régénératif ? Est-ce qu'en l'occurrence, c'est Alexandra Mathiolon qui vous en parle et qui vous incite à rentrer dans la CEC ? Comment ça se passe ?
- NP
Alors c'est effectivement Alexandra Mathiolon qui nous incite à entrer dans la CEC, qui nous dit qu'elle a fait le premier parcours en tant que dirigeante, alors ça devait être en 2022, 2021-22. Elle connaît bien André et elle connaît son goût pour l'aménagement du territoire et la biodiversité. ... Et donc, elle nous pousse à suivre ce parcours en disant, il faut absolument faire ça, c'est incontournable et vous allez en tirer le plus grand bénéfice. Elle ne nous parle pas de régénératif à ce moment-là. Et moi, la première fois que j'entends ce mot, je pense que c'est lors de la première session de la CEC, début 2023. C'est un mot qui ne me parle pas. Je me dis, ils sont tarés. C'est ça. Mais bon, je finis par peut-être me l'approprier. Et c'est peut-être finalement ensuite les gens qui m'entendent parler qui me prennent pour un taré.
- SG
Ok. Et du coup, est-ce que tu peux me dire un petit mot sur ces premières sessions qui ont un peu secoué tout le monde ? Toi, ça t'a secoué aussi ?
- NP
Oui, moi, ça m'a un peu secoué parce que finalement, avec tout ce qu'on fait, tout ce qu'on fait, nous, depuis toujours, chez Tebior et dans la vie personnelle, par exemple, J'avais l'impression de quand même être un peu au fait de ce qui se passait. Je ne me qualifie pas d'écolo, mais je me qualifie quand même de raisonnable. J'ai aussi suivi des formations sur le développement durable quand ça commençait dans les années 2000. Donc j'ai une conscience écologique. J'essaye à titre personnel de ne pas renouveler des choses qui n'ont pas besoin de l'être. Je fais attention au gaspillage, à la consommation des ressources, etc. Et donc j'arrive à la CEC un peu dans cet esprit-là, en me disant qu'on va pouvoir progresser, on fait déjà beaucoup de choses et on va pouvoir progresser. Et en fait, je tombe un peu de haut en me disant que finalement, je pensais connaître des choses et je ne savais vraiment pas grand-chose. Ça m'a obligé à une humilité importante. Je me suis dit, en fait, je ne sais rien. Par rapport à tout ce qu'on nous a expliqué, montré, démontré au cours de ces premières sessions, invité à lire, échangé avec les différents participants, écouté des podcasts, écouté d'autres émissions de télé, de radio, etc. Je me suis rendu compte effectivement que je ne connaissais pas grand-chose.
- SG
On prend une claque, après on voit que c'est systémique, donc on se dit par quel bout on prend les choses finalement ?
- NP
Ouais, exactement.
- SG
Est-ce que tu peux me dérouler un peu ta feuille de route et puis commencer à me dire ce que vous avez déjà mis en place ?
