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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#19 - Thomas Lemasle - Oé

#19 - Thomas Lemasle - Oé

25min |06/05/2025|

26

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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

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Description

Cet épisode est un peu spécial car il donne la parole à un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Cet invité, c'est Thomas Lemasle, le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne... en mouvement permanent. Une entreprise profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement.

"La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. La vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique."


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, on ouvre un format un peu spécial avec un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais il est quand même intervenu souvent, et dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Et cet invité, c'est Thomas Lemasle, qui est le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne, enfin bref, en mouvement permanent, j'allais dire. Et puis qui est profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement. Alors Thomas, bonjour.

  • TL

    Bonjour Stéphane et bonjour à tous.

  • SG

    Bon, alors Thomas, on va se tutoyer, on se connaît un peu quand même. Dans la vraie vie, c'est un hasard, on habite à 500 mètres l'un de l'autre, à Saint-Genis Laval. C'est juste incroyable, mais ce n'est pas le sujet du jour. Alors, je vais commencer par un truc d'entrée de jeu assez difficile, mais bon, comme je sais que tu es un très bon client, si je te dis vin régénératif, tu me réponds quoi, spontanément ?

  • TL

    Je réponds spontanément : faire le bien et servir. Je dirais ça. Et si tu veux que je développe, je dirais que... La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Et un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. Que la vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique. Et c'est un potentiel mais absolument génial pour faire partie de la transition et être partie de la réponse, restaurer, régénérer la biodiversité, les sols. On a une capacité ou un potentiel à faire le bien qui est absolument génial, et je trouve que c'est une chance assez unique. Toutes les filières, toutes les entreprises n'ont pas cette possibilité-là et donc c'est une possibilité qu'il faut saisir, je pense, fortement.

  • SG

    D'accord, ça commence fort. Comment tu tombes, toi, dans la magie du vin, finalement ? Parce que c'est quand même un domaine, si on n'est pas du domaine viticole, c'est pas simple, non ?

  • TL

    Oui, tout à fait. Vraiment, je suis tombé dans le vin grâce à François-Xavier, qui est mon cofondateur. Moi, j'ai fait une école d'ingé, les Arts et Métiers. J'ai bossé six ans chez L'Oréal, à Paris. Un an chez Danone, ici, près de Lyon. Et j'ai fait la formation avec Ticket for Change et HEC pour être entrepreneur du changement. J'ai tout lâché pour monter une boîte à impact sans précisément savoir laquelle. Et dans mes recherches, un peu, je suis tombé par hasard avec François-Xavier, qui, lui, était dans le vin, voulait monter un projet dans le vin pour favoriser une viticulture durable. Et on a rapidement vu qu'on était très complémentaire, lui et moi, et on fait un vrai bon duo, ce qui est une vraie chance pour nous deux et pour la boîte. Voilà, donc FX vers toutes les opérations chez nous. Et moi, je suis plutôt peut-être plus le visionnaire, le marketer et au commerce. Voilà, on fait un bel équilibre.

  • SG

    Alors, c'est quoi le déclic de l'impact ? Parce que c'est ça qui est intéressant, parce que tu es un jeune entrepreneur. Donc, c'est quoi l'impact ? Qu'est-ce qui fait que d'un coup, tu bascules et tu décides de te lancer dans quelque chose de vertueux ?

  • TL

    En fait, c'est un faisceau de plusieurs choses. Il y a un peu mon territoire plus perso. Moi, j'ai fait pas mal de scoutisme, etc. J'aime bien cette notion de servir, de voir grand, etc. Et puis, il y a une personne que j'ai rencontrée il y a longtemps maintenant, mais qui était en fin de vie et qui me dit, je ne regrette pas le mal que j'ai fait, mais le bien que je n'ai pas fait. Et ça m'a vraiment marqué en perso. Et aussi en pro, je me suis dit, ça veut dire quoi faire le bien ? Je me souviens aussi de mes cours aux Arts et Métiers où le prof d'entrepreneuriat nous disait, une entreprise a pour mission de faire de l'argent. Et direct, ça m'avait touché. Je me suis dit, mais non, en fait, il y a autre chose de plus grand, de plus beau. C'est un peu le faisceau de tout ça qui fait que quand je tombe sur ce MOOC avec Ticket for Change et HEC, je me dis, mais vraiment, ça me parle. Et si, j'avoue qu'on est en France, on a cette chance quand même d'avoir potentiellement le chômage. Avec un bon CV, on s'en sort toujours plutôt correctement, etc. Et je me suis dit, mais si moi, je ne me lance pas, franchement, qui se lancera ? Je me sentais suffisamment en sécurité pour le faire. Et vraiment, je ne regrette pas, même si c'est rude l'entrepreneuriat, d'autant plus dans l'impact.

  • SG

    C'est sûr, mais est-ce que ce qui te porte aussi, ce n'est pas ta famille nombreuse ? Tu es un papa de 4 enfants, je crois. C'est aussi ce qu'on va laisser à nos enfants, demain.

  • TL

    Oui, exactement. On dit toujours quelle planète on laisse à nos enfants et quels enfants on laisse à notre planète. C'est vrai que c'est un très bon point. J'ai eu les quatre enfants en même temps que j'ai monté OE, donc c'est tout un programme. Mais c'est vrai qu'ils nous apprennent beaucoup et puis ils remettent aussi les pieds sur terre. Quand parfois on peut se prendre la tête sur tous nos sujets d'entrepreneurs, quand le soir, on doit raconter juste une petite histoire et être juste présent, posément. Tout ça redit beaucoup aussi de pourquoi on est là.

  • SG

    Alors peut-être que maintenant, tu vas nous parler d'OE, de cette entreprise qui a un modèle un peu unique. Donc déjà, c'est quoi votre activité finalement ? On n'en a pas encore parlé.

  • TL

    OE, c'est pour Oenologie. Et OE, on est une entreprise Bcorp depuis 2017, on est une entreprise à mission et c'est un projet assez systémique. On a des produits et des expériences qu'on produit au profit du bien commun. Et donc concrètement, on est nous-mêmes viticulteurs en Vallée du Rhône. On travaille avec d'autres vignerons et vignerones pour produire les vins OE, pour produire aussi le champagne OE, qui est le seul champagne au monde qui est ET bio et Bcorp. Et puis, en janvier, on a lancé les essences d'OE, qui sont des sodas botaniques faits avec les plantes qu'on plante dans nos domaines pour restaurer les sols et la biodiversité. Et donc, c'est un projet systémique parce qu'il a quatre zones d'impact. Une, c'est tout l'aspect terroir, biodiversité, pesticides, etc., qui est franchement passionnant. L'autre, c'est plutôt... carbone et donc zéro déchet, etc. Tout ce qu'on fait c'est recyclé, recyclable, végétal. On a été les premiers dans le vin à relancer la consigne, maintenant zéro déchet, on livre en casier, coiffe consignée, plus de carton, plus de film plastique, etc. On a livré à la voile aux US, on fait la consigne à New York. Voilà, on essaie vraiment de pousser ça assez loin. Il y a tout le sujet manière de construire l'entreprise, c'est la question du handicap en interne, la transparence des salaires, la banque éthique, la joie au travail, voilà toutes ces facettes-là qui sont franchement géniales à explorer. Et la dernière zone d'impact, c'est notre écosystème. Nos clients, nos fournisseurs, nos investisseurs, nos voisins, etc. Et ça, un bel exemple de... Enfin, j'aime bien prendre cet exemple d'un drap que tu tires vers le haut et qui emmène avec lui tout ce qui l'entoure. Et tu vois, un bel exemple qu'on a mis en place là, très récemment, c'est avec Accor Hotels. Ils ont des déchets organiques dans leur cuisine. Ils en font du compost avec les alchimistes. Nous, on a reçu 70 tonnes de compost dans notre domaine, là, juste il y a quelques mois. Le domaine dont on fait le vin, qu'on sert chez Accor Hotels. Donc on essaie d'explorer de la circularité, comme ça, explorer des nouveaux schémas qui sont franchement pleins de sens, et très régionaux aussi, très locaux. Donc ces quatre zones d'impact, on essaie de les façonner avec toute l'équipe, et d'avancer, vraiment d'explorer, de tester, d'apprendre, de faire des erreurs.

  • SG

    C'est ce que j'allais dire, il doit y avoir de l'échec quand même, parce que c'est ce que tu aimes aussi en fait, c'est finalement avancer sur des pistes, enfin on n'aime pas toujours les échecs, mais ce que je veux dire c'est que c'est ce qui t'aide à aller plus loin en fait, aussi.

  • TL

    Ouais, c'est à la fois voir qu'est-ce qu'on a dans les mains qui potentiellement peut servir à d'autres, potentiellement peut être un déchet pour nous, mais une ressource pour d'autres, etc. Et aussi apprendre tout le temps, donc effectivement avoir des échecs, tester. Pendant longtemps, on a galéré sur le film plastique des palettes, on a testé des choses, ça ne marchait pas, ce n'était pas solide, les palettes tombaient, etc. Parce que les cartons de vin, c'est lourd. Et finalement, à force d'itération, on a réussi à trouver maintenant un schéma qui fonctionne bien. Mais c'est vraiment en testant plein de choses et en échouant qu'on trouve finalement les bonnes astuces.

  • SG

    En gardant en tête qu'il faut une rentabilité, on est une entreprise, on ne peut pas y couper. Et c'est souvent ce qu'on nous dit, mais ça, ce n'est pas possible ou ça va nous coûter plus cher.

  • TL

    Oui, c'est un bon point. Et nous, il y a des choses qui nous coûtent plus cher ou qui nous coûtent plus cher au début et qui au final coûtent moins cher. Par exemple, vraiment la consigne, c'est le bon exemple. Au début, vraiment, on était les seuls. Ce n'était pas du tout optimisé. Les volumes étaient tout petits, etc. Et donc, c'était vraiment un coût pour nous et humain et chaque bouteille lavée coûtait vraiment beaucoup plus cher. Et maintenant, ça nous revient moins cher. Les bouteilles lavées nous coûtent autant ou moins cher que les bouteilles neuves. Ça, c'est un bon exemple. Pareil, quand tu fais du zéro déchet, mine de rien, tu gagnes sur le carton, sur la coiffe, les films plastiques. Finalement, tu gagnes. Et tu vois, il n'y a pas de capsule sur nos vins. J'aime bien cet exemple-là. La petite capsule qui est en haut de la bouteille, qui n'est pas de l'alu, qui est du complexe d'aluminium, de la colle, du PVC et de l'alu mélangé. Ça ne se recycle pas, c'est du pur déchet. On n'en a pas, tu gagnes, je crois, 4 ou 5 centimes. Voilà, et c'est des exemples concrets de choses qui au final coûtent moins cher. Mais c'est vrai que transformer, parce que vraiment notre goal c'est de transformer, ce qu'on fait c'est d'essayer de transformer nos clients ou la consommation, etc. C'est long, c'est fastidieux, et donc il y a quand même cette question de coût ou de croissance qui n'est pas la même que quand tu vends autre chose. Et ça, il faut bien quand même l'avoir en tête et l'appréhender.

  • SG

    Moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est que tu me donnes un exemple concret d'un vigneron que tu as été voir et à qui tu as expliqué ça.

  • TL

    Alors, oui, les vignerons, c'est vraiment touchant parce qu'on a régulièrement des vignerons qui viennent un peu postuler pour qu'on puisse travailler ensemble. Nous, on les voit aussi sur différents salons et puis il y a un peu le bouche à oreille dans ce monde des vignerons avec de l'impact qui se fait. Alors nous, on a des beaux partenariats avec les vignerons. On essaie d'inscrire ça dans le temps long. On essaye toujours, avec tous nos vignerons, on travaille déjà en bio, et l'idée c'est d'aller ensemble au-delà du bio. Nous on finance l'analyse des domaines de chacun de nos vignerons par EcoFar, qui est une start-up amie, qui vient analyser les sols, analyser la biodiversité, analyser les plastiques, l'utilisation de l'eau, etc. Et donc après on a un plan d'action, domaine par domaine, et un des enjeux pour nous, qui n'est pas si simple à bien mettre en musique, mais c'est de, à la fois, essayer de co-financer les actions nécessaires, et à la fois essayer de bien les animer, pour que les vignerons ne soient pas tout seuls et juste... de leur côté à essayer d'avancer ça. Et donc ça, on a différents programmes et on teste, il y a des choses qui prennent bien, des choses qui marchent moins bien, certains qui prennent pour certains, pas pour d'autres, etc. Donc on navigue, on est une petite équipe encore, mais on essaie de faire ça bien. Et en fait, tous les vignerons avec qui on travaille, il y a évidemment le sujet du goût du vin, et évidemment, il faut que le produit soit bon. Mais il y a aussi cette volonté peut-être plus profonde d'avoir des personnes avec qui on sent qu'on pourra aller plus loin, et qui a cette volonté, et qui ne sont pas en bio pour vendre juste un peu plus cher, mais par conviction. Et du coup, le fait de pouvoir faire ce choix-là nous permet de bosser avec des vignerons qui en veulent et avancent, même si ça reste à leur rythme et qui sont souvent bien chargés de travail.

  • SG

    Il y a une histoire de territoire aussi. C'est un peu différent. Je ne sais pas, tu peux nous donner des exemples.

  • TL

    Nous, on est à Lyon. On a notre propre domaine qui est près d'Avignon. Et donc, c'est vrai que c'est plus facile pour nous d'animer les vignerons qui sont dans le coin. Languedoc, etc. Ce n'est pas si loin. Sophie, qui coordonne tout le sujet filière et régénération, elle habite à Marseille. Donc, c'est... plus facile pour nous de couvrir ces zones-là. Après, on a des super bons vignerons à Bordeaux, dans le Bordelais, c'est compliqué. On fait quand même des choses. J'ai toujours ce visuel des brebis landaises qu'on a pu co-financer chez un de nos vignerons là-bas à Bordeaux. Je dirais que c'est plus les personnes qui font qu'on avance plus ou moins vite, plutôt que le territoire, même si, pour nous, c'est quand même plus facile quand c'est plus proche, parce qu'on peut y aller plus souvent, etc.

  • SG

    Du coup, vous avez monté l'entreprise en 2015, c'est ça ? Ça fait presque 10 ans ?

  • TL

    Ouais, descendre en 2015, ça fait un peu 10 ans.

  • SG

    Justement, tu n'as pas un exemple d'un viticulteur que vous avez accompagné et qui a connu un changement ? Ce serait intéressant de... Quand vous l'avez pris au départ, et aujourd'hui, c'est quoi la différence ?

  • TL

    Bonne question. J'ai un exemple en tête, pour le coup, c'est marrant, mais c'est des vignons qui ne bossent pas avec nous. Et j'aime bien cet exemple-là, parce que justement, il est venu me voir, vraiment, c'est très touchant, à Wine Paris, qui est le grand salon du vin à Paris. C'était il y a un an. Et il est venu me voir en me disant, écoute, on ne travaille pas ensemble. Mais je voulais lancer la consigne, le réemploi, moi en tant que vigneron, et vous êtes dans un sens un concurrent là-dessus. J'ai demandé à trois entités de m'aider, la seule qui m'a répondu c'est vous. Et je voulais vous remercier au nom des vignerons pour ce que vous faites pour les vignerons. Et en fait, tout ce qu'on essaie de faire avec OE, c'est vraiment jamais en tant que donneur de leçons, un peu le truc pédant, c'est toujours avec beaucoup de simplicité, et on essaie de faire des livres blancs, de partager nos bonnes pratiques. dire ce qu'on arrive à faire, dire ce qu'on arrive à ne pas faire ou pas bien faire. Cette certaine simplicité, c'est vraiment quelque chose qui est caractéristique du monde du vin, je pense. Et ça, c'est vraiment très apprécié par ce vigneron qui, du coup, a lancé le réemploi, entre autres grâce aux échanges qu'on a pu avoir avec lui. Et ça, je trouve que c'est une belle histoire aussi, de travailler, de coopérer aussi avec des compétiteurs, ou en tout cas d'autres personnes de la filière.