- NP
Avec la question que tu poses, je me remémore le parcours CEC et l'établissement de la feuille de route. C'est quelque chose qui fait quand même un peu peur quand on en parle au début. Justement par rapport à ce que je disais avant, c'est-à-dire la grande claque qu'on prend en se disant qu'on ne sait pas grand-chose. Et en plus, on nous dit qu'il va falloir construire une feuille de route où il va falloir être performant, ambitieux, régénératif. Votre objectif, c'est de changer le monde. Je caricature, mais c'est quand même un peu ça. Et on se dit, nous, simples mortels qui finalement ne connaît pas grand chose, comment on va pouvoir faire ça ? Alors on a quand même la chance d'avoir des entreprises. Moi je suis persuadé que l'entreprise c'est un outil formidable pour justement changer les choses puisqu'on a des moyens financiers et on a surtout des moyens humains et des compétences humaines qui peuvent nous permettre de faire ça. La feuille de route, elle s'est construite en un an finalement tout au long du parcours CEC en s'inspirant des gens qu'on avait autour de nous, des CoFA qui nous ont aidé à construire. cette feuille de route, aux différents intervenants. Et moi, ce que j'ai beaucoup appris de ce parcours CEC, finalement, c'est de raisonner de manière systémique. Et donc de toujours penser à l'implication globale de nos actions sur le territoire, de la manière la plus globale possible, de la consommation de ressources jusqu'à son recyclage, et plus généralement de l'ensemble des impacts de nos activités, que ce soit sur le carbone, sur l'eau, sur la biodiversité. Et un des enjeux majeurs que j'en ai retiré, c'est qu'avant, on entendait toujours le mot carbone, émissions de carbone, émissions de carbone, et finalement les émissions de carbone, c'est effectivement quelque chose qui est nuisible et qui est l'un des enjeux majeurs des prochaines années, même des décennies, mais pas que. Et un des gros enjeux, c'est aussi la biodiversité, c'est aussi le cycle de l'eau. Enfin, il y a neuf limites planétaires, je ne vais pas en parler ici. Et donc, il faut raisonner de manière systémique, parce qu'on ne peut pas que regarder le carbone, ça ne suffit pas. Et donc, j'ai essayé de construire cette feuille de route autour de ça. Donc, j'ai cinq axes importants, qu'on appelle des leviers. Le premier, c'est d'emmener nos collaborateurs, et plus généralement nos parties prenantes avec nous. Et pour ça, il faut qu'on les forme. Parce que nous, on a eu la chance de suivre un an de formation avec ce parcours CEC, donc on en ressort grandi. Mais si on débarque auprès des salariés et des parties prenantes en pensant qu'ils connaissent la même chose que nous, on se trompe complètement. Et donc, il faut qu'on arrive à les faire grandir aussi, donc leur amener une partie de la culture qu'on a eue. Ça, c'est la première chose qu'il faut qu'on fasse.
- SG
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire faire des fresques du climat ? Ça veut dire tout ça ?
- NP
Ça veut dire, par exemple, faire des fresques du climat, faire des ateliers 2tonnes, ça veut dire faire des formations biodiversité. On a eu la chance d'en construire avec Insa Valor et de former une vingtaine de collaborateurs à ça il y a 3-4 mois. Ça veut dire acculturer les gens au régénératif et plus généralement aux limites planétaires et à l'économie régénérative en général. Donc ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est de travailler plutôt sur la partie carbone et de faire en sorte de baisser nos émissions de carbone. Donc là, on a réalisé nos bilans carbone des différentes sociétés il y a plusieurs années déjà et on met en place différentes actions qui permettent de réduire. Donc par exemple, nous on a une production d'enrobés importante pour réaliser les chaussées et donc pour ça, c'est consommer moins de gaz, c'est fabriquer à température un peu différente, c'est utiliser plus de recyclage. C'est faire une usine d'émulsion qui permettra d'amener des produits différents, par exemple. Ça, c'est le deuxième levier. Le troisième levier, c'est d'agir sur le territoire, puisque c'est un des enseignements de la CEC. On sera fort à plusieurs et on sera fort en mettant nos compétences en commun. Et pour ça, on a la chance, sur un territoire, d'avoir des acteurs qui font des choses différentes de nous. Je pense à la Chambre d'agriculture du Rhône avec qui on a fait le parcours et qui peut nous aider à, par exemple, rencontrer des agriculteurs pour planter des haies sur leur territoire ou amener des terres végétales pour augmenter la fertilité des champs, par exemple, etc. Ça peut permettre de créer des collaborations.
- SG
Sachant que les coopérations, vous êtes déjà bons là-dedans, il me semble. Vous avez déjà des projets agricoles qui sont en place.
- NP
On a des projets, bien sûr, on a des projets sur la plantation de haies notamment, avec un projet à 10 ans qu'a fait André par rapport à la plantation de haies sur le territoire. Mais c'est un travail de longue haleine. C'est quelque chose, moi je trouve, en France, on n'est pas habitué à collaborer ensemble, entre entreprises, entre organisations plus généralement. On est quand même souvent chacun dans notre coin. Et la coopération, elle n'est pas évidente. Et pour continuer à coopérer, pour faire des choses, il faut vraiment s'employer au quotidien, penser à l'autre, penser à ce qu'on peut lui apporter, pas toujours penser à soi, penser à l'autre en premier, qu'est-ce qu'on peut faire pour l'aider. Et c'est ça qui permet de nouer des collaborations à mon sens efficaces et de long terme. Et voilà, donc ça c'est un peu un changement de vision qu'il faut des fois se forcer à avoir.