  • SG

    Tu l'as dit :coopérer avec des compétiteurs. Mais si on avait dit ça il y a dix ans, on aurait dit, qu'est-ce qu'il raconte ce jeune garçon ? C'est bien à entendre. Alors, du coup, ça, c'est la coopération, finalement, avec tout ce monde des vignerons. Et alors, en interne, comment tu embarques tes collaborateurs ? Alors, ça a du sens, parce que tu as dit humilité. Moi, j'ai envie de te dire, il y a aussi de la joie. Et tu n'emmènes pas les gens s'il n'y a pas de la joie.

  • TL

    Je pense qu'on arrive quand même à bien mettre la mission en avant. Pourquoi on est là ? Qu'est-ce qui nous réunit ? Personne ne nous attend pour vendre plus de vin. J'ai des supers bons vins partout au-delà de nous. Là où on est bon, c'est être acteur du changement, créer ça. Et ça, ça ne marche que parce qu'on a une culture d'entreprise qui génère ça. Vraiment, on met ça en avant tout le temps. Et de savoir ce qu'on sert, et de servir des causes qui nous dépassent, ça nous pousse à être ultra ambitieux et très humble aussi. Du coup, il y a plein de facettes à ça. Quand on est passé de B Corp, on doit être recertifié tous les trois ans. Tout le questionnaire, on le split en petits morceaux qu'on partage à toute l'équipe. On y contribue. Ou on travaille avec les OKR. Et donc, chaque mois, chaque trimestre, chaque saison, on refait la photo, y compris de l'impact du suivi, des KPIs, etc. Y compris de l'impact. Donc vraiment, tout ça, c'est très partagé. Il y a un business plan qui est partagé à tous. Il y a une vision. Il y a un drive. Tout le monde a accès à tout. On a une transparence sur les salaires. Donc, il y a vraiment ce truc de donner la confiance, donner… la transparence et donc je pense que l'équipe ça le engage de fait quoi et effectivement le mentionner le mot de la joie qui nous touche beaucoup on essaye de vivre l'action du handicap ou de la vulnérabilité en interne et ça remet aussi les pieds sur terre et quand tu travailles avec une personne qui a un handicap assez visible, du coup, tu sais aussi au quotidien pour qui, pourquoi tu te bats, ce pourquoi tu te lèves. Et j'aime vraiment bien ça, d'être assez simple là-dessus. Et je parle du handicap, mais de fait, on est tous assez vulnérables. Et quand tu peux mettre ou tu autorises ça dans le monde de l'entreprise, c'est en fait pas commun pour l'instant. Et je trouve que c'est très engageant, mais positivement engageant.

  • SG

    C'est fédérateur aussi. Les entreprises, souvent, les collaborateurs se fédèrent autour de quelqu'un qui est plus fragile.

  • TL

    Exactement.

  • SG

    Ça dynamise une équipe, c'est vrai. Alors, je ne t'ai pas posé la question du modèle économique quand même, parce que là, on parle d'un entrepreneur, donc là, on parle de la joie, on parle d'être fédérateur, d'être coopérant, mais le modèle économique, comment ça fonctionne, votre modèle ?

  • TL

    On est en train de réfléchir à la suite du modèle économique. Oui, d'accord. Mais le modèle jusqu'à présent, c'est on produit des bouteilles de vin qu'on vend. Et tu vois, l'an dernier, on a fait 400 000 bouteilles, on devrait faire x2 cette année, en 2025. Nos clients c'est à la fois Accor Hotels, Intercontinental, Club Med, Le Pain Quotidien. On a une gamme de vins différentes qui est chez Carrefour, FranPrix, Monoprix, Day by Day, etc. Et on commence à l'export avec une belle roadmap à l'export aussi d'impact. Donc ça c'est notre business model aujourd'hui. Et après on essaie d'explorer des leviers pour pouvoir nous donner 1% de chiffre d'affaires pour renaturer, restaurer la nature, etc. On voudrait passer à 2%, mieux payer nos vignerons, on voudrait être plus régénératif encore. Et donc, on explore des nouveaux modèles, des nouveaux schémas, des services, etc. On n'a pas encore lancé de choses, mais on explore ça pour essayer de mieux servir encore la mission.

  • SG

    Du coup, c'est ça l'idée. Je ne voulais pas remettre dans du régénératif. Le fait d'avoir finalement acheté un domaine, c'est aussi ça, non ? Pouvoir tester concrètement les choses ?

  • TL

    Oui, précisément. En fait, on aide nos vignerons depuis 10 ans à aller au-delà du bio. Pour autant, ça reste... à la vitesse des vignerons. Souvent, ils sont seuls ou en famille. On ne peut pas tout tester autant qu'on pourrait. Le fait de l'avoir, ça déclenche beaucoup de choses. Par exemple, ce qu'on a fait avec Accor Hotels, c'était bien plus simple de l'activer. Là, sur la régénération, il y a cette boucle avec les alchimistes, le compost, etc. C'était bien plus simple de l'activer parce que nous, on était chez nous. On a lancé les essences d'Oé avec ces plantes qu'on plante dans nos domaines. Chez nous, on plante vraiment ce qu'on veut, à la vitesse qu'on veut, etc. Et puis on a un plan de transformation dans notre domaine. On a tout budgété, il y a autour de 100 000 euros nécessaires pour vraiment des plans de restauration de la biodiversité, planter des haies, remettre des amendements sur les sols, etc. Et donc ça, on a des partenaires, par exemple le groupe Bertrand, qui est le premier groupe de restauration en France, qui flèche vers nous des budgets biodiversité pour des actions précises dans les villes dont on fait le vin, qu'on sert chez eux. Et donc ça, on commence à travailler avec des nouvelles entreprises, de notre filière ou pas forcément. pour des actions de biodiversité. Et donc ça, ça fait partie effectivement de nos tous premiers services qu'on commence à ouvrir.

  • SG

    Justement, c'est quoi pour toi l'économie régénérative ? Tiens, je te pose une colle.

  • TL

    Il y a eu tout un pan où l'économie, c'était juste on fait du business, on gagne de l'argent, on fait de la croissance. Il y a eu un pan, et on est un peu dedans, où on fait moins mal, moins de carbone, moins de déchets, moins d'eau gaspillée, moins de burn-out peut-être. Et l'économie régénérative, c'est vraiment la suite qui commence à émerger et qui est faire plus de bien. Et donc... plus de biodiversité, plus de joie, plus d'insertion, plus de transparence, plus, quoi, et pas moins. Et je trouve ça absolument passionnant de, à la fois, faire moins, moins de déchets, moins de gaspillage, et en même temps, plus. Et c'est pas l'un ou l'autre, c'est vraiment les deux en parallèle qu'il faut faire. Pour moi, c'est vraiment ça, avec peut-être deux grands aspects, à la fois biodiversité, où la biodiversité, vraiment, si on met les conditions, ça renaît, ça rejaillit, c'est hallucinant, là, on est en plein printemps, c'est... absolument magnifique de voir ça, et c'est possible, vraiment, c'est très factuel, quoi. Et sur l'humain, où vraiment, on peut créer les conditions de la joie, créer les conditions de la sérénité, etc., on voit quand même tous les chiffres des burn-out, toutes les personnes un peu désengagées, ou un peu perdues, etc., pour autant, vraiment, chacun des talents vivants, vivaces, qu'il peut mettre au profit ici ou là, et donc on peut créer des conditions pour ça. Et donc, je trouve que la régénération, c'est vraiment sur ces deux aspects-là, et il y en a peut-être d'autres encore, mais... Ces deux aspects-là sont vraiment, je trouve, hyper forts et très possibles. Nous, on les vit ici au quotidien.

  • SG

    Sans donner un conseil, mais qu'est-ce que tu pourrais dire à un dirigeant qui a envie de se lancer dans une démarche, et peu importe son activité ?

  • TL

    Je conseillerais de se poser en équipe, très posément, prendre le temps. Dans tout ça, il y a la question du temps, qu'on n'évoque pas trop parce qu'en fait, ce n'est pas très tactile, tangible, tout ça, mais la question du temps est vraiment au milieu de chacune de ces questions-là. Prendre le temps avec ton équipe, annoncer ça et dire... Franchement, on n'est pas très cohérents, on manque de ci, ça on ne fait pas si bien, mais si on s'y mettait tous ensemble. Et donc là, de sortir une batterie d'idées, des très petites choses, enlever tel scotch, enlever tel déchet, etc., ou des choses plus belles. Et par exemple, là, nous, on est en train d'activer le bureau du cœur, et donc on a un bureau dans Lyon où on va accueillir une personne SDF le soir. Voilà, ça, beaucoup de boîtes peuvent le faire. Peut-être pas toutes, mais beaucoup. Et donc, c'est des choses, des petites choses déjà qu'on peut commencer à activer. Et puis, solliciter les équipes. Je trouve qu'il y a vraiment une force du collectif là-dessus. Dans nos métiers respectifs, à la logistique, à la compta, ici ou là. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour servir ? Qu'est-ce qu'on a dans les mains ? Quelles richesses on a qu'on pourrait partager ? Vraiment, il y a ce moment-là. Et après, essayer de l'animer, etc. Et après, il y a peut-être une posture que j'aime bien, c'est de demander à nos voisins, à des investisseurs, à des personnes qu'on côtoie, Comment je peux t'aider ? Quels sont tes déchets ? Sur quoi tu bloques ? Et là, on crée des conditions de la coopération, et vraiment, ça peut être des choses très bateaux, très basiques, mais juste de se poser la question et d'essayer d'en discuter, régulièrement, on trouve des solutions. Et après, en tirant le fil, il y a des belles choses qui naissent, franchement.

  • SG

    Justement, pour presque terminer, je voulais juste que tu me donnes un éclairage ou ton regard sur la Convention des entreprises pour le climat, qui a quand même un peu contribué sur ce mouvement qui est...

  • TL

    Ouais, moi, je trouve magnifique que... De voir un mouvement qui est vraiment en mouvement, qui bouge, qui s'entraide, qui s'épaule, qui se partage les mêmes pratiques, qui se questionne aussi, qui n'est pas parfait, mais qui accepte ça et qui accepte de voir les imperfections pour les transcender, pour les dépasser, pour partager ces limites-là et trouver des solutions ou changer de business model, revoir ça. Il y a vraiment une position d'humilité que je trouve franchement géniale et de mouvement. Il y a vraiment quelque chose d'être en mouvement, de... de ne pas lancer quelque chose de parfait, mais d'essayer d'itérer pour ça. Et je trouve qu'on retrouve vraiment ça à la CEC. Et je sens aussi une belle énergie, il y a de la joie, il y a une certaine simplicité aussi d'être dans cette dynamique-là. Et je trouve ça absolument fabuleux. Et très cool aussi de voir que ce n'est pas en tant que tel que des entreprises engagées, ou de l'impact pur et dur, etc. Mais vraiment, en fait, toutes les entreprises qui sont en mesure ou qui sont appelées à vivre ce parcours-là. Et ça, je trouve ça tellement plein, je ne sais pas, à la fois d'espoir, d'énergie, de sourire. Enfin, je ne sais pas, il y a quelque chose de très puissant. Et c'est vraiment une lame de fond qui est absolument géniale. Et bravo à tous ceux qui vivent ça ou qui veulent s'y mettre. Il faut vraiment se jeter dans le bain et en avant.

  • SG

    Il y a de l'espérance, mais pour avoir de l'espérance, il faut aussi être porté par des gens. Et toi, c'est vrai que tu es un entrepreneur qui porte ce message. Quand on te cherche sur Internet. podcast THomas lemasle, on en a plein de podcasts, donc t'es vraiment un porte-parole, et moi j'ai l'impression que c'est aussi ça un peu le rôle que tu t'es donné.

  • TL

    Ouais, c'est vrai que, en fait, j'y crois, et j'ai la chance d'être dedans, vraiment, c'est une chance, et je vois les bénéfices, je vois vraiment concrètement l'impact à la fois avec le réemploi, à la fois avec le handicap, toutes ces petites facettes-là, vraiment, on peut s'en émerveiller, et peut-être que je crois que j'ai une bonne capacité d'émerveillement qui est... Cool, quoi. Et si je peux partager ça, si je peux contribuer de rendre possible ça à d'autres, pour qui c'est peut-être plus flou, plus dur, moins tangible, et ben franchement, ouais, j'aime bien ce rôle là d'essuyer les platres, montrer la voie, mais sans du tout être donneur de leçons, et allons-y ensemble, de toute façon, c'est vraiment ensemble qu'on va réussir à changer la donne.

  • SG

    Tu le portes bien. Alors justement, si t'as une baguette magique, là, c'est toujours la question avec laquelle je termine, et que tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais, toi ?

  • TL

    Il y a un sujet qui vraiment me passionne en ce moment, c'est autour du capital et je vois quand même qu'une des limites de tout ça, c'est autour du capital. Et je vois qu'il y a une capacité de capital bienveillant, de capital patient, de limites peut-être, on parle souvent des limites planétaires, mais il y a peut-être une limite aussi à l'ultra-croissance, à l'ultra-rentabilité, etc. Et donc c'est un sujet passionnant et je vois qu'il y a des pays, par exemple en Scandinavie ou en Allemagne, où il y a des structures capitalistiques vraiment différentes. Et je pense aux fondations actionnaires, il y a un sujet qui s'appelle « Steward Ownership » . Il y a des choses qui permettent aussi de changer la donne. Et on l'a mentionné, il y a le sujet du temps au milieu de tout ça. Et donc, le temps et le capital, souvent, c'est lié. Et je crois que je changerais des choses de ce côté-là.

  • SG

    Parce que changer le temps, ça va être compliqué, mais prendre le temps.

  • TL

    Prendre le temps, oui. Ou générer un capital qui prend le temps, ou qui permet le temps, en tout cas.

  • SG

    Oui, c'est ça. Et du coup, dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant ? Alors, tu es enthousiaste, donc tu es forcément confiant, mais malgré tous les défis qui nous attendent.

  • TL

    Je suis enthousiaste. et en même temps, je vis toujours les montagnes russes de l'entrepreneur et en même temps, dans l'impact, on voit l'actualité, elle est souvent un peu sournoise. Pour autant, ce qui me rend confiant, c'est que il y a quand même une lame de fond, même si les médias parlent plutôt de choses avec des guillemets négatifs, mais il y a quand même une lame de fond et qui dépasse largement le petit monde de l'impact. Vraiment, des entreprises, des grandes PME, des grandes entreprises, vraiment, qui activent des choses belles. Et ça, ça me rend très confiant parce que tu sais, on dit parfois il faut 20 à 25% des personnes qui basculent pour que l'ensemble bascule et vraiment on n'est pas loin.

  • SG

    On n'en est pas loin.

  • TL

    On y est. Et la bascule elle va être merveilleuse quoi.

  • SG

    On n'en est pas loin Thomas, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et du coup, je te remercie vraiment pour cette conversation transparente, sincère, inspirante. Et je finis toujours par une citation, et là la citation que j'ai trouvée, c'est une citation de Pierre Rabhi, bon, facile on va dire, "ce n'est pas le monde qu'il faut sauver, c'est notre manière d'y vivre". Alors encore merci Thomas, et puis à bientôt.

  • TL

    A très bientôt.

Description

Cet épisode est un peu spécial car il donne la parole à un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Cet invité, c'est Thomas Lemasle, le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne... en mouvement permanent. Une entreprise profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement.

"La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. La vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique."


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, on ouvre un format un peu spécial avec un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais il est quand même intervenu souvent, et dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Et cet invité, c'est Thomas Lemasle, qui est le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne, enfin bref, en mouvement permanent, j'allais dire. Et puis qui est profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement. Alors Thomas, bonjour.

  • TL

    Bonjour Stéphane et bonjour à tous.

  • SG

    Bon, alors Thomas, on va se tutoyer, on se connaît un peu quand même. Dans la vraie vie, c'est un hasard, on habite à 500 mètres l'un de l'autre, à Saint-Genis Laval. C'est juste incroyable, mais ce n'est pas le sujet du jour. Alors, je vais commencer par un truc d'entrée de jeu assez difficile, mais bon, comme je sais que tu es un très bon client, si je te dis vin régénératif, tu me réponds quoi, spontanément ?

  • TL

    Je réponds spontanément : faire le bien et servir. Je dirais ça. Et si tu veux que je développe, je dirais que... La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Et un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. Que la vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique. Et c'est un potentiel mais absolument génial pour faire partie de la transition et être partie de la réponse, restaurer, régénérer la biodiversité, les sols. On a une capacité ou un potentiel à faire le bien qui est absolument génial, et je trouve que c'est une chance assez unique. Toutes les filières, toutes les entreprises n'ont pas cette possibilité-là et donc c'est une possibilité qu'il faut saisir, je pense, fortement.

  • SG

    D'accord, ça commence fort. Comment tu tombes, toi, dans la magie du vin, finalement ? Parce que c'est quand même un domaine, si on n'est pas du domaine viticole, c'est pas simple, non ?

  • TL

    Oui, tout à fait. Vraiment, je suis tombé dans le vin grâce à François-Xavier, qui est mon cofondateur. Moi, j'ai fait une école d'ingé, les Arts et Métiers. J'ai bossé six ans chez L'Oréal, à Paris. Un an chez Danone, ici, près de Lyon. Et j'ai fait la formation avec Ticket for Change et HEC pour être entrepreneur du changement. J'ai tout lâché pour monter une boîte à impact sans précisément savoir laquelle. Et dans mes recherches, un peu, je suis tombé par hasard avec François-Xavier, qui, lui, était dans le vin, voulait monter un projet dans le vin pour favoriser une viticulture durable. Et on a rapidement vu qu'on était très complémentaire, lui et moi, et on fait un vrai bon duo, ce qui est une vraie chance pour nous deux et pour la boîte. Voilà, donc FX vers toutes les opérations chez nous. Et moi, je suis plutôt peut-être plus le visionnaire, le marketer et au commerce. Voilà, on fait un bel équilibre.

  • SG

    Alors, c'est quoi le déclic de l'impact ? Parce que c'est ça qui est intéressant, parce que tu es un jeune entrepreneur. Donc, c'est quoi l'impact ? Qu'est-ce qui fait que d'un coup, tu bascules et tu décides de te lancer dans quelque chose de vertueux ?

  • TL

    En fait, c'est un faisceau de plusieurs choses. Il y a un peu mon territoire plus perso. Moi, j'ai fait pas mal de scoutisme, etc. J'aime bien cette notion de servir, de voir grand, etc. Et puis, il y a une personne que j'ai rencontrée il y a longtemps maintenant, mais qui était en fin de vie et qui me dit, je ne regrette pas le mal que j'ai fait, mais le bien que je n'ai pas fait. Et ça m'a vraiment marqué en perso. Et aussi en pro, je me suis dit, ça veut dire quoi faire le bien ? Je me souviens aussi de mes cours aux Arts et Métiers où le prof d'entrepreneuriat nous disait, une entreprise a pour mission de faire de l'argent. Et direct, ça m'avait touché. Je me suis dit, mais non, en fait, il y a autre chose de plus grand, de plus beau. C'est un peu le faisceau de tout ça qui fait que quand je tombe sur ce MOOC avec Ticket for Change et HEC, je me dis, mais vraiment, ça me parle. Et si, j'avoue qu'on est en France, on a cette chance quand même d'avoir potentiellement le chômage. Avec un bon CV, on s'en sort toujours plutôt correctement, etc. Et je me suis dit, mais si moi, je ne me lance pas, franchement, qui se lancera ? Je me sentais suffisamment en sécurité pour le faire. Et vraiment, je ne regrette pas, même si c'est rude l'entrepreneuriat, d'autant plus dans l'impact.

  • SG

    C'est sûr, mais est-ce que ce qui te porte aussi, ce n'est pas ta famille nombreuse ? Tu es un papa de 4 enfants, je crois. C'est aussi ce qu'on va laisser à nos enfants, demain.

  • TL

    Oui, exactement. On dit toujours quelle planète on laisse à nos enfants et quels enfants on laisse à notre planète. C'est vrai que c'est un très bon point. J'ai eu les quatre enfants en même temps que j'ai monté OE, donc c'est tout un programme. Mais c'est vrai qu'ils nous apprennent beaucoup et puis ils remettent aussi les pieds sur terre. Quand parfois on peut se prendre la tête sur tous nos sujets d'entrepreneurs, quand le soir, on doit raconter juste une petite histoire et être juste présent, posément. Tout ça redit beaucoup aussi de pourquoi on est là.

  • SG

    Alors peut-être que maintenant, tu vas nous parler d'OE, de cette entreprise qui a un modèle un peu unique. Donc déjà, c'est quoi votre activité finalement ? On n'en a pas encore parlé.

  • TL

    OE, c'est pour Oenologie. Et OE, on est une entreprise Bcorp depuis 2017, on est une entreprise à mission et c'est un projet assez systémique. On a des produits et des expériences qu'on produit au profit du bien commun. Et donc concrètement, on est nous-mêmes viticulteurs en Vallée du Rhône. On travaille avec d'autres vignerons et vignerones pour produire les vins OE, pour produire aussi le champagne OE, qui est le seul champagne au monde qui est ET bio et Bcorp. Et puis, en janvier, on a lancé les essences d'OE, qui sont des sodas botaniques faits avec les plantes qu'on plante dans nos domaines pour restaurer les sols et la biodiversité. Et donc, c'est un projet systémique parce qu'il a quatre zones d'impact. Une, c'est tout l'aspect terroir, biodiversité, pesticides, etc., qui est franchement passionnant. L'autre, c'est plutôt... carbone et donc zéro déchet, etc. Tout ce qu'on fait c'est recyclé, recyclable, végétal. On a été les premiers dans le vin à relancer la consigne, maintenant zéro déchet, on livre en casier, coiffe consignée, plus de carton, plus de film plastique, etc. On a livré à la voile aux US, on fait la consigne à New York. Voilà, on essaie vraiment de pousser ça assez loin. Il y a tout le sujet manière de construire l'entreprise, c'est la question du handicap en interne, la transparence des salaires, la banque éthique, la joie au travail, voilà toutes ces facettes-là qui sont franchement géniales à explorer. Et la dernière zone d'impact, c'est notre écosystème. Nos clients, nos fournisseurs, nos investisseurs, nos voisins, etc. Et ça, un bel exemple de... Enfin, j'aime bien prendre cet exemple d'un drap que tu tires vers le haut et qui emmène avec lui tout ce qui l'entoure. Et tu vois, un bel exemple qu'on a mis en place là, très récemment, c'est avec Accor Hotels. Ils ont des déchets organiques dans leur cuisine. Ils en font du compost avec les alchimistes. Nous, on a reçu 70 tonnes de compost dans notre domaine, là, juste il y a quelques mois. Le domaine dont on fait le vin, qu'on sert chez Accor Hotels. Donc on essaie d'explorer de la circularité, comme ça, explorer des nouveaux schémas qui sont franchement pleins de sens, et très régionaux aussi, très locaux. Donc ces quatre zones d'impact, on essaie de les façonner avec toute l'équipe, et d'avancer, vraiment d'explorer, de tester, d'apprendre, de faire des erreurs.

  • SG

    C'est ce que j'allais dire, il doit y avoir de l'échec quand même, parce que c'est ce que tu aimes aussi en fait, c'est finalement avancer sur des pistes, enfin on n'aime pas toujours les échecs, mais ce que je veux dire c'est que c'est ce qui t'aide à aller plus loin en fait, aussi.

  • TL

    Ouais, c'est à la fois voir qu'est-ce qu'on a dans les mains qui potentiellement peut servir à d'autres, potentiellement peut être un déchet pour nous, mais une ressource pour d'autres, etc. Et aussi apprendre tout le temps, donc effectivement avoir des échecs, tester. Pendant longtemps, on a galéré sur le film plastique des palettes, on a testé des choses, ça ne marchait pas, ce n'était pas solide, les palettes tombaient, etc. Parce que les cartons de vin, c'est lourd. Et finalement, à force d'itération, on a réussi à trouver maintenant un schéma qui fonctionne bien. Mais c'est vraiment en testant plein de choses et en échouant qu'on trouve finalement les bonnes astuces.

  • SG

    En gardant en tête qu'il faut une rentabilité, on est une entreprise, on ne peut pas y couper. Et c'est souvent ce qu'on nous dit, mais ça, ce n'est pas possible ou ça va nous coûter plus cher.

  • TL

    Oui, c'est un bon point. Et nous, il y a des choses qui nous coûtent plus cher ou qui nous coûtent plus cher au début et qui au final coûtent moins cher. Par exemple, vraiment la consigne, c'est le bon exemple. Au début, vraiment, on était les seuls. Ce n'était pas du tout optimisé. Les volumes étaient tout petits, etc. Et donc, c'était vraiment un coût pour nous et humain et chaque bouteille lavée coûtait vraiment beaucoup plus cher. Et maintenant, ça nous revient moins cher. Les bouteilles lavées nous coûtent autant ou moins cher que les bouteilles neuves. Ça, c'est un bon exemple. Pareil, quand tu fais du zéro déchet, mine de rien, tu gagnes sur le carton, sur la coiffe, les films plastiques. Finalement, tu gagnes. Et tu vois, il n'y a pas de capsule sur nos vins. J'aime bien cet exemple-là. La petite capsule qui est en haut de la bouteille, qui n'est pas de l'alu, qui est du complexe d'aluminium, de la colle, du PVC et de l'alu mélangé. Ça ne se recycle pas, c'est du pur déchet. On n'en a pas, tu gagnes, je crois, 4 ou 5 centimes. Voilà, et c'est des exemples concrets de choses qui au final coûtent moins cher. Mais c'est vrai que transformer, parce que vraiment notre goal c'est de transformer, ce qu'on fait c'est d'essayer de transformer nos clients ou la consommation, etc. C'est long, c'est fastidieux, et donc il y a quand même cette question de coût ou de croissance qui n'est pas la même que quand tu vends autre chose. Et ça, il faut bien quand même l'avoir en tête et l'appréhender.

  • SG

    Moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est que tu me donnes un exemple concret d'un vigneron que tu as été voir et à qui tu as expliqué ça.

  • TL

    Alors, oui, les vignerons, c'est vraiment touchant parce qu'on a régulièrement des vignerons qui viennent un peu postuler pour qu'on puisse travailler ensemble. Nous, on les voit aussi sur différents salons et puis il y a un peu le bouche à oreille dans ce monde des vignerons avec de l'impact qui se fait. Alors nous, on a des beaux partenariats avec les vignerons. On essaie d'inscrire ça dans le temps long. On essaye toujours, avec tous nos vignerons, on travaille déjà en bio, et l'idée c'est d'aller ensemble au-delà du bio. Nous on finance l'analyse des domaines de chacun de nos vignerons par EcoFar, qui est une start-up amie, qui vient analyser les sols, analyser la biodiversité, analyser les plastiques, l'utilisation de l'eau, etc. Et donc après on a un plan d'action, domaine par domaine, et un des enjeux pour nous, qui n'est pas si simple à bien mettre en musique, mais c'est de, à la fois, essayer de co-financer les actions nécessaires, et à la fois essayer de bien les animer, pour que les vignerons ne soient pas tout seuls et juste... de leur côté à essayer d'avancer ça. Et donc ça, on a différents programmes et on teste, il y a des choses qui prennent bien, des choses qui marchent moins bien, certains qui prennent pour certains, pas pour d'autres, etc. Donc on navigue, on est une petite équipe encore, mais on essaie de faire ça bien. Et en fait, tous les vignerons avec qui on travaille, il y a évidemment le sujet du goût du vin, et évidemment, il faut que le produit soit bon. Mais il y a aussi cette volonté peut-être plus profonde d'avoir des personnes avec qui on sent qu'on pourra aller plus loin, et qui a cette volonté, et qui ne sont pas en bio pour vendre juste un peu plus cher, mais par conviction. Et du coup, le fait de pouvoir faire ce choix-là nous permet de bosser avec des vignerons qui en veulent et avancent, même si ça reste à leur rythme et qui sont souvent bien chargés de travail.

  • SG

    Il y a une histoire de territoire aussi. C'est un peu différent. Je ne sais pas, tu peux nous donner des exemples.

  • TL

    Nous, on est à Lyon. On a notre propre domaine qui est près d'Avignon. Et donc, c'est vrai que c'est plus facile pour nous d'animer les vignerons qui sont dans le coin. Languedoc, etc. Ce n'est pas si loin. Sophie, qui coordonne tout le sujet filière et régénération, elle habite à Marseille. Donc, c'est... plus facile pour nous de couvrir ces zones-là. Après, on a des super bons vignerons à Bordeaux, dans le Bordelais, c'est compliqué. On fait quand même des choses. J'ai toujours ce visuel des brebis landaises qu'on a pu co-financer chez un de nos vignerons là-bas à Bordeaux. Je dirais que c'est plus les personnes qui font qu'on avance plus ou moins vite, plutôt que le territoire, même si, pour nous, c'est quand même plus facile quand c'est plus proche, parce qu'on peut y aller plus souvent, etc.

  • SG

    Du coup, vous avez monté l'entreprise en 2015, c'est ça ? Ça fait presque 10 ans ?

  • TL

    Ouais, descendre en 2015, ça fait un peu 10 ans.

  • SG

    Justement, tu n'as pas un exemple d'un viticulteur que vous avez accompagné et qui a connu un changement ? Ce serait intéressant de... Quand vous l'avez pris au départ, et aujourd'hui, c'est quoi la différence ?

  • TL

    Bonne question. J'ai un exemple en tête, pour le coup, c'est marrant, mais c'est des vignons qui ne bossent pas avec nous. Et j'aime bien cet exemple-là, parce que justement, il est venu me voir, vraiment, c'est très touchant, à Wine Paris, qui est le grand salon du vin à Paris. C'était il y a un an. Et il est venu me voir en me disant, écoute, on ne travaille pas ensemble. Mais je voulais lancer la consigne, le réemploi, moi en tant que vigneron, et vous êtes dans un sens un concurrent là-dessus. J'ai demandé à trois entités de m'aider, la seule qui m'a répondu c'est vous. Et je voulais vous remercier au nom des vignerons pour ce que vous faites pour les vignerons. Et en fait, tout ce qu'on essaie de faire avec OE, c'est vraiment jamais en tant que donneur de leçons, un peu le truc pédant, c'est toujours avec beaucoup de simplicité, et on essaie de faire des livres blancs, de partager nos bonnes pratiques. dire ce qu'on arrive à faire, dire ce qu'on arrive à ne pas faire ou pas bien faire. Cette certaine simplicité, c'est vraiment quelque chose qui est caractéristique du monde du vin, je pense. Et ça, c'est vraiment très apprécié par ce vigneron qui, du coup, a lancé le réemploi, entre autres grâce aux échanges qu'on a pu avoir avec lui. Et ça, je trouve que c'est une belle histoire aussi, de travailler, de coopérer aussi avec des compétiteurs, ou en tout cas d'autres personnes de la filière.