- SG
Après c'est peut-être aussi perdre pour gagner parce qu'il y a aussi une notion de rentabilité quand même à avoir.
- NP
Oui, bien sûr, mais c'est penser long terme finalement. C'est toujours penser le long terme, qu'est-ce qu'on peut faire sur le long terme. Effectivement, tu l'as très bien dit, peut-être qu'au début, d'un point de vue purement financier, on va perdre un petit peu, mais ce sera pour mieux gagner ensuite. Voilà, donc ça c'est le levier 3, créer des collaborations et puis régénérer. Le fameux mot, régénérer les sols, créer de la biodiversité sur nos territoires. Le levier 4 auquel j'attache de l'importance, c'est comment on compte, comment on compte tout ça, parce que dans le monde d'aujourd'hui, on sait très bien compter des euros, on commence à bien savoir compter du carbone, mais on ne sait pas trop compter ce qu'on sait faire de bien. Par exemple justement, planter des haies, créer des zones humides, réaménager des espaces naturels. Aujourd'hui, si je donne des chiffres purement néo-carbone du groupe, on va avoir des euros, on va avoir des émissions de carbone, mais on n'aura pas ce qu'on a fait de bien. Un des objectifs de la feuille de route et de notre stratégie des prochaines années, c'est de trouver une calculette, de trouver une manière de compter sur les neuf limites planétaires et de compter ce qu'on fait bien et ce qu'on fait de moins bien. Donc on aura forcément le carbone sur ce qu'on fait moins bien, on aura la consommation de ressources, on aura la destruction de la biodiversité quand on crée une nouvelle route ou quand on fait un bâtiment, mais on aura des choses bien, puisqu'on pose des tuyaux d'eau potable, on répare des fuites, on pose des canalisations d'eaux usées, d'assainissement pour amener les services à la population. Ça, c'est des choses qui sont, à mon sens, bénéfiques. On crée des espaces naturels, on plante des haies, etc. Ça, c'est de la régénération et c'est de la biodiversité. Et aujourd'hui, ça on ne sait pas le compter.
- SG
Mais est-ce que ça, dans les appels à projets, ça rentre en ligne de compte ?
- NP
Pour l'instant, non.
- SG
C'est aussi d'influencer ?
- NP
Donc, il faut réussir à influencer, effectivement. Il faut réussir à influencer. J'ai bon espoir qu'il y a quand même beaucoup de choses qui se mettent en place. La CSRD en fait partie. On va quand même avoir petit à petit de plus en plus de choses à prouver, à expliquer, à montrer. Les banquiers seront demandeurs. Quand on échange aujourd'hui avec les banquiers, ils ont beaucoup d'appétence pour tous les sujets liés à la réflexion sur le changement climatique en général et au travail à la réduction des émissions en particulier. Ils sont sensibles à financer des projets qui sont plutôt vertueux. Donc, je pense qu'on va dans le bon sens. Moi, j'ai l'impression qu'on n'y va pas assez vite, mais je pense qu'on va quand même dans le bon sens.
- SG
Ça devient un sujet stratégique. Non, mais ça, c'est pour aussi convaincre les gens qui diraient « Oh, moi, ça m'intéresse pas » .