  • SG

    Tu l'as dit :coopérer avec des compétiteurs. Mais si on avait dit ça il y a dix ans, on aurait dit, qu'est-ce qu'il raconte ce jeune garçon ? C'est bien à entendre. Alors, du coup, ça, c'est la coopération, finalement, avec tout ce monde des vignerons. Et alors, en interne, comment tu embarques tes collaborateurs ? Alors, ça a du sens, parce que tu as dit humilité. Moi, j'ai envie de te dire, il y a aussi de la joie. Et tu n'emmènes pas les gens s'il n'y a pas de la joie.

  • TL

    Je pense qu'on arrive quand même à bien mettre la mission en avant. Pourquoi on est là ? Qu'est-ce qui nous réunit ? Personne ne nous attend pour vendre plus de vin. J'ai des supers bons vins partout au-delà de nous. Là où on est bon, c'est être acteur du changement, créer ça. Et ça, ça ne marche que parce qu'on a une culture d'entreprise qui génère ça. Vraiment, on met ça en avant tout le temps. Et de savoir ce qu'on sert, et de servir des causes qui nous dépassent, ça nous pousse à être ultra ambitieux et très humble aussi. Du coup, il y a plein de facettes à ça. Quand on est passé de B Corp, on doit être recertifié tous les trois ans. Tout le questionnaire, on le split en petits morceaux qu'on partage à toute l'équipe. On y contribue. Ou on travaille avec les OKR. Et donc, chaque mois, chaque trimestre, chaque saison, on refait la photo, y compris de l'impact du suivi, des KPIs, etc. Y compris de l'impact. Donc vraiment, tout ça, c'est très partagé. Il y a un business plan qui est partagé à tous. Il y a une vision. Il y a un drive. Tout le monde a accès à tout. On a une transparence sur les salaires. Donc, il y a vraiment ce truc de donner la confiance, donner… la transparence et donc je pense que l'équipe ça le engage de fait quoi et effectivement le mentionner le mot de la joie qui nous touche beaucoup on essaye de vivre l'action du handicap ou de la vulnérabilité en interne et ça remet aussi les pieds sur terre et quand tu travailles avec une personne qui a un handicap assez visible, du coup, tu sais aussi au quotidien pour qui, pourquoi tu te bats, ce pourquoi tu te lèves. Et j'aime vraiment bien ça, d'être assez simple là-dessus. Et je parle du handicap, mais de fait, on est tous assez vulnérables. Et quand tu peux mettre ou tu autorises ça dans le monde de l'entreprise, c'est en fait pas commun pour l'instant. Et je trouve que c'est très engageant, mais positivement engageant.

  • SG

    C'est fédérateur aussi. Les entreprises, souvent, les collaborateurs se fédèrent autour de quelqu'un qui est plus fragile.

  • TL

    Exactement.

  • SG

    Ça dynamise une équipe, c'est vrai. Alors, je ne t'ai pas posé la question du modèle économique quand même, parce que là, on parle d'un entrepreneur, donc là, on parle de la joie, on parle d'être fédérateur, d'être coopérant, mais le modèle économique, comment ça fonctionne, votre modèle ?

  • TL

    On est en train de réfléchir à la suite du modèle économique. Oui, d'accord. Mais le modèle jusqu'à présent, c'est on produit des bouteilles de vin qu'on vend. Et tu vois, l'an dernier, on a fait 400 000 bouteilles, on devrait faire x2 cette année, en 2025. Nos clients c'est à la fois Accor Hotels, Intercontinental, Club Med, Le Pain Quotidien. On a une gamme de vins différentes qui est chez Carrefour, FranPrix, Monoprix, Day by Day, etc. Et on commence à l'export avec une belle roadmap à l'export aussi d'impact. Donc ça c'est notre business model aujourd'hui. Et après on essaie d'explorer des leviers pour pouvoir nous donner 1% de chiffre d'affaires pour renaturer, restaurer la nature, etc. On voudrait passer à 2%, mieux payer nos vignerons, on voudrait être plus régénératif encore. Et donc, on explore des nouveaux modèles, des nouveaux schémas, des services, etc. On n'a pas encore lancé de choses, mais on explore ça pour essayer de mieux servir encore la mission.

  • SG

    Du coup, c'est ça l'idée. Je ne voulais pas remettre dans du régénératif. Le fait d'avoir finalement acheté un domaine, c'est aussi ça, non ? Pouvoir tester concrètement les choses ?

  • TL

    Oui, précisément. En fait, on aide nos vignerons depuis 10 ans à aller au-delà du bio. Pour autant, ça reste... à la vitesse des vignerons. Souvent, ils sont seuls ou en famille. On ne peut pas tout tester autant qu'on pourrait. Le fait de l'avoir, ça déclenche beaucoup de choses. Par exemple, ce qu'on a fait avec Accor Hotels, c'était bien plus simple de l'activer. Là, sur la régénération, il y a cette boucle avec les alchimistes, le compost, etc. C'était bien plus simple de l'activer parce que nous, on était chez nous. On a lancé les essences d'Oé avec ces plantes qu'on plante dans nos domaines. Chez nous, on plante vraiment ce qu'on veut, à la vitesse qu'on veut, etc. Et puis on a un plan de transformation dans notre domaine. On a tout budgété, il y a autour de 100 000 euros nécessaires pour vraiment des plans de restauration de la biodiversité, planter des haies, remettre des amendements sur les sols, etc. Et donc ça, on a des partenaires, par exemple le groupe Bertrand, qui est le premier groupe de restauration en France, qui flèche vers nous des budgets biodiversité pour des actions précises dans les villes dont on fait le vin, qu'on sert chez eux. Et donc ça, on commence à travailler avec des nouvelles entreprises, de notre filière ou pas forcément. pour des actions de biodiversité. Et donc ça, ça fait partie effectivement de nos tous premiers services qu'on commence à ouvrir.

  • SG

    Justement, c'est quoi pour toi l'économie régénérative ? Tiens, je te pose une colle.

  • TL

    Il y a eu tout un pan où l'économie, c'était juste on fait du business, on gagne de l'argent, on fait de la croissance. Il y a eu un pan, et on est un peu dedans, où on fait moins mal, moins de carbone, moins de déchets, moins d'eau gaspillée, moins de burn-out peut-être. Et l'économie régénérative, c'est vraiment la suite qui commence à émerger et qui est faire plus de bien. Et donc... plus de biodiversité, plus de joie, plus d'insertion, plus de transparence, plus, quoi, et pas moins. Et je trouve ça absolument passionnant de, à la fois, faire moins, moins de déchets, moins de gaspillage, et en même temps, plus. Et c'est pas l'un ou l'autre, c'est vraiment les deux en parallèle qu'il faut faire. Pour moi, c'est vraiment ça, avec peut-être deux grands aspects, à la fois biodiversité, où la biodiversité, vraiment, si on met les conditions, ça renaît, ça rejaillit, c'est hallucinant, là, on est en plein printemps, c'est... absolument magnifique de voir ça, et c'est possible, vraiment, c'est très factuel, quoi. Et sur l'humain, où vraiment, on peut créer les conditions de la joie, créer les conditions de la sérénité, etc., on voit quand même tous les chiffres des burn-out, toutes les personnes un peu désengagées, ou un peu perdues, etc., pour autant, vraiment, chacun des talents vivants, vivaces, qu'il peut mettre au profit ici ou là, et donc on peut créer des conditions pour ça. Et donc, je trouve que la régénération, c'est vraiment sur ces deux aspects-là, et il y en a peut-être d'autres encore, mais... Ces deux aspects-là sont vraiment, je trouve, hyper forts et très possibles. Nous, on les vit ici au quotidien.

  • SG

    Sans donner un conseil, mais qu'est-ce que tu pourrais dire à un dirigeant qui a envie de se lancer dans une démarche, et peu importe son activité ?

  • TL

    Je conseillerais de se poser en équipe, très posément, prendre le temps. Dans tout ça, il y a la question du temps, qu'on n'évoque pas trop parce qu'en fait, ce n'est pas très tactile, tangible, tout ça, mais la question du temps est vraiment au milieu de chacune de ces questions-là. Prendre le temps avec ton équipe, annoncer ça et dire... Franchement, on n'est pas très cohérents, on manque de ci, ça on ne fait pas si bien, mais si on s'y mettait tous ensemble. Et donc là, de sortir une batterie d'idées, des très petites choses, enlever tel scotch, enlever tel déchet, etc., ou des choses plus belles. Et par exemple, là, nous, on est en train d'activer le bureau du cœur, et donc on a un bureau dans Lyon où on va accueillir une personne SDF le soir. Voilà, ça, beaucoup de boîtes peuvent le faire. Peut-être pas toutes, mais beaucoup. Et donc, c'est des choses, des petites choses déjà qu'on peut commencer à activer. Et puis, solliciter les équipes. Je trouve qu'il y a vraiment une force du collectif là-dessus. Dans nos métiers respectifs, à la logistique, à la compta, ici ou là. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour servir ? Qu'est-ce qu'on a dans les mains ? Quelles richesses on a qu'on pourrait partager ? Vraiment, il y a ce moment-là. Et après, essayer de l'animer, etc. Et après, il y a peut-être une posture que j'aime bien, c'est de demander à nos voisins, à des investisseurs, à des personnes qu'on côtoie, Comment je peux t'aider ? Quels sont tes déchets ? Sur quoi tu bloques ? Et là, on crée des conditions de la coopération, et vraiment, ça peut être des choses très bateaux, très basiques, mais juste de se poser la question et d'essayer d'en discuter, régulièrement, on trouve des solutions. Et après, en tirant le fil, il y a des belles choses qui naissent, franchement.

  • SG

    Justement, pour presque terminer, je voulais juste que tu me donnes un éclairage ou ton regard sur la Convention des entreprises pour le climat, qui a quand même un peu contribué sur ce mouvement qui est...

  • TL

    Ouais, moi, je trouve magnifique que... De voir un mouvement qui est vraiment en mouvement, qui bouge, qui s'entraide, qui s'épaule, qui se partage les mêmes pratiques, qui se questionne aussi, qui n'est pas parfait, mais qui accepte ça et qui accepte de voir les imperfections pour les transcender, pour les dépasser, pour partager ces limites-là et trouver des solutions ou changer de business model, revoir ça. Il y a vraiment une position d'humilité que je trouve franchement géniale et de mouvement. Il y a vraiment quelque chose d'être en mouvement, de... de ne pas lancer quelque chose de parfait, mais d'essayer d'itérer pour ça. Et je trouve qu'on retrouve vraiment ça à la CEC. Et je sens aussi une belle énergie, il y a de la joie, il y a une certaine simplicité aussi d'être dans cette dynamique-là. Et je trouve ça absolument fabuleux. Et très cool aussi de voir que ce n'est pas en tant que tel que des entreprises engagées, ou de l'impact pur et dur, etc. Mais vraiment, en fait, toutes les entreprises qui sont en mesure ou qui sont appelées à vivre ce parcours-là. Et ça, je trouve ça tellement plein, je ne sais pas, à la fois d'espoir, d'énergie, de sourire. Enfin, je ne sais pas, il y a quelque chose de très puissant. Et c'est vraiment une lame de fond qui est absolument géniale. Et bravo à tous ceux qui vivent ça ou qui veulent s'y mettre. Il faut vraiment se jeter dans le bain et en avant.

  • SG

    Il y a de l'espérance, mais pour avoir de l'espérance, il faut aussi être porté par des gens. Et toi, c'est vrai que tu es un entrepreneur qui porte ce message. Quand on te cherche sur Internet. podcast THomas lemasle, on en a plein de podcasts, donc t'es vraiment un porte-parole, et moi j'ai l'impression que c'est aussi ça un peu le rôle que tu t'es donné.

  • TL

    Ouais, c'est vrai que, en fait, j'y crois, et j'ai la chance d'être dedans, vraiment, c'est une chance, et je vois les bénéfices, je vois vraiment concrètement l'impact à la fois avec le réemploi, à la fois avec le handicap, toutes ces petites facettes-là, vraiment, on peut s'en émerveiller, et peut-être que je crois que j'ai une bonne capacité d'émerveillement qui est... Cool, quoi. Et si je peux partager ça, si je peux contribuer de rendre possible ça à d'autres, pour qui c'est peut-être plus flou, plus dur, moins tangible, et ben franchement, ouais, j'aime bien ce rôle là d'essuyer les platres, montrer la voie, mais sans du tout être donneur de leçons, et allons-y ensemble, de toute façon, c'est vraiment ensemble qu'on va réussir à changer la donne.

  • SG

    Tu le portes bien. Alors justement, si t'as une baguette magique, là, c'est toujours la question avec laquelle je termine, et que tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais, toi ?

  • TL

    Il y a un sujet qui vraiment me passionne en ce moment, c'est autour du capital et je vois quand même qu'une des limites de tout ça, c'est autour du capital. Et je vois qu'il y a une capacité de capital bienveillant, de capital patient, de limites peut-être, on parle souvent des limites planétaires, mais il y a peut-être une limite aussi à l'ultra-croissance, à l'ultra-rentabilité, etc. Et donc c'est un sujet passionnant et je vois qu'il y a des pays, par exemple en Scandinavie ou en Allemagne, où il y a des structures capitalistiques vraiment différentes. Et je pense aux fondations actionnaires, il y a un sujet qui s'appelle « Steward Ownership » . Il y a des choses qui permettent aussi de changer la donne. Et on l'a mentionné, il y a le sujet du temps au milieu de tout ça. Et donc, le temps et le capital, souvent, c'est lié. Et je crois que je changerais des choses de ce côté-là.

  • SG

    Parce que changer le temps, ça va être compliqué, mais prendre le temps.

  • TL

    Prendre le temps, oui. Ou générer un capital qui prend le temps, ou qui permet le temps, en tout cas.

  • SG

    Oui, c'est ça. Et du coup, dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant ? Alors, tu es enthousiaste, donc tu es forcément confiant, mais malgré tous les défis qui nous attendent.

  • TL

    Je suis enthousiaste. et en même temps, je vis toujours les montagnes russes de l'entrepreneur et en même temps, dans l'impact, on voit l'actualité, elle est souvent un peu sournoise. Pour autant, ce qui me rend confiant, c'est que il y a quand même une lame de fond, même si les médias parlent plutôt de choses avec des guillemets négatifs, mais il y a quand même une lame de fond et qui dépasse largement le petit monde de l'impact. Vraiment, des entreprises, des grandes PME, des grandes entreprises, vraiment, qui activent des choses belles. Et ça, ça me rend très confiant parce que tu sais, on dit parfois il faut 20 à 25% des personnes qui basculent pour que l'ensemble bascule et vraiment on n'est pas loin.

  • SG

    On n'en est pas loin.

  • TL

    On y est. Et la bascule elle va être merveilleuse quoi.

  • SG

    On n'en est pas loin Thomas, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et du coup, je te remercie vraiment pour cette conversation transparente, sincère, inspirante. Et je finis toujours par une citation, et là la citation que j'ai trouvée, c'est une citation de Pierre Rabhi, bon, facile on va dire, "ce n'est pas le monde qu'il faut sauver, c'est notre manière d'y vivre". Alors encore merci Thomas, et puis à bientôt.

  • TL

    A très bientôt.

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Description

Cet épisode est un peu spécial car il donne la parole à un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Cet invité, c'est Thomas Lemasle, le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne... en mouvement permanent. Une entreprise profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement.

"La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. La vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique."


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, on ouvre un format un peu spécial avec un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais il est quand même intervenu souvent, et dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Et cet invité, c'est Thomas Lemasle, qui est le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne, enfin bref, en mouvement permanent, j'allais dire. Et puis qui est profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement. Alors Thomas, bonjour.

  • TL

    Bonjour Stéphane et bonjour à tous.

  • SG

    Bon, alors Thomas, on va se tutoyer, on se connaît un peu quand même. Dans la vraie vie, c'est un hasard, on habite à 500 mètres l'un de l'autre, à Saint-Genis Laval. C'est juste incroyable, mais ce n'est pas le sujet du jour. Alors, je vais commencer par un truc d'entrée de jeu assez difficile, mais bon, comme je sais que tu es un très bon client, si je te dis vin régénératif, tu me réponds quoi, spontanément ?

  • TL

    Je réponds spontanément : faire le bien et servir. Je dirais ça. Et si tu veux que je développe, je dirais que... La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Et un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. Que la vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique. Et c'est un potentiel mais absolument génial pour faire partie de la transition et être partie de la réponse, restaurer, régénérer la biodiversité, les sols. On a une capacité ou un potentiel à faire le bien qui est absolument génial, et je trouve que c'est une chance assez unique. Toutes les filières, toutes les entreprises n'ont pas cette possibilité-là et donc c'est une possibilité qu'il faut saisir, je pense, fortement.

  • SG

    D'accord, ça commence fort. Comment tu tombes, toi, dans la magie du vin, finalement ? Parce que c'est quand même un domaine, si on n'est pas du domaine viticole, c'est pas simple, non ?

  • TL

    Oui, tout à fait. Vraiment, je suis tombé dans le vin grâce à François-Xavier, qui est mon cofondateur. Moi, j'ai fait une école d'ingé, les Arts et Métiers. J'ai bossé six ans chez L'Oréal, à Paris. Un an chez Danone, ici, près de Lyon. Et j'ai fait la formation avec Ticket for Change et HEC pour être entrepreneur du changement. J'ai tout lâché pour monter une boîte à impact sans précisément savoir laquelle. Et dans mes recherches, un peu, je suis tombé par hasard avec François-Xavier, qui, lui, était dans le vin, voulait monter un projet dans le vin pour favoriser une viticulture durable. Et on a rapidement vu qu'on était très complémentaire, lui et moi, et on fait un vrai bon duo, ce qui est une vraie chance pour nous deux et pour la boîte. Voilà, donc FX vers toutes les opérations chez nous. Et moi, je suis plutôt peut-être plus le visionnaire, le marketer et au commerce. Voilà, on fait un bel équilibre.

  • SG

    Alors, c'est quoi le déclic de l'impact ? Parce que c'est ça qui est intéressant, parce que tu es un jeune entrepreneur. Donc, c'est quoi l'impact ? Qu'est-ce qui fait que d'un coup, tu bascules et tu décides de te lancer dans quelque chose de vertueux ?

  • TL

    En fait, c'est un faisceau de plusieurs choses. Il y a un peu mon territoire plus perso. Moi, j'ai fait pas mal de scoutisme, etc. J'aime bien cette notion de servir, de voir grand, etc. Et puis, il y a une personne que j'ai rencontrée il y a longtemps maintenant, mais qui était en fin de vie et qui me dit, je ne regrette pas le mal que j'ai fait, mais le bien que je n'ai pas fait. Et ça m'a vraiment marqué en perso. Et aussi en pro, je me suis dit, ça veut dire quoi faire le bien ? Je me souviens aussi de mes cours aux Arts et Métiers où le prof d'entrepreneuriat nous disait, une entreprise a pour mission de faire de l'argent. Et direct, ça m'avait touché. Je me suis dit, mais non, en fait, il y a autre chose de plus grand, de plus beau. C'est un peu le faisceau de tout ça qui fait que quand je tombe sur ce MOOC avec Ticket for Change et HEC, je me dis, mais vraiment, ça me parle. Et si, j'avoue qu'on est en France, on a cette chance quand même d'avoir potentiellement le chômage. Avec un bon CV, on s'en sort toujours plutôt correctement, etc. Et je me suis dit, mais si moi, je ne me lance pas, franchement, qui se lancera ? Je me sentais suffisamment en sécurité pour le faire. Et vraiment, je ne regrette pas, même si c'est rude l'entrepreneuriat, d'autant plus dans l'impact.

  • SG

    C'est sûr, mais est-ce que ce qui te porte aussi, ce n'est pas ta famille nombreuse ? Tu es un papa de 4 enfants, je crois. C'est aussi ce qu'on va laisser à nos enfants, demain.

  • TL

    Oui, exactement. On dit toujours quelle planète on laisse à nos enfants et quels enfants on laisse à notre planète. C'est vrai que c'est un très bon point. J'ai eu les quatre enfants en même temps que j'ai monté OE, donc c'est tout un programme. Mais c'est vrai qu'ils nous apprennent beaucoup et puis ils remettent aussi les pieds sur terre. Quand parfois on peut se prendre la tête sur tous nos sujets d'entrepreneurs, quand le soir, on doit raconter juste une petite histoire et être juste présent, posément. Tout ça redit beaucoup aussi de pourquoi on est là.

  • SG

    Alors peut-être que maintenant, tu vas nous parler d'OE, de cette entreprise qui a un modèle un peu unique. Donc déjà, c'est quoi votre activité finalement ? On n'en a pas encore parlé.

  • TL

    OE, c'est pour Oenologie. Et OE, on est une entreprise Bcorp depuis 2017, on est une entreprise à mission et c'est un projet assez systémique. On a des produits et des expériences qu'on produit au profit du bien commun. Et donc concrètement, on est nous-mêmes viticulteurs en Vallée du Rhône. On travaille avec d'autres vignerons et vignerones pour produire les vins OE, pour produire aussi le champagne OE, qui est le seul champagne au monde qui est ET bio et Bcorp. Et puis, en janvier, on a lancé les essences d'OE, qui sont des sodas botaniques faits avec les plantes qu'on plante dans nos domaines pour restaurer les sols et la biodiversité. Et donc, c'est un projet systémique parce qu'il a quatre zones d'impact. Une, c'est tout l'aspect terroir, biodiversité, pesticides, etc., qui est franchement passionnant. L'autre, c'est plutôt... carbone et donc zéro déchet, etc. Tout ce qu'on fait c'est recyclé, recyclable, végétal. On a été les premiers dans le vin à relancer la consigne, maintenant zéro déchet, on livre en casier, coiffe consignée, plus de carton, plus de film plastique, etc. On a livré à la voile aux US, on fait la consigne à New York. Voilà, on essaie vraiment de pousser ça assez loin. Il y a tout le sujet manière de construire l'entreprise, c'est la question du handicap en interne, la transparence des salaires, la banque éthique, la joie au travail, voilà toutes ces facettes-là qui sont franchement géniales à explorer. Et la dernière zone d'impact, c'est notre écosystème. Nos clients, nos fournisseurs, nos investisseurs, nos voisins, etc. Et ça, un bel exemple de... Enfin, j'aime bien prendre cet exemple d'un drap que tu tires vers le haut et qui emmène avec lui tout ce qui l'entoure. Et tu vois, un bel exemple qu'on a mis en place là, très récemment, c'est avec Accor Hotels. Ils ont des déchets organiques dans leur cuisine. Ils en font du compost avec les alchimistes. Nous, on a reçu 70 tonnes de compost dans notre domaine, là, juste il y a quelques mois. Le domaine dont on fait le vin, qu'on sert chez Accor Hotels. Donc on essaie d'explorer de la circularité, comme ça, explorer des nouveaux schémas qui sont franchement pleins de sens, et très régionaux aussi, très locaux. Donc ces quatre zones d'impact, on essaie de les façonner avec toute l'équipe, et d'avancer, vraiment d'explorer, de tester, d'apprendre, de faire des erreurs.

  • SG

    C'est ce que j'allais dire, il doit y avoir de l'échec quand même, parce que c'est ce que tu aimes aussi en fait, c'est finalement avancer sur des pistes, enfin on n'aime pas toujours les échecs, mais ce que je veux dire c'est que c'est ce qui t'aide à aller plus loin en fait, aussi.

  • TL

    Ouais, c'est à la fois voir qu'est-ce qu'on a dans les mains qui potentiellement peut servir à d'autres, potentiellement peut être un déchet pour nous, mais une ressource pour d'autres, etc. Et aussi apprendre tout le temps, donc effectivement avoir des échecs, tester. Pendant longtemps, on a galéré sur le film plastique des palettes, on a testé des choses, ça ne marchait pas, ce n'était pas solide, les palettes tombaient, etc. Parce que les cartons de vin, c'est lourd. Et finalement, à force d'itération, on a réussi à trouver maintenant un schéma qui fonctionne bien. Mais c'est vraiment en testant plein de choses et en échouant qu'on trouve finalement les bonnes astuces.

  • SG

    En gardant en tête qu'il faut une rentabilité, on est une entreprise, on ne peut pas y couper. Et c'est souvent ce qu'on nous dit, mais ça, ce n'est pas possible ou ça va nous coûter plus cher.

  • TL

    Oui, c'est un bon point. Et nous, il y a des choses qui nous coûtent plus cher ou qui nous coûtent plus cher au début et qui au final coûtent moins cher. Par exemple, vraiment la consigne, c'est le bon exemple. Au début, vraiment, on était les seuls. Ce n'était pas du tout optimisé. Les volumes étaient tout petits, etc. Et donc, c'était vraiment un coût pour nous et humain et chaque bouteille lavée coûtait vraiment beaucoup plus cher. Et maintenant, ça nous revient moins cher. Les bouteilles lavées nous coûtent autant ou moins cher que les bouteilles neuves. Ça, c'est un bon exemple. Pareil, quand tu fais du zéro déchet, mine de rien, tu gagnes sur le carton, sur la coiffe, les films plastiques. Finalement, tu gagnes. Et tu vois, il n'y a pas de capsule sur nos vins. J'aime bien cet exemple-là. La petite capsule qui est en haut de la bouteille, qui n'est pas de l'alu, qui est du complexe d'aluminium, de la colle, du PVC et de l'alu mélangé. Ça ne se recycle pas, c'est du pur déchet. On n'en a pas, tu gagnes, je crois, 4 ou 5 centimes. Voilà, et c'est des exemples concrets de choses qui au final coûtent moins cher. Mais c'est vrai que transformer, parce que vraiment notre goal c'est de transformer, ce qu'on fait c'est d'essayer de transformer nos clients ou la consommation, etc. C'est long, c'est fastidieux, et donc il y a quand même cette question de coût ou de croissance qui n'est pas la même que quand tu vends autre chose. Et ça, il faut bien quand même l'avoir en tête et l'appréhender.

  • SG

    Moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est que tu me donnes un exemple concret d'un vigneron que tu as été voir et à qui tu as expliqué ça.

  • TL

    Alors, oui, les vignerons, c'est vraiment touchant parce qu'on a régulièrement des vignerons qui viennent un peu postuler pour qu'on puisse travailler ensemble. Nous, on les voit aussi sur différents salons et puis il y a un peu le bouche à oreille dans ce monde des vignerons avec de l'impact qui se fait. Alors nous, on a des beaux partenariats avec les vignerons. On essaie d'inscrire ça dans le temps long. On essaye toujours, avec tous nos vignerons, on travaille déjà en bio, et l'idée c'est d'aller ensemble au-delà du bio. Nous on finance l'analyse des domaines de chacun de nos vignerons par EcoFar, qui est une start-up amie, qui vient analyser les sols, analyser la biodiversité, analyser les plastiques, l'utilisation de l'eau, etc. Et donc après on a un plan d'action, domaine par domaine, et un des enjeux pour nous, qui n'est pas si simple à bien mettre en musique, mais c'est de, à la fois, essayer de co-financer les actions nécessaires, et à la fois essayer de bien les animer, pour que les vignerons ne soient pas tout seuls et juste... de leur côté à essayer d'avancer ça. Et donc ça, on a différents programmes et on teste, il y a des choses qui prennent bien, des choses qui marchent moins bien, certains qui prennent pour certains, pas pour d'autres, etc. Donc on navigue, on est une petite équipe encore, mais on essaie de faire ça bien. Et en fait, tous les vignerons avec qui on travaille, il y a évidemment le sujet du goût du vin, et évidemment, il faut que le produit soit bon. Mais il y a aussi cette volonté peut-être plus profonde d'avoir des personnes avec qui on sent qu'on pourra aller plus loin, et qui a cette volonté, et qui ne sont pas en bio pour vendre juste un peu plus cher, mais par conviction. Et du coup, le fait de pouvoir faire ce choix-là nous permet de bosser avec des vignerons qui en veulent et avancent, même si ça reste à leur rythme et qui sont souvent bien chargés de travail.

  • SG

    Il y a une histoire de territoire aussi. C'est un peu différent. Je ne sais pas, tu peux nous donner des exemples.

  • TL

    Nous, on est à Lyon. On a notre propre domaine qui est près d'Avignon. Et donc, c'est vrai que c'est plus facile pour nous d'animer les vignerons qui sont dans le coin. Languedoc, etc. Ce n'est pas si loin. Sophie, qui coordonne tout le sujet filière et régénération, elle habite à Marseille. Donc, c'est... plus facile pour nous de couvrir ces zones-là. Après, on a des super bons vignerons à Bordeaux, dans le Bordelais, c'est compliqué. On fait quand même des choses. J'ai toujours ce visuel des brebis landaises qu'on a pu co-financer chez un de nos vignerons là-bas à Bordeaux. Je dirais que c'est plus les personnes qui font qu'on avance plus ou moins vite, plutôt que le territoire, même si, pour nous, c'est quand même plus facile quand c'est plus proche, parce qu'on peut y aller plus souvent, etc.

  • SG

    Du coup, vous avez monté l'entreprise en 2015, c'est ça ? Ça fait presque 10 ans ?

  • TL

    Ouais, descendre en 2015, ça fait un peu 10 ans.

  • SG

    Justement, tu n'as pas un exemple d'un viticulteur que vous avez accompagné et qui a connu un changement ? Ce serait intéressant de... Quand vous l'avez pris au départ, et aujourd'hui, c'est quoi la différence ?

  • TL

    Bonne question. J'ai un exemple en tête, pour le coup, c'est marrant, mais c'est des vignons qui ne bossent pas avec nous. Et j'aime bien cet exemple-là, parce que justement, il est venu me voir, vraiment, c'est très touchant, à Wine Paris, qui est le grand salon du vin à Paris. C'était il y a un an. Et il est venu me voir en me disant, écoute, on ne travaille pas ensemble. Mais je voulais lancer la consigne, le réemploi, moi en tant que vigneron, et vous êtes dans un sens un concurrent là-dessus. J'ai demandé à trois entités de m'aider, la seule qui m'a répondu c'est vous. Et je voulais vous remercier au nom des vignerons pour ce que vous faites pour les vignerons. Et en fait, tout ce qu'on essaie de faire avec OE, c'est vraiment jamais en tant que donneur de leçons, un peu le truc pédant, c'est toujours avec beaucoup de simplicité, et on essaie de faire des livres blancs, de partager nos bonnes pratiques. dire ce qu'on arrive à faire, dire ce qu'on arrive à ne pas faire ou pas bien faire. Cette certaine simplicité, c'est vraiment quelque chose qui est caractéristique du monde du vin, je pense. Et ça, c'est vraiment très apprécié par ce vigneron qui, du coup, a lancé le réemploi, entre autres grâce aux échanges qu'on a pu avoir avec lui. Et ça, je trouve que c'est une belle histoire aussi, de travailler, de coopérer aussi avec des compétiteurs, ou en tout cas d'autres personnes de la filière.