- NP
Moi,je ne pense pas. Je pense que ça devient un sujet stratégique et puis après c'est aussi une question d'appétence de vision, de valeur des dirigeants d'entreprise aussi de se saisir de ces sujets là et d'avoir envie de les faire ou pas parce que ça prend du temps, ça prend de l'énergie ça nécessite comme on l'a dit tout à l'heure de former les collaborateurs, d'échanger avec les clients, d'être force de persuasion etc donc c'est quand même un travail de longue haleine. Et pour ça, il faut quand même beaucoup de conviction pour les mener jusqu'au bout et en permanence Et enfin, sur cette feuille de route, le dernier levier, c'était de partager la valeur, puisque c'est un des aspects, alors on parle beaucoup de RSE, c'est un des aspects des chartes RSE des entreprises, comment on partage la valeur créée. Alors on parle beaucoup de valeur créée dans l'entreprise, donc ça, évidemment avec des accords d'intéressement par exemple, mais on parle moins de la valeur créée avec le territoire. Et donc… Ça, c'est un sujet qui nous tient à cœur. Alors, pour ça, on a la fondation qui aménage, comme je l'avais expliqué tout à l'heure, des choses. On a l'idée de faire, par exemple, une ferme pédagogique pour pouvoir inviter, les élèves du secteur à visiter. Et puis, on a l'idée de transmettre une partie du capital à une fondation actionnaire qui aurait pour but d'investir dans des projets régénératifs sur le territoire.
- SG
D'accord, j'allais me placer en me demandant la question, dans 10 ans, c'est quoi le signe le plus tangible de la réussite de la démarche régénérative de ton entreprise ? J'imagine qu'Arboretum est un levier fort.
- NP
Arboretum est un levier fort. Moi, c'est un levier fort visuellement, bien sûr. C'est ce que je viens de t'expliquer avec la ferme pédagogique et puis les différentes actions en faveur de la biodiversité sur le territoire. Peut-être que la réussite la plus tangible, ce serait d'avoir réussi sur tous ces leviers, d'avoir avancé sur tous ces leviers et d'avoir, moi j'ai envie de dire, l'ensemble des collaborateurs. Quoro compris, qui seront engagés, qui pourront diffuser aussi autour d'eux. Je ne sais pas si c'est une lubie, si c'est inimaginable, une utopie, mais moi j'aimerais que la chance qu'on a eue, nous, André et moi, en tant que dirigeants, de participer à ce parcours, d'échanger avec des gens extrêmement intéressants, ça nous a changé, forcément. Je ne peux pas parler pour lui, mais moi ça m'a changé. Ça m'a changé dans ma façon de... de diriger et de penser l'entreprise, ça m'a changé personnellement dans mon quotidien. Et donc, j'ai envie qu'on puisse transmettre ça à nos collaborateurs et à nos parties prenantes qui eux-mêmes pourront le transmettre également. Et finalement, ce sera ça notre rôle en tant qu'entreprise, d'avoir pu diffuser cette façon de penser les choses, cette pensée systémique, de la diffuser auprès de... finalement, de... de tous sur le territoire. Et ça, ce sera une réussite. Parce que si on arrive à faire ça, je suis persuadé que si tout le monde pensait de manière systémique, ce serait bien plus facile de changer les choses.
- SG
Ce qui signifie en effet que le dirigeant doit être vraiment aligné pour pouvoir mener son entreprise. Parce qu'on parle souvent du greenwashing. C'est sûr que dans une PME, on ne peut pas raconter des choses qu'on ne fait pas, même si on sait que tout n'est pas simple à mettre en place.
- NP
Bien sûr. Moi, je pense que nous, je suis même certain qu'on fait beaucoup de choses qui sont plutôt sympas. On n'est pas très bon communicant, donc on a tendance à ne pas assez le dire. Donc effectivement, le greenwashing, ce n'est pas trop pour nous. Des fois, justement, on a plutôt des remarques dans le sens, c'est dommage, vous faites plein de trucs, vous ne le dites pas. Alors oui, parce qu'on passe du temps à faire et pas du temps à dire. Donc c'est un peu le revers de la médaille, mais peu importe. L'important, c'est quand même de faire des choses.
- SG
C'est vrai que le récit est important, mais c'est vrai que vous, vous faites beaucoup de choses et vous racontez pas grand chose. C'est vrai que c'était aussi ce que je m'étais dit, c'était un peu dommage. Alors si tu avais un conseil, un ingrédient ou des ingrédients à donner à un dirigeant qui veut se lancer dans une démarche régénérative, tu lui dirais quoi ?