  • SG

    Tu l'as dit :coopérer avec des compétiteurs. Mais si on avait dit ça il y a dix ans, on aurait dit, qu'est-ce qu'il raconte ce jeune garçon ? C'est bien à entendre. Alors, du coup, ça, c'est la coopération, finalement, avec tout ce monde des vignerons. Et alors, en interne, comment tu embarques tes collaborateurs ? Alors, ça a du sens, parce que tu as dit humilité. Moi, j'ai envie de te dire, il y a aussi de la joie. Et tu n'emmènes pas les gens s'il n'y a pas de la joie.

  • TL

    Je pense qu'on arrive quand même à bien mettre la mission en avant. Pourquoi on est là ? Qu'est-ce qui nous réunit ? Personne ne nous attend pour vendre plus de vin. J'ai des supers bons vins partout au-delà de nous. Là où on est bon, c'est être acteur du changement, créer ça. Et ça, ça ne marche que parce qu'on a une culture d'entreprise qui génère ça. Vraiment, on met ça en avant tout le temps. Et de savoir ce qu'on sert, et de servir des causes qui nous dépassent, ça nous pousse à être ultra ambitieux et très humble aussi. Du coup, il y a plein de facettes à ça. Quand on est passé de B Corp, on doit être recertifié tous les trois ans. Tout le questionnaire, on le split en petits morceaux qu'on partage à toute l'équipe. On y contribue. Ou on travaille avec les OKR. Et donc, chaque mois, chaque trimestre, chaque saison, on refait la photo, y compris de l'impact du suivi, des KPIs, etc. Y compris de l'impact. Donc vraiment, tout ça, c'est très partagé. Il y a un business plan qui est partagé à tous. Il y a une vision. Il y a un drive. Tout le monde a accès à tout. On a une transparence sur les salaires. Donc, il y a vraiment ce truc de donner la confiance, donner… la transparence et donc je pense que l'équipe ça le engage de fait quoi et effectivement le mentionner le mot de la joie qui nous touche beaucoup on essaye de vivre l'action du handicap ou de la vulnérabilité en interne et ça remet aussi les pieds sur terre et quand tu travailles avec une personne qui a un handicap assez visible, du coup, tu sais aussi au quotidien pour qui, pourquoi tu te bats, ce pourquoi tu te lèves. Et j'aime vraiment bien ça, d'être assez simple là-dessus. Et je parle du handicap, mais de fait, on est tous assez vulnérables. Et quand tu peux mettre ou tu autorises ça dans le monde de l'entreprise, c'est en fait pas commun pour l'instant. Et je trouve que c'est très engageant, mais positivement engageant.

  • SG

    C'est fédérateur aussi. Les entreprises, souvent, les collaborateurs se fédèrent autour de quelqu'un qui est plus fragile.

  • TL

    Exactement.

  • SG

    Ça dynamise une équipe, c'est vrai. Alors, je ne t'ai pas posé la question du modèle économique quand même, parce que là, on parle d'un entrepreneur, donc là, on parle de la joie, on parle d'être fédérateur, d'être coopérant, mais le modèle économique, comment ça fonctionne, votre modèle ?

  • TL

    On est en train de réfléchir à la suite du modèle économique. Oui, d'accord. Mais le modèle jusqu'à présent, c'est on produit des bouteilles de vin qu'on vend. Et tu vois, l'an dernier, on a fait 400 000 bouteilles, on devrait faire x2 cette année, en 2025. Nos clients c'est à la fois Accor Hotels, Intercontinental, Club Med, Le Pain Quotidien. On a une gamme de vins différentes qui est chez Carrefour, FranPrix, Monoprix, Day by Day, etc. Et on commence à l'export avec une belle roadmap à l'export aussi d'impact. Donc ça c'est notre business model aujourd'hui. Et après on essaie d'explorer des leviers pour pouvoir nous donner 1% de chiffre d'affaires pour renaturer, restaurer la nature, etc. On voudrait passer à 2%, mieux payer nos vignerons, on voudrait être plus régénératif encore. Et donc, on explore des nouveaux modèles, des nouveaux schémas, des services, etc. On n'a pas encore lancé de choses, mais on explore ça pour essayer de mieux servir encore la mission.

  • SG

    Du coup, c'est ça l'idée. Je ne voulais pas remettre dans du régénératif. Le fait d'avoir finalement acheté un domaine, c'est aussi ça, non ? Pouvoir tester concrètement les choses ?

  • TL

    Oui, précisément. En fait, on aide nos vignerons depuis 10 ans à aller au-delà du bio. Pour autant, ça reste... à la vitesse des vignerons. Souvent, ils sont seuls ou en famille. On ne peut pas tout tester autant qu'on pourrait. Le fait de l'avoir, ça déclenche beaucoup de choses. Par exemple, ce qu'on a fait avec Accor Hotels, c'était bien plus simple de l'activer. Là, sur la régénération, il y a cette boucle avec les alchimistes, le compost, etc. C'était bien plus simple de l'activer parce que nous, on était chez nous. On a lancé les essences d'Oé avec ces plantes qu'on plante dans nos domaines. Chez nous, on plante vraiment ce qu'on veut, à la vitesse qu'on veut, etc. Et puis on a un plan de transformation dans notre domaine. On a tout budgété, il y a autour de 100 000 euros nécessaires pour vraiment des plans de restauration de la biodiversité, planter des haies, remettre des amendements sur les sols, etc. Et donc ça, on a des partenaires, par exemple le groupe Bertrand, qui est le premier groupe de restauration en France, qui flèche vers nous des budgets biodiversité pour des actions précises dans les villes dont on fait le vin, qu'on sert chez eux. Et donc ça, on commence à travailler avec des nouvelles entreprises, de notre filière ou pas forcément. pour des actions de biodiversité. Et donc ça, ça fait partie effectivement de nos tous premiers services qu'on commence à ouvrir.

  • SG

    Justement, c'est quoi pour toi l'économie régénérative ? Tiens, je te pose une colle.

  • TL

    Il y a eu tout un pan où l'économie, c'était juste on fait du business, on gagne de l'argent, on fait de la croissance. Il y a eu un pan, et on est un peu dedans, où on fait moins mal, moins de carbone, moins de déchets, moins d'eau gaspillée, moins de burn-out peut-être. Et l'économie régénérative, c'est vraiment la suite qui commence à émerger et qui est faire plus de bien. Et donc... plus de biodiversité, plus de joie, plus d'insertion, plus de transparence, plus, quoi, et pas moins. Et je trouve ça absolument passionnant de, à la fois, faire moins, moins de déchets, moins de gaspillage, et en même temps, plus. Et c'est pas l'un ou l'autre, c'est vraiment les deux en parallèle qu'il faut faire. Pour moi, c'est vraiment ça, avec peut-être deux grands aspects, à la fois biodiversité, où la biodiversité, vraiment, si on met les conditions, ça renaît, ça rejaillit, c'est hallucinant, là, on est en plein printemps, c'est... absolument magnifique de voir ça, et c'est possible, vraiment, c'est très factuel, quoi. Et sur l'humain, où vraiment, on peut créer les conditions de la joie, créer les conditions de la sérénité, etc., on voit quand même tous les chiffres des burn-out, toutes les personnes un peu désengagées, ou un peu perdues, etc., pour autant, vraiment, chacun des talents vivants, vivaces, qu'il peut mettre au profit ici ou là, et donc on peut créer des conditions pour ça. Et donc, je trouve que la régénération, c'est vraiment sur ces deux aspects-là, et il y en a peut-être d'autres encore, mais... Ces deux aspects-là sont vraiment, je trouve, hyper forts et très possibles. Nous, on les vit ici au quotidien.

  • SG

    Sans donner un conseil, mais qu'est-ce que tu pourrais dire à un dirigeant qui a envie de se lancer dans une démarche, et peu importe son activité ?

  • TL

    Je conseillerais de se poser en équipe, très posément, prendre le temps. Dans tout ça, il y a la question du temps, qu'on n'évoque pas trop parce qu'en fait, ce n'est pas très tactile, tangible, tout ça, mais la question du temps est vraiment au milieu de chacune de ces questions-là. Prendre le temps avec ton équipe, annoncer ça et dire... Franchement, on n'est pas très cohérents, on manque de ci, ça on ne fait pas si bien, mais si on s'y mettait tous ensemble. Et donc là, de sortir une batterie d'idées, des très petites choses, enlever tel scotch, enlever tel déchet, etc., ou des choses plus belles. Et par exemple, là, nous, on est en train d'activer le bureau du cœur, et donc on a un bureau dans Lyon où on va accueillir une personne SDF le soir. Voilà, ça, beaucoup de boîtes peuvent le faire. Peut-être pas toutes, mais beaucoup. Et donc, c'est des choses, des petites choses déjà qu'on peut commencer à activer. Et puis, solliciter les équipes. Je trouve qu'il y a vraiment une force du collectif là-dessus. Dans nos métiers respectifs, à la logistique, à la compta, ici ou là. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour servir ? Qu'est-ce qu'on a dans les mains ? Quelles richesses on a qu'on pourrait partager ? Vraiment, il y a ce moment-là. Et après, essayer de l'animer, etc. Et après, il y a peut-être une posture que j'aime bien, c'est de demander à nos voisins, à des investisseurs, à des personnes qu'on côtoie, Comment je peux t'aider ? Quels sont tes déchets ? Sur quoi tu bloques ? Et là, on crée des conditions de la coopération, et vraiment, ça peut être des choses très bateaux, très basiques, mais juste de se poser la question et d'essayer d'en discuter, régulièrement, on trouve des solutions. Et après, en tirant le fil, il y a des belles choses qui naissent, franchement.

  • SG

    Justement, pour presque terminer, je voulais juste que tu me donnes un éclairage ou ton regard sur la Convention des entreprises pour le climat, qui a quand même un peu contribué sur ce mouvement qui est...

  • TL

    Ouais, moi, je trouve magnifique que... De voir un mouvement qui est vraiment en mouvement, qui bouge, qui s'entraide, qui s'épaule, qui se partage les mêmes pratiques, qui se questionne aussi, qui n'est pas parfait, mais qui accepte ça et qui accepte de voir les imperfections pour les transcender, pour les dépasser, pour partager ces limites-là et trouver des solutions ou changer de business model, revoir ça. Il y a vraiment une position d'humilité que je trouve franchement géniale et de mouvement. Il y a vraiment quelque chose d'être en mouvement, de... de ne pas lancer quelque chose de parfait, mais d'essayer d'itérer pour ça. Et je trouve qu'on retrouve vraiment ça à la CEC. Et je sens aussi une belle énergie, il y a de la joie, il y a une certaine simplicité aussi d'être dans cette dynamique-là. Et je trouve ça absolument fabuleux. Et très cool aussi de voir que ce n'est pas en tant que tel que des entreprises engagées, ou de l'impact pur et dur, etc. Mais vraiment, en fait, toutes les entreprises qui sont en mesure ou qui sont appelées à vivre ce parcours-là. Et ça, je trouve ça tellement plein, je ne sais pas, à la fois d'espoir, d'énergie, de sourire. Enfin, je ne sais pas, il y a quelque chose de très puissant. Et c'est vraiment une lame de fond qui est absolument géniale. Et bravo à tous ceux qui vivent ça ou qui veulent s'y mettre. Il faut vraiment se jeter dans le bain et en avant.

  • SG

    Il y a de l'espérance, mais pour avoir de l'espérance, il faut aussi être porté par des gens. Et toi, c'est vrai que tu es un entrepreneur qui porte ce message. Quand on te cherche sur Internet. podcast THomas lemasle, on en a plein de podcasts, donc t'es vraiment un porte-parole, et moi j'ai l'impression que c'est aussi ça un peu le rôle que tu t'es donné.

  • TL

    Ouais, c'est vrai que, en fait, j'y crois, et j'ai la chance d'être dedans, vraiment, c'est une chance, et je vois les bénéfices, je vois vraiment concrètement l'impact à la fois avec le réemploi, à la fois avec le handicap, toutes ces petites facettes-là, vraiment, on peut s'en émerveiller, et peut-être que je crois que j'ai une bonne capacité d'émerveillement qui est... Cool, quoi. Et si je peux partager ça, si je peux contribuer de rendre possible ça à d'autres, pour qui c'est peut-être plus flou, plus dur, moins tangible, et ben franchement, ouais, j'aime bien ce rôle là d'essuyer les platres, montrer la voie, mais sans du tout être donneur de leçons, et allons-y ensemble, de toute façon, c'est vraiment ensemble qu'on va réussir à changer la donne.

  • SG

    Tu le portes bien. Alors justement, si t'as une baguette magique, là, c'est toujours la question avec laquelle je termine, et que tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais, toi ?

  • TL

    Il y a un sujet qui vraiment me passionne en ce moment, c'est autour du capital et je vois quand même qu'une des limites de tout ça, c'est autour du capital. Et je vois qu'il y a une capacité de capital bienveillant, de capital patient, de limites peut-être, on parle souvent des limites planétaires, mais il y a peut-être une limite aussi à l'ultra-croissance, à l'ultra-rentabilité, etc. Et donc c'est un sujet passionnant et je vois qu'il y a des pays, par exemple en Scandinavie ou en Allemagne, où il y a des structures capitalistiques vraiment différentes. Et je pense aux fondations actionnaires, il y a un sujet qui s'appelle « Steward Ownership » . Il y a des choses qui permettent aussi de changer la donne. Et on l'a mentionné, il y a le sujet du temps au milieu de tout ça. Et donc, le temps et le capital, souvent, c'est lié. Et je crois que je changerais des choses de ce côté-là.

  • SG

    Parce que changer le temps, ça va être compliqué, mais prendre le temps.

  • TL

    Prendre le temps, oui. Ou générer un capital qui prend le temps, ou qui permet le temps, en tout cas.

  • SG

    Oui, c'est ça. Et du coup, dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant ? Alors, tu es enthousiaste, donc tu es forcément confiant, mais malgré tous les défis qui nous attendent.

  • TL

    Je suis enthousiaste. et en même temps, je vis toujours les montagnes russes de l'entrepreneur et en même temps, dans l'impact, on voit l'actualité, elle est souvent un peu sournoise. Pour autant, ce qui me rend confiant, c'est que il y a quand même une lame de fond, même si les médias parlent plutôt de choses avec des guillemets négatifs, mais il y a quand même une lame de fond et qui dépasse largement le petit monde de l'impact. Vraiment, des entreprises, des grandes PME, des grandes entreprises, vraiment, qui activent des choses belles. Et ça, ça me rend très confiant parce que tu sais, on dit parfois il faut 20 à 25% des personnes qui basculent pour que l'ensemble bascule et vraiment on n'est pas loin.

  • SG

    On n'en est pas loin.

  • TL

    On y est. Et la bascule elle va être merveilleuse quoi.

  • SG

    On n'en est pas loin Thomas, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et du coup, je te remercie vraiment pour cette conversation transparente, sincère, inspirante. Et je finis toujours par une citation, et là la citation que j'ai trouvée, c'est une citation de Pierre Rabhi, bon, facile on va dire, "ce n'est pas le monde qu'il faut sauver, c'est notre manière d'y vivre". Alors encore merci Thomas, et puis à bientôt.

  • TL

    A très bientôt.

Description

Cet épisode est un peu spécial car il donne la parole à un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Cet invité, c'est Thomas Lemasle, le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne... en mouvement permanent. Une entreprise profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement.

"La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. La vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique."


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de Territoire, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, on ouvre un format un peu spécial avec un invité engagé, qui n'a pas fait la CEC, mais il est quand même intervenu souvent, et dont le projet résonne fort avec nos valeurs. Et cet invité, c'est Thomas Lemasle, qui est le cofondateur de Oé, une entreprise lyonnaise, viticole, bio, zéro pesticides, en consigne, enfin bref, en mouvement permanent, j'allais dire. Et puis qui est profondément tournée vers le vivant. La mission principale d'OE est de promouvoir une agriculture durable et une consommation bienveillante, en collaborant étroitement avec des vignerons engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement. Alors Thomas, bonjour.