- NP
Je lui dirais d'y aller avec le cœur, avec l'envie, avec le cœur, avec l'esprit de se dire tout est possible, d'abandonner un peu ses calculs. C'est peut-être ça, d'abord, de ne pas penser euro tout le temps, parce que si on y va comme ça, finalement, on ne fera pas grand-chose. Surtout que je reste persuadé qu'à long terme, même à moyen terme, ce sera bénéfique, notamment sur beaucoup de secteurs d'activité qui, s'ils ne changent pas, ne seront plus là demain. Moi, je le voyais au début comme un parcours, alors je caricature volontairement, mais écolo-bobo, et en fait, j'en ressors avec une vision stratégique de l'entreprise pour les dix prochaines années. Je ne qualifie pas cette feuille de route de régénérative uniquement, ou écolo, ou environnementale. Ce n'est pas ça. Moi, je suis sorti du parcours avec les dix prochaines années écrites et avec des choses à faire. Et on les fait. On est en train de les faire. Donc, j'en suis très satisfait. C'est un très beau parcours.
- SG
On pourrait presque s'arrêter là. Ça ferait une super belle conclusion. Mais il me reste encore une ou deux questions. Un peu plus peut-être complexe, surtout dans le moment qu'on vit actuellement. L'image des dirigeants est un peu écornée par certains dirigeants de la technologie (je ne citerai pas de noms) qui pensent que notre planète est terminée et qu'il faudrait aller sur Mars. Si toi, tu as une baguette magique aujourd'hui, qu'est-ce que tu changerais dans la règle du jeu économique ?
- NP
C'est une question très compliquée. Je ne suis pas du tout économiste, loin de là. Surtout que nous, on a une vision de l'économie qui est différente peut-être de... des marchés mondiaux. Nous, on travaille vraiment sur un territoire, nos clients sont sur le territoire, nos concurrents sont sur le territoire, on n'exporte pas, on n'a pas de problème de concurrence liée à la mondialisation avec des pays à bas coût, etc. Donc on vit un peu dans notre bulle, alors peut-être comme tout le monde, chacun est dans sa bulle, mais nous on vit dans une bulle très locale. Moi j'aurais tendance à forcément privilégier... imposer des collaborations territoriales, favoriser les relocalisations. Mais peut-être que pour ça, il faudrait, je m'écarte peut-être de la question, mais il faudrait favoriser l'apprentissage, inciter les jeunes à aimer le travail manuel, à refabriquer des choses. Je pense qu'il nous manque un peu ça.
- SG
Ça s'appelle de la résilience, faire du local. On a bien vu qu'on a eu un virus, on a perdu, ou un bateau qui se bloque dans le canal de Suez, et ça y est, on est perdu. Donc, travailler localement, c'est l'avenir, soyons clairs. Et justement, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?
- NP
Qu'est-ce qui me rend confiant ? Eh bien, les jeunes, forcément, puisque, par exemple, grâce à la feuille de route, j'ai eu la chance de faire un des points de la feuille de route, je l'ai fait travailler à des étudiants de l'IRIIG, une école d'innovation qui est basée à Gerland, au centre de Lyon. Je les ai fait travailler sur l'ouverture de notre atelier mécanique à un public en difficulté. Et ils ont été extrêmement enchantés par le projet, et ils ont rendu quelque chose de très sérieux et... et prêts à mettre en œuvre. Ils ont travaillé dessus l'année dernière. Et là, cette année, je fais travailler encore un groupe d'étudiants de l'IRIIG sur mon levier, comment compter correctement en compte des neuf limites planétaires. Et alors là, c'est quelque chose qui démarre seulement. Ils ont deux mois pour travailler dessus, ou un peu plus. Et ils ont été très conquis par le sujet, très intéressés. Donc je pense que les étudiants aujourd'hui, et donc les jeunes travailleurs de demain, sont eux déjà un petit peu dans ce monde du régénératif, dans le local, dans l'envie d'autre chose pour l'entreprise et pour la planète en général. Donc ça, ça me rend confiant.
- SG
Écoute Nicolas, je te remercie d'avoir été sincère, de t'être prêté à cet exercice. Je terminerai par une citation de Philippe Saint-Marc qui dit « L'homme se doit d'être le gardien de la nature, non son propriétaire » . Encore merci à toi Nicolas.
- NP
Merci à tous. A bientôt.