  • TL

    Bonjour Stéphane et bonjour à tous.

  • SG

    Bon, alors Thomas, on va se tutoyer, on se connaît un peu quand même. Dans la vraie vie, c'est un hasard, on habite à 500 mètres l'un de l'autre, à Saint-Genis Laval. C'est juste incroyable, mais ce n'est pas le sujet du jour. Alors, je vais commencer par un truc d'entrée de jeu assez difficile, mais bon, comme je sais que tu es un très bon client, si je te dis vin régénératif, tu me réponds quoi, spontanément ?

  • TL

    Je réponds spontanément : faire le bien et servir. Je dirais ça. Et si tu veux que je développe, je dirais que... La filière vin, on est un énorme problème et une énorme solution potentielle qu'il faut saisir. Et un grand problème dans le sens où le raisin, c'est le fruit le plus pesticidé, c'est 3 % de la culture en France, mais c'est 20 % des pesticides. Que la vigne, c'est magnifique, mais ça reste une monoculture parfois intensive. Et pour autant, c'est des surfaces, c'est des territoires, c'est des personnes très proches de la terre, c'est des savoir-faire, c'est absolument magique. Et c'est un potentiel mais absolument génial pour faire partie de la transition et être partie de la réponse, restaurer, régénérer la biodiversité, les sols. On a une capacité ou un potentiel à faire le bien qui est absolument génial, et je trouve que c'est une chance assez unique. Toutes les filières, toutes les entreprises n'ont pas cette possibilité-là et donc c'est une possibilité qu'il faut saisir, je pense, fortement.

  • SG

    D'accord, ça commence fort. Comment tu tombes, toi, dans la magie du vin, finalement ? Parce que c'est quand même un domaine, si on n'est pas du domaine viticole, c'est pas simple, non ?

  • TL

    Oui, tout à fait. Vraiment, je suis tombé dans le vin grâce à François-Xavier, qui est mon cofondateur. Moi, j'ai fait une école d'ingé, les Arts et Métiers. J'ai bossé six ans chez L'Oréal, à Paris. Un an chez Danone, ici, près de Lyon. Et j'ai fait la formation avec Ticket for Change et HEC pour être entrepreneur du changement. J'ai tout lâché pour monter une boîte à impact sans précisément savoir laquelle. Et dans mes recherches, un peu, je suis tombé par hasard avec François-Xavier, qui, lui, était dans le vin, voulait monter un projet dans le vin pour favoriser une viticulture durable. Et on a rapidement vu qu'on était très complémentaire, lui et moi, et on fait un vrai bon duo, ce qui est une vraie chance pour nous deux et pour la boîte. Voilà, donc FX vers toutes les opérations chez nous. Et moi, je suis plutôt peut-être plus le visionnaire, le marketer et au commerce. Voilà, on fait un bel équilibre.

  • SG

    Alors, c'est quoi le déclic de l'impact ? Parce que c'est ça qui est intéressant, parce que tu es un jeune entrepreneur. Donc, c'est quoi l'impact ? Qu'est-ce qui fait que d'un coup, tu bascules et tu décides de te lancer dans quelque chose de vertueux ?

  • TL

    En fait, c'est un faisceau de plusieurs choses. Il y a un peu mon territoire plus perso. Moi, j'ai fait pas mal de scoutisme, etc. J'aime bien cette notion de servir, de voir grand, etc. Et puis, il y a une personne que j'ai rencontrée il y a longtemps maintenant, mais qui était en fin de vie et qui me dit, je ne regrette pas le mal que j'ai fait, mais le bien que je n'ai pas fait. Et ça m'a vraiment marqué en perso. Et aussi en pro, je me suis dit, ça veut dire quoi faire le bien ? Je me souviens aussi de mes cours aux Arts et Métiers où le prof d'entrepreneuriat nous disait, une entreprise a pour mission de faire de l'argent. Et direct, ça m'avait touché. Je me suis dit, mais non, en fait, il y a autre chose de plus grand, de plus beau. C'est un peu le faisceau de tout ça qui fait que quand je tombe sur ce MOOC avec Ticket for Change et HEC, je me dis, mais vraiment, ça me parle. Et si, j'avoue qu'on est en France, on a cette chance quand même d'avoir potentiellement le chômage. Avec un bon CV, on s'en sort toujours plutôt correctement, etc. Et je me suis dit, mais si moi, je ne me lance pas, franchement, qui se lancera ? Je me sentais suffisamment en sécurité pour le faire. Et vraiment, je ne regrette pas, même si c'est rude l'entrepreneuriat, d'autant plus dans l'impact.

  • SG

    C'est sûr, mais est-ce que ce qui te porte aussi, ce n'est pas ta famille nombreuse ? Tu es un papa de 4 enfants, je crois. C'est aussi ce qu'on va laisser à nos enfants, demain.

  • TL

    Oui, exactement. On dit toujours quelle planète on laisse à nos enfants et quels enfants on laisse à notre planète. C'est vrai que c'est un très bon point. J'ai eu les quatre enfants en même temps que j'ai monté OE, donc c'est tout un programme. Mais c'est vrai qu'ils nous apprennent beaucoup et puis ils remettent aussi les pieds sur terre. Quand parfois on peut se prendre la tête sur tous nos sujets d'entrepreneurs, quand le soir, on doit raconter juste une petite histoire et être juste présent, posément. Tout ça redit beaucoup aussi de pourquoi on est là.

  • SG

    Alors peut-être que maintenant, tu vas nous parler d'OE, de cette entreprise qui a un modèle un peu unique. Donc déjà, c'est quoi votre activité finalement ? On n'en a pas encore parlé.

  • TL

    OE, c'est pour Oenologie. Et OE, on est une entreprise Bcorp depuis 2017, on est une entreprise à mission et c'est un projet assez systémique. On a des produits et des expériences qu'on produit au profit du bien commun. Et donc concrètement, on est nous-mêmes viticulteurs en Vallée du Rhône. On travaille avec d'autres vignerons et vignerones pour produire les vins OE, pour produire aussi le champagne OE, qui est le seul champagne au monde qui est ET bio et Bcorp. Et puis, en janvier, on a lancé les essences d'OE, qui sont des sodas botaniques faits avec les plantes qu'on plante dans nos domaines pour restaurer les sols et la biodiversité. Et donc, c'est un projet systémique parce qu'il a quatre zones d'impact. Une, c'est tout l'aspect terroir, biodiversité, pesticides, etc., qui est franchement passionnant. L'autre, c'est plutôt... carbone et donc zéro déchet, etc. Tout ce qu'on fait c'est recyclé, recyclable, végétal. On a été les premiers dans le vin à relancer la consigne, maintenant zéro déchet, on livre en casier, coiffe consignée, plus de carton, plus de film plastique, etc. On a livré à la voile aux US, on fait la consigne à New York. Voilà, on essaie vraiment de pousser ça assez loin. Il y a tout le sujet manière de construire l'entreprise, c'est la question du handicap en interne, la transparence des salaires, la banque éthique, la joie au travail, voilà toutes ces facettes-là qui sont franchement géniales à explorer. Et la dernière zone d'impact, c'est notre écosystème. Nos clients, nos fournisseurs, nos investisseurs, nos voisins, etc. Et ça, un bel exemple de... Enfin, j'aime bien prendre cet exemple d'un drap que tu tires vers le haut et qui emmène avec lui tout ce qui l'entoure. Et tu vois, un bel exemple qu'on a mis en place là, très récemment, c'est avec Accor Hotels. Ils ont des déchets organiques dans leur cuisine. Ils en font du compost avec les alchimistes. Nous, on a reçu 70 tonnes de compost dans notre domaine, là, juste il y a quelques mois. Le domaine dont on fait le vin, qu'on sert chez Accor Hotels. Donc on essaie d'explorer de la circularité, comme ça, explorer des nouveaux schémas qui sont franchement pleins de sens, et très régionaux aussi, très locaux. Donc ces quatre zones d'impact, on essaie de les façonner avec toute l'équipe, et d'avancer, vraiment d'explorer, de tester, d'apprendre, de faire des erreurs.

  • SG

    C'est ce que j'allais dire, il doit y avoir de l'échec quand même, parce que c'est ce que tu aimes aussi en fait, c'est finalement avancer sur des pistes, enfin on n'aime pas toujours les échecs, mais ce que je veux dire c'est que c'est ce qui t'aide à aller plus loin en fait, aussi.

  • TL

    Ouais, c'est à la fois voir qu'est-ce qu'on a dans les mains qui potentiellement peut servir à d'autres, potentiellement peut être un déchet pour nous, mais une ressource pour d'autres, etc. Et aussi apprendre tout le temps, donc effectivement avoir des échecs, tester. Pendant longtemps, on a galéré sur le film plastique des palettes, on a testé des choses, ça ne marchait pas, ce n'était pas solide, les palettes tombaient, etc. Parce que les cartons de vin, c'est lourd. Et finalement, à force d'itération, on a réussi à trouver maintenant un schéma qui fonctionne bien. Mais c'est vraiment en testant plein de choses et en échouant qu'on trouve finalement les bonnes astuces.

  • SG

    En gardant en tête qu'il faut une rentabilité, on est une entreprise, on ne peut pas y couper. Et c'est souvent ce qu'on nous dit, mais ça, ce n'est pas possible ou ça va nous coûter plus cher.

  • TL

    Oui, c'est un bon point. Et nous, il y a des choses qui nous coûtent plus cher ou qui nous coûtent plus cher au début et qui au final coûtent moins cher. Par exemple, vraiment la consigne, c'est le bon exemple. Au début, vraiment, on était les seuls. Ce n'était pas du tout optimisé. Les volumes étaient tout petits, etc. Et donc, c'était vraiment un coût pour nous et humain et chaque bouteille lavée coûtait vraiment beaucoup plus cher. Et maintenant, ça nous revient moins cher. Les bouteilles lavées nous coûtent autant ou moins cher que les bouteilles neuves. Ça, c'est un bon exemple. Pareil, quand tu fais du zéro déchet, mine de rien, tu gagnes sur le carton, sur la coiffe, les films plastiques. Finalement, tu gagnes. Et tu vois, il n'y a pas de capsule sur nos vins. J'aime bien cet exemple-là. La petite capsule qui est en haut de la bouteille, qui n'est pas de l'alu, qui est du complexe d'aluminium, de la colle, du PVC et de l'alu mélangé. Ça ne se recycle pas, c'est du pur déchet. On n'en a pas, tu gagnes, je crois, 4 ou 5 centimes. Voilà, et c'est des exemples concrets de choses qui au final coûtent moins cher. Mais c'est vrai que transformer, parce que vraiment notre goal c'est de transformer, ce qu'on fait c'est d'essayer de transformer nos clients ou la consommation, etc. C'est long, c'est fastidieux, et donc il y a quand même cette question de coût ou de croissance qui n'est pas la même que quand tu vends autre chose. Et ça, il faut bien quand même l'avoir en tête et l'appréhender.

  • SG

    Moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est que tu me donnes un exemple concret d'un vigneron que tu as été voir et à qui tu as expliqué ça.

  • TL

    Alors, oui, les vignerons, c'est vraiment touchant parce qu'on a régulièrement des vignerons qui viennent un peu postuler pour qu'on puisse travailler ensemble. Nous, on les voit aussi sur différents salons et puis il y a un peu le bouche à oreille dans ce monde des vignerons avec de l'impact qui se fait. Alors nous, on a des beaux partenariats avec les vignerons. On essaie d'inscrire ça dans le temps long. On essaye toujours, avec tous nos vignerons, on travaille déjà en bio, et l'idée c'est d'aller ensemble au-delà du bio. Nous on finance l'analyse des domaines de chacun de nos vignerons par EcoFar, qui est une start-up amie, qui vient analyser les sols, analyser la biodiversité, analyser les plastiques, l'utilisation de l'eau, etc. Et donc après on a un plan d'action, domaine par domaine, et un des enjeux pour nous, qui n'est pas si simple à bien mettre en musique, mais c'est de, à la fois, essayer de co-financer les actions nécessaires, et à la fois essayer de bien les animer, pour que les vignerons ne soient pas tout seuls et juste... de leur côté à essayer d'avancer ça. Et donc ça, on a différents programmes et on teste, il y a des choses qui prennent bien, des choses qui marchent moins bien, certains qui prennent pour certains, pas pour d'autres, etc. Donc on navigue, on est une petite équipe encore, mais on essaie de faire ça bien. Et en fait, tous les vignerons avec qui on travaille, il y a évidemment le sujet du goût du vin, et évidemment, il faut que le produit soit bon. Mais il y a aussi cette volonté peut-être plus profonde d'avoir des personnes avec qui on sent qu'on pourra aller plus loin, et qui a cette volonté, et qui ne sont pas en bio pour vendre juste un peu plus cher, mais par conviction. Et du coup, le fait de pouvoir faire ce choix-là nous permet de bosser avec des vignerons qui en veulent et avancent, même si ça reste à leur rythme et qui sont souvent bien chargés de travail.

  • SG

    Il y a une histoire de territoire aussi. C'est un peu différent. Je ne sais pas, tu peux nous donner des exemples.

  • TL

    Nous, on est à Lyon. On a notre propre domaine qui est près d'Avignon. Et donc, c'est vrai que c'est plus facile pour nous d'animer les vignerons qui sont dans le coin. Languedoc, etc. Ce n'est pas si loin. Sophie, qui coordonne tout le sujet filière et régénération, elle habite à Marseille. Donc, c'est... plus facile pour nous de couvrir ces zones-là. Après, on a des super bons vignerons à Bordeaux, dans le Bordelais, c'est compliqué. On fait quand même des choses. J'ai toujours ce visuel des brebis landaises qu'on a pu co-financer chez un de nos vignerons là-bas à Bordeaux. Je dirais que c'est plus les personnes qui font qu'on avance plus ou moins vite, plutôt que le territoire, même si, pour nous, c'est quand même plus facile quand c'est plus proche, parce qu'on peut y aller plus souvent, etc.

  • SG

    Du coup, vous avez monté l'entreprise en 2015, c'est ça ? Ça fait presque 10 ans ?

  • TL

    Ouais, descendre en 2015, ça fait un peu 10 ans.

  • SG

    Justement, tu n'as pas un exemple d'un viticulteur que vous avez accompagné et qui a connu un changement ? Ce serait intéressant de... Quand vous l'avez pris au départ, et aujourd'hui, c'est quoi la différence ?

  • TL

    Bonne question. J'ai un exemple en tête, pour le coup, c'est marrant, mais c'est des vignons qui ne bossent pas avec nous. Et j'aime bien cet exemple-là, parce que justement, il est venu me voir, vraiment, c'est très touchant, à Wine Paris, qui est le grand salon du vin à Paris. C'était il y a un an. Et il est venu me voir en me disant, écoute, on ne travaille pas ensemble. Mais je voulais lancer la consigne, le réemploi, moi en tant que vigneron, et vous êtes dans un sens un concurrent là-dessus. J'ai demandé à trois entités de m'aider, la seule qui m'a répondu c'est vous. Et je voulais vous remercier au nom des vignerons pour ce que vous faites pour les vignerons. Et en fait, tout ce qu'on essaie de faire avec OE, c'est vraiment jamais en tant que donneur de leçons, un peu le truc pédant, c'est toujours avec beaucoup de simplicité, et on essaie de faire des livres blancs, de partager nos bonnes pratiques. dire ce qu'on arrive à faire, dire ce qu'on arrive à ne pas faire ou pas bien faire. Cette certaine simplicité, c'est vraiment quelque chose qui est caractéristique du monde du vin, je pense. Et ça, c'est vraiment très apprécié par ce vigneron qui, du coup, a lancé le réemploi, entre autres grâce aux échanges qu'on a pu avoir avec lui. Et ça, je trouve que c'est une belle histoire aussi, de travailler, de coopérer aussi avec des compétiteurs, ou en tout cas d'autres personnes de la filière.

  • SG

    Tu l'as dit :coopérer avec des compétiteurs. Mais si on avait dit ça il y a dix ans, on aurait dit, qu'est-ce qu'il raconte ce jeune garçon ? C'est bien à entendre. Alors, du coup, ça, c'est la coopération, finalement, avec tout ce monde des vignerons. Et alors, en interne, comment tu embarques tes collaborateurs ? Alors, ça a du sens, parce que tu as dit humilité. Moi, j'ai envie de te dire, il y a aussi de la joie. Et tu n'emmènes pas les gens s'il n'y a pas de la joie.

  • TL

    Je pense qu'on arrive quand même à bien mettre la mission en avant. Pourquoi on est là ? Qu'est-ce qui nous réunit ? Personne ne nous attend pour vendre plus de vin. J'ai des supers bons vins partout au-delà de nous. Là où on est bon, c'est être acteur du changement, créer ça. Et ça, ça ne marche que parce qu'on a une culture d'entreprise qui génère ça. Vraiment, on met ça en avant tout le temps. Et de savoir ce qu'on sert, et de servir des causes qui nous dépassent, ça nous pousse à être ultra ambitieux et très humble aussi. Du coup, il y a plein de facettes à ça. Quand on est passé de B Corp, on doit être recertifié tous les trois ans. Tout le questionnaire, on le split en petits morceaux qu'on partage à toute l'équipe. On y contribue. Ou on travaille avec les OKR. Et donc, chaque mois, chaque trimestre, chaque saison, on refait la photo, y compris de l'impact du suivi, des KPIs, etc. Y compris de l'impact. Donc vraiment, tout ça, c'est très partagé. Il y a un business plan qui est partagé à tous. Il y a une vision. Il y a un drive. Tout le monde a accès à tout. On a une transparence sur les salaires. Donc, il y a vraiment ce truc de donner la confiance, donner… la transparence et donc je pense que l'équipe ça le engage de fait quoi et effectivement le mentionner le mot de la joie qui nous touche beaucoup on essaye de vivre l'action du handicap ou de la vulnérabilité en interne et ça remet aussi les pieds sur terre et quand tu travailles avec une personne qui a un handicap assez visible, du coup, tu sais aussi au quotidien pour qui, pourquoi tu te bats, ce pourquoi tu te lèves. Et j'aime vraiment bien ça, d'être assez simple là-dessus. Et je parle du handicap, mais de fait, on est tous assez vulnérables. Et quand tu peux mettre ou tu autorises ça dans le monde de l'entreprise, c'est en fait pas commun pour l'instant. Et je trouve que c'est très engageant, mais positivement engageant.

  • SG

    C'est fédérateur aussi. Les entreprises, souvent, les collaborateurs se fédèrent autour de quelqu'un qui est plus fragile.

  • TL

    Exactement.

  • SG

    Ça dynamise une équipe, c'est vrai. Alors, je ne t'ai pas posé la question du modèle économique quand même, parce que là, on parle d'un entrepreneur, donc là, on parle de la joie, on parle d'être fédérateur, d'être coopérant, mais le modèle économique, comment ça fonctionne, votre modèle ?

  • TL

    On est en train de réfléchir à la suite du modèle économique. Oui, d'accord. Mais le modèle jusqu'à présent, c'est on produit des bouteilles de vin qu'on vend. Et tu vois, l'an dernier, on a fait 400 000 bouteilles, on devrait faire x2 cette année, en 2025. Nos clients c'est à la fois Accor Hotels, Intercontinental, Club Med, Le Pain Quotidien. On a une gamme de vins différentes qui est chez Carrefour, FranPrix, Monoprix, Day by Day, etc. Et on commence à l'export avec une belle roadmap à l'export aussi d'impact. Donc ça c'est notre business model aujourd'hui. Et après on essaie d'explorer des leviers pour pouvoir nous donner 1% de chiffre d'affaires pour renaturer, restaurer la nature, etc. On voudrait passer à 2%, mieux payer nos vignerons, on voudrait être plus régénératif encore. Et donc, on explore des nouveaux modèles, des nouveaux schémas, des services, etc. On n'a pas encore lancé de choses, mais on explore ça pour essayer de mieux servir encore la mission.

  • SG

    Du coup, c'est ça l'idée. Je ne voulais pas remettre dans du régénératif. Le fait d'avoir finalement acheté un domaine, c'est aussi ça, non ? Pouvoir tester concrètement les choses ?

  • TL

    Oui, précisément. En fait, on aide nos vignerons depuis 10 ans à aller au-delà du bio. Pour autant, ça reste... à la vitesse des vignerons. Souvent, ils sont seuls ou en famille. On ne peut pas tout tester autant qu'on pourrait. Le fait de l'avoir, ça déclenche beaucoup de choses. Par exemple, ce qu'on a fait avec Accor Hotels, c'était bien plus simple de l'activer. Là, sur la régénération, il y a cette boucle avec les alchimistes, le compost, etc. C'était bien plus simple de l'activer parce que nous, on était chez nous. On a lancé les essences d'Oé avec ces plantes qu'on plante dans nos domaines. Chez nous, on plante vraiment ce qu'on veut, à la vitesse qu'on veut, etc. Et puis on a un plan de transformation dans notre domaine. On a tout budgété, il y a autour de 100 000 euros nécessaires pour vraiment des plans de restauration de la biodiversité, planter des haies, remettre des amendements sur les sols, etc. Et donc ça, on a des partenaires, par exemple le groupe Bertrand, qui est le premier groupe de restauration en France, qui flèche vers nous des budgets biodiversité pour des actions précises dans les villes dont on fait le vin, qu'on sert chez eux. Et donc ça, on commence à travailler avec des nouvelles entreprises, de notre filière ou pas forcément. pour des actions de biodiversité. Et donc ça, ça fait partie effectivement de nos tous premiers services qu'on commence à ouvrir.

  • SG

    Justement, c'est quoi pour toi l'économie régénérative ? Tiens, je te pose une colle.

  • TL

    Il y a eu tout un pan où l'économie, c'était juste on fait du business, on gagne de l'argent, on fait de la croissance. Il y a eu un pan, et on est un peu dedans, où on fait moins mal, moins de carbone, moins de déchets, moins d'eau gaspillée, moins de burn-out peut-être. Et l'économie régénérative, c'est vraiment la suite qui commence à émerger et qui est faire plus de bien. Et donc... plus de biodiversité, plus de joie, plus d'insertion, plus de transparence, plus, quoi, et pas moins. Et je trouve ça absolument passionnant de, à la fois, faire moins, moins de déchets, moins de gaspillage, et en même temps, plus. Et c'est pas l'un ou l'autre, c'est vraiment les deux en parallèle qu'il faut faire. Pour moi, c'est vraiment ça, avec peut-être deux grands aspects, à la fois biodiversité, où la biodiversité, vraiment, si on met les conditions, ça renaît, ça rejaillit, c'est hallucinant, là, on est en plein printemps, c'est... absolument magnifique de voir ça, et c'est possible, vraiment, c'est très factuel, quoi. Et sur l'humain, où vraiment, on peut créer les conditions de la joie, créer les conditions de la sérénité, etc., on voit quand même tous les chiffres des burn-out, toutes les personnes un peu désengagées, ou un peu perdues, etc., pour autant, vraiment, chacun des talents vivants, vivaces, qu'il peut mettre au profit ici ou là, et donc on peut créer des conditions pour ça. Et donc, je trouve que la régénération, c'est vraiment sur ces deux aspects-là, et il y en a peut-être d'autres encore, mais... Ces deux aspects-là sont vraiment, je trouve, hyper forts et très possibles. Nous, on les vit ici au quotidien.

  • SG

    Sans donner un conseil, mais qu'est-ce que tu pourrais dire à un dirigeant qui a envie de se lancer dans une démarche, et peu importe son activité ?

  • TL

    Je conseillerais de se poser en équipe, très posément, prendre le temps. Dans tout ça, il y a la question du temps, qu'on n'évoque pas trop parce qu'en fait, ce n'est pas très tactile, tangible, tout ça, mais la question du temps est vraiment au milieu de chacune de ces questions-là. Prendre le temps avec ton équipe, annoncer ça et dire... Franchement, on n'est pas très cohérents, on manque de ci, ça on ne fait pas si bien, mais si on s'y mettait tous ensemble. Et donc là, de sortir une batterie d'idées, des très petites choses, enlever tel scotch, enlever tel déchet, etc., ou des choses plus belles. Et par exemple, là, nous, on est en train d'activer le bureau du cœur, et donc on a un bureau dans Lyon où on va accueillir une personne SDF le soir. Voilà, ça, beaucoup de boîtes peuvent le faire. Peut-être pas toutes, mais beaucoup. Et donc, c'est des choses, des petites choses déjà qu'on peut commencer à activer. Et puis, solliciter les équipes. Je trouve qu'il y a vraiment une force du collectif là-dessus. Dans nos métiers respectifs, à la logistique, à la compta, ici ou là. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour servir ? Qu'est-ce qu'on a dans les mains ? Quelles richesses on a qu'on pourrait partager ? Vraiment, il y a ce moment-là. Et après, essayer de l'animer, etc. Et après, il y a peut-être une posture que j'aime bien, c'est de demander à nos voisins, à des investisseurs, à des personnes qu'on côtoie, Comment je peux t'aider ? Quels sont tes déchets ? Sur quoi tu bloques ? Et là, on crée des conditions de la coopération, et vraiment, ça peut être des choses très bateaux, très basiques, mais juste de se poser la question et d'essayer d'en discuter, régulièrement, on trouve des solutions. Et après, en tirant le fil, il y a des belles choses qui naissent, franchement.

  • SG

    Justement, pour presque terminer, je voulais juste que tu me donnes un éclairage ou ton regard sur la Convention des entreprises pour le climat, qui a quand même un peu contribué sur ce mouvement qui est...

  • TL

    Ouais, moi, je trouve magnifique que... De voir un mouvement qui est vraiment en mouvement, qui bouge, qui s'entraide, qui s'épaule, qui se partage les mêmes pratiques, qui se questionne aussi, qui n'est pas parfait, mais qui accepte ça et qui accepte de voir les imperfections pour les transcender, pour les dépasser, pour partager ces limites-là et trouver des solutions ou changer de business model, revoir ça. Il y a vraiment une position d'humilité que je trouve franchement géniale et de mouvement. Il y a vraiment quelque chose d'être en mouvement, de... de ne pas lancer quelque chose de parfait, mais d'essayer d'itérer pour ça. Et je trouve qu'on retrouve vraiment ça à la CEC. Et je sens aussi une belle énergie, il y a de la joie, il y a une certaine simplicité aussi d'être dans cette dynamique-là. Et je trouve ça absolument fabuleux. Et très cool aussi de voir que ce n'est pas en tant que tel que des entreprises engagées, ou de l'impact pur et dur, etc. Mais vraiment, en fait, toutes les entreprises qui sont en mesure ou qui sont appelées à vivre ce parcours-là. Et ça, je trouve ça tellement plein, je ne sais pas, à la fois d'espoir, d'énergie, de sourire. Enfin, je ne sais pas, il y a quelque chose de très puissant. Et c'est vraiment une lame de fond qui est absolument géniale. Et bravo à tous ceux qui vivent ça ou qui veulent s'y mettre. Il faut vraiment se jeter dans le bain et en avant.

  • SG

    Il y a de l'espérance, mais pour avoir de l'espérance, il faut aussi être porté par des gens. Et toi, c'est vrai que tu es un entrepreneur qui porte ce message. Quand on te cherche sur Internet. podcast THomas lemasle, on en a plein de podcasts, donc t'es vraiment un porte-parole, et moi j'ai l'impression que c'est aussi ça un peu le rôle que tu t'es donné.

  • TL

    Ouais, c'est vrai que, en fait, j'y crois, et j'ai la chance d'être dedans, vraiment, c'est une chance, et je vois les bénéfices, je vois vraiment concrètement l'impact à la fois avec le réemploi, à la fois avec le handicap, toutes ces petites facettes-là, vraiment, on peut s'en émerveiller, et peut-être que je crois que j'ai une bonne capacité d'émerveillement qui est... Cool, quoi. Et si je peux partager ça, si je peux contribuer de rendre possible ça à d'autres, pour qui c'est peut-être plus flou, plus dur, moins tangible, et ben franchement, ouais, j'aime bien ce rôle là d'essuyer les platres, montrer la voie, mais sans du tout être donneur de leçons, et allons-y ensemble, de toute façon, c'est vraiment ensemble qu'on va réussir à changer la donne.

  • SG

    Tu le portes bien. Alors justement, si t'as une baguette magique, là, c'est toujours la question avec laquelle je termine, et que tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais, toi ?

  • TL

    Il y a un sujet qui vraiment me passionne en ce moment, c'est autour du capital et je vois quand même qu'une des limites de tout ça, c'est autour du capital. Et je vois qu'il y a une capacité de capital bienveillant, de capital patient, de limites peut-être, on parle souvent des limites planétaires, mais il y a peut-être une limite aussi à l'ultra-croissance, à l'ultra-rentabilité, etc. Et donc c'est un sujet passionnant et je vois qu'il y a des pays, par exemple en Scandinavie ou en Allemagne, où il y a des structures capitalistiques vraiment différentes. Et je pense aux fondations actionnaires, il y a un sujet qui s'appelle « Steward Ownership » . Il y a des choses qui permettent aussi de changer la donne. Et on l'a mentionné, il y a le sujet du temps au milieu de tout ça. Et donc, le temps et le capital, souvent, c'est lié. Et je crois que je changerais des choses de ce côté-là.

  • SG

    Parce que changer le temps, ça va être compliqué, mais prendre le temps.

  • TL

    Prendre le temps, oui. Ou générer un capital qui prend le temps, ou qui permet le temps, en tout cas.

  • SG

    Oui, c'est ça. Et du coup, dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant ? Alors, tu es enthousiaste, donc tu es forcément confiant, mais malgré tous les défis qui nous attendent.

  • TL

    Je suis enthousiaste. et en même temps, je vis toujours les montagnes russes de l'entrepreneur et en même temps, dans l'impact, on voit l'actualité, elle est souvent un peu sournoise. Pour autant, ce qui me rend confiant, c'est que il y a quand même une lame de fond, même si les médias parlent plutôt de choses avec des guillemets négatifs, mais il y a quand même une lame de fond et qui dépasse largement le petit monde de l'impact. Vraiment, des entreprises, des grandes PME, des grandes entreprises, vraiment, qui activent des choses belles. Et ça, ça me rend très confiant parce que tu sais, on dit parfois il faut 20 à 25% des personnes qui basculent pour que l'ensemble bascule et vraiment on n'est pas loin.

  • SG

    On n'en est pas loin.

  • TL

    On y est. Et la bascule elle va être merveilleuse quoi.

  • SG

    On n'en est pas loin Thomas, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et du coup, je te remercie vraiment pour cette conversation transparente, sincère, inspirante. Et je finis toujours par une citation, et là la citation que j'ai trouvée, c'est une citation de Pierre Rabhi, bon, facile on va dire, "ce n'est pas le monde qu'il faut sauver, c'est notre manière d'y vivre". Alors encore merci Thomas, et puis à bientôt.

  • TL

    A très bientôt.

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